I.N.A.L.C.O.
Année universitaire 2002-2003
CONTRIBUTION AUX ÉTUDES
MÉDITERRANÉENNES : LES RELATIONS TURCO-TUNISIENNES
(1956-2001)
Mémoire de Maîtrise en langue et
civilisation turques
Préparé et présenté
par
Meriem JAMMALI
Sous la direction de Monsieur Faruk BILICI
Meriem JAMMALI
CONTRIBUTION AUX ETUDES MEDITERRANEENNE : LES
RELATIONS TURCO-TUNISIENNES
(1956-2001)
A ma famille
REMERCIEMENTS
Avant d'exposer les résultats de la présente
étude, il m'est agréable de présenter mes sincères
remerciements à toutes les personnes qui ont participé de
près ou de loin à la réalisation de ce mémoire,
particulièrement Monsieur Faruk BILICI, et mon directeur de recherches,
et M. Noureddine TLILI qui a relu et corrigé ce travail
ABREVIATIONS
ATCT : Agence Tunisienne de Coopération
Technique.
CEPEX : Centre des Promotions des Exportations
(Tunisie).
EKETIB : Eðitim, Kültürel, Ekonomik ve
Teknik iþbirliði Baþkanlýðý :
(Direction de Coopération Académique, culturelle, Economique et
Technique Turque).
IGEME : Ihracati Geli°tirme Etüd Merkezi,
Centre des de Promotion des Exportations (Turquie).
OCI : L'Organisation de la Conférence
Islamique.
TKA : Türk þbirliði ve Kalkýnma
daresi Baþkanlýðý : (Direction de
coopération et du développement turque).
TOBB : Türkiye Odalar ve Borsalar
Birliði (Union des Chambres de commerce turques).
TÜSIAD : Türk Sanayicileri ve
I°adamlarý Derneði : Association des industriels et des
hommes d'affaires turcs.
AVANT-PROPOS
Travailler sur les relations turco-tunisiennes entre 1956
à 2001 n'est pas le fruit du hasard. En effet, durant les quatre
années d'études de la langue et de la civilisation turques au
sein de l'INALCO, j'ai appris à découvrir la Turquie dans toutes
ses dimensions historique, culturelle et économique. En revanche, ma
curiosité me dictait de me détacher des contenus des cours
souvent focalisés sur l'histoire ottomane ou sur les grands axes de la
politique turque, et de chercher d'autres références me
permettant de découvrir davantage la Turquie.
Cette Turquie m'intriguait et je l'ai toujours comparée
à la Tunisie, mon pays natal, surtout après y avoir
séjourné. Je voulais savoir davantage sur les relations existant
entre les deux pays. Cependant, je ne trouvais pas toujours des
références pouvant assouvir ma curiosité de savoir.
Dès que j'ai choisi de travailler sur ce sujet, je savais que la
première difficulté à laquelle j'allais me heurter serait
l'indigence des études traitant de cette question. Jusqu'à
présent, il n'existe en effet aucune étude globale qui ait
tenté une présentation actualisée et exhaustive des
rapports entre la Turquie et la Tunisie. A vrai dire, la littérature
historique traitant de l'histoire de la Turquie ou des anciens territoires de
l'Empire ottoman est relativement abondante. Pour ce qui concerne la Tunisie,
la littérature en question reste penchée sur un thème
récurrent, celui de la présence ottomane en Tunisie dans ses
différents aspects politique, militaire, économique et social.
Ce constat a été confirmé tout au long de
mes recherches. Lors de l'élaboration de ce travail, je suis parvenu
à l'évidence que l'inexistence d'une publication sur les
relations turco-tunisiennes est due essentiellement à la rareté
des documents qui traitent de la question. Les quelques documents que j'ai pu
réunir pour accomplir la présente recherche sont
constitués en grande partie des comptes-rendus et des correspondances
politiques émanant des diplomates turcs ou tunisiens, ou des articles de
journaux tunisiens puisant leurs matériaux dans des sources officielles.
D'une manière générale, les études
sur la politique extérieure de la Tunisie ou de la Turquie qui,
jusque-là ont été publiés, ont toujours
marginalisé la question de la coopération entre les deux pays. En
revanche, certaines publications s'intéressent davantage à la
Turquie dans son environnement géostratégique moyen-oriental ou
balkanique. Il est vrai que la Tunisie n'a pas le même poids que les pays
du Moyen-Orient dans la politique turque. Cependant, dans un moment
donné (pendant les années 80), la Turquie était consciente
du rôle que pouvait jouer la Tunisie pour faciliter l'accès au
marché maghrébin et par-delà le marché africain.
Par souci de lancer un nouveau débat, et après
avoir eu des entretiens fructueux avec mon futur directeur de recherches
Monsieur BILICI, j'ai décidé de travailler sur les relations
turco-tunisiennes de 1956 à 2001, tout en ayant conscience des
difficultés que présentent ce sujet, surtout, quitte à me
répéter, l'indigence et l'éparpillement des documents.
INTRODUCTION
En 2000, le quotidien turc Ak°am, « Le
Soir » écrit sous le titre de « Tunisie, l'Europe de
l'Afrique » que « La Tunisie qui est petite mais vit dans
la prospérité, est un paradis touristique avec ses beautés
historiques et ses merveilles naturelles [...] située dans le Nord de
l'Afrique, petite mais magnifique, la Tunisie ressemble beaucoup à la
Turquie. [...] Ils [les Tunisiens] sont les amis des Turcs et même nos
deux drapeaux se ressemblent, ce qui rapprochent davantage nos deux
pays ».1(*) Afin
de persuader le lecteur turc des ressemblances entre la Tunisie et la Turquie,
le rédacteur de cette citation a mis l'accent sur l'amitié entre
les deux peuples. Il n'hésite pas à faire appel à
l'histoire, en évoquant la ressemblance des drapeaux turc et tunisien,
ce qui constitue, à ses yeux, un élément majeur qui
rapproche les deux peuples.2(*) En dehors de la similitude des drapeaux, la Turquie et
la Tunisie ont connu les mêmes expériences : la lutte pour
l'indépendance, le régime du parti unique et, enfin,
l'expérience de l'Etat-nation et de la «démocratie .
Ces affinités d'ordre géographique et politique devraient en
principe servir de base pour une coopération turco-tunisienne.
Par ailleurs, il va sans dire que les deux pays appartiennent
à la famille des Etats méditerranéens, avec ce que cette
famille comporte en termes de diversité politique, économique et
culturelle mais aussi en termes de conflits. C'est une famille qui occupe un
espace contrasté. Ses membres, malgré leur appartenance à
une même aire géographique, ont évolué dans des
contextes différents. De même, la Méditerranée est
le lieu de rencontre de deux mondes : le Nord et le Sud. La Turquie et la
Tunisie se trouvent ainsi tiraillées entre, d'un côté un
Occident qui représente leurs espérances, et de l'autre
côté, un Sud qui leur rappelle leurs problèmes et leurs
ambitions. Mais depuis leur indépendance, les deux pays ont fait un
choix identiquement irréversible, celui de prendre l'Occident pour
modèle à suivre en quête de modernisation économique
et sociale.
Cependant, quatre-vingt ans après son engagement dans
la voie de la modernité, la Turquie est toujours perçue par le
Nord comme un pays du Sud en développement de par ses structures
sociales et économiques. Quant à la Tunisie, personne ne doute
qu'elle fait partie des pays du Sud. Ses performances économiques et sa
démographie maîtrisée les placent dans le rang des pays du
Sud les plus avancés. Ce qui la rapproche davantage, sur le plan
économique, de la Turquie. Encore un point de similitude entre les deux
pays. C'est sous cet angle même que nous nous proposons de traiter ce
sujet. Il importe donc de savoir comment la Tunisie et la Turquie, avec toutes
les convergences politiques, géostratégiques et
économiques allaient gérer leurs relations bilatérales.
Qu'en est-il de ces relations ? Pourraient-elles servir de modèle
pour une coopération Sud-Sud ? C'est à ces questions que
nous essayerons de répondre dans le présent travail.
Les limites chronologiques que nous nous sommes fixées
ne sont pas le fruit du hasard. 1956 est en effet une date clef dans l'histoire
de la Tunisie, marquant à la fois son indépendance et le
début de ses relations diplomatiques avec le reste des Etats. La date
à laquelle nous arrêtons notre étude (2001) coïncide
avec la deuxième visite qu'un président tunisien a
effectuée en Turquie depuis 1956.
Le centre de gravité de notre étude tourne
autour de plusieurs champs de recherches qui constituent en même temps
des domaines où s'opère la coopération bilatérale
entre les Etats du monde : les relations diplomatiques, économiques
et culturelles.
Dans une première partie, nous analyserons les
relations diplomatiques entre Ankara et Tunis. Il sera surtout question
d'Atatürk et de Bourguiba, deux personnalités politiques qui ont
marqué à jamais l'histoire récente de leurs pays
respectifs. Les convergences et les divergences de leurs choix politiques
seront évoquées. Afin d'élucider l'évolution des
relations politiques depuis les années 50 jusqu'à une date
récente (2001), nous passerons en revue les différents accords
régissant ces relations ainsi que l'impact des visites officielles
effectuées par les responsables des deux pays.
Quant à la deuxième partie du présent
travail, elle traitera de la question des relations économiques et
commerciales entre les deux pays. Dans cette partie, il sera question du
contenu et du rythme des échanges commerciaux.
Enfin, dans une troisième et dernière partie
nous tâcherons de montrer comment les relations culturelles
turco-tunisiennes sont peu intenses et nous essayerons d'en avancer les
raisons.
PRÉSENTATION CRITIQUE DES SOURCES
Certains articles extraits des journaux tunisiens nous ont
servi de support pour élaborer la présente recherche. Mais avant
d'énumérer ces journaux, quelques remarques sur l'histoire de la
presse en Tunisie nous semblent nécessaires.
En effet, pendant la colonisation, les journalistes tunisiens
étaient contraints d'écrire dans des journaux francophones pour
contourner les restrictions imposées aux journaux arabophones
aisément accessibles à un large public tunisien. Avec
l'indépendance en 1956, de nombreux organes de presse se sont
créés. Cependant, ils restèrent dépendants de
l'appareil d'Etat. Les restrictions que ce dernier leur a toujours
imposées les rendirent peu crédibles auprès de leurs
lecteurs, notamment les milieux cultivés. A la fin des années 80,
la presse tunisienne a connu une ouverture assez timide - en rapport avec
l'autorisation du multipartisme - en abordant des sujets différents
parfois audacieux. Actuellement, on se sert du danger de la propagation
islamiste « à l'algérienne » pour restreindre
la liberté des journalistes. 3(*)
Les journaux appartiennent à des entrepreneurs locaux
qui composent avec le pouvoir. Aujourd'hui, la Tunisie compte 8 quotidiens, 29
hebdomadaires et 38 périodiques. Hormis l'hebdomadaire Al-Anwar
« Lumières » qui tire à environ 140 000
exemplaires ; le tirage des principaux titres se situe entre 20 000 et 50
000 exemplaires environ.
Les principaux journaux que nous avons pu dépouiller
pour élaborer la présente recherche sont des publications
généralistes. En voici la liste :
· L'Action (francophone) :
organe de presse du parti au pouvoir, fondé par Bourguiba en 1934,
rebaptisé depuis 1988 Le Renouveau (voir titre
suivant) ;
· Le Renouveau : quotidien francophone, il
paraît chaque lundi. Sa première parution date de 1988. Ce dernier
nom n'est pas le fruit du hasard. Il survient après l'accession de Ben
Ali à la magistrature suprême, présentée par le
nouveau pouvoir comme un grand « Changement ». Son tirage
est à 30 000 exemplaires environ. Nous y avons puisé
l'essentiel de nos informations sur les visites officielles
échangées entre les responsables des deux pays.
· La Presse : premier quotidien
francophone du pays, paru en 1936. Il tire à 48 000 exemplaires environ.
Les principaux matériaux que nous y avons réunis concernent des
analyses sur l'économie et la vie politique turques ainsi que les
relations de la Turquie avec le monde arabe.
· Le Temps : quotidien francophone qui tire
à 40 000 exemplaires environ. Comme le précédent titre, ce
journal publie des articles sur l'actualité internationale, entre autres
l'actualité de la vie politique turque et les relations de la Turquie
avec les pays arabes.
· CEPEX actualités : bulletin de
liaison du Centre de Promotion des Exportations tunisiennes. Comme son nom
l'indique, ce centre, créé en 1973, a pour vocation d'encourager
les entrepreneurs tunisiens et étrangers à investir en Tunisie.
Bien évidemment, ce centre sert également d'interface entre
investisseurs tunisiens et turcs. De même, il entretient des relations
étroites avec son pendant turc IGEME Ihracati Geli°tirme Etüd
Merkezi.
· L'Economiste maghrébin : magazine
francophone bimensuel qui paraît depuis 1990. Il traite des sujets
d'économie et de finances, entre autres les investissements communs
entre des entrepreneurs turcs et tunisiens.
Il importe de souligner que l'ensemble de ces organes de
presse que nous avons consultés pour l'élaboration de notre
recherche ont une source d'information presque unique. Il s'agit de la T.A.P
(Tunis Afrique Agence), première et unique agence tunisienne
d'information.
Autres sources
Le discours de Bourguiba à Ankara, le 25 mars 1965, est
riche en informations. L'ex-président tunisien y trace avec pertinence
l'évolution des relations arabo-turques en faisant souvent
référence à des événements historiques et
à des lectures personnelles des questions politiques ou sociales.
En lisant le présent travail, le lecteur peut
s'interroger pourquoi nous n'avons pas utilisé systématiquement
les journaux turcs. La réponse est que d'abord, notre travail ne porte
pas uniquement sur l'étude des relations bilatérales à
travers la presse. Ensuite, faute de temps, nous n'avons pas pu accéder
aux archives de la presse turque. Les quelques articles que nous citons dans la
présente étude nous les avons découvert fortuitement.
Enfin, afin de combler cette lacune, nous avons consulté des rapports
diplomatiques (quoiqu'ils ne soient pas toujours objectifs car montrant ce que
les gouvernements veulent véhiculer) ou des comptes-rendus des chambres
de commerce, des notes de correspondances officielles ainsi que des
informations que nous avons directement recueillies auprès d'un certain
nombre de personnes impliquées dans les rapports turco-tunisiens.
Signalons enfin que l'apport des accords et des traitées
régissant les rapports tuniso-turcs a été capital pour la
réalisation de la présente recherche.
Un examen critique de l'ensemble de ces informations
s'avérait indispensable pour élucider les enjeux et les
perspectives de la coopération entre les deux pays. En effet, La
confrontation des différentes sources fait l'intérêt de
cette approche qui se veut avant tout, une approche évolutionniste et
parfois comparative.
PREMIÈRE PARTIE : L'ÉVOLUTION DES RELATIONS DIPLOMATIQUES ENTRE
LA TURQUIE ET LA TUNISIE
(1956-2001)
Quoiqu'elle ne s'inscrive
pas directement dans le cadre chronologique de la présente recherche
(1956-2001), l'étude de la politique turque vis-à-vis de la
décolonisation de la Tunisie nous semble nécessaire à
l'exploration des relations turco-tunisiennes. En effet, la politique
extérieure turque pendant les années 50 était fortement
marquée par un ancrage dans l'Occident. Les prises de position turques
à l'égard des revendications du mouvement national tunisien
allaient affecter, dans une certaine mesure et après
l'indépendance de la Tunisie, les relations politiques
bilatérales. Cependant, hormis cet épisode malencontreux, les
deux pays ont pour commun le fait d'avoir chacun un leader dont l'aura
dépassait le simple cadre politique. Nous pensons ici à Mustafa
Kemal Atatürk et à Habib Bourguiba, tous deux
considérés par leurs peuples respectifs comme libérateurs
de leur pays et bâtisseurs chacun de son côté d'un Etat
moderne. Mais il se trouve que le premier ait fortement influencé le
second et lui ait servi de modèle politique. Ce sont ces raisons
mêmes qui nous ont amenée à tenir compte dans notre
recherche des prises de position turque vis-à-vis de la cause nationale
tunisienne. Cela permettrait de comprendre la nature des relations politiques
entre les deux Etats, alors libres et souverains.
CHPITRE
I : L'ATTITUDE DE LA TURQUIE VIS-À-VIS DE LA DÉCOLONISATION
DE LA TUNISIE
1. La
décolonisation de la Tunisie à travers l'opinion publique et la
presse turques
Alors que les nationalistes tunisiens menaient, à
partir de janvier 1952, la lutte armée contre l'occupant
français, l'opinion publique turque suivait visiblement avec
intérêt l'évolution des évènements dans ce
pays.4(*) De nombreux Turcs,
connaissant le Maghreb, étaient solidaires avec le peuple tunisien dans
sa lutte armée. La presse turque de l'époque en faisait
l'écho.5(*)
Cependant, Mehmet Gök a recensé dans son étude un article du
journal Zafer, organe officiel du parti démocratique (Demokrat
Partisi) au pouvoir, qui, en relatant les évènements sanglants
survenus en mars 1952 dans le sud de la Tunisie, a essayé de
légitimer la colonisation française sous prétexte que les
derniers événements relevaient d'une manipulation
communiste :
« Les Tunisiens, une fois que les
Français seront éloignés, auront-ils vraiment leurs
libertés et leur indépendance ? Car, l'on a constaté
que les bombes qui ont explosé à Bône, à Maktar et
à Kassra sont de fabrication communiste. [...] D'après des
informations recueillies, les communistes y ont joué un rôle
important et tenté d'exploiter les purs sentiments des nationalistes
tunisiens au nom de leur propre impérialisme. En effet, si l'on examine
attentivement les évènements en Afrique du Nord à partir
de l'Egypte, il est possible de constater la même conspiration rouge
partout. »6(*)
2. Le vote turc à l'ONU
Revenons maintenant à la reconnaissance internationale
de l'indépendance de la Tunisie. En effet après de longs combats
et de multiples efforts en vue d'internationaliser la cause tunisienne, les
nationalistes ont réussi de faire porter la question de
l'indépendance devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
C'est le Pakistan qui l'a présentée le 31 mars 1952 devant
l'instance onusienne.7(*)
Les débats sur cette question ont eu lieu à
Paris (Palais Chaillot) le 4, 10 et 14 avril 1952. Quatre membres du conseil
(Brésil, Chili, Chine, Pakistan et URSS) ont voté pour
l'inscription de la cause tunisienne à l'ordre du jour du Conseil. En
revanche, la France qui n'était pas prête à céder
son protectorat, et le Royaume-Uni, autre puissance coloniale, ont voté
contre. Les autres membres du Conseil se sont abstenus : la Grèce,
les Pays-Bas, les Etats-Unis et la Turquie.8(*) Détentrice du droit du veto, la France fit
finalement obstacle à l'inscription de la question tunisienne à
l'ordre du jour.
Lors des débats, chaque représentant exposa ses
intentions de vote. En voici la teneur de l'intervention du représentant
de la Turquie : « Nous sommes convaincus qu'à
condition d'être conduites d'une manière constructive et
intelligente, des négociations directes entre les Français et les
Tunisiens pourront apporter une solution positive à la question dont
nous sommes saisis, et pourront répondre ainsi aux aspirations du peuple
tunisien. Des discussions acerbes et des débats prolongés sur les
évènements passés et sur le partage des
responsabilités ne pourraient que rendre cette tâche encore plus
ardue. »9(*)
Des propos qui manifestaient une propension de réserves
vis-à-vis de la légitimité des revendications tunisiennes,
dans la mesure où le représentant de la Turquie à l'ONU a
laissé entendre que son pays ne se serait pas opposé à
l'inscription de la question tunisienne à l'ordre du jour du Conseil de
Sécurité si la majorité des membres -surtout les
puissances occidentales - avait jugé utile cette inscription.
Aux yeux des Tunisiens, l'abstention de la Turquie signifiait
une position hostile à la cause tunisienne. D'ailleurs, une
délégation tunisienne qui devait se rendre en Turquie pour
demander l'appui de cette dernière dut y renoncer.10(*)
En visite officielle en Turquie en 1965, Bourguiba, alors
président, en a gardé le souvenir. Pour lui, l'abstention de la
Turquie signifie un vote hostile : « En mars 1952, lorsque, pour
la première fois, la Tunisie s'efforçait de faire porter la
question de son indépendance devant le conseil de
Sécurité,[...] à ce moment là, nous comptions nos
amis. Chaque signe avait sa valeur [...]. Nous étions
fiévreusement à l'écoute des débats qui se
déroulaient à Paris, au palais de Chaillot. [...]. Cinq voix
s'exprimèrent dans un sens favorable à l'inscription de la
question tunisienne. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis votèrent
contre, mais aussi la Turquie, ce qui fut pour nous un profond sujet de
tristesse. »11(*)
La Turquie fut critiquée par ses propres journaux
excepté Zafer, organe officiel du parti au pouvoir.
« S'abstenir équivaut à s'opposer »
écrivent certains journaux. Ce fut une grande déception pour
l'opinion publique turque.12(*) Par ce vote, la Turquie voulait éluder
« les incidents de parcours » sur le plan diplomatique
susceptibles d'affecter ses relations avec les occidentaux. Ainsi,
« le premier but de la politique étrangère de la
Turquie est de préserver son indépendance nationale, son
intégrité territoriale et d'assurer la modernisation du
pays. »13(*) Trois considérations majeures d'ordre
stratégique et politique justifient, à notre avis, la prise de
position turque en matière de politique internationale dans les
années 50. D'abord, la politique nationaliste et pro-occidentale de
Atatürk. Ensuite, l'économie turque ne pouvait plus s'en passer de
l'aide financière et technique des pays occidentaux. C'était un
intérêt majeur pour la Turquie, d'où la
nécessité de garder de bonnes relations avec les pays donateurs.
Ainsi, lors de la conférence de Bandoeng en 1955, la Turquie s'est
présentée comme la porte-parole de l'Occident. Les
représentants turcs se sont montrés plus occidentaux que les
Occidentaux eux mêmes ! Enfin, le voisin soviétique
constituait pendant les années 50 une menace réelle pour la
Turquie. A cette époque, la Turquie faisait partie des zones
stratégiques disputées par les deux grandes puissances mondiales
en pleine guerre froide. En 1945, à l'issue de la Seconde guerre
mondiale, Staline dénonça les accords de 1925 entre Moscou et
Ankara. Du coup, le leader soviétique n'a pas manqué de
réclamer des territoires situés sous la souveraineté
turque, arguant que cela permettrait à l'URSS de surveiller les
détroits en installant une base aéronavale à
proximité d'Istanbul.14(*) Menacée, la Turquie cherchait à obtenir
le soutien des pays occidentaux contre la menace rouge.
C'est l'ensemble de ces considérations d'ordre
politique et stratégique qui ont amené la Turquie à
s'aligner sur les positions française et anglaise quant à la
question de la décolonisation de la Tunisie. Aux yeux d'Ankara, la
France et le Royaume-Uni, avant qu'ils ne soient des puissances coloniales,
sont des alliés de la Turquie, d'où la nécessité de
garder de bonnes relations avec eux. Ainsi, lors de l'ouverture du conseil de
la Grande Assemblée Nationale le 1er novembre 1950, le
président Bayar a insisté sur les relations d'amitié qui
lient la Turquie à la France et l'importance de leur attachement aux
mêmes valeurs.
CHAPITRE
II : ATATüRK ET BOURGUIBA DEUX
PERSONNALITÉS POLITIQUES EMBLÉMATIQUES
Les deux pays ont chacun un personnage emblématique qui
a marqué son histoire nationale. Il s'agit de Mustafa Kemal Atatürk
pour la Turquie et Habib Bourguiba pour la Tunisie. Les deux hommes n'ont pas
évolué dans le même cadre spatio-temporel.
Néanmoins, leurs oeuvres respectives en matière des
réformes qu'ils ont réalisées mettent en devanture une
multitude de concordance. Les similitudes qui caractérisent les parcours
des deux hommes, et l'admiration de Bourguiba envers Atatürk ont
contribué à l'établissement d'un dialogue constructif
entre les deux pays.
1. Convergence de formation
Mustafa Kemal (1881-1938), après un bref passage dans
une école coranique, fréquenta, tour à tour, un
établissement scolaire communal, un collège militaire,
l'école des Cadets de Macédoine et enfin l'Académie
militaire d'Istanbul.
Toutes ces écoles étaient dotées d'un
enseignement moderne dont l'objectif était de réformer
l'armée ottomane se trouvant en difficulté logistique et
technique face aux forces occidentales. En dépit de l'opposition de sa
mère Zubeyda, il entama les démarches tout seul, réussit
ses examens et mit sa mère devant le fait accompli. Très jeune,
il s'est montré déterminé à choisir son chemin et
à tracer les lignes de son futur parcours.
Durant ses études, il découvre, grâce
à un condisciple, l'univers de la littérature et de la lecture
qui devient pour lui une passion, et manifeste un goût annoncé
pour les mathématiques, les langues étrangères
particulièrement le français, langue d'accès aux oeuvres
de Voltaire, de Montesquieu et tous les philosophes des Lumières.
Bourguiba est lui aussi de formation moderne. Il a fait ses
études secondaires à Tunis au Collège Sadiki -institution
fondée en 1875 où l'enseignement des sciences exactes et humaines
est prodigué en français selon les normes pédagogiques
modernes, et au lycée Carnot qui est un établissement
français. De 1924 à 1927, Bourguiba suit à Paris les cours
de la Faculté de Droit et de l'Ecole des philosophes des
Lumières. 15(*)
Ainsi, de ces deux parcours, l'on retient qu'Atatürk a
croisé l'Occident en savourant les livres des philosophes. Quant
à Bourguiba, « fils de la France »,16(*) il a évolué dans
un contexte colonial puis intégré la société
française, terre de la Révolution et des idées des
Lumières.
[...] En Turquie, se dresse déjà la
silhouette ambitieuse du réformateur, le Ghazi Mustafa
Kemal »17(*). Pendant la guerre d'indépendance,
Atatürk était le sujet d'admiration de tous les nationalistes
arabes qui suivaient de près son combat. Chaque victoire était
applaudie en dehors de la Turquie. Mustafa Kemal fut l'espoir de certains
peuples colonisés, surtout au Proche-Orient et au Maghreb. Pour
Bourguiba, le fondateur de la Turquie moderne était guide et source
d'inspiration. Il a compris le sens du vrai combat à travers le mythe de
Atatürk. Les propos tenus par Bourguiba en mars 1965 lors de sa visite
officielle à Ankara en tant que président de la République
tunisienne en témoignent :
«...lorsque j'eus atteint l'âge d'hommes, le
personnage de Mustafa Kemal s'imposa à mes yeux comme le modèle
du héros, du chef né pour le commandement, supérieur
à toutes les contingences, sachant tout exiger de son peuple pour mieux
changer son destin, capable enfin de redonner une âme
à sa patrie déchiquetée, d'exalter la fierté
nationale sans jamais l'orienter vers des ambitions
extérieures »18(*).
C'est dans cette perspective que, pour le leader tunisien,
partir en Turquie avant d'entamer la bataille définitive de
l'indépendance eut un sens profond. Il est parti s'y ressourcer.
« J'ai voulu voir votre pays, visiter Istanbul et Ankara, et je
suis venu en Turquie. Ce pèlerinage, vous le voyez, n'a pas
été sans lendemain, il a porté ses
fruits. »19(*)
Influencés par les aspirations des courants modernistes
du XIXe siècle, Atatürk et Bourguiba trouvent le
remède aux maux de leurs sociétés. C'est le choix de
l'Occident. Ils considèrent que le modernisme implique l'adoption des
valeurs occidentales. Cependant, l'application de ces valeurs sur une trame
où l'islam occupe une place centrale dans la vie privée et
publique de leurs sociétés demeure une tâche difficile
voire grave, étant donné que la charia était la
seule source de loi dans presque tous les pays musulmans.
2. Islam et modernité chez
Atatürk et Bourguiba
Lors de la construction de leurs Etats respectifs,
Atatürk et Bourguiba durent prendre en compte la question de la place de
la religion musulmane dans la vie politique et sociale dans leurs pays
respectifs. Les régimes mis en place par les deux leaders se ressemblent
de beaucoup de points. Ainsi l'enseignement, la laïcisation et le
modernisation du pays étaient les principaux objectifs des deux hommes.
Cependant, une divergence non moins importante différencie les deux
hommes. Il s'agit de la place que doit occuper l'islam dans l'une et l'autre
société toutes deux en quête de modernité.
Afin d'initier son peuple aux valeurs de l'Occident -vainqueur
de l'Empire ottoman- Atatürk a voulu se débarrasser du poids de la
religion musulmane dans la vie politique et publique turques, tandis que
Bourguiba a tâché d'employer l'islam à ses fins politiques,
en interprétant le texte coranique, quitte à provoquer la
sensibilité populaire. Citons à ce propos l'intervention de
l'ex-président tunisien à la télévision, en 1960,
où il a pris un verre d'eau en pleine période de jeûne du
ramadan.20(*) Selon lui,
la pratique de la religion ne doit pas freiner la bonne marche de
l'économie tunisienne quitte à ne pas observer le mois du
ramadan !
Cette divergence entre Bourguiba et Atatürk quant
à la place de l'islam dans la société s'est trouvée
répercutée dans l'une et l'autre constitution. Pour ce qui
concerne la constitution turque, il y est stipulé que la Turquie est un
Etat laïc. L'islam n'est plus la religion de l'Etat dès 1928
contrairement à ce qu'était prévu par la constitution de
1921-1924. En revanche, dans le préambule de la constitution tunisienne,
on commence toujours par la formule coranique « Au nom de Dieu,
Clément et Miséricordieux ». On mentionne plus loin la
nécessité de « demeurer fidèle aux enseignements
de l'islam ». L'article 1er de la constitution tunisienne
déclare que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant
et souverain ; sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe et son
régime est la République. » La religion du
président de la République étant obligatoirement l'islam
(article 38).
C'est Atatürk qui s'est attaqué en premier
à la question du poids de la religion musulmane. Considérant que
l'islam est la cause directe de la décadence de l'Empire ottoman,
l'idéologie kémaliste ne peut pas pour autant maintenir cette
religion profondément présente dans les rouages de l'Etat. Par
conséquent, Atatürk a voulu créer un islam d'inspiration
laïque. C'est-à-dire lui accorder uniquement une dimension
spirituelle en tant que foi et pratique religieuse. De ce fait,
dépouillé de son pouvoir politique, il perd son aptitude à
gérer la vie publique et privée de la société
turque.
La femme, sujet tabou dans la religion musulmane, retrouve
progressivement sa place à côté de l'homme et partage son
univers. Mais l'émancipation de la femme turque fut lente. La Turquie a
commencé par l'adoption en 1924 d'un code civil contenant un droit de la
famille égalitaire. Mais jusque-là, aucune loi turque ne
réglait certaines questions liées au statut de la femme, tel que
le port de voile. En 1937, la femme turque devient électrice et
éligible. En effet, « L'émancipation des femmes alla de
pair avec la réforme de l'enseignement. C'était un domaine auquel
le Ghazi attachait une extrême importance. Il a voulu les associer
étroitement à la vie du nouvel
Etat. »21(*)
Trente ans après les réformes engagés par
Mustafa Kemal, la Tunisie allait connaître un parcours similaire à
la jeune République turque. Dès son indépendance, le pays
allait voir se succéder une fringale de réformes. Une
Assemblée constituante fut élue le 25 mars 1956 ; la
République étant proclamée le 25 juillet 1957. La
constitution du 1er juin 1959 établit un régime
politique basé sur la séparation des pouvoirs,
l'égalité devant la loi et « la garantie des
libertés d'opinion, de réunion et d'association ». Avec
la promulgation du Code du Statut Personnel le 13 août 1956, la polygamie
fut abolie, le divorce réglementé ce qui constitue une
révolution culturelle en soi, dans la mesure où ce code met
définitivement fin à près de quatorze siècle de
pratique sociale, basée sur l'islam, dans le domaine civil.
Si l'émancipation de la femme turque était
longue et progressive, la femme tunisienne a trouvé dans Bourguiba un
homme d'Etat éclairé et surtout courageux pour engager des
réformes institutionnelles pour libérer la femme tunisienne du
poids des traditions et de la charia. Ce décalage d'ordre , il convient
de rappeler que le contexte des années 20 et 30 n'autorisait aucune
comparaison avec celui des années 50 et 60. Et si Atatürk a
divorcé avec la religion, Bourguiba en s'attaquant aux mouvements
traditionalistes, a adopté une attitude conciliatrice entre le loi
coranique et la législation occidentale. Cela s'explique par le fait que
les deux hommes ne se sont pas confrontés aux mêmes
problèmes.
En dépit de son influence par l'idéologie
kémalienne, le bourguibisme a su garder son esprit critique envers
le kémalisme. En 1973, Bourguiba critique implicitement
l'idéologie d'Atatürk au sujet de sa rupture radicale avec la
religion.22(*) Cette
critique était source de mécontentement de la classe politique
turque vue que l'idéologie d'Atatürk est sacrée. Enfin,
cette divergence s'explique aussi par le décalage temporel entre
l'expérience turque et l'expérience tunisienne23(*).
CHAPITRE III : QUAND ANKARA ET
TUNIS COMMUNIQUENT...
1. Introduction au dialogue
diplomatique turco-tunisien
Le dépouillement des documents diplomatiques auxquels
nous avons pu accéder montre que les relations entre la Turquie et la
Tunisie ont connu la même évolution que celle entre la Turquie et
le monde arabe. En effet, jusqu'aux années 60, la plupart des pays
arabes était sous la domination coloniale. Cela signifiait que tout
contact officiel d'ordre diplomatique ou autre devait forcément passer
par l'autorité colonisatrice.24(*)
C'est dans ce contexte même que la politique
extérieure turque était orientée en fonction des
intérêts de la Turquie et de ses relations avec les pays
occidentaux, notamment la France et le Royaume-Uni. La Turquie voulait en effet
épouser la modernisation et adopter un alignement politique avec
l'Occident, quitte à renier le soutien qu'elle a toujours apporté
à la lutte des pays colonisés, y compris les pays
arabo-musulmans25(*).
En effet, depuis la création de la République
turque et jusqu'à l'émergence du problème chypriote au
début des années 60, noyés dans leurs environnements
respectifs, le monde arabe et la Turquie s'ignoraient mutuellement. Les Turcs
et les Arabes ne communiquaient que pour s'accuser mutuellement. En Turquie, on
a vécu la révolte, en 1916, des provinces arabes contre le
pouvoir ottoman comme « un coup de poignard dans le dos ».
Tandis que les Arabes considèrent la Turquie, -héritière
directe de l'Empire ottoman - comme la cause directe de leurs problèmes.
Les réformes religieuses entreprises par Atatürk n'ont fait
qu'empirer les choses. Ce qui a nourri un sentiment anti-turc, surtout dans les
pays du Proche-Orient qui vécurent des siècles durant sous la
domination ottomane. Par conséquent, toute tentative de
réconciliation entre les deux parties devait se heurter aux faits du
passé.
Néanmoins, la période d'isolement sur la
scène internationale que la Turquie a traversée dans les
années 60-70, a profondément marqué la diplomatie turque.
En effet, déçue par la politique occidentale relative au
problème chypriote26(*), la Turquie se sentait isolée du reste du
monde surtout du bloc afro-asiatique. Il en est résulté une
volonté turque de dialoguer avec les pays qu'elle avait jusque-là
ignorés. La Tunisie en faisait partie.
De son côté, Tunis ne pouvait pas rester
insensible à la démarche d'Ankara pour renouer avec le monde
arabe. Le portrait de la Turquie dressé par la presse tunisienne tout au
long de la période étudiée (1956-2001) laisse
transparaître une nette évolution de l'image que les Tunisiens se
font de la Turquie. En voici quelques éclaircissements.
En effet, les journaux tunisiens d'avant 1956, date
d'indépendance tunisienne, on ne parlait ni de la Turquie ni de la
nécessité d'oeuvrer avec elle. Les deux pays s'ignoraient
mutuellement. Mais à partir de 1956, la donne a changé. Car la
dizaine d'organes de presse tunisienne que nous avons consultés dressent
dans la plupart des cas un portrait élogieux de la Turquie. Etant
pro-gouvernementaux, ces organes reflètent la position officielle du
gouvernement tunisien vis-à-vis de la politique internationale du pays.
La visite de Bourguiba à Ankara en 1965 marqua un
tournant décisif dans la diplomatie des deux pays. Elle inaugura une
nouvelle ère dans l'histoire de la coopération bilatérale,
traduite, entre autres, par la visite effectuée en Tunisie en 1966 par
le président turc Cevdet Sunay. Cette phase de découverte
mutuelle allait se poursuivre jusqu'au début des années 70. C'est
à partir de cette date que la presse tunisienne commence à
évoquer la Turquie en tant que partenaire économique et politique
avec qui la Tunisie pourrait entrer en partenariat.27(*) Dès lors, on
la présentait comme un pays frère avec lequel on doit entretenir
d'excellentes relations, dans la mesure où les deux pays sont à
la fois méditerranéens et membres de l'Organisation de la
Conférence Islamique (OCI).
Pour illustrer ces propos, la presse tunisienne ne manquait
pas de recourir si besoin est à l'histoire de l'Empire ottoman ainsi
qu'aux défis et aux objectifs communs. Ils sont confrontés aux
mêmes difficultés engendrées par une économie
mondiale mouvementée d'où la nécessité de renforcer
la coopération bilatérale. En témoigne cet extrait d'un
article de L'Economiste Maghrébin, publié suite à
là la visite de Ben Ali en Turquie en 2001 :
« Tunisie-Turquie ! Deux destins qui se
sont pendant longtemps croisés à travers l'Histoire et qui
convergent de nouveau. Comme un jeu de miroir d'une marche forcée des
deux pays à travers les méandres d'une réalité
mondiale baptisée pudiquement globalisation. »28(*)
A présent, nous proposons de revenir sur le contenu et
l'évolution des relations diplomatiques entre les deux pays pendant la
période étudiée (1956-2001).
2. Tunisie-Turquie : des
relations symboliques (1956-1965)
Le 17 avril 1956, un mois après l'accession de la
Tunisie à l'indépendance, le président Bayar29(*) a envoyé un
télégramme de félicitations au bey de Tunis Lamine
Bey30(*). Cependant,
à la fin des années 50, et en dépit d'échanges de
missions diplomatiques entre les deux pays et la signature d'une série
d'accords bilatéraux31(*), les relations ont demeuré purement
symboliques. En effet, les deux pays ont opté pour le renforcement de
leurs relations avec l'Occident. Fraîchement indépendante, la
Tunisie craignait les répercussions du problème algérien
dans la mesure où la France voulait utiliser la base de Bizerte pour
réprimer les nationalistes algériens. Bourguiba se demandait si
l'on pouvait parler d'indépendance tant que le pavillon français
flottait encore sur la base navale de Bizerte (ville côtière au
nord de la Tunisie) et que des réfugiés algériens
armées occupaient le nord de la Tunisie.32(*) Elle s'est donnée comme priorité la
construction d'un Etat et d'une économie modernes, quitte à
oublier ses différends avec son ancienne puissance coloniale.33(*) A l'exemple de la Turquie,
elle voyait en l'Occident un modèle à suivre. Ses relations avec
les pays arabes et musulmans sont reléguées au second plan. C'est
ce qui explique en partie la tiédeur des relations tuco-tunisiennes
depuis les années 50 et jusqu'en 1965, date de la visite
présidentielle de Bourguiba en Turquie, bien que les discours politiques
en la matière aient été toujours optimistes. Mais il
importe de noter que la Turquie jouissait auprès de l'opinion publique
tunisienne d'un sentiment de sympathie, ce qui traduisait le degré de
sensibilité mutuelle entre les deux peuples. 34(*)
Malgré les tentatives de rapprochement, le souvenir de
l'indifférence de la Turquie à l'égard de la cause
tunisienne a survécu quelques années plus tard dans la
mémoire des responsables tunisiens.35(*)
3. Les retrouvailles
turco-tunisiennes
3.1. La visite de Bourguiba
Il a fallu attendre la visite officielle que le
président Bourguiba a effectuée à Ankara en mars 1965, et
l'arrivée au pouvoir du Parti de la Justice (Adalet Partisi), pour voir
les contacts se renouer entre les deux pays. Lors de cette visite, le
président tunisien, voulant tourner la page des soubresauts des
relations entre les deux pays, s'adressa aux députés turcs en ces
termes : « [...] laissez-moi vous dire que cet épisode
[l'abstention de la Turquie] ne pouvait altérer durablement le
sentiment que nous portons à la Turquie.. Il
conclut son discours en saluant « la fraternité
retrouvée entre le peuple turc et le peuple
tunisien. » 36(*)
Au cours de cette visite les responsables turcs et tunisiens
se sont montrées optimistes quant à l'avenir de leurs relations
bilatérales. Ils ont affirmé qu'ils allaient serrer les coudes
pour promouvoir une coopération très étroite dans les
domaines culturel, technique et économique. A l'issue de cette visite,
les deux parties ont décidé de mettre en place des programmes
d'échanges supervisés par une commission mixte dont la mission
principale consistait à développer les échanges entre
Ankara et Tunis.37(*)
Cependant, cette visite n'a pas donné lieu à la
signature d'accords bilatéraux. Il faut noter que le déplacement
du président tunisien en Turquie eut lieu alors que la Turquie
traversait la crise chypriote. Interrogé par les journalistes, Bourguiba
n'a pas révélé clairement la politique suivie par la
Tunisie vis-à-vis du problème chypriote. Il a laissé
entendre que son pays se tient neutre dans cette affaire. Et d'ajouter que
prendre parti pour la Grèce ou pour la Turquie ne servirait pas la
résolution du problème.38(*)
Cette neutralité s'affirma quelques mois plus tard,
lorsque la Commission de politique spéciale et de
décolonisation de l'ONU a voté, le 17 décembre 1965,
un texte réaffirmant l'indépendance et la souveraineté de
Chypre et refusant toute intervention étrangère. Le même
texte préconisait l'annulation des accords de Londres et de Zürich
de 196039(*). A l'exemple
de tous les pays arabes, sauf la Libye qui a voté pour, la Tunisie s'est
abstenue. Cette abstention ne peut qu'enchanter la partie grecque. Quant
à la Turquie, elle a exprimé sa déception de voir des pays
musulmans -y compris la Tunisie - soutenir son rival
« chrétien ». La question qui se pose est de savoir
si cette abstention tunisienne pouvait être interprétée
comme monnaie de retour que la Tunisie aurait voulu rendre à la Turquie
qui, autrefois, s'est abstenue lors d'un vote onusien relatif à la cause
tunisienne. Ou s'agissait-il tout simplement d'une lecture politique propre
à Bourguiba selon lequel, en matière de politique, il faut savoir
distinguer « l'important de l'essentiel » ?40(*)
L'examen des propos de Bourguiba sur la crise chypriote, tenus
à Ankara lors de sa visite officielle de 1965, laisse penser que
l'abstention tunisienne lors de ce vote était dictée par des
impératifs d'ordre purement diplomatique. En effet, en réponse
à une question posée par un journaliste sur la position
tunisienne vis-à-vis du problème chypriote, le président
tunisien, après avoir passé en revue les différents
épisodes de ce problème, a laissé entendre que le
problème chypriote était tellement compliqué qu'il ne
supportait une prise de parti supplémentaire. De même, il a
déclaré que son pays possède de bonnes relations avec la
Grèce et la Turquie41(*). Selon lui, ce qui urgeait c'était de trouver
et de toute urgence une solution au problème chypriote en tenant compte
des intérêts de toutes les parties. Et d'ajouter que prendre une
position pour tel protagoniste ou tel autre ne ferait qu'empirer le
problème. Enfin, le président tunisien résume la position
de son pays en une phrase mystérieuse : « Il arrive un
moment où les hommes raisonnables doivent choisir entre l'important et
l'essentiel ».42(*) Pour lui,
« l'essentiel » consiste à trouver une solution
à la crise chypriote. Quant à
« l'important », c'est le fait de ne pas compromettre les
relations de son pays avec la Grèce et la Turquie !
Il apparaît ainsi que la visite présidentielle de
Bourguiba a marqué une nouvelle ère dans l'histoire des relations
diplomatiques entre les deux pays. De surcroît, elle a été
l'occasion de discuter des problèmes affectant les relations
turco-arabes. En effet, Bourguiba s'est fait le porte-parole de ses homologues
arabes en affirmant que ces derniers étaient prêts à
comprendre les positions, les mobiles et les objectifs de la politique turque.
En contrepartie, il espérait que les dirigeants turcs se montreront plus
compréhensifs à l'égard des Arabes et de leurs
problèmes légitimes, notamment la cause palestinienne43(*). La visite de Bourguiba a en
quelque sorte brisé le mur de glace qui s'est établi entre Arabes
et Turcs depuis 1916.
De leur côté, les dirigeants turcs ont vu dans
cette visite un signe réconfortant de la part des pays arabo-musulmans.
Ce qui allait apaiser la crainte d'Ankara de se voir gérer, seule et
sans aucun soutien international, certains dossiers sensibles comme la crise
chypriote et la menace soviétique. D'ailleurs, peu après la
visite de Bourguiba, Süleymen Demirel alors premier ministre, a
déclaré que la Turquie sera compréhensive à
l'égard des problèmes des pays arabes et surtout ceux du Maghreb.
Un an plus tard, en décembre 1966, la visite du président turc
Cevdet Sunay à Tunis est venue consacrer une nouvelle étape dans
le dialogue tuniso-turque.
Par ailleurs, notons que Bourguiba s'est rendu encore une fois
en 1968 en Turquie mais dans le cadre d'une visite privée.
Obsédé par le mythe de l'histoire et des grands hommes, il
décida de se recueillir devant la tombe d'Hannibal, située sur
les rives des Dardanelles. Il a été reçu avec le protocole
d'une visite d'Etat. Il voulait ramener en Tunisie les cendres du
général carthaginois. Gênés, les responsables turcs
ont essayé dans un premier temps de contourner son souhait. Mais
à son insistance, il ont accepté de construire un mausolée
pour Hannibal qui, en outre, symboliserait la fraternité entre les deux
peuples. Déception du chef d'Etat tunisien !
3.2 La politique du Parti de la
Justice
Un autre facteur qui allait marquer l'infléchissement
de la politique turque et permettre aux deux pays d'oeuvrer ensemble fut
l'avènement de Adalet Partisi, Parti de Justice.44(*) Avec son arrivée au
pouvoir, nous assistons à la naissance d'une « politique
arabe » au sein de la diplomatie turque. Ce qui fut en soi une
nouveauté jusque-là inédite dans l'histoire des relations
internationales de la Turquie moderne. Il s'agit d'une politique d'ajustement
et de réorganisation dictée par l'évolution de la
politique nationale et internationale. Elle ne visait en aucune manière
à corriger les erreurs du passé45(*). Cette tournure est le résultat d'un ensemble
d'impératifs d'ordre politique et économique. En effet, en pleine
crise chypriote, la Turquie dut compter ses amis et chercher à gagner
davantage l'appui de plusieurs pays. Pour Ankara, gagner le soutien politique
d'un pays équivaudrait à gagner une voix supplémentaire au
sein de l'ONU. C'est aussi une opportunité pour les produits turcs qui
pourraient gagner davantage de nouveaux marchés. Cette politique
« arabe » voir « musulmane » allait se
poursuivre surtout après 1974, date de l'intervention militaire turque
à Chypre.
4. Les années 70, stagnation des
relations
Le renforcement des liens avec la Tunisie ne peut être
qu'avantageux pour la Turquie, dans la mesure où la jeune
République tunisienne a brillé sur la scène internationale
par sa politique modérée. Elle ne cessait d'être
appréciée par ses voisins maghrébins et africains. A
travers elle, la Turquie pouvait se faire entendre dans le zone afro-arabe.
Tunis permettrait également à la Turquie de gagner un
marché potentiel, le marché tunisien puis par-delà
accéder aux différents marchés africains. Et puisque
politique et économie sont intimement liées, la diplomatie est
demeurée active pour assurer cette tâche par le biais des visites
et la signature de différents accords.46(*)
Cependant, la politique arabe de la Turquie allait montrer ses
limites avec la Tunisie. En effet, après l'ouverture des voies de
communication pendant les années 60, le dialogue allait s'estomper petit
à petit pour devenir quasi inexistant dans la seconde moitié des
années 70. Il ne s'agissait nullement d'une rupture comme on a tendance
à le faire croire. En effet, confrontés chacun de son
côté à une multitude de problèmes internes
menaçant leur stabilité, les deux pays n'étaient pas en
mesure de se consacrer au développement de leur coopération
politique bilatérale. En revanche, la coopération dans le domaine
économique a pris un nouvel élan et cela pour des raisons que
nous évoquerons plus loin47(*).
Du côté turc, Ankara, absorbée par le
problème chypriote, était contrainte d'intervenir militairement
pour occuper la partie nord de l'île après le coup d'Etat soutenue
par le régime des colonels d'Athènes. Quant aux Tunisiens, la
classe politique était résolue à régler des
problèmes nés de la tension avec le voisin libyen, notamment
après l'avortement du projet d'unification entre les deux pays,
signé en 1974 conjointement par Bourguiba et Kadhafi. De même, la
maladie du président Bourguiba a commencé à
inquiéter les instances de l'Etat.
En 1976, la Turquie adhère à l'Organisation de
la Conférence Islamique. C'est dans ce contexte que nous étions
amenée, au cours de nos recherches à nous interroger sur l'impact
de l'adhésion de cette adhésion sur l'évolution des
relations bilatérales entre Tunis et Ankara. Les documents que nous
avons consultés et les rapports des sommets de l'organisation islamique
montrent que la diplomatie tunisienne accorde peu d'importance au travail de
l'OCI. Si cette adhésion a permis à la Turquie de trouver une
tribune lui permettant de dialoguer davantage avec les pays musulmans surtout
ceux du Moyen-Orient, elle n'a pas influencé ses relations avec la
Tunisie. En effet, l'adhésion de la Turquie à l'OCI
résultait d'un choix économique visant à conquérir
le marché arabo-musulman, surtout au Proche-Orient, et éviter
toute isolation diplomatique sur la scène internationale.
5. Les années 80 :
phase de décollage de la coopération bilatérale
Les contacts diplomatiques entre Ankara et Tunis allaient
s'affirmer davantage dans les années 80. Après la nomination, en
1980, à la tête du gouvernement tunisien, de Mohamed Mzali, homme
de lettres, arabophone et ex-ministre de l'éducation, la diplomatie
tunisienne a porté un réel intérêt pour les pays
arabes et musulmans, entre autres la Turquie. Les décideurs politiques
et économiques des deux pays allaient oeuvrer ensemble pour mettre en
place une série de mesures visant à rendre leur
coopération bilatérale plus fructueuse. Cette situation favorable
à l'épanouissement du dialogue politique et à
l'intensification des échanges économiques et culturels allait
perdurer jusqu'à la fin des années 90.
Des témoignages diplomatiques que nous avons recueillis
auprès des fonctionnaires des ministères turc et tunisien des
Affaires étrangères, ainsi que des comptes-rendus journalistiques
confirment l'amélioration, depuis les années 80, des
échanges, surtout politiques, entre Ankara et Tunis. Ainsi avons-nous
recensé quatre visites officielles48(*). Chaque rencontre entre diplomates turcs et tunisiens
est couronnée par la signature de plusieurs accords. A titre d'exemple,
lors de la visite du premier ministre turc Özal en Tunisie, les 21, 22 et
23 avril 1989, trois accords ont été signés : un
accord relatif à la création d'une commission
intergouvernementale permanente qui se réunit une fois par an dans l'une
et l'autre capitale sous la présidence des deux ministres des Affaires
étrangères ; un accord portant sur le transport maritime, et
enfin un accord de coopération en matière de cartographie et de
documentation géographique. Cette visite eut lieu peu après la
visite présidentielle de Kenan Evren49(*) du 16 au 18 janvier 1989. Dans cet ordre
d'idées, nous pouvons citer les propos de Turgut Özal qui, lors
d'une conférence de presse qu'il a tenue à l'occasion de sa
visite à Tunis en mai 1989, a déclaré que
« les similitudes qui existent entre la Turquie et la Tunisie sur
les plans tant géographique que stratégique, ont
créé dans de nombreux domaines des convergences en ce qui
concerne les options [des] deux pays en matière de politique
étrangère ».50(*) Sans doute, le responsable turc fait-il ici allusion
à deux éléments caractérisant la politique
extérieure d'Ankara et de Tunis : l'ouverture sur l'Occident et la
modération dans la prise de position concernant certains
problèmes internationaux, comme le conflit arabo-israélien.
En 1998, le président turc Süleyman Demirel se
rend en Tunisie dans le cadre d'une visite officielle. Lors de cette visite, il
a insisté comme à chaque fois sur la volonté
sincère de la classe politique turque de coopérer avec la
Tunisie. Deux ans plus tard, lors de la visite officielle de Ismaïl Cem en
sa qualité de ministre des Affaires étrangères, les deux
gouvernements ont signé le 25 mars 2000 un protocole d'accord sur
« la coopération entre les ministères des Affaires
étrangères de la République tunisienne et la
République de la Turquie » et un accord portant sur
« le transport routier de personnes et de marchandises et sur le
transit »51(*).
La visite la plus récente entre responsables tunisiens
et turcs est celle du président tunisien Ben Ali en Turquie du 22 au 23
mars 2001. Sa visite a donné lieu à la signature d'une
série d'accords : un programme triennal d'échanges culturels
2001-2003 ; un accord de coopération scientifique et
technologique ; un protocole de coopération tridimensionnelle entre
EKETIB , ATCT (Agence Tunisienne de Coopération Technique) et le CEPEX (
Centre des promotions des Exportations tunisien) , et enfin un accord de
coopération entre IGEME (Centre de Promotion des exportations turques)
et ATCT. Et puisque la politique est au service de l'économie, le
président tunisien s'est fait accompagner par une importante
délégation d'hommes d'affaires tunisiens. Ce fut une occasion de
rencontre entre le milieu des affaires des deux côtés.
C'est dans ce contexte que les journaux turcs ont rendu
hommage aux réalisations politiques et économiques accomplies par
le régime de Ben Ali.52(*) De même, selon le consul de Tunisie à
Ankara, la chaîne turque TRT a diffusé un reportage sur la
Tunisie. Chose rare. Le milieu universitaire n'a pas manqué lui aussi de
manifester son intérêt pour cette visite. Ainsi
l'université de Bilkent décerna à Ben Ali un doctorat
Honoris causa53(*).
Lors de cette visite présidentielle, les entretiens
politiques entre les deux parties ont porté sur la
nécessité d'assurer une protection internationale au peuple
palestinien et de mettre fin à l'embargo sur l'Irak54(*). Il était
également question de mettre à profit toutes les
opportunités pour renforcer davantage la coopération
turco-tunisienne et d'oeuvrer ensemble pour l'intégration des
économies des deux pays dans l'espace économique de l'Union
européenne.55(*)
Tout aussi explicite est l'extrait de la déclaration du
président tunisien à l'issue de sa visite. En effet, Ben Ali a
déclaré que sa visite « dans ce pays frère a
été fructueuse et très utile ; elle [lui] a
permis [...] de discuter avec [les hauts responsables turcs]
des voies et des moyens qui permettent de raffermir les relations
privilégiées de fraternité et de coopération entre
[les] deux pays.»56(*) Et d'ajouter : « Nos
échanges de point de vue ont en outre porté sur diverses
questions régionales et internationales d'intérêt
commun ».57(*)
Cependant, bien que les déclarations des hauts
responsables des deux pays aient toujours affiché une parfaite
convergence de leurs points de vue sur certaines questions internationales, la
crise irakienne a constitué ces dernières années une
« pomme de discorde politique » entre les deux pays. En
effet, après l'institution en 1991 de la zone d'exclusion
aérienne au Nord de l'Irak, les incursions de l'armée turque dans
cette zone se sont multipliées. La presse tunisienne, relatant ces
faits, s'est souvent montrée critique à l'égard de la
politique irakienne de la Turquie. Cette attitude éditoriale des
journalistes tunisiens reflète en grande partie l'opinion que la
population tunisienne se fait de la Turquie en rapport avec la question
irakienne. Bon nombre de Tunisiens voient en la Turquie non seulement un pays
allié des Etats-Unis mais aussi un pays inféodé à
la première puissance mondiale. Cette vision s'est confirmée ces
dernières années lorsque les Tunisiens apprirent par le biais des
médias les épisodes du rapprochement politique et surtout
militaire entre la Turquie et Israël58(*), ce dernier pays avec qui les Arabes sont en guerre
depuis plus d'un demi siècle.
En 1996, les déclarations du gouvernement turc selon
lesquelles la Turquie envisagerait de créer une zone tampon au Nord de
l'Irak n'ont guère été appréciées ni par
l'opinion publique ni par le gouvernement tunisien. Tous les journaux tunisiens
ont évoqué cette scène. Nous citons ici l'exemple du
Renouveau - organe officiel du gouvernement tunisien - qui a
publié un article où l'on peut aisément déceler une
attitude critique vis-à-vis de la politique irakienne du gouvernement
turc. En voici des extraits :
« Le gouvernement tunisien suit avec
préoccupation la décision du gouvernement turc de créer
des zones de sécurité dans le Nord de l'Irak, le long de la
frontière entre l'Irak et la Turquie. Tout en réaffirmant la
nécessité de se conformer totalement aux résolutions et
principes internationaux et de respecter la souveraineté et
l'intégrité territoriale de l'Irak, le Gouvernement Tunisien
appelle le gouvernement turc à n pas s'immiscer dans les
affaires intérieures de l'Irak et à s'abstenir de
tout ce qui pourrait porter atteinte à l'intégrité de son
territoire et sa souveraineté ».59(*)
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE
PARTIE
Lorsque Ismaïl Cem compare la Tunisie à la
Turquie, il les considère comme « le paradis du
modernisme » car [les] deux pays font
figure de modèle dans la vaste région
méditerranéenne et islamique ».60(*) Ce témoignage montre
clairement que les transformations politiques, économiques et sociales
que connurent les deux pays au XXe siècle ne firent que les
rapprocher. En effet, dès que l'occasion se présente, les deux
pays affichent une certaine convergence de leurs points de vue relatifs aux
problèmes régionaux et internationaux. Les visites officielles
entre les deux pays ont permis non seulement d'examiner de nouvelles formes et
perspectives d'échanges commerciaux, mais aussi de dégager un
bilan de leur coopération. De plus, nous avons recensé à
maintes reprises des manifestations de solidarité comme à
l'occasion des inondations ayant frappé la Tunisie en 1989 ou le
séisme en Turquie en 2001.
Un autre facteur qui les différencie des autres pays
musulmans, entre autres l'Egypte et l'Algérie, mais qui les rapproche,
consiste à leur réussite à éradiquer les mouvements
islamistes extrémistes. Malgré le caractère peu pesant de
la religion musulmane dans leurs politiques respectives et leur appartenance
symbolique à l'OCI, les deux pays se montrent soucieux de l'avenir de la
communauté islamique, du moins dans leurs déclarations
officielles. Notons à ce propos que le discours islamiste de Necmettin
Erbakan, chef du Parti Refah qui a remporté les législatives de
1995 était une révélation politique. Ce qui a
suscité des réserves surtout de la part de la Tunisie où
toute revendication de ce genre est bannie. En effet Erbakan voulait donner
à la Turquie le rôle de leader dans le monde islamique.
Dans l'ensemble, les relations politiques entre la Turquie et
la Tunisie continuent à s'effectuer dans un cadre d'amitié.
Durant les années 1957-1987, Bourguiba, alors président de la
république tunisienne et grand amateur d'Atatürk, a essayé
d'adopter les réformes réalisées par ce dernier dans tous
les domaines avec une vision actualisée et des réponses
adéquates aux problèmes propres à la Tunisie. C'est
pourquoi, nous pouvons considérer que la période de Bourguiba est
une période de mise en place des relations de fraternité et
d'amitié entre les deux pays.
Un autre phénomène qui attire l'attention est
l'ouverture des frontières entre les deux pays. Il n'a y a pas de visa
pour la mobilité des personnes dans les deux sens. A ce stade, une
interrogation s'impose. L'adhésion éventuelle de la Turquie
à l'Union européenne contraindra-t-elle Ankara à
verrouiller davantage la citadelle européenne ? Seules les années
à venir pourront nous en fournir une réponse.
Mais en matière de relations internationales, les liens
historiques et l'entente permanente entre les Etats ne peuvent demeurer
dynamiques qu'avec l'instauration d'une coopération économique
d'envergure prenant compte des intérêts respectifs de chaque Etat.
Alors jusqu'à où la Turquie et la Tunisie peuvent-elles aller
loin dans leurs échanges économiques et commerciaux ? C'est
ce que nous proposons d'analyser dans la deuxième partie de notre
travail.
DEUXIÈME PARTIE : L'ÉVOLUTION DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET
COMMERCIALES TURCO-TUNISIENNES
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DES
ÉCHANGES ÉCONOMIQUES ET COMMERCIAUX (1958-2001)
Dans ce qui suit, nous ferons une présentation
analytique des différents accords bilatéraux qui cadrent les
relations commerciales. De même, nous évoquerons les structures
complémentaires qui ont contribué à la promotion de ces
relations. Il s'agit essentiellement d'associations regroupant certaines
personnalités politiques des deux pays qui, à un moment
donné, ont cru à la nécessité de promouvoir ces
accords par le biais du cadre associatif.
1. Les accords bilatéraux
Actuellement, les relations économiques entre les deux
pays sont régies par l'Accord de Coopération Commerciale,
Economique et Technique, signé à Ankara le 15 juillet 1992.
Cependant, il convient de rappeler que cet accord n'est pas le premier de son
genre. En effet, deux ans après l'indépendance de la Tunisie, les
deux pays ont signé un accord commercial le 17 avril 1958. Lequel
réglementait le commerce extérieur entre les deux pays, en
déterminant les marchandises échangées, ainsi que les
conditions d'import-export entre les deux pays. Le même jour, les deux
Etats ont signé un protocole sur la « Nation la plus
favorisée ». Ce protocole fixe les modalités
d'application des droits de douane. Il réglemente également la
mobilité des personnes entre les deux pays.61(*)
Entre 1967 et 1992, les échanges commerciaux
s'effectuaient dans le cadre de L'Accord Commercial,
signé le 17 juillet 1967 à Tunis entre les deux
gouvernements. Il fut renouvelé par des protocoles
additionnels.62(*)
L'accord maritime signé le 23 mai 1989, et qui demeure valable
jusqu'à présent, est venu compléter l'ensemble des accords
commerciaux qui, jusque-là, ont été paraphés entre
les deux pays. Il organise et encadre les relations maritimes entre ports turcs
et tunisiens, notamment ceux d'Izmir (Turquie), Sfax et Gabès
(Tunisie).
2. Les organismes de coopération
2.1 La commission économique
mixte turco-tunisienne
Elle est créée en juin 1981 à Ankara en
vue de renforcer la coopération économique, industrielle,
technique et touristique entre les deux pays. Après sa création,
trois accords ont vu le jour : un accord de coopération dans le
domaine touristique ; un accord de coopération économique,
industrielle et technique ; et, enfin, un protocole additionnel à
celui de 1967.
La première réunion de la commission mixte s'est
tenue à Ankara le 2 octobre 1982. Il était prévu que les
réunions de la commission se tiennent annuellement dans l'une ou l'autre
capitale. Cependant, cette cadence n'a pas été toujours
respectée. Ainsi, entre 1982 et 2001, soit 19 ans, nous n'avons
enregistré que neuf réunions.63(*). A notre avis, l'absence de réunions à
périodicité régulière s'explique par des facteurs
conjoncturels ayant affecté l'un et l'autre pays. En effet, pour ce qui
concerne la Turquie, le climat politique qui a accompagné
l'arrivée au pouvoir, en décembre 1995, d'une coalition
gouvernementale dirigée par le Parti Refah n'a pas été
propice au développement des projets communs. Les réserves
observées par le gouvernement tunisien à l'égard d'un
parti islamiste au pouvoir n'ont pas contribué à consolider les
relations bilatérales. Quant à la Tunisie, elle a
été préoccupée, pendant les années 90, par
une série de réformes structurelles visant à adapter ses
paramètres économiques au système européen, dans la
perspective de l'accord d'association avec l'Union européenne.64(*)
Enfin, signalons que les réunions de cette commission
permettaient non seulement la promotion de projets bilatéraux mais
d'autres projets en association avec d'autres pays tiers. A titre d'exemple,
nous pouvons citer la mise en place, le 1er juin 1988, d'un projet
de production et de traitement d'engrais chimiques en collaboration avec le
Koweït.
2.2 La commission
inter-gouvernementale permanente
En 1989, les deux gouvernements ont signé un accord
relatif à la création d'une commission inter-gouvernementale
permanente. A l'issue de sa première session, le 15 et 16 novembre 1990,
cette commission a approuvé un système de lignes de crédit
pour le financement des exportations turques en Tunisie. Le principal
bénéficiaire de ce système étant Eximbank qui
cherchait à s'implanter en Tunisie65(*).
2.3 Le conseil d'affaires
turco-tunisien
Le Conseil d'affaires tuniso-turc a été
créé le 23 mars 1989. L'objectif en est la promotion des
relations bilatérales dans les domaines économique, financier,
commercial et artisanal, ainsi que le soutien des entreprises turques ou
tunisiennes voulant se développer dans d'autres pays du Sud. Le conseil
est venu remplacer « le Comité de la coopération
économique », fondé le 17 septembre 1987.66(*)
2.4 IGEME et le CEPEX67(*)
Centres de promotion des exportations des deux pays
respectifs, ils s'efforcent d'intensifier les échanges bilatéraux
en insistant sur le rôle majeur que peuvent jouer les hommes d'affaires
des deux pays dans la création des projets communs. Les deux organismes
sont à l'origine de l'organisation des journées de partenariat
turco-tunisiennes.. C'est dans cette perspective que le CEPEX a pris
la décision, en juillet 1998, d'ouvrir à Istanbul un bureau pour
mieux faire connaître les produits tunisiens et favoriser leur
écoulement sur le marché turc. Les deux organismes ont
signé un accord de coopération à Ankara le 22 mars 2001.
Un autre accord est signé entre l'ATCT et la TKA (Direction de
coopération et de développement turque).68(*)
2.5 La commission mixte de
réflexion et d'action
Conscients de la faiblesse des échanges
bilatéraux, et aspirant à développer davantage les
potentialités économiques des deux pays, Tunis et Ankara
décidèrent, en mars 2000, de créer cette commission. Son
rôle principal est de soutenir les initiatives des entrepreneurs turcs et
tunisiens et définir les moyens de promotion de la coopération
bilatérale.
CHAPITRE II LES RELATIONS COMMERCIALES OU SYMPTÔME DE
STAGNATION
1. Evolution des échanges
commerciaux
Analysant les relations économiques arabo-turques,
Boutros-Antoine Labaki conclut que ces relations sont conditionnées par
des facteurs autres qu'économiques. Il insiste sur le rôle que
jouent les facteurs historique, culturel, politique et religieux ainsi que la
conjoncture internationale69(*).
Les relations économiques entre la Tunisie et la
Turquie n'échappent pas à cette règle,
notamment suite aux mutations de l'économie
mondiale - la mondialisation - et la naissance d'une politique
méditerranéenne de l'Union Européenne. En effet, au cours
des années 60, les échanges étaient quasi-inexistants
entre Tunis et Ankara. En 1959, les exportations turques vers la Tunisie
étaient de 644 000 dollars. Elle importait de la Tunisie des produits
miniers à 252 000 dollars.70(*)
En 1961, les importations turques en provenance de la Tunisie
ne représentaient que 0,02% de l'ensemble des importations de la
Turquie. Dix ans plus tard, c'est-à-dire en 1971, elles ont atteint -
difficilement - le seuil de 0,10%. En revanche, pour la même
période, la part de la Tunisie des exportations turques est
passée de 0,32% à 0,09% de l'ensemble des exportations turques
vers l'extérieur, enregistrant ainsi une baisse sensible. Cependant, il
importe de signaler que les échanges entre les deux pays ont connu une
nette amélioration entre 1965 et 1968. A notre avis, cette
amélioration de courte durée est due à la visite
présidentielle de Bourguiba en Turquie en mars 1965 (Voir tableau I).
Tableau I : Importations et exportations turques
avec la Tunisie
1961-1971*
[* Les chiffres en gras représentent le
seuil maximum d'échanges commerciaux entre les deux pays entre 1961 et
1971]
Année
|
Importations
($)
|
Exportations
($)
|
Part du commerce extérieur
(%)
|
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
|
104.985
407.205
322.277
169.818
2.982.112
891.375
5.068.259
4.748.496
63.009
890.221
1.381.389
|
1.120.691
478.316
333.557
228.652
138.741
69.188
90.714
98.285
650.571
615.502
588.669
|
0,14
0,09
0,06
0,04
0,30
0,08
0,43
0,38
0,05
0,10
0,11
|
Source : IGEME, Bulletin d'information n°45,
octobre 1972.
L'examen de ce tableau montre clairement que le volume
d'échanges entre les deux pays demeure faible. Dans les meilleurs cas,
il ne dépasse pas 0,5% (en 1967) de l'ensemble des échanges entre
la Turquie et la Tunisie. Cette faiblesse trouve son explication dans deux
raisons majeures d'ordre politique et historique. D'abord, il convient de
rappeler le rôle central que joue l'Etat dans l'un et l'autre pays. A
l'exemple de la plupart des pays en voie de développement, la
planification de l'économie nationale dans l'un et l'autre pays relevait
des compétences des entreprises et des organismes publics. Pour ce qui
concerne la Tunisie, l'Etat tunisien s'est mis au lendemain de
l'indépendance à redresser une économie post-coloniale
décadente privilégiant la France comme partenaire
économique majeur.
Ensuite, il ne faut pas perdre de vue certaines
réserves de la part de la Turquie envers les pays récemment
indépendants. En effet, la Tunisie venait d'obtenir son
indépendance alors que la Turquie avait déjà une longue
expérience dans la construction nationale et le développement
industriel et économique depuis les années 20. Par
conséquent, elle se considérait comme un pays distinct
-économiquement et socialement parlant - du reste des pays du
Tiers-monde.
La fin des années 70 marque le début d'une
nouvelle ère dans les relations turco-tunisiennes avec la prise de
conscience d'Ankara des atouts qu'offre le dialogue avec Tunis. De même,
la Tunisie a amorcé une politique d'ouverture vers l'extérieur en
encourageant les investissements étrangers et en diversifiant les
échanges avec les autres pays71(*). Mais cette optimisme affiché de part et
d'autre ne dépassait pas à l'époque le cadre diplomatique.
Car le bilan des échanges a demeuré modeste entre les deux pays.
Pour ce qui concerne la politique économique turque
dans les années 70, force est de constater que la conjoncture
économique internationale engendrée par le premier choc
pétrolier, a profondément affecté l'économie
turque. En effet, la Turquie a vu ses exportations stagner et s'est
montrée incapable de faire face à la crise de paiements
engendrée par la hausse brutale du prix du pétrole. En
réponse à cette situation inattendue, les autorités
turques ont adopté une politique de substitution aux importations (PSI).
Mais cette politique n'a pas atteint ses objectifs majeurs, dans la mesure
où à la fin des années 70 l'économie turque a perdu
de sa compétitivité. Ce qui a poussé le gouvernement turc
à engager un processus de réformes économiques.
L'ouverture vers l'extérieur a figuré parmi les objectifs
à atteindre.
A l'initiative de certaines personnalités politiques
des deux côtés, les échanges turco-tunisiens allaient
s'améliorer au cours des années 80 pour atteindre leur
apogée pendant les années 90. Ainsi, le premier ministre turc de
l'époque, Özal, « [ n'a pas
ménagé] son énergie, multipliant les visites
à l'extérieur et les invitations de responsables étranger
dans le but clairement affiché de signer des contrats
économiques. »72(*) C'est dans ce contexte même que s'inscrit sa
visite en Tunisie en 1989.73(*)
Cependant, comparés aux échanges turco-libyens,
les échanges turco-tunisiens ont demeuré loin des objectifs
affichés. A titre de comparaison, en 1980, les exportations turques vers
la Tunisie ne dépassaient pas 13,2 millions de dollars, alors que pour
la même année, les exportations turques vers la Libye
étaient cinq fois plus intenses (60,32 millions de dollars). De
même, le volume des importations turques en provenance de la Tunisie
était 43 fois plus petit (18,55 millions de dollars) celui en provenance
de la Libye (778, 37 millions de dollars) (voir tableaux IIa et IIb).
Ce déséquilibre au niveau des échanges
entre, d'une part, Ankara et Tunis et d'autre part, Ankara et Tripoli
s'explique par :
· D'abord, contrairement à la Libye, la Tunisie
n'est pas dotée de richesses naturelles. La Turquie importe de la Libye
les hydrocarbures et y exporte des produits manufacturés Depuis la
découverte des richesses pétrolières et l'arrivée
de Kadhafi au pouvoir, ce pays est devenu une destination
privilégiée pour les investisseurs et les travailleurs turcs.
· Ensuite, les choix économiques tunisiens sont
pro-occidentaux dans la mesure où la Tunisie a toujours
privilégié les échanges avec l'Union européenne et
les Etats-Unis. De surcroît, ses échanges avec la Turquie ne sont
pas prioritaires.
Tableaux
IIa : Exportations turques vers la Libye et la Tunisie
(1980-1988)
(en millions de $)
Année
|
1980
|
1981
|
1982
|
1983
|
1984
|
1985
|
1986
|
1987
|
1988
|
Libye
|
60.32
|
441.55
|
234.60
|
184.29
|
141.03
|
58.84
|
135.76
|
140.66
|
218.14
|
Tunisie
|
13.2
|
15.01
|
24.37
|
30.47
|
10.91
|
15.77
|
62.13
|
44.78
|
39.76
|
Source : OCI, le commerce inter-islamique, rapports
annuels (1980-1988)
Tableau
IIb : Importations turques en provenance de la Libye et de la Tunisie
(1980-1988) (en millions de $)
Année
|
1980
|
1981
|
1982
|
1983
|
1984
|
1985
|
1986
|
1987
|
1988
|
Libye
|
777.37
|
789.43
|
789.62
|
793.36
|
660.89
|
620.81
|
292.24
|
304.74
|
78.89
|
Tunisie
|
18.55
|
30.9
|
17.67
|
39.40
|
55.03
|
21.22
|
29.00
|
52.20
|
39.15
|
Source : OCI, le commerce inter-islamique, rapports
annuels (1980-1988)
A partir de 1998, le volume des échanges entre la
Tunisie et la Turquie a enregistré une forte augmentation. Il est
passé de 42,4 millions de dollars en 1986 à 413 millions de
dollars en 1998, soit une augmentation de près de 1000 %, avec une
hausse remarquable entre 1992 à 1998 (voir tableau III). Le facteur
spécifique qui a contribué à ce développement
inattendu des échanges entre les deux pays, est l'embargo aérien
imposé à la Libye par la communauté internationale
à partir de 1992. En effet, les marchandises à destination de la
Libye devaient obligatoirement transiter - par voie aérienne - par les
aéroports tunisiens ou égyptiens. L'aéroport tunisien de
Djerba, étant situé non loin des frontières
tuniso-libyennes, a vu son trafic s'accroître en rapport avec les
sanctions imposées au voisin libyen. Ainsi, la Tunisie est devenue un
pays de transit pour les produits turcs à destination de la Libye. C'est
ce qui explique, en partie, l'augmentation significative du volume
d'échanges entre Ankara et Tunis pendant une bonne partie des
années 90. Cette conjoncture favorable aux deux pays a été
relayée par une politique d'ouverture engagée par les
autorités turques, dont l'objectif majeur était l'intensification
des exportations.74(*)
Tableau
III : Exportations et importations turques avec la Tunisie entre 1986 et
2001
Année
|
Exportations
(M $)
|
Importations
(M $)
|
Volume global
(M $)
|
1986
|
13,6
|
28,9
|
42,4
|
1987
|
11,5
|
52,2
|
63,7
|
1988
|
62,1
|
39,1
|
101,3
|
1989
|
44,8
|
14,2
|
59,0
|
1990
|
39,8
|
29,6
|
69,4
|
1991
|
53,7
|
20,7
|
74,3
|
1992
|
48,5
|
30,8
|
79,3
|
1993
|
55,5
|
61,9
|
117,4
|
1984
|
74,3
|
50,7
|
125,0
|
1995
|
79,3
|
46,3
|
125,7
|
1996
|
94,4
|
49,9
|
144,3
|
1997
|
20,0
|
59,9
|
179,9
|
1998
|
350,0
|
63,1
|
413,1
|
1999
|
238,4
|
66,6
|
305,0
|
2000
|
161,6
|
64,8
|
226,5
|
2001
|
143
|
65,3
|
208,7
|
Source : Statistiques du ministère du commerce
extérieur tunisien.
En revanche, le volume des échanges va enregistrer en
1999 une baisse considérable de 26,2% (graphique1).
Graphique 1
Source : Rapport de l'Attaché commercial de Turquie à
Tunis, Ambassade de Turquie.75(*)
Cette baisse s'explique par deux facteurs qui ne sont pas les
moindres. D'abord la levée partielle, en décembre 1999, des
sanctions imposées à la Libye. Ensuite, vient la mise en
application, dès mars 1998, d'un accord d'Association entre la Tunisie
et l'Union européenne visant à établir une zone de
libre-échange prévue au terme de 12 années. En effet,
depuis 1996, la Tunisie a lancé un démantèlement tarifaire
anticipé vis-à-vis des produits en provenance de l'Union
européenne. Ce démantèlement a permis
d'accélérer l'intégration commerciale dans le
marché européen : 80 % des exportations de la Tunisie sont
destinées à l'Union Européenne et 71 % des importations de
la Tunisie proviennent du même espace. De même, la Tunisie a
également conclu des accords de libre-échange bilatéraux
avec le Maroc, la Jordanie et l'Egypte.
Cette influence grandissante de l'Europe ne date pas
d'aujourd'hui. Elle remonte au début des années 70 avec la
naissance au sein de l'Europe d'une « politique
méditerranéenne ». Elle consiste en la signature d'une
série d'accords avec les pays non européens. La Tunisie a
été le premier pays de la rive sud de la
Méditerranée à conclure un accord d'association avec
l'Union Européenne. De surcroît, les produits européens
n'ont cessé de gagner le marché tunisien. Les produits turcs se
trouvent ainsi fortement concurrencés, d'autant plus que le consommateur
tunisien a toujours tendance à privilégier tout ce qui sortait
des usines de l'Occident.
Dans le souci de sauvegarder ses intérêts en
Tunisie, la Turquie a multiplié les efforts pour créer de
nouveaux créneaux de coopération commerciale. Désormais,
la Tunisie constitue un marché où la demande s'accroît au
fil des années. Cependant, en dépit de tous les efforts consentis
pour améliorer le volume des échanges entre les deux pays, les
chiffres qui suivent montrent que les résultats demeurent
en-deçà des objectifs escomptés.
Tableau IV : Part des
exportations et des importations entre la Turquie et la Tunisie en 2000
|
Turquie
|
Tunisie
|
Exportations (%)
|
0,59
|
1,8
|
Importations (%)
|
0,12
|
0,9
|
Source : Statistiques du Ministère tunisien du
commerce extérieur (2000)
.
2.
Contenu des échanges commerciaux
2.1 Les exportations
turques vers la Tunisie
La Tunisie importe de la Turquie essentiellement des biens de
consommation, tels l'électroménager et le coton, des produits
agroalimentaires comme les fruits secs, et des biens d'équipement (voir
graphique 2).76(*)
Signalons au passage que la liste des produits importés en provenance de
la Turquie est peu diversifiée, elle est restée inchangé
des années durant.77(*)
En 2001, le principal produit turc importé par la
Tunisie fut les céréales (37%), suivis par le tabac (8,7%), les
produits métallurgiques (7,7%), alors qu'en 1996.78(*) (Voir graphique 2)
Graphique 2
Source : selon les statistiques du Ministère
tunisien du commerce extérieur (2001)
2.2 Les exportations
tunisiennes vers la Turquie
Les exportations tunisiennes à destination de la
Turquie sont essentiellement composées de matières
premières ou de produits semi-manufacturées, tels que le
phosphate, l'acide phosphorique, l'aluminium, les peaux de mouton, la
pâte à papier industriel et les câbles électriques,
etc. La part des acides phosphoriques, principale production tunisienne
d'origine minière, a atteint en 2001 75% de l'ensemble des exportations
tunisiennes vers la Turquie. Par ce taux exceptionnel, la Turquie est devenue
le premier client de la Tunisie pour les produits chimiques, les phosphates et
dérivés (voir graphique 3).
Graphique 3
Source : Graphique établi à
partir des statistiques de IGEME 2001.
3. La présence économique turque en
Tunisie
La présence économique turque en Tunisie remonte
au début des années 80. En effet, certaines entreprises turques
spécialisées en matière de construction et de
bâtiment ont pu remporter des appels d'offres lancés par les
autorités tunisiennes.79(*) L'exemple le plus connu est celui de l'entreprise
Sezaci Turke° Feyzi Akkaya Construction CO (S.T.FA) laquelle est devenue,
pendant les années 80, fortement présente en Afrique et au
Moyen-Orient. Ainsi en 1989, elle a effectué les travaux
d'aménagement du port commercial de Gabès.80(*)
3.1. L'émergence des
sociétés à capital mixte
Au cours des années 90, nous assistons à la
naissance de projets dont les capitaux sont fournis par des entrepreneurs de
l'un et de l'autre pays. Le principal groupe turc implanté en Tunisie
dans ce cadre là est ESEN/ Zeytinoðlu, spécialisé dans
la verrerie et les textiles. Il y a aussi la firme Polisan-Tunisie,
spécialiste dans la colle industrielle.81(*) Quant à la société TUNIPEN,
fabriquant de fenêtres et de portes, elle a commencé à
produire depuis 1996.82(*)
Le groupe turc d'électroménager Arçelik est devenu parmi
les marques les plus vendues sur le territoire tunisien. Il était
pendant longtemps parmi les principaux fournisseurs de la société
tunisienne de distribution d'électroménager BATAM83(*) avant que celle-ci ne
disparaisse en 2002.
Les entreprises à capital mixte s'implantent dans des
villes industrielles et portuaires comme Sfax où on trouve une usine
turco-tunisienne qui fournit les armées tunisienne et turque en
uniformes et en parachutes militaires. Cette émergence des firmes
constitue un moyen efficace pour inciter les banques turques à suivre
leurs clients et s'implanter en Tunisie. C'est dans ce contexte même
qu'il y a eu, depuis 1991, des projets de coopération entre les banques
des deux pays.84(*) La
principale banque turque est Eximbank. Elle a tissé des liens avec les
banques commerciales tunisiennes à l'exemple la Banque Internationale de
Tunisie, la Banque Nationale Agricole et la Société Tunisienne de
Banque.85(*)
3.2 Autres firmes
Le marché tunisien attire de plus en plus les firmes
turques spécialisées surtout dans le domaine des services. Elles
assurent des études de marché et d'information administrative,
non seulement pour les investisseurs turcs et tunisiens mais aussi pour le
compte de différentes firmes internationales.86(*)
3.3 les investissements turcs en
Tunisie
Hormis ces échanges, on assiste à des flux
d'investissements turcs en Tunisie surtout dans le domaine de la construction
des hôtels dans les zones touristiques les plus fréquentées
comme à Hammamet.87(*) Cette nouvelle vague d'investissements s'explique par
les possibilités qu'offre le paysage économique tunisien. Les
déclarations de Kemal Dervi°, ex-ministre de l'économie turque,
lors d'une conférence organisée par la Banque Mondiale en octobre
1996, sur le thème « partenaires publics et privés en
infrastructures au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » confirment
cette idée. Il a déclaré qu'en Turquie, on ne cache pas
l'intérêt que suscite la Tunisie, un pays où règnent
stabilité, sécurité et paix. Une terre où il fait
bon vivre et où les opportunités d'investissement sont
nombreuses, confortés par les avantages appréciables qui y sont
accordés.88(*)
Les projets réalisés en Tunisie par les
entreprises turques sont au nombre de treize totalisant un investissement de
près de 12 millions de dinars et employant 1235 personnes dans les
secteurs de l'industrie chimique, de la mécanique, de l'éclairage
automobile, de l'électroménager et des textiles.
4. La coopération en matière
de tourisme
Les relations touristiques bilatérales sont
régies par l'accord de coopération signé en septembre
1981. Le tourisme entre les deux pays reste un fait marginal. Les Turcs qui
visitent la Tunisie sont rares. Les responsables turcs expliquent ce
phénomène par le manque d'informations. Ils ignorent les
possibilités d'accueil, des structures touristiques et de la
compétitivité des prix en Tunisie. Le nombre de touristes turcs a
atteint en 1995 16 000 touristes alors qu'il n'a pas dépassé 4
000 en 1990. Pour les Tunisiens, la Turquie constitue une destination
préférée. Ils sont séduits par les articles turcs
à prix abordables. Le gouvernement turc, comme l'a déclaré
le sous-secrétaire du ministère de la culture et du tourisme,
considère que le shopping est l'une des sources de rentrées de
devises pour l'Etat. Aujourd'hui, le « commerce de
valises » surtout des femmes tunisiennes est en pleine expansion et
devient un fait réel. Pour éviter une taxation à 100 % des
articles importés de la Turquie dans le cadre de ce commerce de valises,
certains commerçants prennent en charge les frais de voyage d'un certain
nombre de personnes ; les articles achetés se trouvent ainsi
portés par plusieurs personnes, ce qui n'attire pas l'attention des
douaniers. Cependant, ce commerce n'est pas comptabilisé dans les
comptes de l'Etat parce que les marchandises ne sont pas déclarés
à la douane. Il importe à ce stade de rappeler que l'ouverture
des frontières entre les deux pays facilite la mobilité des
personnes en l'absence des contraintes de formalités administratives,
notamment le visa.
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME
PARTIE
La coopération entre les deux pays est multiforme. Elle
s'appuie sur une trentaine d'accords bilatéraux notamment dans les
domaines économique, technologique, commercial, financier, douanier et
touristique. Or, l'examen de l'évolution et le contenu des
échanges économiques et commerciaux entre les deux pays nous
amène à nous interroger sur la solidité et surtout la
durabilité d'une telle coopération. Bien que les échanges
se fassent dans le cadre des accords bilatéraux, les relations
économique et commerciale restent en-dessous des potentiels des deux
pays. Ces accords officiels ne peuvent pas résoudre les problèmes
structurels qui empêchent ces relations de se développer
davantage. Il s'agit des choix économiques de l'un et de l'autre pays,
tournés essentiellement vers la coopération avec l'Occident,
notamment l'Union européenne. Loin de la panoplie des chiffres, le
contenu de ces échanges reste limité aux matières
premières et biens de consommation. Ce qui fait que ces échanges
demeurent marginaux dans le commerce global des deux pays. Cependant, signalons
que bien que le volume des échanges soit faible, la balance commerciale
est relativement équilibrée entre les deux pays.
TROISIÈME PARTIE : ETUDE DES RELATIONS CULTURELLES,
TURQUIE-TUNISIE, UNE COOPÉRATION MANQUÉE
INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES RELATIONS CULTURELLES
TURCO-TUNISIENNES
D'une manière générale, on admet que la
teneur des échanges culturels entre deux pays ou aires culturelles
différentes reflète l'intensité des rapports
bilatéraux. Pour ce qui concerne la Tunisie et la Turquie, il va sans
dire qu'il existe entre les deux pays des liens historiques communs qui
devraient en principe contribuer au dynamisme des relations bilatérales.
A ces liens s'ajoutent la similitude des positions géographiques et la
convergence des approches sur la modernisation des deux pays. En effet, de par
leur position géographique et leurs objectifs économiques et
sociaux, les deux pays servent de pont entre plusieurs aires
géographiques et culturelles. La Turquie sert d'une vrai passerelle
qu'on peut qualifier de géo-culturelle entre le Moyen-Orient et
l'Europe. Quant à la Tunisie, elle est la terre où se rencontrent
des influences en provenance de trois ensembles : le monde arabe,
l'Afrique et l'Europe. Tous ces facteurs créent un cadre propice
permettant aux deux pays de coopérer et d'oeuvrer ensemble, tant sur le
plan bilatéral que sur le plan multilatéral.
Il est aujourd'hui admis que dans le domaine d'échanges
culturels entre Etats et groupements linguistiques, la diffusion, à
l'étranger, de la culture d'un pays quelconque doit s'effectuer par le
biais de la langue nationale. Or, ni la Tunisie ni la Turquie n'entrent dans le
cadre de cette approche. En effet, la politique d'Ankara en la matière
privilégie la diffusion de la langue turque dans les pays à
dominante turcophone, en Asie centrale, surtout après l'effondrement de
l'URSS89(*). De
même, la langue turque n'est pas une langue employée ni dans le
commerce ni dans la diplomatie ; elle intéresse peu de
Tunisiens.90(*) En effet,
hormis un certain nombre de spécialistes de l'histoire ottomane et les
quelques étudiants envoyés par le gouvernement tunisien pour
apprendre -en France ! - le turc, les Tunisiens ne sont pas du tout
attirés par cette langue. A l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes
(Tunis), les étudiants tunisiens optant pour l'apprentissage de la
langue turque se comptent sur les doigts. Certains personnels administratifs de
cet établissement nous ont confié que la plupart des
étudiants qui choisissent d'apprendre le turc le font souvent par
opportunisme, car ils savent qu'ils vont profiter d'un séjour -de courte
durée- en Turquie. Ces étudiants bénéficient en
effet à l'issue de la première année de formation d'un
séjour linguistique à l'Institut Tömer à Istanbul.
Par ailleurs, il va sans dire que la Tunisie est loin
d'être un centre polarisant l'enseignement de la langue et de la
littérature arabes. Souvent, les étudiants étrangers -y
compris ceux de la Turquie - désireux d'apprendre l'arabe partent dans
d'autres pays arabes, notamment en Egypte et en Syrie, berceaux historiques de
l'éclosion de la littérature arabe classique dont le patrimoine
écrit nous est parvenu. En effet, les étudiants turcs qui partent
dans ces pays sont essentiellement des théologiens dont les
préoccupations politique, économique et culturelle leurs sont
étrangères. Ainsi, toute tentative de rapprochement culturel
entre la Turquie et la Tunisie se heurte-t-elle, d'emblée, à
l'obstacle de la langue de communication. Cependant, d'autres vecteurs, souvent
occasionnels mais périodiques, assurent le dialogue entre les deux pays.
Il s'agit principalement des manifestations culturelles, organisées ici
et là dans l'un ou l'autre pays, des compétitions sportives et,
enfin, des échanges universitaires et artistiques.
CHAPITRE
I : LES MANIFESTATIONS CULTURELLES
1. L'Association
d'amitié Turquie-Tunisie
L'Association Turquie-Tunisie fut fondée
à Tunis en juin 1984 sous le haut patronage de Hédi Baccouche,
premier ministre de l'époque. Elle regroupait des personnalités
des mondes politique et économique des deux pays. Son objectif majeur
était la promotion des relations bilatérales. Les gouvernements
turc et tunisien estimaient que cette initiative marquerait un nouveau
rebondissement dans le développement des relations bilatérales et
du rapprochement des deux peuples.91(*)
De par un certain nombre d'activités, cette association
est devenue pendant les années 80 un vecteur dynamique de la
coopération entre les deux pays.92(*) Ainsi a-t-elle créé la Chambre
économique tuniso-turque dont l'objectif était de
développer les liens économiques. Avant l'instauration d'un
programme officiel d'échange de bourses d'études,
l'Association Turquie-Tunisie intervenait pour octroyer des bourses
d'études au profit d'un certain nombre d'étudiants turcs et
tunisiens se rendant respectivement en Tunisie pour apprendre l'arabe à
l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes ou dans le cadre d'un séjour
de recherches, et en Turquie pour apprendre le turc ou pour poursuivre un
cursus classique.
Soucieux de rendre la coopération plus concrète
et plus opérationnelle, les responsables ont opté pour la
diversification des champs d'actions de l'Association
Turquie-Tunisie par l'organisation de journées
thématiques. Pour les représentants des monde politique,
économique, culturel ou celui de la presse, ces manifestations sont un
cadre propice pour établir des contacts et nouer des liens de travail et
d'amitié. En complément à ces journées
thématiques, l'Association a mis en place pour ses membres et
leurs proches un système de voyages à vocation culturelle et
touristique.
Les activités de l'Association couvrait aussi
le monde scientifique et universitaire. En effet, l'association participait
aux échanges en la matière, en invitant des spécialistes
d'histoire et de sociologie des deux pays. A titre d'exemple, elle a
invité Orhan Koloðlu93(*) qui a donné le 22 février 1987 une
conférence à la maison de culture Ibn-Khaldoun (Tunis) sur les
« Jeunes Turcs ».
Cependant, il se trouve que le rôle de cette association
n'a cessé de s'amenuiser pendant les années 90. L'Association
se fait de plus en plus absente sur la scène politique,
économique et culturelle. Faute d'accès à ses archives ou
de pouvoir rencontrer ses responsables, des sources diplomatiques nous ont
informée que l'Association n'est plus opérationnelle et
qu'elle souffre d'un manque cruel de financement.94(*) L'Association est
devenue l'ombre d'elle-même. Le fait qu'elle ait regroupé des
personnalités issues directement du monde politique ou celui des
affaires ne lui a servi d'aucun secours. Ainsi, peut-on citer des noms connus,
tels que son fondateur Hédi Baccouche, ancien premier ministre tunisien,
et Madame Özal qui l'a dirigée à l'époque où
son mari était premier ministre en Turquie.
2. Les semaines
culturelles
D'une manière générale, l'organisation
d'une semaine culturelle se décide à l'occasion d'une visite
présidentielle ou d'un déplacement dans l'un ou l'autre pays du
ministre de la culture. Ces semaines ont connu un grand succès et
attiré un large public. La semaine culturelle tunisienne
organisée à Ankara du 20 au 27 janvier 1988 en est l'exemple
type. Elle a été sponsorisée par l'Office National
Tunisien du Tourisme, Tunis Air, l'ambassade de Tunisie en Turquie et certains
hôtels turcs et tunisiens. Trois cents invités issus de tous les
milieux socioprofessionnels ont assisté à son inauguration. Entre
1982 et 1988, les semaines culturelles tunisiennes se sont
succédé. Chaque manifestation était l'occasion pour les
deux parties pour montrer que « l'organisation de cette semaine
marque un tournant décisif dans l'évolution des relations
tuniso-turques et contribuera au resserrement de leur amitié
séculaire. »95(*) En effet, « La culture joue un rôle
en tant qu'élément de communication et de compréhension
mutuelle entre les peuples et d'établissement des liens entre les
nations. La Tunisie [ne peut épargner] aucun effort pour donner une
nouvelle impulsion à la coopération entre les deux pays et plus
particulièrement dans le domaine culturel. »96(*) Le principal objectif est de
faire connaître la Turquie au public tunisien et vice-versa, en vue de
promouvoir leurs produits culturels respectifs : art, artisanat, musique,
cinéma, cuisine, habits traditionnel, etc. Et par conséquent,
renforcer les flux touristiques entre les deux pays.
La culture est aussi au service de la politique et de
l'économie. Ainsi, peut-on noter que la semaine culturelle tunisienne en
Turquie la plus récente elle celle qui s'est tenue lors de la visite
présidentielle de Ben Ali en mars 2001. Elle eut pour devise
l'«Evolution de la condition de la femme en Tunisie». La
cérémonie a été inaugurée par un
défilé d'habits traditionnels et d'une exposition de documents
illustrant l'évolution de la situation de la femme tunisienne depuis
l'indépendance. Le film « Le silence des
palais»97(*), a
été projeté en présence de sa réalisatrice
tunisienne.
En revanche, du côté turc, au cours de nos
recherches, nous n'avons recensé qu'une semaine culturelle turque en
Tunisie dans les années 80. Elle fut organisée par
l'Association d'amitié Turquie-Tunisie. Son but était de
promouvoir les relations d'amitié unissant les deux peuples. Parmi les
activités enregistrées pendant cette manifestation, figurait
entre autres des galas de musique animés par des cantatrices
turques ; la troupe des arts populaires de la ville de Kars
(Département d'Ardahan) ; la projection à Tunis et à
Monastir de cinq films turcs98(*).
La présence de la communauté turque en Tunisie
se limite essentiellement aux missions diplomatiques et commerciales.99(*)
Par ailleurs, les deux pays ont tenté de créer
une chambre culturelle qui aurait pour mission l'étude de la
civilisation turque et son influence sur l'histoire de la Tunisie, et la
conception d'un programme de jumelage entre villes turques et tunisiennes. Mais
cette chambre n'a jamais pu voir le jour.
3. Les
activités artistiques
Les activités artistiques (cinéma, musique,
peinture, etc.) et les échanges inter-associatifs ou entre
fédérations sportives témoignent de l'existence de liens
étroits entre les deux peuples. Car ce type de manifestations
émane souvent de l'initiative d'individus indépendamment de la
volonté des hommes politiques. Il est vrai que l'expression artistique
dans les deux pays, surtout dans les domaines de la musique et la peinture,
présentent certaines similitudes ce qui rend la communication plus
aisée entre professionnels du domaine.
La musique est devenue de plus en plus présente dans
les échanges officiels ou privés entre les deux pays. Des groupes
musicaux participent de part et d'autre dans les célébrations des
fêtes nationales. Ainsi, la troupe des janissaires « Yeni
çeri » a été invitée à Tunis
à l'occasion de la célébration du 5ème
anniversaire (7 novembre 1992) d'accession de Ben Ali au pouvoir. Le club
musical de la commune de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, a
représenté la Tunisie lors de la fête turque de la
Souveraineté de l'Enfance le 23 avril 1992. En novembre 1992, le
conservatoire national d'Etat de l'université d'Istanbul et de la
chaîne TRT a participé à Tunis aux festivités du
lancement de la musique dramatique. Anouar Brahem, luthiste tunisien de
réputation mondiale a séduit le public turc. En janvier 1997, la
troupe d'Etat turc a participé au festival de la Médina à
Tunis. Le 17 août 2000, le théâtre romain de Carthage a
accueilli Ibrahim Tatlýses, chanteur turc connu du public tunisien.
Cette soirée a eu beaucoup de succès. Envoûtés par
la danse mélodieuse de la musique arabesque, de nombreux spectateurs
interrogés par la télévision tunisienne ont exprimé
leur souhait de voir ces soirées se répéter. Les jeunes
tunisiens ont appris les paroles des chansons de Tarkan sans les comprendre.
Pour ce qui concerne le cinéma, les manifestations
cinématographiques organisées dans l'un ou l'autre pays
constituent une excellente occasion pour découvrir le cinéma turc
ou tunisien. Ainsi, à l'occasion des Journées
cinématographiques de Carthage100(*) (session de 1994), la Turquie était
remarquablement présente avec 8 films -un record ! - dont un,
intitulé « Mon enfance », a remporté le grand
prix. Quant à la Tunisie, elle a participé en avril 1995 au
festival international du film à Istanbul. Le grand prix du jury a
été décerné au film «Le silence des
palais» que nous avons évoqué plus haut101(*). En juillet 1995, le Club
d'Istanbul a été présent au festival du film non
professionnel des amateurs de la photographie et de cinématographie
à Tunis.
Le dialogue inter-associatif demeure actif surtout entre les
associations féminines, souvent encadrées par les épouses
des diplomates. Le 8 mars 1993, journée mondiale de la femme,
l'épouse de l'ambassadeur tunisien à Ankara a participé au
symposium sur la femme moderne organisée par la Fondation pour le
progrès et la reconnaissance de la femme. Le centre tunisien de
recherches sur la femme CREDIF (Centre de Recherches d'Etudes de Documentation
et d'Information sur la Femme) a participé à la conférence
organisée par l'association turque CKD (Cumhuriyet Kadýn
Derneði) portant sur « le nouvel ordre mondial : la femme et le
fondamentalisme ».
Dans le domaine de la coopération sportive, des
échanges de visites entre encadreurs et sportifs ont eu lieu en 1996.
Nous citons à ce propos la participation d'une équipe tunisienne
de lutte au tournoi international d'Istanbul. Une équipe tunisienne
d'échecs a été quant à elle invitée par les
organisateurs du tournoi international d'échecs qui s'est tenue à
Instanbul en septembre 1996. Les fédérations turques et
tunisiennes entretiennent des échanges actifs d'où la
création d'une commission mixte en matière de jeunesse et de
sport.
Les deux pays sont présents dans les différentes
manifestations de peinture qui se déroulent en Turquie et en Tunisie. En
avril 1991, à l'occasion de l'exposition internationale de la peinture
de l'enfant qui s'organise chaque année à Ankara, la Tunisie a
participé avec 65 tableaux.102(*) Du côté turc, on note la participation,
en 1997, de quatre enfants dans la conférence sur les
« Enfants et développement durable en
Méditerranée », organisée par le
ministère tunisien de l'environnement. Plusieurs autres jeunes turcs ont
participé aux concours de dessin dans le cadre de « Tunis,
capitale culturelle, couleurs
méditerranéennes. »103(*)
Hédi Turki, peintre tunisien d'origine turque a offert
un de ses tableaux au musée d'Ankara. Alors qu'un autre peintre, Najah
Mahdaoui, a exposé ses chefs-d'oeuvre à Atakule à Ankara
du 1/10/2000 au 20/11/2000. En 2000, le ministre tunisien de la culture,
Abdelbaki Elhermessi, a assisté avec son homologue turc à
l'exposition tunisienne d'arts plastiques du 3 au 6 janvier 2000 à
Ankara.104(*)
CHAPITRE
II : LA COOPÉRATION DANS LES DOMAINES UNIVERSITAIRE ET
ÉDUCATIF
1. Echanges de bourses
et d'étudiants
A partir des années 90, c'est le domaine de
l'enseignement et de la formation qui allait faire l'objet de pourparlers et
d'accords. En effet, les deux pays sont liés par des accords qui cadrent
leur coopération culturelle. Ainsi l'accord signé à Tunis
le 25 février 1991 régit un certain nombre d'échanges dans
les domaines universitaire et éducatif. Il incite les autorités
académiques des deux pays à échanger leurs
expériences en matière d'éducation et de jeunesse, et les
encourage à soutenir la mobilité des étudiants. Des
visites de responsables de part et d'autre se sont succédé. Cela
a contribué à une meilleure connaissance entre enseignants,
responsables et étudiants.105(*)
En vertu de cet accord, un système d'échange
d'étudiants a été bel et bien institué. Il s'est
concrétisé par l'envoi de lauréats du lycée pilote
d'Ariana (banlieue de Tunis) pour poursuivre leurs études à
l'université de Bilkent, première université privée
turque dispensant ses cours entièrement en anglais. La première
promotion était composée des 25 étudiants. Selon M.
Ibrahim Khouja, ex-ministre tunisien de la communication et l'un des
initiateurs du projet, « il est surtout question de permettre
aux étudiants tunisiens de s'asseoir sur le même banc que les
lauréats turcs, cadres de la Turquie de demain. Ce qui en
définitive, jette les ponts de liens futurs à un très haut
niveau. »106(*) Ce responsable donne en effet une dimension plus
large à la question des relations turco-tunisiennes. Car en formant des
étudiants dans une université turque mais dispensant ses
enseignements uniquement en anglais, ce responsable tunisien misait sur le
rôle que pourraient jouer cette élite dans un monde qui bouge et
qui s'adapte avec les exigences de la mondialisation.
L'accord de coopération de 1991 institue aussi des
échanges de bourses. On distingue alors des boursiers nationaux et des
boursiers de coopération. En Turquie, il y a deux types
d'étudiants tunisiens : ceux qui sont inscrits à
l'université libre de Bilkent où l'enseignement est de
très haute qualité ; et ceux qui fréquentent les
universités publiques. Qu'il s'agisse des uns ou des autres, le flux
d'étudiants tunisiens séjournant en Turquie n'a cessé
d'augmenter entre 1993 et 1996. Ainsi en 1993, 15 lauréats sont partis
à Ankara pour poursuivre des études scientifiques. Pour la
même année, on a recensé 70 étudiants tunisiens
à l'université de Bilkent. Mais à partir de 1996, les
étudiants tunisiens partent de moins en moins en Turquie à cause
des aléas affectant la scène politique turque, notamment
l'arrivée au pouvoir, en décembre 1995, d'une coalition
islamiste. Ces aléas politiques, bien qu'ils n'aient directement pas
touché le étudiants tunisiens désirant étudier en
Turquie, ont eu des répercussions néfastes sur les flux
d'étudiants inscrits dans les universités turques.107(*) En effet, le changement du
gouvernement en Turquie, survenu à l'extrême fin de 1995, eut pour
conséquence directe, pour ce qui concerne les relations avec la Tunisie,
le gel ou le report de plusieurs projets communs.
Du côté turc, nous avons relevé qu'il y a
peu d'étudiants turcs qui manifestent leur désir de poursuivre
leurs études en Tunisie.108(*) Les rares étudiants turcs qui se rendent en
Tunisie suivent des cours intensifs d'arabe pendant l'été. Ces
cours intéressent surtout des ingénieurs ou des médecins
envisageant d'exercer dans un pays arabe, surtout les pays du Golfe.
Le tableau suivant détaille les différentes
bourses octroyées à des étudiants turcs et tunisiens,
entre 1991et 1999. L'examen de ce tableau fait apparaître une diminution
sensible à partir de 1997.
Tableau : Coopération universitaire
Turquie-Tunisie (1991-1999)
Année
|
Bourses octroyé à des
étudiants
turcs en Tunisie
|
Bourses octroyées à des
étudiants
tunisiens en Turquie
|
1991
|
- Des bourses post-universitaires :
· 3 bourses pour des études à
l'Université Ezzeitouna
(théologie musulmane)
· 2 bourses pour des études de Beaux-arts
· 5 bourses pour l'apprentissage
de l'arabe à l'Institut Bourguiba
|
- 6 bourses turques octroyées à des
étudiants tunisiens pour étudier la langue et la
civilisation turques
|
1992
|
· 5 bourses de
recherches universitaires
· 5 bourses pour apprendre l'arabe
|
- Bourses dont 6 pour apprendre le turc
|
1993
|
· 10 bourses de
recherches universitaires
· 5 bourses pour apprendre l'arabe
|
· 10 bourses de recherche
· 5 bourses pour cadres désirant apprendre
le turc
|
1994
|
*10 bourses de recherches
* 10 bourses (autres)
|
- 20 bourses pour des études scientifiques
|
1995
|
10 bourses d'été pour apprendre l'arabe
|
-11 bourses pour des études scientifiques
|
1996
|
· 10 bourses de recherches
· 10 bourses pour l'apprentissage de l'arabe
|
- 11 bourses pour des études scientifiques
|
1997
|
-10 bourses pour des cours intensifs
d'arabe
|
-5 bourses diverses
|
1998
|
*4 bourses de 3ème cycle
* 6 bourses pour des cours d'arabe
|
- Néant
|
1999
|
-1 bourse
|
-Néant
|
Source : Rapports d'activités de l'Ambassade
de Tunisie en Turquie, 1990-1999
Par ailleurs, nous avons appris lors de notre enquête
que des étudiants turcs ont bénéficié d'un certain
nombre de bourses accordées dans le cadre d'un accord de
coopération passé entre l'université tunisienne de
théologie musulmane «Ezeitouna» et le YÖK (Yüksek
Öðretim Kurumu).109(*)
L'accord de 1991 fut remplacé par un protocole de
coopération culturelle, signé entre les deux pays suite à
la visite qu'a effectuée le ministre tunisien de la culture, Mongi
Boussnina, du 20 au 25 janvier 1994. Mais cet accord a été
à son tour renouvelé par un autre programme d'échanges
culturels pour les années 1998-2000, arrêté lors de la
visite présidentielle de M. Demirel en Tunisie le 4 et 5 avril 1998.
2. Echanges de
visites
Outre l'échange d'étudiants, les responsables
universitaires et éducatifs des deux pays ont tissé des liens
étroits et entrepris des politiques de rapprochement. Leur
détermination de resserrer les liens et d'intensifier la
coopération reflète une nouvelle perspective dans les relations
culturelles entre les deux pays. C'est dire comment le rôle du milieu
universitaire, vecteur et vitrine de la modernité, est très
important dans la consolidation des liens entre les deux peuples. En
témoigne le fait que lors de sa deuxième visite en Tunisie du 30
avril au 3 mai 1992, le président du Conseil de l'Enseignement
Supérieur de Turquie et principal fondateur de l'université de
Bilkent, Ihsan Doðromacý, a déclaré que tout en
renforçant la coopération Nord-Sud, il faudrait aussi amorcer une
coopération Sud-Sud.
L'importance accordée par les deux pays à la
coopération universitaire et scolaire transparaît à travers
l'échange de visites officielles entre responsables de
l'éducation et de l'enseignement des deux pays. Ainsi, entre 1991 et
1993 nous avons recensé huit visites officielles, y compris celles de
ministres, de recteurs d'universités et groupes d'étudiants
accompagnés de hauts responsables de l'un ou l'autre pays. En outre, des
responsables turcs et tunisiens ont décidé de promouvoir
l'enseignement de la langue turque en Tunisie, dispensé
désormais à l'Institut Bourguiba des Langues Vivantes (Tunis).
Néanmoins, malgré tous les efforts consentis de
part et d'autre pour créer un dialogue positif dans le domaine de
l'éducation et de l'enseignement, un long chemin reste à
parcourir avant de bannir de nombreux obstacles tant sur le plan linguistique
que sur le plan logistique. En effet, il se trouve que depuis une dizaine
d'années environ, les deux pays sont devenus répulsifs même
pour leurs propres étudiants. Avec la montée du chômage et
la multiplication du nombre d'étudiants, surtout en Tunisie, nombreux
sont les étudiants qui rêvent de partir se former en Europe ou en
Amérique du Nord. Pour eux, partir étudier dans une
université européenne ou nord-américaine c'est garantir
une formation de marque et par-delà avoir une chance
supplémentaire d'être embauché. Bien que les structures
universitaires dans l'un et l'autre pays soient en mesure de dispenser aux
jeunes tunisiens et turcs une bonne formation scientifique et professionnelle,
le nombre d'étudiants qui acceptent de partir étudier en Turquie
ou en Tunisie demeure en-deçà des objectifs escomptés. Du
côté tunisien, nous avons recensé 40 étudiants qui,
pendant les années 1991 et 1992, ont bénéficié
d'une bourse d'étude en Turquie, en vertu de l'accord culturel de 1991.
En revanche, pour les étudiants turcs séjournant en Tunisie,
certains responsables tunisiens nous ont informée qu'il est
arrivé que des bourses n'aient pas été prises et des
séjours inaccomplis. La question qui se pose est de savoir si cette
répulsion est due essentiellement à des considérations
objectives. Les réponses à une telle interrogation sont
multiples. D'abord, personne ne peut ignorer que les autorités
académiques tunisiennes ou turques se montrent réservées
à l'égard des diplômes obtenus dans des universités
du Sud. Il arrive parfois qu'elles refusent de délivrer une
équivalence à tel diplôme ou tel autre obtenu dans une
université arabe ou proche-orientale. Ce qui pousse de nombreux
étudiants à chercher à se former plutôt en Occident.
Le résultat est décevant. Les échanges culturels entre
Ankara et Tunis, à l'exemple des échanges économiques,
revêtent un aspect symbolique qui, dans l'état actuel des choses,
n'est pas prêt à évoluer.
3. La
coopération dans le domaine des archives
Les archives des deux pays attirent de plus en plus un certain
nombre de chercheurs et d'historiens travaillant sur l'histoire de l'Empire
ottoman. En vertu du programme d'échanges culturels pour les
années 1998-2000, les deux pays ont institué un système
d'échange de techniciens dans le domaine des archives. L'objectif
affiché en est de profiter des expériences mutuelles dans la
sauvegarde des archives historiques. Selon un diplomate tunisien à
Ankara que nous avons rencontré, deux techniciens tunisiens ont
reçu une bourse de formation de deux semaines en Turquie. Toutefois,
l'ambassade de Tunisie en Turquie ne dispose d'aucune information les
concernant.
4.
Bilan de la coopération culturelle
Le recensement des manifestations culturelles
bilatérales qui ont eu lieu dans la dernière décennie nous
permet de constater que d'une part, les échanges culturelles entre les
deux pays s'inscrivent dans la plupart des cas dans un cadre officiel. Hormis
les séjours des étudiants, les semaines culturelles, les
spectacles de musique et les expositions artistiques sont souvent
organisés à l'occasion d'une visite présidentielle ou
ministérielle dans l'un ou l'autre pays. D'autre part, les flux
d'échanges ont enregistré un déséquilibre frappant
entre les deux pays. Car statistiquement parlant, les manifestations
culturelles tunisiennes organisées en Turquie se taillent la part du
lion de l'ensemble des manifestations bilatérales, alors que les
manifestations culturelles turques en Tunisie se font rares. Les
étudiants turcs séjournant en Tunisie se comptent sur les doigts.
Puis, il est arrivé de par le passé que des bourses tunisiennes
destinées à des étudiants turcs n'ont pas trouvé
preneur !.
Par ailleurs, l'application des accords culturels ne
bénéficient d'aucun suivi permanent. Car contrairement aux
accords d'ordre politique ou économique, il n'existe aucune structure
intergouvernementale qui veille sur la réalisation des projets culturels
communs. Comme nous l'avons signalé plus haut, les quelques
manifestations culturelles ou universitaires qui ont eu lieu se sont produits
dans l'ombre des rencontres politiques ou à l'initiative de certains
responsables du monde universitaire.
Comment expliquer un tel bilan si maigre et décevant ?
Les raisons en sont multiples. D'abord, les deux pays, à part la
religion, n'ont rien de commun sur le plan culturel. La culture tunisienne est
une culture élaborée à travers les siècles sur le
substrat de la culture arabe et les traditions musulmanes. Tandis que la
culture turque est une culture qui s'est greffée sur un substrat
religieux, celui de l'islam. La présence ottomane en Tunisie n'a pas
permis un échange culturel entre les deux pays. Exceptés quelques
mots turcs qui se sont glissés dans le dialecte tunisien, la langue que
parlent aujourd'hui les Tunisiens n'a gardé aucun souvenir de la langue
des conquérants ottomans. L'occidentalisation de la
société turque, processus engagé depuis les années
20, a profondément marqué la personnalité turque. Et c'est
précisément le problème de la langue qui constitue un
obstacle infranchissable pour accéder à l'une ou l'autre culture.
Ainsi est-il presque impossible de voir, hier comme aujourd'hui, la radio ou la
télévision tunisienne diffuser une chanson ou un film turcs.
CONCLUSION GENERALE
Voilà donc terminée l'enquête que nous
avons menée sur les relations turco-tunisiennes. Il convient à
présent d'en dresser le bilan. Certes, il ne saurait être question
de résumer ici les différents thèmes que nous avons
développés, mais il est utile de rappeler, outre les conclusions
majeures, certaines conclusions partielles auxquelles nous nous sommes parvenue
à propos de certains points en suspension. Au cours de ce travail, nous
avons essayé d'analyser les relations turco-tunisiennes dans leur
approche générale. Nous nous sommes efforcée de
reconstituer l'historique de ces relations à travers l'ensemble des
documents auxquels nous avons pu accéder. Ainsi, l'intérêt
de cette étude réside d'abord dans la réunion d'un certain
nombre de données et de rapports restés jusqu'ici
méconnus.
Les relations entre les deux pays a connu une évolution
qui est fonction à la fois de la conjoncture propre à chaque pays
et de la conjoncture internationale. Pour la Turquie des années 50,
pays foncièrement tournée vers l'Occident, la Tunisie n'est qu'un
pays parmi d'autres du Tiers-Monde. Il ne présentait aucun
intérêt sinon de ne pas le compter sur l'échiquier
diplomatique de la Turquie. L'influence que le fondateur de la Turquie moderne
a exercé sur Bourguiba, premier président de la Tunisie et
bâtisseur incontestable d'un Etat moderne, n'est qu'une coïncidence
hasardeuse de l'histoire des grands hommes. Certes, pour Bourguiba Atatürk
est un modèle à suivre, mais pas aveuglément. D'où
les divergences qui caractérisent l'action de l'un et de l'autre.
Pendant les années 60, les relations entre la Tunisie
et la Turquie ont connu une nouvelle tournure. Isolée sur la
scène internationale, et affrontant seule la crise chypriote et la
menace communiste, la Turquie a senti le besoin de se retourner vers un monde
qu'elle avait rompu avec depuis les années 20. La Tunisie disposait
alors d'un certain nombre d'atouts qui la qualifiaient de devenir le partenaire
maghrébin et arabe privilégié de la Turquie. Les flux
commerciaux ont pris corps entre les deux pays. Mais le bilan demeure modeste.
La teneur des échanges est faible. Les deux peuples se connaissent mal
malgré les déclarations politiques optimistes, les rencontres
sportives, musicales et universitaires et la mobilité non moins
remarquable des simples citoyens de part et d'autre.
Dans la dernière décennie, la Tunisie a
commencé à attirer des entrepreneurs turcs. En revanche, rares
sont les entrepreneurs tunisiens qui s'aventurent en Turquie.
L'instabilité gouvernementale dans ce pays, les répercussions du
problème irakien depuis 1991 et l'évolution du processus de la
mondialisation de l'économie internationale sont autant de facteurs qui
n'encouragent guère les hommes d'affaires tunisiens à investir en
Turquie.
Comment explique-t-on ce bilan du reste modeste des relations
bilatérales ?
La Tunisie et la Turquie, deux pays possédant des
similitudes tant sur le plan géostratégique que sur le plan
social, et appartenant à la fois à la famille
méditerranéenne et au groupe du Sud, regardent en effet ensemble
et en même temps, côte à côte, vers une seule
direction, l'Occident, source de modernisation et modèle à
suivre. C'est peut-être cela qui explique que les deux pays s'ignorent
mutuellement et peinent à se regarder en face. Dans quelques
années, l'adhésion tant attendue de la Turquie dans l'espace
européen ne fera qu'empirer le phénomène. Car les Turcs
auront fondu, économiquement et socialement, dans le monde de la
modernité qu'ils ont toujours espéré. Quant aux Tunisiens,
à l'exemple de leurs voisins algérien et marocain, ils auront
commencé à faire le bilan de l'accord d'association avec l'Union
européenne, mis en application depuis 1998. Les relations entre Ankara
et Tunis auront fondu à ce moment là dans une nouvelle
perspective : les relations entre les deux rives -du reste
contrastées - de la Méditerranée ! ./.
ANNEXES
LISTE
DES ANNEXES
I. Copie du premier accord commercial entre la
Turquie et la Tunisie, le 17 avril 1958, publié dans le Journal Officiel
de la République Tunisienne, le 28 novembre 1958.
II. Accord commercial et de coopération
économique et technique entre le gouvernement de la République de
Turquie et le gouvernement de la république tunisienne
publié dans Journal Officiel de la République Turque le
24/01/1993.
III. Liste des visites officielles entre responsables turcs et
tunisiens de 1956 jusqu'en 2001.
IV. Les différents accords qui unissent la Turquie et
la Tunisie 1956-2001.
V. Extraits du discours de Bourguiba lors de sa visite en
Turquie en mars 1965.
VI. Extraits d'une interview de S. Demirel par La presse
en 1998.
VII. Extraits de l'interview du président tunisien Ben
Ali à l'Agence de presse « Anatolie » en mars
2001.
VIII. Dates des réunions de la commission
économique mixte : 1982-2002.
IX. Les firmes turques en Tunisie.
ANNEXE I
Accord commercial entre la Turquie et la Tunisie du 17
avril
1958 (publié dans le Journal Officiel de la
République Tunisienne le 28 novembre 1958).
Il s'agit du premier accord signé entre les deux
pays.
ANNEXE II
Extraits d'Accord commercial et de coopération
économique et technique entre le gouvernement de la République de
Turquie et le gouvernement de la République tunisienne
Journal Officiel de la République
Turque
Le 24/01/1993
Le gouvernement de la République de Turquie et le
gouvernement de la République tunisienne (dénommés
ci-après « Parties contractantes »),
Désireux de renforcer les liens d'amitié
existants entre les deux pays,
Déterminés à promouvoir et à
intensifier la coopération dans les domaines commercial,
économique et technique entre les deux pays dans les conditions
d'égalité et à leur avantage mutuel,
Convaincus que l'expansion du commerce et de la
coopération économique et technique est un élément
essentiel d'une stratégie de développement rapide dans leurs pays
respectifs ;
Sont convenus de ce qui suit.
Article I
Les Parties contractantes sont convenues d'assister,
d'encourager et de faciliter le développement contenu et la
diversification des échanges commerciaux, la coopération
économiques, entreprises et firmes, dans le cadre des lois, statuts et
règlements en vigueur dans leurs pays respectifs.
Article II
Aux fins de réaliser les objectifs visés par
l'article I ci-dessus, les domaines de coopération porteront, entre
autres, sur :
a) - la création et la gestion d'entreprises
industrielles et commerciales conjointes ;
b) Les échanges d'informations économiques,
scientifiques et techniques ;
c) L'échange d'experts, de spécialistes et de
conseillers dans les domaines techniques et scientifiques ;
d) L'octroi de bourses, l'organisation de stages et de
séminaires dans les différents domaines de coopération
technique et scientifique ;
e) L'octroi de facilités dans le cadre de la formation
et de services de consultation ;
f) Toute autre forme de coopération qui sera convenue
entre les deux parties contractantes.
ANNEXE III
Les visites officielles des responsables turcs en
Tunisie
16 décembre 1966 :
visite du président turc Cevdet Sunay en Tunisie.
4-7 novembre 1982 : visite du
premier ministre Bülent Ulusu en Tunisie.
16-18 janvier 1989 : visite du
président turc Org. Kenan Evren en Tunisie.
21-23 avril 1989 : visite du
premier ministre Turgut Özal en Tunisie.
4-5 avril 1998 : visite du
président Süleyman Demirel en Tunisie
23-26 mars2000 : visite du
ministre des Affaires étrangères turc en Tunisie
Juin 2000 : visite du
président de la Grande Assemblée Nationale Turque
Les visites officielles des responsables tunisiens en
Turquie
24-30 mars 1965 : la visite du
président Habib Bourguiba en Turquie.
24-28 avril 1983 : visite du
premier ministre tunisien Mohamed Mzali en Turquie.
14-16 juin 1992: visite du premier
ministre Hamed Karoui en Turquie.
22-23 mars 2001: visite du
président tunisien Zine El Abidine Ben Ali en Turquie.
ANNEXE IV
Les différents accords signés entre la
Tunisie et la Turquie
(1958-2001)
I- Les accords diplomatiques
5 janvier 1962 à Tunis:
· Echange de lettres concernant l'accord consulaire.
3 mars 1962 à Tunis:
· Echange de lettres concernant l'accord consulaire.
8 août 1973 à
Tunis :
· Traité d'amitié.
23 mai 1989 à
Tunis
· Accord portant sur la création d'une commission
inter-gouvernementale permanente.
28 mars 1990 à Tunis :
· Convention de coopération dans le domaine
agricole.
15 juillet 1992 à
Ankara
· Protocole tuniso-turc relatif à l'échange
de terrains destinés à abriter les missions diplomatiques
à Ankara et à Tunis.
II-Les accords commerciaux
17 avril 1958 à Tunis :
· Accord commercial.
17 juillet 1967 à
Tunis :
· Accord commercial.
14 mai 1969 à
Ankara :
· Accord sur la navigation
maritime.
4 juillet 1969 à
Ankara :
· Protocole annexe à l'accord commercial du 17
juillet 1967.
14 novembre 1970 à
Tunis :
· Protocole annexe à l'accord commercial du 17
juillet 1967.
10 mars 1972 à Ankara
· Protocole additionnel à l'accord commercial du
17 juillet 1967.
· Echange de lettres concernant le Protocole relatif
à la coopération économique du 17 juillet 1967.
1 avril 1976 à
Tunis :
· Protocole additionnel à l'accord commercial du
17 juillet 1967.
13 octobre 1977 à
Ankara :
· Protocole additionnel à l'Accord commercial du
17 juillet 1967.
18 octobre 1978 à
Tunis :
· Protocole additionnel à l'Accord commercial du
17 juillet 1967.
28 septembre 1981 à
Ankara :
· Protocole d'accord concernant la coopération
dans le domaine du tourisme.
29 septembre 1981 à
Ankara :
· Accord de coopération économique,
industrielle et technique.
7 mai 1982 à
Ankara :
· Accord relatif aux transport aériens Convention
consulaire.
2 octobre 1986 à
Ankara :
· Accord en vue d'éviter les doubles impositions
en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.
23 mai 1989 à Tunis :
· Accord relatif au transport maritime.
29 mai 1991 à
Istanbul :
· Accord relatif à la promotion et à la
protection réciproque des investissements.
15 juillet 1992 à
Ankara
· Accord commercial et de coopération
économique et technique
· Protocole sur la mise en place et les attributions du
comité de coopération agricole
20 octobre 1999 à
Ankara :
· Accord sur le transport routier de personnes et de
marchandises et sur le transit entre le Gouvernement de la République
Tunisienne et le Gouvernement de la République de Turquie
22 mars 2001 à Ankara :
· Accord de coopération entre l'ATCT et la EKETIB
(Direction de coopération Economique, Culturelle, Académique et
Technique Turque).
· Accord de coopération entre le CEPEX et
l'IGEME.
III- Accords culturels et
scientifiques
25 février 1964 à
Ankara
· Accord culturel
19 avril 1983 à
Ankara :
· Convention relative à la coopération dans
le domaine de l'enseignement et la formation militaire.
23 mai 1989 à
Tunis
· Accord de coopération en matière de
cartographie et de documentation géographique
12 mai 1992 à
Ankara :
· Protocole de coopération dans le domaine de
l'hydrographie.
20 décembre 1995 à
Ankara :
· Protocole concernant l'Education et l'instruction du
personnel des Forces Armées Tunisiennes aux académies de guerre
turque.
mai 1998 à Tunis :
· Programme de coopération culturelle et
scientifique pour les années 1998-1999 et 2000.
20 octobre 1999 à
Ankara :
· Accord de coopération entre l'Université
d'Ankara et l'Université des sciences, des Techniques et de
Médecine de Tunis
22 mars 2001 à Ankara :
· Accord dans le domaine des Sciences et de la
Technologie
Accord de coopération culturelle et scientifique
(2001-2003)
V- Autres accords
17 avril 1958 :
· Protocole concernant la clause de la nation la plus
favorisée
7 octobre 1982 à
Tunis :
· Convention relative à la reconnaissance et
à l'exécution des décisions judiciaires en matière
civile et commerciale.
7 mai 1982 à
Ankara :
· Convention relative à l'entraide judiciaire en
matière civile et commerciale et à l'entraide judiciaire en
matière pénale et à l'extradition
ANNEXE V
Quelques extraits du discours de Bourguiba à
Ankara,
le 25 mars 1965
1- La politique turque vis-à-vis de la
décolonisation tunisienne
« Notre colonisation était notre
défaite. Votre révolution kémaliste a été
notre levain. Puis nous nous avons cheminé pendant quelque temps sans
tenter de nous mieux connaître. »
« En politique, les sentiments d'un jour font
parfois oublier les amitiés de toujours. J'aurais mauvaise grâce
à venir, en ce lieu, proclamer l'existence d'un lien nouveau entre nos
deux pays. Je voudrais plutôt rappeler ce qui fait la vigueur et la
permanence d'un lien très ancien.
« En mars 1952, lorsque pour la première
fois, la Tunisie s'efforçait de faire porter la question de son
indépendance devant le Conseil de sécurité, alors que les
membres du gouvernement tunisien étaient démis et jetés en
prison par la puissance occupante, [...], à ce moment là, nous
comptions nos amis, chaque signe avait sa valeur ; chaque marque de
solidarité apportait son réconfort. [...] La Grande-Bretagne et
les Etats-Unis votèrent contre, mais aussi la Turquie, ce qui fut pour
nous un grand sujet de tristesse. Laissez-moi vous dire que cet épisode
ne pouvait altérer durablement le sentiment que nous portons à la
Turquie. Si les relations entre nos deux Etats n'avaient été
qu'un perpétuel coude-à -coude de l'amitié, [...]Nous
sommes de ceux qui ont bien compris les impératifs auxquels votre
politique se devait d'obéir, et nous nous félicitons maintenant
de voir la Turquie exercer son rôle de grande puissance
dégagée de toutes contingences mineures. »
2- La Turquie et les Tunisiens
« Pour un Tunisien, Messieurs, la Turquie n'a jamais
été un rivage étranger. Le monde voulut nous convaincre
que nous subissions un joug turc, mais nous savions déjà que
notre entreprise de persuasion n'avait rien de particulièrement
désintéressé. En réalité, ce joug
n'était qu'une allégeance et, d'une certaine façon, une
alliance. [...] Mieux encore : dans la mesure où vos sultans
étaient les suzerains de nos Beys. »
« Aussi loin que remontent mes propres souvenirs, je
constate que la Turquie y occupe une place privilégiée, à
la fois inconnue et familière distante dans l'espace, mais proche par le
coeur et la pensée. Sur la page de garde de mon cahier d'écolier,
au collège Sadiki, j'avais inscrit une phrase
suivante : « A bas le colonialisme ! Vive la
Turquie ! ». dans cette formule, il y avait un refus et un
espoir. Et la Turquie représentait cet espoir. »
3- Le mythe d'Atatürk chez
Bourguiba
« Lorsque j'eus atteint l'âge d'homme, le
personnage de Mustafa s'imposa à mes yeux comme modèle du
héros, du chef né pour le commandement, supérieur à
toutes les contingences, sachant que tout exiger de son peuple pour mieux
changer son destin, capable enfin de redonner une âme à sa patrie
déchiquetée, d'exalter la fierté nationale sans jamais
l'orienter vers des ambitions extérieures. »
4- L'écho des réformes d'Atatürk
dans le monde musulman
« c'est assurément dans son attitude
très critique envers l'héritage religieux qu'il nous faut voir la
raison pour laquelle l'action d'Atatürk a suscité bien des
réserves au sein des pays arabes et des pays musulmans [...]. Pour le
fondateur de la Turquie moderne, les traditions islamiques apparaissent en ces
temps comme un facteur d'immobilisme et de stagnation. En d'autres
termes : comme un frein non comme un levier. Et lorsqu'il s'agit de tout
reconstruire et d'insuffler une énergie farouche dans un organisme
éteint, il est facile d'établir entre l'immobilisme et la
décadence un rapport de cause à effet. Notre jugement sur ce
point- à la lumière de l'expérience tunisienne et de tout
ce que nous apprend l'évolution de l'islam -diffère sensiblement
de ces conclusions trop radicales. »
« La création d'un Etat laïc en terre
musulmane a été, indiscutablement, une nouveauté
troublante pour la plupart des Musulmans, et c'est à partir de là
qu'un hiatus s'est produit entre la Turquie et les pays du Machrek et du
Maghreb. »
5- Les relations turco-arabes
« En plus d'une occasion, nous avons ressenti, non
sans quelque amertume, tous les inconvénients d'une situation où
la Turquie, d'une part, les Etats arabes de l'autre, évitaient de se
comprendre, hésitaient à s `expliquer se dérobaient
au besoin de se concerter. Situation d'autant plus regrettable que nous
savions, les uns et les autres, ce que nous y perdions. »
« [...], un certain écart a fait que nous
n'avons réellement profité ni des épreuves, ni de nos
succès respectifs. Je ne vous apprend rien en vous disant que notre
collaboration au sens le meilleur du terme n'a pas encore commencé. Le
livre des relations arabo-turques compte trop de page décevantes :
ce sont les pages d'une collaboration manquée, de chances
sacrifiées. »
« Il vous seraient facile de retrouver et
d'étendre votre rayonnement au sein du monde arabe, non par les moyens
classiques d'une propagande onéreuse, mais par les moyens classiques
d'une propagande onéreuse, mais par la seule vertu de certains gestes ,
par la sympathie et l'intérêt que vous pourriez témoigner
aux Arabes, à leurs épreuves, à leurs
problèmes. »
Source : Discours de Bourguiba de
1965 ANNEXE VI
Extrait de l'interview du président
Demirel
Nous présentons quelques extraits de l'interview de
M. Demirel accordée au journal tunisien La Presse paru le 4 mai
1998 à la ville de sa visite en Tunisie le 4 et 5 avril 1998. A travers
les déclarations du président turc, nous pouvons déceler
aisément la politique turque vis-à-vis de la Tunisie et les
perspectives de coopération.
Q- Dans quel cadre situez-vous votre visite
en Tunisie ? cette visite ne répondrait-elle pas à la
volonté de deux nations soucieuses de coopérer et d'être
solidaires dans un monde où s'abolissent les frontières ?
1- La coopération
commerciale
Demirel : « Si nous
développons davantage nos relations, cette solidarité se
développera d'elle-même. Nous avons une capacité
commerciale d'environ 150 millions de dollars et nous avons des projets communs
crées par des hommes d'affaires des deux pays. Dans la conjoncture
mondiale actuelle, les économies des deux pays sont basées sur la
compétitivité. Le commerce de la Tunisie se fait plutôt
avec l'Europe. Une importante partie du commerce de la Turquie se fait
également avec l'Europe.
Il y a des mécanismes qui ont été mis en
place à cette fin. La commission économique conjointe est active
et les hommes d'affaires collaborent. Une plate-forme est en place sur la base
de laquelle peut se développer la coopération entre les deux
pays. De bons accords ont été signés par les deux pays
pour encourager les investissements communs et pour empêcher la double
imposition.
La Turquie, dans le secteur du bâtiment , par exemple a
une position respectables à l'échelle mondiale. En particulier
dans le domaine de la construction des infrastructures, des barrages, des
systèmes d'irrigation, des routes, des grands édifices publics,
des écoles, des hôpitaux, des logements. »
2- Les relations politiques
« Nous voulons une relation solide avec la Tunisie ,
pays frère. L'objectif de ma visite est de rencontrer mon frère
le Président Ben Ali et d'avoir avec lui des échanges de vues sur
l `évolution de la situation, sur le plan régional et
international. Nous voulons sincèrement développer nos relations.
3- La volonté de tisser des liens dans le
domaine éducatif
Dans le domaine de la culture et de l'éducation (...),
nos universités doivent entrer en relation de coopération. Il
faut faire des échanges d'étudiants. Il faut établir des
ponts à travers des étudiants tunisiens qui viendront en Turquie
et des étudiants turcs en Tunisie pour les études. On a besoin
également de relations dans le domaine de la
radio-télévision, des médias et de la
communication. »
« Dans les 6 pays de l'Asie centrale, la population
est musulmane. Et ces pays frères sont très proches de la
Turquie. Il y a un lien de langue et de religion. Nous avons également
des rapports étroits avec les pays des Balkans. D'un autre
côté, cependant, le conflit israélo-arabe persiste. Le
problème de l'Irak n'a pas été résolu, (...) nous
pouvons dire que dans le futur nous agirons pour que les relations de la
Turquie avec les pays du Moyen-Orient soient de bonnes
relations. »
« La Turquie est en même temps un membre
important de la conférence islamique et elle est active dans cette
organisation. Nous le disons à nos amis tunisiens : tirez profit de
la position de la Turquie, et des rapports qu'elle a su établir avec les
pays nés du dénombrement de l'Union
soviétique. »
4- La religion et l'Etat
« Même si la Turquie retrouvera sa
stabilité politique, il y aura des gens qui abuseront de la religion et
qui l'exploiteront. L'Islam politique est un courant dans le monde actuel. Et
la séparation de la religion et de l'Etat, en fait, n'est pas un
processus facile. C'est mon avis personnel. La laïcité n'est pas ne
s'oppose pas à la religion ; au contraire, elle la
protège. »
Source, La Presse du 4 mai 1998.
ANNEXE VII
Extraits de l'interview du président tunisien M.
Ben Ali à l'Agence de presse turque « Anatolie » du
22 au 23 mars.
Dans cette interview, le président
tunisien évoque les perspectives du développement des relations
tuniso-turques et les flux des investissements entre les deux pays.
Q : Quelle évaluation
faites-vous, M. le Président, des relations tuniso-turques et quelles
sont les perspectives qui s'offrent à leur
développement ?
Ben Ali : « La Tunisie et la
Turquie entretiennent des relations solides. Leurs affinités plongent
leurs racines dans les profondeurs de l'histoire. En témoignent les
liens de rapprochement et de convergence tissés au fil des
différents étapes de leur histoire commune.
Tout en ayant l'esprit l'histoire de nos deux pays, leur
contribution à l'enrichissement de la civilisation universelle et leur
rôle dans la diffusion des valeurs de tolérance, de
solidarité et de culture commune.
Bien que des résultats positifs aient été
réalisés au cours des dernières années et que les
échanges commerciaux aient connu une progression, les rapports
bilatéraux de coopération sont appelés à être
consolidés davantage ».
Q- la Tunisie, c'est bien, connu accorde des avantages
substantiels aux investisseurs étrangers. Si vous aviez à lancer
un appel aux investisseurs turcs que leur diriez-vous ?
Ben Ali : « Je voudrais, tout
d'abord, faire remarquer que nous nous sommes employés, en Tunisie,
à nous adapter aux mutations mondiales et que nous avons mis en oeuvre,
à cet effet, un programme de libéralisation et de restructuration
économiques.
La Tunisie offre, désormais, une plate-forme solide
pour l'instauration d'un partenariat fructueux comme c'est le cas avec l'Union
européenne, d'une part, et le monde arabe, d'autre part, un partenariat
qui sert nos intérêts mutuels et qui est profitable à
toutes les parties.
En ce qui nous concerne, nous sommes désireux de
faciliter la tâche aux investisseurs turcs afin qu'ils trouvent, en
Tunisie un espace sûr et efficient et garantissant la rentabilité
de l'investissement. »
ANNEXE VIII
Les dates de réunions de la commission
économique mixte turco-tunisienne
· Première réunion le
02.10.1982
· Deuxième réunion le 25.05.1983
· Troisième réunion le 15.06.1984
· Quatrième réunion le 02.10.1986
· Cinquième réunion le 04.06.1988
· Sixième réunion le 28. 05. 1991
· Septième réunion le 08.07. 1992
· Huitième réunion le 10.03.1998
· Neuvième réunion le 07.02.2002.
ANNEXE IX
Les firmes turques en Tunisie
1) Firmes à capital commun
Firmes
|
Partenaire turc
|
domaine d'activité
|
adresse
|
TUNISIAN-TURKISH CONTAINERS S.A
|
Le holding de Zeytinoglu
|
Produits de résine
et containers
|
Z.I. SOCEMENA
7060 Menzel Bourguiba
|
POLISAN-
TUNISIE
|
Polisan Kimya sanayi
|
La colle industrielle
|
Z.I Ben Arous
B.P295, 2013 TUNIS
|
SOCIETE TUNISIENNE D'ECLAIRAGE AUTOMOBILE
|
Le holding de Bayraktarlar
|
Les phares
d'automobiles
|
Z.I Cedria B.P62,
2055 Bir El Bey, Tunis
|
WBS-WINNEN BORJI SFAX
|
Le groupeYegin
|
Tenues militaires
et fabrication de parachutes
|
29, Rue Août 3002
SFAX
|
SOKATEX
|
Ilhan ALTUNBEY
|
Fabrication de
pantalons
|
Rue ferhat Hached 8099 ZAOUIT JEDIDI
|
PHILANTEX
|
Ilhan ALTUNBEY
|
Fabrication
de pantalons
|
Rte. Beni Khalled 8099 ZAOUIT JEDIDI
|
TUNIPEN
|
Nihat ASICI
|
Production de
fenêtres et de portes
|
55av Kheireddin
Pacha, Tunis
|
ZAHIR IMPORT-EXPORT
|
Zahir KIRK
|
Import-Export
|
18, Rue Hamadi
Jaziri-Tunis
|
ONUR PLASTIQUE S.A.R.L
|
Tevfik BARAN
|
Fabrication des
cintres en plastiques
|
Rte. De Fouchana
Km4,5 Sejumi-TUNIS
|
ATLAS
MODE CONFECTION
|
Mehmet ISIK
|
La confection
|
Z.I. Soukra
Bousten-Tunis
|
Source : Attaché commercial turc en Tunisie
(1998-2001)
2) Autres firmes
Nom de la firme
|
Propriétaire/ Gérant
|
Activités
|
Adresse
|
CHOC
ASSISTANCE
|
Gün ERTE
|
Etude, information et représentation
|
2, Rue Ahmed
Khabtheri 2080
Ariana-TUNIS
|
COM.
INTERNATIONALE
DE COURTAGE
ET DE NEGOCE
|
Nihat ASICI
|
Commerce
international
|
48 Rue de l'EmirAbdelkader Mutuelleville 1002-
TUNIS
|
BOSPHORE SERVICE
|
Nihat ASICI
|
Services
d'information, d'étude et de représentation
|
48, Rue de
l'Emir
Abdelkader
Mutuelleville 1002-
TUNIS
|
STFA
CONSTRUCTION CO.
|
Selahttin ERTIM
|
Service
administratif
|
Cité Karawan Res.
Imm. Houda 5 Ap N° 1 El Menzah 9 TUNIS
|
Source : L'attaché commercial turc en Tunisie,
avril 1998
3) Les hôtels tunisiens financés par des
capitaux turcs
Sarana Turizim ve ticaret A.S,
MAGIC LIFE DER CLUB MZANAR***** Rte. Touristique Merazka - 8050 HAMMAMET.
Alaadin AKCAY & CIE , HOTEL LE
PRINCE ***, Avenue Mohamed V 8000 NABEUL.
My Club International Turizm, I°letmecilik
A.S, HOTEL SULTAN BEACH***, Rte. Touristique 8039
HAMMAMET
BIBLIOGRAPHIE
I.- SOURCES
A)
Sources journalistiques tunisiennes
Voir p. 12-14.
B) Rapports de missions diplomatiques et
économiques
- DEIK(Di° Ekonomik ili°kiler kurulu),
· Tunus ekonomisi. Türkiye ile ili°kiler,
Istanbul, 1994.
· Le bulletin du DEIK, mars 1998.
· Tunus ve Türkiye ile Ekonomik
liþkileri, octobre 2000.
· Istanbul Ticaret Odasi, Tunus- Ülke
Etüdü, sayi 38, 1997
- IGEME :
· 1970-1971 YýllarýTunus'a
ihracatýmýz.
· IGEME, Türkiye Cumhuriyeti Hükümeti
ile Tunus Cumhuriyeti Hükümeti arasýndaki 17 Temmuz 1967
tarihli ticaret anlaþmasý, Ankara, 1972.
· Ülke raporlarý, Tunus ( Rapport
sur la Tunisie)
· Türkiye Cumhuriyeti Hükümeti ile
Tunus Cumhuriyeti Hükümeti arasýndaki 17Temmuz 1967 tarihli
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1. Ouvrages
Tiers-monde et
Méditerranée
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Monde : les enjeux de la transnationalisation dans la région
méditerranéenne, Paris, La Découverte, 1988. [autres
éditions]
- COUTROT (Thomas), Les destins du Tiers-monde :
analyse, bilan, perspectives, Paris, Nathan, 1993.
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- MARTEL(Pierre-Albin), Habib Bourguiba : un homme,
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-NORMA (Salem), Habib Bourguiba, Islam and the creation of
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- PAUTARD (André), Bourguiba, Paris, Media,
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- TOUMI (Mohsen), La Tunisie de Bourguiba à Ben
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2. Autres Références
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- La Documentation française, Turquie :
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1982.
- Maroc et Tunisie, le problème du
protectorat, La Nef, 10 année, cahier n°2,
Paris, Julliard, 1953.
3. Outils de travail
-L'encyclopédie de Bordas
-L'encyclopédie Universalis 1997
-Histoire universelle des nation, Tome 8.
- Encyclopédie de l'Islam.
- Encyclopédie de l'Afrique du Nord, Tunisie,
Algérie, Maroc, I.M.A (Institut du monde arabe)
- GANIAGE Jean Histoire contemporaine du Maghreb
de 1830 à nos jours, Paris, Fayard, 1994.
TABLE DES MATIERES
Liste des
abréviations..........................................................................5
AVANT
PROPOS.............................................................................6
INTRODUCTION...........................................................................8
Présentation critique des
sources............................................................12
PREMIERE PARTIE : L'évolution des
relations diplomatiques entre la Tunisie et la Turquie
(1956-2001).........................................................15
CHPITRE I : L'ATTITUDE LA TURQUIE VIS-A-VIS DE LA
DECOLONISATION DE LA
TUNISIE................................................17
1. La décolonisation de la Tunisie à travers
l'opinion publique et la presse
turques.........................................................................17
2. Le vote turc à
l'ONU......................................................18
CHAPITRE II : ATATÜRK ET BOURGUIBA DEUX
PERSONNALITES POLITIQUES
EMBLEMATIQUES................................................... ...22
1. Convergence de la
formation..............................................22
2. Islam et modernité chez Atatürk et
Bourguiba..................................................................24
CHAPITRE III : QUAND ANKARA ET TUNIS
COMMUNIQUENT.............28
1. Introduction au dialogue diplomatique
turco-tunisien.................28
2. Tunisie-Turquie : relations symboliques
(1956-1965)..................31
3. Les retrouvailles
turco-tunisiennes.......................................32
3.1. La visite de Bourguiba en
Turquie...............................32
3.2. La politique du Parti de la
Justice.................................36
4. Les années 70 : stagnation des
relations..................................36
5. Les années 80 : phase de décollage de la
coopération
bilatérale.....................................................................38
Conclusion de la première
partie..........................................43
DEUXIEME PARTIE : L'évolution des
relations économiques et commerciales
turco-tunisiennes..........................................................45
CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DES ECHANGES ECONOMIQUES
ET COMMERCIAUX
(1958-2001)...................................................... .46
1. Les accords
bilatéraux...............................................................46
2. Les organismes de
coopération..................................................47
2.1. La commission économique mixte
turco-tunisienne..................47
2.2. La commission inter-gouvernementale
permanente...................48
2.3. Le conseil d'affaires
turco-tunisien.......................................48
2.4. IGEME et
CEPEX.........................................................49
2.5. La commission mixte de réflexion et
d'action..........................49
CHAPITRE II : LES RELATIONS COMMERCIALES OU
SYMPTÔME DE
STAGNATION...............................................................................50
1. Evolution des échanges
commerciaux..........................................50
2. Contenu des échanges
commerciaux..............................................58
2.1. Les exportations turques vers la
Tunisie.................................58
2.2. Les exportations tunisiennes vers la
Turquie............................59
3. La présence économique turque en
Tunisie....................................60
3.1. L'émergence des sociétés à
capital mixte................................60
3.2. Autres
firmes...............................................................61
3.3. Les investissements turcs en
Tunisie....................................61
4. La coopération en matière de
tourisme..........................................62
Conclusion de la deuxième
partie................................................64
TROISIEME PARTIE : Etude des relations
culturelles turco-tunisiennes, une coopération
manquée......................................................................65
Introduction à l'étude des relations culturelles
turco-tunisiennes........................66
CHAPITRE I : LES MANIFESTATIONS
CULTURELLES..........................69
1. L'Association d'amitié
Turquie-Tunisie..........................................69
2. Les semaines
culturelles...........................................................71
3. Les activités
artistiques............................................................73
CHAPITRE II : LA COOPERATION DANS LES DOMAINES
UNIVERSITAIRE ET
EDUCATIF......................................................76
1. Echanges de bourses et
d'étudiants.............................................76
2. Echanges de
visites................................................................80
3. La coopération dans le domaine des
archives..................................82
4. Bilan de la coopération
culturelle.................................................82
CONCLUSION
GENERALE......................................................84
Annexes................................................................................87
BIBLIOGRAPHIE..................................................................109
* 1 Ak°am,
« Tunus Afrika'nýn Avrupasýdýr»
« Tunisie, l'Europe de l'Afrique », du 16/11/2000.
* 2 Il est vrai que la
conception des drapeaux remonte loin dans l'histoire. Le drapeau tunisien,
adopté en 1831 par Hassine Ier, huitième bey de la
dynastie husseinite, témoigne des liens qui unirent la Tunisie à
l'Empire ottoman. D'ailleurs, le fond rouge, l'étoile et le croissant
sont des symboles spécifiques à l'Empire ottoman et on les
retrouve sur divers drapeaux de pays islamiques. Sur le drapeau turc actuel
figure un croissant et une étoile tous deux blancs, frappés sur
fond rouge. L'étoile en question a été rajoutée en
1844, ce qui a donné au drapeau turc sa forme actuelle, fixée par
la loi du 29 mai 1926.
* 3 M. DARIF,
« Tunisie », dans Le guide de la presse
2002, Paris, 2002, p. 394.
* 4 Mehmet GÖK,
L'attitude de la Turquie face à la décolonisation
1945-1965, thèse de doctorat (inédite), Université
Paris I, 1976, p. 140.
* 5 Mehmet Gök a
recensé trois journaux qui étaient hostiles à la politique
française en Tunisie : Ulus, organe semi-officiel du
C.H.P. (Cumhuriyet Halk Partisi) Hürriyet et Yeni
Sabah.
* 6 M.F FENIK,
« Tunus'taki son hadisler » (Les derniers
évènements en Tunisie) dans Zafer du 3 mars 1952.
* 7 Maroc et Tunisie, le
problème du protectorat, La Nef, 10 année,
cahier n°2, Paris, Julliard, 1953, p. 34.
* 8 Georges DAY , Les
affaires de la Tunisie et le Maroc devant les Nations Unies, Paris,
Pedone, 1953, p. 20.
* 9 Ibid., p. 21.
* 10 La Turquie
n'était pas la seule à manifester son indifférence
à l'égard de la cause tunisienne. Ainsi, les pays arabes,
malgré leur soutien politique à la cause tunisienne lors des
votes successifs au Conseil de sécurité, ont adopté une
attitude de « réserve » révélée
par la politique de la Ligue arabe qui était absorbée par des
conflits intestinaux entre les différents dirigeants arabes. La Ligue
arabe a abordé la question tunisienne dans un esprit de compromis en
privilégiant la médiation onusienne pour ne pas heurter la
France.
* 11 Discours de
Bourguiba de mars 1965.
* 12 M. GÖK,
op.cit, p.139.
* 13 Didier BILLION, La
politique extérieure de la Turquie une longue quête
d'identité, Paris, L'Harmattan 1997, p. 33.
* 14 Pendant la guerre
d'indépendance turque, Moscou a apporté son aide au gouvernement
d'Ankara. Les relations turco-soviétiques étaient bonnes
étant donné que les deux pays étaient confrontés
aux mêmes ennemis : le bloc occidental. Cette amitié a
été traduite par la signature d'une série de
traités jusqu'en 1945, date du refus de l'URSS de valider le
traité d'amitié et de neutralité du 17 décembre
1925, et qui était jusque-là renouvelé tous les trois
ans.
* 15 Ali MAHJOUBI,
« La perception du modernisme chez Mustafa Kemal Atatürk et
Habib Bourguiba », dans Le kémalisme et les
kémalistes, Actes de la 1ère Table Ronde
Arabo-Turque, publication de la Fondation Temimi pour la Recherche Scientifique
et l'information, Zaghouan (Tunisie), Avril 1999, p. 87.
* 16 Camille BEGUE, Une
politique de l'homme, le message de Bourguiba, Paris, Hachette, 1972, p.
37.
* 17 André PAUTARD,
Bourguiba, Paris, Media, 1977, p. 64.
* 18 Cf. Discours de
Bourguiba de 1965.
* 19 Ibid.
* 20 Jean GANIAGE,
Histoire contemporaine du Maghreb de 1830 à nos jours, Paris,
Fayard, 1994, p. 667.
* 21 BENOIST-MECHIN,
Mustafa Kemal ou la mort d'un empire, Paris, Albin Michel,1954, p.
406.
* 22 Fathi KASMI,
« Hal al-bourguibia t'aadyloun lil-kamaliyaah ? » (en
arabe) (= « Le bourguibisme est-il une réforme du
kémalisme ? », dans
Vérités, n° 682 du 7 au 13 janvier 1999.
* 23 Menter SAHINLER,
Origine, influence et actualités du kémalisme, Paris,
Publisud, 1995, p. 163.
* 24 Orhan KOLOðLU
«The Turkish-Libyan relations», dans Turkish Review of Middle
East studies, 7 (1993), passim.
* 25 L'attitude très
critique d'Atatürk envers l'héritage religieux musulman a
suscité bien des réserves au sein des pays musulmans.
* 26Rappelons ici la prise
de position américaine vis-à-vis de la Turquie en rapport avec le
problème chypriote. En effet, dans une lettre adressée le 5 juin
1964 au premier ministre turc, le président américain, Johnson,
déclare que les Etats-Unis ne sont pas prêts à
défendre la Turquie contre une éventuelle menace
soviétique. La Turquie, bien qu'elle fasse partie de l'OTAN, s'est
sentie déçue de l'attitude occidentale. Les Américains
voulaient certainement ménager les Britanniques, ex-puissance coloniale
à Chypre ainsi que la Grèce, membre actif de l'Alliance
atlantique. Cette situation allait conduire les Turcs à ajuster leur
politique internationale, en essayant de créer une atmosphère de
détente avec l'URSS et en s'approchant davantage des pays
arabo-musulmans.
* 27 Dans Le Temps
du 23/3/1979.
* 28Hédi MECHRI
« Ben Ali en Turquie, coopération », dans
L'Economiste Maghrébin, n°284, du 28/3 au
11/4/2001.
* 29 Fondateur du Parti
démocratique en 1945, Celal Bayar fut élu Président de la
République turque en 1950. Réélu en 1954, il fut
renversé par l'armée en mai 1960.
* 30 (Arap-Turk
Münâsebetleri,iki Tarafin Görüs
Açýlarýndan( Les relations arabo-turques du point de vue
arabe et turc), IRCICA, Istanbul, 1991-1993, p. 237.
* 31 Les deux pays ont
signé le 17 avril 1958 à Tunis un protocole concernant la clause
de « la nation la plus favorisée » et un autre
accord portant sur la coopération commerciale. Cependant, il importe de
noter que la Turquie n'entretient pas les mêmes relations en
matière de diplomatie extérieure avec les pays du Maghreb. Cela
s'explique par le fait que chacun de ces pays a connu sa propre
évolution et ses propres expériences. Mais, comparées aux
relations turco-libyennes ou encore turco-algériennes, les relations
avec la Tunisie sont les plus stables en dépit de leur caractère
souvent symbolique.
* 32 Jean GANIAGE, op.
cit., p.686
* 33 Peu après
l'indépendance de la Tunisie, Bourguiba a demandé des prêts
auprès de la France et des Etats-Unis pour redresser l'économie
tunisienne.
* 34 D'après les
informations que nous avons recueillies à l'ambassade de Tunisie
à Ankara, lorsque la France refusa en 1961 d'évacuer la base
navale de Bizerte, le consulat de Tunisie à Ankara a reçu des
demandes de la part de nombreux citoyens turcs voulant partir combattre aux
côtés des Tunisiens.
* 35 Cf. Discours de
Bourguiba de mars 1965.
* 36 L'allocution du
président tunisien devant les députés turcs, le 25 mars
1965, a été considérée à l'époque
comme une première, dans la mesure où c'était la
première fois dans l'histoire de la Turquie moderne qu'un dirigeant
arabe s'adressait directement aux députés turcs.
* 37 Cf.
Conférence de presse de Bourguiba du 26 mars 1965 à
Istanbul.
* 38 Cf. Discours de
Bourguiba de 1965.
* 39 Rappelons qu'en vertu
des ces accords, les trois pays signataires (Grèce, Turquie et
Royaume-Uni) se réservaient le droit d'intervenir en Chypre s'ils
constataient que l'application des accords mettaient en cause ce qui a
été convenu. Mais peu après l'indépendance de
Chypre, prévue par ces accords, les deux principaux protagonistes de
l'affaire chypriote, en l'occurrence la Grèce et la Turquie, ont
usé de ce droit d'intervenir pour multiplier les actions
d'ingérence dans les affaires de l'île. C'est ce qui a
poussé la commission onusienne à préconiser l'annulation
des accords de Londres et de Zürich, tout en réaffirmant
l'indépendance de l'île.
* 40 Cette expression a
été prononcée par Bourguiba même lors d'une
conférence de presse donnée lors de sa visite à Ankara en
mars 1965.
* 41 Discours de
Bourguiba de 1965 : « Chef d'Etat, ami des Turcs et des
Grecs, je n'ai pas le droit de prendre une position nette qui risquerait de
rendre difficile tout compromis ».
* 42 Cf. Discours de
Bourguiba de 1965.
* 43 Rappelons que la
Turquie est le seul pays musulman qui ait reconnu, très tôt, la
création de l'Etat d'Israël en 1948.
* 44 Le Parti de Justice a
gagné les élections du 10 octobre 1965 avec 53% des suffrages.
* 45 Didier BILLION, op.
cit., p. 34
* 46 Voir annexe IV.
* 47 Voir infra, p.
45 sq.
* 48 Nov. 1982 : visite
du premier ministre Bulent Uluslu en Tunisie , avril 1983 : visite du
premier ministre tunisien Mohamed Mzali en Turquie ; janvier 1989 :
visite du président turc Kenan Evren en Tunisie ; avril 1989 :
visite du premier ministre turc Turgut Özal en Tunisie.
* 49 Président de la
Turquie entre 1982 et 1989.
* 50 Propos tenus par
DEMIREL lors de sa visite présidentielle en Tunisie, en mai 1998. (Voir
annexe VI)
* 51 Voir annexe IV.
* 52 Sabah, du
21 mars 2001.
* 53 Les échanges
entre les universités tunisiennes et l'université privée
de Bilkent seront évoqués plus loin (infra, p. 77).
* 54 En illustrent les
déclarations de l'actuel président turc, Necdet Sezer :
« La sauvegarde des droits légitimes du peuple palestinien
frère et l'impératif d'accorder à la Palestine la place
rayonnante qu'elle mérite au sein de la communauté internationale
figurent parmi les centres d'intérêt de la politique
étrangère de la Turquie », dans le Le
Renouveau du 24 mars 2001.
* 55 Il est clair que ce
type d'affirmation ne dépasse pas le cadre des déclarations, dans
la mesure où les approches des deux pays concernant les relations avec
l'Union européenne diffèrent considérablement : alors
que la Tunisie est liée à cet espace par un accord de
partenariat, la Turquie l'est aussi mais elle est en même temps candidate
à l'Union européenne.
* 56 Dans Le Renouveau
du 24 mars 2001.
* 57 Idem.
* 58 Contrairement à
la majorité des pays arabes, la Tunisie, dès la création a
adopté une politique modérée envers Israël.
* 59 Dans Le Renouveau
du 12/10/1996.
* 60 Déclarations de
Ismaïl Cem lors de sa visite en Tunisie en 2000.
* 61 Voir annexe I.
* 62 Voir Annexe IV.
* 63 Voir annexe V.
* 64 Ce point sera
développé plus loin (infra, p. 57).
* 65 Dans Le Renouveau
du 20 novembre 1990.
* 66 Ramazan
AKABAþOðLU, Maðrib Ülkerinin Sosyal-Iktisadi
Yapýlarý ve Türkiye ile Iliþkileri, Istanbul
1997, p. 112.
* 67 Les principaux acteurs
de ces deux organismes sont des institutions politiques, notamment les
ministères turque et tunisien chargés du commerce
extérieur, des hommes d'affaires, des firmes et des institutions
d'investissement.
* 68 Voir supra, p.
40 sq.
* 69 Boutros-Antoine LABAKI,
« L'évolution des relations économiques arabo-turques
de 1970 à 1992 », dans La Turquie entre trois mondes,
actes du colloque international de Montpellier, 5-7 octobre 1995, Paris,
L'Harmattan, 1998.
* 70 GÖK, op.
cit., p. 49.
* 71 En 1972 et 1974, la
Tunisie a mis en place une législation avantageuse aux investisseurs
étrangers s'implantant en Tunisie. Le but en était de
créer des emplois, car la plupart des projets sont des usines
sous-douane, c'est-à-dire elles n'avaient pas le droit d'écouler
leurs productions sur le territoire tunisien.
* 72 Didier BILLION, op.
cit., p. 276.
* 73 Voir Annexe VII.
* 74 En octobre 1996,
près avoir reçu l'ambassadeur tunisien qui a transmis les
sentiments d'estime de Ben Ali au président turc et sa volonté de
raffermir les relations d'amitié et de coopération
turco-tunisiennes, Demirel a déclaré que la Turquie suit avec
attention l'évolution de la Tunisie, surtout ses liens avec l'Union
Européenne notamment la signature de l'accord d'association.
* 75 Ihracat :
exportations ; Ithalat : importations ; Denge : balance
commerciale ; Hacim : volume.
* 76 Sahbi CHERIF,
« Partenariat, comment relancer le courant des échanges avec
la Turquie », dans I.E.A. n° 282, mai 1998, p.
12. (cité dans L'Economiste Maghrébin).
* 77 Selon les statistiques
du ministère tunisien du commerce, en 1997, la Tunisie était le
10ème client de la Turquie et son 14ème
fournisseur.
* 78 Selon les statistiques
du ministère tunisien du commerce extérieur (2001).
* 79 TOBB, Maðrib
Ülkeleri ve Türk-Tunus Ekonomik Iþbirliði, Ankara,
1990, p. 30.
* 80 Attaché
commercial turc à Tunis.
* 81 Elle a
été fondée en 1992 avec 45% d'investissement appartenant
au groupe turc Polisan Kimya Sanayi et 55% au groupe Tunisien
Chérif. La firme a conquis le marché tunisien. Elle essaye de
diversifier ses activités pour supporter la concurrence internationale.
* 82 Voir annexe X.
* 83 L'équivalent de
Darty en France.
* 84 La Türkiye
Kalkýnma Bankasý A.Þ a conclu un protocole d'accord avec la
Banque de Tunisie le 24 décembre 1992. La banque participe à
toutes les réunions de la commission économique mixte. Elle
envoie des experts en Tunisie afin de déterminer les domaines
d'investissement.
* 85 Istanbul Ticaret
Odasý, Tunus Ülke Etüdü, yayýn, 38, 1997,
p. 87.
* 86 Istanbul Ticaret
Odasý, Tunus Ülke Etüdü, yayýn, 38, 1997,
p. 87.
* 87 TC.
Baþbakanlýk, DýþTicaret
Müsteþarlýðý, Anlaþmalar Genel
Müdürliði, Türkiye-Tunus Karma Ekonomik Komisiyonu, 8.
Dönem Toplantýs, Açýklamalý Konularý,
Türkiye, 1998.
* 88 Dans Le Renouveau
du 22 octobre 1996.
* 89 L'effondrement de
l'URSS en 1991 et l'indépendance des ex-républiques à
dominante turcophone, ont constitué un tournant décisif dans la
politique extérieure turque. Ainsi Demirel a déclaré que
l'Asie centrale est devenue une région où on ne peut pas dire
« advienne ce qui pourra ». Sur le plan culturel, la
Turquie veille à la diffusion de la langue et la civilisation turque par
le biais des aides, des bourses d'études et la construction des
écoles. Cependant, ces pays las de toute sorte de tutelle
désapprouvent les initiatives du « grand frère
turc ».
* 90 La Tunisie est un pays
arabophone, mais la langue de Voltaire y est enseignée dès
l'école primaire. Mais il se trouve que depuis une dizaine
d'années environ, l'enseignement du français en Tunisie
connaît un véritable tour d'écrou. La tendance actuelle
privilégie l'apprentissage de la langue de Shakespeare, langue
internationale par excellence. Pour ce qui concerne la Turquie, elle n'est
francophone.
* 91 Nous avons
commencé notre analyse des relations culturelles par les années
80, car avant cette date nous n'avons recensé aucune manifestation
d'échanges culturels entre les deux pays. La coopération
culturelle a démarré pendant les 80 avec la prise de conscience
de la Turquie de son environnement arabo-musulman et l'avènement en
Tunisie d'une politique extérieure arabe et musulmane initiée et
encouragée Mohamed Mzali, premier ministre tunisien entre 1980 et 1986,
et homme de lettres (écrivain). Notons à ce propos, qu'il y a un
Accord culturel entre les deux pays depuis 1964 (Voir annexe III).
Cependant, les échanges étaient quasi-inexistants et l'accord ne
dépassait pas le cadre de déclarations d'intentions.
* 92 L'association fut
à l'origine de l'organisation des journées gastronomiques dans
l'un et l'autre pays ; la première journée tunisienne
s'étant tenue à Ankara en février 1985. Elle a
également organisé pendant les années 80 des semaines
culturelles tunisiennes en Turquie ; celle de 1988 a connu un grand
succès, comme l'a rapporté le journal tunisien
« L'Action » dans un article du 28/01/1988
intitulé : « Grand succès de la semaine tunisienne
en Turquie ».
* 93 Ancien professeur
d'histoire à l'Université d'Istanbul et spécialiste des
questions relatives à l'évolution des mentalités dans les
sociétés musulmanes.
* 94 Nous saisissons cette
occasion pour remercier l'Ambassadeur de Tunisie à Ankara, M. Mohamed
Lessir et le consul général de Tunisie à Ankara M. Slah
Salhi qui ont eu l'obligeance de nous recevoir et de nous accorder un entretien
très fructueux.
* 95 D'après
Hédi Baccouche.
* 96 « Semaine
culturelle tunisienne à Ankara », dans La Presse du
14/04/ 1982
* 97 Le film raconte
l'histoire d'une jeune tunisienne, Alia, 25 ans, fille d'une servante qui
l'avait conçue dans un palais du bey. L'histoire se déroule dans
les années 60. L'annonce de la mort d'un ex-bey la replonge brutalement
dans son passé. A l'occasion des obsèques, elle revisite le
palais de son enfance et de son adolescence, où elle est née d'un
père inconnu qui pourrait être le prince
décédé. Le film dresse un portrait sur la condition
féminine en Tunisie d'hier et d'aujourd'hui, ainsi que le monde, souvent
mystérieux, des palais princiers.
* 98 Nous ne disposons pas
des titres des films en question.
* 99 Durant nos recherches
en Tunisie auprès de l'ambassade de Turquie à Tunis, nous avons
constaté que la communication passait mal entre visiteurs tunisiens et
fonctionnaires turcs. Ces derniers, ne parlant que le turc ou l'anglais, ont
des difficultés à entrer en contact avec les Tunisiens, dont la
majorité sinon la quasi-totalité parle l'arabe ou le
français. Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants des
personnels diplomatiques, nous avons appris qu'il est d'usage, de part et
d'autre, de scolariser les enfants dans le pays d'origine.
* 100 C'est la plus grande
manifestation cinématographique de son genre en Tunisie.
Organisée tous les deux ans, elle attire des cinéastes de
nombreux pays, surtout l'Afrique et le Moyen-Orient.
* 101 Voir note 97.
* 102 D'après le
Rapport annuel d'activités culturelles de l'ambassade de
Tunisie à Ankara, pour l'année 1991.
* 103 D'après le
Rapport annuel d'activités culturelles de l'ambassade de Tunisie
à Ankara, année 1997.
* 104 D'après le
Rapport annuel des activités culturelles de l'ambassade de
Tunisie à Ankara, année 2000.
* 105 Lors de sa visite en
Tunisie en 1998, Demirel, dans une interview accordée au journal
tunisien francophone La Presse, déclare ceci :
« Dans le domaine de la culture et de l'éducation (...), nos
universités doivent entrer en relation de coopération. Il faut
faire des échanges d'étudiants. Il faut établir des ponts
à travers des étudiants tunisiens qui viendront en Turquie et des
étudiants turcs en Tunisie pour les études. On a besoin
également de relations dans le domaine de la
radio-télévision, des médias et de la
communication. » Dans l'interview de La Presse du 4
mai 1998. Voir annexe VII.
* 106
Suite à sa rencontre avec Ihsan Doðramacý, fondateur
de l'université Bilkent (en mai 1992).
* 107 Cette information a
été évoquée par le Consul général de
Tunisie à Ankara lors de notre entretien avec lui.
* 108 Les chiffres que nous
évoquons ici sont extraits des rapports d'activités culturelles
de l'ambassade de Tunisie à Ankara.
* 109 D'après les
informations fournies par l'Ambassade de Tunisie à Ankara.