Le rôle des Organisations Non Gouvernementales
dans le développement du Droit International de
l'Environnement.
Par Sedar senghor Nouwezem, Doctorant en droit International a
l'Universite de Yaounde II, MBA student in School of technology and management
of London
senghoriste@yahoo.fr
INTRODUCTION :
Né d'une prise de conscience internationale devenu par
la suite planétaire, le droit international de l'environnement (DIE) a
, contrairement au processus traditionnel de fabrication des normes du droit
international ,introduit une innovation dans l'entreprise de production du
droit :la démocratie participative. En effet, cette innovation
démocratique correspond à
l'hétérogénéité croissante de la
société internationale qui compte, à côté des
Etats et des organismes internationaux, des organisations publiques
internationales et mêmes internes, des entreprises et des ONG1(*). Ces nouveaux acteurs du droit
international de l'environnement et plus particulièrement les ONG font
progressivement « craquer le moule traditionnel du droit
international classique » et participent activement au
développement du droit international de l'environnement. Ainsi il
paraît important pour nous ici de focaliser notre attention sur le
phénomène ONG pour mieux comprendre son rôle dans le
développement du droit international de l'environnement. En fait quel
est l'apport de ces ONG dans la diplomatie multilatérale
écologique? Quel est leur rôle ou mieux leur place dans le
développement du droit international de l'environnement? En effet, les
ONG ont pris et continuent de prendre une part importante à la
diplomatie écologique ; ils interviennent à des niveaux
différents et par des méthodes variées et ceci de
façon significative tant à l'élaboration (I) qu'à
la mise en oeuvre des normes droit international de l'environnement (II).
L'activisme des ONG dans la formation du Droit
International de l'Environnement
Traditionnellement, l'élaboration des normes juridiques
est l'oeuvre exclusive soit des Etats et accessoirement des organismes
internationaux dans l'ordre juridique international classique, soit des organes
institués, habilités à édicter des règles de
droit dans l'ordre juridique interne des Etats2(*). Mais eu égard à la
nécessité de protection de l'environnement, les ONG vont
intervenir dans l'entreprise de production du droit. Cette intervention des ONG
à la dynamique du droit international de l'environnement s'est faite de
diverses manières et ce, à des degrés
différents :De la participation à l'alerte sur l'état
de l'environnement(A), aux négociations et compromis des normes du droit
international de l'environnement (B).
La participation par l'alerte sur l'état de
l'environnement
A partir des années 1960, l'opinion publique est
devenue de plus en plus sensible à la cause de l'environnement. Les ONG
ont conduit à poser les problèmes de l'environnement en attirant
l'attention du public sur les périls, en dénonçant les
effets pervers et néfastes de certains types de production et/ou de
consommation sur l'environnement, bref elles façonnent l'opinion
publique et stimulent une prise de conscience environnementale3(*).
Aussi, pour que le droit international de l'environnement
soit un « droit consenti plutôt qu'imposé »
les décideurs doivent pouvoir être constamment informés des
besoins réels des populations. En effet, l'information étant le
plus sûr moyen d'éclairer les choix et de donner une certaine
acceptabilité aux décisions prises, elle permettra ainsi aux ONG
d'acquérir un plus grand nombre d'adhérents possible à la
cause de l'environnement4(*). En outre, le pouvoir de sensibilisation et
d'information des décideurs et du public par les ONG fait logiquement
suite à l'obligation qui pèse sur les Etats de mettre à la
disposition des citoyens des informations relatives à l'environnement
qu'ils détiennent5(*). Ainsi, plusieurs moyens sont utilisés à
cet effet par les ONG: publications des périodiques, tenue des
séminaires et ateliers de formation, à travers les masses
médias.
En revanche, s'il est vrai que les populations locales vivent
essentiellement des ressources forestières, il est non moins vrai que
celles-ci peuvent constituer des agents
« écocides »tant par la destruction qu'elles causent
que par les pollutions qu'elles engendrent, si et seulement si les ONG
n'interviennent pas pour les conseiller, les conscientiser quant aux risques
que comporte chacune de leurs actions contre l'environnement. Les ONG
apparaissent alors comme « le relais
privilégié » pour collecter les informations
auprès des pouvoirs publics et pour faire remonter vers eux des
renseignements recueillis auprès des administrés. Il ne saurait
être autrement dans la mesure où l'information est une condition
préalable pour une participation pleine et viable des acteurs
environnementaux à la gestion de la biodiversité.
B -Participation des ONG aux négociations et
compromis sur les normes du Droit international de l'environnement
L'influence des ONG dépend ici de leur offre en
expertise et de l'avis de l'opinion publique. En effet, de plus en plus
souvent, les ONG participent activement à l'élaboration des
textes internationaux soit en soumettant aux réunions officielles des
projets et propositions de normes (1), soit en assistant aux
négociations en tant que observateurs ou même parfois en tant que
membres de délégations nationales 6(*)(2).
L'ONG en tant que expert et consultant dans la diplomatie
écologique
Multilatérale.
Par leur expertise et ténacité, les ONG offrent
leurs services dans l'élaboration des normes du droit international de
l'environnement. En effet, nombreux sont les experts d'ONG,
désignés généralement par certaines institutions
internationales (FAO, PNUD, PNUE, BIRD) qui interviennent dans
l'élaboration des législations nationales, communautaires et
régionales en matière de protection de l'environnement. Ces
experts sont les véritables auteurs des textes qu'ils moulent suivant
des standards désormais universels7(*) ; c'est le cas de l'expertise fournie par
certaines institutions non gouvernementales telles que le WWF, l'UICN8(*).
En effet, après la grande mobilisation des O NG
à l'occasion du sommet de RIO, ce rôle s'est accru et l'on
s'achemine vers une plus grande prise en considération des ONG qui sont
de plus en plus professionnalisées9(*). Elles connaissent mieux les populations et
constituent des consultants de choix dans le cadre de l'élaboration des
programmes environnementaux. Certains de ces ONG sont même
constitués de techniciens chevronnés en la matière,
d'autres au regard de leurs objectifs spécifiques apparaissent comme des
partenaires idoines pour toute réglementation appropriée en
certaines matières.
Le travail d'expertise des ONG peut aller loin dans les cas
où celles-ci deviennent purement des « législateurs
environnementaux » et dans ce cas, elles élaborent de
nouvelles règles à proposer aux gouvernements ; qui peuvent
être des recommandations ou déclarations dépourvues de
caractère formellement obligatoire pouvant être reprises et/ou
transformées entièrement ou partiellement en règles
conventionnelles. En tout état de cause, ces textes de recommandations
peuvent influencer sur le processus d'adoption d'un texte juridique si les
gouvernements le jugent nécessaire ou concourir à la fermentation
des idées qui sont à la base des progrès du droit
international de l'environnement et dans une certaine mesure, inspirer les
politiques nationales de protection de l'environnement.
2 - L'ONG en tant qu'observateur dans la diplomatie
multilatérale écologique
L'influence des ONG dans les négociations
internationales dépend de la possibilité qu'elles ont de
consulter des responsables politiques et la documentation concernant
l'état d'avancement des négociations. En effet, la
présence des ONG en tant qu'observateurs aux séances publiques
des conférences des Etats parties contribue à faire
évoluer en profondeur le contenu des discussions et
intérêts pris en compte.
De plus, les ONG peuvent nouer des contacts avec les
secrétariats et les parties à la convention10(*)et leurs études,
rapports ou propositions pourraient influencer significativement les
décisions des parties contractantes. Aussi dans la même logique,
les ONG peuvent demander qu'une question soit inscrite dans un programme de
travail pour être étudié officiellement et de ce fait
influencer fortement l'orientation des débats de par leurs
activités et informations dont elles disposent.
De nos jours beaucoup d'ONG sont associés à
l'élaboration des politiques environnementales tant au niveau
national11(*)
qu'international. En effet, selon le plan d'action global encore
appelé « Action 21 »les ONG
« possèdent une expérience, une compétence et
des capacités solides et diverses dans les domaines qui
présentent un intérêt pour l'application et le suivi des
programmes du développement durable écologiquement rationnels et
socialement responsables ». Qu'est est-il au niveau de la mise en
oeuvre ?
II - Une participation croissante et dynamique dans la
mise en oeuvre du DIE
Cette participation se manifeste à travers la veille et
surveillance de l'application des normes du droit international de
l'environnement par les Etats parties (A) et à travers le contrôle
de la mise en oeuvre des règles dudit droit (B).
La surveillance et la veille de l'application des normes
du DIE
Les ONG jouent un rôle clef pour la mise en place des
traités environnementaux. En fait, leur participation aux
secrétariats des conventions leurs permet de contrôler
l'exécution pour les Etats, des engagements qu'ils ont pris12(*). Il s'agit ici pour les Ong de
s'assurer que les pays tiennent leurs engagements par la mise en oeuvre
concrète au niveau national des accords internationaux en la
matière. Grâce à leurs activités de veille, elles
révèlent les difficultés de la mise en oeuvre ou les
violations dans certains Etats. En outre, les tentatives des ONG pour s'assurer
de l'exécution des engagements pris doivent être indirectes en
mettant en évidence par exemple le non respect des engagements par le
biais des protestations ou des dénonciations auprès des
autorités ou des médias. Lorsque ces tentatives
réussissent, elles sont une preuve de l'ingéniosité des
ONG en la matière. Toujours est-il que beaucoup d'ONG participe de nos
jours au suivi des traités, contribuant ainsi à améliorer
les mécanismes de contrôle.
B - Le contrôle de l'exécution des
engagements et obligations internationaux pris
La reconnaissance d'ONG comme acteurs du droit international
de l'environnement induit pour eux le droit d' »accès effectif
à des actions judiciaires et administratives... ». Le droit de
recours des ONG est alors une conséquence logique du droit à
l'environnement. Dans ce sillage, les ONG jouent un
rôle croissant dans les procédures internationales de
contrôle ; les prétoires internationaux13(*)s'ouvrent progressivement
à elles. Le juge européen est plus sollicité en ce
sens14(*).
Dans le système de la convention de Berne de 1979, les
ONG se sont vues reconnaître un véritable « droit de
pétition » et peuvent déclencher par leurs courriers,
l'ouverture des dossiers concernant certains Etats. Aussi, dans le cadre de
l'ALENA(
Accord de
libre-échange nord-américain), elles peuvent
adresser des communications au secrétariat de la commission de la
coopération environnementale, alléguant que l'un des trois Etats
n'assure pas l'application de sa propre législation environnementale.
Ces communications peuvent aboutir à l'ouverture de
« dossiers »ou à la conduite d'enquêtes.
Quoiqu'il en soit, les ONG se considèrent aujourd'hui
comme des « tuteurs légaux » des
intérêts écologiques, ce qui leur permet de porter devant
les tribunaux, les affaires impliquant des intérêts
écologiques. Depuis la conférence de RIO, les tribunaux de
nombreux pays ont été de plus en plus ouverts aux interventions
des ONG ; les affaires examinées portant aussi bien sur les
litiges d'inobservation des dispositions adoptées que sur la protection
des droits fondamentaux.
Aussi, la stigmatisation d'un Etat par la publication des
rapports dans les résolutions ou même des débats lors des
conférences des parties est renforcée par la présence des
ONG qui servent de relais auprès de l'opinion publique et, comme le
précise le PNUD dans son rapport sur le développement
humain15(*), »le
pouvoir de faire honte est la seule arme dont dispose les organisations de la
société civile, mais cette arme peut être
redoutable » car elle contribue à dégrader l'image de
l'Etat fautif.
Au terme de notre analyse, que devons-nous conclure ?
Disons tout simplement que les ONG ont joué et continuent à jouer
un rôle très important de création, d'information, de
dénonciation des problèmes non traités, de contrôle
de la mise en oeuvre du DIE.
En effet, si elle n'est pas toujours facilement mesurable,
l'influence des ONG dans le processus normatif international du droit
international de l'environnement est indéniable ; parfois
innovatrice, parfois simple observateur16(*), elles contribuent significativement à
l'émergence et au développement du droit international de
l'environnement.
« Gardienne de la conscience » de la
communauté morale internationale naissante, leur activités
à l'intérieur et à l'extérieur des salles de
conférences montrent clairement que les règles juridiques
formelles tentent de les maintenir dans un rôle
prépondérant dans le processus international d'élaboration
politique et de l'ordre juridique international du DIE.
Eléments bibliographiques
Cyrille de Klemm, voyage à
l'intérieur des conventions internationales de protection de la nature,
p 3 in
www.droits-fondamentaux.prd.fr/envidroit/
Kamto (M) : Droit de l'environnement en
Afrique, EDICEF-AUPELF, 1996, 345 p
Kiss(A) et Beurier(J.P) : Droit
international de l'environnement, Pedone 2e éd, 2000, 432
p
Kemfouet kengny (E.D) : La protection
des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale,
mémoire de 3e cycle de Droit international
de l'environnement, université de Limoges, octobre 2000, 55p
Lavielle(J.M) : Droit international de
l'environnement, éd Ellipses,1998, 196 p
Prieur (M) et Doumbé
Billé(A) (sous la direction de): Recueil Francophone des
traités et textes Internationaux en droit de l'environnement,
Bruylant, 1998, 719 p
Sandrine Maljean-Dubois : La mise en
oeuvre du Droit international de l'environnement, in Les notes de l'IDDRI
N°4,2003, 64 p,
http://perso.wanadoo.fr/ceric/enseignements/archives/04_Maljean.pdf
Patrick Juvet (L. G) : Les Ong et la
protection de l'environnement en Afrique centrale, mémoire de
3e cycle de Droit international de l'environnement,
université de Limoges, juillet 2003, 51p
* 1 On entend par ONG tout
groupement, association ou mouvement constitué de façon durable
-sur la base d'un acte juridique généralement appelé
statut - par des individus ou des personnes morales appartenant à un
même Etat ou à des Etats différents, en vue de la poursuite
de buts non lucratifs. Voir Mario Betati et Pierre Marie DUPUY (Sous la
direction de) : Les ONG et le droit international, paris economica,
1978.
* 2 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, p 383
* 3 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, précité ; p 383
* 4 Mémoire de
3ème cycle en droit international de l'environnement,
Université de Limoges
* 5 Cette obligation
d'informer les acteurs environnementaux est posée sur le plan
général par la déclaration de RIO de 1992.
* 6 KISS (A) et Beurier (J.P)
Droit international de l'environnement, 2ème édition,
Pedone, paris 2000, p 90
* 7 D'où la tendance
très marquée vers l'uniformisation de la plupart des
législations nationales et communautaires notamment en matière
forestière.
* 8 L'UICN a joué un
rôle capitale dans l'élaboration de la convention d'Alger de 1968
sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, dans la Charte
de la Nature de 1982 et beaucoup d'autres instruments de protection de
l'environnement en Afrique.
* 9 Voir ONG : Chronologie
d'une montée en puissance, in http//:
www.wagne.net/ecovox/eco25
* 10 C'est le cas de l'UICN qui
a assuré le rôle de secrétariat pour la convention de
RAMSAR de 1971.
* 11 C'est l'exemple du
CAMEROUN qui avait associé les ONG à l'élaboration de la
position nationale à présenter à RIO conformément
aux directives du secrétariat du CNUED. Puis après le sommet, le
gouvernement Camerounais sous l'impulsion des bailleurs de fonds
multilatéraux ( PNUD, PNUE,FAO), a associé aussi bien les ONG
nationales que les individus, à l'élaboration du plan national de
gestion de l'environnement.
* 12 Cyrille de Klemm, voyage
à l'intérieur des conventions internationales de protection de la
nature, p 3 in
www.droits-fondamentaux.prd.fr/envidroit/
* 13 Tribunal international du
droit de la mer, la cour permanente d'arbitrage, les procédures du
centre internationales de règlement des différends relatifs aux
investissements, le système de règlement des différends
dans le cadre l'ALENA (
Accord
de libre-échange nord-américain)
* 14 Voir Arrêt rendu par
la cour Européenne des Droits de l'homme le 19 février 1998 en
l'affaire Anna Maria et 39 autres c/ l'Italie
* 15 Rapport sur le
développement humain, De Boeck, université, 2000
* 16 Voir Alain Bovard, Les
ONG et leur influence sur les normes internationales en matière des
droits de l'homme : l'exemple de l'Amnesty International ; in
http://www.admin.ch/ch/d/
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