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 MEMOIRE DE FIN D'ETUDES 
Florent MACHABERT 
  
Acteurs et enjeux 
de la formalisation économique dans la lutte contre la
pauvreté 
dans le monde 
  
Management culturel & solidaire - Promotion Novembre 2007 
PLAN D'ETUDE 
INTRODUCTION A LA PROBLEMATIQUE 
* 
*   * 
CHAPITRE PREMIER 
LA POLITIQUE FRANÇAISE DE MICROFINANCE : 
PANORAMA MONDIAL & DIAGNOSTIC DE FONCTIONNEMENT 
A. LA MAINMISE DE L'ETAT SUR LES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE 
) La nature informelle et précaire de l'intervention des
IMF 
) L'omniprésente tutelle de l'Etat français 
B. LE RELAIS CROISSANT DU SECTEUR FORMEL ET DE SES METHODES 
) L'indispensable entrée en matière des banques
commerciales 
) La redistribution des rôles entre tous les acteurs 
* 
*   * 
CHAPITRE SECOND 
L'AIDE AU DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE : 
DU RIDEAU DE FUMEE AUX CHOIX D'AVENIR 
A. 60 ANS DE POLITIQUES D'AIDE AU DEVELOPPEMENT 
) Des trois méthodes dirigistes et anticapitalistes... 
) ...au timide retour de l'approche libérale 
B. LE PREALABLE INSTITUTIONNEL A TOUT DEVELOPPEMENT 
) Liberté, égalité, capitalisme 
) L'urgente réforme juridique des pays en
développement 
* 
*   * 
CONCLUSION DU MEMOIRE 
Page 2 sur 47 - Florent MACHABERT - Mémoire de fin
d'études 
INTRODUCTION
T 
ant  dans  les  pays  en  développement  que  dans  les
 pays  développés,  un  système financier 
diversifié  et  performant  constitue  l'une  des  conditions 
essentielles  de  la croissance. 
A côté des débats d'actualité produits
par la démocratie d'opinion qui prend peu à peu conscience des
mutations qui la menaceront dans un avenir proche si rien n'est 
fait - recyclage des déchets, nécessité de
développer des moyens de transports propres et 
les ENR (ENergies Renouvelables), question de la labellisation
des produits alimentaires dont  ceux  issus  de  l'agriculture  biologique, 
développement  du  commerce  équitable  ou encore urgence des
besoins en services de proximité à la personne et aux territoires
- on trouve également celui, tout aussi prégnant, de la finance
éthique ou de la finance solidaire, selon que l'on retienne
respectivement la dénomination anglo-saxonne ou latine. 
On assiste en effet depuis la fin des années 80 - la chute
du communisme dans les faits - au boom de l'économie informelle qui se
met tant au service de l'action humanitaire 
qui bourgeonne depuis la fin des années 60 sous les
traits du « sans-frontiérisme » qu'on impute à raison
à l'épisode du Biafra, qu'à celui du développement
des premiers filets de sécurité financiers à destination
des plus pauvres de la planète. Le bras armé de ce double
mouvement de solidarité humaine et économique prend
immédiatement le visage de l'ONG (Organisation Non Gouvernementale) et
du processus d'influence. En 1992, la Conférence 
de Rio confie officiellement aux ONG un Agenda 21, inspiré
de celui qu'elle impose aussi aux Etats, aux collectivités locales et
aux entreprises. 
Ainsi admet-on que trois principaux outils de solidarité
financière ont été développés 
en  près  de  20  ans,  depuis  que  le  bien 
nommé  banquier  des  pauvres,  le  Bangladais Muhammad  Yunus, 
ministre  des  finances  de  son  pays  dans  les  années  70,  a 
fondé  la Grameen   Bank   pour   les   villages   situés  
autour   de   l'université   de   Chittagong,   en reconnaissance de
laquelle il a reçu le 10 décembre dernier à Oslo le prix
Nobel de la Paix 
2006 : 
  d'abord, I'opportunité pour Ia popuIation
bancarisée du Nord d'affecter voIontairement  Ie  produit  de  son 
épargne  à  des  projets  à  caractère  soIidaire 
au bénéfice du monde en déveIoppement, 
  ensuite, Ia possibiIité pour Ies cIients des banques des
pays déveIoppés de renoncer 
à  Ia  rémunération  de  Ieur 
épargne  qui  viendra  abonder  un  fonds  soIidaire  de
déveIoppement des pays pauvres, 
  enfin, Ia naissance de Ia microfinance dans Ie Sud,
historiquement sous Ia forme de 
Ia sécurisation de I'épargne des pauvres, qui
évoIue ensuite vers une muItipIicité de produits et de services,
parmi IesqueIs figurent Ie microcrédit, Ie microfinancement (de
microentreprises) et Ie chantier actueI d'une microassurance. 
Conçue  pour  tenter  de  rétabIir  une 
situation  d'équité  partout  dans  Ie  monde  en permettant  aux
 pIus  pauvres  d'accéder  à  des  services  financiers 
indispensabIes,  Ia microfinance doit toutefois veiIIer à demeurer une
approche purement capitaIiste et non une démarche seuIement aItruiste
qui Iui ôterait tout espoir de pérennité : c'est Ià
Ia seuIe façon 
de  consoIider  son  caractère  de  finance  durable, 
comme  Ie  rappeIIent  d'abord  Yunus  Iui- même : 
Grameen  literally  runs  after  poor  women  who  are 
terribly  alarmed  at  the  very suggestion of borrowing money from the bank,
do not have any business experience whatsoever, may never have touched paper
money in their lives, and never dared to think  about  running  a  business  of
 their  own.  Grameen  tries  to  convince  them  that they  can  successfully 
run  a  business  and  make  money.  [...]  Handouts  take  away initiatives
from people. Human beings thrive on challenges not on
palliatives.1 
puis I'ex-président de Ia Banque MondiaIe, James D.
WoIfensohn, en 1996 : 
Microcredit  programs  have  brought  the  vibrancy  of  the 
market  economy  to  the poorest villages and people of the world. This
business approach to the alleviation of poverty  has  allowed  millions  of 
individuals  to  work  their  way  out  of  poverty  with 
dignity.2 
1  Muhammad Yunus, The Grameen Bank Story :
Microlending for Economic Development, DoIIars and Sense, n°212
(JuiIIet-Août 1997), Infotrac Database, A19807547 
2  James D. WoIfensohn, cité dans Masters of
Illusion : The Word Bank and the Poverty of Nations (1996) par 
Catherine  CaufieId,  section  «Poverty  and  the  StruggIe 
to  overcome  It»,  sous-section  «Foreign  Aid,  PubIic 
WeIfare Programs, and the Poorest» 
et enfin I'ex-secrétaire de I'ONU (Organisation des
Nations Unies), Kofi Annan, Ie 12 février 
2000, à Bangkok (CF. ANNEXE 1) : 
Les  principaux  perdants  dans  le  monde  très 
inégalitaire  d'aujourd'hui  ne  sont  pas ceux qui sont trop
exposés à la mondialisation. Ce sont ceux qui en sont exclus.
3 
S'iI  était  encore  besoin,  on  s'aperçoit 
donc  que  Ie  pIus  puissant  moteur  contre I'excIusion, que Ia chance des
pIus pauvres, demeure Ie capitaIisme. A partir des données
internationaIes  Ies  pIus  soIides,  on  peut  affirmer  avec  Johan  Norberg 
que  « la  pauvreté dans le monde a plus diminué au cours
des 50 dernières années que pendant les 500 ans 
qui   les   ont   précédées »,  
pendant   que   dans   Ie   même   temps,   I'espérance   de  
vie, I'améIioration de Ia santé, Ia diminution de Ia faim dans Ie
monde progressent. 
NatureIIement,  iI  y  a  encore  trop  de  misère,  trop 
de  pauvreté  ou  de  situations  de dénuement extrême.
Mais opposer Ie miracIe Est asiatique Iié à I'ouverture des
marchés, à 
Ia Iiberté économique et au droit de
propriété au bourbier africain, ceIui d'un continent où 
Ies entrepreneurs ne vont pas, mais où Ie pIus souvent des
régimes despotiques fabriquent 
Ia pauvreté et Ia famine, conduit immanquabIement à
comprendre que c'est Ia conversion 
de I'ensembIe des pans de I'économie informeIIe en marge
de Ia IibéraIisation économique 
en économie formeIIe (ceIIe des entreprises du secteur
privé) qui seuIe peut permettre aux pIus  indigents  de  Ia 
pIanète  de  sortir  de  Ia  spiraIe  infernaIe.  C'est  pourquoi  Ie 
présent 
rapport se veut à Ia fois OUTIL D'ANALYSE ET FORCE DE
PROPOSITION. 
Corrélation positive entre 
LES 
DUNES DU TEMPS. 
Surprenante saison 
à qui saurait y croire 
Quand débarquent en chantant l'antre et le violon 
Je ne saurai jamais à quelle ombre me fier 
sans crainte du retour 
et des haleines de frissons 
Entrent alors dans le centre 
  
PNB/hab. et bancarisation 
3  Cité par Johan Norberg, dans Plaidoyer pour
la mondialisation capitaliste (2003) 
CHAPITRE PREMIER
LA POLITIQUE FRANÇAISE DE MICROFINANCE :
PANORAMA MONDIAL
& DIAGNOSTIC DE FONCTIONNEMENT
- DOUBLE PREAMBULE TECHNIQUE & HISTORIQUE - 
Afin  d'avoir  une  appréhension  globale  des 
mécanismes  et  de  l'évolution  de  la microfinance  depuis  ses
 débuts  jusqu'a  aujourd'hui,  une  brève  introduction 
technique  et 
historique trouve ici sa place. 
* 
* * 
2D'un point de vue technique,  les  quelques  chiffres 
suivants  donnent  une  idée précise  a la fois  du
fonctionnement  traditionnel,  du potentiel et de la  pénétration
dans  le Tiers Monde du microcrédit, pratique la plus courante de la
microfinance. 
 On retiendra 6 données sur le microcrédit : 
  le montant des sommes prêtées est faible,
c'est-a-dire inférieur a celui qui intéresse les banques
traditionnelles du Nord - la fourchette s'étend de 10 € à 5
000 € 
0 le taux d'intOrOt 4  se doit d'être
élevé, en moyenne 10% mensuel 
0 l'OchOance du microprêt est brève pour compenser
les taux, 11 mois en moyenne 
0 le taux de retour est équivalent a celui des prêts
classiques, de l'ordre de 98% 
0 le dO/ai d'obtention du microprêt est très bref,
quelques jours au maximum. 
0 en terme de caution, aucune garantie réelle n'est
exigée pour bénéficier d'un microprêt 
 Sur le front de l'efficacité pratique, 3 faits sont
éloquents : 
   pour  les  pays  qui  disposent  a  la  fois  de 
structures  de  microfinance  et  de  sociétés  de capital-risque
(de type CIGALES5  en France), le microcrOdit couvre
généralement 1/3 des besoins de financement contre les 2/3
assurés par les capitaux-risqueurs 
0 on estime qu'avec des microprêts annuels de 60€ on
éradiquerait 25% de la misère dans 
le monde, soit près de 250 millions de
personnes6 
0 60 millions de pauvres dans le monde bOnOficient aujourd'hui du
microcrédit, dont près 
de 10% grâce aux activités de la seule Grameen Bank
- les objectifs officie/s ont été fixés 
en 2005 a 600 millions de bénéficiaires a l'horizon
20157 
2D'un point de vue historique,  il  est bon de  rappeler 
que le microcrédit n'est pas une  invention  récente,  puisqu'il 
existe  depuis  plusieurs  siècles,  sous  la  forme  de  la 
4  Cet élément fait l'objet d'un
développement plus complet dans la section B. du présent
chapitre. 
5  Clubs d'Investisseurs pour une Gestion Alternative
et Locale de l'Epargne Solidaire 
6  On étudiera les ressorts pernicieux de ce
genre de logique dans le Chapitre Second. 
7  Chiffres formulés le 20/06/2005 lors de la
Conférence internationale de Paris sur la microfinance 
pratique ancestrale des susus au Ghana, des chit funds en
Inde, des tandas au Mexique, des  cheetu  au  Sri  Lanka,  des  merry-go-rounds
 au  Kenya,  des  tontines  dans  les  pays d'Afrique de l'Ouest, des pasanaku
en Bolivie ou encore des arisan en Indonésie. 
De la même façon, il y eut Lorenzo Tonti8 
appelé en France en 1653 par Mazarin, puis  Jonathan  Swift  a 
qui  l'on  doit,  a  l'aube  du  XVIIIe,  le  développement 
d'un  système mutuel de crédit dont allait bientôt
bénéficier près de 20% de la population irlandaise au
milieu du XIXe. C'est a cette époque et jusqu'a la fin du
XIXe  que d'autres mécanismes de 
la  « finance  sociale » voient  le  jour,  d'abord
en  1870,  en  Allemagne,  sous  l'impulsion  de Friedrich Wilhelm Raiffeisen
qui met au point des services a destination de la population et des petits
entrepreneurs ruraux, puis très vite en Indonésie, où voit
le jour en 1895 la BPR (Bank  Perkreditan  Rakyat)  devenue  depuis  la 
puissante  BRI  (Bank  Rakyat  d'Indonésie). Ces premiers balbutiements
de la microfinance se propagent ensuite en Amérique Latine 
sous forme d'investissements (début du XXe)
dégénérant peu a peu en étatisme forcené 
(milieu du XXe). 
Les années 70 sont ensuite celles de
l'expérimentation qui conduiront peu a peu a la naissance de structures
informelles de plus en plus spécialisées : c'est
l'émergence des IMF (Institutions de MicroFinance), dont
l'évolution dans les années 80 et 90 a permis le passage  de  la 
seule  offre  de  microcrédit  a  une microfinance  multiforme.  C'est 
l'aventure qu'ont ainsi suivie la Grameen Bank dès 1983 au Bangladesh
(dont la création, pionnière 
en la matière, a ensuite motivé celle d'autres
établissements bangladais : la BRAC, l'ASA 
ou l'influent centre pour le développement humain :
Proshika), mais également l'Inde dès 
1972  avec  une  banque  coopérative  (la  SEWAB pour 
Self-Employed  Women  Association 
Bank), le Brésil (avec Accion International) qui inspirera
la création de Bancosol dès 1992 
en Bolivie. 
Des  structures  analogues  voient  également  le  jour
 aux  Etats-Unis  et  même  en Afrique,  où 
l'intermédiation  financière  qu'assurent  les  IMF  se  mesure 
très  concrètement depuis  une  quinzaine  d'années, 
comme  le  prouve  le  graphique  page  10,  qui  montre  en substance que
l'Afrique financièrement « intermédiée »
contracte en valeur près de 6 fois 
plus d'emprunts que le reste du continent. Celle-la compte
environ 60 000 épargnants (et le 
8  Il donnera son nom a la pratique africaine des
tontines. 
montant  total  des  dépôts  atteint  ainsi  10 
millions  US$)  tandis  que  celle-ci  n'en  compte 
quasiment pas. 
  
A. LA MAINMISE DE L'ETAT SUR LES INSTITUTIONS DE
MICROFINANCE
) La nature informe//e et prOcaire de /'intervention des IMF 
La  caractéristique  des  institutions  de 
microfinance  est  l'extraordinaire  multiplicité  des formes sous
lesquelles elles se sont constituées et qui reflète bien
l'éventail des missions financières qu'elles se voient confier a
travers le  monde : car entendons-nous bien, elles sont le plus souvent le bras
armé et l'outil de terrain des politiques de développement des
pays du Nord dont elles ont la nationalité. Aussi peut-on établir
la typologie suivante des IMF, en rejoignant les conventions internationales de
l'ONUAA (Organisation des Nations Unies  pour  l'Alimentation  et 
l'Agriculture)  qui  invitent  a  distinguer  les  secteurs  formel (encore 
très  peu  prOsent  en  microfinance),  informel  (prOdominant)  et 
semi-formel  (très 
reprOsentO Oga/ement). 
| 
 SECTEUR FORMEL 
 | 
 SECTEUR INFORMEL 
 | 
 SECTEUR SEMI-FORMEL 
 | 
 
| 
 Banque centrale 
Banque commerciale 
Banque rurale Banque postale Banque coopérative 
Banque privée de développement Banque d'Etat de
développement Institution non bancaire 
Société de BTP Fonds de pension 
Compagnie d'assurance 
Marché actions & obligataire 
 | 
 Association d'épargne 
Association combinée : ROSCA9 
Sociétés financières informelles : 
-  « banquier indigène » 
-  compagnie financière 
-  sociOtO d'investissement Groupe d'entraide officieux
Prêteur individuel a gage : 
-  commercia/ 
-  amis, fami//e et voisins 
Commerçant-usurier 
ONG 
 | 
 Coopérative d'épargne 
Coopérative de crédit 
Mutuelle 
Syndicat 
Banque popu/aire Coopérative quasi-banque Fonds
d'épargne salariale Projets de développement 
Groupe d'entraide auto-enregistré Association
d'épargne Coopérative multiservices 
ONG 
 | 
 
  
Par définition, il est difficile d'évaluer le poids
en microfinance du secteur semi-formel, et 
encore   davantage   celui   des   IMF   informelles.  
Toutefois,   une   simple   observation   du fonctionnement de terrain des
pratiques de microcrédit permet de comprendre que, s'il est 
en effet exact que la plupart des tontines africaines et
modèles équivalents cités plus haut 
ont bel et bien évolué, ces structures se sont
au mieux organisées de façon semi-formelle mais sont le plus
souvent restées a un stade informel légèrement plus
avancé, qui n'en fait pas pour autant des établissements de
l'économie formelle. 
Certes, et nous en avons déja mentionné quelques
unes, il existe un certain nombre de petites et grandes banques privées,
formalisées comme peuvent l'être les grandes banques 
du Nord, mais cela demeure l'exception dans le domaine de la
microfinance. 
9  ROtating Savings and Credit Association, en vogue
en Afrique et au Pérou et reposant sur l'existence d'une garantie 
« informelle »  (adjectif  pris  ici  dans  le  sens  d'intangib/e, 
non  rOe//e) :  la  pression  sociale  (peer 
pressure) que fait reposer sur chaque membre l'ensemble des
épargnants et qui installe ainsi une « solidarité 
tournante » 
Par  I'observation  mais  sans  jamais  pouvoir  recourir  a  Ia 
statistique,  Ies  spéciaIistes  du produit « microcrédit
» connaissent Ia ventiIation des IMF sur Ie terrain. 
-  Le 1er  stade, auqueI se sont
arrêtés Ia pIupart des pays en déveIoppement, est ceIui de
I'économie totaIement informeIIe, dont Ie prototype est tripIe :
I'usurier, Ia ROSCA et Ie prêteur a gage. 
-  La  2e   phase,  dans  IaqueIIe  s'engagent 
certains  pays  déterminés  a  résoudre  Ieur 
probIème   de   pauvreté   pandémique,   est
  Ia   mise   en   oeuvre   d'un   Ient   processus d'institutionnaIisation des
structures informeIIes, soit sous Ia forme : 
  de Ia greffe exogène d'une « banque viIIageoise
» sur I'IMF souterraine - c'est Ie coeur 
du travaiI de FINCA ou, depuis 2002 des CVECA (Caisses
ViIIageoises d'Epargne et 
de  Crédit  Autogérées),  qui  ajoutent 
une  somme  conséquente  au  panier  d'épargne initiaI d'une
structure traditionneIIe (toujours une tontine d'Afrique de I'Ouest pour Ies
CVECA10),  récIamant,  en  échange  du  crédit 
pIus  fort  que  Ies  membres  pourront s'octroyer  mutueIIement,  Ie 
remboursement  du  montant  « misé »  a  I'issue  duqueI 
Ie 
« vi//age banking »11  devient une caisse
autogérée (en cas de défaut, c'est Ia banque 
qui supportera Ia perte), 
  d'un pIus rare mouvement endogène de formaIisation
progressive des IMF - c'est Ie cas des mutueIIes de crédit et des
coopératives (eIIes reposent sur Ie doubIe principe participatif d'un
droit d'entrée a I'adhésion octroyant Ie droit de vote et d'une
mise en commun de biens) qui peu a peu se convertissent en banques
coopératives, banques d'Etat, petites banques spéciaIisées
(a I'instar de  BancoSoI en BoIivie) voire grandes banques muItiservices (comme
Ia NBD-Egypte, NationaI Bank for DeveIopment). 
Par aiIIeurs et au-deIa du caractère informeI de
I'intervention des IMF dans Ies pays en déveIoppement,  ceIIe-ci  sembIe
 égaIement  très  précaire,  en  raison  de  deux 
principaux facteurs : 
-   une conception /atine du microcrOdit, basée sur Ie
crédit intuitu personae, c'est-a-dire un crédit a Ia personne
(dont Ia France est I'intemporeIIe partisane, du fait de son héritage 
juridique romano-germanique), qui, contrairement au crédit
angIo-saxon, empêche tout 
10    Ce modè/e, basO sur /'imp/ication et /a
proximitO, fait f/orès : (i) CVECA - Pays Dogon (MaIi) ; (ii) CVECA -
Office  du  Niger  et  1ère  Région  (MaIi),  CVECA  -  SISSILI 
et  SOUM  (Burkina  Faso  )  ;  (iii)  Associations 
d'Epargne et de Crédit Autogérées (AECA) -
Maravoay et « VoIa Mahasoa » - Moyen OniIahy (Madagascar ) ; 
(iv) Projet PiIote de Crédit RuraI
DécentraIisé - Cameroun ; (v) Caisses LocaIes d'Epargne et de
Crédit - Sao 
Tomé et Principe. 
11  Expression de John Hatch, fondateur de FINCA en
BoIivie, au début des années 80 
crédit a garantie, c'est-a-dire qu'il ne permet pas
l'hypothèque par exemple, qui dans la tradition  pré-capitaliste 
de  l'Europe  a  pourtant  constitué  un  outil  indispensable  a
l'artisanat et au commerce dans le lancement des activités
économiques (nous verrons dans le Chapitre second comment
remédier a cette conception dévoyée), 
-   l'exigeante  urgence  qu'il  y  a  a  satisfaire 
simultanément  les  5  conditions  d'un  accès équitable
aux produits de la microfinance : 
  vérifier que le client potentiel puisse accéder
financièrement aux produits 
0 veiller a ce que les IMF localement responsables
bénéficient de moyens financiers 
0 s'assurer le soutien financier de tiers-payeurs institutionnels
(banques, SCR12) 
0 faire en sorte que les IMF disposent sur le terrain de
compétences humaines 
0 organiser la double mobilité des acteurs de la
microfinance : 
W du Nord au Sud (problOmatique de gestion des ressources
humaines) 
W au sein d'un pays en développement donné
(missions de terrain) 
Aussi  s'aperçoit-on  nettement  que  l'intervention 
des  quelques  10  000  IMF  de  toutes économies (informelle et
semi-formelle) paraît fatalement très précaire, compte tenu
autant des deux facteurs mentionnés ci-dessus que de l'origine publique
d'une part écrasante des fonds  venant  abonder  leurs  caisses,  pour 
tenter  de  résoudre  le  problème  des  moyens financiers. C'est
donc sans surprise qu'on estime a 1% la part des IMF considérées
comme rentables, les 9900 restantes demeurant financièrement plus
dépendantes encore de l'aide publique au développement des pays
du Nord... dont la France. 
) L'omniprOsente tutelle de l'Etat français
A  côté  des  IMF  a  but  lucratif  (banques 
que  l'on  retrouve  -  sans  exclusive  toutefois  - davantage dans les
ex-pays communistes d'Europe de l'Est que dans les pays du Tiers- Monde), les
trois autres grandes catégories d'Institutions de MicroFinance se
trouvent être financièrement alimentées par des subsides,
entre autres de l'Etat français, la France ayant toujours  occupé
 une  place  singulièrement  importante  dans  l'aide  au 
développement, 
notamment en faveur du continent africain, pour lequel elle est
le 1er  pays du monde en 
terme d'aide publique. 
Se retrouvent donc financièrement accompagnées par
notre pays : 
12  Sociétés de Capital-Risque 
-  les IMF dites participatives (dont les ONG), 
-  les IMF mutualisOes (cas de l'Afrique de l'Ouest comme il est
dit supra), 
-  a  fortiori  les  IMF  gouvernementales  ou  OtatisOes  (comme
 les  CRC,  Coopératives 
Rurales de Chine). 
Cet  accompagnement  financier,  absolument  indispensable  a 
la  plupart  des  IMF  qui interviennent  partout  dans  le  monde,  repose  en
 France  sur  la  mobilisation  de  deux institutions d'importance
inégale : les services du Quai d'Orsay et l'AFD (Agence
Française 
de Développement, CF. ANNEXE 2), qui naturellement
collaborent. 
  
Concernant le MAE (Ministère des Affaires
Etrangères), ce sont les imposantes DGCID 
(Direction  Générale  de  la  Coopération 
Internationale  et  du  Développement)  sous  le patronage de Philippe
Etienne depuis janvier 2005 et DDCT (Direction du Développement 
et de la Coopération Technique) qui sont chargées
de l'allocation des enveloppes aux IMF. 
Source : MAE (DRH) - Contact : 20, rue Monsieur 75700 PARIS 
Plus particulièrement, la DDCT communique directement
avec une douzaine d'opOrateurs techniques qui  travaillent  sur  le  terrain 
tandis  que  c'est  la  MCNG  (Mission  pour  la Coopération 
Non-Gouvernementale)  qui  collabore,  comme  son  nom  l'indique,  avec  les
ONG présentes sur un théâtre. Concrètement, les
relations tissées par cette mission entre 
le MAE et les ONG depuis 1999 représentent 40 projets de
développement économique, rural autant qu'urbain, pour la somme
de 8,235 M€, soit un cofinancement de la France a 
hauteur de 30% de chacun de ces projets. La somme est
ridiculement petite, car 100% des 
ressources  publiques  des  266  ONG  et  associations  de 
volontaires  ont  la  même  origine : l'APD (Aide Publique au
Développement), qui les finance annuellement a hauteur de 71M€
(somme qui ne prend pas en compte les montants versés a la Commission
Européenne qui 
les redistribue aux ONG), et dont l'origine, la forme et la
ventilation géographique sont les 
suivantes : 
Origine de l'APD de la France versée aux ONG 
75,00% 
67,89% 
50,00% 
25,00% 
0,00% 
8,03% 
15,21% 
7,46% 
1,41% 
MAE : adm inis tration centrale 
MAE : pos tes a l'étranger 
collectivités locales 
AFD autres m inis tères 
Source unique : MAE (2003) 
Répartition des crédits accordés aux ONG 
La coopération non gouvernementale française 
Asie 
autres zones 
2,00% 
  
France 
Afrique hors 
commandes 
19% 
autre 
1% 
11,00% 
Maghreb & Moyen-Orient 
9,00% 
15,00% 
Maghreb 
46,00% 
subventions 
80% 
Europe hors 
UE 
4,00% 
Amérique Latine & Caraïbes 
13,00% 
Le  dernier  graphique  est  pour  nous  l'occasion  de  rappeler
 que  le  MAE  a  compétence 
discrétionnaire pour déterminer chaque année
sa ZSP (Zone de Solidarité Prioritaire), dont 
la plus récente disponible comprend : 
-  toute l'Afrique (pays les plus aidOs : Guinée :
0,87M€, Sénégal : 1,76M€, Mali : 1,80M€,
Burkina-Faso :  2,34M€,  Madagascar :  2,79M€),  sauf  la  Libye, 
l'Egypte,  la  Somalie,  la 
Zambie et le Botswana 
-  le   Proche   et   Moyen-Orient   a   travers   le   Liban,  
les   TAP   (Territoires   Autonomes 
Palestiniens, 1,20M€), l'Irak, l'Afghanistan et le
Yémen 
-  l'Asie du Sud-Est : le Laos, le Vietnam (1,30M€) et le
Cambodge (1,57M€) 
-  une   poignée   de   pays   de   l'ensemble  
Caraïbes-Pacifique   :   Cuba   (1,66M€),   Haïti 
(0,88M€), République Dominicaine, Surinam et
Vanuatu. 
Concernant a présent l'AFD, son action est venue se
substituer a celle des banques de développement, après le constat
d'échec que celles-ci ont elles-mêmes dressé, même si
le Conseil  de  l'Europe  a  maintenu  la  sienne  créée 
dès  1956 :  la  CEB  (la  Banque  de développement du Conseil de
l'Europe). Le parcours de l'AFD, fondée quant a elle en 1941 par le
Général de Gaulle, sous le nom de Caisse de la France Libre puis
Caisse Française 
de Développement, retrace au moins 20 ans de partenariat
entre la Coopération française 
et la Microfinance. 
Entre  1983  et  1991,  elle  accompagne  les  programmes 
d'expérimentation  de  nouvelles formes   d'intermédiation  
financière,   comme   la   mutation,   en   1989,   de   la   COOPEC
(COOPérative  d'Epargne  et  de  crédit  du  Congo-Brazzaville) 
en  MUCODEC,  le  statut  de MUtuelle   COngolaise   D'Epargne   et   de  
Crédit   permettant   d'atteindre   une   frange   de population
autrefois exclue des produits et services de la microfinance
coopérative. 
Entre 1991 et 1995, l'AFD se charge d'une double mission
semblant aller dans le bon sens, celui  de  la  formalisation  progressive  : 
d'abord,  assurer  la  pérennité  des  IMF,  c'est-a-dire leur
rentabilité, par la multiplication de partenariats multiformes entre
elles et les banques privées ; ensuite, davantage utiliser les NTIC
(Nouvelles Technologies d'Information et de Communication)  pour 
développer  les  nouveaux  produits  d'avenir  de  la  microfinance  (a
l'instar de la microassurance et de la protection sociale). 
Riche  de  la  conduite  de  près  de  390 
opérations  entre  1987  et  2004  pour  une  valeur  de 
390M€, l'Agence s'est résolument engagée au
service de l'OMD1, le 1er  Objectif Millénaire pour  le 
Développement :  la  réduction  significative  a  l'horizon  2015
 de  l'extrême  pauvreté dans le monde, et c'est en faveur de ce
chapitre qu'elle entend réformer le cadre informel dans lequel les IMF
évoluent aujourd'hui pour la plupart. 
Institution publique, l'AFD a donc ceci de paradoxal : elle
contribue au même titre que le MAE a alimenter la perfusion d'argent
public qui maintient en activité l'écrasante majorité des
IMF et ONG, tout en affirmant le plus souvent avec succès un cap clair
en faveur de la formalisation économique des acteurs du
développement. Parmi ses projets-phares, nous 
retiendrons : 
-  un  soutien  solide  a  la  crOation  d'IMF :  1,5  M  de 
bénéficiaires  directs,  6  a  7  M  de personnes touchées
indirectement via ces IMF, 
-  la  mise  en  oeuvre  innovante  d'une  facilitO 
d'investissement  en  microfinance,  sur subvention  d'Etat, qui  permet  de 
réaliser  des  investissements  en  fonds  propres  ou quasi fonds
propres dans des IMF, en création ou en cours de transformation, ou dans
des fonds d'investissement en microfinance - l'AFD s'est a cet égard
dotée de 20M€ en 
2004, devenus 230M€ pour l'année 2007, 
-  l'habituelle  aide  au  dOveloppement qu'elle  ne 
questionne  pas  :  54%  en  faveur  de l'Afrique subsaharienne, 31% en
direction des pays asiatiques, le reste se répartissant entre les
Caraïbes et les pays arabes, 
-  la tutelle qu'elle exerce sur les 2,165 M€ de budget
du PRAOC (Programme Régional d'Appui  aux  Opérations 
d'épargne  et  de  Crédit  décentralisé)  dont  le 
siège  se  situe  a Ouagadougou au Burkina Faso. 
Confortée  par  le  Rapport  d'information 
n°46  du  sénateur  Charasse  de  2005-2006  (CF. ANNEXES  3 
ET  4)  et  intitulé  Fonds  octroyOs  aux  organisations  non 
gouvernementales françaises  par  le  ministère  des  affaires 
Otrangères,  l'analyse  faite  ici  de  la  mainmise  de l'Etat sur le
fonctionnement des IMF conduit a relever cinq incohérences fortes : 
    le   cofinancement   public  des  IMF   en  
général   et   des   ONG   en   particulier  est insuffisamment
affichO : le logo du MAE ne figure pas sur tous les projets financés et
une ONG comme Coordination Sud - épinglée par la Cour des Comptes
- déclare 
un taux de 13% de subsides publiques contre 54% dans la
réalité - 
0  aucune des subventions publiques indirectes (locaux du Quai
d'Orsay loués a des 
ONG a des prix très en deça de ceux du
marché) n'est prise en compte dans la part 
de  cofinancement  public ;  s'y  ajoute  une  pratique  de 
survalorisation  des  apports autonomes des ONG afin de rehausser les apports
publics (plafonnés a 50%) - 
0   l'existence de « subventions gigognes » laisse
supposer que de l'argent public est parfois alloué sans connaître
le bénéficiaire - 
0  le MAE ne semble pas maîtriser la définition
de ses objectifs et de ses moyens : cela conduit a la coexistence d'une
contraignante dualitO d'objectifs entre la politique de coopération et
celle de développement de la France - 
0 il  existe  enfin  de  réelles  faiblesses  dans  le 
contrôle  de  gestion  de  la  DGCID  (qui 
délègue  a  des  opérateurs  la  gestion  de
 près  de  75%  de  ses  crédits) ;  de  plus 
s'impose le constat d'un suivi lacunaire des projets en cours de
la part de la MCNG (qui formule peu d'ordres de reversement des surplus et
n'édite aucune facture). 
Force est donc de constater que ces carences fortes qui
précarisent une économie déja souterraine plaident pour un
relais croissant du secteur formel et de ses méthodes. 
B. LE RELAIS CROISSANT DU SECTEUR FORMEL ET DE SES
METHODES
) L'indispensable entrOe en matière des banques de
dOpôt13  (CF. ANNEXE 5) 
Les  arguments  qui  plaident  pour  une  formalisation 
économique  des  IMF  -  on  entend aussi parler d'«
officialisation » (chez H. de Soto), de libéralisation ou, mieux,
de régulation 
- ne manquent donc pas. La question qui se pose a ce stade est
alors la suivante : a partir 
de  quand  les  IMF  doivent-elles  entreprendre  une  telle 
démarche ?  Deux  éléments  de réponse peuvent
être apportés immédiatement : 
-  dès l'instant où elles mobilisent les
dépôts de leurs clients, 
-  et dès lors qu'elles atteignent une taille critique a
partir de laquelle leur faillite aurait des conséquences qui
toucheraient bien plus que les seuls propriétaires et leurs clients. 
Par ailleurs, comme les fonds publics - nous l'avons vu - ne
peuvent suffire a répondre aux immenses besoins de financement d'une
demande potentielle de 3 milliards de micro- emprunteurs,   les bailleurs
doivent chaque jour davantage se concentrer sur le lancement des  IMF  et  sur 
les  moyens  d'appuyer,  auprès  du  secteur  financier  classique, 
celles  qui auront  fait  la  preuve  de  leur  rentabilité  et  de 
leur  viabilité.  Cette  tendance  forte  est heureusement  déja 
sur  les  rails  puisque  le  CGAP  (Groupe  Consultatif  d'Assistance  aux
Pauvres)  estime  que  l'épargne  représente  dès  a 
présent  environ  les  deux  tiers  des ressources totales des IMF (hors
ONG), le tiers restant se partageant entre les lignes de crédit  des 
banques  locales,  les  subventions,  les  prêts  et  les  prises  de 
participation  des organismes d'aide internationale. Eu égard a une
demande potentielle qui représente donc près  de  cinq  fois  le 
nombre  de  clients  actuels  de  la  microfinance  dans  le  monde,  la
révolution a l'oeuvre vise de façon évidente a «
changer d'Ochelle », comme l'a rappelé le Président Chirac
en 2005 lors de la Conférence internationale de Paris sur la
microfinance. Changer  d'échelle,  cela  signifie  avant  tout 
contribuer  a  élargir  considérablement  la 
gamme  de  produits  offerts  pour  passer  de  la  microfinance
a  ce  que  certains  appellent 
13  On désigne par ce terme
générique (commercial banks en anglais) les banques de
détail (retail banks) et 
les banques d'affaires. Seules ici les banques de détail
(particuliers et micro-entreprises) sont concernées. 
désormais la « livelihood finance ». Celle-ci
correspond tout simplement a un « package » 
financier comprenant : 
- de l'épargne (A), 
- du crédit a court et moyen terme(B), 
- de l'assurance (assurance vie, santé, etc.) (C), 
- des fonds et services managOriaux pour les infrastructures
(D), 
- des investissements dans la formation professionnelle (E), 
- le développement de services a l'agriculture et aux
marchés (F), 
- le développement de services sociaux appuyés par
des élus locaux (G). 
Cette  démarche  se  propose  en  effet 
d'évoluer  de  l'insuffisante  approche  minimaliste actuelle qui
regroupe les produits d'intermédiation financière (A, B, C) et
sociale (E) vers une meilleure approche  globale  et  intOgrOe, qui 
adjoindrait a  la  première des  services  et fonds  de 
développement  de  la  micro-entreprise  (D)  et  du  secteur  rural 
(F)  souvent condamné  a  essuyer  les  échecs  d'une 
première  implantation  locale  d'une  IMF  et  des services  sociaux 
(G)  dans  les  secteurs  de  l'éducation,  de  la  santé,  de 
la  nutrition  et  de l'alphabétisation. Mais cet élargissement
des compétences - indispensable a la pénétration des
offres de microfinance - doit nécessairement s'accompagner d'une
régulation et d'une formalisation des acteurs informels ou semi-formels
déja présents sur le terrain ainsi que d'un accroissement du
poids des banques de détail qui pourront ainsi imposer a tous leurs
méthodes, car l'objectif de durabilité de la « finance
solidaire » ne peut être atteint qu'en assurant la
pérennité, c'est-a-dire la rentabilité, de tous les
acteurs et spécialement de ceux 
qui se trouvent aujourd'hui en dehors de l'économie
formelle. 
Au-dela des banques de dépôt et banques d'Etat qui
sont naturellement amenées a jouer 
un  rôle  dominant  pour  imprimer  leur  culture  a 
l'économie  informelle,  ce  sont  les  SEP (Services d'Epargne
Postaux), les Mutuelles & Coopératives de Crédit et
même - on peut l'imaginer - certains points de vente, qui devront devenir
des institutions de microfinance (formelles) a part
entière14, en partenariat avec les banques déja sur
place ainsi portées a 
se  spécialiser  dans  l'offre  de  microfinance, 
celles-la  (hors  ONG)  cédant  peu  a  peu  leur place  a  celles-ci, 
dont  on  pourrait  imaginer  garantir  la  conversion,  voire  la  fusion 
IMF- banque et le démarrage a l'aide de subventions publiques qui
auraient ensuite vocation a disparaître  définitivement  du 
secteur.  On  considérera  ainsi  avec  intérêt  l'exemple 
d'une ONG de développement rural cambodgienne qui est devenue en 1998
une SFI florissante 
(Société Financière Internationale), la
Banque ACLEDA ou celui du partenariat ICICI Bank 
14  C'est ainsi qu'au Brésil on a vu se tisser
des liens sous forme de la joint-venture « Banco Postal » entre les
postes brésiliennes et le n°1 de la banque privée,
Bradesco. 
en  Inde  entre  la  banque  d'Etat  « Corporation  &
 Canara »  et  une  ONG  de  gestion  de produits d'épargne.
L'intégration au secteur formel a également pu prendre en Afrique
de l'Ouest  la  forme  d'une  fusion  réussie,  BIMAO  (Banque  des 
Institutions  Mutualisées d'Afrique de l'Ouest), entre le Crédit
Mutuel du Sénégal (725 caisses, 510 000 clients) et l'Union
Jemini du Mali (750 caisses, 610 000 clients). 
Changer  d'échelle   suppose   donc  d'adopter  un  
vrai  profil  de   banque   dédiée   à   la microfinance,
intégrée à l'économie formelle du pays
d'implantation, reposant sur l'emploi des régulations et méthodes
qui font la performance de l'économie bancaire privée. Parmi
elles, on peut citer sous réserve d'adaptation aux contraintes locales
de la microfinance s'il s'agit de filiales de banques européennes
s'installant   dans un pays en développement (à l'instar de
Deutsch Bank et de son « Global Commercial Microfinance Consortium »
mais aussi HSBC, Citigroup) ou de transposition sur le terrain lorsqu'il s'agit
de banques locales : 
-  concernant les rOgulations : 
   au niveau européen,  le CESR (Committee of European
Securities Regulators) 
   au niveau français,   l'AMF  (Autorité  des
Marchés  Financiers),  le CECEI-Banque 
de France (Comité des Etablissements de Crédit
et des Entreprises d'Investissement)  et  le  CRBF-Banque  de  France 
(Comité  de  la  Réglementation Bancaire et Financière) 
   la pratique, enfin, de la notation des institutions
bancaires, déjà active pour les IMF (on citera le Fonds de
Notation des IMF fondé conjointement par la BID - Banque
Interaméricaine  de  Développement  -  et  le  CGAP,  mais  aussi
 « PlaNet  Rating » branche de PlaNet Finance15, CF.
ANNEXE 6) 
-  concernant les mOthodes, on peut citer : 
   l'exigence pour le client de fournir une garantie
réelle pour se voir consentir un prêt 
   l'analyse de l'actif financier de l'emprunteur potentiel 
(Ces deux premiers OlOments sont des points dOlicats mais
capitaux en terme de viabilitO institutionnelle qui seront donc abordOs dans le
CHAPITRE SECOND) 
   l'évaluation du profil (y compris profil de risque) de
l'emprunteur 
   la mise en oeuvre d'une authentique stratégie
d'entreprise, incluant classiquement : 
o une vision pour impliquer le personnel dans la
réalisation d'un business plan - 
o des services financiers et logistiques susceptibles
d'être adaptés localement - 
o une bonne structure organisationnelle et une vraie politique de
GRH - 
o la standardisation opérationnelle des pratiques
comptables (audits, budgets)16  - 
15  Plate-forme de microfinance fondée en 1997
par Jacques Attali 
16  La NMBT (National Microfinance Bank of Tanzania)
s'est ainsi dotée d'une structure de contrôle des coûts. 
o le recours à des SI (Systèmes d'Information)
pertinents (usage des NTIC17) - 
o la mise en perspective du critère de durabilitO
financière, de suivi de rentabilitO. 
Le recours à ces habitudes bancaires pourrait en effet
permettre à bon nombre d'IMF de surmonter la plupart de leurs obstacles,
parmi lesquels : 
-  la nécessité de trouver un marché et
une demande puis de segmenter la population (entre  hommes  et  femmes, 
pauvres  et  ultrapauvres,  urbains  et  ruraux  et  selon  les religions,
castes et ethnies qui peuvent constituer un obstacle culturel), 
-  l'urgence à atteindre la taille critique qui laisse
espérer la rentabilité, 
-  le besoin de « proactivitO » dans la gestion
financière (lié à la question des liquidités), 
-  le  danger  qu'il  y  a  à  copier  aveuglément 
un  « business  model »  qui  marche  là-bas mais n'est
naturellement pas assuré de fonctionner aussi bien ici, 
-  l'indispensable  définition  de  critères  de 
gestion  des  micro-prêts  sur  le  modèle  du 
tableau indicatif suivant : 
| 
 CRITERES 
 | 
 AGRICULTURE 
 | 
 PRODUCTION 
 | 
 SERVICES 
 | 
 
| 
 Usage 
 | 
 BFR 
Actifs immobilisés 
 | 
 BFR, actifs immobilisés 
infrastructures 
 | 
 BFR 
Actifs immobilisés 
 | 
 
| 
 Terme 
 | 
 Saison agraire 
 | 
 De 6 mois à 5 ans 
 | 
 De 4 mois à 2 ans 
 | 
 
| 
 Montant 
 | 
 Minimum requis 
 | 
 Forfait moyen 
 | 
 Minimum requis 
 | 
 
  
En  effet,  l'enjeu  d'avenir  du  microcrédit  se  posant
 en  terme  de  changement  d'échelle, 
nous  pouvons  dresser cette  matrice  « avantages 
(+)/inconvOnients  (-)  de  l'accroissement 
du nombre d'acteurs dans le secteur de la microfinance »
: 
CHANGER D'ECHELLE 
partage d'information18 économies
d'échelle19 (`scale') économies de
portée20 (`scope') 
amoindrissement de la pression sociale21 
réduction de la part féminine de la
clientèle22 corruption et défaillance de
contractualisation23 hausse des coûts d'instruction et de
transaction19 
effet domino (risque en chaîne de non-recouvrement) plus
menaçant19 
(+) 
(-) 
17  Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication 
18  Evidemment asymétrique : des acteurs
historiques au profit des nouveaux entrants 
19  Mécaniquement, par accroissement du
portefeuille de clients 
20  A mécanismes identiques, accroissement de
la capacité de fourniture de services de microfinance 
21  En effet, la `peer pressure' règne entre
les membres de tout groupe de finance solidaire (tontine, etc.). 
22  Le nombre de femmes étant fini, vient un
moment où les hommes deviendront aussi clients (Ex. Afrique). 
23 Plus le nombre d'acteurs formels va
s'accroître, plus la déviance vers le centralisme peut
survenir. 
) La redistribution des rôles entre tous les acteurs 
A l'issue de cet examen critique du rôle, sur le terrain de
la microfinance, des IMF (dont 
les  ONG)  et  des  banques  traditionnelles  d'Etat  ou  du 
secteur  privé,  nous  avons  dégagé que,   pour atteindre
l'objectif du changement d'échelle et ainsi permettre chaque
année à davantage  de  clients  potentiels  de  devenir  des 
clients  authentiques  et  à  part  entière  qui verront leur
niveau de vie s'améliorer tout en assurant graduellement la
pérennisation des outils  et  acteurs  de  la  microfinance,  la 
méthode  requise  est  celle  de  la  formalisation économique 
qui  -  et  le  CHAPITRE  SECOND  viendra  compléter  cette 
définition  -  invite  au recours à la méthodologie, aux
moyens de régulation et aux acteurs du secteur privé pour assurer
la durabilité financière des acteurs autant actuels que futurs,
qui doivent tous sans exception, à l'avenir, faire intégralement
partie de l'économie formelle. 
Nous  avons  également  dégagé 
l'idée  de  « banque  de  microfinance »  (qui  existe 
déjà dans certains pays en développement),
dédiée, comme son nom l'indique, au secteur de la finance
éthique ou solidaire : cette mutation d'avenir concerne à la fois
les établissements formels dès lors qu'ils seront prêts
à repenser leur culture bancaire, c'est-à-dire à voir
sous 
un autre angle les notions impératives de volume et de
profit. Sur l'exemple du volume, le nombre  potentiel  de  clients  peut 
laisser  rêveurs  les  plus  grands  investisseurs  du  monde entier, le
problème de la répétition liée à l'octroi de
très nombreux microprêts (occasionnant des coûts
d'instruction et de transaction élevés24) pouvant
être résolu par un système de cartes à puce
déjà en fonctionnement dans trois complexes de microfinance : la
Financiera Familiar   en   Equateur,   la   Caja   Los   Andes   en   Bolivie  
et   la   Centenary   Bank   (de développement rural) en Ouganda. 
Mais ce concept de banque dédiée concernera
aussi naturellement les structures qui sont demeurées  au  stade 
semi-formel  voire  informel,  qui  plus  que  toutes  autres  ont  besoin
d'assurer leur pérennité financière et stratégique
dans un secteur qui a subi et doit encore subir une révolution aussi
importante. Si l'on écarte les restrictions anti-corruption -
réelles cependant - qui pèsent sur la formalisation contractuelle
devant pouvoir permettre aux IMF 
de  devenir  des  acteurs  officiels  et  régulés 
de  la  microfinance  mondiale,  et  qui  ne concernent  guère  que  le 
secteur  du  bois  en  Haïti,  des  alcools  en  Russie  et  d'autres 
activités sous la coupe de tyrans africains25,
il faut réaffirmer combien les IMF sur la voie de 
24  Ceci est facile à comprendre, si l'on
compare par exemple l'octroi d'1 crédit de 100 000 € (1 seul
dossier pour une somme de 100 000 €) à celui de 1 000
crédits de 100 € (1 000 dossiers pour le même total). 
25   Dans  ces  pays-là,  on  ne  peut  donc, 
concrètement,  fournir  aucun  microfinancement  légal  aux 
activités 
alcoolières russes, forestières haïtiennes,
etc. 
l' « officialisation »26   doivent  employer
 chaque  jour  davantage  des  méthodes  du  secteur privé
tendant à assurer le développement durable de leur
activité : 
-  OchOancier rapprochO (hebdomadaire par exemple) pour faciliter
le suivi des remboursements du micro-emprunteur, 
-  libOralisation financière des dOpôts à
travers l'abaissement progressif des TRO (Taux de Réserve 
Obligatoire27  imposé  par  les  banques  centrales),  ce 
qui  donnera  lieu  à  une hausse  mécanique  de  la  base  de 
dépôts  disponibles  et  donc  à  une 
intermédiation financière accrue, génératrice de
profit, 
-  travail  approfondi  sur  les  taux  d'intOrOt  r  dont  il 
est  aisément  justifiable  qu'ils  soient élevés : 
   r = c + i + R, avec 
c = coûts de fonctionnement et de constitution, OlevOs en
raison du travail de terrain requis 
i = taux d'inflation 
R = prime de risque, car mOme si le taux de remboursement est
bon, la population est risquOe 
   le taux annuel est élevé mais le terme de
paiement (donc les intéréts) faible 
   la  structure  de  microfinance  doit  se 
rémunérer  pour  assurer  son  maintien  puis  sa croissance, 
donc  l'avenir  des  populations  clientes  et  continuer  à  offrir  un
 service local qui n'existait pas auparavant : les clients paient ainsi une
« prime de rareté » correspondant à l'émergence
de ce nouveau service. 
Ceci suppose donc, on s'en rend compte, une redistribution
complète des rôles entre tous 
les acteurs présents sur le terrain de la microfinance.
Pour cela, rappelons les enjeux des trois catégories en présence
: 
 
| 
 ENJEUX & CATEGORIES 
 | 
 ONG/IMF 
 | 
 SECTEUR FORMEL PRIVE 
 | 
 SECTEUR PUBLIC 
 | 
 
| 
 ResponsabilitO 
 | 
 Morale 
 | 
 Sociale & Environnementale 
 | 
 Politique 
 | 
 
| 
 POrennitO 
 | 
 Institutionnelle 
 | 
 Capitalistique 
 | 
 Choix des bénéficiaires 
 | 
 
| 
 RentabilitO 
 | 
 ROI28 
 | 
 ROI 
 | 
 ROI 
 | 
 
  
26  On rappelle qu'il s'agit là du nom
donné par l'économiste péruvien de Soto au concept de
formalisation. 
27  C'est ainsi qu'en Amérique Latine, dans le
mouvement de libéralisation des années 90, ce TRO est
passé 
de 50% à une valeur oscillant entre 10 et 30%. 
28  Return On Investment, Cf. tableau suivant. 
Sur la dimension « rentabilité », chacune des
trois catégories doit prendre conscience des avantages et
inconvénients qu'il y a à étre remboursé en temps
voulu ou en retard voire 
pas du tout ! C'est ce « relativisme optimiste » que
montre le tableau qui suit : 
| 
 +/- & REMBOURSEMENT 
 | 
 EN TEMPS VOULU 
 | 
 EN RETARD OU PAS DU TOUT 
 | 
 
| 
 Avantages 
 | 
 Profit conforme aux prévisions 
 | 
 Suspension des intéréts créditeurs 
 | 
 
| 
 InconvOnients 
 | 
 Rémunération des dépôts 
 | 
 Pression financière avec effet domino 
 | 
 
  
On  peut  donc  imaginer  que  l'évolution  du  rôle
 de  chacun  à  l'avenir  pourrait  étre  la 
suivante : 
0 
BANQUE-MÈRE LOCALE 
BANQUE-MÈRE EUROPEENNE 
0 
0 
Filiale 
autonome 
(stratégie, SI, 
Distribution de crOdits Redistribution 
Institutions de 
Microfinance 
MICRO- 
GRH, etc.) 
(hors ONG) 
ENTREPRISES 
PARTICULIERS 
On peut donc identifier trois évolutions graduelles et
successives : 
-  D'abord   : c'est la 1ère 
étape, celle d'une alliance stratOgique entre filiales locales de
groupes bancaires européens et IMF en cours de formalisation qui ne
joueront au terme 
de cette phase qu'un rôle passif de redistribution des
crédits accordés par les banques privées aux
micro-entrepreneurs et aux populations locales, 
-  Ensuite 0 :  c'est  la  2ème 
étape,  celle  de  la  formalisation  complète  de  toutes 
les  IMF, 
intégrées aux filiales autonomes
identifiées lors de la 1ère  étape - on peut
donc imaginer une coentreprise   (ou joint-venture) agréée et
réglementée de façon unique, afin de ne pas dupliquer les
fonctions tout en continuant à limiter les risques, 
-  Enfin 0 :  c'est  la  3ème  
étape,  la  phase  finale  de  formalisation  complète  de 
tous  les 
acteurs  et  le  recours  plus  durable  à  des  banques 
locales,  implantées  dans  le  pays  et 
mobilisant  une  unité  spéciale 
dédiée  à  la  microfinance,  plutôt  qu'à 
des  filiales  de banques-mères  européennes  -  dans  cette 
ultime  étape,  celle  du  changement  réel d'échelle, on
s'assurera de l'indispensable implication du dirigeant de la banque locale,
sans  quoi  l'ensemble  du  secteur  s'expose  aux  difficultés 
rencontrées  par  la  SBSA (Standard Bank of South Africa) et le Banco
del Pacìfico en Equateur, qui en 23 ans n'a 
pu satisfaire qu'environ 4 000 clients. 
* 
* * 
Naturellement, cette redistribution des rôles entre les
acteurs fait la part belle aux groupes bancaires de terrain, issus des
partenariats et mutations successives des IMF (hors ONG) 
et des filiales de banques européennes. La question des
ONG reste donc entière car il est indéniable qu'elles jouent un
rôle fondamental. Mais les problèmes qu'elles rencontrent,  en
matière  de  structure  organisationnelle,  de  modèle  de 
gouvernance  et  de  recours  au financement public par exemple, prouvent, s'il
en est encore besoin, qu'il faut repenser les ONG de demain à l'aune du
critère d'efficacité. 
Au sein d'une ONG, sur quel programme l'argent public est-il le
mieux placO ? 
Laquelle des missions d'une ONG est-elle la plus
indispensablement subventionnOe par 
un Etat ? 
Et laquelle, surtout, ne peut-elle Otre mise en concurrence avec
les banques dont ce n'est 
ni la philosophie ni la culture ni le modèle Oconomique de
la prendre en charge ? 
La  réponse  est  unique :  l'aide  humanitaire 
d'urgence,  que  seule  la  capacité  logistique d'une   Organisation  
Non   Gouvernementale,   financièrement   appuyée   par   les  
moyens conséquents d'un  Ministère, d'une  Agence Nationale  ou 
d'une  Collectivité  Publique, peut assurer, partout dans le monde,
à n'importe quel moment. Le réseau des ONG constitue en effet
à travers le monde une force de réaction rapide, une force de
frappe, une espèce de 
« task  force »  extraordinairement  efficace 
lorsqu'il  s'agit  d'envoyer  sur  le  terrain  des centaines d'associatifs
à la rescousse des millions de victimes des pires atrocités du
sous- développement ; car méme si les banques de détail,
filialisées ou locales, ont encore une faible connaissance du
marché de la microfinance, une habitude d'automatisation et une culture 
plutôt  conservatrice  inadaptées,  elles 
bénéficient  indiscutablement  d'une  pratique organisationnelle,
 d'une  méthodologie  technico-financière,  d'une  gestion  des 
ressources humaines,  d'une  réglementation  formelle  imposant  des 
critères  de  gestion  stricts,  d'un réseau  d'agences,  d'un 
contrôle  interne  et  comptable  efficient  et  d'une 
indépendance 
institutionnelle, dont nous serions tous coupables de priver les
pays en développement. 
CHAPITRE SECOND
L'AIDE AU DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE :
DU RIDEAU DE FUMEE AUX CHOIX D'AVENIR
A. 60 ANS DE POLITIQUES D'AIDE AU DEVELOPPEMENT
) Des trois méthodes dirigistes et
anticapitalistes...
Loin  de  la  définition  que  Sen  donne  de 
l'équité  lorsqu'il  écrit  que  « le  dOveloppement,
c'est  le  processus  d'expansion  des  libertOs  rOelles  dont  jouissent  les
 citoyens »,  les diverses politiques d'aide au développement mises
en oeuvre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte
marqué par la décolonisation en Afrique et en Asie, se sont 
toutes  -  consciemment  ou  inconsciemment  -  accompagnées  de 
dirigisme  et  de dogmatisme, flirtant souvent avec l'anticapitalisme primaire
et débouchant toujours sur des échecs   retentissants   que  
leurs   responsables   se   sont   systématiquement  
ingéniés   à camoufler,  les  faisant  passer  avec 
cynisme  pour  les  insupportables  conséquences  de  la 
« dictature  du  marché »,  expression  synonyme
 de  « mondialisation  capitaliste »  dans  la bouche de tous ses
opposants29. 
Historiquement, on identifiera trois grandes théories
d'aide au développement. 
A partir de 1944 et jusqu'au début des années
60, le monde pénètre dans l'ère de l'aide internationale 
extOrieure  reconnue  comme  nécessaire  dans  le  nouvel  ordre 
économique mondial établi par les Accords de Bretton Woods
(1944). Ainsi, le 20 janvier 1949, dans son discours sur l'état de
l'Union, le président des USA, Harry Truman, utilise pour la
première fois le terme de « développement » pour
justifier l'aide aux « pays sous-développés » dans 
le cadre de la lutte contre le communisme et de la  doctrine
Truman. Il déclarera étre du devoir  des  pays  du  Nord 
capitalistes,  qualifiés  de  « pays  développés
»,  de  diffuser  leurs technologies  et  assistance  aux  pays 
qualifiés  de  « sous-développés »,  pour 
qu'ils  se rapprochent du modèle de société
développé occidental. Cette première perspective d'aide 
au  développement  ne  tardera  pas  à  devenir 
une  approche  ouvertement  keynésienne  de financement des
investissements, qui sera marquée par les contre-effets habituels de ce
planisme économique. Nous ouvrons ici une parenthèse pour dresser
le bilan critique de cette politique d'APD (Aide Publique au
Développement). 
Premièrement, l'APD a toujours été
aveugle aux différences entre bénéficiaires qu'elle a de
tous  temps  qualifiés  de  PVD  (Pays  en  Voie  de 
Développement)  ou  de  PED  (Pays  En Développement)  ou  de 
PMA  (Pays  les  Moins  Avancés).  Or,  on  retrouve  indistinctement 
dans cette catégorie dictatures et démocraties,
zones de guerre et marchés en voie 
29  On retrouve cette thèse majeure chez J.
Norberg, in Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste (2001). 
d'expansion,   pays   de   l'extréme   pauvreté  
souffrant   de   famines   chroniques   et   pays progressant constamment vers
le rang des pays industrialisés. 
Deuxièmement,  le  principal  talon  d'Achille  de  cette 
aide  est  que  les  transferts  de  fonds soient publics, c'est-à-dire
que les 1000 Mds US $ déversés par les donateurs du Nord sur 
le Sud depuis près de 50 ans (près de 63 Mds US
$ pour la seule année 2002/2003 et les seuls 10 premiers donateurs)
soient des transactions effectuées d'Etat à Etat : c'est ce que
Jean-François  Revel  a  toujours  déploré :  que  l'APD 
soit  une  aide  de  gouvernement  à gouvernement, « qui se raconte
des histoires de gouvernement » 30, toujours au
détriment 
du  peuple.  Il  s'en  est  indéniablement  suivi  un 
gaspillage  colossal  d'argent  public  des contribuables occidentaux,
facilement détourné localement au profit de l'administration
ou 
de l'armée des pays pauvres31. Il est ainsi
devenu de notoriété publique que la présence 
prolongée  au  pouvoir  de  chefs  tels  que  Mugabe 
au  Zimbabwe,  Arap  Moi  au  Kenya  et Mobutu au Zaïre à la
téte d'une fortune d'environ 4 Mds $, n'était due qu'à
l'octroi de ces fonds   de   développement   en   provenance  
d'Occident.   On   a   méme   parlé   d' « Etats vampires
»32  pour désigner ces appareillages étatiques
mafieux. C'est particulièrement vrai 
de l'aide offerte par la Suède qui a d'abord
favorisé les dictateurs socialistes : Castro aurait 
ainsi amassé 1 Md $ pendant que le PIB de Cuba se
contractait du tiers. Ce sont donc très souvent  la  nomenklatura  au 
pouvoir  et  -  comme  en  Côte  d'Ivoire  -  les  caisses  de
stabilisation qui bénéficiaient des largesses de l'Occident.
L'APD était devenue un transfert 
de l'argent des riches de pays riches vers les riches des pays
pauvres... 
Troisièmement,  l'esprit  méme  de  l'APD  est 
une  vraie  « malOdiction »33  :  celle  d'une
planification  centralisée  déclinée  sur  le  mode  d'une
 approche  volontariste,  c'est-à-dire interventionniste,  du 
développement.  C'est  l'époque  du  slogan 
élaboré  par  François Perroux  et  mis  en  pratique  par
 Gérard  Destanne  de  Bernis :  la  priorité  donnée 
aux 
« industries  industrialisantes » ;  c'est  le 
triomphe  de  la  conception  du  développement comme   processus  
matériel   et   automatique,   reposant   sur   l'allocation   de  
ressources collectives d'assistanat et conduisant immanquablement au blocage de
l'esprit d'entreprise, 
du  progrès  démocratique  et  de  la  politisation
 salutaire  des  décisions.  Ces  illusions frapperont davantage encore
des pays comme l'Algérie, le Mexique, le Gabon, le Nigeria 
ou l'Angola qui auront eu le tort de croire que leurs ressources
pétrolières leur garantiraient 
30  In Commentaire, Eté 1992 
31   C'est  ce  qu'on  retrouve  dans  Banquiers
 aux  pieds  nus  de  J.-M.  Servet,  professeur  d'économie  du
développement à Genève et référent sur les
questions de finance solidaire au BIT (Bureau International du Travail) et de
microfinance à la CDC (Caisse de Dépôts et
Consignations). 
32  On trouvera davantage de détails dans
Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste, de J. Norberg (2001). 
33  terme qu'utilise Pascal Salin, professeur
d'économie à Paris-Dauphine, pour fustiger l'APD 
la prospérité. Quant aux autres pays du Sud qui
succomberont aux sirènes de l'enveloppe occidentale,  ils feront le 
méme faux pas  dont  le  Nord  est  entièrement  comptable ;  car
 le développement n'est pas affaire de transfert de fonds mais bien de
création de richesses, 
qui seule assure que l'on sait calculer le coût du capital
et donc la rentabilité d'une activité, calculs rendus impossibles
dès lors que les capitaux arrivent par miracle et que le risque 
n'est plus supporté par personne. 
Les flux mondiaux d'APD... 
  
Dans les années 60, une double tendance est à
l'oeuvre qui prendra d'abord la forme de l'hypothèse de la
spOcialisation primaire dont le contenu est aussi connu sous le nom de TSP
(Thèse de Singer-Prebisch), c'est-à-dire la théorie,
popularisée en France par Léopold Sédar  Senghor,  de  la 
dOgradation  des  termes  de  l'Ochange,  selon  laquelle  il  y  a  baisse
inéluctable  du  prix  des  produits  de  l'agriculture  et  des 
matières  premières  des  pays  du Tiers-Monde  face  aux 
produits  manufacturés  des  pays  industrialisés.  Cette 
approche  a donné lieu à un courant de revendication du Sud en
faveur d'un nouveau partage mondial des   richesses   et   à   un  
mouvement   venant   du   Nord,   déconnecté   de   la  
réalité,   qui encourageait  les  pays  en  développement 
à  appliquer  des  politiques  d'autosuffisance mettant l'accent sur les
besoins des pauvres en leur faisant croire qu'il n'est nul besoin de profit
pour amorcer son développement et nul besoin d'échanges
commerciaux pour créer 
de l'emploi. Ensuite, les années 60 furent celles de la
théorie très interventionniste de la 
croissance dOsOquilibrOe conçue par Hirschman et
prétendant que la pauvreté était due à
l'insuffisance en équipements collectifs des pays en
développement. Aussi cette thèse prit- elle la voie d'un
industrialisme forcé faisant la part belle aux politiques
inflationnistes, dont 
les sectateurs des idées de Hirschman mirent un certain
temps avant de comprendre qu'en dépréciant la valeur de la
monnaie, elles détruisaient les épargnes modestes des pauvres
gens sans atteindre ni les terres, ni les propriétés, ni les
entreprises, qui n'ont donc subi aucune  dévaluation.  C'est  ce  qu'on 
a  d'ailleurs  observé  dans  l'Allemagne  brisée  des
années 20 et ce que l'Argentine a évité en 1989 dans la
région de Buenos Aires en prenant 
le contre-pied de ce type d'approche : le nombre de pauvres y est
rapidement passé de 35 
à 23% de la population locale. 
Enfin, dans les années 70, les hypothèses et
théories considérant le capitalisme comme 
un impérialisme ont fleuri avant d'étre peu
à peu démenties. 
D'abord,  la  thèse  dite  « des  dObouchOs 
extOrieurs »  qui  consiste  à  affirmer  que  le capitalisme
requiert la quéte permanente de « toujours plus de
débouchés » s'est révélée
fondamentalement  contredite  par  l'exemple  ex-ante  du  fordisme  qui  a  su
 élargir  la consommation  populaire  en  guise  de 
débouché  ou  la  réalité  ex-post  des 
échanges internationaux qui se révèlent étre plus
significatifs entre pays développés qu'entre ceux-ci 
et  le  Tiers-Monde,  démontrant  par  là  que  la 
thèse  en  question  n'interfère  pas  dans  le
développement des pays en retard. 
Ensuite,  la  théorie  du  pillage  des  matières 
premières  du  Tiers-Monde  par  les  pays 
importateurs  du  Nord  a  été  mise  à 
mal  par  la  brillante  démonstration  qui  établit  que
l'évolution technique à l'oeuvre dans les pays
industrialisés allait dans le sens d'économies substantielles et
croissantes dans la consommation de matières premières par le jeu
des gains en productivité inhérents au progrès. En marge
de cette thèse, on retrouve celle qui affirme  que  la  pauvreté 
du  Tiers-Monde  est  le  fruit  amer  du  colonialisme.  Cela  est faux. Qu'on
 considère  la  Suisse  qui  figure  parmi  les  pays  les  plus  riches
 de  la  planète  sans jamais  avoir  été  une  puissance 
coloniale ;  qu'on  s'intéresse  aux  cas  de  l'Australie,  de
Hong-Kong, des Etats-Unis, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou de
Singapour qui furent pendant  de  très  longues  périodes  des 
colonies  et  qui  n'en  sont  pas  moins  devenus quelques unes des puissances
économiques de la planète ; qu'on s'ouvre enfin aux tristes
exemples de l'Afghanistan, du Libéria ou du Népal, qui comptent
parmi les pays les moins avancés  sans  jamais  avoir  subi  l'emprise 
d'un  quelconque  empire  colonial,  pendant  que d'autres  Etats  sont 
devenus  les  Tigres  et  Dragons  asiatiques  ou  les  Lions  (Île 
Maurice, 
Ghana, Botswana) que l'on sait ! 
Enfin, cette décennie fut marquée par la
théorie de l'exploitation de la main d'oeuvre pauvre par le Nord et des
surprofits, développée par Amin auprès de l'Ecole
latino-américaine qui élabora  la  thèse  de  la 
dOpendance  (sous  l'influence  des  Furtado  et  Cardoso)  contre  la
domination des élites et l'invasion du capital étranger. Dans les
faits, cette politique dite de 
« dOconnexion  socialiste »  se  solda  par  les 
échecs  dont  souffrent  encore  la  Guinée,  la 
Birmanie,   l'Algérie,   la   Tanzanie   ou   les  
ex-dictatures   communistes   d'Ethiopie   et   du 
Cambodge. 
) ...au timide retour de l'approche libérale
En marge de ces courants planificateurs, les années 70
et 80 ont également été celles des politiques
d'ajustements structurels, d'inspiration plus libérale, conduite
conjointement par le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque
Mondiale. On notera toutefois que ces  deux  institutions  sont 
marquées  par  des  vocations  différentes :  la  première
 a  une approche   monétaire,   c'est-à-dire   qu'elle   est   le
  dernier   bailleur   de   fonds   des   pays surendettés  auxquels 
elle  octroie  des  subsides  conditionnés  par  la  mise  en  oeuvre 
de réformes structurelles : c'est la banque de la dernière
chance. 
LES DUNES DU TEMPS. 
Surprenante saison 
à qui saurait y croire 
Quand débarquent en chantant l'antre et le violon 
Je ne saurai jamais à quelle ombre me 
fier 
sans crainte du retour 
et des haleines de frissons 
Entrent alors dans le 
centre et la 
périphérie 
une intrépide étoile et un hôte à
salons chantournés de bonheur et tenaillés de suif 
  
Source : FMI 
A rebours, la Banque Mondiale ou BIRD (Banque Internationale pour
la Reconstruction et 
le Développement) accorde aux pays en développement
qu'elle préfère appeler pays les 
moins  avancés  des  préts  à  taux 
préférentiels  à  l'appui  de  projets 
spécifiques,  dans  les secteurs de l'éducation, de
l'agriculture, de l'industrie, etc. 
Souvent   perçues   par   les   « altermondialistes
»   comme   le   bras   armé   des   politiques capitalistes d'aide
au développement, ces deux institutions font toutefois davantage
l'objet 
de nombreuses critiques de la part des libéraux, qui ne
voient dans le FMI et la BIRD que des  outils  étatiques  et 
bureaucratiques  d'ingérence  économique  internationale,  qui 
ont tendance  à  masquer  l'emprise  exagérée  des 
gouvernements  en  place  sur  les  activités économiques dans
les pays pauvres en faisant payer les pays contributeurs, voire à faire
porter  la  responsabilité  des  politiques  pratiquées  dans  le
 Tiers-Monde  aux  remèdes capitalistes eux-mémes ! C'est ainsi
que l'on peut lire dans le Rapport   sur   le 
dOveloppement du monde 2000-2001 de la Banque mondiale que
« la croissance n'est pas tout, elle n'est pas suffisante pour favoriser
le dOveloppement ». L'influence du mouvement 
« antimondialisation » sur la BIRD devient alors
patente, méme si, dans le méme temps, et nous  venons  de  le 
voir,  les  PAS  (Programmes  d'Ajustement  Structurel)  sont  plutôt  de
bonnes recommandations économiques : viser l'équilibrer
budgétaire, combattre l'inflation, réduire  les  taux  de  change
 excessivement  élevés,  permettre  la  concurrence,  ouvrir  les
marchés, déréglementer et réduire les
dépenses militaires au bénéfice de l'éducation et
de 
la santé, par exemple. Mais on peut tout de méme
affirmer que les conseils fournis par les deux institutions en question ont
également su se révéler tout à fait
désastreuses : inaction lors de la crise financière asiatique
entre l'été 1997 et le début de l'année 2000 ou
hausses des prélèvements imposées par le FMI à la
Thaïlande en septembre 1997 qui ont contribué 
à aggraver la situation ; car en général, il
suffit à un pays pauvre de simplement promettre 
au FMI des réformes pour obtenir des enveloppes
gigantesques, pratique dangereuse qui permet à des potentats locaux de
se maintenir au pouvoir et de préserver leurs régimes corrompus.
Les octrois du FMI ou les préts de la Banque Mondiale ne font donc la
plupart 
du  temps  que  reporter  sine  die  des  réformes 
libérales  que  les  pays  en  développement devraient
paradoxalement mettre en oeuvre de toute urgence. C'est ce cercle vicieux que
décrit  Andrei  Illarionov,   économiste  libéral  russe, 
aujourd'hui  conseiller  du   président Poutine : « Les 25
milliards de dollars que le FMI et la Banque Mondiale ont prOtOs à la
Russie  au  cours  des  annOes  1990  ont  fortement  contribuO  à 
retarder  l'adoption  d'une stratOgie  Oconomique  cohOrente  et  ont  rendu 
les  autoritOs  moins  disposOes  à  mettre  en oeuvre  des  rOformes 
difficiles  mais  nOcessaires...  L'Olite  politique  russe  est  aujourd'hui
convaincue  que  la  Russie  recevra  une  aide  financière 
internationale,  quelle  que  soit  sa 
politique Oconomique. » 
Ces  deux  institutions  n'échappent  donc  pas  aux 
recommandations  de  formalisation économique qu'elles devraient se
contenter de formuler à leurs interlocuteurs des pays en
développement :  elles  doivent  insister  auprès  des 
dirigeants  du  Tiers-Monde  pour  qu'ils garantissent  des  droits 
démocratiques,  la  liberté,  et  la  propriété 
à  leur  population,  sans jamais en théorie se méler des
détails de leurs décisions politiques et économiques. 
A  côté  de  ces  instances  mondiales  bancaire  et
monétaire,  on  peut  effectuer  le  constat d'un méme recours
à une approche pseudo-libérale des questions de
développement tant 
au niveau de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
que des politiques communautaires de l'Union Européenne. Cette situation
de flou n'est d'ailleurs propice qu'à multiplier  le  nombre  de 
mécontents,  puisqu'à  nouveau  libéraux  et   «
altermondialistes » reprochent à ce libéralisme timide
d'étre, respectivement, velléitaire pour les premiers, et
excessif pour les seconds. Force est toutefois de constater que l'OMS ne semble
pas avoir pour  priorité  la  lutte  contre  les 
épidémies  qui  accablent  les  pays  pauvres,  puisqu'elle
consacre fréquemment une part majoritaire de son budget à la
lutte contre le tabagisme, tandis  que  c'est  la  Fondation  Bill  Gates  qui,
 chaque  année,  octroie  au  Tiers-Monde  plus d'argent que l'OMS pour
lutter contre les maladies dont sont victimes les enfants pauvres. 
On  estime  pourtant  qu'en  y  consacrant  entre  0,4  et 
20%  de  son  budget,  l'OMS  pourrait éviter environ 90% des
décès qui surviennent dans les pays du Sud à la suite de
maladies qu'elle pourrait éradiquer ; c'est pourtant le PDG de Microsoft
qui s'en charge. 
Concernant les politiques communautaires, il s'impose
également de constater que la PAC (Politique  Agricole Commune) a des
effets protectionnistes profondément néfastes sur le Sud et
inhibiteurs sur le développement des pays pauvres. En effet, cette
politique sacrifie 
la  production  agricole  du  Tiers-Monde  sur  l'autel  de 
l'intérét  propre  des  agriculteurs européens (et
notamment français) ; car c'est bien là l'effet des taxes
imposées par la PAC aux  importateurs  européens  pour  les 
dissuader  d'acheter  des  produits  agricoles  extra- communautaires,  qui 
sont  bien  souvent  moins  chers  qu'en  Union  Européenne  lorsqu'ils
proviennent des  pays  en  développement.  Mais  ce  n'est  hélas
 pas la  seule  conséquence négative, puisque cette politique
prend en outre la forme de subventions aux agriculteurs communautaires 
indexées  le  plus  souvent  sur  la  production,  si  bien  que  la 
PAC  conduit immanquablement à des surplus que l'UE contribue à
écouler sous forme de subventions à l'exportation  versées
 une  fois  encore  aux  producteurs  européens  qui  finissent  donc 
par exporter   leurs   reliquats   partout   dans   le   monde,   et a  
fortiori   dans   les   pays   en 
développement, à des prix subventionnés
défiant toute concurrence. 
C'est  le  cas  par  exemple  du  sucre34,  dont  le 
cours  européen  est  de  500€/tonne  contre 
150€/tonne  pour  l'industrie  sucrière 
sud-africaine.  Sans  PAC,  l'Afrique  du  Sud  écoulerait donc
très aisément auprès de l'Europe les fruits de sa
production. Mais la PAC impose une taxe à l'importation de
0,40€/kg, soit un cours africain rectifié et taxé pour les
importateurs européens de 550€/tonne. C'est donc le cours
européen du sucre qui l'emporte empéchant l'Afrique  du  Sud  de 
vendre  sa  production  pourtant  meilleur  marché  aux 
Européens ;  pis encore,  comme  nous  l'avons  vu,  les  sucriers  de 
l'UE  reçoivent  une  subvention  à  la production qui conduit
à des excès qui seront écoulés sur le marché
mondial, et notamment sud-africain,  à  un  prix  subventionné 
à  hauteur  de  0,38€/kg  par  exemple,  soit  un  prix  de vente
sur le sol africain de 120€/tonne : d'abord empéchée
d'exporter vers l'UE, l'Afrique du Sud est désormais invitée
à importer le sucre espagnol, antillais ou allemand ! 
Comme l'a dit l'économiste suédois Eli F. Heckscher
: «Ou bien un secteur d'entreprise 
est profitable et il n'a pas besoin de la protection d'un tarif ;
ou bien il ne l'est pas et il ne mOrite pas d'Otre protOgO par un tarif.
» 
Et c'est aussi ce cercle vicieux de la PAC que racontent Thomas
W. Hertel et Will Martin en 
1999 : « Le meilleur moyen de gaspiller les fonds est de
financer une politique agricole de grande  ampleur.  Les  pays  riches 
inondent  les  fermiers  d'argent  par  leurs  politiques  de protectionnisme,
de subventions et de crOdits à l'exportation. Les politiques agricoles
des 
29 pays riches de l'OCDE coûtent aux contribuables et aux
consommateurs de ces pays la somme faramineuse de 360 milliards de dollars.
Avec cette somme, on pourrait payer un 
vol autour du monde aux 56 millions de vaches OlevOes dans ces
pays une fois par annOe, 
et ce, en classes affaires. Et chacune aurait encore 2 800$
d'argent de poche à dOpenser dans les magasins hors taxes des escales
aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. » 
Aussi avons-nous dressé le constat d'échec des
politiques planistes et centralisées d'aide 
au développement et le bilan plus que mitigé de
l'action des institutions mondiales (OMS, FMI, BIRD, etc.). Incidemment, nous
avons exploré les effets défavorables du protectionnisme 
agricole  européen  sur  les  pays  en  développement.  Cette 
parenthèse permet  enfin  de  conclure  avec  Friedrich  Hayek35  
qu' «  Une  autoritO  internationale  peut 
contribuer OnormOment à la prospOritO Oconomique si elle
se contente de maintenir l'ordre 
34  On  s'attachera  au  raisonnement  et  non  aux 
valeurs  absolues  des  taxes  et  cours  mondiaux  du  sucre,  à suivre
 en  direct  de  la  bourse  de  Chicago  par  exemple  pour  ces  derniers. 
La  CNUCED  (Conférence  des 
Nations  Unies  sur  le  Commerce  et  le  Développement) 
estime  néanmoins  à  700  Mds  US  $  la  perte  de 
croissance des pays en développement par manque
d'accès au marché des pays riches... 
35  In la Route de la servitude (1944) 
et  de  crOer  les  conditions  dans  lesquelles  les  peuples
 puissent  se  dOvelopper  eux- mOmes. »   C'est   pourquoi,   l'exigence 
 de   formalisation   économique   prend   au   niveau institutionnel  
mondial   la   forme   de   missions   de   réforme   structurelle   des
  pays   en développement.  Les  bras  de  la  Banque  Mondiale  qui 
apparaissent  alors  suffisamment armés   pour   initier   cette  
démarche   sont   le   CGAP,   précédemment  
évoqué,   et   l'IFC (International Finance Corporation). 
En effet, dans des pays en général marqués
par l'autoritarisme actuel ou passé, le rôle à 
la fois des instances onusiennes liées à la
question du développement et de la lutte contre 
la  pauvreté  et  des  gouvernements  des  Etats 
pauvres  concernés  doit  impérativement  se limiter  à
donner  des  feux  verts  et  incitations  aux  initiatives  locales  et 
relayer  l'appui international pour surmonter les obstacles institutionnels. 
B. LE PREALABLE INSTITUTIONNEL A TOUT DEVELOPPEMENT
) LibertO, OgalitO, capitalisme 
M. Ynus lui-méme déclarait en introduction
à Banker  to  the  poor36  : « Bureaucratization
encouraged  by  subsidies,  by  economic  and  political  protection,  and  by 
the  lack  of transparency, ruins everything and encourage corruption. What
began with good intentions has  eventually  created  a  disaster.  Governments 
do  not  have  the  answers  and will  never have them. It is our social
entrepreneurs' work to solve such problems. » 
Si, parallèlement, on retrace la naissance et
l'évolution de l'aide internationale, grâce à
l'émergence des ONG au cours des dernières décennies de
cet historique, on retrouve les 
crises humanitaires suivantes : 
 
| 
 DATE 
 | 
 PAYS 
 | 
 CONTEXTE & REGIME POLITIQUE 
 | 
 DIRIGEANT 
 | 
 
| 
 1921 
 | 
 Ukraine 
 | 
 Satellite soviétique, communisme de guerre 
 | 
 Lénine 
 | 
 
| 
 1941 
 | 
 Grèce 
 | 
 Invasion fasciste, courants marxistes 
 | 
 Collaborateurs nazis 
 | 
 
| 
 1961-65 
 | 
 Congo 
 | 
 Coup d'Etat militaire 
 | 
 Mobutu 
 | 
 
| 
 1967 
 | 
 Nigeria/Biafra 
 | 
 Gouvernement militaire 
 | 
 Gal Gowon 
 | 
 
| 
 1971 
 | 
 Pakistan Oriental 
 | 
 Gouvernement militaire 
 | 
 Gal  Yahya Khan 
 | 
 
| 
 1978 
 | 
 mer de Chine 
 | 
 Dictature communiste chinoise, vietnamienne 
 | 
 Mao/Hô Chi Minh37 
 | 
 
| 
 1976-79 
 | 
 Cambodge 
 | 
 Khmers Rouges 
 | 
 Pol Pot 
 | 
 
| 
 1979 
 | 
 Afghanistan 
 | 
 Invasion soviétique, régime marxiste 
 | 
 Taraki 
 | 
 
| 
 1984 
 | 
 Somalie 
 | 
 Coup d'état révolutionnaire 
 | 
 Barre 
 | 
 
| 
 1991 
 | 
 Ethiopie 
 | 
 Dictature militaire communiste 
 | 
 Mengistu 
 | 
 
| 
 1991 
 | 
 Kurdistan 
 | 
 Guérilla indépendantiste et nationaliste 
 | 
 Ôcalan 
 | 
 
| 
 1991-95 
 | 
 Rép. serbe de Bosnie 
 | 
 Nationalisme ethnique 
 | 
 Karadzic 
 | 
 
| 
 1994 
 | 
 Rwanda 
 | 
 Coup d'état militaire 
 | 
 Habyarimana 
 | 
 
| 
 1999 
 | 
 Serbie 
 | 
 Nationalisme ethnique, communisme 
 | 
 Milosevic 
 | 
 
  
36  publié en 2003 
37 Ce sont leurs successeurs qui
s'affrontent en 1978 lors de l'annexion par la Chine de six îlots
contrôlés par 
le Viét Nam. 
Ce  qui  est  frappant,  c'est  bien  sûr  l'absence  de
 toute  stabilité  politique  dans  ces  pays marqués  sans 
exception  aucune  par  un  lourd  héritage  de  régimes 
autoritaires,  le  plus souvent nationalistes et communistes. Dans ce contexte
là, le capitalisme apparaît vraiment comme un système de
liberté dont le phénomène économique s'appelle
marché et les fruits politiques, état de droit et
démocratie libérale. 
Sur  le  front  du  développement,  les  outils  de 
déréglementation  et  de  formalisation économique
(incitation à la privatisation, à la modération fiscale,
etc.) chers au capitalisme 
ont conduit : 
  au recul de la pauvreté, que reflète
l'augmentation rapide de l'espérance de vie 
  Entre 1965 et 1998, le 
Espérance de vie moyenne dans les PVD (source : PNUD ) 
70 65 
60 55 
Années 
50 
40 41 46 
30 30 
20 
10 
0 
1900 1950 1960 1970 1998 
revenu  moyen  d'un  habi- tant de la planète est pas-
sé de 2497 à 4839 US $. 
  Les    20% les plus riches sont passés  de 
8315 à 14623 $, soit 
+75%. 
  Les 20% les plus pau- vres sont passés de 551
à 
1137 $, soit +105%. 
0 au recul de la famine et de la guerre, au progrès de la
démocratie 
Part de la population sous-alimentée dans les PVD 
(source : PNUD ) 
40 
37 
En   1970,   960   millions d'habitants des PVD étaient
sous-alimentés. Ils  étaient  830  millions 
Pourcentage 
30 29 
20 
10 
20 18 
en  1991  et  790  millions en 1996. 
12 
0 
1970 1980 1991 1996 2010 
L'internationalisation des échanges permet aux peuples de
prendre conscience de leurs 
droits politiques inaliénables : la mondialisation
favorise la dissémination des droits 
démocratiques et de Ia Iiberté d'opinion, et c'est
ainsi que Ia dépendance mutueIIe entre Ies 
Etats qu'eIIe engendre réduit Ies risques de guerre entre
ces Etats : 
-  moins de 1% de Ia popuIation est aujourd'hui directement
affectée par Ia guerre, 
-  Ie nombre de confIit miIitaire a diminué de
moitié au cours de Ia dernière décennie, 
- iI y a aujourd'hui 120 pays démocratiques, qui
regroupent environ 60% de Ia popuIation mondiaIe (3,5 miIIiards de personnes)
contre à peine 30% de Ia popuIation en 1950, 
- Ies 47 Etats qui vioIent réguIièrement Ies droits
fondamentaux de Ia personne sont ceux 
qui  sont  Ie  moins  touchés  par  Ia  mondiaIisation 
capitaIiste  (Corée  du  Nord,  Cuba, Soudan, Syrie, Guinée
EquatoriaIe, par exempIe). 
0 à la progression de l'éducation et à
l'amélioration de la condition féminine 
Proportion d'analphabètes par année de naissance
dans les PVD 
(source : UNESCO ) 
  Le nombre d'étudiants 
en secondaire est passé de 27% en 1960 à 67% 
en 1995. 
80 75 
Pourcentage 
60 
40 
20 
0 
52 
20 15 
   II  y a aujourd'hui 800 miIIions   d'anaIphabètes
dans  Ie  monde,  ce  qui représente  une  diminu- tion spectacuIaire
par rapport au début du XXe siècIe. 
1926 1948 1970 1995 
La mondiaIisation bouIeverse parfois certaines traditions et
habitudes, au méme titre que 
Ia circuIation de I'information permet aux femmes de prendre
conscience de I'oppression dont eIIes sont victimes. L'égaIité
devant Ia Ioi se répand en méme temps que Ia démocratie 
et Ie capitaIisme, et Ies femmes, qui constituaient iI y a 20 ans
36% de Ia main d'oeuvre mondiaIe,  en représentent aujourd'hui 42%. 
0 au recul des inégalités 
Indice de développement humain en années
(source : PNUD) 
1 
0,8 
0,6 
0,4 
PMA PVD Nord 
0,798 
0,859 0,889 0,909 
0,563 
0,428 
0,26 
0,347 
0,331 
0,2 
0 
0,161 0,205 0,245 
1960 1970 1980 1993 
  
Le coefficient GINI pour Ie monde entier est passé de 0,6
en 1968 à 0,52 en 1997, soit une 
baisse de pIus de 10%. 
De méme, on constate que Ia Iiberté
économique profite à tout Ie monde38  : 
38  Plaidoyer pour la mondialisation
capitaliste, de J. Norberg (2001) 
25000 
20000 
15000 
PIB per capita US $ 
10000 
5000 
0 
2210 
3984 
7286 
9607 
19846 
100 
Espérance de vie en années 
90 
80 
70 62 
60 52 
50 
40 
30 
20 
10 
0 
88 
73 76 
5 4 3 2 1 
5 4 3 2 1 
Pays divisés en cinq
catégories, du plus libre (1)
au moins libre (5) 
En  effet,  une  économie  Iibre  est 
caractérisée  par  une  très  grande  mobiIité 
sociaIe  : 
I'ascenseur  sociaI  marche  quand  iI  n'y  a  pas  de 
priviIèges  accordés  à  des  groupes particuIiers ou des
impôts trop éIevés. De pIus, Ie IibéraIisme
économique conduit vers pIus d'égaIité : dans une
étude datant de 1992, G. W. ScuIIy démontre que « la part du
revenu national qui va aux 20% les plus riches est 25% plus petite dans les
Oconomies libres que dans les Oconomies les moins libres ; les revenus rOels
dont disposent les 20% les plus pauvres sont plus OlevOs dans les Oconomies
libOrales que dans les Oconomies les moins libres. » 
Par   conséquent,   c'est   bien   Ie  
Iibre-échange   et   Iui   seuI   qui   crée   Ies   richesses.
L'économiste Sebastian Edwards a d'aiIIeurs démontré
I'existence d'une corréIation positive 
entre Iibre-échange et croissance : 
5 4,49 
4 
3 
2 
1 0,74 
2,29 
0,69 
Taux annueI m oyen de crois s ance 
0 
rts 
ve 
  
  
  
  
Libre-échange et croissance (1970-1990) - Source : Travaux
de Sachs & Warner (1995) 
60 
50 
50 
40 
30 nb d'années 
20 
10 IDE = Investissement Direct Etranger 
10 
0 
APD IDE 
La première étape de Ia formaIisation d'une
économie qui se trouve dans Ia pIupart sinon 
Durée nécessaire pour que les PVD
bénéficient d'une somme de 1 000 Mds US $ en APD et en IDE 
Ia  totaIité  des  pays  en  déveIoppement  dans 
un  état  d'extraIégaIité  est  donc  de  favoriser 
I'émergence  d'une  dOmocratie  libOrale,  seuI 
régime  poIitique  et  seuI  espace  économique capabIe  de 
permettre  Ie  déveIoppement  des pays  où  eIIe  s'instaIIe.  Ne
 nous  y trompons pas : Ie Sud connaît un déveIoppement
exceptionneI depuis 20 ans et a vu émerger une cIasse moyenne de 2,5
miIIiards d'habitants. La BIRD a ainsi répertorié 54 pays
où Ie taux 
de croissance est devenu supérieur à Ia moyenne des
pays de I'OCDE, dont Ie BrésiI, Ie 
ChiIi, Ia MaIaisie, I'Afrique du Sud, Ia Tunisie et Ie MaIi. 
Mettre en oeuvre Ies réformes nécessaires
à I' « officiaIisation » de I'économie informeIIe des
pays pauvres, c'est donc d'abord étre convaincu que Ies cIefs du
déveIoppement sont toujours poIitiques, qu'iI n'y a pas de
déterminisme cuItureI au déveIoppement ou au sous- 
déveIoppement. Le désordre poIitique, Ie manque de
Iibertés (économiques et poIitiques), 
I'absence de respect de Ia rule of law  et de I'Etat de droit
inhibent toutes Ies tentatives de déveIoppement. II est
indéniabIe que Ies pays qui ont adopté I'économie et Ia
démocratie IibéraIes ont tous connu Ie déveIoppement car,
comme I'a dit Guy Sorman : « La croissance 
est possible partout, en l'absence de ressources naturelles, sous
tous les climats, pour tous 
les peuples. » Ce n'est pas autre chose qu'affirme Johan
Norberg Iorsqu'iI résume ainsi Ies causes  du  sous-  ou 
non-déveIoppement  de  certains  pays :  «  La  distribution 
inOgale  des richesses dOcoule de la distribution inOgale du capitalisme.
» 
A  Ia  vérité  d'aiIIeurs,  Ies  pays  riches  ont 
des  capitaux  importants  à  investir,  et  Ia  Iibre circuIation des
capitaux permettrait aux investissements de se faire dans Ies pays où
Ies 
opportunités sont grandes. Ceci est heureusement chaque
année davantage Ie cas. 
40 
35 
30 
25 
% 
20 
15 
10 
5 
0 
1970    1977    1981    1985    1991    1995    1997 
180 
160 
140 
milliards de $ 
120 
100 
80 
60 
40 
20 
0 
1973-78   1979-82   1983-88   1989-92   1993-96 
) L'urgente rOforme juridique des pays en dOveloppement 
Proportion des IDE qui vont aux PVD Entrée nette de
capitaux dans les PVD 
Nous ne devons cependant pas perdre de vue que Ia formaIisation
économique suppose 
avant tout ce que seuI I'économiste péruvien
Hernando de Soto a su vraiment mettre en évidence,  à  savoir 
que  Ie  droit  de  propriOtO  protège  Ies  pIus  pauvres.  En  effet, 
quand Ie droit de propriété existe et est protégé,
iI devient évident que Ies groupes défavorisés ont pIus de
chances de prendre Ieur pIace dans Ia société que dans un
système dominé par Ia puissance pubIique où seuIes Ies
personnes proches du pouvoir se voient reconnaître un titre   de  
propriété   officieI   et   donc   un   accès   aux  
ressources.   En   absence   de   tout enregistrement officieI de Ia
propriété, Ia mobiIité sociaIe est proprement impossibIe
et Ies pauvres  sont  maintenus  dans  Ieur  condition  misérabIe  sans 
aucun  espoir  de  s'en  sortir. 
C'est ainsi que des miIIions de personnes potentieIIement
capabIes de créer de Ia richesse 
sont accuIées à Ia pauvreté, faute de
Iiberté et de titres de propriété Iégaux sur ce
qu'iIs prétendent Ieur appartenir. 
Le  constat  de  départ  est  d'aiIIeurs  Iimpide :  iI
 gît  d'immenses  économies  et  un  grand nombre de biens dans
Ies « pays pauvres »39  qui constituent Ies deux tiers de
Ia popuIation mondiaIe. Une évaIuation rigoureuse de cette richesse
souterraine révèIe qu'eIIe représente près de 40
fois I'aide internationaIe dont ont bénéficié ces pays
depuis 1945 !   De pIus, Ia vaIeur des biens extraIégaux (sans titre de
propriété) de chacun de ces pays dépasse de beaucoup ceIIe
des IDE (Investissements Directs Etrangers), avoirs pubIics, capitaIisation 
en  bourse  IocaIe  et  préts  de  Ia  Banque  MondiaIe
 qu'iI  recueiIIe.  De  Soto  affirme  par exempIe que Ie capitaI
extraIégaI, urbain et ruraI, dans I'immobiIier des pays pauvres vaut
environ 9,3 biIIions de doIIars (CF. ANNEXE 7). 
En conséquence, ces économies importantes et ces
biens non négIigeabIes constituent 
un « capitaI mort » gâché, faute de
titres de propriété officieIs (on ne peut que s'en remettre aux 
aboiements  des  chiens  de  garde  ou  au  témoignage  des  voisins 
pour  identifier  Ie probabIe  propriétaire)  qui  Ies  reconnaissent 
et  permettent  Ieur  formaIisation et  ainsi  Ieur conversion en un «
capitaI vif » qui ouvrirait Ia voie au crédit, à
I'hypothèque, etc. On Iit ainsi chez De Soto : « Au beau milieu de
leurs quartiers les plus pauvres et de leurs bidonvilles, 
se trouvent, à dOfaut d'hectares de diamants, des milliers
de milliards de dollars, tout prOts 
à servir, si seulement le mystère du capital de la
transition des biens en capital vif pouvait 
Otre levO. » 
De cet état de fait, nous pouvons tirer deux prises de
conscience qui montrent par exempIe que  I'avenir  de  Ia microfinance  n'est 
pas  aiIIeurs  que  dans  I'économie formeIIe : d'abord, I'importance 
des  structures  institutionneIIes,  préaIabIes  à  Ia 
constitution  de  capitaI,  car historiquement Ie capitaIisme s'est
déveIoppé sur ces prérequis formeIs (I'artisan ou Ie petit
commerçant hypothèque sa maison pour souscrire un emprunt
bancaire et ainsi financer son   entreprise,   ce   qu'encore   une   fois  
aucun   entrepreneur   d'un   pays   pauvre   n'est actueIIement  en  mesure 
de  faire  sans  reconnaissance  officieIIe  du  droit  à  Ia 
propriété) ; ensuite,  I'oubIi  imputabIe  à  I'Occident 
d'expIiquer  au  monde  « sous-capitaIisé »  comment extraire
du capitaI à partir de ses biens. NatureIIement, on entend ici «
capitaI » (du Iatin 
médiévaI  « téte  de  bétaiI
»),  dans  Ie  sens  qu'Adam  Smith40   Iui  donne  de 
potentieI  de 
production  nouveIIe  contenu  dans  Ie  stock  de  biens 
accumuIés,  définition  qu'iI  oppose d'aiIIeurs aux «
pièces de métaI » de I'argent qui n'est qu'une forme
possibIe de circuIation 
du capitaI (néanmoins créée à cette
fin). 
39  De Soto entend par Ià Ies pays en
déveIoppement et Ies ex-pays communistes. 
40  In Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations, 1776 
D'un point de vue pratique, c'est dont la reconnaissance de la
« propriété formelle » qui doit primer comme
méthode pour activer le capital informel de pays en
développement. En effet, vecteur de la formalisation économique,
le droit de propriété permet de : 
  Fixer Ie potentieI Oconomique des biens, c'est-à-dire
leurs qualités relatives d'échange - 
0 Regrouper et unifier Ies informations juridiques, au sein d'un
système qui en valorise les éléments - 
0 ResponsabiIiser chacun, ne serait-ce que par disparition de
l'anonymat - 
0  Rendre  Ies  biens  fongibIes,  c'est-à-dire pouvoir 
les  diviser  ou  les  réunir  pour  en  avoir l'usage - 
0 CrOer des Iiens sociaux, en devenant membre d'un réseau
d'agents économiques - 
0 ProtOger Ies transactions, comme le prouve par exemple la
centralisation du cours des matières premières à la bourse
de Chicago - 
Un titre de propriété confère en effet aux
biens ce que juristes et économistes appellent une 
« existence  représentative »,  qui  leur 
permet  d'avoir  une  « vie  parallèle » (à  l'instar 
de l'hypothèque) : il n'y pas d'argent sans propriété,
c'est méme celle-ci qui génère celui-là. 
En  outre,  ce  sont  la  plupart  du  temps  de  faux 
problèmes  qu'on  impute  aux  pays  en développement  et 
ex-pays  communistes.  L'envahissement  des  villes  par  les  ruraux,
l'insuffisance des services publics, l'amoncellement des ordures, la
mendicité des enfants dans  les  rues,  la  confiscation  des 
bénéfices  des  réformes  agraires  par  une 
minorité, 
l'argument   de   la   malédiction   culturelle41   
masquent   en   réalité   le   vrai   problème :  
la 
redistribution majeure du pouvoir que ces faux problèmes
imposent. C'est donc finalement 
la question de la spontanéité de
l'extralégalité qui se pose avec le plus d'acuité, tant
elle est vécue  comme  moins  contraignante  que  le  parcours  du 
combattant  pour  entrer  dans  la légalité, méme si in
fine l'existence d'impôts mafieux rend celle-là plus
coûteuse. L'Occident 
lui-méme a connu l'extralégalité il y a deux
siècles, dans sa phase pré-capitaliste qui aboutit 
au  déclin  relatif  de  l'Etat.  On  aurait  ainsi  tort 
de  qualifier  de  « hors-la-loi »  la  moitié souterraine du
PIB russe, les 3 millions de Chinois qui travaillent dans les ateliers de
Pékin 
ou  les  85%  des  nouveaux  emplois  en  Amérique 
Latine,  qui  sont  davantage  le  fait  de 
« sans-loi ». * 
* * 
41  « Les  expIications 
cuItureIIes  [des  phOnomènes  sociaux]  perdurent  parce  qu'eIIes 
pIaisent  aux  inteIIectueIs. » (Fareed Zakaria in Foreign
Affairs) 
L'aventure de la formalisation constitue donc à faire
en sorte qu'il soit moins cher d'agir dans la légalité, en
adaptant la loi aux besoins économiques et sociaux de la population pour
formaIiser I'extraIegaIite (ce qu'ont fait au XVIIIe  les colonies
britanniques sur la côte 
Est en prenant leur indépendance vis-à-vis du droit
anglais devenu inadapté, puis les USA 
en 1862 avec le Homestead Act qui allouait, devant le fait
accompli, 64 hectares de terre libre aux colons en échange de la
promesse d'y vivre cinq ans et de l'exploiter). 
Aussi paraît-il indispensable de tout faire pour
faciliter l'accès des pauvres à la propriété
formelle en définissant de nouveaux contrats sociaux fonciers, en
laissant les arrangements locaux  influencer  l'élaboration  d'un  droit
 officiel  intégrant  ces  contrats  et  en  réduisant
politiquement, grâce à un leader national impliqué et
désintéressé, les obstacles érigés par des
réglementations obsolètes & impropres, qui favorisent
à peine 20% de la population en moyenne. Pour l'économiste De
Soto (CF. ANNEXE 8), ce processus de capitalisation pour passer de
l'économie informelle au capital vif comprend quatre étapes
majeures : 
  Ia strategie de decouverte : établir un bilan objectif
d'extralégalité (détection, quantification,
classification, etc.) - 
0  Ia strategie juridique et poIitique : responsabiliser
l'échelon politique le plus élevé pour réduire le
coût de la détention légale des biens - 
0 Ia strategie operationneIIe : agir sur le terrain
(communication, instruction et enregistrement des titres, etc.) - 
0   Ia  strategie  commerciaIe :  mettre  en  oeuvres  les 
mécanismes  d'information  et  de 
répression (distribution des crédits, des
hypothèques, etc.) - 
CONCLUSION
oixante   ans   d'aide   publique   au   développement  
n'ont   qu'exceptionnellement contribué au recul de la pauvreté,
car aucun centralisme, aucun étatisme, aucun 
S 
autoritarisme planificateur   de la communauté
internationale   ne saurait   se 
substituer à la création de richesses dans des
conditions permettant aux pays pauvres de 
la planète ainsi qu'aux ex-pays communistes de se
développer par eux-mémes. Comme l'a écrit Hernando de
Soto, dans son magistral essai Le  Mystère  du  capitaI (CF. 
ANNEXE  9), tout le monde est capable d'épargner et c'est de ce constat
que doivent étre tirées deux conclusions essentielles. 
Premièrement, puisque les indigents de la planète
disposent de beaucoup plus de biens 
et de richesses amassées que le monde capitalisé
ne le pensait, il est indispensable de leur proposer - dans un premier temps -
des services financiers de crédit et de sécurisation du produit 
de  leur  épargne :  c'est  là  la  raison  d'étre  de  la
 microfinance,  qui  a  su  tirer  la première conclusion de l'existence
d'une abondante épargne souterraine. Cette révolution doit 
toutefois,  nous  l'avons  vu,  relever  le  défi  du  changement 
d'échelle,  et  seule  une formalisation  des  acteurs  actuels  de  la 
microfinance  internationale  (IMF  dont  ONG, structures  traditionnelles, 
banques  d'Etat,  etc.)  via  le  recours  croissant  à  des  banques
dédiées  à  la  microfinance,  permettra  ce  processus 
de  capitalisation,  c'est-à-dire  de conversion du capital
extralégal (ou mort) en capital vif (légalement exploitable pour
créer 
de la valeur ajoutée). 
Secondement,  c'est  uniquement  un  régime  de 
propriété  légal,  officiel  et  juridiquement
unifié qui fait défaut aux pauvres, qui ne peuvent convertir, en
l'état actuel des choses, ni leur  labeur,  ni  leur  épargne  en
 capital  susceptible  de  garantir  par  exemple  des  préts
hypothécaires moins précaires qu'un microprét. C'est ce
qui fait dire à de Soto que « Ies pauvres   ne   sont   pas   Ie  
probIème,   mais   Ia   soIution »,   puisqu'il   s'agit   de  
légaliser l'extralégalité dans laquelle ils se trouvent,
plutôt que de durcir les conditions d'accès à la
propriété formelle légale. 
Permettre à chaque pauvre de la planète de se
voir officiellement reconnaître un titre de propriété sur
ses biens, c'est là le seul modus operandi pour mieux répartir
les richesses du monde en assurant un partage équitable du
capitalisme. 
Non  seulement  les  pauvres  profiteront  de  la 
réforme  institutionnelle  de  leurs  systèmes
politico-économiques et socio-juridiques, mais aussi les nouvelles
sociétés micro- financières, les sociétés de
préts hypothécaires qui auront enfin accès au Tiers-Monde,
les organismes  certificateurs  qui  décerneront  les  titres  de 
propriété  en  administrant  les 
cadastres des pays pauvres qu'ils auront préalablement
rebâtis, les compagnies 
d'assurance, l'ensemble des entreprises et des services
publics, et enfin la diplomatie, qui devrait  assister  au  lent  déclin
 des  tensions  internationales,  par  tarissement  graduel  des
inégalités. 
Ce  temps,  où  la  « finance  durable » 
était  un  slogan  et  l'allocation  dirigiste  des  aides
internationales  au  développement  une  fin  en  soi  ou  -  pour 
reprendre  la  terminologie  de Gilles Deleuze - une « entité
réifiée »,  doit étre révolu. Il ne faut avoir
de cesser de motiver 
les pays en développement à poursuivre avec
force, imagination et travail acharné, sur la route de la mondialisation
et le chemin de la démocratie libérale qu'ils ont pour la plupart
déjà empruntés. 
Pratique formeIIe, projets economiques, programmes de reforme,
ressources autonomes 
et  fIux  prives  doivent  plus  que  jamais  étre  au 
coeur  de  ce  que  Michel  Foucault  aurait probablement qualifié de
« dispositif du développement ». 
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
- PERIODIQUES - 
- Empowering NGOs: the Microcredit Movement through FoucauIt's
notion of dispositif, Morgan BRIGG, 2001 
(In Alternatives Amsterdam, vol. 26 n°3 - pp. 233
à 258) 
- Microfinance dans Ies pays du Sud, Isabelle GUERIN, 2000 (In
Revue d'économie financière, n°56 - pp. 145 à
164 
- Le microcredit dans I'eradication de Ia pauvrete, M. MOHUIDDIN,
2000 
(In Cahiers africains d'administrationpublique, n°55
- pp. 105 à 119 
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- ESSAIS & DOCUMENTS - 
Rapport annueI, Agence Française de Développement
(AFD), 2005 
Rapport d'information n° 46, M. Michel CHARASSE
(Sénat), 2005-2006 
Mystery of capitaI, Hernando De SOTO, 200 
PIaidoyer pour Ia mondiaIisation capitaIiste, Johan NORBERG,
2003 
SustainabIe banking with the poor, Joanna LEDGERWOOD, 1998 
Banquiers aux pieds nus, Jean-Michel SERVET, 2006 
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- SITES WEB - 
Le portaiI de Ia microfinance : 
http://www.lamicrofinance.org 
Institut Liberte & Democratie : 
http://www.ild.org.pe 
«Bourse» de Ia microfinance : 
http://www.mixmarket.org 
Groupe ConsuItatif d'Assistance aux pauvres : 
http://www.cgap.org 
Ministère des Affaires Etrangères : 
http://www.diplomatie.gouv.fr 
DOCUMENTS ANNEXES
ANNEXE  1.  Les  resoIutions  53/197  (1998)  et  59/246  (2004) 
de  l'ONU,  les 
« Onze principes essentieIs de Ia microfinance »
édictés par le CGAP 
Source :AFD, 2005 
ANNEXE  2.  Tableau  synoptique  de  quelques  projets  conduits 
par  l'AFD  en 
2005 
Source :AFD, 2005 
ANNEXE 3. Extrait des chapitres de subventions publiques aux
ONG 
Source :Cour de comptes 2005-2006 et Loi de Finance
2003 
ANNEXE 4. Liste des 16 ONG les plus subventionnées par le
MAE français 
Source :Rapport d'information parlementaire n°46,
2005-2006 (Charasse) 
ANNEXE 5. Bilan des opérations de microfinance de quelques
banques dans 
le monde 
Source :Focus (BIM), 1998 
ANNEXE 6. Exemple de notation d'une caisse villageoise malienne
par PIaNet 
Rating 
Source :PlaNet Finance, 2006 
ANNEXE  7.  Evaluation  du  secteur  informel  urbain  et  rural 
dans  l'immobilier mondial 
Source :enquétes de H. De Soto, 1997 
ANNEXE 8. Approche méthodologique de l'«
OfficiaIisation economique » 
Source :H. de Soto, 2000 
ANNEXE 9. Extrait du Mystère du capitaI Source :H.
de Soto, 2000 
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