Chapitre 3 :
MODÈLES D'ANALYSE ÉCONOMIQUE
ET IMPACTS DE LA LIBÉRALISATION DES
ÉCHANGES
DANS LE SECTEUR LAITIER EUROPÉEN
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I. modèles d'analyse économique et
négociations interna-tionales
L'analyse quantitative des politiques agricoles et
commerciales est généralement réalisée à
travers les modèles de programmation mathématique et les
modèles économétriques. Dans les modèles
utilisés pour simuler les impacts de la libéralisation des
échanges internationaux dans le secteur agricole, on cherche
essentiellement à évaluer les conséquences commerciales et
les répercussions globales sur le bien-être global des agents, les
flux commerciaux, l'offre et les prix mondiaux et domestiques.
Les modèles utilisés dans les études que
nous présenterons sont des modèles en équilibre partiel
(EP) : le modèle UW-Madison du lait, le modèle ERS/Penn
State WTO et le modèle AGLINK de l'OCDE. Les modèles EP sont
centrés sur un seul marché, contrairement aux modèles
en équilibre général où tous les secteurs
de l'économie sont considérés simultanément.
Pour Bureau et Gohin (2005), les modèles EP permettent de
détailler considérablement un secteur ; en outre, ils
permettent des hypothèses plus réalistes et d'intégrer des
formes mathématiques souples, n'imposant pas ou peu de contraintes
à priori sur la façon dont les biens se substituent les uns aux
autres. Ils permettent aussi un degré de détail suffisant pour
représenter les complexes des politiques agricoles (prix garanti,
quotas, tarifs douaniers, aides plus ou moins découplées,
etc.).
II. Etudes d'impacts de la libéralisation des
échanges interna-tionaux sur le marché laitier européen
Notre analyse est faite à partir des résultats
de quelques études dont celle de Zhu et al (1999), de Cox et
al (1999), de Langley et al (2003) et de Shaw et Love (2001).
Les deux premières mentionnées utilisent le modèle
UW-Madison de lait et les deux dernières utilisent respectivement le
modèle ERS/Penn State WTO et le modèle AGLINK de l'OCDE. Ces
études s'intéressent aux impacts de l'AAUR et de la
libéralisation des échanges sur le marché laitier mondial.
Dans notre analyse, nous nous intéresserons seulement au marché
laitier européen.
2.1. Le modèle UW-Madison du secteur laitier
Ce modèle est mis en évidence à travers
l'étude de Zhu et al (1999). L'objectif de cette étude
est de développer une analyse économique des effets de la
libéralisation des échanges sur le marché laitier mondial.
Pour ce faire, les auteurs ont développé le modèle
UW-Madison, modèle de l'économie laitière mondiale,
prenant en compte les caractéristiques verticales et spatiales du
secteur laitier. Les caractéristiques verticales concernent la
fabrication des différents produits laitiers tandis que les
caractéristiques spatiales concernent la répartition de la
production de lait, de la demande et des échanges des produits laitiers
à travers les différentes régions du monde. Les outils de
politiques laitières (quotas de productions, subventions sur les
marchés internes, droits de douanes, quotas d'importation, subventions
aux exportations) et leurs variations à travers les différents
pays ont été incorporé dans le modèle.
Le modèle est ensuite utilisé pour simuler les
effets de l'accord de l'Uruguay (URAA) et de la libéralisation des
marchés sur l'économie laitière, y compris sur les prix,
le bien-être des différents agents économiques
(consommateurs, producteurs, contribuables) et les échanges
commerciaux.
2.1.1. La forme analytique du modèle
Le modèle UW-Madison du lait est un modèle
hédonique, d'équilibre spatial et de concurrence
interrégionale ; il considère 21 régions du monde, y
compris les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, la Chine, l'Inde, le Japon,
l'Australie, la Nouvelle Zélande, l'Union européenne, l'Europe de
l'Est et l'Union soviétique.
Le modèle analyse l'allocation spatiale de cinq types
de lait primaire (lait de vache, chameau, buffle, brebis, chèvre)
utilisé dans la production de huit types de produits laitiers : le
fromage, le beurre, les poudres grasses (PG), la poudre de lait
écrémé (PLE), la poudre de lactosérum (PL), la
caséine, le lait concentré (Lcon), et les autres produits
laitiers.
Le modèle considère que les produits laitiers
sont homogènes ; les échanges entre les différentes
régions dans l'espace impliquent des coûts de transport.
L'équilibre du marché concurrentiel est obtenu en maximisant une
fonction de quasi bien-être social mesuré par la somme des surplus
du producteur et du consommateur et des coûts nets de transport.
§ Notation
Chaque région i est impliquée dans la
production, la consommation et l'échange du bien primaire (lait) aussi
bien que du bien final ou transformé (produit laitier). Le modèle
est schématiquement représenté en Annexe 1.
Soient wi le vecteur des biens primaires produits
et xi le vecteur des biens primaires utilisés dans
la région i, i = 1,...,I. On note respectivement
yi et zi les vecteurs des biens finaux produits et
utilisés dans la région i .Tous les biens primaires et
finaux peuvent être échangés entre les régions. Soit
Tij = 0 le vecteur des exportations de biens primaires de la
région i vers la région j et tij = 0
le vecteur des exportations des biens finaux de la région i
vers la région j. On note respectivement Cij = 0
et cij = 0 le vecteur des coûts de transports par
unité de biens
primaires échangés de la région
i vers la région j et le vecteur des coûts de
transport par unité de biens finaux échangés de la
région i vers la région j.
§ La technologie de production
On suppose que la production du bien final y dans chaque
région requiert deux sortes d'input : le vecteur des biens
primaires x et un autre vecteur d'inputs (capital et travail) noté
vi. L'utilisation efficiente de vi en situation de
concurrence parfaite requiert la minimisation de coût tel :
Gi(xi, yi) = Minv
[ri'vi: (vi, xi, yi)
Ti] (1)
où Ti est l'ensemble des possibilités
de production. Gi(xi, yi) est la fonction de
coût optimal d'utilisation des inputs vi conditionnelle aux
niveaux d'outputs yi et aux inputs xi ;
?Gi/?yi > 0 et ?Gi/?xi <
0. Soit ri le vecteur des prix de vi dans la
région i.
On note ensuite que la fabrication des produits laitiers
(biens finaux) requiert l'utilisation des composantes intrinsèques du
lait (en l'occurrence matière grasse, caséine, protéine
lactosérum et autres matières solides). Ces composantes sont
recombinées et allouées entre les différents produits
finaux. Soit ais (coefficient de transformation technique) la
matrice des quantités de la sième composante par
unité de lait xi dans la région i et bis la
matrice des quantités de la sième composante par
unité de bien final yi dans la région i. Sous une
technologie de Leontief1, la transformation des inputs primaires en
produits finaux dans la région i doit satisfaire :
bis'yi = ais'xi
i = 1,...,I , s = 1,...,S (2)
où S est le nombre de composantes du lait.
L'équation (2) est l'équation bilan de l'allocation des
composantes s dans la région i. C'est la contrainte de
faisabilité technique.
§ L'équilibre du marché
L'équilibre du marché est obtenu à
travers la maximisation du bien-être social mesuré par la somme
des surplus du producteur et du consommateur et des coûts nets de
transport et de fabrication. Dans un secteur vertical avec plusieurs stades de
production, l'on soustrait le coût de transformation à chaque
stade. L'on obtient la fonction de quasi bien-être :
V(w,x,y,T,t) = ?i CBi(zi) -
?i PCi(wi) - ?i
Gi(xi,yi) - ?i,j
TijCij - ?i,j tijcij
(3)
où CBi(zi) est le
bénéfice du consommateur dans la région i ;
PCi(wi) est le coût de production du bien primaire
wi dans la région i ;
Gi(xi,yi) est le coût de transformation
dans la région i donné par l'équation (1).
On suppose que V(w,x,y,T,t) est concave et satisfait
?CBi(zi)/?zi = pic et
?PCi(wi)/?wi = pis.
pic et pis sont
respectivement les vecteurs des prix du marché des biens primaires et
des biens finaux ; cela suppose qu'en situation de concurrence, les prix
reflètent les bénéfices marginaux des consommateurs et les
coûts marginaux des producteurs.
---------------------------------------------------------
1 Dans chaque région, on suppose que la
quantité totale de composante par unité de produit est
fixe ; la technologie de transformation est de la forme Leontief ;
sinon les coefficients de transformation seraient fonction des quantités
produites et la contrainte (2) deviendrait :
bis(yi)'yi =
ais(xi)'xi , i = 1,...,I , s =
1,...,S. (2')
En outre, la maximisation de la fonction de quasi
bien-être agrégé V(w,x,y,T,t) doit satisfaire deux
ensembles de contraintes : les contraintes des flux d'échange et
les contraintes de non négativité. Les flux d'échange
entre régions doivent satisfaire les conditions suivantes :
wi = ?j Tij (4a)
?j Tji = xi (4b)
yi = ?j tij (4c)
?j tji = zi (4d)
Ces restrictions garantissent que la somme des exportations et
de l'utilisation intérieure dans chaque région ne peut pas
excéder la production intérieure et que la consommation
intérieure dans chaque région ne peut pas excéder la somme
de production intérieure et des importations. Ces conditions doivent
être vérifiées pour les biens primaires ((4a) et (4b))
ainsi que pour les biens finaux ((4c) et (4d)).
Le problème d'optimisation représentant
l'équilibre spatial concurrentiel est donc:
Maxw,x,y,z,T,t { ?i
CBi(zi) - ?i PCi(wi) -
?i Gi(xi,yi) - ?i,j
TijCij - ?i,j
tijcij }
s/c : bis'yi =
ais'xi (5)
wi = ?j Tij ;
?j Tji = xi ; yi =
?j tij ; ?j tji =
zi
(w, x, y, z, T, t) = 0
On montre qu'à l'absence d'intervention du gouvernement
(pas de taxe, de subventions et de quotas), ce problème d'optimisation
engendre une allocation des ressources efficiente (Chavas et al (1998)
cité par Bouamra (1999)). Les multiplicateurs de Lagrange
associés aux contraintes (4) représentent les prix du
marché alors que les multiplicateurs de Lagrange associés
à la contrainte (2) donnent les prix fictifs des composants du lait.
Pour analyser la politique laitière, on introduit la
présence des contingents tarifaires (TRQ) et droits de douanes
associés, les subventions à l'exportation, l'intervention sur les
prix, les subventions à la consommation ainsi que les quotas de
production ; en outre, la politique laitière étant soumise
aux contraintes du GATT, l'analyse nécessite la prise en compte
explicite de ces contraintes.
§ Introduction des politiques du gouvernement
Les contingents tarifaires (TRQ) et droits de
douanes associés
L'on modélise les TRQ en introduisant deux niveaux de
droits de douanes avec des restrictions. En fait, pour une région
i, le volume d'importation d'un bien est divisé en deux
parties : une première partie (IQ, pour in-quota) est
importée avec un droit de douane bas et ensuite l'autre partie (OQ, pour
over-quota) est importée avec niveau élevé de droit de
douane.
On note ?ij le vecteur des droits de douanes
unitaires imposés sur les échanges des biens primaires de la
région i vers la région j et
ïij celui imposé sur les échanges des biens
finaux. Soient respectivement Qi et qi le vecteur des
quotas d'importation (TRQs) des biens primaires et le vecteur des quotas
d'importation des biens finaux dans la région i.
Les quotas d'importations sont complètement
utilisés en premier lieu avec des droits de douanes bas avant de
permettre d'autre importation avec des droits de douane élevés.
On note ainsi les contraintes suivantes:
TijIQ = Tij (6a)
tijIQ = tij (6b)
?i TijIQ = Qj
(6c)
?i tijIQ = qj
(6d)
Ces contraintes traduisent que les exportations IQ d'un bien
d'une région i vers une région j ne peuvent
pas excéder les exportations totales de ce bien de la région
i ((6a) et (6b)) et que la somme des exportations IQ d'un bien
d'une région i vers une région j ne peut pas
excéder le TRQ pour ce bien admis dans la région j ((6c)
et (6d)).
Les subventions aux exportations
Pour chaque région, la quantité d'exportations
subventionnées est limitée à un niveau maximal
imposé par les accords de l'AARU ; soient respectivement
Tijs et tijs le vecteur des
exportations des biens primaires et des biens finaux bénéficiant
de subventions ; soient respectivement Si et si les
quantités maximales d'exportations subventionnées de biens
primaires et de biens finaux dans la région i. On écrit
les contraintes suivantes :
?j TijIQ = Si
(7a)
?j Tijs = Si
(7b)
?j tijIQ = si (7c)
?j tijs = si
(7d)
De plus, chaque pays fait face à une autre
contrainte : celle d'un certain « quota de subventions des
exportations » ou de dépense maximale destinée aux
subventions des exportations d'un bien ou d'un ensemble de biens. Soient
respectivement Di et di la dépense maximale de la
région i destinée aux exportations subventionnées
de biens primaires et de biens finaux. On introduit alors ces deux contraintes
suivantes au modèle :
?i
Tijs.Subij = Di
(8a)
?i
tijs.subij = di
(8b)
avec Subij et subij
représentant respectivement les subventions unitaires des biens
primaires et biens finaux.
Les politiques intérieures
Quotas de production : un quota de production sur
le bien primaire dans la région i correspond à la
contrainte :
Wi = Wi
(9)
Wi
avec est le niveau de quota sur
la production du bien primaire considéré.
Subventions à la consommation
intérieure : une subvention à la consommation est
modélisée par un déplacement de la courbe de demande du
montant de la subvention unitaire. Soit Dcinti la
dépense totale allouée au financement des subventions sur le
marché intérieur ; on peut ajouter ainsi
l'inégalité suivante au modèle :
?i zis.sci =
Dcinti (10)
où zis est la consommation
intérieure subventionnée dans la région i et
sci est la subvention unitaire.
Autres politiques : les politiques d'intervention
sont modélisées en ajoutant des contraintes appropriées.
§ Modification de la fonction objectif
En introduisant ces distorsions du marché, le
problème d'optimisation (5) devient :
Maxw,x,y,z,T,t { ?i
CBi(zi) - ?i PCi(wi) -
?i Gi(xi,yi) - ?i,j
TijCij - ?i,j
tijcij
- ?i,j TijIQ?ijIQ -
?i,j (Tij - TijIQ)?ijOQ - ?i,j
tijIQ ïijIQ - ?i,j (tij
- tijIQ) ïijOQ }
(11)
s/c : (2), (4), (6), (7), (8), (9), (10)
(w, x, y, z, T, t ,TIQ, tIQ) =
0
Le modèle (11) représente les marchés
mondiaux de lait incluant les politiques domestiques et d'échanges
commerciaux. Les contraintes ici reflètent les restrictions sur les
quantités dues aux politiques du gouvernement. Le modèle est
utilisé pour analyser les effets empiriques de la libéralisation
des échanges dans le secteur laitier.
2.1.2. Les scénarios de simulation
i) scénario de base (BASE) : il donne une
bonne représentation du secteur laitier mondial sur la période
1989 - 1994 ; les données sur les prix, la production et la
consommation proviennent de la FAO. Les paramètres de politique
d'échanges commerciaux sont soit la moyenne sur la période
1986-90 (période de référence pour le GATT) soit
reflètent les politiques commerciales utilisant les données de
1994. Le scénario BASE est utilisé comme une
référence ; il est ensuite comparé aux
résultats des autres simulations.
ii) scénario GATT2000 (scénario
1): ce scénario simule les effets des négociations GATT pour
l'année 2000. GATT2000 impose des minima en quotas d'importations (au
moins 5% de la consommation par pays, importés à droits
réduits), des maxima en droits de douanes, et des restrictions sur les
exportations subventionnées.
iii) scénario Libre
Echange (scénario 2): ce scénario simule une situation
plus extrême : les effets d'une libéralisation plus
complète de tous les marchés laitiers dans le monde. Dans ce
scénario, tous les outils de politique laitière (droits de
douane, quota d'importations, subventions aux exportations, soutien de prix,
quotas de production, subventions à la consommation) sont
supprimés et aucune compensation n'est accordée aux producteurs
laitiers.
2.1.3. Les résultats et analyse des impacts de
la libéralisation
Nous donnons ici et analysons quelques effets des
réformes de la politique laitière. Ces effets sont
reportés en bref, pour l'Europe, dans les tableaux 2-1, 2-2 et 2-3 en
Annexe 2
§ Les effets du GATT2000 (scénario 1) sur le
secteur laitier européen
En général, sous GATT, une réduction des
droits de douanes et une augmentation de quotas d'importation stimule les
échanges commerciaux et réduit les prix sur les marchés
internes distordus ; alors qu'une baisse de subventions aux exportations
à tendance à réduire les volumes échangés et
à accroître les prix mondiaux. Le tableau 2-1 (Annexe 2) montre
que dans le contexte `GATT 2000', le prix du lait à la ferme diminue en
moyenne de 1,6%.
La moyenne des prix1 du fromage, du beurre et de la
poudre de lait écrémé diminuent en moyenne de 1,3%, 0,9%
et 3%, respectivement.
Cependant, les changements de prix varient d'un pays à
l'autre. Par exemple la Nouvelle-Zélande2 voit une
augmentation du prix des produits laitiers (respectivement 9,4%, 3,8% et 7,3%
pour le fromage, les poudres grasses et la PLE) et une augmentation du
prix du lait à la ferme (5,8%); par contre, pour l'UE, le prix du lait
à la ferme diminue de 5,5% et la plupart des produits laitiers subissent
une baisse de prix. Nous expliquons cela par le fait que l'UE, contrairement
à la Nouvelle-Zélande, accorde des subventions aux exportations
et qu'une réduction de celles-ci associée à un
accès plus large au marché intérieur réduit les
prix.
En outre, en raison de quotas de production, la production
laitière dans l'UE ne change pas ; en effet, par hypothèse,
le GATT2000 ne modifie pas les quotas de production. Cependant, les rentes
associées aux quotas de productions diminuent d'environ 27% (de 82,4 US
$/t à 59,9 US $/t) ; ce qui devra affecter négativement le
bien-être des producteurs de lait.
§ Les effets du Libre échange (scénario
2) sur le secteur laitier européen
Le scénario montre que les différences entre les
prix à travers les régions sont fortement réduites
(tableau 2-2 Annexe 2). La moyenne des prix du lait, du fromage, du beurre et
de la poudre de lait écrémé diminuent respectivement de
7,1%, 7,9%, 8,5% et 6,5%. Sous le libre échange, la production
mondiale agrégée augmente modestement de 0,7% ; cela
reflète les élasticités faibles de l'offre de lait. Nous
pouvons expliquer la faible élasticité de l'offre de lait par
l'effet pratiquement insignifiant à court terme d'une variation de prix
sur le nombre de vaches laitières dû aux contraintes naturelles.
-----------------------------------------------------------------
1 La moyenne des prix est calculée comme
moyenne de toutes les régions. Elle est plus élevée que le
prix mondial, qui peut être identifié comme le prix le plus bas
(par exemple celui de la Nouvelle-Zélande).
2 La Nouvelle-Zélande ne soutient pas le
prix de produits laitiers ; nous pouvons donc considérer ces prix
comme reflétant les prix mondiaux
Cependant, les effets du libre échange varient selon
les régions. L'UE est fortement affectée par ce scénario.
Cela est dû à une large utilisation des quotas d'importation et
des droits de douanes associés et des subventions aux exportations. Le
prix du lait à la ferme baisse de 25,8%.
En plus, le prix de la caséine augmente
considérablement (14%). L'on explique cela par le fait que le
marché de la caséine n'est pas protégé dans l'UE
comme dans la plupart des autres pays. En outre, la production de lait de l'UE
diminue seulement de 3,7%. Nous expliquons cela par le fait que les quotas de
production (inclus dans le scénario de BASE) limitaient
déjà la production de lait. En d'autres termes,
l'élimination de ces quotas amortit les effets de la
libéralisation des marchés laitiers.
Nous pouvons dire en outre, qu'une grande partie de la
baisse des prix de lait dans l'UE peut être attribuée à la
suppression de la rente de quota de production. En effet, la diminution du prix
du lait de l'UE est due presque entièrement à une diminution des
rentes associées aux quotas de production. Cela suggère donc que
si l'on exclut les rentes de quota, la libéralisation des marchés
n'aurait pas de très grands effets sur le coût marginal de
production laitière en Europe.
Par contre, le secteur laitier en Nouvelle-Zélande
bénéficierait le plus d'une politique de libre
échange ; le prix du lait a la ferme augmente de 50,8%. Cela
reflète le coût de production moins élevé dans cette
région.
§ Les effets économiques de la
libéralisation des marchés sur le bien-être
Le tableau 2-3 de l'Annexe 2 présente les effets des
scénarios GATT 2000 et Libre échange sur le bien-être des
agents économiques. Comme espéré, la libéralisation
des marchés bénéficie aux consommateurs (qui, en moyenne,
payent moins pour les produits laitiers) et aux contribuables ; ceci se
fait aux détriments des producteurs laitiers (qui, en moyenne,
bénéficient de la politique laitière courante).
Ainsi, au niveau mondial, le scénario GATT 2000 montre
un gain de bien-être pour les consommateurs (2 milliards $US), pour les
contribuables (0,8 milliards $US) et une perte de bien-être pour les
producteurs (2,4 milliards $US). Ce scénario implique une baisse de
bénéfices des producteurs UE d'environ 3 milliards $US. Une
politique de Libre échange implique une diminution plus importante des
bénéfices des producteurs laitiers au niveau mondial de 10
milliards $US (dont une réduction de 14 milliards $US pour l'UE). Comme
expliqué plus haut, une grande partie de cette diminution serait due
à l'élimination des rentes du quotas de production dans l'UE.
Sous le scénario libre échange, le gain du
bien-être des différents agents économiques varie dans le
même sens que dans le scénario GATT2000 précédent
mais avec une ampleur plus grande. Le gain net dans le scénario GATT2000
est positif et représente seulement 18% du gain net dans le cas Libre
échange. Ces résultats montrent que les négociations de
l'AAUR ne représentent qu'un petit pas vers la libéralisation des
échanges.
Les effets du libre échange sur le bien-être
diffèrent selon les pays. Les producteurs de l'UE subissent une perte de
bien-être pendant qu'en Europe de l'Est et en Nouvelle-Zélande par
exemple, les producteurs sont bénéficiaires. Cela reflète
dans une large mesure l'avantage comparatif dans la production de lait à
travers les pays.
2.1.4. Le prolongement de l'étude
Cox and al (1999), dans une suite logique de
l'étude précédente de Zhu et al (op. cit.)
rajoutent des scénarios intermédiaires de libéralisation
entre l'application pleine des engagements pris lors de l'AAUR
(c'est-à-dire les variables des politiques de soutien intérieur
et des politiques aux frontières sont à leurs niveaux maximaux
2000 prévus par l'AAUR) et la libéralisation complète des
échanges. Ensuite ils analysent les effets de ces scénarios sur
le marché laitier mondial.
Deux raisons fondamentales ont motivé l'étude de
Cox et al (op. cit.) ; la première est que le prochain
cycle des négociations sur les échanges commerciaux impliquera
forcément des scénarios intermédiaires entre l'AAUR et le
Libre échange. La deuxième est qu'il serait important d'examiner
séparément et en interaction les effets de chaque instrument de
politique commerciale (augmentation des TRQs, réduction des droits de
douanes et réductions des subventions aux exportations) sur le
bien-être des agents économiques et sur les échanges
mondiaux. De telles analyses pourraient guider les négociateurs vers les
priorités et les choix à faire pendant les futurs cycles de
négociation.
Pour ce faire, les auteurs utilisent le même
modèle UW-Madison du secteur laitier pour simuler les impacts
régionaux d'une reconduction des engagements laitiers de l'AAUR de 1995
jusqu'à 2005.
§ Scénario de simulation
Les différents scénarios : BASE
(scénario de base), GATT2000 (appelé ici scénario
1) et Libre Echange (appelé ici scénario 7) sont
les mêmes que dans l'étude précédente. Cependant le
scénario 7 à une horizon 2005. Les scénarios
intermédiaires inclus par Cox et al (op. cit.)
représentent les effets des négociations GATT/OMC pour
l'année 2005 (GATT2005). Ces scénarios correspondent à une
extension « linéaire » de la réduction des
droits de douane et de l'augmentation des quotas de GATT2000 pour cinq
années supplémentaires :
- le scénario 2 : GATT
2005/T (GATT2000 avec uniquement une réduction linéaire des
droits de douanes).
- le scénario 3 : GATT
2005/Q (GATT2000 avec uniquement une augmentation linéaire des
quotas d'importation).
- le scénario 4 : GATT
2005/TQ (GATT2000 avec un changement linéaire des tarifs aussi bien
que des quotas d'importation).
- le scénario 5 : GATT 2005/S (GATT2000
avec uniquement une réduction linéaire des subventions aux
exportations).
- le scénario 6 : GATT 2005/Tout
(GATT2000 avec changement linéaire des quotas et des tarifs
d'importation aussi bien que des subventions aux exportations)
Il faut préciser que les scénarios 1 à 6
ne modifient pas les instruments de soutien sur les marchés internes
(par exemple pas de changement de quotas de production, de soutien des prix en
Europe).
§ Analyse des effets des scénarios de
libéralisation intermédiaires sur le marché de lait
L'analyse des tableaux 3-1, 3-2 et 3-3 de l'Annexe 3 montre
que L'UE est plus sensible aux variations des subventions aux exportations
qu'aux variations de droits de douanes ou de quotas d'importation. En effet le
scénario GATT2005/S double les impacts sur les producteurs de l'UE par
rapport au scénario GATT2000 (-12,2% contre -5,5% de variation des
prix du lait ; 6,6 milliards US$ contre 3 milliards US$ de baisse de
surplus du producteur ; 5,9 milliards US$ contre 2,5 milliards US$
d'augmentation du surplus de consommateur). Par contre, GATT 2005/Q
génère moins d'impact que le scénario GATT 2005/T (sur le
prix du lait, le surplus des producteurs et le surplus des consommateurs).
Nous pouvons expliquer ces résultats d'une part par la
dominance de l'UE au niveau des quantités d'exportations
subventionnées allouées et d'autre part par le compromis entre
l'augmentation de l'accès au marché intérieur (via les
quotas) et la diminution des tarifs douaniers. Si l'accroissement des quotas
d'importations génère moins de pertes que la réduction des
tarifs, alors l'UE est plus sensible à une réduction
additionnelle des tarifs qu'à une augmentation de quota
d'importation.
Le scénario combiné (scénario GATT
2005/TQ), c'est-à-dire la réduction des tarifs et l'augmentation
des quotas importation donnent des résultats plus importants que l'un ou
l'autre pris séparément mais ne sont pas additifs. Cela montre
l'interaction des deux instruments.
En outre, le scénario GATT/TQ génère une
perte moins importante de surplus des producteurs que le scénario GATT/S
aussi bien au niveau agrégé qu'au niveau européen ;
le scénario GATT/Tout génère donc des impacts non
additifs. Cela reflète en grande partie la compensation des impacts de
la réduction des subventions aux exportations (qui tend à
augmenter les prix mondiaux) et l'augmentation de l'accès au
marché intérieur via tarifs/quota d'importation (qui tend
à baisser les prix mondiaux). Ces résultats indiquent que les
exportateurs de produits laitiers à faibles coûts d'exportation
préfèreraient une réduction des exportations
subventionnées tandis que d'autres pays comme l'UE
préfèreraient l'augmentation de l'accès à travers
la libéralisation des tarifs/quotas d'importation lors des prochaines
négociations.
En moyenne, en comparant les scénarios 1 (GATT2000) et
6 (GATT2005/Tout), les effets de GATT2000 sont à peu près la
moitié des effets de GATT2005/Tout. La comparaison des scénarios
1, 6 et 7 montre que le scénario GATT2005/tout nous place à
mi-chemin entre la situation de base et une situation de libre échange.
Ceci montre comment la politique laitière du GATT a
déplacé le secteur laitier vers une économie de
marché. Ainsi, les accords du GATT2000 représentent à peu
près le quart du chemin vers la libéralisation totale des
échanges dans le secteur laitiers mondial.
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