Une lecture de la coopération américano-camerounaise depuis 2001:contribution à l'étude des dimensions pétrolière et militaire( Télécharger le fichier original )par Alexis NZEUGANG Université de Yaoundé II (Soa) - Master II 2005 |
SECTION 2 : LES ETATS-UNIS DANS LA STRATEGIE CAMEROUNAISE DE DEVELOPPEMENT ET DE COHESION NATIONALEEn dépit de la relativité de la puissance et de l'interdépendance croissante des économies, les Etats-Unis demeurent une hyperpuissance dans presque tous les domaines : culturelle, idéologique, historique, militaire, économique...(Richardot, 2003 : 40-42). Après la dislocation de l'URSS et sa réorientation idéologique, la démocratie libérale, modèle américain, est aujourd'hui le plus partagé du monde. Le Cameroun, pays pauvre très endetté, sait pouvoir amorcer le pari du développement et de sa cohésion nationale en coopérant avec les Etats-Unis58(*). A - L'IMPERATIF DU DEVELOPPEMENTIl s'agit essentiellement des investissements américains au Cameroun et des échanges commerciaux entre les deux pays. Compte tenu de son caractère économique assez particulier, nous présenterons les retombées du pipeline Tchad-Cameroun à l'écart des autres investissements. 1 - L'ACCROISSEMENT DES INVESTISSEMENTS ET DES ECHANGES COMMERCIAUX ENTRE LES DEUX PAYS Depuis la tournée de George Bush en Afrique en juillet 2003, l'accroissement des investissements est l'une des priorités des Etats-Unis sur ce continent (Hugon, 2005 : 405). Le Cameroun a dû réviser son code d'investissements afin d'attirer les investisseurs étrangers (Ntuda, 2004 : 44-48). Les investissements américains au Cameroun vont croissant. En effet, selon une étude menée par le Cabinet Development Finance International en accord avec le gouvernement camerounais, les investissements Américains occupent le premier rang devant ceux de la France et de la Malaisie parmi les Investissements Directs Etrangers au Cameroun. Ces trois premiers partenaires totalisent en 2003 les 89% des Investissements Directs Etrangers au Cameroun ; soit 982,7 milliards de F CFA. Cette primauté des Etats-Unis en matière d'investissement au Cameroun a été soulignée par l'Ambassadeur Niels Marquardt le 04 juillet 2006 en ces termes : « ...des investisseurs américains fiables et bien connus comme la société AES, Coca-cola, Exxon-mobil, Chevron Texaco, Hilton, Mariotte, Caterpillar et des douzaines d'autres ont fait des Etats-Unis le principal investisseur étranger au Cameroun au cours de la dernière décennie »59(*). Cette intervention vient conforter la démarche de la Secrétaire d'Etat adjointe aux affaires africaines qui faisait savoir en Février 2006 que le Cameroun est une « destination essentielle pour la diplomatie américaine en Afrique »60(*). Marquons un temps d'arrêt pour relever quelques investissements américains faits ou annoncés en 2006 au Cameroun. Le 22 mars 2006, l'Agence Américaine pour le Commerce et le Développement (AACD) a octroyé à la société SHO Tractafric Cameroun, une subvention dont le but est d'accroître sa capacité à construire des infrastructures de commerce au Cameroun et dans les pays voisins. L'AACD compte aussi financer à hauteur de 360 152 dollars (environ 230 millions de FCFA), l'étude de faisabilité et de mise sur pied d'une société du type « Joint venture » spécialisée dans le crédit-bail des équipements lourds du genre Caterpillar. La «joint venture» est créée entre la SHO Cameroun et Diamond International Inc (DII), une société Américaine basée à Chicago61(*). Lors de l'audience accordée à l'Ambassadeur Américain le 12 mai 2006, ce dernier a confié au Président Paul Biya que le group américain Mariott comptait construire un hôtel de classe international à Douala. La réalisation du projet Cobalt/Nickel de Nkamouna (province de l'Est) par la société américaine Géovic-Cameroon SA commence en 2007.62(*) Il s'agira pendant les deux premières années d'aménager le site. L'exploitation proprement dite et donc les retombées n'étant envisageables qu'à compter de 2009. L'exploitation du gaz naturel figure aussi parmi les projets des américains. Ces investissements sont susceptibles d'octroyer de milliers d'emplois aux camerounais63(*). Le 25 Septembre 2006, la société américaine «le bus» a relancé le transport urbain par bus au Cameroun. Elle annonce la mise en circulation d'autres bus dans le cadre du transport interurbain Yaoundé- Douala-Bafoussam (Mouliom, 2006 :209). Le Premier Ministre a reçu le 3 octobre 2006 une délégation d'investisseurs américains. Conduite par le Vice Président de la société Cisco, ce groupe spécialisé dans la télécommunication à haut débit, est venu explorer les possibilités d'affaires au Cameroun (Monda, 4 octobre 2006). Le 30 octobre 2006, le Ministre camerounais de l'énergie et de l'eau a reçu en audience, l'Ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun. Les entretiens portaient entre autres sur l'amélioration des services de AES/ SONEL au Cameroun et des réflexions à propos de Bakassi. Par ailleurs, les Etats-Unis accordent de plus en plus la possibilité aux camerounais ainsi qu'à leurs produits d'accéder sur le marché américain. A cet égard, un accord ciel ouvert a été signé le 17 février 2006 entre le Ministre camerounais des transports et la Secrétaire d'Etat adjointe aux affaires africaines, Jendayi Frazer. Cet accord permet désormais d'assurer les vols directs entre le Cameroun et les Etats-Unis, sans faire escale en France comme par le passé64(*) . Le Cameroun a été élu à l'AGOA (African Growth and Opportunity Act) en octobre 2000. C'est une initiative américaine qui consiste à encourager les exportations africaines en direction des Etats-Unis grâce à une exonération des droits de douane. Les exportations camerounaises en direction des Etats-Unis sont croissantes ainsi qu'en témoigne le tableau ci-après.
NB : les chiffres sont en dollars. Source : Département du commerce des Etats-Unis. Voir Annexe V En outre, un certain nombre d'établissements bancaires et d'Agences de financements américains mettent à la disposition des pays africains dont le Cameroun, des crédits à l'importation des produits américains. C'est le cas de l'Ex-Im-Bank (Banque export-import) qui, chaque année met à la disposition des importateurs camerounais un découvert de 30 milliards de FCFA pour encourager les importations aux Etats-Unis. Les prêts sont accordés à un taux d'intérêt préférentiel de 8 % remboursable en 5 ans (Bowa, 3 juillet 2006). 2 - LES RETOMBEES DU PIPELINE TCHAD-CAMEROUN Le pipeline est un oléoduc qui permet d'acheminer le pétrole exploité depuis Doba (sud du Tchad), jusqu'au terminal de Kribi (sud du Cameroun), où il est traité et exporté vers le marché mondial. L'exploitation est assurée par les sociétés américaines Exxon-Mobil (40 %), Chevron (25%), et la société malaisienne pétronas (35%). Ce pipeline est devenu opérationnel en juillet 2003 et génère aux acteurs concernés de substantiels revenus (Lestrange, Zélinko et Paillard 2005 :159). Les gains qu'en tire le Cameroun sont multiformes. Pour ce qui est des gains financiers, relevons que pendant les travaux de construction, les employés camerounais ont gagné environ 18,9 milliards de FCFA. Durant les 30 années pendant lesquelles le pipeline est censé être exploité, les employés camerounais sont supposés percevoir environ 99 milliards de FCFA (Tsafack, 2003 :19). L'Etat du Cameroun quant à lui est censé percevoir une taxe de passage qui s'élève à 12 % du prix du pétrole exploité pendant la durée de vie du pipeline (Lestrange, Zélinko et Paillard, 2005 : 159). Ainsi, le Cameroun a gagné environ 137 milliards de FCFA pendant la construction. Soit une augmentation de 2 % sur le PNB. Les activités indirectes sont supposées octroyer au Cameroun un gain de 375 milliards de FCFA. Soit une augmentation de 1% du PNB (Tsafack, 2003 :21) pendant la durée de vie du pipeline. Les gains infrastructurels : le passage du pipeline n'a pas fait que détruire les propriétés et les biens. Il a aussi contribué à la construction de nombreuses infrastructures. En effet, on peut citer entre autres la construction d'une route principale qui relie le Tchad au Cameroun. Elle est censée oeuvrer pour le renforcement de l'intégration régionale et l'intensification des échanges entre les deux pays. Une fibre optique a été installée le long du pipeline pour améliorer le service du pays en matière de télécommunication (Tsafack, 2003 : 19). Certaines lignes de chemin de fer ont été retouchées. Il y'a eu intensification du trafic au port de Douala et à Kribi. Des écoles, des points d'eau, des dispensaires et des forages ont été construits pour les besoins de la cause. * 58 Nous tenons cette information d'un cadre de l'administration camerounaise, lequel a requis l'anonymat. * 59 Cette citation est tirée du discours prononcé par Niels Marquardt, le 4 juillet 2006 lors de la célébration pour la première fois de la fête nationale des Etats-Unis au sein de leur chancellerie au Cameroun. * 60 Voir le site www.isf.net * 61 Ces informations sont disponibles sur le site de l'ambassade américaine au Cameroun : www.french.cameroon.usembassy.gov * 62 Voir le site www.rdpcnrw.org et Cameroon Tribune du 9 février 2007. * 63Nous tenons cette information de l'entretien que l'Ambassadeur américain a accordé à Canal 2 Internationale dans le cadre l'émission télévisée « Au rythme du monde », février 2007. * 64 Voir le site www.isf.net |
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