REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
Union - Discipline - travail
__________
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT ANNEE ACADEMIQUE
SUPERIEUR 2004 - 2005
___________
Université de Cocody
UFR Criminologie
MEMOIRE DE MAITRISE
ECHEC SCOLAIRE ET DEVENIR COMPORTEMENTAL DES
ADOLESCENTES
VIVANT DANS LES QUARTIERS PRECAIRES
A ABIDJAN : LE CAS DE YAHOSEI DANS LA
COMMUNE DE YOPOUGON
Présentée par :
Mlle VROH NAYE DOMINIQUE
Sous la direction du : et la codirection du :
Professeur ALAIN SISSOKO Professeur
KOUDOU OPADOU
Professeur titulaire de Sociologie Maître de
Conférences
de Psychologie, chargé de cours
UFR Criminologie
REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
Union - Discipline - travail
__________
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT ANNEE ACADEMIQUE
SUPERIEUR 2004 - 2005
___________
Université de Cocody
UFR Criminologie
MEMOIRE DE MAITRISE
ECHEC SCOLAIRE ET DEVENIR COMPORTEMENTAL DES
ADOLESCENTES
VIVANT DANS LES QUARTIERS PRECAIRES
A ABIDJAN : LE CAS DE YAHOSEI DANS LA
COMMUNE DE YOPOUGON
Présentée par :
Mlle VROH NAYE DOMINIQUE
Sous la direction du : et la codirection du :
Professeur ALAIN SISSOKO Professeur
KOUDOU OPADOU
Professeur titulaire de Sociologie Maître de
Conférences
de Psychologie, chargé de cours
UFR Criminologie
SOMMA1RE
DEDICACE.....................................................................................
|
3
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REMERCIEMENTS...........................................................................
|
4
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AVANT-PROPOS..............................................................................
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6
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INTRODUCTION..............................................................................
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7
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PROBLEMATIQUE...........................................................................
|
9
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METHODOLOGIE............................................................................
|
22
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PREMIERE PARTIE :
PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE ET APPROCHE DE LA
DESCOLARISATION ET DE LA
MARGINALITE....................................
|
26
|
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CHAPITRE 1
PRESENTATION DU CADRE D'
ETUDE.............................................
|
27
|
PARAGRAPHE 1
Présentation du terrain
d'étude...............................................................
|
27
|
PARAGRAPHE 2
Présentation des
institutions..................................................................
|
32
|
|
|
CHAPITRE 2
APPROCHE DE LA DESCOLARISATION
ET DE LA MARGINALITE A YAO
SEHI.............................................
|
34
|
PARAGRAPHE 1
Approche de la
déscolarisation...............................................................
|
34
|
PARAGRAPHE 2
Approche de la
marginalité..................................................................................
|
36
|
|
|
DEUXIEME PARTIE :
DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION
ET LE DEVENIR COMPORTEMENTAL...............................................
|
39
|
|
|
CHAPITRE 1
PRESENTATION DES
RESULTATS...................................................
|
40
|
PARAGRAPHE 1
Relâchement dans la prise en charge par les
parents..................................................
|
40
|
PARAGRAPHE 2
Processus d'imitation (les pairs comme modèle de
référence)...........................
|
45
|
PARAGRAPHE 3
Valorisation de soi et logique
d'adaptation................................................
|
46
|
|
|
CHAPITRE 2
INTERPRETATION ET
DISCUSSION....................................................
|
51
|
PARAGRAPHE 1
Interprétation....................................................................................
|
51
|
PARAGRAPHE 2
Discussion.......................................................................................
|
60
|
|
|
|
|
TROISIEME PARTIE
ACTIONS EN VIGUEUR OBSTACLES
A LA REINSERTION ET PROPOSITIONS DE
SOLUTIONS......................
|
69
|
|
|
CHAPITRE 1
ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET DE L'ONG MOUVEMENT DU
NID....................................................................
|
70
|
PARAGRAPHE 1
Actions de la
mairie...........................................................................
|
70
|
PARAGRAPHE 2
Actions de
l'ONG.............................................................................
|
71
|
|
|
CHAPITRE 2
OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIO ECONOMIQUE DES
ADOLESCENTES ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS ........................
|
74
|
PARAGRAPHE 1
Obstacles a la
réinsertion......................................................................................
|
74
|
PARAGRAPHE 2
Propositions de
solutions.................................................................................
|
76
|
|
|
|
|
CONCLUSION
PARTIELLE................................................................
|
79
|
CONCLUSION
GENERALE................................................................
|
80
|
BIBLIOGRAPHIE
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ANNEXES
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TABLE DES MATIERES
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DEDICACE
A mon père qui n'a jamais cessé de me soutenir et
encourager dans les études.
Que le Seigneur te bénisse et t'accorde longue vie !
REMERCIEMENTS
Tout le long de la réalisation de ce mémoire,
j'ai bénéficié de l'aide et du soutien spirituel, moral et
matériel de plusieurs personnes de près comme de loin. Je tiens
à remercier tous ces hommes et ces femmes de qualité qui ont
nourri l'espoir et le désir de me voir passer le cap du mémoire
afin d'aborder un troisième cycle. Je les remercie pour m'avoir mise et
remise en confiance de sorte à ce que leur voeu qui était aussi
le mien soit aujourd'hui une réalité.
De façon particulière, j'adresse mes
remerciements à :
- Mr le professeur Alain Sissoko, professeur titulaire de
Sociologie, pour avoir accepté d'assurer la direction de ce
mémoire,
- Professeur Koudou Opadou, maître de conférences
de Psychologie ; chargé de cours à l'UFR Criminologie, pour
avoir accepté d'être mon encadreur, pour sa disponibilité
et ses directives et recommandations avisées qui m'ont orientée
dans l'élaboration de ce travail,
- Mr N'Tamé, maître Criminologue, chef du
service Assistance sécurité urbaine de la mairie de Yopougon et
son collaborateur Mr Ahounou, pour avoir mis à ma disposition la
documentation et pour leur encadrement technique,
- Mr Koffi Kouamé Boitenin, chargé des affaires
extérieures à l'ONG le « Mouvement du Nid »,
pour s'être disposé à partager avec moi son
expérience en matière de recherche scientifique,
- MM Gnahoua, Koffi et Guadji de l'équipe
chargée du contact de terrain au « Mouvement du
Nid », pour m'avoir facilité les conditions d'administration
du questionnaire grâce à leur présence avec moi sur le
terrain,
- Mr Lasme Essoh, Commissaire au commissariat du 16eme
Arrondissement de Yopougon, pour sa disponibilité et pour m'avoir
donné accès aux statistiques de son service,
- Mr Franck, un habitant du quartier précaire
Yahoséhi pour m'avoir servi de guide et ainsi facilité la
tâche lors de l'administration du questionnaire,
- Mr kpan Clément pour m'avoir offert l'ouvrage
« En quête de sécurité » de
Sébastien Roché qui m'a beaucoup servi lors de ce
mémoire,
- Mlle Djiké Annie Gwladys, ma promotionnaire de l'UFR
Criminologie, pour sa participation à l'administration du questionnaire
et son hospitalité lors de mon séjour dans la commune de Yopougon
dans le cadre de l'enquête,
- Mon beau frère Mr Zamblé Marius pour avoir mis
à ma disposition son ordinateur,
- Mr Douayéré Hervé pour m'avoir
aidé à la saisie du texte,
- Mr Iritié Bi Goli Jean-Jacques pour son apport
technique en matière de programmation et son soutien matériel
pour la réalisation de ce mémoire.
Je suis particulièrement reconnaissante au Seigneur
Jésus-Christ qui a rendu possible la réalisation de ce
travail.
AVANT-PROPOS
La rédaction d'un mémoire semble d'emblée
chose facile et plus d'un parmi les nouveaux venus dans la recherche
scientifique que nous sommes pense pouvoir le faire en l'espace de deux ou
trois mois sans trop de peine. On établit un chronogramme en croyant
laisser suffisamment de marge, on pense déjà aux matériels
de la rédaction finale, au jour de la soutenance.
La réalisation d'un mémoire impose bien plus de
temps et de travail. En effet entre le choix du sujet et le jour de la
soutenance, il y a toute une oeuvre de recherche de documents, de prise de
contact, de rencontre, d'entretien, de déplacement, de
réajustement du timing, sans oublier que tout ceci nécessite la
mobilisation de fonds qui s'avèrent être plus importants qu'on le
croyait.
Par ailleurs, on apprend, on découvre plus qu'on ne
sait ; on remonte le temps jusqu'aux premiers enseignements
reçus ; on dépasse le programme les auteurs, la
bibliographie, les auteurs des cours, les a priori pour se retrouver face
à la réalité ; nous sommes dans le monde de la
recherche.
Pour notre part, après la réalisation de ce
mémoire, c'est un sentiment de soulagement et aussi de joie d'avoir
passé cette épreuve qui nous ouvre désormais l'esprit sur
le monde de la recherche scientifique.
Cette étude poursuit quatre (04)
objectifs :
-Décrire le phénomène de la
déscolarisation en milieu urbain pauvre.
-Décrire le devenir comportemental des adolescentes
déscolarisées qui y vivent.
-Etablir une relation entre la déscolarisation et le
devenir comportemental de ces adolescentes.
-Proposer des solutions.
INTRODUCTION
La société ivoirienne en pleines mutations se
trouve bouleversée dans son organisation et son fonctionnement.
En effet, la crise économique des années 80
continue de prolonger ses conséquences négatives sur le niveau de
vie des foyers, conduisant les populations à l'indigence. De même
le chômage aujourd'hui n'est plus exclusif aux jeunes en proie à
l'exode rural mais affecte aussi les jeunes diplômés du secondaire
et du supérieur, de plus en plus qualifiés.
En outre, la démographie galopante du pays et
l'immigration ont donné lieu à des agglomérations urbaines
regroupant une forte densité de population. C'est le cas de la ville
d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire. Elle abritait
environ deux millions cinq cent milles (2 500 000) habitants1(*) avant la guerre et regorge une
multitude de quartiers populeux. La croissance de la population et
l'urbanisation galopante a vu aussi l'augmentation de la délinquance.
L'on imagine aisément que le chômage, la déscolarisation et
par conséquent la marginalisation sociale constitue un facteur
favorisant de cette conduite délinquante.
Par ailleurs, la guerre que traverse la Côte
d'Ivoire depuis la date du 19 Septembre 2002 a crée dans le pays un
désordre social tel qu'une multitude de jeunes (adolescents) se sont
retrouvés soit en situation de « déplacés
de guerre » soit en proie à l'enrôlement volontaire ou
non et bien d'autres situations encore (orphelins, traumatisme de guerre,
invalidité physique ou mentale ...)
Il faut noter que cette grande métropole qu'est
Abidjan a encore été l'espace d'accueil de ces
déplacés de guerre et apparaît ainsi comme le
théâtre de prédilection de la délinquance
juvénile. Cette délinquance affecte également le milieu
féminin et y revêt souvent des formes particulières dont
les prépondérantes semblent être le racolage, les coups et
blessures volontaires...
Les facteurs de ces conduites déviantes sont
généralement plus ou moins connus : il s'agit des
manifestations des modalités de quête d'adaptation et
d'intégration socio-économique. Cette délinquance est
souvent aussi le fait d'orphelines, de filles analphabètes, de filles
sorties du cursus scolaire de façon plus ou moins précoce,
quelles que soient les causes c'est-à-dire des
déscolarisées et d'origines socio-économiques pauvres.
Pour notre part, nous avons choisi de nous intéresser
à la spécificité des adolescentes
déscolarisées vivant dans les quartiers précaires à
Abidjan. Il s'agit donc de comprendre la relation qui existerait entre leur
situation de déscolarisées et leur inadaptation psycho sociale.
Il s'agit précisément de Yahoséi dans la commune de
Yopougon, la plus grande commune d'Abidjan avec une superficie de 14 800
ha et la deuxième plus peuplée avec 688 235 habitants.
Yao Sehi est un quartier d'habitat précaire au coeur
même de la commune et y concentre une forte population depuis les
années 80.
En effet, ce ne sont pas toutes les adolescentes
déscolarisées issues de milieux pauvres qui deviennent des
déviantes. De même, toutes les adolescentes socialement
inadaptées ne sont ni des déscolarisées ni de milieux
pauvres.
Comment alors expliquer que des filles, suite à leur
déscolarisation deviennent des marginales ou même
déviantes ?
Existe-t-il réellement un lien entre leur
déscolarisation et l'évolution de leur conduite ?
Quelle serait alors la dynamique qui existe entre le devenir
comportemental de ces adolescentes et leur déscolarisation ?
Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi un
terrain d'étude que nous vous présenterons (première
partie) A partir des données recueillies, nous essaierons de comprendre
la dynamique proprement dite entre le devenir comportemental et la
déscolarisation des adolescentes (deuxième partie) et nous
analyserons les actions posées par la mairie et les ONG et les obstacles
à la réinsertion de ces jeunes filles (troisième
partie).
PROBLEMATIQUE
1) Justification du choix du sujet
Motivation et intérêt personnel
Nous avons choisi le travail en milieu féminin pour
plusieurs raisons.
Premièrement, en tant que femme, nos
intérêts sont liés à cette frange de la population
de façon naturelle et sommes donc sensibles à ses
problèmes. C'est pourquoi nous avons toujours souhaité apporter
notre contribution à la résolution de ceux-ci.
Il faut noter qu'il revient comme un devoir à nous,
femmes appelées "intellectuelles" en Afrique de nous occuper des aspects
intellectuels des problèmes des femmes. Cela afin de jouer notre
rôle dans l'émancipation de la femme africaine en particulier.
C'est ainsi que nous nous sommes intéressées au domaine que nous
connaissons le mieux ; notre formation en criminologie nous interpellant
sur les phénomènes de marginalité et de déviance
dans la société.
Pertinence scientifique
De tout temps, l'adolescence s'est
révélée une période très critique dans la
vie de l'homme et ce sujet nous permettra une fois de plus d'aborder la vaste
problématique de la formation de la personnalité dans une
société en mutations. De même, la question de la
marginalité juvénile à travers un groupe comme celui des
déscolarisées et le rôle de la pauvreté seront
abordés.
Mettre l'accent dans notre étude sur la fille en
particulier pourra sans doute permettre de comparer à nouveau les
résultats déjà existants à ceux de cette
étude dans l'objectif d'en savoir les points communs et les points
divergents.
En outre, puisque l'étude part d'un cas particulier, il
sera toujours intéressant d'en utiliser les données empiriques en
complément à d'autres existantes ou éventuelles afin de
mener une autre étude, recherche.
Pertinence sociale
Les résultats définitifs de notre recherche
pourraient servir à :
- rapprocher les réalités que vivent les
adolescentes déscolarisées des acteurs de la vie politique, des
décideurs ;
- accentuer et orienter davantage la lutte contre la
pauvreté vers une politique en amont, c'est-à-dire la prise en
charge scolaire par exemple ;
- attirer l'attention des acteurs scolaires sur l'examen du
système scolaire ivoirien actuel qui, trop tôt livre à
l'oisiveté ;
- accentuer la lutte contre la criminalité sur la
prévention sociale.
Par ailleurs l'existence d'une cellule spéciale
chargée de l'éducation des filles (CEPEF) au sein du
Ministère de l'Education Nationale et de la Formation de Base
démontre l'importance de l'éducation féminine en
Côte d'Ivoire.
2) Définition des notions
· Notions explicites
Echec scolaire :
- L'échec scolaire se définit d'abord comme un
dysfonctionnement dans le déroulement de la scolarité. Il
consiste en un redoublement ou en l'arrêt définitif de la
scolarité.2(*)
- C'est aussi le revers éprouvé par quelqu'un
qui voit ses calculs (scolaires) déjoués, ses espérances
trompées. C'est l'insuccès.3(*)
- Dans le cadre de notre étude, nous ignorerons
à dessein l'aspect redoublement ou mauvais résultats pour ne
garder que celui d'arrêt définitif en termes de
déscolarisation.
Nous pouvons aussi mentionner qu'un échec scolaire est
toujours considéré comme un phénomène de
société, mais aussi un symptôme de l'inadaptation de la
personne.4(*)
Devenir comportemental
- Le devenir est le passage d'un état à un autre
ou encore la suite de changements. Il s'agit d'une évolution, d'un
mouvement.5(*)
- Le devenir comportemental est donc le devenir du
comportement c'est-à-dire l'évolution de la personnalité
de l'adolescente. De façon plus restreinte, il s'agit de la formation de
la personnalité délinquante de l'adolescente.
Adolescentes
- Par référence aux travaux de SCAMMON,
l'adolescence se situe chronologiquement dans la période de 12 à
20 ans grosso modo.6(*)
- Elle est par définition une période
d'instabilité et donc de crise.
Quartier précaire
- Un quartier est une partie d'une ville ayant sa physionomie
propre et une certaine unité. Le caractère précaire d'un
quartier est dû au fait qu'il n'existe que grâce à une
autorisation révocable, instable.7(*)
- Un quartier précaire se présente aussi comme
un habitat caractérisé par son insalubrité et par un sous
équipement en infrastructures sociocommunautaires : écoles,
marchés, dispensaires...8(*)
· Notions implicites
Déscolarisation
- La déscolarisation est le fait pour un
élève ou apprenant d'être exclu de l'institution
scolaire.
- On distingue le déscolarisé par l'échec
du déscolarisé par manque de moyen financier de même le
déscolarisé sans qualification de celui avec qualification.
Pour notre part, nous nous intéresserons au
déscolarisé sans distinction.9(*)
Réussite scolaire
- La réussite se définit comme un bon
résultat, un succès.10(*)
- La réussite scolaire est le fait de demeurer dans le
circuit scolaire.
Déviance
- La déviance est un comportement qui échappe
aux règles admises par la société.11(*)
- Plus précisément, se sont des comportements
antisociaux.
Marginalité
- La marginalité se présente comme l'état
d'une personne vivant en marge de la société, une personne
associable.12(*)
- C'est aussi l'activité de ceux qui ne sont pas
intégrés socialement.13(*)
Délinquance
- Il s'agit d'une conduite caractérisée par des
délits répétés considérée surtout
sous son aspect social.14(*)
- Juridiquement, c'est le fait d'avoir des comportements ou
poser des actes qui enfreignent aux dispositions du code pénal.15(*)
- En d'autres termes, c'est une inadaptation sociale, une
inadaptation à la loi.16(*)
Jeunesse
- La jeunesse est la phase qui se situe entre l'enfance et
l'âge adulte.
- Elle se présente comme une période
d'incertitude et de quête de l'identité de l'individu. Une
délimitation chronologique arbitraire de la jeunesse se situe de 15
à 34 ans.17(*)
La jeunesse qui concerne notre étude est la jeunesse
déscolarisée.
Pauvreté
- La pauvreté est l'état d'une personne qui
manque de moyens matériels, d'argent. C'est l'insuffisance de
ressources.18(*)
3) Revue de littérature et cadre
théorique de référence
· Revue de littérature
La recherche scientifique n'est pas restée improductive
dans le domaine de l'étude du comportement marginal de l'adolescence.
C'est pourquoi, nous essaierons d'en faire la revue dans la mesure de nos
investigations.
- Recensions des écrits empiriques
Les thèmes de déscolarisation, de
marginalité, de l'adolescence et celui du vécu en milieu urbain
pauvre ont souvent été abordés par nombre d'études
dans le domaine de la recherche scientifique. Ces différentes notions
nous ont servi de base pour formuler notre sujet qui s'intéresse
à la spécificité des filles.
Ainsi l'adolescence, la déscolarisation, l'adaptation
sociale dont nous parlerons dans un contexte de vécu en milieu social
défavorisé seront celles des filles. Il s'agira alors pour nous
d'approcher la dynamique qui a lieu de l'échec scolaire à la
déviance.
Dans une telle perspective, les écrits nous semblent
peu abondants, car nous pouvons le dire avec Alain SISSOKO « la
réalité sociale de la "condition féminine" des jeunes
filles déscolarisées en milieu urbain ivoirien est largement
méconnue ».19(*) Néanmoins, nous nous pencherons sur certains
écrits que nous avons pu répertorier.
Dans l'un de ses travaux de recherche sur les jeunes filles
déscolarisées, SISSOKO fait ressortir les pratiques sociales de
ces jeunes filles en rupture avec l'école et leur devenir en prenant en
compte le fait que la rupture constitue bien souvent un obstacle à
l'engagement pro social de l'individu (en rapport avec un horizon temporel
d'existence).
En effet, l'auteur explique que c'est dans une logique de
débrouillardise, de recherche d'une position sociale valorisante et dans
un contexte de dureté de la vie que ces jeunes filles
déscolarisées et issues de milieux pauvres s'adonnent à
des pratiques telles la consommation de la drogue et la prostitution.
MARGUERAT, dans les années 80 abordait, quant à
lui le thème de la délinquance juvénile en milieu urbain
et précisément à Abidjan. Dans ses travaux, il posait le
problème de la "spécificité féminine" de la
délinquance juvénile.
En effet, il note qu'au sein des délinquants
adolescents qu'il a eu à enquêter (sur étude de dossiers de
la justice ivoirienne) le pourcentage des filles est faible. Par ailleurs, les
retards et les échecs scolaires très importants chez les
garçons le sont davantage chez les filles. Il fait ainsi ressortir le
caractère problématique de la rupture avec l'école chez
elles surtout. Lorsqu'il jette encore un regard sur la condition
socio-économique de ces adolescents, MARGUERAT remarque que les
garçons comme les filles proviennent essentiellement des quartiers les
plus populaires.
Dans cette étude, l'approche étant
essentiellement descriptive, les facteurs explicatifs ne nous sont pas
révélés.
Abordant la problématique de la relation entre
l'école et la délinquance, mais pas dans sa
spécificité féminine, SAIHASSI Anvo Simon20(*) se pose la question de savoir
comment l'école qui devrait aider l'adolescent à s'insérer
socialement en arrive à en faire un délinquant. Comme
réponse, il affirme que c'est l'éjection, la mise à
l'écart du système scolaire de l'adolescent qui rend son
insertion sociale hypothétique et le pousse vers la délinquance,
cela se rencontre surtout dans le milieu urbain pauvre, prenant le cas de la
ville d'Abidjan.
En effet, les parents n'ayant pas les moyens de leur
offrir une autre scolarité publique ou privée ne peuvent non plus
leur trouver un patron pour l'apprentissage d'un métier.
Quant aux adolescents eux-mêmes, la culture scolaire
qu'ils ont reçue les emmène à répugner le travail
manuel et à refuser toute formation en la
matière. « Dépourvus de qualification et de
solides diplômes, ces adolescents ne peuvent évoluer favorablement
sur le marché du travail [...] La mise à l'écart
du monde du travail va les contraindre à une vie anormale. Cette vie
caractérisée par le chômage et l'ennuie devient alors
pleine de problèmes ».
Délaissés par leurs parents au profit des jeunes
frères dans un contexte de famille nombreuse, « pour
cette jeunesse, l'essentiel est de pouvoir mettre en oeuvre des moyens
efficaces capables de leur procurer ce dont ils ont besoin sur le plan
matériel et affectif
Les jeux du hasard, les vols, la drogue, etc. tous les
comportements que la société considère comme dangereux
pour sa stabilité sont considérés par eux comme le
salut. »
Dans ce milieu, la réinsertion sociale s'avère
difficile à cause des conditions de vie dans lesquelles l'adolescent
évolue ; c'est ce qu'a étudié GOHI Clahon21(*).
En effet, les impactes de la pauvreté
économique, la logique de débrouillardise dans laquelle se
placent les adolescents, la détérioration de leurs relations
familiales et l'influence du groupe, sont autant de facteurs qui constituent
des obstacles à leur réinsertion sociale. S'agissant des
comportements déviants qu'il a examinés, il note que chez les
filles, c'est la prostitution qui semble dominer.
De façon plus générale, Fabienne
Tanon22(*) aborde dans son
ouvrage la question du décrochage scolaire (« drop
in » et « drop out »).
Dans la préface de ce livre, C. Rojzman est
d'emblée pour l'idée que dans le contexte de pauvreté, la
déscolarisation a une particularité .Il affirme en effet
que : « Le sentiment d'inutilité sociale qui touche une
grande partie de la population touche d'autant plus ces jeunes des quartiers
populaires qui ont vécu l'échec scolaire ».
L'une des collaboratrices de Fabienne Tanon, Michèle
Guigue, analyse l'acuité du phénomène de
déscolarisation à travers la représentation sociale
moderne qui voit en l'école «une forme de
socialisation, d'éducation et d'instruction qui va tellement de soi
que » son abandon, sa sortie devient problématique
puisque cet échec « touche à l'un des socles
consensuels et fondateurs de notre
société ».
En outre, le décrochage scolaire tend à devenir
une préoccupation sociale du fait de « l'augmentation des
actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et du
fait des difficultés de l'insertion professionnelle des jeunes peu
formés .Le décrocheur tend donc à être
considéré comme un jeune à la dérive, à
risque, potentiellement dangereux »
- Recensions des écrits théoriques et
méthodologiques
Les théories explicatives de la délinquance
juvénile auxquelles nous nous référerons et qui ont fait
l'objet d'écrits scientifiques sont d'ordre psychosocial. Toutes
abordent la formation de la personnalité délinquante en
association avec son milieu de vie.
Pour ROBERT Cario « Il ne fait aucun doute
en effet que de la qualité de la socialisation de l'enfant, de
l'adolescent, du jeune adulte dépendra le respect des
valeurs qui fondent l'harmonie
sociale ».23(*)
Or la personnalité des jeunes concernés selon
l'auteur s'est construite dans un environnement affectif et socioculturel
perturbé dont attestent les ruptures matrimoniales et les
instabilités socioculturelles principalement vécues par leurs
parents.
CARIO fait en outre remarquer que durant le processus de
socialisation, la scolarité prend une place essentielle et du soutien
familial dépendra la réussite ou l'échec scolaire dont les
retentissements sur l'équilibre de l'intéressé sont
incontestables. Chez lui, l'entrée en adolescence apparaît
essentielle pour la consolidation de la personnalité structurée
précédemment, à savoir dans l'enfance. Ici donc, tous les
acquis de l'enfance se (re)jouent dans une perspective très
claire : s'affirmer individuellement pour rentrer dans la
société des adultes. En ce qui concerne le milieu d'origine dans
le passage à l'acte, R. CARIO constate que les jeunes
défavorisés sont visiblement plus délinquants que les
autres simplement parce que leur socialisation, leur vécu socioculturel
ne leur a pas permis d'engrammer suffisamment d'informations pour agir en toute
circonstance positivement sur leur environnement par des voies socialement
adéquates.
Au total, pour CARIO la délinquance est le fait du
déficit de l'éducation et du soutien parental que favorise le
milieu pauvre.
Le criminologue Sébastien ROCHE fait quant à lui
la synthèse de trois théories majeures de l'explication de la
délinquance.
En effet, il affirme que la délinquance serait l'effet
d'un déficit de contrôle social, c'est à dire un
déficit de l'attachement social de l'individu. Cet attachement ou
contrôle social se traduit en trois types. D'abord le contrôle
direct qui susciterait un attachement consiste en l'intervention d'agent du
contrôle social dans l'application des règles conventionnelles.
Ensuite le contrôle est aussi établi du fait de l'engagement,
à savoir les choses ou liens que l'individu risquerait de perdre s'il
s'engageait dans la délinquance. Enfin le contrôle interne qui
s'exerce par la croyance morale liée à la délinquance mais
aussi à la capacité de contrôler son propre comportement,
d'ajuster ses conduites à des normes que l'on s'est fixées.
Par ailleurs, la délinquance est aussi l'effet d'une
association à des délinquants ; il s'agit de l'apprentissage
social. Cette théorie suggère que la délinquance n'est pas
d'abord la résultante d'un manque de contrôle social, mais
plutôt la conséquence d'une association à des
modèles délinquants induisant l'acquisition de normes et de
techniques délinquantes. Elle se base sur quatre (4) concepts majeurs
que sont : l'association différentielle, les définitions, le
renforcement différentiel et l'imitation.
La dernière théorie exposée par ROCHE est
celle qui voit dans la délinquance la résultante des tensions
subies par l'individu.24(*)
· Cadre théorique de référence ou
approche disciplinaire
La criminologie est une science éclectique,
c'est-à-dire qu'elle est au carrefour de plusieurs sciences sur
lesquelles elle se base pour formuler sa propre approche afin de cerner son
objet d'étude qu'est le criminel. C'est pourquoi nous nous devons
d'appréhender le devenir comportemental de l'adolescente tant dans son
interaction avec son milieu que dans sa particularité individuelle,
c'est-à-dire dans une approche criminologique. CARIO Robert l'a si bien
dit « Il serait vain de nier la dimension individuelle lors de toute
approche de la délinquance des jeunes. Mais il serait tout aussi
réducteur de ne pas considérer que le jeune acteur social devenu
délinquant et jugé comme tel appartienne à une
société particulière et entretient avec ses semblables des
relations sociales spécifiques. »25(*)
Ainsi, nous considérerons d'une part notre travail au
plan sociologique en nous appuyant sur un modèle d'analyse reposant sur
deux concepts clé : celui de rapport social et d'acteur social.
Ceci revient à appréhender le devenir de l'adolescente comme le
résultat d'une exclusion sociale et aussi comme la réaction de
l'adolescente aux influences de son milieu. D'autre part l'approche
psychologique nous permettra de tenir compte du caractère individuel de
l'adolescente par rapport à ses paires.
Par ailleurs, l'explication du comportement
délinquantiel ou marginal ne saurait se faire à partir d'une
causalité linéaire. Il nous revient donc ici à approcher
le devenir des adolescentes déscolarisées dans une approche
multifactorielle différentielle.
4) Formulation du problème des questions et
hypothèses de recherche
Le problème
Selon l'UNICEF, « en donnant aux filles un bon
départ dans la vie, on contribue à la croissance
économique à long terme et à la réduction de la
pauvreté »26(*). Nous partageons cette assertion d'où notre
intérêt pour les filles.
En effet, la fille est la future femme, un futur agent
économique. Il s'agit de lui donner les capacités de jouer
pleinement ce rôle. Elle doit participer tant à la production
qu'à la consommation, bases de la croissance dans le circuit
économique. Dès lors, la fille devenue femme et aussi mère
- ce qui signifie le deuxième chef de la famille après l'homme -
pourra porter les charges primaires de la famille à savoir la
capacité de se soigner, de se nourrir, d'être
éduquée. Elle contribue par conséquent à la
réduction de la pauvreté.
L'école se présente comme un canal pour assurer
l'éducation et la formation des filles afin de leur permettre
d'atteindre la capacité d'insertion socioprofessionnelle.
Cependant, force est de constater en Côte d'ivoire que
cette école devient souvent source d'échec pour les filles et les
éjecte de son système.
En effet, en Côte d'ivoire le taux de scolarisation des
filles dans le primaire qui est de 67,3% se réduit à 16,9% dans
le secondaire. En outre, le taux d'achèvement de la 6e
année (CM2) chez les filles au cours de l'année scolaire 1999 -
2000 était de 40% et ce taux a ressenti une baisse de 0,86 points en
2001-2002.27(*)
Ces statistiques font état que la déperdition
scolaire ou encore déscolarisation des filles est un
phénomène important en Côte d'ivoire. L'on pourrait alors
se poser la question de savoir ce que deviennent toutes ces adolescentes qui
n'ont pu achever leur parcours scolaire.
Au surplus, l'on pourrait se demander s'il n'y a pas un
certain lien entre leur devenir comportemental et leur échec scolaire.
En effet, comment expliquer les conduites de toutes ces
filles déscolarisées qui s'adonnent à des pratiques telles
la prostitution formelle comme informelle, le commerce illicite de
médicaments et de drogues et même à, des actes d'infraction
comme le vol, le recel...
Par ailleurs, le contexte urbain d'extrême
pauvreté dans lequel évoluent ces adolescentes offre souvent peu
de possibilités d'insertion socioprofessionnelle ; ce qui n'est pas
de nature à résorber leurs comportements déviants.
Les questions
- Y a-t-il un lien entre la situation de
déscolarisées des adolescentes vivant dans les milieux
défavorisés et le développement des conduites
délinquantes chez elles ?
- Quelle est la dynamique qui existe entre leur statut de
déscolarisées et leur devenir comportemental ?
- En somme, quel est leur itinéraire de l'échec
scolaire à la déviance ?
Les hypothèses
- Hypothèse générale
Il existe une dynamique, un lien entre l'échec scolaire
et le devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers
précaires.
- Hypothèses opérationnelles
(1) Les adolescentes déscolarisées des milieux
défavorisés développent des conduites déviantes
suite à l'échec scolaire parce qu'il y a un relâchement
dans leur prise en charge par les parents.
(2) La fréquentation et la proximité d'autres
filles déscolarisées développant des conduites
déviantes amènent les adolescentes à faire de même
par processus d'imitation.
(3) Les adolescentes déscolarisées issues des
milieux défavorisés développent des conduites
déviantes parce qu'elles veulent se valoriser dans la
société.
METHODOLOGIE
1) Population et échantillon
- Population et ses caractéristiques
Notre population d'enquête est composite : il
s'agit des la population cible que constituent les adolescentes
déscolarisées domiciliées à Yahoséi et cela
depuis au moins 6 mois. Ce critère de durée dans le temps afin de
ne pas perdre de vue l'influence du milieu sur l'enquêtée. La
jeune fille doit par ailleurs être âgée de 14 à 19
ans. Bien que la période de l'adolescence soit située entre 12 et
20 ans. Nous avons choisi cette délimitation à dessein pour trois
raisons principales.
D'abord il faut que les répondantes soient à
même de bien comprendre et répondre à nos questions.
Ensuite parce que cela va nous permettre de mieux
apprécier le vécu du temps de déscolarisation de
l'adolescente.
Enfin, dans l'adolescence qui constitue une période
critique dans la formation de la personnalité l'âge de 14 ans
marque le début de la quête de l'identité propre. Ce qui va
nous permettre d'apprécier les perceptions de notre population cible.
A cette population principale, s'ajoute aussi les adolescentes
scolarisées et les parents de Yao Sehi, les responsables d'une ONG, les
responsables du service de sécurité de la mairie de Yopougon.
- Echantillonnage et échantillon
Notre échantillonnage se fait en prenant en compte les
critères d'âge de déscolarisation, du lieu d'habitation et
de sexe. Notre échantillon comportera trente (30) adolescentes
déscolarisées et âgées de 14 à 19 ans
résidant à Yao Sehi.
En plus de cet échantillon principal, nous aurons
quinze (15) adolescentes scolarisées, cinq (5) parents tous
résidant à Yahoséi, et des responsables de l'ONG
« mouvement du nid Côte d'Ivoire » et du service
sécurité de la mairie de Yopougon à la maison des
jeunes.
2) Techniques de recherche
Deux techniques principales ont retenu notre attention. Ce
sont l'observation et l'enquête.
- Observation
Nous avons fait une observation documentaire dans divers
livres, ouvrages à la bibliothèque centrale de
l'Université de Cocody, à l' IRD, à la documentation de
l'ONG « mouvement du nid » et aussi dans les registres des
services de Police du 16e Arrondissement. En outre, nous avons
sillonné et parcouru le quartier à plusieurs reprises avant
même l'administration des questionnaires. Cela nous a aussi permis de
vérifier la précarité et l'insalubrité des
lieux.
- Enquête
Nous avons fait une enquête auprès de notre
échantillon en lui administrant des questionnaires constitués de
questions essentiellement ouvertes et semi-ouvertes. Le choix des questions
répond au désir de capter le maximum d'informations chez notre
population et cerner les récits et les représentations sociales
des enquêtées tout en gagnant en concision pour faciliter notre
dépouillement.
Nous avons adressé un questionnaire aux adolescentes
déscolarisées prostituées de 14 à 19 ans vivant
à Yahoséi. Les thèmes de ce questionnaire sont
l'identification des sujets, la catégorie socioprofessionnelle de leurs
parents, leur milieu familial et leur prise en charge financière, les
causes de leur déscolarisation et le sentiment de frustration chez
elles, leur vécu déviant dans la déscolarisation et leurs
perspectives d'avenir. Un autre aux adolescentes déscolarisées
non prostituées qui porte sur les mêmes thèmes à la
différence du vécu de la déscolarisation qui n'est pas
prostitutionnel et leur perception des pratiques déviantes. Un autre
encore aux adolescentes scolarisées composé des thèmes de
l'identification, la catégorie socioprofessionnelle des parents ainsi
que le milieu familial et leur prise en charge financière. Un entretien
avec le commissaire du 16e Arrondissement, un autre aux parents de
Yahoséi et un entretien avec le responsable de l'ONG
« Mouvement du nid Côte d'Ivoire ».
3) Méthodes d'analyse des données
La méthode qualitative et la méthode
quantitative sont ici les mieux indiquées pour le traitement des
données compte tenu de notre technique de recherche qui comporte des
questions ouvertes et semi ouvertes.
Nous avons opéré des tris à plat et
à recourir à l'analyse de contenu.
4) Difficultés
rencontrées
Tout au long de ce travail, nous avons rencontré
plusieurs difficultés surtout d'ordre matériel.
En effet, l'éloignement de notre lieu de
résidence de celui de notre enquête nous a contraint à
séjourner dans la commune et surtout à prolonger ce séjour
à maintes reprises pour les besoins de l'enquête ; toutes
choses qui nous ont coûté des frais supplémentaires. Nous
avons aussi eu des difficultés à travailler seule car la plupart
du temps, de jour comme de nuit, il nous fallait être accompagnée
à cause de l'insécurité et cela nous a par moments
retardé dans notre évolution.
Par ailleurs, l'indisponibilité d'ouvrages à la
bibliothèque centrale de l'Université de Cocody et la fermeture
du centre de documentation de l'UNICEF nous ont limité dans la revue
de littérature.
PREMIERE PARTIE
PRESENTATION DU CADRE D ETUDE
ET MANIFESTATIONS
DE LA DESCOLARISATION
ET DE LA MARGINALITE
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU CADRE D'ETUDE
Nous avons procédé au recueil de nos
donnés à Yahoséi, quartier précaire de la commune
de Yopougon. Il convient donc de présenter cette commune dans son
ensemble avant d'en arriver au terrain d'étude spécifique.
PARAGRAPHE 1 : PRESENTATION DU TERRAIN D'ETUDE
I : Présentation de la commune de
Yopougon
L'histoire nous raconte que Yopougon était un village
ébrié situé aux environs de l'actuelle usine UNIWAX et les
espaces avoisinants.
Cette collectivité territoriale dotée de
personnalité morale et financière qu'est aujourd'hui la commune
de Yopougon a été créée par la loi n° 78-07 du
09 Janvier 1978 portant création des communes de plein exercice en
Côte d'Ivoire et organisée par la loi n° 80-1180 du 17
Octobre 1980, modifiée par la loi n° 85-578 du 29 Juillet 1985
n° 95-608 ainsi que 95-611 du 03 Août 1995.
1 Situation géographique
a) Aspects physiques
La commune de Yopougon s'étend sur une superficie de
14 800 ha et couvre le Nord-Ouest de la ville d'Abidjan. Elle est la plus
vaste des communes d'Abidjan.
La commune est limitée au Nord par les communes d'Abobo
et d'Anyama, au Sud par le port d'Abidjan et l'Océan Atlantique,
à l'Est par la commune d'Attécoubé et à l'Ouest par
la commune de Songon.
Elle se décompose en 40 quartiers dont 12 villages de
type traditionnel (au plan socioculturel) et une multitude de quartiers
précaires.
b) Aspects démographiques
La commune de Yopougon est la deuxième commune la plus
peuplée de l'agglomération d'Abidjan.
Selon le dernier recensement de 1998, la commune comptait une
population totale de 688 235 habitants, soit 341 823 hommes et
346 412 femmes. Elle avoisine aujourd'hui 1 million d'habitants dont 56.1%
de jeunes de moins de 20 ans.
La commune est aussi marquée par une diversité
relativement forte d'ethnies ivoiriennes et de communautés
étrangères.
Appelée « cité
dortoir », Yopougon est en majorité composée
d'habitations groupées construites par les sociétés
immobilières parapubliques et privées ainsi que par les grandes
entreprises de la place, d'immeubles collectifs, de cours communes, des
villages et leurs extensions.
Les quartiers précaires sont en grand nombre sont
disséminés dans la commune, entre autres Yao Sehi,
Doukouré, Mon mari m'a laissé.
2- Situation
socio-économique
La commune de Yopougon présente un caractère
diversifié dans son aspect social. Quand à sa situation
économique, elle est dominée par le commerce.
a) Situation sociale
On peut retenir que 78.7% des habitants ont un niveau
équivalent au moins à celui du primaire.
On y trouve des chrétiens en majorité (54.1%) et
des musulmans (21.2%).
La commune dispose de plusieurs centres de santé
publics et parapublics et d'un centre hospitalier universitaire.
La commune offre à sa population plusieurs
établissements publics et privés. A ces établissements,
s'ajoutent des institutions spécialisées telles l'Ecole des
Sourds, l'Institut des Aveugles, l'Institut de Formation et d'Education
Féminine (IFEF) et trois centres sociaux qui ont pour objet l'assistance
des populations vulnérables, désoeuvrées, en
détresse, etc.
Il faut noter aussi que quelques ONG de la commune s'occupent
de la formation professionnelle des enfants en difficulté et de leur
réinsertion socio-économique.
La commune de Yopougon compte au niveau
institutionnel :
- 01 escadron, 02 brigades de gendarmerie et un groupement de
sapeurs
pompiers militaires.
- 03 commissariats (16, 17, et 19ème
Arrondissement), et un district de police.
b) Situation économique
La commune de Yopougon jouit de la présence d'une
importante zone industrielle (entre Andokoi et Gesco) et d'une zone artisanale
située dans le secteur de Niangon.
Le commerce connaît un essor remarquable avec plus de 15
marchés disséminés dans la commune.
A côté de ces grands espaces de commerce, l'on
note la présence d'un nombre important de maquis dont la
célèbre « rue princesse ». Cette rue
composée d'une trentaine de maquis et bars attire chaque soir des
milliers de personnes venant de divers horizons.
II- Présentation du quartier précaire
de Yahoséi
1. Situation géographique
a) Aspects physiques
Le quartier précaire Yahoséi est situé en
limite de deux quartiers d'habitat individuel et d'habitat sur cour :
SIDECI (société immobilière de Côte d'Ivoire) et
SICOGI (Société Ivoirienne de Construction et de Gestion
Immobilière).
Il est en quasi-totalité entouré d'espaces
résiduels et se trouve aux abords d'un canal primaire
d'assainissement.
Yahoséi s'étend sur une superficie de 13ha et
est implanté en totalité dans les emprises
réservées à la voie primaire dite « axe
médian de Yopougon ».
b) Aspects démographiques
Son appellation « Sicobois Yahoséi » est
révélatrice de ce qu'il est constitué en majorité
de baraques et de seulement 5%·de bâtiments en dur.
Yahoséi est composé de 3400 ménages en
1990. L'évolution de la population est de plus de 150% ; 90% des
chefs de ménages travaillent à Yopougon.
On y retrouve plusieurs ethnies de Côte d'Ivoire et un
grand nombre d'immigrés. Il s'agit d'une population indigente provenant
de la crise économique des années 80, de l'exode rural et
aujourd'hui des déplacés de la guerre que vit la Côte d'
Ivoire. La population est en majorité composée de femmes seules
(célibataires, veuves ou abandonnés) et d'enfants et adolescents
dont beaucoup sont livrés à eux-mêmes. Elle compte aussi un
fort taux d'analphabètes et de déscolarisés.
2. Situation socio-économique et
culturelle
Situation sociale
On rencontre à Yahoséi une population vivant
dans des courées de 10 à 12 maisons abritant chacune une famille
(c'est-à-dire une seule pièce) avec une cuisine commune, le coin
latrines douches fait en général défaut. Aucune cour n'a
de service individuel d'eau potable, de branchement électrique
légal, de service d'évacuation des eaux usées et des
ordures.
Cette situation crée la promiscuité avec les
risques d'épidémies, MST, SIDA et entraîne des relations de
voisinage conflictuelles et violentes. Elle engendre de même le
désoeuvrement des femmes, des jeunes et des enfants conduisant à
la délinquance précoce et livrant une partie de cette population
à une prostitution de survie.
Cependant, à Yahoséi, la population est
organisée et structurée. Chaque groupe ethnique a à sa
tête un chef.
Situation économique
Au plan économique, il est doté d'un
marché, d'un centre de santé publique et de plusieurs officines
privées. On y remarque aussi la présence de plusieurs
tradi-praticiens et guérisseurs.
Il est aussi doté d'une école maternelle. A ses
abords se trouve également le centre polyvalent St Jean Eudes qui abrite
les locaux de l'ONG « mouvement du nid », lequel mouvement
a pour objectif la lutte contre la prostitution.
PARAGRAPHE 2 : PRESENTATION DES INSTITUTIONS
I- Présentation du service social de la
mairie de Yopougon
Le service social de cette commune qui a vu sa
création il y a quelques années dénote de l'importance
qu'accorde la commune aux différents problèmes des jeunes en
général et des jeunes déscolarisés en particulier.
Il n'existe pas de programme cible pour les jeunes
déscolarisés des quartiers précaires.
La mairie lutte contre ces phénomènes
anti-sociaux. Cette lutte s'inscrit dans la lutte contre la pauvreté.
A côté de cela nous avons le service Assistance
Sécurité Urbaine de la commune qu'abritent les locaux de la
maison des jeunes de la commune. Son action s'inscrit dans la lutte
préventive contre l'insécurité. Ce service
développe des actions en direction des jeunes déscolarisés
en vue de leur insertion sociale. Ainsi à travers le Projet d'Appui
à la Sécurité Urbaine (PASU), elle entreprend des actions
financées par le PNUD et le Royaume de Belgique. La mairie de Yopougon
travaille aussi avec les ONG de la commune.
II- Le mouvement du Nid Côte d'Ivoire
C'est une ONG internationale représentée en
Côte d'Ivoire depuis1993. Son siège social se situe au Centre
d'Accueil Missionnaire (CAM) dans la commune du Plateau. Une annexe est
située dans la commune de Yopougon : le centre polyvalent
Saint-Jean Eudes qui abrite les activités de l'ONG. Ce centre est
situé entre le quartier précaire SICOBOIS Yahoséi et la
SIDECI, derrière l'antenne de Côte d'Ivoire Télécom.
Il comprend plusieurs salles équipées et deux (2) abris. Il est
aussi doté d'un espace de jeux.
L'objectif du Mouvement du Nid est de lutter contre la
prostitution sous toutes ses formes et ses conséquences. Il agit tant au
niveau de la prévention que de la réinsertion. A cet effet, le
centre Saint Jean Eude abrite diverses activités que sont : la
formation professionnelle, notamment la couture, la coiffure,
l'alphabétisation, l'éducation à la vie familiale et
l'éducation physique et sportive.
Au sein du centre se tiennent aussi des réunions
hebdomadaires et d'autres activités des membres du Mouvement du Nid. Il
s'agit des réunions de travail, des séances d'écoute de la
population cible. En effet, l'ONG travaille par commission ou équipe.
Elle comprend aussi un secrétaire général et un
délégué chargé des affaires extérieures.
Elle travaille aussi en collaboration avec des maîtresses
d'éducation permanentes et des assistants sociaux. Ses moyens financiers
proviennent des cotisations des membres et des subventions accordées par
les partenaires au développement
Une permanence existe aussi au centre ou le mouvement dispose
d'une documentation à l'intention des visiteurs et de toute personne
désireuse d'avoir des informations.
CHAPITRE 2 : APPROCHE DE LA DESCOLA RISATION ET
DE LA MARGINALITE
La déscolarisation et la marginalité
juvénile sont des phénomènes sociaux qui ne sont pas
nouveaux à Abidjan, encore moins dans les milieux sociaux
défavorisées. Plusieurs recherches en ont fait leur objet
d'étude. C'est pourquoi leurs facteurs sont connus de façon
générale, de même que leurs manifestations et leurs
conséquences. Toutefois, certains aspects peuvent s'avérer
spécifiques à Yahoséi.
PARAGRAPHE 1 : APPROCHE DE LA DESCOLARISATION A
YAHOSEI
Il s'agit pour nous de jeter un regard sur d'une part les
manifestations et d'autre part les facteurs et les conséquences
immédiates de la déscolarisation.
I- Manifestations de la déscolarisation
à Yahoséi
La déscolarisation est une réalité
indéniable à Yahoséi aussi. Nous y avons interrogé
30 adolescentes déscolarisées âgées de 14 à
19 ans et dont le niveau d'étude est en majorité le primaire.
Nous avons eu aussi à interroger 15 adolescentes
scolarisées du même âge. Bien que ces filles aient toutes le
niveau secondaire, la majorité n'en est qu'au premier cycle. Ceci nous
emmène à comprendre que les filles sont victimes du retard
scolaire. De même, nous pouvons remarquer que la déscolarisation
intervient en bas âge à Yahoséi. En effet, si l'on fait la
différence entre l'âge actuel et celui de la
déscolarisation, on se rend compte que pour plus de la moitié des
filles, elle est intervenue entre 5 et 11 ans. Par conséquent, on peut
dire que parmi les enfants scolarisées au départ,
l'éducation de base n'est pas assurée pour elles toutes.
II- Facteurs et conséquences de la
déscolarisation à Yahoséi
33,33% de filles ont évoquées comme causes de
leur déscolarisation le manque de moyens financiers de leurs
parents. Ceci s'explique par le fait que les parents sont souvent
licenciés, à la retraite ou encore de petits fonctionnaires ou
commerçants et des paysans. De même, ces enfants sont souvent
issus de familles nombreuses avec l'effet de la polygamie et le père
n'arrive pas toujours à faire face aux besoins de tous ses enfants. A la
suite de cette première cause, on note que 23,33% de filles disent avoir
quitté l'école par démotivation personnelle. En effet,
leur intérêt pour l'école s'affaiblit souvent à
cause de redoublements répétés ou encore de frustrations
reçues de la part des enseignants mais aussi de l'absence
d'encouragement provenant des parents et de leurs milieu de vie qui leur offre
peu ou pas de modèles en matière de réussite scolaire. En
outre, ce sont 16,68% d'adolescentes déscolarisées qui le sont
à cause de l'exclusion scolaire. En effet beaucoup
d'élèves de Yahoséi obtiennent de mauvais résultats
scolaires car il leur manque souvent le minimum de supports matériels
scolaires. Leur cadre de vie et les familles recomposées ou
monoparentales dont ils sont issus retentissent sur leur stabilité
psychologique et leurs aptitudes scolaires. Les goulots d'étranglement
que représentent souvent les classes d'examens comme le CM2, la
troisième et la terminale sont de véritables freins à la
scolarité des enfants des milieux défavorisés, les parents
ne disposant pas de moyens financiers pour leur assurer une scolarité
privée une fois renvoyés du système public. Les
adolescentes dont la déscolarisation relève du
décès du père ou de cas de maladie représentent
chacune pour leur part, 13,33%.
Le décès du père signifie très
souvent dans une famille défavorisée, la fin de toute prise en
charge scolaire et même financière car celui qui reçoit la
garde de l'enfant n'est pas toujours prêt à s'engager dans des
dépenses scolaires. Par ailleurs, la maladie est un facteur
extérieur qui handicape souvent l'enfant et lui fait prendre du retard
et plus tard, quand bien même il guérit les parents ne voient plus
le besoin pour lui de reprendre l'école, prétextant qu'il peut
réussir par d'autres voies.
Les conséquences de toute cette déscolarisation
souvent précoce (au cours préparatoire ou
élémentaire) sont l'analphabétisme, le fait que les jeunes
ne disposent pas de diplôme, ils se retrouvent dans une situation
d'oisiveté et d'errance et quelque fois même de marginalité
dite sociale.
PARAGRAPHE 2 : APPROCHE DE LA MARGINALITE
Selon les statistiques de l'année 2005 du commissariat
du 16eme arrondissement qui prend en compte le secteur de Yahoséi, au
mois de février, deux (02) filles de 16 et19 ans ont été
déférées pour les délits de coups et blessures
volontaires (CBV) sur un total de 36 cas de CBV. Au mois de Mars, trois
adolescentes de 11,15 et 19 ans ont été
déférées respectivement pour les délits de vol et
recel, abus de confiance et vol en réunion sur un total de 41 cas de
CBV, et 281 cas de vol. Au mois d'avril, une mineure de 17 ans est
déférée pour le délit de vol sur un total de 196
cas de vol. Au mois de mai, trois adolescentes de 14,17 et 18 ans sont
déférées respectivement pour les délits de vol,
abus de confiance et enlèvement de mineure sur un total de 186 cas de
vol, 215 cas d'abus de confiance et 6 cas d'enlèvement
d'enfant.28(*)
Le constat est que le nombre d'adolescente
déféré est très faible. Ceci montre que la
commission de ce type d'infraction n'est pas fréquente dans le milieu
des filles même s'il est vrai qu'il ne s'agit là que de la
criminalité légale.
En effet, « la délinquance des filles
n'est pas la délinquance violente » aux dires de Mr Essoh
Lasme, commissaire de police du 16eme Arrondissement. Ceci peut être
l'une des raisons pour lesquelles les filles, surtout les adolescentes ne sont
pas aussi mêlées à d'autres formes d'infraction que le
délit racolage qui lui-même découle de la prostitution.
C'est pourquoi, bien que M. le commissaire affirme :
«Yahoséi est un quartier hautement criminogène. On vient d'y
tuer 11 bandits dans un fumoir »29(*) (Nous étions au mois de Juin), les
comportements marginaux qui ont retenu notre attention à Yahoséi
sont la prostitution et l'avortement qui est un comportement
délinquantiel.
1- Prostitution
Pinatel affirmait : « Dans notre pays, la
prostitution n'est pas englobée dans la définition juridique du
crime. Et pourtant criminologiquement, on n'est pas loin d'admettre que la
prostitution est pour la femme un équivalent du délit. Ce qui est
sûr, c'est que le volume de la criminalité féminine change
complètement lorsqu'on tient ou ne tient pas compte de la prostitution
dans les statistiques. »30(*)
La pratique de la prostitution semble dominer les
comportements marginaux des filles déscolarisées à
Yahoséi. Cette prostitution est formelle c'est- à dire qu'elle
consiste à se rendre sur un site prostitutionnel et à offrir ses
charmes en échange d'une certaine somme d'argent. Plusieurs de nos
enquêtées vivent dans des hôtels de passe. Il s'agit pour
d'autres encore d'une prostitution occasionnelle qui survient chaque fois que
l'adolescente a besoin d'argent.
Dans notre échantillon, 15 déscolarisées
s'adonnent aujourd'hui à la prostitution formelle. En plus d'elles une
autre fille s'y est adonnée par le passé.
Quant aux scolarisées, deux d'entre elles s'y adonnent
également. Comme pouvait nous le dire un parent de Yahoséi,
« ce quartier est pourri. Les filles aiment la vie facile et
nous, on voit mais on ne peut rien dire parce qu'il n'y a plus de
respect. »
Il ressort donc que le contexte de pauvreté dans lequel
évoluent ces filles et la « facilité de ce
commerce » sont les causes de ces comportements marginaux chez ces
adolescentes.
La perte de l'estime de soi, les IST, le SIDA et la
marginalisation sociale sont souvent les conséquences de la
prostitution.
2- Avortement
L'avortement est un délit en Côte d'Ivoire.
Selon l'article 366 du code pénal ivoirien,
« Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manoeuvres,
violences ou par tout autre moyen procure ou tente de procurer l'avortement
d'une femme enceinte, qu'elle y ait consentie ou non, est puni d'un
emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 150 000 à
1 500 000 francs »
Cependant, La pratique de l'avortement est très
répandue à Yahoséi. Bien que seulement 20% des filles se
dit être concernée, nombreuses sont en réalité
celles qui l'ont déjà pratiqué car plusieurs filles
reconnaissent avoir une camarade qui se soit déjà fait
avorter.
C'est le plus souvent le refus du géniteur d'assumer
ses responsabilités, la peur des parents, la peur de devenir fille
mère qui poussent les adolescents à se faire avorter. Il s'en
suit souvent des cas de décès, d'infections ou même de
stérilité.
DEUXIEME PARTIE
DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION DES ADOLESCENTES ET
LEUR DEVENIR COMPORTEMENTAL
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DES RESULTATS
Notre méthode d'analyse étant tout aussi
qualitative que quantitative, c'est le lieu de présenter les
résultats obtenus à partir de nos investigations.
Notre enquête a porté sur un échantillon
de trente (30) adolescentes déscolarisées dont quinze
prostituées et quinze (15) non prostituées.
Toutes ces filles ont entre 14 et 19 ans et ont pour lieu de
résidence Yao Sehi.
Nous avons interrogé quinze (15) adolescentes
scolarisées pour servir d'élément de comparaison toutes
les fois que cela s'avèrera nécessaire. Toutes ces filles
résident également à Yahoséi et ont un âge
situé entre 14 et 19 ans.
PARAGRAPHE 1 : RELACHEMENT DE LEUR PRISE EN CHARGE
PAR LES PARENTS
Le relâchement de la prise en charge des adolescentes
déscolarisées par leurs parents se traduit d'abord par le fait
que les filles résident aujourd'hui moins chez leurs parents que du
temps de leur scolarisation.
Ensuite ce relâchement consiste aussi pour les parents
à prendre de moins en moins financièrement leurs enfants en
charge lorsque celles-ci deviennent des déscolarisées.
Enfin le fait que la déscolarisation soit
elle-même due au manque de moyens financiers des parents montre
déjà l'affaiblissement de la prise en charge.
Nous avons obtenu les résultats suivants :
- Les adolescentes déscolarisées vivent en
grande majorité en dehors du cadre familial.
En effet, presque toutes les adolescentes
prostituées vivent avec des camarades. L'une de nos
enquêtées, 16 ans et prostituée, explique
« Avant de venir ici, je vivais avec ma soeur. Mais nous
avons eu des histoires et je suis partie de chez elle pour vivre ici avec mes
camarades car mon père ne vit plus et ma mère n'a pas les moyens
de s'occuper de moi. »
Les autres adolescentes non prostituées vivent soit
chez leurs deux parents ou au moins un de leur parent (le père ou la
mère), soit chez leur concubin ou encore un parent autre que le
père ou la mère, c'est -à- dire toujours sous une
tutelle. Mlle X a 18 ans et est déscolarisée :
« Je vis avec mon concubin et c'est lui qui s'occupe de moi.
Moi-même je vends dans un restaurant pour une femme.»
Une autre de 16 ans affirme à son tour :
« je vis avec mon concubin. Il s'occupe de moi et mes parents aussi
quelques fois le font. Moi, je vends des oranges. »
L'une encore de 18 ans raconte : « Ma
mère est séparée d'avec mon père et a
épousé quelqu'un d'autre en ville. Je ne m'entends pas avec ce
dernier. Je vis ici avec mes deux frères et ils s'occupent aussi de
moi »
Tableau 1 : Les personnes avec qui vivent
les adolescentes
Statut
Lieu de
résidence
|
Déscolarisées
|
Scolarisées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Avec mon père
|
2
|
6,66
|
5
|
33,33
|
Avec ma mère
|
3
|
10
|
4
|
26,66
|
Avec mes deux parents
|
1
|
3,33
|
3
|
20
|
Avec un autre parent
|
5
|
16,66
|
2
|
13,33
|
Avec des camarades
|
13
|
43,33
|
1
|
6,68
|
Avec mon concubin
|
4
|
13,33
|
0
|
0
|
Avec mon tuteur
|
1
|
3,33
|
0
|
0
|
Seule
|
1
|
3,33
|
0
|
0
|
Total
|
30
|
100
|
15
|
100
|
Les filles déscolarisées qui vivent avec leurs
camarades représentent 43,33%. Celles qui vivent avec leurs deux parents
représentent 3,33%. Quand aux scolarisées, seulement 6,68% vivent
avec des camarades tandis que celles qui vivent avec leurs pères
représentent 33,33%, celles qui vivent avec leurs mères, 26,66%
et celles qui vivent avec les deux parents représentent 20%.
- Les adolescentes encore scolarisées vivent plus dans
le cadre de vie familial que les déscolarisées car plus des deux
tiers (2/3) vit chez au moins un de leur parent ou les deux à la
fois.
Tableau 2 : Les personnes avec qui
vivaient les adolescences du temps
de la
scolarité
Statut
Lieu de
résidence
|
Déscolarisées
|
Scolarisées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Avec mon père
|
4
|
13,33
|
5
|
33,33
|
Avec ma mère
|
9
|
30
|
4
|
26,66
|
Avec mes deux parents
|
12
|
40
|
4
|
26,66
|
Avec un autre parent
|
5
|
16,67
|
2
|
13,35
|
Total
|
30
|
100
|
15
|
100
|
Ce sont 40% des filles déscolarisées qui
vivaient chez leurs deux parents. Le minimum des filles, à savoir 13,33%
vivait chez leurs pères.
On constate que du temps de la scolarité, plus des
trois quarts (3 /4) des adolescentes vivaient chez leurs parents, à
savoir chez les deux parents ou l'un au moins.
Plusieurs déscolarisées se sont aujourd'hui
éloignées du cadre de vie familial.
Tableau 3 : Les personnes qui
prennent en charge les adolescentes
Statut
Prise en charge
|
Déscolarisées
|
Scolarisées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Mon père
|
2
|
6,66
|
5
|
33,33
|
Ma mère
|
2
|
6,66
|
4
|
26,66
|
Mes deux parents
|
3
|
10
|
3
|
20
|
Autre parent
|
3
|
10
|
2
|
13,33
|
Moi-même
|
17
|
56,68
|
1
|
6,68
|
Mon concubin
|
3
|
10 ,02
|
0
|
0
|
Total
|
30
|
100
|
15
|
100
|
Les déscolarisées, qui, aujourd'hui se prennent
en charge elles-mêmes représentent 56,68%. Celles prise en charge
seulement par le père ou la mère représente chacun pour sa
part6, 66%. Si on veut distinguer la prise en charge parentale (à savoir
par les deux parents ou un au moins) des autres prises en charge, on remarque
qu'elle représente 23,32%%.
Quant aux scolarisées, 33,33% bénéficient
de la prise en charge de leurs pères et 6,68% sont à leur propre
charge. Les filles scolarisées qui bénéficient d'une prise
en charge parentale représentent 79,99%.
Au niveau de la prise en charge financière des
adolescentes par leurs parents, on constate que celle des
déscolarisées est faible. En effet, seulement un cinquième
(1/5) des filles vit aux dépends de leurs parents à savoir l'un
au moins des deux parents. Et moins de 1/5 est pris en charge par un parent de
la famille élargie.
La responsabilité des déscolarisées dans
leur prise en charge, surtout celle des prostituées repose en
majorité sur elles-mêmes car plus de la moitié d'entre les
déscolarisées sont à leur propre charge.
Mlle X, 18 ans et prostituée, affirme à la
question de savoir qui la prend en charge : « c'est
moi-même qui me prend en charge. Je paie ma nourriture moi-même, ma
maison, mes habits, tout, mon père ne me donne
rien. »
Quant à Mlle Y, 19 ans, déscolarisée mais
non prostituée, elle affirme : « je vis à
la maison paternelle avec mes oncles, mes frères et soeurs. Je suis
serveuse dans un maquis où je gagne 20 000frs par mois et je me
prends moi-même en charge. »
Par contre, les parents font plus face à la charge
financière des filles scolarisées car plus des 3/4 dépend
d'eux.
Par ailleurs au temps de la scolarité, le soutien
financier est presque exclusivement familial.
On se rend alors compte que la prise en charge
financière par les parents diminue considérablement du temps de
la déscolarisation.
Tableau 4 : Causes de la
déscolarisation
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Manque de moyens financiers
|
10
|
33,33
|
Décès du père
|
4
|
13,33
|
Arrêt volontaire
|
7
|
23,33
|
Exclusion
|
5
|
16,68
|
Maladie /invalidité
|
4
|
13,33
|
Total
|
30
|
100
|
Ce sont 33,33% des adolescentes déscolarisées
qui le sont par manque de moyens financiers, voire même
46,66%, sachant que même le décès du
père sous entend le manque de moyens.
La maladie et l'invalidité contribuent pour 13,33%.
Considérant les causes de la déscolarisation des
adolescentes, on se rend compte que le manque de moyens financiers est à
l'origine de presque la moitié de celles-ci ; toute chose qui
indique un relâchement de la part des parents.
PARAGRAPHE 2 : FREQUENTATION ET PROXIMITE D'AUTRES
FILLES DEVELOPPANT DES CONDUITES
DEVIANTES ET MARGINALES
L'environnement humain des adolescentes
déscolarisées de Yahoséi est dominé par la pratique
de la prostitution et de l'avortement. Les autres comportements interdits par
le code pénal ne semblent pas être très fréquents
dans l'environnement relationnel de nos adolescentes.
Par ailleurs, l'entrée dans la prostitution se fait
souvent sur le conseil d'une camarade, conseil qui peut se présenter
comme un véritable facteur humain déclenchant le comportement
prostitutionnel.
Nous avons eu à rencontrer l'une de nos adolescentes
déscolarisées non prostituée sur l'un des sites où
elle a des amies qui se prostituent. Cette dernière nous confie :
« moi, je ne me prostitue pas mais je bois et je fume. Je viens
ici pour accompagner mes camarades et aussi pour faire le
show. » Même si ces dires sont vrais, il n'en demeure
pas moins que cette adolescente se trouve en situation pré
prostitutionnelle et que du jour au lendemain, elle pourrait basculer dans la
prostitution.
Tableau 5 : Fréquentations des
adolescentes déscolarisées
|
A une camarade prostituée
|
A une camarade ayant subi un avortement
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Concernées
|
23
|
76,66
|
26
|
86,66
|
Non concernées
|
7
|
23,34
|
4
|
13,34
|
Total
|
30
|
100
|
30
|
100
|
A la question de savoir si l'adolescente
déscolarisée a une camarade au moins qui s'est déjà
adonnée à la prostitution, à l'avortement, il ressort que
76,66% des adolescentes déscolarisées, qu'elles se prostituent ou
non a une camarade qui s'adonne à la prostitution. 23,34% (un peu moins
de 1/5) seulement représentent celles qui n'ont pas de camarade dans la
prostitution.
86,66% d'adolescentes ont une camarade qui a
déjà fait l'objet d'au moins un avortement et seulement 13,34%
n'en ont pas.
L'influence des amis est un facteur humain décisif dans
l'entrée dans le milieu prostitutionnel et la pratique de
l'avortement.
Tableau 6 : Facteurs favorisant
l'entrée dans la prostitution
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Manque de prise en charge
|
11
|
42,30
|
Décès du père
|
5
|
19,23
|
Situation de guerre
|
3
|
11,53
|
Conseils d'amis
|
7
|
26,94
|
Total
|
26
|
100
|
Les conseils donnés par les pairs et la
fréquentation même de ceux-ci a contribué à hauteur
de 26.94% à favoriser cette entrée ; ce qui constitue un
facteur humain important.
PARAGRAPHE 3 : LOGIQUE D'ADAPTATION ET VALORISATION
DE SOI
Nombreuses sont les adolescentes déscolarisées
qui ne sont pas insérées dans le tissu social surtout au plan
matériel. En effet, plusieurs n'ont aucune activité lucrative qui
puisse leur permettre de se prendre en charge pour les petits besoins. Par
contre, on constate que les déscolarisées qui ne se prostituent
pas ont une occupation tandis que les autres sont en oisiveté lors de
leur situation pré-prostitutionnelle.
Par ailleurs, la logique d'adaptation des
déscolarisées qui se prostituent s'analyse à travers leurs
sentiments face à leur situation de déscolarisées et leurs
projets d'avenir ainsi que leur revenus par mois.
Tableau 7 : Absence d'activité
lucrative autre que la prostitution chez les
déscolarisées
prostituées
Comportement
Activité
|
Prostituée
|
Non Prostituée
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Rien
|
14
|
93,33
|
12
|
80
|
Activité lucrative
|
1
|
6,67
|
3
|
20
|
Total
|
15
|
100
|
15
|
100
|
Ce sont 93,33% des adolescentes prostituées qui n'ont
aucune autre activité lucrative et 80% d'adolescentes non
prostituées qui n'exercent aucune activité lucrative non plus.
L'absence d'activité lucrative est visible tant chez
les adolescentes qui s'adonnent à la prostitution que chez celles qui ne
s'y adonnent pas et ceci signifie que le fait de ne pas avoir d'activité
lucrative n'est pas forcément source de prostitution.
Tableau 8 : Occupation des filles non
prostituées
Occupation des filles déscolarisées non
prostituées
|
N'a aucune occupation
|
4
|
026,66
|
A une occupation
|
11
|
073,34
|
Total
|
15
|
100
|
73,34% d'adolescentes déscolarisées non
prostituées ont une occupation.
Parmi elles, presque les 3 /4 sont en apprentissage d'un
métier et le reste exerce une activité génératrice
de revenus, en général le commerce.
Le fait d'être occupées, de s'investir dans une
action, un projet préserve souvent de la prostitution.
« Avant de venir ici, je dormais à
la belle étoile au marché d'Adjamé avec d'autres camarades
après avoir quitté la maison à cause de ma tante qui me
maltraitait trop. Un jour à Yopougon, j'ai rencontré une
camarade et je l'ai suivie ici » confie une adolescente
prostituée de 13 ans.
Une autre de 19 ans nous explique :
« je vivais avec mon copain avec qui j'ai eu 2 enfants à Divo.
A son décès, j'étais enceinte de notre 2eme enfant et ses
parents ne pouvaient s'occuper de moi. C'est ainsi que je suis venue me
« chercher à Abidjan. »
Tableau 9 : Attitude face à leur
situation de déscolarisées
Comportement
Attitude
|
Déscolarisées
Prostituées
|
Déscolarisées non
Prostituées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Regrette
|
8
|
053,33
|
13
|
086,66
|
Ne regrette pas
|
7
|
046,67
|
2
|
013,34
|
Total
|
15
|
100
|
100
|
100
|
Les déscolarisées prostituées qui
regrettent leur situation de déscolarisée représentent
53,33% (un peu plus de la moitié) tandis que les non prostituées
qui ont ce sentiment représentent 86,66% (plus des 3 /4).
Le sentiment de regret de l'école chez les adolescentes
déscolarisées marginales ou déviantes est plus faible que
chez les autres déscolarisées.
Cela traduit le fait que l'apprentissage n'est pas
privilégié comme mode
d'adaptation socioprofessionnel chez les adolescentes qui
s'adonnent à la prostitution contrairement aux autres filles
déscolarisées.
Tableau 10 : Projet d'avenir professionnel
des adolescentes déscolarisées
Comportement
Projet
professionnel
|
Déscolarisées
prostituées
|
Déscolarisées non
prostituées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Commerce
|
10
|
066,66
|
2
|
013,34
|
Coiffure /Couture
|
5
|
033,34
|
13
|
086,66
|
Total
|
15
|
100
|
15
|
100
|
Chez les prostituées, 66,66% projettent faire le
commerce contre 33,33% qui optent pour l'apprentissage d'un métier.
Quant aux non prostituées, 86,66% projettent apprendre un métier
pendant que 13,34% veulent faire le commerce.
La représentation de la réussite sociale de
l'adolescente marginale ou déviante est caractérisée par
le gain rapide.
En effet, pour réussir, la tendance est à la
tenue d'un commerce florissant chez les prostituées (les 2/3) tandis
que chez les autres, l'exercice d'un métier (la coiffure ou la couture)
confère un sens à la réussite sociale (plus des 3/4).
La prostitution se présente comme un moyen et non une
fin car elle représente pour ces adolescentes
déscolarisées un passage pour parvenir à une
intégration socioprofessionnelle pro sociale.
Tableau 11 : Le revenu par mois des
adolescentes déscolarisées
Comportement
Revenu par mois
|
Déscolarisées
prostituées
|
Déscolarisées non
Prostituées
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Plus de 50 000 Frs
|
12
|
0080
|
0
|
000
|
De 31 000 à 50 000 Frs
|
2
|
003,33
|
2
|
013,33
|
De 5000 à 30 000 Frs
|
1
|
006,67
|
5
|
033,34
|
Rien
|
0
|
000
|
8
|
053,33
|
Total
|
15
|
100
|
15
|
100
|
80% des filles qui s'adonnent à la prostitution gagnent
par mois plus de 50 000f. Par contre aucune des adolescentes comme elles
qui ne se prostituent pas ne gagne une telle somme. Au niveau de ces
dernières, 53,33% n'ont aucun revenu, 3 3,34% gagnent entre
5 000 et 30 000 et 13,33% ont entre 31 000 et 50 000F.
A la question de savoir quand elles comptent cesser de se
prostituer, les filles répondent en majorité que c'est
lorsqu'elles auront réuni les fonds nécessaires à leur
commerce
La prostitution est une
« activité » génératrice de
revenus.
Le revenu par mois des adolescentes qui s'adonnent à la
prostitution s'élève à plus de 50 000f pour plus de
4/5 des filles et se situe entre 31 000 et 50 000 F pour le reste.
C'est dans ce sens qu'une adolescente prostituée de 16
ans explique « Suite à la guerre, j'ai quitté
Bouaké pour Abidjan. Ici, j'ai été servante chez plusieurs
femmes mais elles ne me payaient pas bien et pas toujours. C'est ce qui m'a
poussé à me prostituer. Lorsque j'aurai l'argent
nécessaire pour mon commerce, je vais
arrêter ».
CHAPITRE 2 : INTERPRETATION ET DISCUSSION DES
RESULTATS
PARAGRAPHE 1 : INTERPRETATION
1- Statut de déscolarisée et prise en
charge au sein de la famille
Les adolescentes des milieux défavorisés sont de
moins en moins prises en charge par leurs parents une fois
déscolarisées, si ce n'est le décès de son
père notamment qui a fait d'elle une déscolarisée. Elles
sont placées très tôt face à la question de leur
propre prise en charge financière et poussées à rechercher
d'autres voies et issues afin d'assumer cette charge.
· Statut de déscolarisée au sein
de la famille
Dans les sociétés africaines en
général et la société ivoirienne en particulier, la
part belle est souvent faite au sein des familles à l'enfant qui va
à l'école, surtout dans les familles modestes et pauvres.
Celui-ci est considéré au départ comme un investissement
et donc mérite une attention particulière contrairement au
déscolarisé, surtout si ce dernier l'est du fait de son mauvais
rendement scolaire.
Souvent, le décès du père, principale
source de revenu, laisse la jeune fille sans autre alternative. Quand bien
même elle se retrouve parfois à la charge d'un tiers parent, sa
prise en charge est biaisée.
· Question de la prise en charge de la fille
par les parents
La prise en charge financière de la fille par les
parents s'avère être plus limitée dans le temps que celle
du garçon. A partir d'un certain âge, la jeune fille doit pouvoir
se « débrouiller » elle-même et ne plus vivre
aux dépends de ses parents et même souvent aider ceux-ci à
s'occuper du reste de la famille.
Etre fille et de surcroît déscolarisée
à l'âge de l'adolescence dans un milieu pauvre comme celui de
Yahoséi signifie qu'il faut se chercher ; c'est d'ailleurs le terme
qu'utilisent les adolescentes déscolarisées prostituées
pour désigner ce qu'elles font.
La situation de ces adolescentes n'est pas aisée quand
on sait que l'adolescence est une période marquée par
l'accroissement des besoins de la fille (vestimentaires,
monétaire...).
« La démission parentale conduit les jeunes
à organiser la vie à leur guise, leur ouvrant ainsi la porte aux
phénomènes de la déviance si connu dans nos
régions : [...] alcool, drogue, prostitution. [...] Parfois, les
jeunes filles sont aussi touchées par la démission des
mères, qui, ne sachant quoi faire, les envoient se
« débrouiller » dans la rue... »31(*)
2- Affaiblissement de l'autorité parentale
et recherche de prise en charge
Qu'il s'agisse de celles qui s'adonnent à la
prostitution ou des autres déscolarisées, les parents sont
beaucoup moins engagés dans la prise en charge financière que du
temps de la scolarité.
Ce relâchement a eu pour conséquence
l'affaiblissement de l'autorité parentale.
· Affaiblissement de l'autorité
parentale
Les parents ne pouvant ou ne voulant plus répondre
aux besoins financiers de la fille voient leur autorité sur celle-ci
diminuer considérablement. La fille obtient ainsi une certaine
liberté à l'égard du contrôle parental et tombe dans
un laisser-aller. En plus, à peu près la moitié des
familles de ces adolescentes sont des familles monoparentales
constituées surtout de la mère. Ce déséquilibre
psychologique qui pré existe chez la fille, soit en termes de manque
d'autorité paternelle ou d'affection maternelle, favorise davantage
l'affaiblissement de cette autorité.
S'agissant de son entrée dans la prostitution Mlle X
explique : « après la séparation de mes
parents, je suis venue vivre avec ma mère. Cette dernière n'a
plus les moyens de s'occuper de moi et mon père est aujourd'hui à
la retraite ».
Comme le constate Serge Larivée, « Le
vécu familial des adolescents délinquants présente un
tableau général d'inharmonie et d'instabilité
marqué par au moins deux absences : l'absence de stabilité
relationnelle et l'absence de cohérence dans leurs règles de vie
(exigences parentales) oscillant dans certains cas de l'exigence tyrannique au
laisser aller le plus total. »32(*)
Par ailleurs, il convient de préciser qu'il existe des
situations exceptionnelles de relâchement dans la prise en charge dues
au décès du père. Dans ces cas, la cause de
l'affaiblissement du contrôle parental est l'absence du père.
La prise en charge financière par les parents occupe
une part importante dans l'engagement pro social. Mlle Z a 19 ans et est aussi
déscolarisée et vit à Yahoséi. Elle apprend la
couture et habite chez ses parents qui la prennent en charge.
· A la recherche de prise en charge non
parentale
Que la déscolarisée soit en apprentissage d'un
métier, qu'elle n'ait aucune occupation, c'est aujourd'hui la fille
elle-même qui « se cherche » pour se prendre en
charge.
Certaines se mettent en ménage avec un homme à
qui revient la charge de s'occuper d'elle ou encore ont plusieurs partenaires.
Mlle Y, jeune prostituée de 19 ans affirme quant à elle :
« quand j'ai laissé l'école, j'ai
commencé à apprendre la couture mais après j'ai
arrêté à cause de la mort de mon père et je suis
allé vivre avec mon copain à Divo.»
D'autres encore vont vivre chez un autre parent souvent un
grand frère, une grande soeur, un oncle ou une tante.
Pour ce qui est des adolescentes qui s'adonnent à la
prostitution, plusieurs quittent le domicile familial pour vivre avec d'autres
camarades prostituées.
« Je suis le premier enfant de mes parents.
Mon père est forgeron et ma mère est commerçante. Mes
parents n'ont pas suffisamment de moyens pour s'occuper de moi .C'était
dur et je voulais me prendre en charge. Je suis venue habiter ici avec mes
camarades », nous fait comprendre une de nos
enquêtée.
Face à la problématique déjà
difficile de leur propre prise en charge financière par leurs parents,
les adolescentes déscolarisées ont peur d'avoir à porter
la charge d'un autre individu, d'un enfant. Ceci d'autant plus que les chances
que le géniteur assume ses responsabilités sont maigres, sinon
inexistantes. Les filles trouvent ainsi en l'avortement une solution toute
indiquée au problème des grossesses non désirées
auquel elles sont nombreuses à être confrontées.
3. Influence de l'environnement et tolérance
du milieu
· Influences de l'environnement
prostitutionnel
A Yahoséi, la prostitution est une
réalité sociale que côtoient les adolescentes
déscolarisées au quotidien.
D'emblée, il est bon de préciser que
Yahoséi est un quartier hautement prostitutionnel. On y trouve un grand
nombre de maisons closes où vivent plusieurs filles de diverses
nationalités dont les Ghanéennes et les Nigérianes mais
aussi des Ivoiriennes. A côté de cela, à Yahoséi,
sont aussi domiciliées d'autres filles (adolescentes ou non) qui
quittent leur quartier pour aller se prostituer sur d'autre sites tel la
célèbre « rue princesse ». Le
« Mouvement du nid », une ONG qui lutte contre la
prostitution a identifié Yahoséi au nombre des sites
prostitutionnels de Yopougon.
Une adolescente de 16 ans, vendeuse d'orange affirme :
« Ici à Yahoséi, presque toutes les filles se
prostituent. Le matin, on est même chose mais la nuit, beaucoup vont se
prostituer à la rue, au bel air ou bien même
ici.»
· Tolérance de l'avortement par le
milieu social
Le sentiment de culpabilité dans la pratique de
l'avortement est très faible, voire inexistant dans notre
société moderne tant qu'il ne s'en suit pas de drame.
Dans ce délit, la jeune fille est rarement la seule
responsable car les parents, le géniteur et tous les praticiens y ont
leur part. Une adolescente scolarisée confie :
« moi-même j'ai déjà fait un avortement. Mes
parents ne voulaient pas de la grossesse et moi aussi je voulais continuer
l'école, c'est pourquoi j'ai avorté.»
Dans tous les pays d'Afrique où il est
interdit, l'avortement provoqué est pratiqué aussi bien par des
médecins dans de luxueuses cliniques privées que par des membres
du personnel para médical, inexpérimentés et dans des
conditions désastreuses. Toutes sortes de femmes y font appel sans
distinction de milieu ou de condition sociale, aussi bien la très jeune
fille que la femme déjà mûre, mère de plusieurs
enfants. Sa fréquence, bien qu'impossible à chiffrer de
manière précise peut être exprimée par le nombre des
accidents qui amènent la malade à l'hôpital, dans des
circonstances souvent dramatiques : septicémie [...],
péritonite [...], choc toxi-infectieux, perforation
utérine .Lorsque la malade guérit, il persiste des
séquelles à type de douleurs abdominales chroniques et surtout de
stérilité.33(*)
Plusieurs filles ont des camarades qui se sont
déjà fait avorter, mettant ainsi leur vie en danger. Il en est de
même pour la prostitution.
A la vue de cette situation, il n'est pas étonnant que
ces adolescentes elles aussi s'adonnent à la prostitution car
l'adolescence représente une période assez sensible aux
fréquentations, surtout des pairs.
4. Sensibilité de l'adolescence et processus
d'imitation
· Sensibilité de l'adolescence dans la
formation de la personnalité
L'adolescence est une période
caractérisée par « la crise de
l'adolescence » qui est un temps de quête d'identité
propre, de déséquilibre où l'adolescente cherche ses
repères. Elle est un temps d'errance, d'essaie. Aussi, les
fréquentations des pairs jouent-elles un rôle catalyseur au sens
où l'adolescente, désormais en contestation avec les valeurs des
adultes, forme avec ses camarades une « classe sociale »
à laquelle elle s'identifie et se reconnaît.
« Dès lors qu'ils cherchent sans cesse les occasions
d'évasions et qu'ils ne se sentent à l'aise que parmi les pairs,
les jeunes sont à tout moment exposés à la
déviance. »34(*)
En effet, le relâchement de leurs parents dans leur
prise en charge, l'affaiblissement de l'autorité parentale et
l'accroissement de leurs besoins, tout cela dans un contexte de pauvreté
économique ne laisse pas les adolescentes indifférentes aux
propositions de leur milieu ou de leurs camarades, qu'elles soient actives ou
passives. Les adolescentes « se cherchent »
c'est-à-dire qu'elles cherchent des voies et moyens pour s'en sortir
dans la vie. Voulant imiter leurs camarades, plusieurs filles succombent
à la tentation, s'aventurent et s'installent dans la prostitution. Une
adolescente élève en classe de Terminale qui s'adonne à la
prostitution nous raconte : «Je vis avec ma mère. C'est une
institutrice à la retraite. Si je me prostitue, c'est pour avoir de
l'argent de poche pour acheter des habits à la mode comme mes
camarades. »
· Imitation des pairs
Parmi les éléments cités dans le
processus d'entrée dans la prostitution, les conseils donnés par
les amis ont souvent parachevés la décision finale de se livrer
à la prostitution. En effet, la camarade se présente comme celle
qui entraîne sur le site prostitutionnel, elle est celle qui
présente la nouvelle venue aux autres. La camarade est aussi celle qui
encourage ou incite par ses biens matériels. Dans ce milieu
défavorisé, elle constitue un modèle, elle fait envie.
Mlle X, 16 ans, explique :
Après le décès de mon père
qui était militaire pendant la guerre, ma soeur aînée et
moi sommes venues à Abidjan. Nos parents paternels ont mis la main sur
ce qui revenait à notre père et nous ont abandonnés. Nous
sommes allées vivre avec la camarade de ma soeur qui
se « cherchait ». Et ma soeur aussi a commencé
à se chercher en zone 4 tout en m'interdisant de faire autant.
Après son départ pour la France, sa camarade à refuser de
me prendre en charge alors qu'elle bloquait l'argent que ma soeur
m'expédiait. C'est alors que des camarades m'ont conseillées de
venir ici à Yahoséi pour me chercher aussi.
Mlle Y, à son tour déclare :
« Cela fait deux ans que je suis dedans. J'ai demandé
à mes camarades qui s'habillaient bien comment elles faisaient pour
gagner leur argent et j'ai commencé. »
On se rend compte à la lecture de ces dires que les
raisons qui poussent les filles à la prostitution sont certes le manque
de prise en charge financière mais la décision finale est souvent
liée au contact que les adolescentes ont avec d'autres filles
prostituées.
Ce comportement semble être un facteur humain
décisif dans l'adoption du comportement prostitutionnel.
Quant à l'avortement, les camarades ou pairs
constituent pour les adolescentes déscolarisées des exemples
ayant « bravé et réussi » cette
épreuve. Leur expérience ôte la peur, la crainte de passer
à l'acte. C'est pourquoi, l'avortement constitue d'ailleurs une pratique
courante dans le milieu des adolescentes à Yahoséi. Ici, les
camarades donnent des conseils sur les produits, la méthode à
utiliser ou encore conduisent chez le praticien.
5. Société de consommation et logique
d'adaptation
· Une société de
consommation
La société moderne africaine dans laquelle nous
vivons aujourd'hui tend à devenir une société de
consommation calquée sur le modèle européen.
Posséder alors le pouvoir d'achat est ce qui compte
quelque soit la manière dont cela est fait. De plus en plus, la
prostitution devient un moyen pour le faire.
En outre, la représentation de la réussite
sociale tant pour les prostituées que pour les autres filles
équivaut à l'argent ; toute chose qui appuie le
caractère de plus en plus matériel de notre
société.
Comme élément de réussite sociale, le
foyer est aussi pris en compte mais en dernière position. Ceci
s'explique par le fait aussi de la matérialisation des relations
interpersonnelles même dans le cadre du mariage. En effet, bien que la
vie de couple constitue dans notre société une grande
valorisation, elle tend à être reléguée au second
plan au profit du gain matériel. L'idée qu'une fille qui
« ne fait rien » ne peut pas trouver un mari qui puisse la
prendre financièrement en charge est aujourd'hui répandue. Avoir
de l'argent est en définitive un puissant vecteur de valorisation
sociale car il semble ouvrir toutes les portes.
· Logique d'adaptation sous jacente à la
prostitution et à l'avortement
A Yahoséi, les adolescentes déscolarisées
qui s'adonnent à la prostitution la conçoivent non pas comme une
fin mais un moyen. Elle est un tremplin .Il s'agit pour ces adolescentes
de recueillir le capital nécessaire pour entreprendre une
activité génératrice de revenus, en l'occurrence le
commerce. En effet dans une société où les valeurs morales
sont de plus en plus corrompues au profit du matériel, ce qui compte le
plus est de s'en sortir en définitive, peu importe les moyens. Ainsi
beaucoup d'adolescentes répondent à la question de savoir quand
elles arrêteront de se prostituer : « lorsque j'aurai
l'argent nécessaire pour faire mon commerce. » Une
élève de 15 ans en classe de 4eme et qui s'adonne à la
prostitution affirme : « C'est moi-même qui paie mes cours
dans une école privée avec l'argent que je gagne et je me prends
aussi en charge. Je suis une déplacée de guerre et mes parents
sont au village et n'ont plus rien. Plus tard, je veux devenir médecin
ou avocate. »
Par ailleurs, le besoin d'indépendance cité par
les adolescentes au nombre des causes de leur comportement prostitutionnel
dénote aussi de leur recherche de valorisation sociale en termes de
liberté .En effet dans ce milieu, n'être à la charge de
personne, gagner soi-même sa vie est sujette de mérite et d'envie.
En dehors de notre questionnaire, une adolescente nous confiait :
« Tantie, tu vois la fille là, chez elle, il y a tout. Les
gens peuvent penser que c'est garçon qui paie pour elle mais ce n'est
pas vrai. C'est elle-même. »
Dans leur logique, les filles refusent le statut de fille
mère autant qu'elles le peuvent en pratiquant l'avortement. Aujourd'hui,
les mères ne sont pas toujours prêtes à recueillir leurs
petits enfants comme c'était le cas par le passé à cause
des besoins de plus en plus grandissant pour l'éducation d'un enfant.
6. Refus d'apprentissage et besoin de satisfaction
immédiate
· Refus d'apprentissage
Chez les adolescentes déscolarisées, on
note le goût du gain rapide qui se traduit à travers leur
désir de faire le commerce plutôt que d'apprendre un
métier. En effet l'apprentissage demande du temps, de la patience tandis
que le commerce est une activité qui génère des revenus
à très court terme. Le désir de satisfaction
immédiate des besoins chez elles est symptomatique du trait de
caractère psychologique du déviant.
· Besoin de satisfaction
immédiate
Presque la totalité des adolescentes qui s'adonnent
à la prostitution disent ne pas avoir le choix quand on leur demande
pourquoi elles ne font pas autre chose.
Mais, à la question qui leur est posée de savoir
si elles envisagent arrêter un jour, elles répondent toutes
« oui ». Et lorsqu'il leur est demandé quand
précisément elles comptent arrêter, une réponse
vague est donnée : « quand j'aurai réuni l'argent
nécessaire pour mon commerce », ou encore « quand je
trouverai autre chose à faire ». Chez ces adolescentes, il n'y
a pas de projection conséquente dans le futur de façon pratique
mais plutôt théorique. Elles semblent se contenter de ce qu'elles
gagnent « facilement » si bien qu'elles n'envisagent
pas clairement le futur sans ce gain que leur procure la prostitution.
PARAGRAPHE 2 : DISCUSSION
La question principale à laquelle nous tentons
d'apporter une réponse dans cette étude est celle de savoir s'il
existe un lien entre la situation de déscolarisée des
adolescentes et le développement des comportements déviants chez
elles en rapport avec leur milieu de vie économiquement
défavorisé.
La période sur laquelle nous nous sommes
focalisés est celle là qui part de la sortie déjà
effectuée du système scolaire à la suite de
l'évolution de l'adolescente.
A cet effet, nous avions formulé trois
hypothèses selon lesquelles :
- Le relâchement de la prise en charge de la fille par
les parents emmène cette dernière à développer des
comportements déviants.
- Les adolescentes deviennent marginales et
délinquantes par processus d'imitation de leurs pairs adolescentes
(déscolarisées) qu'elles côtoient.
- Les adolescentes déscolarisées voient dans la
marginalité une logique d'adaptation et un moyen de se valoriser dans la
société.
Les variables explicatives sur les quelles nous nous sommes
appuyées pour formuler nos hypothèses nous conduisent donc
à vérifier les liens qui existent entre :
- La marginalité des adolescentes et leurs prise en
charge parentale au plan financier quant on sait qu'elles sont issues de
familles économiquement défavorisées.
- La marginalité des adolescentes et le vécu
psychosocial de leur déscolarisation
- La marginalité des filles et leurs
fréquentations (celle des pairs)
D'aucuns pourraient admettre ces différents liens mais en indiquer le
sens autrement tandis que d'autres pourraient même simplement et purement
les nier.
L'on pourrait alors se poser la question de savoir quelles
sont les limites de nos résultats.
1- Relation pauvreté- affaiblissement de
l'autorité parentale
Une explication consiste à dire, de façon
mécanique que l'exclusion et la marginalité
socio-économique sapent l'autorité même des parents :
alors que les parents de milieux aisés bénéficient de
ressources sociales et morales qui leur permettent de superviser efficacement
leurs enfants, les familles populaires sont confrontées à des
situations de précarité et de relégation sociale qui
portent atteinte à leur prestige et discréditent par avance leur
autorité. (Mucchielli)
« Il est évident que les difficultés
économiques posent de sérieux problèmes aux familles et
que ces difficultés génèrent des situations de stress qui
perturbent leur vie quotidienne, ce qui contribue à dégrader les
relations familiales. [...] Cela étant, on ne saurait s'en tenir
à une vision trop mécanique du lien entre la délinquance
et les conditions socio-économiques. »35(*)
En fait, le relâchement de la prise en charge par les
parents qui entraîne l'affaiblissement de leur autorité n'est
qu'un élément parmi d'autres et son influence n'est pas
automatique. Par ailleurs, plusieurs parents à Yahoséi n'ont pas
leur autorité relâchée bien que ne disposant pas de grands
moyens financiers ; ce serait plutôt la permissivité de
certains parents à faire passer leur autorité qui entraîne
l'affaiblissement : c'est la démission des parents.
C'est ce que reconnaissent KOFFI KOUAME BOITENIN et TIETIO
ZOGBA J-B dans leur rapport de l'analyse des données sur la prostitution
à San Pedro. Ils parlent de l'irresponsabilité des parents
« comme facteur explicatif de la prostitution » par
« la permissivité de certains parents à faire passer
leur autorité parentale ou leur démission face aux besoins des
enfants à travers des expressions comme « tu es grande
maintenant, tu peux te débrouiller, je n'ai rien à te
donner »
2- Relation marginalité - dé
scolarité
Avec la théorie du contrôle proposée par
le criminologue américain Travis Hirschi, on peut affirmer que
l'incrimination de la déscolarisation dans la déviance
résiderait dans le fait qu'elle ne permet plus le contrôle de
l'adolescente. La thèse de Hirschi pose que l'aversion pour la
délinquance résulte moins des valeurs morales que des contraintes
sociales qui pèsent sur les individus. A l'analyse en effet,
l'adolescente déscolarisée n'est plus soumise à la
surveillance qu'exerce la scolarité sur les élèves
à travers par exemple la conscience de l'obligation qu'ils ont de la
fréquenter, la surveillance de la présence de
l'élève par le registre de présence , l'emploi du temps,
etc. L'adolescente déscolarisée est donc libérée de
cette pression temporelle qu'exerçait la scolarité et qui offrait
moins d'occasions de commettre des délits.
Ce contrôle de la scolarité est aussi le fait de
la présence psychologique constante chez les adolescentes de la
poursuite de buts que sont leur réussite scolaire et leur
intégration sociale de sorte à ce que ces dernières soient
conduites à prendre en compte le risque de la compromission de ces
buts.
Nous pouvons dire que cette explication résulte de
l'influence immédiate de la déscolarisation sur les
possibilités de développer des comportements marginaux Au
surplus, à long terme, lorsque va se poser la question de l'insertion
socioprofessionnelle, ce déficit de contrôle pourra faciliter
alors le passage à l'acte déviant comme c'est le cas chez
certaines de nos enquêtées, très tôt
déscolarisée. Par ailleurs, on ne peut nier le terrain
psychologique glissant que représente l'échec scolaire chez
l'adolescente. En effet comme l'écrit Mampaka N'Lélé
Raymond, professeur de Formation Humaine et Religieuse au Collège
catholique Saint Jean Bosco de Treichville à Abidjan,
« un échec est considéré comme la principale
cause de frustration affective tendant à troubler l'individu parfois
jusqu'à la névrose ». La déscolarisation est un
échec quelqu'en soient les causes car il s'agit de l'inachèvement
d'un projet, d'une rupture avec la poursuite d'un but qu'est la réussite
scolaire. Alors, un sentiment d'échec marque la
déscolarisée et influence son avenir. Sissoko Alain écrit
au sujet de la déscolarisation : « La rupture constitue
bien souvent un obstacle à l'engagement pro social de l'individu (en
rapport avec un horizon temporel d'existence) »36(*). Concernant notre
échantillon, nombreuses sont les adolescentes qui regrettent leur
déscolarisation et désirent aujourd'hui apprendre à lire
et à écrire.
L'échec peut aussi s'avérer un symptôme de
l'inadaptation de l'adolescente pouvant avoir des répercussions sur son
comportement futur; ce qui n'est pas le cas de la plupart des adolescentes car
la cause de l'échec n'est pas souvent le mauvais résultat
scolaire mais surtout « le manque de support matériel et
financier dû en général à la pauvreté des
familles ».37(*)
3- Relation marginalité - structure de la
famille
Les influences de l'environnement immédiat de
l'adolescente déscolarisée que nous avons analysées sont
celles de ses pairs. A côté de cela, plusieurs recherches ont
montré que la famille en tant que composante de l'environnement
immédiat joue pour beaucoup dans le devenir comportemental de
l'adolescente.
Les résultats d'une étude
effectuée par le criminologue Sebastien Roché montrent
très clairement le parallèle entre l'augmentation de la
délinquance et les mutations produites dans la famille dans la
société moderne en France. Selon lui « depuis les
années 1950, la courbe des vols suit de très près celle
des divorces, tandis que la courbes des agressions physiques suit celle des
familles monoparentales. » Il existe donc bien un lien très
fort entre la structure dissociée de la famille d'origine des
adolescentes et leurs comportements marginaux ou déviants. En effet, la
séparation des parents est source de perturbations qui peuvent
apparaître « déstructurantes pour les enfants, en
particulier lorsque ces séparations interviennent à des moments
délicats du cycle de vie » à l'instar de l'adolescence.
Comme nous l'avons mentionnées plus haut, certaines des adolescentes
prostituées sont effectivement issues de familles monoparentales ou
reconstituées.
S'il est vrai que la famille de l'adolescente peut la pousser
à vivre des situations favorables à la marginalité et
à la déviance et même l'y conduire tout comme la
fréquentation de ses pairs, la part qui lui revient est difficile
à distinguer. Raisons pour lesquelles la fréquentation des pairs
n'est pas à minimiser au détriment de l'influence familiale,
surtout dans un milieu où une sous culture
pré-délinquantielle et marginale est de mise. Par ailleurs, les
donnés de certaines recherches ont montré combien étaient
centrales les relations amicales durant toute la période de
l'adolescence. Toujours dans leur rapport, MM. KOFFI ET TIETIO, tous deux
maîtres Criminologues affirment : « 28,6% sont passés
à la prostitution sur les conseils de leurs amies. » Dans ce
cas, il ne s'agit certes pas des cas d'adolescentes mais cela permet de mesurer
combien l'influence des amis peut être décisive et à
combien plus forte raison à l'adolescence qui est un âge moins
mature.
4- Marginalité - Insertion sociale
L'adolescente déscolarisée se sent en marge de
la société et cherche à l'intégrer en recherchant
un moyen pour agir sur son milieu : le pouvoir de l'argent. Dans le
rapport tantôt cité, il est aussi question de la gestion des
ressources financières des filles prostituées et il en ressort
que ces dernières utilisent leur argent d'une part pour leur prise en
charge quotidienne à savoir le loyer, la restauration, l'entretien
corporel .D'autre part, elles apportent un soutien financier à
leurs parents ou frères et soeurs. Certaines arrivent même
à épargner dans une institution financière. La
prostitution apparaît donc comme un véritable moyen
d'intégration économique du moment car il représente
plutôt un tremplin pour atteindre d'autres projets « pro
sociaux ». En effet les résultats de ce rapport confirment les
nôtres car selon lui, « toutes les filles rencontrées
veulent quitter tôt ou tard la prostitution. Cependant, les conditions de
sortie ne sont pas les mêmes. En effet 85,7% veulent sortir quand elles
auront assez d'argent. Pour 14,3%, la chance d'avoir un mari quel que soit le
rang social pourrait les conduire à quitter la
prostitution. »
La méthode que nous avons utilisée pour
vérifier ces résultats nous a permis de sélectionner un
échantillon d'adolescentes dont des déscolarisées et des
scolarisées. La taille de notre échantillon n'est pas
grande ; nous avons néanmoins pu avoir une vue des
répartitions en termes de pourcentage mais n'avons pu aller plus loin
dans l'exploitation des données quantitatives de sorte à pouvoir
vérifier d'autres corrélations de façon
significative ; ce qu'aurait permis un échantillon plus grand.
Quant à la technique utilisée, nous devons
admettre que l'utilisation de questions semi ouvertes nous a été
d'une certaine ambiguïté en ce sens qu'elle nous a certes permis de
circoncire nos réponses pour faciliter le dépouillement mais elle
nous a aussi fait perdre certaines informations qui auraient été
utiles à ouvrir la voie à d'autres explications du devenir
comportemental à savoir l'exode rural vers les grandes villes surtout
la capitale afin de connaître quel itinéraire géographique
ces adolescentes ont suivi pour se retrouver dans la marginalité en
milieu urbain. Dans l'explication de leurs comportements marginaux, les
facteurs de migration et ceux liés à l'illusion perdue et
l'espérance déchue pourraient être étudiés
plus en profondeur.
En effet lorsque nous posions la question de savoir comment
s'est opérée l'entrée dans la prostitution, plusieurs
filles lors de leurs récits faisaient cas de leur déplacement du
milieu rural ou encore des régions de l'intérieur du pays vers la
capitale ou souvent même d'un autre pays vers la Côte d' Ivoire.
M. N'Drin dans son cours sur la Marge Dis sociale, abordant
l'aspect de la connaissance de l'adolescent à travers ses milieux de
socialisation affirmait :
« On assiste de plus en plus à des
changements des milieux de socialisation. Ce sont ces changements qui
favorisent l'évolution des marginalités et des déviances
juvéniles [...] Le changement des cadres sociaux suscite une certaine
distorsion des rapports temporels et spatiaux .C'est ainsi que les espace-temps
intermédiaires de la marge et de la déviance, en quête de
repères structuraux induisent des mécanismes de transfert
symbolique dans une nouvelle distribution des activités
adolescentes ».
Conclusion partielle
Au total, les adolescentes sorties du cursus scolaire
acquièrent une position peu privilégiée dans leur famille
du fait même de leur déscolarisation. Conscientes de la
mentalité de leurs parents qui poussent les filles à se
débrouiller, les déscolarisées sont livrées
à elles-mêmes pour chercher à se prendre en charge
autrement, en toute indépendance des parents, l'autorité de
ceux-ci s'étant affaiblie. Dans cette voie, le milieu de la
déscolarisée présentant une tolérance à la
prostitution et l'avortement incite les filles à entrevoir cette
solution.
En outre, les adolescentes elles-mêmes ont
déjà un contact personnel avec ces comportements, car elles ont
des camarades qui s'adonnent déjà à la prostitution ou
à l'avortement. Pour ces adolescentes, ce qui compte dans
l'immédiat est de gagner de l'argent le plus simplement possible pour la
survie quotidienne en ce qui concerne la prostitution et de se
débarrasser de toute charge pour ce qui est de l'avortement. Plus tard,
elles pourront s'insérer dans le tissu social en tenant un commerce ou
encore en apprenant un métier.
D'autres travaux confirment que l'autorité des parents
se voit affaiblie par la permissivité des parents eux-mêmes
à affirmer leur autorité sur leurs enfants, que l'influence de la
déscolarisation sur le devenir déviant des adolescentes se
manifeste aussi par le déficit du contrôle que l'école
exerce sur les adolescentes. Ils révèlent aussi que les
perturbations qui surviennent dans la famille d'origine ne sont pas à
ignorer dans le domaine de la marginalité de ces adolescentes.
TROISIEME PARTIE
ACTIONS EN VIGUEUR, OBSTACLES A LA REINSERTION ET
PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
CHAPITRE 1 : ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET
DE
L'ONG « MOUVEMENT DU
NID »
La situation des adolescents déscolarisés n'est
pas un fait nouveau dans notre société. Des institutions, tant de
l'Etat qu'en dehors de l'Etat, se sont déjà engagée
à mener des actions afin de voler au secours des jeunes
déscolarisés pour leur insertion et réinsertion.
Dans la commune de Yopougon en particulier, la mairie et
plusieurs ONG d'aide à l'enfance en situation difficile oeuvrent
à l'insertion et la réinsertion des jeunes
déscolarisés et en particulier des filles
déscolarisées.
Pour notre part, nous avons choisi de nous intéresser
aux actions de la mairie de Yopougon car c'est à elle que revient en
premier lieu de veiller au bien être de la population. Ensuite, nous
examinerons les actions de l'ONG « Mouvement du Nid »
car nous avons fait le recueil des données de notre recherche en ce qui
concerne les adolescentes prostituées avec son aide.
PARAGRAPHE 1 : ACTIONS DE LA COMMUNE DE YOPOUGON
Des programmes de financement de micro projets sont mis sur
pied. Ces programmes sont destinés aux familles des
déscolarisés et autres dans les quartiers précaires.
Des aides financières sont octroyées et se
chiffrent entre 50 000 F CFA et 200 000F CFA. Nombreuses sont les familles qui
réussissent par ces actions à améliorer leur niveau de
vie. Cela se mesure en terme d'adduction d'eau, de branchements
électriques dans les quartiers précaires, de scolarisation des
enfants en âge de l'être, d'installation de microprojets.
Parallèlement à ces actions de la municipalité, une
collaboration existe entre la municipalité et les
ministères : MFPF38(*) et la DPRS39(*).
A travers le Service Assistance
Sécurité urbaine de la commune également, des actions sont
menées en faveur de l'insertion socio-économique des jeunes
déscolarisés. Il s'agit pour lui d'occuper sainement la jeunesse
à travers des activités sportives et lui assurer une formation
qualifiante afin de prévenir la délinquance et donc
l'insécurité. A titre d'exemple, nous avons « le projet
AGEFOP » dont les bénéficiaires sont des
déscolarisés de 12 à 26 ans. Il consiste en une formation
en menuiserie, pâtisserie, informatique, etc. allant d'une durée
de 4 mois à 6 ans. Ce projet est mis en oeuvre par le Projet d'Appui
à la Sécurité Urbaine (PASU).
PARAGRAPHE 2 : ACTIONS DE L' ONG
« Mouvement du nid »
Le « Mouvement du nid » est une ONG
internationale représentée en Côte d'Ivoire depuis 1993.Son
siège social en Côte d'Ivoire se situe au Centre d'Accueil
Missionnaire (C.A.M) et une annexe est située dans la commune de
Yopougon, au centre polyvalent St Jean Eudes qui abrite les activités de
l'ONG. Elle a pour objectif de faire émerger un mouvement de refus de la
prostitution afin de rendre possible sa disparition. Ses moyens d'action sont
d'abord la prévention à travers l'éducation, la
sensibilisation, l'information, la conscientisation et la formation. Elle
utilise ensuite la dénonciation de l'exploitation sexuelle, l'esclavage,
la violence, la violation des droits humains. Un autre de ses moyens d'action
est le plaidoyer auprès des autorités compétentes
nationales et internationales, des acteurs sociaux. Enfin, elle fait aussi de
la réinsertion une voie pour lutter contre la prostitution par la
rencontre, l'écoute et l'accompagnement. Pour le Mouvement du Nid, la
prostitution n'est pas un métier, encore moins un mal nécessaire.
Nul ne naît prostitué et chacun peut donc en sortir.
Nous nous intéresserons en particulier aux aspects de
la prévention et de la réinsertion.
Au titre de la prévention, le « Mouvement du
Nid » entreprend des activités de formation à travers
l'alphabétisation et la formation au métier de couture, de
coiffure et de pâtisserie. Les bénéficiaires sont les
filles domestiques, les déscolarisées mais aussi des femmes et
des hommes. Par exemple du 21 au 23 Juillet 2003, les auditrices du nid ont
bénéficié d'une formation à la fabrication
artisanale de savon. Il apporte par la suite un appui à l'insertion aux
personnes de sexe féminin en situation difficile. Les jeunes filles
domestiques en état d'oisiveté sont aussi concernées. Cet
appui consiste à bénéficier d'un prêt ou aide pour
mener une activité génératrice de revenus. C'est dans ce
sens qu'a eu lieu son projet « Appui à la lutte contre
l'exploitation des filles domestiques » à travers une
subvention de la GTZ (Coopération technique allemande). Pour
réaliser ce projet, trois types d'activités ont été
retenus. Ce sont le recensement des agences de placement, une étude
exploratoire sur l'exploitation des filles et leur reconversion. Par cette
dernière activité, 30 filles ont été entre autre en
formation au métier de coiffure chez des artisans, de couture au centre
St Marc des Toits Rouges et à faire une activité
génératrice de revenus. Toutes ces actions ont
démarré en Juin 2003.
Nous avons consulté le registre des personnes ayant
bénéficié d'une aide du Mouvement du Nid et il nous avons
recensé 19 cas de déscolarisées dont l'âge varie
entre 15 et 35 ans. Parmi les bénéficiaires, 3 seulement ont un
âge situé entre 15 et 21 ans. Le niveau d'instruction le plus
élevé est la terminale et le moins élevé est le
CP2. Parmi ces filles, 6 ont été subventionnées pour
réaliser une activité génératrice de revenus, 4
sont formées au métier de coiffeuses et 9 au métier de
couture. Parmi elles qui bénéficient d'une formation
professionnelle, plusieurs suivent aussi à la fois des cours
d'alphabétisation.
Voici le profil de quelques filles :
-Mlle x ,28 ans, a le niveau primaire et est fille
mère. Par le passé, elle a était servante chez un
libanais où elle faisait objet d'harcèlement sexuel. Ayant
sollicité l'aide de l'ONG, elle fait aujourd'hui le commerce de
vêtements pour enfants dans la commune de Yopougon.
-Mlle Y est une jeune fille de 24 ans
déscolarisée depuis la classe de 5eme à la suite d'une
exclusion. Orpheline de père et de mère, elle se retrouve chez sa
tante à Abidjan au service de laquelle elle se met moyennant quelques
petits cadeaux. Après avoir rencontré les responsables du
Mouvement du Nid, elle apprend aujourd'hui la couture.
-Quant à Mlle W, elle a 23 ans et est fille
mère. Elle quitte l'école en classe de 3eme. Son père
affirme ne pas avoir les moyens de payer ses cours. Elle se retrouve sur le
trottoir où elle se prostitue pendant 2 ans. Sur les conseils et avec
l'aide de l'ONG, elle quitte le trottoir et apprends la couture.
-Mlle K a 18 ans. Elle a le niveau CM2. Elle est issue d'une
famille nombreuse. Déscolarisée du fait de la retraite de son
père, elle se retrouve au village où elle compte présenter
le CEPE. Mais ceci ne sera pas possible du fait de la guerre. Aujourd'hui, elle
apprend la couture avec l'aide du Mouvement du Nid. En plus, elle y a suivi
des cours de remise à niveau et a présenté le CEPE auquel
elle a été brillamment reçue. L'ONG a l'intention de lui
payer des cours de secondaire.
-Déscolarisée en classe de Tle parce que ses
parents n'avaient plus les moyens de s'occuper d'elle, Mlle G, décide
d'apprendre la couture. Mais elle ne peut achever sa formation faute de moyens
financiers. Aujourd'hui, elle apprend la couture avec l'appui du Mouvement
Nid.
-Quand à Mlle T, elle est déscolarisée
depuis le primaire. Orpheline de père, elle est venue du village chez sa
soeur à Abidjan en espérant apprendre la couture ; ce qui
n'a pas été possible faute de moyens financiers. Elle aussi
apprend la couture avec l'aide du Nid.
« Prévention et réinsertion en Afrique
de l'Ouest » est un programme qui a vu le jour à l'initiative
de l' ONG et l'une de ses activités principales est la sensibilisation
sur la prostitution et ses conséquences. De même à
l'endroit du grand public, une revue dénommée « Afrique
Prostitution » est publiée chaque trimestre depuis
l'année 2002. Elle sert d'instrument de formation et d'information sur
tout sujet concernant la question de la prostitution.
Au « Mouvement du Nid », la
réinsertion consiste à rencontrer les personnes
prostituées sur les sites de prostitution, comprendre leur vie
passée, le vécu quotidien et leurs futurs projets afin de
faciliter leur réintégration dans la société. Ceci
est l'objectif fondamental visé.
Lors de notre séjour au sein de l'ONG, l'équipe
chargée du recueil des donnés faisait une étude portant
sur le recensement de tous les sites prostitutionnels des 10 communes d'
Abidjan et allaient à la rencontre des personnes prostituées. En
notre présence, 03 filles prostituées ont été
reçues au Centre St Jean Eudes par les assistants sociaux chargés
de l'écoute.
CHAPITRE 2 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE ET
PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Il convient de reconnaître que malgré la bonne
volonté des acteurs sociaux et les actions par eux entreprises,
l'objectif qui demeure celui de l'insertion et de la réinsertion sociale
des adolescentes déscolarisées n'est pas souvent atteint ou du
mois pas en totalité.
PARAGRAPHE 1 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE
DES ADOLESCENTES DESCOLARISEES
Les entraves ou obstacles aux divers programmes mis en oeuvre
en faveur des adolescentes déscolarisées afin de permettre ou
faciliter leur réinsertion sociale sont liés tant aux
bénéficiaires elles-mêmes qu'aux acteurs sociaux.
II- Au niveau des adolescentes
déscolarisées
Milieu de vie hostile
D'emblée, il faut noter les mauvaises conditions de vie
des adolescentes caractérisées par l'insalubrité et la
précarité. En effet les filles vivent dans des pièces
exiguës qui manquent d'infrastructures sanitaires telles les coins
latrines, toute chose qui entraîne, le manque d'hygiène, les
risques d'épidémies et d'infections telles les IST et le SIDA,
surtout quand on sait que plusieurs de nos enquêtées
résident dans des maisons closes. C'est dire que la santé de la
fille est constamment en danger.
En outre, il existe une promiscuité due au grand nombre
d'habitants dans les cours mais aussi à la présence de
repères de bandits. Les relations de voisinage alors souvent
conflictuelles et l'insécurité qui règne sans cesse
à Yahoséi de même que le cercle vicieux qu'est la
prostitution ne sont pas des cadres psychologiques, moraux et physiques qui
permettent à la déscolarisée marginale de sortir de sa
conduite déviante.
La déscolarisée marginale ne saurait demeurer
dans un tel climat pour espérer changer de comportement car la sous
culture développée dans ce milieu (acceptation de la prostitution
et absence d'approbation du programme) lui est préjudiciable.
Le milieu familial d'origine
défavorable
La déscolarisée ayant souvent quitté la
famille, les liens parentaux se sont effrités au fil du temps.
Même pour celles qui apportent une aide à la famille, elles ont
appris à vivre indépendamment d'elle. Ainsi, il s'avère
que tout retour dans le but d'y demeurer afin de bénéficier du
programme d'aide devient problématique. En plus, ce ne sont pas toutes
les filles dont les parents vivent à Yahoséi.
Par ailleurs, toutes les familles, quand elles existent
encore, ne sont pas réceptives aux programmes d'aide au sens ou elles ne
sont pas source de motivation pour leurs enfants : cas de familles
divisées, mésententes, rejet...
Quand on sait que le milieu que quittent nos adolescentes leur
a souvent laissé des empreintes (rejet, moquerie), il est important que
son milieu d'origine au, plan affectif, lui soit d'un grand réconfort
même si il ne la prend pas financièrement en charge.
Autres obstacles
D'autres obstacles à la réinsertion sociale des
adolescentes déscolarisées prostituées résident
dans le fait qu'elles sont fortement habituées à manipuler de
fortes sommes d'argent dont la privation est difficile à
gérer. De même l'habitude de la vie facile qu'elles ont acquise
fait qu'il leur est difficile d'endurer les difficultés
matérielles de sorte que beaucoup rechutent dans la prostitution. Ainsi,
sur neuf (9) cas d'auditrices et filles aidées par le Mouvement du Nid,
seulement une (1) a pu continuer à suivre les cours. Les cas de survenue
de grossesses non désirées sont aussi des obstacles à la
réinsertion et emmènent les filles à l'avortement. C'est
le cas d'une auditrice du Mouvement du Nid, qui a quitté la prostitution
et réintégré sa famille d'origine .Aujourd'hui, elle est
enceinte mais refuse de garder la grossesse, car celle-ci ne lui permettra pas
de continuer normalement sa formation.
II- Au niveau des acteurs sociaux
Au plan matériel
Il est important de remarquer qu'il n'y a pas de programme qui
cible particulièrement les déscolarisées et encore moins
les adolescentes déscolarisées. Néanmoins, elles sont
prises en compte dans les programmes en faveur de jeunesse ou des filles de la
commune. Les obstacles au niveau des acteurs sociaux sont surtout d'ordre
matériel et humain. En effet l'insuffisance des moyens financiers et
matériels ne permet pas aux acteurs sociaux de prendre en compte un
grand nombre de personnes. Pour le peu de bénéficiaires à
qui ils tendent la main il leur est difficile, voire impossible de financer des
activités génératrices de revenus plus importantes ou
encore d'assurer les études à celles des
déscolarisées qui voudraient bien reprendre le chemin de
l'école. Souvent aussi, la lenteur de la mise en route des
activités emmène les filles à renoncer, à se
décourager et à renoncer à l'aide. On note, aussi que
après l'apprentissage d'un métier, les filles ne
bénéficient pas d'une prise en charge pour s'installer. Toujours
du point de vue matériel, nous pouvons noter que les acteurs sociaux
n'ont pas de politique propre à eux pour fructifier les subventions
qu'ils reçoivent de sorte à aider un plus grand nombre de filles
déscolarisées.
Au plan humain
Au plan humain, il y a l'insuffisance des travailleurs
sociaux. En effet la culture du bénévolat n'est pas
développée dans notre pays alors que c'est sur cela que repose en
grande partie le travail social. En outre, les intervenants qui travaillent
sont souvent peu formés en la matière et ne reçoivent
pas non plus suffisamment de formation ; ce qui minimise leur
efficacité sur le terrain. Par ailleurs, la commune de Yopougon est une
vaste commune et renferme une multitude de quartiers précaires comme
Yahoséi où vivent beaucoup d'adolescentes
déscolarisées, que les acteurs sociaux n'arrivent pas atteindre
par manque de personnel disponible.
Devant tous ces obstacles relevés, quelles solutions
pouvons nous envisager ?
PARAGRAPHE 2 : PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Nous avons envisagé des propositions notamment au
niveau des ressources financières et des actions d'une part et au niveau
des ressources humaines d'autre part.
1- Au niveau des ressources financières et
des activités
Il s'agit de créer un système pour fructifier le
financement des subventions de l'ONG dans le but de mieux les octroyer
aux bénéficiaires, surtout pour l'installation après la
phase d'apprentissage du métier choisi. Il s'agit par exemple aussi pour
les acteurs sociaux d'organiser des cours à l'intention des plus nantis
afin d'en d'utiliser les retombées pour aider à la scolarisation
des adolescentes déscolarisées des milieux
défavorisés qui le désirent.
Comme l'a Suggéré M. Otchiry du Nid, il faudrait
créer des activités lucratives qui fonctionnent
déjà et qui produisent des intérêts afin de les
confier aux filles de sorte que les bénéfices que produisent
déjà ces affaires leur servent de sources de revenus,
contrairement à une nouvelle AGR qui demande que la
bénéficiaire patiente longtemps avant de profiter du fruit de son
investissement. Ceci concerne surtout les filles libres qui ont
déjà l'habitude de l'argent.
- Favoriser les entreprises collectives au niveau des filles
afin de rendre plus importants les capitaux d'investissements des
activités génératrices de revenus (AGR).
- Assurer l'installation des filles qui apprennent un
métier (coiffure, couture...) de sorte qu'elles servent de relais aux
ateliers de placement dans l'avenir.
- Accentuer à nouveau la sensibilisation sur
l'avortement comme c'est le cas pour le Sida, les IST, les grossesses non
désirées, dans les quartiers précaires.
2- Au niveau des ressources
humaines
Il s'agit pour les acteurs sociaux de susciter l'esprit de
bénévolat chez les élèves et étudiants les
plus nantis de sorte à disposer de personnel supplémentaire ou
encore organiser les filles scolarisées des milieux
défavorisés afin d'aider leurs soeurs
déscolarisées à l'alphabétisation par
exemple.
Dans le but d'augmenter leurs ressources humaines, les acteurs
sociaux doivent aussi se faire connaître dans les milieux susceptibles de
leur permettre de recruter des bénévoles engagés tels les
milieux religieux, sanitaire, scolaire, les associations de jeunes.
Conclusion partielle
Des actions existent et sont menées pour
l'insertion socioéconomique des déscolarisés en vue de
prévenir la délinquance et l'insécurité,tant par la
Mairie que les ONG .La réinsertion figure aussi au programme de ces
acteurs sociaux.
On remarque qu'il existe peu d'actions en direction des filles de
façon spécifique, bien qu'elles soient prises en compte dans les
programmes sociaux de façon générale.
Les obstacles à efficacité des actions
en faveur des jeunes déscolarisés sont multiples, surtout au
niveau de la réinsertion. Ils sont d'ordre matériel, humain et
tiennent tant aux jeunes marginaux qu'aux acteurs sociaux.
Il ressort aussi que chez les acteurs sociaux en
général, la prévention est privilégiée au
détriment de la réinsertion. Ainsi, les actions menées
dans ce sens sont plus le fait des ONG telle que le « Mouvement du
Nid » et le « Centre Amigodoumé »
CONCLUSION GENERALE
Au cours de ce travail de recherche, nous avons porté
notre attention sur le devenir comportemental des adolescentes
déscolarisées de Yahoséi, quartier précaire de la
commune de Yopougon.
Il s'est agit pour nous de savoir s'il existe une relation
entre le devenir comportemental de ces adolescentes et leur situation de
déscolarisée ou d'échec scolaire. En d'autres termes, de
savoir quelle est la dynamique qui existe entre le statut de
déscolarisé de l'adolescente et le développement de
conduites marginales chez elles.
En somme, leur itinéraire de l'échec scolaire
à la déviance.
A cet effet, nous avons fait une observation documentaire en
plus d'une enquête qui a porté sur des questionnaires
adressés à un échantillon d'adolescentes
déscolarisées prostituées de quinze (15) personnes,
d'adolescentes déscolarisées non prostituées de quinze
personnes et d'adolescentes scolarisées non prostituées de quinze
personnes.
Pour analyser les données recueillies, nous avons eu
recours tant à la méthode qualitative que quantitative en
opérant des tris à plat et une analyse de contenu.
Les résultats que nous avons obtenus ont
révélés principalement que 83,33% des adolescentes
déscolarisées vivaient chez leurs deux parents ou l'un au moins
du temps de leur scolarité. Aujourd'hui seulement 19,99% vivent ainsi
pendant que 43,33% vivent avec des camarades ; ce qui est
problématique à cette période que représente
l'adolescence.
Les conseils donnés par les amis constituent un facteur
humain important qui déclenche l'entrée dans la prostitution et
l'avortement.
Il faut retenir que la déscolarisation en
elle-même bien que pouvant entraîner l'adolescente dans la
marginalité à travers l'image négative de soi qu'elle peut
laisser comme empreinte psychologique, n'est pas directement liée au
développement des comportements déviants chez l'adolescente.
Elle l'est de façon indirecte.
En effet, une fois déscolarisées, les
adolescentes deviennent oisives et leurs parents s'occupent de moins en moins
d'elles, souvent moins par manque de moyens financiers que par
démission. Dans ces conditions, le désir de l'adolescente est de
faire quelque chose pour se prendre en charge elle-même. Souvent,
certaines de celles qui ont des camarades qui s'adonnent déjà
à la prostitution reçoivent de ces dernières des
encouragements, des incitations à faire comme elles. D'autres entrent
dans la prostitution après l'échec de plusieurs essais à
gagner honnêtement leur vie, souvent même par le travail
domestique. D'autres encore, à la suite de leur déscolarisation
ont opté pour l'apprentissage d'un métier, mais le
décès du père ou l'incapacité des parents à
assurer la formation les a souvent conduites à abandonner ce projet.
Par ailleurs, aujourd'hui la tolérance de leur milieu
face aux pratiques comme l'avortement, la dégradation des moeurs ainsi
que la cherté du coût de la vie en milieu urbain crée une
situation d'anomie et légitime certains comportements tels la
prostitution et l'avortement que nous avons eu à étudier.
Il existe encore d'autres comportements déviants chez
les adolescentes déscolarisées de Yahoséi tel la
consommation de la drogue ; seulement il est difficile d'avoir des
informations sur ces agissements compte tenu du silence de la part des
adolescentes autour de ce sujet.
Cette étude n'est pas exhaustive de l'explication de la
dynamique entre la déscolarisation et le devenir comportemental des
adolescentes de milieux socio-économiques défavorisés,
d'autres travaux pourront encore nous permettre de bien cerner cette relation.
BIBLIOGRAPHIE
MManpaka Nlélé Raymond, Essai d'analyse sur
le phénomène des échecs scolaires,
Collège catholique Saint Jean Bosco de Treichville
Koudou Kessié Raymond, Eléments de
psychologie de l'adolescence, PUCI 1999.
Sissoko Alain, Les jeunes déscolarisées à
Abidjan : logiques dynamiques d'adaptation, recomposition des relations
familiales et processus de reconstruction sociale, document
inédit
Saihassi Anvo Simon, Education scolaire et délinquance
juvénile en Côte d'Ivoire (Exemples d'Abidjan et d'Aboisso),
Mémoire de Maîtrise, Institut d'Ethnosociologie,
Université Nationale de Côte d'Ivoire,1979-1980.
Gohi Clahon, Conditions de vie des jeunes
déscolarisés résidant dans les quartiers précaires
de la ville d'Abidjan : cas de Yao Séhi, Mémoire de
Maîtrise, UFR Criminologie, Université de Cocody, Abidjan.
Tanon Fabienne, Les jeunes en rupture scolaire : du
processus de confrontation à celui de rémédiation,
1998
Cario Robert, Jeunes délinquants (A la recherche de la
socialisation perdue), l'Harmattan, 1996.
Roché Sébastien, En quête de
sécurité (causes de la délinquance et nouvelles
réponses), Armand Colin ,2003.
Pinatel Jean, Traité de droit pénal et
criminologie, Dalloz, 1977.
Larivée Serge, Le fonctionnement cognitif de
l'adolescent délinquant, Montréal, Août 1977
Koffi Kouamé Boitenin, Tietio Zogba J-B, Etude de
prospection sur le phénomène de prostitution à San Pedro
du 21 Janvier au 4 Février 2002, document inédit
N Da Paul, Méthodologie de la recherche (De la
problématique à la discussion des résultats), Abidjan,
EDUCI, 2002.
Annexes
- Questionnaire à l'adolescente déscolarisée
non prostituée
- Questionnaire à l'adolescente déscolarisée
prostituée
QUESTIONNAIRE A L'ADOLESCENTE DESCOLARISEE
NON PROSTITUÉE
A- Identification
I) Lieu d'habitation
(1) Habites-tu le quartier Yahoséi ? Oui Non
(2) Depuis quand vis-tu ici ? Six mois Plus
(3) Quel genre de maison habites-tu ? en dur en bois
Habitat individuel cour commune
II) Déscolarisation
(4) Vas-tu à l'école ? Oui Non
(5) Si oui, abandonner
Si non quel est ton niveau d'étude ?
Primaire Secondaire Préciser
...................................
III) Age
(6) Quel âge as-tu ?
...............................................................................................
(7) A quel âge as-tu abandonné
l'école ?
...............................................................................................
IV) Activité actuelle
(8) Que fais-tu dans la vie ?
...............................................................................................
(9) A côté de cela, que fais-tu d'autre pour
gagner ta vie ?
................................................................................................
(10) Combien gagnes-tu ?
.................................................................................................
(11) Es-tu satisfaite de ce que tu gagnes ?
Satisfaite Un peu satisfaite Pas satisfaite
B- Catégorie socioprofessionnelle des
parents et milieu familial
I) CSP des parents
(12) Vis-tu avec tes parents ? Père Mère
Tante Tuteur Autre
.................................................................................................
(13) Si non avec qui habites-tu ?
.................................................................................................
(14) Que font tes parents dans la vie ? Retraité
Fonctionnaire
Ouvrier Planteur
II) Prise en charge financière
(15) Qui s'occupe de toi ? (te donne à manger,
paie le loyer, ton
habillement) Moi-même Parents Tuteur
Autre
.................................................................................................
(16) De qui d'autre encore tes parents
s'occupent-ils ?
.................................................................................................
(17) Quand tu allais encore à l'école, qui
s'occupait de toi ?
.................................................................................................
(18) Avec qui tu vivais quand tu allais à
l'école ?
.................................................................................................
(19) Que voulais-tu faire quand tu as arrêté
l'école ?
...............................................................................................
(20) Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
................................................................................................
(21) (Si elle le fait) Qui te prend en charge ?
.................................................................................................
C- Causes de la déscolarisation et sentiment
de frustration
(22) Pour quelles raisons as-tu arrêté
l'école ?
.................................................................................................
(23) Que penses-tu de tes camarades qui vont encore à
l'école ?
.................................................................................................
(24) Penses-tu qu'elles ont plus de chance de réussite
que toi dans la vie ?
.................................................................................................
(25) Qu'est ce qui compte pour toi pour dire qu'on a
réussi ?
..................................................................................................
D- Le vécu de la
déscolarisation et l'acceptation des pratiques et
perspectives d'avenir
(26) As-tu des camarades comme toi, des filles que tu connais
qui ne
vont plus à l'école ?
...................................................................................
(27) Que font-elles maintenant dans la vie ?
...................................................................................
(28) On dit qu'ici à Yahoséi il y a beaucoup de
filles déscolarisées qui se
prostituent, est-ce vrai ?
...................................................................................
(29) As-tu des camarades ou des filles que tu côtoies
qui s'adonnent
aussi à la prostitution ?
...................................................................................
(30) A ton avis, pourquoi se prostituent-elles ?
...................................................................................
(31) Que penses-tu de leur comportement ?
...................................................................................
(32) A ton avis, ont-elles le choix ?
...................................................................................
(33) Te sens tu concernée par leur comportement ?
(est-ce que cela te
touche ?)
...................................................................................
(34) Est-ce que les filles déscolarisées sont
souvent en contact avec la
drogue ?
..................................................................................
(35) As-tu des camarades qui ont déjà fait
l'avortement ? Et toi ?
...................................................................................
(36) Pour quelles raisons ?
...................................................................................
(37) Que penses-tu de la réaction de la police envers
ces filles ?
...................................................................................
(38) A part les filles déscolarisées, y a-t-il
aussi des filles qui vont à
l'école qui se prostituent ?
...................................................................................
(39) Y a-t-il aussi des filles qui vont à
l'école qui ont à faire à la police
pour ces mêmes raisons ?
...................................................................................
(40) A ton avis, pourquoi agissent-elles ainsi ?
...................................................................................
(41) Tes camarades qui font ces choses te conseillent de faire
comme
elles ?
...................................................................................
(42) Pourquoi elles n'apprennent pas un
métier ?
...................................................................................
(43) Penses-tu qu'elles vont arrêter dans
l'avenir ?
...................................................................................
(44) Pourquoi ?
...................................................................................
(45) Que veux-tu faire plus tard ?
...................................................................................
QUESTIONNAIRE A L'ADOLESCENTE DESCOLARISEE
PROSTITUÉE
A- Identification
I) Lieu d'habitation
(1) Habites-tu le quartier Yahoséi ? Oui Non
(2) Depuis quand vis-tu ici ? Six mois Plus
(3) Quel genre de maison habites-tu ? en dur en bois
Habitat individuel cour commune
II) Déscolarisation
(4) Vas-tu à l'école ? Oui Non
(5) Si oui, abandonner
Si non quel est ton niveau d'étude ?
Primaire Secondaire Préciser
......................................
III) Age
(6) Quel âge as-tu ?
...............................................................................................
(7) A quel âge as-tu abandonné
l'école ?
...............................................................................................
IV) Activité actuelle
(8) Que fais-tu dans la vie ?
...............................................................................................
(9) A côté de cela, que fais-tu d'autre pour
gagner ta vie ?
................................................................................................
(10) Combien gagnes-tu ?
.................................................................................................
(11) Es-tu satisfaite de ce que tu gagnes ?
Satisfaite Un peu satisfaite Pas satisfaite
B- Catégorie socioprofessionnelle des
parents et milieu familial
I) CSP des parents
(12) Vis-tu avec tes parents ? Père Mère
Tante Tuteur Autre
.................................................................................................
(13) Si non avec qui habites-tu ?
.................................................................................................
(14) Que font tes parents dans la vie ? Retraité
Fonctionnaire
Ouvrier Planteur
II) Prise en charge financière
(15) Qui s'occupe de toi ? (te donne à manger,
paie le loyer, ton
habillement) Moi-même Parents Tuteur
Autre
.................................................................................................
(16) De qui d'autre encore tes parents
s'occupent-ils ?
.................................................................................................
(17) Quand tu allais encore à l'école, qui
s'occupait de toi ?
.................................................................................................
(18) Avec qui tu vivais quand tu allais à
l'école ?
.................................................................................................
(19) Que voulais-tu faire quand tu as arrêté
l'école ?
...............................................................................................
(20) Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
................................................................................................
(21) (Si elle le fait) Qui te prend en charge ?
.................................................................................................
C- Causes de la déscolarisation et sentiment
de frustration
(22) Pour quelles raisons as-tu arrêté
l'école ?
.................................................................................................
(23) Que penses-tu de tes camarades qui vont encore à
l'école ?
.................................................................................................
(24) Penses-tu qu'elles ont plus de chance de réussite
que toi dans la vie ?
.................................................................................................
(25) Qu'est ce qui compte pour toi pour dire qu'on a
réussi ?
.................................................................................................
D- Le vécu déviant
de la déscolarisation et l'acceptation des pratiques et
perspectives d'avenir
(26) As-tu des camarades qui ne vont plus à
l'école et qui se prostituent ?
Oui Non
(27) Comment es-tu arrivée à la
prostitution ?
...............................................................................................
(28) Pourquoi le fais-tu ?
................................................................................................
(29) Pourquoi ne fais-tu pas autre chose ?
...............................................................................................
(30) Comptes-tu arrêter un jour ? Oui
Non
................................................................................................
(31) A quel moment ?
................................................................................................
(32) Que veux-tu faire plutard ?
................................................................................................
(33) As-tu déjà fais des avortements ?
................................................................................................
(34) As-tu déjà eu affaire à la
police ?
.................................................................................................
(35) Pour quelles raisons ?
................................................................................................
TABLE DES MATIÈRES
SOMMA1RE.........................................................................
.. 1
DEDICACE.............................................................................
3
REMERCIEMENTS........................................................
.......... 4
AVANT-PROPOS......................................................................
6
INTRODUCTION......................................................................
7
PROBLEMATIQUE...................................................................
9
1) Justification du choix du
sujet.................................... ........... 9
2) Définition des
notions......................................................... 10
4) Formulation du problème des questions et
hypothèses
de
recherche........................................................................
20
METHODOLOGIE....................................................................
22 1) Population et
échantillon..................................................... 22
3) Revue de littérature et cadre théorique de
référence..................... 14
5) Technique de
recherche......................................................... 23
6) Méthodes d'analyse des
données.......................................... 24
7) Difficultés
rencontrées...................................................... 25
PREMIERE PARTIE
PRESENTATION DU CADRE D ETUDE ET MANIFESTATIONS
DE LA DESCOLARISATION ET DE LA
MARGINALITE..................... 26
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU CADRE
D'ETUDE................... 27
PARAGRAPHE 1 : PRESENTATION DU TERRAIN
D'ETUDE................ 27
I : Présentation de la commune de
Yopougon...................................... 27
1 Situation
géographique..........................................................
27
2- Situation
socio-économique....................................... ............
28
II- Présentation du quartier précaire de
Yao Sehi..................... ............ 30
7. Situation
géographique...........................................................
30
8. Situation socio-économique et culturelle
................................. 31
PARAGRAPHE 2 : PRESENTATION DES
INSTITUTIONS..................... 32
I- Présentation du service social de la mairie de
Yopougon.... ....... 32
II- Le mouvement du Nid Côte
d'Ivoire.................................... 32
CHAPITRE 2 : APPROCHE DE LA DESCOLA RISATION ET
DE LA
MARGINALITE.......................................... 34
PARAGRAPHE 1 : APPROCHE DE LA DESCOLARISATION
I- Manifestations de la déscolarisation à
Yao Sehi........................ 34
II- Facteurs et conséquences de la
déscolarisation à Yao Sehi.......... 35
PARAGRAPHE 2 : APPROCHE DE LA
MARGINALITE........................ 36
I-
Prostitution.....................................................................
37
II-
Avortement.....................................................................
38
DEUXIEME PARTIE
DYNAMIQUE ENTRE LA DESCOLARISATION DES
ADOLESCENTES ET LEUR DEVENIR
COMPORTEMENTAL.............. 39
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DES
RESULTATS............... 40
PARAGRAPHE 1 : RELACHEMENT DE LEUR PRISE EN CHARGE
PAR LES PARENTS.............................................
40
PARAGRAPHE 2 : FREQUENTATION ET PROXIMITE D'AUTRES
FILLES DEVELOPPANT DES CONDUITES
DEVIANTES ET MARGINALES.............................. 45
PARAGRAPHE 3 : LOGIQUE D'ADAPTATION
ET VALORISATION DE SOI...................................... 46
CHAPITRE 2 : INTERPRETATION ET DISCUSSION
DES
RESULTATS..................................................... 51
PARAGRAPHE 1 :
INTERPRETATION..............................................
1. Statut de déscolarisée et prise en
charge au sein de la famille .......... 51
2. Affaiblissement de l'autorité parentale
et recherche
de prise en
charge......................................................... 52
3. Influence de l'environnement et tolérance du
milieu................. 54
4. Sensibilité de l'adolescence et processus
d'imitation................. 56
5. Société de consommation et logique
d'adaptation..................... 58
6. Refus d'apprentissage et besoin de satisfaction
immédiate.......... 59
PARAGRAPHE 2 :
DISCUSSION.................................................... 60
I- Relation pauvreté- affaiblissement de
l'autorité parentale.................. 61
II- Relation marginalité - dé
scolarité............................................... 62
III- Relation marginalité - structure de la
famille................................ 64
IV- Relation marginalité -insertion
sociale........................................ 65
CHAPITRE 1 : ACTIONS DE LA MAIRIE DE YOPOUGON ET DE
L'ONG « MOUVEMENT DU
NID »........................... 69
PARAGRAPHE 1 : ACTIONS DE LA COMMUNE DE YOPOUGON.........
70
PARAGRAPHE 2 : ACTIONS DE L' ONG « Mouvement du
nid ».............. 71
CHAPITRE 2 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE ET
PROPOSITIONS DE
SOLUTIONS............................. 74
PARAGRAPHE 1 : OBSTACLES A LA REINSERTION SOCIALE
DES ADOLESCENTES DESCOLARISEES.................. 74
II- Au niveau des adolescentes
déscolarisées........................................
74
II- Au niveau des acteurs
sociaux...................................................... 76
PARAGRAPHE 2 : PROPOSITIONS DE
SOLUTIONS............................. 77
CONCLUSION
PARTIELLE............................................................. 79
CONCLUSION..............................................................................
80
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
* 1 Dictionnaire universel 2000,
Hachette EDICEF
* 2 Dictionnaire Petit Robert,
1989
* 3 Idem
* 4Raymond Mampaka NLELE ,
Essai d'analyse sur le phénomène des échecs
scolaires, 2001
* 5 Dictionnaire Petit Robert,
1989
* 6 Raymond Koudou KESSIE,
Eléments de psychologie de l'adolescence, PUCI, 1999
* 7 Dictionnaire Petit Robert,
1989
* 8 Cahiers OSTORM,
Séries sciences humaines, volume 19, n°4, 1983, pp.449 - 458
* 9 In Politique africaine,
n°24, Les statuts d'une génération : les
déscolarisés d'Abidjan entre 1976 et 1986,
Décembre 1986
* 10 Dictionnaire Petit Robert,
1989
* 11 Idem
* 12 Idem
* 13 Cours de
délinquance juvénile : Aspects psycho socio culturels, UFR
Criminologie.
* 14 Dictionnaire Petit Robert,
1989
* 15 Cours de
Délinquance juvénile : aspects psycho socio culturels, UFR
Criminologie
* 16 Idem
* 17 Jeunesse,
développement et changements sociaux, Cahiers OSTORM, séries
sciences humaines, volume 19,
n°2 à 3, pp 181 - 185, éd. De l'OSTORM,
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* 18 Dictionnaire Petit Robert,
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* 19 Alain SISSOKO, Les
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inédit,1984
* 20 Simon Anvo SAIHASSI,
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* 21 Clahon GOHI,
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* 22 Fabienne TANON, Les jeunes
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* 23 Robert CARIO, Jeunes
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l'Harmattan, 1996.
* 24 Sébastien ROCHE,
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* 25 CARIO Robert, Jeunes
délinquants (à la recherche de la socialisation perdue),
l'Harmattan, 1996, pp 131 - 132
* 26 UNICEF, La
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* 27 PNUD, Tableau de bord
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* 28 Bilan des Statistiques
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* 29 Entretien avec le
commissaire de police M. lame Essoh du 16e Arrondissement de
Yopougon
* 30 Pinatel Jean,
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* 31Raymond Mampaka
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* 34Simon Saihassi Anvo,
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(exemples d'Aboisso et d'Abidjan),
mémoire de
maîtrise de Sociologie, 1979-1980 P53
* 35 Sébastien
Roché, En quête de sécurité, éd.
Armand Colin , 2003, p112
Boitenin Kouamé Koffi, J-B Zogba Tietio, Etude de
prospection sur le phénomène de prostitution à San Pedro
21 Janvier au 4 Février 2002
* 36Alain Sissoko, Les
jeunes filles déscolarisées à Abidjan : logiques,
dynamiques d'adaptation, recomposition
des relations familiales et
processus de reconstruction sociale, 2002.
* 37 Raymond Mampaka
N'Lélé, Essai d'analyse sur le phénomène des
échecs scolaires. 2001, P. 11
* 38 Ministère de la
Famille et de la Protection de la Femme
* 39 Direction de la protection
et de la réinsertion sociale
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