4 ETAT CONFUSIONNEL AIGU : NOTIONS THEORIQUES
4.1 EPIDEMIOLOGIE
L'épidémiologie de l'ECA est un sujet complexe
dont les enjeux ont bien été mis en perspective par plusieurs
revues, qu'il nous a paru utile de résumer ici même si elles n'ont
pas employé de recherche systématique de littérature et
n'ont pas évalué la qualité des études de
manière formelle (52-54).
Premièrement, les changements des critères
diagnostiques au cours du temps, en particulier des versions successives du DSM
et de la CIM, de même que la variation dans les instruments
utilisés pour dépister, diagnostiquer et coter la
sévérité de l'ECA diminuent la valeur des comparaisons
entre les différentes études. L'usage alternatif d'entretiens
psychiatriques libres, semi standardisés ou standardisés
contribue également à cette limitation. Par ailleurs, les
populations étudiées proviennent de différents services
hospitaliers ou ambulatoires et diffèrent fortement en termes
d'âge et de morbidité. Ces différences sont souvent mal
documentées. Finalement, pour étudier la prévalence et
l'incidence de l'ECA, des études longitudinales avec des mesures
répétées sont indispensables en raison de la fluctuation
des symptômes. Cela présuppose une infrastructure lourde qui n'est
souvent pas disponible.
Les conclusions de ces revues sont les suivantes. L'ECA est
un syndrome fréquent chez les patients âgés
hospitalisés. Des différences importantes sont cependant
notées entre les différentes études, en raison des
limitations évoquées plus haut. A l'avenir, l'utilisation plus
fréquente de critères diagnostiques fixes et de méthodes
standardisées pour détecter et diagnostiquer l'ECA devrait
permettre d'obtenir une meilleure homogénéité dans les
chiffres de prévalence et d'incidence. Le cours et la
phénoménologie de l'ECA sont moins bien connus, en particulier en
raison de l'absence jusqu'à récemment d'instrument valide et
fiable pour les documenter de manière systématique et sur une
base quotidienne. Les conséquences de l'ECA ont finalement
été largement étudiées et un faisceau
d'études convergentes montre des taux de mortalité plus
importants, une durée de séjour allongée et un taux
d'institutionnalisation plus élevé chez les patients atteints
d'ECA. Dans ces différents travaux cependant, les facteurs confondants
n'ont généralement pas été contrôlés
de manière adéquate. L'ECA peut donc être
considéré avec certitude comme un marqueur de mauvais pronostic
mais pas forcément comme un facteur prédictif indépendant
de mauvais pronostic.
4.1.1 Prévalence de l'ECA à l'hôpital
général
L'ECA est une pathologie fréquente en milieu
hospitalier aigu. Dans des études récentes, la prévalence
à l'admission varie de 11 à 33%, et l'incidence durant le
séjour de 3 à 42% (55-60). Les résultats d'une revue de
1999 (52) suggèrent que l'ECA touche 10 à 15% des patients des
services de médecine ou de chirurgie générale à un
moment ou un autre de leur hospitalisation, ce pourcentage s'élevant en
fonction de l'âge des patients étudiés. De leur
côté, les RPC de l'American Psychiatric Association (18)
mentionnent une prévalence de 10 à 30 % chez le patient
hospitalisé et de 10 à 40% chez la personne âgée
hospitalisée. L'évolution des chiffres de prévalence et
d'incidence dans le temps est difficilement évaluable en raison des
différences méthodologiques mentionnées plus haut.
Cependant, le vieillissement démographique et la poly-morbidité
croissante des patients hospitalisés en milieu somatique qui en
découle permettent de supposer que les praticiens seront
confrontés de plus en plus souvent à l'ECA.
Diverses études se sont intéressées
spécifiquement à la prévalence de l'ECA dans certains
services. Aux soins intensifs, une revue de 2001 (61) mentionne des
prévalences allant de 7 à 72% selon les études. Il faut
relever cependant qu'il existe pour les soins intensifs un manque de
données valables en raison du grand nombre d'études ne prenant
pas en compte les patients intubés et donc incapables de communiquer. A
l'hôpital psychiatrique, une étude récente (62) a
montré une faible incidence de l'ECA à l'admission et par la
suite lors du séjour. Dans les EMS par contre, on note 15% de
prévalence chez les nouvellement admis (63) et entre 40 et 60% pendant
le séjour (64;65). Chez les patients oncologiques ou HIV positifs, la
prévalence de l'ECA varie entre 8% et 85% en fonction de l'âge et
de la co-morbidité (66;67). Dans les services de soins palliatifs, la
probabilité de développer un ECA varie selon les études
entre 34% et 88% (66;68-71), des évaluations
fréquentes étant clairement associées à une
prévalence plus haute (72).
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