B- Administration, Gouvernance et Politique du
Système Internet
Après les développements à propos du
fonctionnement technique d'Internet, nous allons maintenant aborder l'aspect
plus « politique » de la gestion du réseau. La nature
décentralisée de l'objet le rend très difficile à
contrôler et de plus, la tendance libertaire existant depuis la
création ne rend pas facile une telle prise de contrôle. C'est
pour cela que la notion d'Administration du réseau, dans le sens d'une
gestion où l'aspect politique est pris en compte peut être
pertinente. La notion de gouvernance quant à elle sera d'abord
explicitée dans la strict cadre d'Internet et peut être
rattachée à la tendance actuelle qui a permis la création
des Sommets Mondiaux de la Société de l'Information (SMSI) et du
Forum sur la Gouvernance d'Internet (FGI). Enfin, l'aspect politique du
réseau constituera une approche transcendante de cette partie afin
d'obtenir une vision non pas seulement technique mais aussi politique et
surtout stratégique de l'articulation des différents organes se
préoccupant à la fois de la bonne marche d'Internet et de son
devenir.
Aussi, nous nous intéresserons dans un premier temps
à l'ICANN qui constitue la structure principale dans le Système
Internet avant de revenir sur les SMSI, leurs conséquences et plus
particulièrement sur le FGI.
a) Une structure contestée : l'ICANN
Fondée en 98 et baptisée par J. POSTEL, l'ICANN
est une entreprise à but non lucratif de droit privé californien.
Cette première information a son importance. En effet, l'installation en
Californie provient en partie de la possibilité légale, rarement
offerte ailleurs, de créer des firmes à but non lucratif. Comme
on se le rappelle, l'ICANN a d'abord constitué la solution aux
problèmes de passation des contrats qui se posait au Département
américain du Commerce. C'est pour cette raison qu'il fallait qu'elle
soit une entreprise et non pas une simple association ou une agence de l'Etat.
L'aspect non-lucratif permet de garder un certain idéal dans la gestion
d'Internet, justement par ailleurs soumis aux règles du jeu
économique.
La mission première de l'ICANN est essentiellement
technique : son mandat est limité à la gestion du service DNS,
des noms de domaine et aux évolutions techniques que l'on peut y
apporter35. L'aspect « gestionnaire » lui permet de passer
les contrats nécessaires avec les entreprises souhaitant avoir une
gestion commerciale de certains noms de domaine. C'est l'exemple du .com dont
la gestion est assurée par Verisign. Cependant, la
nécessité de mise à jour de la racine (root dans l'Annexe
1) a pour conséquence une persistance des relations avec l'ICANN.
Autrement dit, les registry36 comme Verisign doivent un certain
nombre de contreparties contractuelles à l' ICAN N.
Par ailleurs, la multiplication des revendications politiques
liées à certain sujets37 a obligé l'ICANN
à se saisir de certains problèmes politiques et à les
intégrer dans son administration du DNS. C'est pourquoi par exemple, il
y a longtemps eu débat autour du .xxx et que finalement, l'ICANN s'est
prononcé contre alors même que les propositions commerciales
autour étaient cohérentes et auraient permis la création
et une gestion correcte de ce domaine38.
Cependant, si les critiques adressées à Internet
sont souvent ciblés contre l'ICANN, cela démontre avant tout une
méconnaissance de toutes les organisations existant autour. On
35 DNSSEC par exemple est une innovation relativement
récente censée permettre une meilleure sécurisation
à la fois des serveurs mais aussi du service.
36 Les registry sont les entreprises chargées de la
gestion d'un GTLD. A un niveau inférieur, les registrar se chargent de
la vente de ces différents GTLD directement au client lambda.
37 Notamment le cas du point .xxx pour les sites à contenu
pornographique.
38 Eléments provenant de l'entretien réalisé
avec la représentante de l'ICANN, Mme INNE.
peut affirmer qu'il existe une sorte d'univers autour de
l'ICANN constitué d'un certain nombre d'entités que nous allons
décrire maintenant.
La première organisation à laquelle nous allons
nous intéresser est l'ISOC ou Internet Society. Fondée en 1992 et
basée à Reston aux Etats-Unis, on peut l'assimiler à une
association de par le simple fait que toute personne qu'elle soit physique ou
morale peut faire partie de l'ISOC. Répartie dans un grand nombre de
pays, son but principal est de promouvoir Internet, la coordination et
l'interconnexion. L'oublier aurait été une erreur en raison du
nombre relativement important de membres individuels, 20 000 et surtout du
nombre d'organisations membres, 100. C'est pour ces deux raisons que l'ISOC se
définit comme une organisation internationale.
Concernant l'ICANN, il faut savoir qu'en parallèle de
cette organisation existent deux structures en parallèle. La
première de ces structures est l'IETF ou encore Internet Engineering
Task Force dont le but premier est de travailler sur les évolutions
techniques de demain. L'IANA ou Internet Assigned Number Authority, a pour
tâche la gestion technique des IP, la mise à jour de la racine et
autres procédures technique nécessaires.
A propos de la structure interne de l'ICANN, on peut
établir un schéma hiérarchique. La tête étant
constituée d'un Conseil d'Administration (souvent appelée «
Board ») à côté duquel travaille un Ombudsman,
appellation fort ancienne de ce qui est aujourd'hui en France, un
médiateur comme le Médiateur de la République.
Le niveau immédiatement inférieur de l'ICANN est
constitué d'une équipe de 60 personnes qui constituent le
personnel en tant que tel de la société. A sa tête, un
Président, actuellement Paul TWOMEY depuis mars 2003.
A la suite de ces organes appartenant en propre à
l'ICANN, foisonnent plusieurs comités dont les rôles sont
très divers et qui couvrent la totalité des questions techniques
et politiques d'Internet. Les voici :
ASO - Adress Supporting Organisation : Il s'agit du
comité central de gestion de la distribution des adresses IP dans le
monde. Par ailleurs, cette distribution est faite au sein de 5 régions
divisant le globe à l'intérieur desquelles agissent des RIR
(Registre Internet Régional), qui gèrent cette distribution pour
la région en question. Ces divisions correspondent aux cinq continents
et celui de l'Eu rope est nommé RIPE.
GNSO - Generic Name Supporting Organisation : Le but de ce
comité est de traiter toutes les questions politiques liées au
GTLSD. A l'intérieur de cette structure, il existe un grand
nombre d'autres comités plus spécialisés
qui vont se charger de la question de la propriété
intellectuelle, des questions liées au FAI ou ISP39.
CCNSO - Country Code Name Supporting Organisation : Ce
comité est le pendant du précédent. Il va traiter de
questions équivalentes bien que plus spécialisées car
dépendant des Etats. Cependant, il n'est pas question de
représentation des Etats en tant que tel ici.
GAC - Gouvernmental Advisory Commitee : C'est au coeur de ce
comité que les gouvernements vont avoir un siège et un droit de
parole. En revanche, ils n'ont pas réellement de pouvoir de
décision, seulement un pouvoir de recommandation. C'est ici que vont
être abordées certaines des grandes questions qui touchent
actuellement Internet.
Les derniers comités (SSAC, RSSAC et TAG) constituent
des comités à vocation essentiellement techniques. On va y
discuter des spécifications techniques liées à la
sécurité par exemple.
Société à but non lucratif, l'ICANN ne
bénéficie d'aucune aide du gouvernement américain. En
effet, elle est financée en fait au niveau des registry (comme Verisign)
qui leur reversent une commission sur tous les noms de domaines vendus. Par
ailleurs, les contrats prévoient aussi des frais d'accréditation,
d'enregistrement...Les pays dont le nombre de nom de domaine est très
important participent parfois de façon aléatoire en octroyant
certains montants. C'est notamment le cas de l'Allemagne, second pays
consommateur de noms de domaines avec 11 millions de .de.
Après cet exposé sur l'ICANN, il est important
de savoir que n'importe qui, qu'il soit simple citoyen ou bien Etat ou encore
entreprise peut participer aux réunions de l'ICANN.40
|