L'Union européenne et Chypre: autopsie d'un succès inachevé( Télécharger le fichier original )par Meriem JAMMALI Université Paris IV Sorbonne - Master Enjeux, conflits, systèmes internatinaux à l'époque moderne et contemporaine 2006 |
6. Le miracle économiqueL'économie est un atout de plus en faveur de l'intégration. La promotion de l'économie de marché semble être l'un des dénominateurs communs à tous les Etats membres de l'UE. L'avis favorable de la Commission en acceptant la candidature chypriote n'impliquait pas immédiatement l'intégration de Chypre. Cependant, il favorisait un début de négociation dont les pays membres sont les seuls décideurs. Cette période visait aussi à tester la capacité de Chypre à adopter l'acquis communautaire86(*). Chypre est incontestablement un cas singulier au centre de la Méditerranée. Paradis fiscal contesté, elle n'en demeure pas moins l'un des meilleurs élèves dans le club européen, car elle offre depuis quelques années une économie saine et prospère dans une zone géographique quelque peu troublée. Elle a réajusté son système de sociétés d'off-shore dans le cadre des réformes imposées par l'Union européenne. Fraîchement indépendante, la République de Chypre a hérité de la Couronne britannique une économie périclitée. Cependant, cette décadence n'a pas empêché le gouvernement chypriote de mettre en place des réformes économiques et sociales. Ces réformes étaient destinées en premier abord à aider les réfugiés. L'économie, bouleversée par le conflit (la zone agricole la plus riche, avec Famagouste, est sous contrôle turc), repose surtout sur l'agriculture de la plaine centrale (céréales, vigne, fruits, agrumes et coton), et l'extraction de minerais de fer (pyrite), de cuivre, d'amiante et de chrome. Il existait une petite industrie de transformation (textiles, cigarettes, ciment, raffinage du pétrole). Après l'invasion turque et la division de facto de l'île en deux parties, le Sud, contrairement à la partie Nord habitée par les Turcs s'est remarquablement adapté à la situation et les 160.000 réfugiés chypriotes grecs se sont intégrés facilement. Depuis le début des années 1980 un renversement s'est opéré, et le Sud grec jouit désormais d'une économie florissante alors que le Nord s'enfonce dans la récession. Le climat, les sites pittoresques, les belles plages, de nombreux vestiges antiques et des monuments médiévaux font que le sud de l'île, doté d'un bon équipement hôtelier, devient une importante région touristique87(*). L'aéroport de Nicosie, toujours sous contrôle de l'ONU, a été remplacé par Larnaca. Paphos et Limassol ont bien développé leurs infrastructures afin d'accueillir les flux de touristes. Ainsi, deux millions de touristes par an, en majorité britanniques et scandinaves, permettent une rentrée de devises de l'ordre de 1à 5 milliards de dollars. Les services comptent aussi beaucoup dans le bilan économique : dépenses des contingents militaires étrangers, revenus de la flotte battant pavillon chypriote (2.400 navires et 23 millions de tonnes), sociétés étrangères offshore, opérations de transit à destination des pays proche-orientauxont. La diaspora chypriote (500.000 personnes) en Grande Bretagne, dans les pays du Commonwealth ou en Amérique du Nord contribue également par ses capitaux à l'essor économique de l'île. Les Chypriotes grecs ont un revenu par tête d'habitant supérieur à ceux de la Grèce et du Portugal, pays qui ont tous rejoint la Communauté dans les années 80. De ce fait, la partie du Sud, habitée par les Chypriotes grecs, répondait bien à la plupart des critères exigés pour rejoindre l'Union européenne et même pour passer à la monnaie unique (adhésion prévue pour 2008). C'est dans ce contexte que Chypre avait formulé sa demande d'adhésion à l'Union européenne qui a fait l'objet d'une acceptation de principe, mais sous la réserve du règlement préalable de son conflit intercommunautaire interne. Grâce à la pression du « frère grec », cette clause a été bannie des conditions d'adhésion.
* 86 Press and Information Office of the Republic of Cyprus, European Stand on the Cyprus Problem, Nicosia, Cyprus, 2003, p. 63. * 87 Il importe de souligner qu'aujourd'hui, Chypre subit la concurrence des autres pays méditerranéens dont l'activité touristique constitue le pilier de l'économie nationale tels que la Tunisie, le Maroc, la Turquie ou l'Egypte. Les infrastructures touristiques chypriotes peinent à se moderniser et proposer des prix compétitifs. |
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