MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
Florent MACHABERT
Acteurs et enjeux
de la formalisation économique dans la lutte contre la
pauvreté
dans le monde
Management culturel & solidaire - Promotion Novembre 2007
PLAN D'ETUDE
INTRODUCTION A LA PROBLEMATIQUE
*
* *
CHAPITRE PREMIER
LA POLITIQUE FRANÇAISE DE MICROFINANCE :
PANORAMA MONDIAL & DIAGNOSTIC DE FONCTIONNEMENT
A. LA MAINMISE DE L'ETAT SUR LES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE
) La nature informelle et précaire de l'intervention des
IMF
) L'omniprésente tutelle de l'Etat français
B. LE RELAIS CROISSANT DU SECTEUR FORMEL ET DE SES METHODES
) L'indispensable entrée en matière des banques
commerciales
) La redistribution des rôles entre tous les acteurs
*
* *
CHAPITRE SECOND
L'AIDE AU DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE :
DU RIDEAU DE FUMEE AUX CHOIX D'AVENIR
A. 60 ANS DE POLITIQUES D'AIDE AU DEVELOPPEMENT
) Des trois méthodes dirigistes et anticapitalistes...
) ...au timide retour de l'approche libérale
B. LE PREALABLE INSTITUTIONNEL A TOUT DEVELOPPEMENT
) Liberté, égalité, capitalisme
) L'urgente réforme juridique des pays en
développement
*
* *
CONCLUSION DU MEMOIRE
Page 2 sur 47 - Florent MACHABERT - Mémoire de fin
d'études
INTRODUCTION
T
ant dans les pays en développement que dans les
pays développés, un système financier
diversifié et performant constitue l'une des conditions
essentielles de la croissance.
A côté des débats d'actualité produits
par la démocratie d'opinion qui prend peu à peu conscience des
mutations qui la menaceront dans un avenir proche si rien n'est
fait - recyclage des déchets, nécessité de
développer des moyens de transports propres et
les ENR (ENergies Renouvelables), question de la labellisation
des produits alimentaires dont ceux issus de l'agriculture biologique,
développement du commerce équitable ou encore urgence des
besoins en services de proximité à la personne et aux territoires
- on trouve également celui, tout aussi prégnant, de la finance
éthique ou de la finance solidaire, selon que l'on retienne
respectivement la dénomination anglo-saxonne ou latine.
On assiste en effet depuis la fin des années 80 - la chute
du communisme dans les faits - au boom de l'économie informelle qui se
met tant au service de l'action humanitaire
qui bourgeonne depuis la fin des années 60 sous les
traits du « sans-frontiérisme » qu'on impute à raison
à l'épisode du Biafra, qu'à celui du développement
des premiers filets de sécurité financiers à destination
des plus pauvres de la planète. Le bras armé de ce double
mouvement de solidarité humaine et économique prend
immédiatement le visage de l'ONG (Organisation Non Gouvernementale) et
du processus d'influence. En 1992, la Conférence
de Rio confie officiellement aux ONG un Agenda 21, inspiré
de celui qu'elle impose aussi aux Etats, aux collectivités locales et
aux entreprises.
Ainsi admet-on que trois principaux outils de solidarité
financière ont été développés
en près de 20 ans, depuis que le bien
nommé banquier des pauvres, le Bangladais Muhammad Yunus,
ministre des finances de son pays dans les années 70, a
fondé la Grameen Bank pour les villages situés
autour de l'université de Chittagong, en reconnaissance de
laquelle il a reçu le 10 décembre dernier à Oslo le prix
Nobel de la Paix
2006 :
d'abord, I'opportunité pour Ia popuIation
bancarisée du Nord d'affecter voIontairement Ie produit de son
épargne à des projets à caractère soIidaire
au bénéfice du monde en déveIoppement,
ensuite, Ia possibiIité pour Ies cIients des banques des
pays déveIoppés de renoncer
à Ia rémunération de Ieur
épargne qui viendra abonder un fonds soIidaire de
déveIoppement des pays pauvres,
enfin, Ia naissance de Ia microfinance dans Ie Sud,
historiquement sous Ia forme de
Ia sécurisation de I'épargne des pauvres, qui
évoIue ensuite vers une muItipIicité de produits et de services,
parmi IesqueIs figurent Ie microcrédit, Ie microfinancement (de
microentreprises) et Ie chantier actueI d'une microassurance.
Conçue pour tenter de rétabIir une
situation d'équité partout dans Ie monde en permettant aux
pIus pauvres d'accéder à des services financiers
indispensabIes, Ia microfinance doit toutefois veiIIer à demeurer une
approche purement capitaIiste et non une démarche seuIement aItruiste
qui Iui ôterait tout espoir de pérennité : c'est Ià
Ia seuIe façon
de consoIider son caractère de finance durable,
comme Ie rappeIIent d'abord Yunus Iui- même :
Grameen literally runs after poor women who are
terribly alarmed at the very suggestion of borrowing money from the bank,
do not have any business experience whatsoever, may never have touched paper
money in their lives, and never dared to think about running a business of
their own. Grameen tries to convince them that they can successfully
run a business and make money. [...] Handouts take away initiatives
from people. Human beings thrive on challenges not on
palliatives.1
puis I'ex-président de Ia Banque MondiaIe, James D.
WoIfensohn, en 1996 :
Microcredit programs have brought the vibrancy of the
market economy to the poorest villages and people of the world. This
business approach to the alleviation of poverty has allowed millions of
individuals to work their way out of poverty with
dignity.2
1 Muhammad Yunus, The Grameen Bank Story :
Microlending for Economic Development, DoIIars and Sense, n°212
(JuiIIet-Août 1997), Infotrac Database, A19807547
2 James D. WoIfensohn, cité dans Masters of
Illusion : The Word Bank and the Poverty of Nations (1996) par
Catherine CaufieId, section «Poverty and the StruggIe
to overcome It», sous-section «Foreign Aid, PubIic
WeIfare Programs, and the Poorest»
et enfin I'ex-secrétaire de I'ONU (Organisation des
Nations Unies), Kofi Annan, Ie 12 février
2000, à Bangkok (CF. ANNEXE 1) :
Les principaux perdants dans le monde très
inégalitaire d'aujourd'hui ne sont pas ceux qui sont trop
exposés à la mondialisation. Ce sont ceux qui en sont exclus.
3
S'iI était encore besoin, on s'aperçoit
donc que Ie pIus puissant moteur contre I'excIusion, que Ia chance des
pIus pauvres, demeure Ie capitaIisme. A partir des données
internationaIes Ies pIus soIides, on peut affirmer avec Johan Norberg
que « la pauvreté dans le monde a plus diminué au cours
des 50 dernières années que pendant les 500 ans
qui les ont précédées »,
pendant que dans Ie même temps, I'espérance de
vie, I'améIioration de Ia santé, Ia diminution de Ia faim dans Ie
monde progressent.
NatureIIement, iI y a encore trop de misère, trop
de pauvreté ou de situations de dénuement extrême.
Mais opposer Ie miracIe Est asiatique Iié à I'ouverture des
marchés, à
Ia Iiberté économique et au droit de
propriété au bourbier africain, ceIui d'un continent où
Ies entrepreneurs ne vont pas, mais où Ie pIus souvent des
régimes despotiques fabriquent
Ia pauvreté et Ia famine, conduit immanquabIement à
comprendre que c'est Ia conversion
de I'ensembIe des pans de I'économie informeIIe en marge
de Ia IibéraIisation économique
en économie formeIIe (ceIIe des entreprises du secteur
privé) qui seuIe peut permettre aux pIus indigents de Ia
pIanète de sortir de Ia spiraIe infernaIe. C'est pourquoi Ie
présent
rapport se veut à Ia fois OUTIL D'ANALYSE ET FORCE DE
PROPOSITION.
Corrélation positive entre
LES
DUNES DU TEMPS.
Surprenante saison
à qui saurait y croire
Quand débarquent en chantant l'antre et le violon
Je ne saurai jamais à quelle ombre me fier
sans crainte du retour
et des haleines de frissons
Entrent alors dans le centre
PNB/hab. et bancarisation
3 Cité par Johan Norberg, dans Plaidoyer pour
la mondialisation capitaliste (2003)
CHAPITRE PREMIER
LA POLITIQUE FRANÇAISE DE MICROFINANCE :
PANORAMA MONDIAL
& DIAGNOSTIC DE FONCTIONNEMENT
- DOUBLE PREAMBULE TECHNIQUE & HISTORIQUE -
Afin d'avoir une appréhension globale des
mécanismes et de l'évolution de la microfinance depuis ses
débuts jusqu'a aujourd'hui, une brève introduction
technique et
historique trouve ici sa place.
*
* *
2D'un point de vue technique, les quelques chiffres
suivants donnent une idée précise a la fois du
fonctionnement traditionnel, du potentiel et de la pénétration
dans le Tiers Monde du microcrédit, pratique la plus courante de la
microfinance.
On retiendra 6 données sur le microcrédit :
le montant des sommes prêtées est faible,
c'est-a-dire inférieur a celui qui intéresse les banques
traditionnelles du Nord - la fourchette s'étend de 10 € à 5
000 €
0 le taux d'intOrOt 4 se doit d'être
élevé, en moyenne 10% mensuel
0 l'OchOance du microprêt est brève pour compenser
les taux, 11 mois en moyenne
0 le taux de retour est équivalent a celui des prêts
classiques, de l'ordre de 98%
0 le dO/ai d'obtention du microprêt est très bref,
quelques jours au maximum.
0 en terme de caution, aucune garantie réelle n'est
exigée pour bénéficier d'un microprêt
Sur le front de l'efficacité pratique, 3 faits sont
éloquents :
pour les pays qui disposent a la fois de
structures de microfinance et de sociétés de capital-risque
(de type CIGALES5 en France), le microcrOdit couvre
généralement 1/3 des besoins de financement contre les 2/3
assurés par les capitaux-risqueurs
0 on estime qu'avec des microprêts annuels de 60€ on
éradiquerait 25% de la misère dans
le monde, soit près de 250 millions de
personnes6
0 60 millions de pauvres dans le monde bOnOficient aujourd'hui du
microcrédit, dont près
de 10% grâce aux activités de la seule Grameen Bank
- les objectifs officie/s ont été fixés
en 2005 a 600 millions de bénéficiaires a l'horizon
20157
2D'un point de vue historique, il est bon de rappeler
que le microcrédit n'est pas une invention récente, puisqu'il
existe depuis plusieurs siècles, sous la forme de la
4 Cet élément fait l'objet d'un
développement plus complet dans la section B. du présent
chapitre.
5 Clubs d'Investisseurs pour une Gestion Alternative
et Locale de l'Epargne Solidaire
6 On étudiera les ressorts pernicieux de ce
genre de logique dans le Chapitre Second.
7 Chiffres formulés le 20/06/2005 lors de la
Conférence internationale de Paris sur la microfinance
pratique ancestrale des susus au Ghana, des chit funds en
Inde, des tandas au Mexique, des cheetu au Sri Lanka, des merry-go-rounds
au Kenya, des tontines dans les pays d'Afrique de l'Ouest, des pasanaku
en Bolivie ou encore des arisan en Indonésie.
De la même façon, il y eut Lorenzo Tonti8
appelé en France en 1653 par Mazarin, puis Jonathan Swift a
qui l'on doit, a l'aube du XVIIIe, le développement
d'un système mutuel de crédit dont allait bientôt
bénéficier près de 20% de la population irlandaise au
milieu du XIXe. C'est a cette époque et jusqu'a la fin du
XIXe que d'autres mécanismes de
la « finance sociale » voient le jour, d'abord
en 1870, en Allemagne, sous l'impulsion de Friedrich Wilhelm Raiffeisen
qui met au point des services a destination de la population et des petits
entrepreneurs ruraux, puis très vite en Indonésie, où voit
le jour en 1895 la BPR (Bank Perkreditan Rakyat) devenue depuis la
puissante BRI (Bank Rakyat d'Indonésie). Ces premiers balbutiements
de la microfinance se propagent ensuite en Amérique Latine
sous forme d'investissements (début du XXe)
dégénérant peu a peu en étatisme forcené
(milieu du XXe).
Les années 70 sont ensuite celles de
l'expérimentation qui conduiront peu a peu a la naissance de structures
informelles de plus en plus spécialisées : c'est
l'émergence des IMF (Institutions de MicroFinance), dont
l'évolution dans les années 80 et 90 a permis le passage de la
seule offre de microcrédit a une microfinance multiforme. C'est
l'aventure qu'ont ainsi suivie la Grameen Bank dès 1983 au Bangladesh
(dont la création, pionnière
en la matière, a ensuite motivé celle d'autres
établissements bangladais : la BRAC, l'ASA
ou l'influent centre pour le développement humain :
Proshika), mais également l'Inde dès
1972 avec une banque coopérative (la SEWAB pour
Self-Employed Women Association
Bank), le Brésil (avec Accion International) qui inspirera
la création de Bancosol dès 1992
en Bolivie.
Des structures analogues voient également le jour
aux Etats-Unis et même en Afrique, où
l'intermédiation financière qu'assurent les IMF se mesure
très concrètement depuis une quinzaine d'années,
comme le prouve le graphique page 10, qui montre en substance que
l'Afrique financièrement « intermédiée »
contracte en valeur près de 6 fois
plus d'emprunts que le reste du continent. Celle-la compte
environ 60 000 épargnants (et le
8 Il donnera son nom a la pratique africaine des
tontines.
montant total des dépôts atteint ainsi 10
millions US$) tandis que celle-ci n'en compte
quasiment pas.
A. LA MAINMISE DE L'ETAT SUR LES INSTITUTIONS DE
MICROFINANCE
) La nature informe//e et prOcaire de /'intervention des IMF
La caractéristique des institutions de
microfinance est l'extraordinaire multiplicité des formes sous
lesquelles elles se sont constituées et qui reflète bien
l'éventail des missions financières qu'elles se voient confier a
travers le monde : car entendons-nous bien, elles sont le plus souvent le bras
armé et l'outil de terrain des politiques de développement des
pays du Nord dont elles ont la nationalité. Aussi peut-on établir
la typologie suivante des IMF, en rejoignant les conventions internationales de
l'ONUAA (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture) qui invitent a distinguer les secteurs formel (encore
très peu prOsent en microfinance), informel (prOdominant) et
semi-formel (très
reprOsentO Oga/ement).
SECTEUR FORMEL
|
SECTEUR INFORMEL
|
SECTEUR SEMI-FORMEL
|
Banque centrale
Banque commerciale
Banque rurale Banque postale Banque coopérative
Banque privée de développement Banque d'Etat de
développement Institution non bancaire
Société de BTP Fonds de pension
Compagnie d'assurance
Marché actions & obligataire
|
Association d'épargne
Association combinée : ROSCA9
Sociétés financières informelles :
- « banquier indigène »
- compagnie financière
- sociOtO d'investissement Groupe d'entraide officieux
Prêteur individuel a gage :
- commercia/
- amis, fami//e et voisins
Commerçant-usurier
ONG
|
Coopérative d'épargne
Coopérative de crédit
Mutuelle
Syndicat
Banque popu/aire Coopérative quasi-banque Fonds
d'épargne salariale Projets de développement
Groupe d'entraide auto-enregistré Association
d'épargne Coopérative multiservices
ONG
|
Par définition, il est difficile d'évaluer le poids
en microfinance du secteur semi-formel, et
encore davantage celui des IMF informelles.
Toutefois, une simple observation du fonctionnement de terrain des
pratiques de microcrédit permet de comprendre que, s'il est
en effet exact que la plupart des tontines africaines et
modèles équivalents cités plus haut
ont bel et bien évolué, ces structures se sont
au mieux organisées de façon semi-formelle mais sont le plus
souvent restées a un stade informel légèrement plus
avancé, qui n'en fait pas pour autant des établissements de
l'économie formelle.
Certes, et nous en avons déja mentionné quelques
unes, il existe un certain nombre de petites et grandes banques privées,
formalisées comme peuvent l'être les grandes banques
du Nord, mais cela demeure l'exception dans le domaine de la
microfinance.
9 ROtating Savings and Credit Association, en vogue
en Afrique et au Pérou et reposant sur l'existence d'une garantie
« informelle » (adjectif pris ici dans le sens d'intangib/e,
non rOe//e) : la pression sociale (peer
pressure) que fait reposer sur chaque membre l'ensemble des
épargnants et qui installe ainsi une « solidarité
tournante »
Par I'observation mais sans jamais pouvoir recourir a Ia
statistique, Ies spéciaIistes du produit « microcrédit
» connaissent Ia ventiIation des IMF sur Ie terrain.
- Le 1er stade, auqueI se sont
arrêtés Ia pIupart des pays en déveIoppement, est ceIui de
I'économie totaIement informeIIe, dont Ie prototype est tripIe :
I'usurier, Ia ROSCA et Ie prêteur a gage.
- La 2e phase, dans IaqueIIe s'engagent
certains pays déterminés a résoudre Ieur
probIème de pauvreté pandémique, est
Ia mise en oeuvre d'un Ient processus d'institutionnaIisation des
structures informeIIes, soit sous Ia forme :
de Ia greffe exogène d'une « banque viIIageoise
» sur I'IMF souterraine - c'est Ie coeur
du travaiI de FINCA ou, depuis 2002 des CVECA (Caisses
ViIIageoises d'Epargne et
de Crédit Autogérées), qui ajoutent
une somme conséquente au panier d'épargne initiaI d'une
structure traditionneIIe (toujours une tontine d'Afrique de I'Ouest pour Ies
CVECA10), récIamant, en échange du crédit
pIus fort que Ies membres pourront s'octroyer mutueIIement, Ie
remboursement du montant « misé » a I'issue duqueI
Ie
« vi//age banking »11 devient une caisse
autogérée (en cas de défaut, c'est Ia banque
qui supportera Ia perte),
d'un pIus rare mouvement endogène de formaIisation
progressive des IMF - c'est Ie cas des mutueIIes de crédit et des
coopératives (eIIes reposent sur Ie doubIe principe participatif d'un
droit d'entrée a I'adhésion octroyant Ie droit de vote et d'une
mise en commun de biens) qui peu a peu se convertissent en banques
coopératives, banques d'Etat, petites banques spéciaIisées
(a I'instar de BancoSoI en BoIivie) voire grandes banques muItiservices (comme
Ia NBD-Egypte, NationaI Bank for DeveIopment).
Par aiIIeurs et au-deIa du caractère informeI de
I'intervention des IMF dans Ies pays en déveIoppement, ceIIe-ci sembIe
égaIement très précaire, en raison de deux
principaux facteurs :
- une conception /atine du microcrOdit, basée sur Ie
crédit intuitu personae, c'est-a-dire un crédit a Ia personne
(dont Ia France est I'intemporeIIe partisane, du fait de son héritage
juridique romano-germanique), qui, contrairement au crédit
angIo-saxon, empêche tout
10 Ce modè/e, basO sur /'imp/ication et /a
proximitO, fait f/orès : (i) CVECA - Pays Dogon (MaIi) ; (ii) CVECA -
Office du Niger et 1ère Région (MaIi), CVECA - SISSILI
et SOUM (Burkina Faso ) ; (iii) Associations
d'Epargne et de Crédit Autogérées (AECA) -
Maravoay et « VoIa Mahasoa » - Moyen OniIahy (Madagascar ) ;
(iv) Projet PiIote de Crédit RuraI
DécentraIisé - Cameroun ; (v) Caisses LocaIes d'Epargne et de
Crédit - Sao
Tomé et Principe.
11 Expression de John Hatch, fondateur de FINCA en
BoIivie, au début des années 80
crédit a garantie, c'est-a-dire qu'il ne permet pas
l'hypothèque par exemple, qui dans la tradition pré-capitaliste
de l'Europe a pourtant constitué un outil indispensable a
l'artisanat et au commerce dans le lancement des activités
économiques (nous verrons dans le Chapitre second comment
remédier a cette conception dévoyée),
- l'exigeante urgence qu'il y a a satisfaire
simultanément les 5 conditions d'un accès équitable
aux produits de la microfinance :
vérifier que le client potentiel puisse accéder
financièrement aux produits
0 veiller a ce que les IMF localement responsables
bénéficient de moyens financiers
0 s'assurer le soutien financier de tiers-payeurs institutionnels
(banques, SCR12)
0 faire en sorte que les IMF disposent sur le terrain de
compétences humaines
0 organiser la double mobilité des acteurs de la
microfinance :
W du Nord au Sud (problOmatique de gestion des ressources
humaines)
W au sein d'un pays en développement donné
(missions de terrain)
Aussi s'aperçoit-on nettement que l'intervention
des quelques 10 000 IMF de toutes économies (informelle et
semi-formelle) paraît fatalement très précaire, compte tenu
autant des deux facteurs mentionnés ci-dessus que de l'origine publique
d'une part écrasante des fonds venant abonder leurs caisses, pour
tenter de résoudre le problème des moyens financiers. C'est
donc sans surprise qu'on estime a 1% la part des IMF considérées
comme rentables, les 9900 restantes demeurant financièrement plus
dépendantes encore de l'aide publique au développement des pays
du Nord... dont la France.
) L'omniprOsente tutelle de l'Etat français
A côté des IMF a but lucratif (banques
que l'on retrouve - sans exclusive toutefois - davantage dans les
ex-pays communistes d'Europe de l'Est que dans les pays du Tiers- Monde), les
trois autres grandes catégories d'Institutions de MicroFinance se
trouvent être financièrement alimentées par des subsides,
entre autres de l'Etat français, la France ayant toujours occupé
une place singulièrement importante dans l'aide au
développement,
notamment en faveur du continent africain, pour lequel elle est
le 1er pays du monde en
terme d'aide publique.
Se retrouvent donc financièrement accompagnées par
notre pays :
12 Sociétés de Capital-Risque
- les IMF dites participatives (dont les ONG),
- les IMF mutualisOes (cas de l'Afrique de l'Ouest comme il est
dit supra),
- a fortiori les IMF gouvernementales ou OtatisOes (comme
les CRC, Coopératives
Rurales de Chine).
Cet accompagnement financier, absolument indispensable a
la plupart des IMF qui interviennent partout dans le monde, repose en
France sur la mobilisation de deux institutions d'importance
inégale : les services du Quai d'Orsay et l'AFD (Agence
Française
de Développement, CF. ANNEXE 2), qui naturellement
collaborent.
Concernant le MAE (Ministère des Affaires
Etrangères), ce sont les imposantes DGCID
(Direction Générale de la Coopération
Internationale et du Développement) sous le patronage de Philippe
Etienne depuis janvier 2005 et DDCT (Direction du Développement
et de la Coopération Technique) qui sont chargées
de l'allocation des enveloppes aux IMF.
Source : MAE (DRH) - Contact : 20, rue Monsieur 75700 PARIS
Plus particulièrement, la DDCT communique directement
avec une douzaine d'opOrateurs techniques qui travaillent sur le terrain
tandis que c'est la MCNG (Mission pour la Coopération
Non-Gouvernementale) qui collabore, comme son nom l'indique, avec les
ONG présentes sur un théâtre. Concrètement, les
relations tissées par cette mission entre
le MAE et les ONG depuis 1999 représentent 40 projets de
développement économique, rural autant qu'urbain, pour la somme
de 8,235 M€, soit un cofinancement de la France a
hauteur de 30% de chacun de ces projets. La somme est
ridiculement petite, car 100% des
ressources publiques des 266 ONG et associations de
volontaires ont la même origine : l'APD (Aide Publique au
Développement), qui les finance annuellement a hauteur de 71M€
(somme qui ne prend pas en compte les montants versés a la Commission
Européenne qui
les redistribue aux ONG), et dont l'origine, la forme et la
ventilation géographique sont les
suivantes :
Origine de l'APD de la France versée aux ONG
75,00%
67,89%
50,00%
25,00%
0,00%
8,03%
15,21%
7,46%
1,41%
MAE : adm inis tration centrale
MAE : pos tes a l'étranger
collectivités locales
AFD autres m inis tères
Source unique : MAE (2003)
Répartition des crédits accordés aux ONG
La coopération non gouvernementale française
Asie
autres zones
2,00%
France
Afrique hors
commandes
19%
autre
1%
11,00%
Maghreb & Moyen-Orient
9,00%
15,00%
Maghreb
46,00%
subventions
80%
Europe hors
UE
4,00%
Amérique Latine & Caraïbes
13,00%
Le dernier graphique est pour nous l'occasion de rappeler
que le MAE a compétence
discrétionnaire pour déterminer chaque année
sa ZSP (Zone de Solidarité Prioritaire), dont
la plus récente disponible comprend :
- toute l'Afrique (pays les plus aidOs : Guinée :
0,87M€, Sénégal : 1,76M€, Mali : 1,80M€,
Burkina-Faso : 2,34M€, Madagascar : 2,79M€), sauf la Libye,
l'Egypte, la Somalie, la
Zambie et le Botswana
- le Proche et Moyen-Orient a travers le Liban,
les TAP (Territoires Autonomes
Palestiniens, 1,20M€), l'Irak, l'Afghanistan et le
Yémen
- l'Asie du Sud-Est : le Laos, le Vietnam (1,30M€) et le
Cambodge (1,57M€)
- une poignée de pays de l'ensemble
Caraïbes-Pacifique : Cuba (1,66M€), Haïti
(0,88M€), République Dominicaine, Surinam et
Vanuatu.
Concernant a présent l'AFD, son action est venue se
substituer a celle des banques de développement, après le constat
d'échec que celles-ci ont elles-mêmes dressé, même si
le Conseil de l'Europe a maintenu la sienne créée
dès 1956 : la CEB (la Banque de développement du Conseil de
l'Europe). Le parcours de l'AFD, fondée quant a elle en 1941 par le
Général de Gaulle, sous le nom de Caisse de la France Libre puis
Caisse Française
de Développement, retrace au moins 20 ans de partenariat
entre la Coopération française
et la Microfinance.
Entre 1983 et 1991, elle accompagne les programmes
d'expérimentation de nouvelles formes d'intermédiation
financière, comme la mutation, en 1989, de la COOPEC
(COOPérative d'Epargne et de crédit du Congo-Brazzaville)
en MUCODEC, le statut de MUtuelle COngolaise D'Epargne et de
Crédit permettant d'atteindre une frange de population
autrefois exclue des produits et services de la microfinance
coopérative.
Entre 1991 et 1995, l'AFD se charge d'une double mission
semblant aller dans le bon sens, celui de la formalisation progressive :
d'abord, assurer la pérennité des IMF, c'est-a-dire leur
rentabilité, par la multiplication de partenariats multiformes entre
elles et les banques privées ; ensuite, davantage utiliser les NTIC
(Nouvelles Technologies d'Information et de Communication) pour
développer les nouveaux produits d'avenir de la microfinance (a
l'instar de la microassurance et de la protection sociale).
Riche de la conduite de près de 390
opérations entre 1987 et 2004 pour une valeur de
390M€, l'Agence s'est résolument engagée au
service de l'OMD1, le 1er Objectif Millénaire pour le
Développement : la réduction significative a l'horizon 2015
de l'extrême pauvreté dans le monde, et c'est en faveur de ce
chapitre qu'elle entend réformer le cadre informel dans lequel les IMF
évoluent aujourd'hui pour la plupart.
Institution publique, l'AFD a donc ceci de paradoxal : elle
contribue au même titre que le MAE a alimenter la perfusion d'argent
public qui maintient en activité l'écrasante majorité des
IMF et ONG, tout en affirmant le plus souvent avec succès un cap clair
en faveur de la formalisation économique des acteurs du
développement. Parmi ses projets-phares, nous
retiendrons :
- un soutien solide a la crOation d'IMF : 1,5 M de
bénéficiaires directs, 6 a 7 M de personnes touchées
indirectement via ces IMF,
- la mise en oeuvre innovante d'une facilitO
d'investissement en microfinance, sur subvention d'Etat, qui permet de
réaliser des investissements en fonds propres ou quasi fonds
propres dans des IMF, en création ou en cours de transformation, ou dans
des fonds d'investissement en microfinance - l'AFD s'est a cet égard
dotée de 20M€ en
2004, devenus 230M€ pour l'année 2007,
- l'habituelle aide au dOveloppement qu'elle ne
questionne pas : 54% en faveur de l'Afrique subsaharienne, 31% en
direction des pays asiatiques, le reste se répartissant entre les
Caraïbes et les pays arabes,
- la tutelle qu'elle exerce sur les 2,165 M€ de budget
du PRAOC (Programme Régional d'Appui aux Opérations
d'épargne et de Crédit décentralisé) dont le
siège se situe a Ouagadougou au Burkina Faso.
Confortée par le Rapport d'information
n°46 du sénateur Charasse de 2005-2006 (CF. ANNEXES 3
ET 4) et intitulé Fonds octroyOs aux organisations non
gouvernementales françaises par le ministère des affaires
Otrangères, l'analyse faite ici de la mainmise de l'Etat sur le
fonctionnement des IMF conduit a relever cinq incohérences fortes :
le cofinancement public des IMF en
général et des ONG en particulier est insuffisamment
affichO : le logo du MAE ne figure pas sur tous les projets financés et
une ONG comme Coordination Sud - épinglée par la Cour des Comptes
- déclare
un taux de 13% de subsides publiques contre 54% dans la
réalité -
0 aucune des subventions publiques indirectes (locaux du Quai
d'Orsay loués a des
ONG a des prix très en deça de ceux du
marché) n'est prise en compte dans la part
de cofinancement public ; s'y ajoute une pratique de
survalorisation des apports autonomes des ONG afin de rehausser les apports
publics (plafonnés a 50%) -
0 l'existence de « subventions gigognes » laisse
supposer que de l'argent public est parfois alloué sans connaître
le bénéficiaire -
0 le MAE ne semble pas maîtriser la définition
de ses objectifs et de ses moyens : cela conduit a la coexistence d'une
contraignante dualitO d'objectifs entre la politique de coopération et
celle de développement de la France -
0 il existe enfin de réelles faiblesses dans le
contrôle de gestion de la DGCID (qui
délègue a des opérateurs la gestion de
près de 75% de ses crédits) ; de plus
s'impose le constat d'un suivi lacunaire des projets en cours de
la part de la MCNG (qui formule peu d'ordres de reversement des surplus et
n'édite aucune facture).
Force est donc de constater que ces carences fortes qui
précarisent une économie déja souterraine plaident pour un
relais croissant du secteur formel et de ses méthodes.
B. LE RELAIS CROISSANT DU SECTEUR FORMEL ET DE SES
METHODES
) L'indispensable entrOe en matière des banques de
dOpôt13 (CF. ANNEXE 5)
Les arguments qui plaident pour une formalisation
économique des IMF - on entend aussi parler d'«
officialisation » (chez H. de Soto), de libéralisation ou, mieux,
de régulation
- ne manquent donc pas. La question qui se pose a ce stade est
alors la suivante : a partir
de quand les IMF doivent-elles entreprendre une telle
démarche ? Deux éléments de réponse peuvent
être apportés immédiatement :
- dès l'instant où elles mobilisent les
dépôts de leurs clients,
- et dès lors qu'elles atteignent une taille critique a
partir de laquelle leur faillite aurait des conséquences qui
toucheraient bien plus que les seuls propriétaires et leurs clients.
Par ailleurs, comme les fonds publics - nous l'avons vu - ne
peuvent suffire a répondre aux immenses besoins de financement d'une
demande potentielle de 3 milliards de micro- emprunteurs, les bailleurs
doivent chaque jour davantage se concentrer sur le lancement des IMF et sur
les moyens d'appuyer, auprès du secteur financier classique,
celles qui auront fait la preuve de leur rentabilité et de
leur viabilité. Cette tendance forte est heureusement déja
sur les rails puisque le CGAP (Groupe Consultatif d'Assistance aux
Pauvres) estime que l'épargne représente dès a
présent environ les deux tiers des ressources totales des IMF (hors
ONG), le tiers restant se partageant entre les lignes de crédit des
banques locales, les subventions, les prêts et les prises de
participation des organismes d'aide internationale. Eu égard a une
demande potentielle qui représente donc près de cinq fois le
nombre de clients actuels de la microfinance dans le monde, la
révolution a l'oeuvre vise de façon évidente a «
changer d'Ochelle », comme l'a rappelé le Président Chirac
en 2005 lors de la Conférence internationale de Paris sur la
microfinance. Changer d'échelle, cela signifie avant tout
contribuer a élargir considérablement la
gamme de produits offerts pour passer de la microfinance
a ce que certains appellent
13 On désigne par ce terme
générique (commercial banks en anglais) les banques de
détail (retail banks) et
les banques d'affaires. Seules ici les banques de détail
(particuliers et micro-entreprises) sont concernées.
désormais la « livelihood finance ». Celle-ci
correspond tout simplement a un « package »
financier comprenant :
- de l'épargne (A),
- du crédit a court et moyen terme(B),
- de l'assurance (assurance vie, santé, etc.) (C),
- des fonds et services managOriaux pour les infrastructures
(D),
- des investissements dans la formation professionnelle (E),
- le développement de services a l'agriculture et aux
marchés (F),
- le développement de services sociaux appuyés par
des élus locaux (G).
Cette démarche se propose en effet
d'évoluer de l'insuffisante approche minimaliste actuelle qui
regroupe les produits d'intermédiation financière (A, B, C) et
sociale (E) vers une meilleure approche globale et intOgrOe, qui
adjoindrait a la première des services et fonds de
développement de la micro-entreprise (D) et du secteur rural
(F) souvent condamné a essuyer les échecs d'une
première implantation locale d'une IMF et des services sociaux
(G) dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de
la nutrition et de l'alphabétisation. Mais cet élargissement
des compétences - indispensable a la pénétration des
offres de microfinance - doit nécessairement s'accompagner d'une
régulation et d'une formalisation des acteurs informels ou semi-formels
déja présents sur le terrain ainsi que d'un accroissement du
poids des banques de détail qui pourront ainsi imposer a tous leurs
méthodes, car l'objectif de durabilité de la « finance
solidaire » ne peut être atteint qu'en assurant la
pérennité, c'est-a-dire la rentabilité, de tous les
acteurs et spécialement de ceux
qui se trouvent aujourd'hui en dehors de l'économie
formelle.
Au-dela des banques de dépôt et banques d'Etat qui
sont naturellement amenées a jouer
un rôle dominant pour imprimer leur culture a
l'économie informelle, ce sont les SEP (Services d'Epargne
Postaux), les Mutuelles & Coopératives de Crédit et
même - on peut l'imaginer - certains points de vente, qui devront devenir
des institutions de microfinance (formelles) a part
entière14, en partenariat avec les banques déja sur
place ainsi portées a
se spécialiser dans l'offre de microfinance,
celles-la (hors ONG) cédant peu a peu leur place a celles-ci,
dont on pourrait imaginer garantir la conversion, voire la fusion
IMF- banque et le démarrage a l'aide de subventions publiques qui
auraient ensuite vocation a disparaître définitivement du
secteur. On considérera ainsi avec intérêt l'exemple
d'une ONG de développement rural cambodgienne qui est devenue en 1998
une SFI florissante
(Société Financière Internationale), la
Banque ACLEDA ou celui du partenariat ICICI Bank
14 C'est ainsi qu'au Brésil on a vu se tisser
des liens sous forme de la joint-venture « Banco Postal » entre les
postes brésiliennes et le n°1 de la banque privée,
Bradesco.
en Inde entre la banque d'Etat « Corporation &
Canara » et une ONG de gestion de produits d'épargne.
L'intégration au secteur formel a également pu prendre en Afrique
de l'Ouest la forme d'une fusion réussie, BIMAO (Banque des
Institutions Mutualisées d'Afrique de l'Ouest), entre le Crédit
Mutuel du Sénégal (725 caisses, 510 000 clients) et l'Union
Jemini du Mali (750 caisses, 610 000 clients).
Changer d'échelle suppose donc d'adopter un
vrai profil de banque dédiée à la microfinance,
intégrée à l'économie formelle du pays
d'implantation, reposant sur l'emploi des régulations et méthodes
qui font la performance de l'économie bancaire privée. Parmi
elles, on peut citer sous réserve d'adaptation aux contraintes locales
de la microfinance s'il s'agit de filiales de banques européennes
s'installant dans un pays en développement (à l'instar de
Deutsch Bank et de son « Global Commercial Microfinance Consortium »
mais aussi HSBC, Citigroup) ou de transposition sur le terrain lorsqu'il s'agit
de banques locales :
- concernant les rOgulations :
au niveau européen, le CESR (Committee of European
Securities Regulators)
au niveau français, l'AMF (Autorité des
Marchés Financiers), le CECEI-Banque
de France (Comité des Etablissements de Crédit
et des Entreprises d'Investissement) et le CRBF-Banque de France
(Comité de la Réglementation Bancaire et Financière)
la pratique, enfin, de la notation des institutions
bancaires, déjà active pour les IMF (on citera le Fonds de
Notation des IMF fondé conjointement par la BID - Banque
Interaméricaine de Développement - et le CGAP, mais aussi
« PlaNet Rating » branche de PlaNet Finance15, CF.
ANNEXE 6)
- concernant les mOthodes, on peut citer :
l'exigence pour le client de fournir une garantie
réelle pour se voir consentir un prêt
l'analyse de l'actif financier de l'emprunteur potentiel
(Ces deux premiers OlOments sont des points dOlicats mais
capitaux en terme de viabilitO institutionnelle qui seront donc abordOs dans le
CHAPITRE SECOND)
l'évaluation du profil (y compris profil de risque) de
l'emprunteur
la mise en oeuvre d'une authentique stratégie
d'entreprise, incluant classiquement :
o une vision pour impliquer le personnel dans la
réalisation d'un business plan -
o des services financiers et logistiques susceptibles
d'être adaptés localement -
o une bonne structure organisationnelle et une vraie politique de
GRH -
o la standardisation opérationnelle des pratiques
comptables (audits, budgets)16 -
15 Plate-forme de microfinance fondée en 1997
par Jacques Attali
16 La NMBT (National Microfinance Bank of Tanzania)
s'est ainsi dotée d'une structure de contrôle des coûts.
o le recours à des SI (Systèmes d'Information)
pertinents (usage des NTIC17) -
o la mise en perspective du critère de durabilitO
financière, de suivi de rentabilitO.
Le recours à ces habitudes bancaires pourrait en effet
permettre à bon nombre d'IMF de surmonter la plupart de leurs obstacles,
parmi lesquels :
- la nécessité de trouver un marché et
une demande puis de segmenter la population (entre hommes et femmes,
pauvres et ultrapauvres, urbains et ruraux et selon les religions,
castes et ethnies qui peuvent constituer un obstacle culturel),
- l'urgence à atteindre la taille critique qui laisse
espérer la rentabilité,
- le besoin de « proactivitO » dans la gestion
financière (lié à la question des liquidités),
- le danger qu'il y a à copier aveuglément
un « business model » qui marche là-bas mais n'est
naturellement pas assuré de fonctionner aussi bien ici,
- l'indispensable définition de critères de
gestion des micro-prêts sur le modèle du
tableau indicatif suivant :
CRITERES
|
AGRICULTURE
|
PRODUCTION
|
SERVICES
|
Usage
|
BFR
Actifs immobilisés
|
BFR, actifs immobilisés
infrastructures
|
BFR
Actifs immobilisés
|
Terme
|
Saison agraire
|
De 6 mois à 5 ans
|
De 4 mois à 2 ans
|
Montant
|
Minimum requis
|
Forfait moyen
|
Minimum requis
|
En effet, l'enjeu d'avenir du microcrédit se posant
en terme de changement d'échelle,
nous pouvons dresser cette matrice « avantages
(+)/inconvOnients (-) de l'accroissement
du nombre d'acteurs dans le secteur de la microfinance »
:
CHANGER D'ECHELLE
partage d'information18 économies
d'échelle19 (`scale') économies de
portée20 (`scope')
amoindrissement de la pression sociale21
réduction de la part féminine de la
clientèle22 corruption et défaillance de
contractualisation23 hausse des coûts d'instruction et de
transaction19
effet domino (risque en chaîne de non-recouvrement) plus
menaçant19
(+)
(-)
17 Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication
18 Evidemment asymétrique : des acteurs
historiques au profit des nouveaux entrants
19 Mécaniquement, par accroissement du
portefeuille de clients
20 A mécanismes identiques, accroissement de
la capacité de fourniture de services de microfinance
21 En effet, la `peer pressure' règne entre
les membres de tout groupe de finance solidaire (tontine, etc.).
22 Le nombre de femmes étant fini, vient un
moment où les hommes deviendront aussi clients (Ex. Afrique).
23 Plus le nombre d'acteurs formels va
s'accroître, plus la déviance vers le centralisme peut
survenir.
) La redistribution des rôles entre tous les acteurs
A l'issue de cet examen critique du rôle, sur le terrain de
la microfinance, des IMF (dont
les ONG) et des banques traditionnelles d'Etat ou du
secteur privé, nous avons dégagé que, pour atteindre
l'objectif du changement d'échelle et ainsi permettre chaque
année à davantage de clients potentiels de devenir des
clients authentiques et à part entière qui verront leur
niveau de vie s'améliorer tout en assurant graduellement la
pérennisation des outils et acteurs de la microfinance, la
méthode requise est celle de la formalisation économique
qui - et le CHAPITRE SECOND viendra compléter cette
définition - invite au recours à la méthodologie, aux
moyens de régulation et aux acteurs du secteur privé pour assurer
la durabilité financière des acteurs autant actuels que futurs,
qui doivent tous sans exception, à l'avenir, faire intégralement
partie de l'économie formelle.
Nous avons également dégagé
l'idée de « banque de microfinance » (qui existe
déjà dans certains pays en développement),
dédiée, comme son nom l'indique, au secteur de la finance
éthique ou solidaire : cette mutation d'avenir concerne à la fois
les établissements formels dès lors qu'ils seront prêts
à repenser leur culture bancaire, c'est-à-dire à voir
sous
un autre angle les notions impératives de volume et de
profit. Sur l'exemple du volume, le nombre potentiel de clients peut
laisser rêveurs les plus grands investisseurs du monde entier, le
problème de la répétition liée à l'octroi de
très nombreux microprêts (occasionnant des coûts
d'instruction et de transaction élevés24) pouvant
être résolu par un système de cartes à puce
déjà en fonctionnement dans trois complexes de microfinance : la
Financiera Familiar en Equateur, la Caja Los Andes en Bolivie
et la Centenary Bank (de développement rural) en Ouganda.
Mais ce concept de banque dédiée concernera
aussi naturellement les structures qui sont demeurées au stade
semi-formel voire informel, qui plus que toutes autres ont besoin
d'assurer leur pérennité financière et stratégique
dans un secteur qui a subi et doit encore subir une révolution aussi
importante. Si l'on écarte les restrictions anti-corruption -
réelles cependant - qui pèsent sur la formalisation contractuelle
devant pouvoir permettre aux IMF
de devenir des acteurs officiels et régulés
de la microfinance mondiale, et qui ne concernent guère que le
secteur du bois en Haïti, des alcools en Russie et d'autres
activités sous la coupe de tyrans africains25,
il faut réaffirmer combien les IMF sur la voie de
24 Ceci est facile à comprendre, si l'on
compare par exemple l'octroi d'1 crédit de 100 000 € (1 seul
dossier pour une somme de 100 000 €) à celui de 1 000
crédits de 100 € (1 000 dossiers pour le même total).
25 Dans ces pays-là, on ne peut donc,
concrètement, fournir aucun microfinancement légal aux
activités
alcoolières russes, forestières haïtiennes,
etc.
l' « officialisation »26 doivent employer
chaque jour davantage des méthodes du secteur privé
tendant à assurer le développement durable de leur
activité :
- OchOancier rapprochO (hebdomadaire par exemple) pour faciliter
le suivi des remboursements du micro-emprunteur,
- libOralisation financière des dOpôts à
travers l'abaissement progressif des TRO (Taux de Réserve
Obligatoire27 imposé par les banques centrales), ce
qui donnera lieu à une hausse mécanique de la base de
dépôts disponibles et donc à une
intermédiation financière accrue, génératrice de
profit,
- travail approfondi sur les taux d'intOrOt r dont il
est aisément justifiable qu'ils soient élevés :
r = c + i + R, avec
c = coûts de fonctionnement et de constitution, OlevOs en
raison du travail de terrain requis
i = taux d'inflation
R = prime de risque, car mOme si le taux de remboursement est
bon, la population est risquOe
le taux annuel est élevé mais le terme de
paiement (donc les intéréts) faible
la structure de microfinance doit se
rémunérer pour assurer son maintien puis sa croissance,
donc l'avenir des populations clientes et continuer à offrir un
service local qui n'existait pas auparavant : les clients paient ainsi une
« prime de rareté » correspondant à l'émergence
de ce nouveau service.
Ceci suppose donc, on s'en rend compte, une redistribution
complète des rôles entre tous
les acteurs présents sur le terrain de la microfinance.
Pour cela, rappelons les enjeux des trois catégories en présence
:
ENJEUX & CATEGORIES
|
ONG/IMF
|
SECTEUR FORMEL PRIVE
|
SECTEUR PUBLIC
|
ResponsabilitO
|
Morale
|
Sociale & Environnementale
|
Politique
|
POrennitO
|
Institutionnelle
|
Capitalistique
|
Choix des bénéficiaires
|
RentabilitO
|
ROI28
|
ROI
|
ROI
|
26 On rappelle qu'il s'agit là du nom
donné par l'économiste péruvien de Soto au concept de
formalisation.
27 C'est ainsi qu'en Amérique Latine, dans le
mouvement de libéralisation des années 90, ce TRO est
passé
de 50% à une valeur oscillant entre 10 et 30%.
28 Return On Investment, Cf. tableau suivant.
Sur la dimension « rentabilité », chacune des
trois catégories doit prendre conscience des avantages et
inconvénients qu'il y a à étre remboursé en temps
voulu ou en retard voire
pas du tout ! C'est ce « relativisme optimiste » que
montre le tableau qui suit :
+/- & REMBOURSEMENT
|
EN TEMPS VOULU
|
EN RETARD OU PAS DU TOUT
|
Avantages
|
Profit conforme aux prévisions
|
Suspension des intéréts créditeurs
|
InconvOnients
|
Rémunération des dépôts
|
Pression financière avec effet domino
|
On peut donc imaginer que l'évolution du rôle
de chacun à l'avenir pourrait étre la
suivante :
0
BANQUE-MÈRE LOCALE
BANQUE-MÈRE EUROPEENNE
0
0
Filiale
autonome
(stratégie, SI,
Distribution de crOdits Redistribution
Institutions de
Microfinance
MICRO-
GRH, etc.)
(hors ONG)
ENTREPRISES
PARTICULIERS
On peut donc identifier trois évolutions graduelles et
successives :
- D'abord : c'est la 1ère
étape, celle d'une alliance stratOgique entre filiales locales de
groupes bancaires européens et IMF en cours de formalisation qui ne
joueront au terme
de cette phase qu'un rôle passif de redistribution des
crédits accordés par les banques privées aux
micro-entrepreneurs et aux populations locales,
- Ensuite 0 : c'est la 2ème
étape, celle de la formalisation complète de toutes
les IMF,
intégrées aux filiales autonomes
identifiées lors de la 1ère étape - on peut
donc imaginer une coentreprise (ou joint-venture) agréée et
réglementée de façon unique, afin de ne pas dupliquer les
fonctions tout en continuant à limiter les risques,
- Enfin 0 : c'est la 3ème
étape, la phase finale de formalisation complète de
tous les
acteurs et le recours plus durable à des banques
locales, implantées dans le pays et
mobilisant une unité spéciale
dédiée à la microfinance, plutôt qu'à
des filiales de banques-mères européennes - dans cette
ultime étape, celle du changement réel d'échelle, on
s'assurera de l'indispensable implication du dirigeant de la banque locale,
sans quoi l'ensemble du secteur s'expose aux difficultés
rencontrées par la SBSA (Standard Bank of South Africa) et le Banco
del Pacìfico en Equateur, qui en 23 ans n'a
pu satisfaire qu'environ 4 000 clients.
*
* *
Naturellement, cette redistribution des rôles entre les
acteurs fait la part belle aux groupes bancaires de terrain, issus des
partenariats et mutations successives des IMF (hors ONG)
et des filiales de banques européennes. La question des
ONG reste donc entière car il est indéniable qu'elles jouent un
rôle fondamental. Mais les problèmes qu'elles rencontrent, en
matière de structure organisationnelle, de modèle de
gouvernance et de recours au financement public par exemple, prouvent, s'il
en est encore besoin, qu'il faut repenser les ONG de demain à l'aune du
critère d'efficacité.
Au sein d'une ONG, sur quel programme l'argent public est-il le
mieux placO ?
Laquelle des missions d'une ONG est-elle la plus
indispensablement subventionnOe par
un Etat ?
Et laquelle, surtout, ne peut-elle Otre mise en concurrence avec
les banques dont ce n'est
ni la philosophie ni la culture ni le modèle Oconomique de
la prendre en charge ?
La réponse est unique : l'aide humanitaire
d'urgence, que seule la capacité logistique d'une Organisation
Non Gouvernementale, financièrement appuyée par les
moyens conséquents d'un Ministère, d'une Agence Nationale ou
d'une Collectivité Publique, peut assurer, partout dans le monde,
à n'importe quel moment. Le réseau des ONG constitue en effet
à travers le monde une force de réaction rapide, une force de
frappe, une espèce de
« task force » extraordinairement efficace
lorsqu'il s'agit d'envoyer sur le terrain des centaines d'associatifs
à la rescousse des millions de victimes des pires atrocités du
sous- développement ; car méme si les banques de détail,
filialisées ou locales, ont encore une faible connaissance du
marché de la microfinance, une habitude d'automatisation et une culture
plutôt conservatrice inadaptées, elles
bénéficient indiscutablement d'une pratique organisationnelle,
d'une méthodologie technico-financière, d'une gestion des
ressources humaines, d'une réglementation formelle imposant des
critères de gestion stricts, d'un réseau d'agences, d'un
contrôle interne et comptable efficient et d'une
indépendance
institutionnelle, dont nous serions tous coupables de priver les
pays en développement.
CHAPITRE SECOND
L'AIDE AU DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE :
DU RIDEAU DE FUMEE AUX CHOIX D'AVENIR
A. 60 ANS DE POLITIQUES D'AIDE AU DEVELOPPEMENT
) Des trois méthodes dirigistes et
anticapitalistes...
Loin de la définition que Sen donne de
l'équité lorsqu'il écrit que « le dOveloppement,
c'est le processus d'expansion des libertOs rOelles dont jouissent les
citoyens », les diverses politiques d'aide au développement mises
en oeuvre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte
marqué par la décolonisation en Afrique et en Asie, se sont
toutes - consciemment ou inconsciemment - accompagnées de
dirigisme et de dogmatisme, flirtant souvent avec l'anticapitalisme primaire
et débouchant toujours sur des échecs retentissants que
leurs responsables se sont systématiquement
ingéniés à camoufler, les faisant passer avec
cynisme pour les insupportables conséquences de la
« dictature du marché », expression synonyme
de « mondialisation capitaliste » dans la bouche de tous ses
opposants29.
Historiquement, on identifiera trois grandes théories
d'aide au développement.
A partir de 1944 et jusqu'au début des années
60, le monde pénètre dans l'ère de l'aide internationale
extOrieure reconnue comme nécessaire dans le nouvel ordre
économique mondial établi par les Accords de Bretton Woods
(1944). Ainsi, le 20 janvier 1949, dans son discours sur l'état de
l'Union, le président des USA, Harry Truman, utilise pour la
première fois le terme de « développement » pour
justifier l'aide aux « pays sous-développés » dans
le cadre de la lutte contre le communisme et de la doctrine
Truman. Il déclarera étre du devoir des pays du Nord
capitalistes, qualifiés de « pays développés
», de diffuser leurs technologies et assistance aux pays
qualifiés de « sous-développés », pour
qu'ils se rapprochent du modèle de société
développé occidental. Cette première perspective d'aide
au développement ne tardera pas à devenir
une approche ouvertement keynésienne de financement des
investissements, qui sera marquée par les contre-effets habituels de ce
planisme économique. Nous ouvrons ici une parenthèse pour dresser
le bilan critique de cette politique d'APD (Aide Publique au
Développement).
Premièrement, l'APD a toujours été
aveugle aux différences entre bénéficiaires qu'elle a de
tous temps qualifiés de PVD (Pays en Voie de
Développement) ou de PED (Pays En Développement) ou de
PMA (Pays les Moins Avancés). Or, on retrouve indistinctement
dans cette catégorie dictatures et démocraties,
zones de guerre et marchés en voie
29 On retrouve cette thèse majeure chez J.
Norberg, in Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste (2001).
d'expansion, pays de l'extréme pauvreté
souffrant de famines chroniques et pays progressant constamment vers
le rang des pays industrialisés.
Deuxièmement, le principal talon d'Achille de cette
aide est que les transferts de fonds soient publics, c'est-à-dire
que les 1000 Mds US $ déversés par les donateurs du Nord sur
le Sud depuis près de 50 ans (près de 63 Mds US
$ pour la seule année 2002/2003 et les seuls 10 premiers donateurs)
soient des transactions effectuées d'Etat à Etat : c'est ce que
Jean-François Revel a toujours déploré : que l'APD
soit une aide de gouvernement à gouvernement, « qui se raconte
des histoires de gouvernement » 30, toujours au
détriment
du peuple. Il s'en est indéniablement suivi un
gaspillage colossal d'argent public des contribuables occidentaux,
facilement détourné localement au profit de l'administration
ou
de l'armée des pays pauvres31. Il est ainsi
devenu de notoriété publique que la présence
prolongée au pouvoir de chefs tels que Mugabe
au Zimbabwe, Arap Moi au Kenya et Mobutu au Zaïre à la
téte d'une fortune d'environ 4 Mds $, n'était due qu'à
l'octroi de ces fonds de développement en provenance
d'Occident. On a méme parlé d' « Etats vampires
»32 pour désigner ces appareillages étatiques
mafieux. C'est particulièrement vrai
de l'aide offerte par la Suède qui a d'abord
favorisé les dictateurs socialistes : Castro aurait
ainsi amassé 1 Md $ pendant que le PIB de Cuba se
contractait du tiers. Ce sont donc très souvent la nomenklatura au
pouvoir et - comme en Côte d'Ivoire - les caisses de
stabilisation qui bénéficiaient des largesses de l'Occident.
L'APD était devenue un transfert
de l'argent des riches de pays riches vers les riches des pays
pauvres...
Troisièmement, l'esprit méme de l'APD est
une vraie « malOdiction »33 : celle d'une
planification centralisée déclinée sur le mode d'une
approche volontariste, c'est-à-dire interventionniste, du
développement. C'est l'époque du slogan
élaboré par François Perroux et mis en pratique par
Gérard Destanne de Bernis : la priorité donnée
aux
« industries industrialisantes » ; c'est le
triomphe de la conception du développement comme processus
matériel et automatique, reposant sur l'allocation de
ressources collectives d'assistanat et conduisant immanquablement au blocage de
l'esprit d'entreprise,
du progrès démocratique et de la politisation
salutaire des décisions. Ces illusions frapperont davantage encore
des pays comme l'Algérie, le Mexique, le Gabon, le Nigeria
ou l'Angola qui auront eu le tort de croire que leurs ressources
pétrolières leur garantiraient
30 In Commentaire, Eté 1992
31 C'est ce qu'on retrouve dans Banquiers
aux pieds nus de J.-M. Servet, professeur d'économie du
développement à Genève et référent sur les
questions de finance solidaire au BIT (Bureau International du Travail) et de
microfinance à la CDC (Caisse de Dépôts et
Consignations).
32 On trouvera davantage de détails dans
Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste, de J. Norberg (2001).
33 terme qu'utilise Pascal Salin, professeur
d'économie à Paris-Dauphine, pour fustiger l'APD
la prospérité. Quant aux autres pays du Sud qui
succomberont aux sirènes de l'enveloppe occidentale, ils feront le
méme faux pas dont le Nord est entièrement comptable ; car
le développement n'est pas affaire de transfert de fonds mais bien de
création de richesses,
qui seule assure que l'on sait calculer le coût du capital
et donc la rentabilité d'une activité, calculs rendus impossibles
dès lors que les capitaux arrivent par miracle et que le risque
n'est plus supporté par personne.
Les flux mondiaux d'APD...
Dans les années 60, une double tendance est à
l'oeuvre qui prendra d'abord la forme de l'hypothèse de la
spOcialisation primaire dont le contenu est aussi connu sous le nom de TSP
(Thèse de Singer-Prebisch), c'est-à-dire la théorie,
popularisée en France par Léopold Sédar Senghor, de la
dOgradation des termes de l'Ochange, selon laquelle il y a baisse
inéluctable du prix des produits de l'agriculture et des
matières premières des pays du Tiers-Monde face aux
produits manufacturés des pays industrialisés. Cette
approche a donné lieu à un courant de revendication du Sud en
faveur d'un nouveau partage mondial des richesses et à un
mouvement venant du Nord, déconnecté de la
réalité, qui encourageait les pays en développement
à appliquer des politiques d'autosuffisance mettant l'accent sur les
besoins des pauvres en leur faisant croire qu'il n'est nul besoin de profit
pour amorcer son développement et nul besoin d'échanges
commerciaux pour créer
de l'emploi. Ensuite, les années 60 furent celles de la
théorie très interventionniste de la
croissance dOsOquilibrOe conçue par Hirschman et
prétendant que la pauvreté était due à
l'insuffisance en équipements collectifs des pays en
développement. Aussi cette thèse prit- elle la voie d'un
industrialisme forcé faisant la part belle aux politiques
inflationnistes, dont
les sectateurs des idées de Hirschman mirent un certain
temps avant de comprendre qu'en dépréciant la valeur de la
monnaie, elles détruisaient les épargnes modestes des pauvres
gens sans atteindre ni les terres, ni les propriétés, ni les
entreprises, qui n'ont donc subi aucune dévaluation. C'est ce qu'on
a d'ailleurs observé dans l'Allemagne brisée des
années 20 et ce que l'Argentine a évité en 1989 dans la
région de Buenos Aires en prenant
le contre-pied de ce type d'approche : le nombre de pauvres y est
rapidement passé de 35
à 23% de la population locale.
Enfin, dans les années 70, les hypothèses et
théories considérant le capitalisme comme
un impérialisme ont fleuri avant d'étre peu
à peu démenties.
D'abord, la thèse dite « des dObouchOs
extOrieurs » qui consiste à affirmer que le capitalisme
requiert la quéte permanente de « toujours plus de
débouchés » s'est révélée
fondamentalement contredite par l'exemple ex-ante du fordisme qui a su
élargir la consommation populaire en guise de
débouché ou la réalité ex-post des
échanges internationaux qui se révèlent étre plus
significatifs entre pays développés qu'entre ceux-ci
et le Tiers-Monde, démontrant par là que la
thèse en question n'interfère pas dans le
développement des pays en retard.
Ensuite, la théorie du pillage des matières
premières du Tiers-Monde par les pays
importateurs du Nord a été mise à
mal par la brillante démonstration qui établit que
l'évolution technique à l'oeuvre dans les pays
industrialisés allait dans le sens d'économies substantielles et
croissantes dans la consommation de matières premières par le jeu
des gains en productivité inhérents au progrès. En marge
de cette thèse, on retrouve celle qui affirme que la pauvreté
du Tiers-Monde est le fruit amer du colonialisme. Cela est faux. Qu'on
considère la Suisse qui figure parmi les pays les plus riches
de la planète sans jamais avoir été une puissance
coloniale ; qu'on s'intéresse aux cas de l'Australie, de
Hong-Kong, des Etats-Unis, du Canada, de la Nouvelle-Zélande ou de
Singapour qui furent pendant de très longues périodes des
colonies et qui n'en sont pas moins devenus quelques unes des puissances
économiques de la planète ; qu'on s'ouvre enfin aux tristes
exemples de l'Afghanistan, du Libéria ou du Népal, qui comptent
parmi les pays les moins avancés sans jamais avoir subi l'emprise
d'un quelconque empire colonial, pendant que d'autres Etats sont
devenus les Tigres et Dragons asiatiques ou les Lions (Île
Maurice,
Ghana, Botswana) que l'on sait !
Enfin, cette décennie fut marquée par la
théorie de l'exploitation de la main d'oeuvre pauvre par le Nord et des
surprofits, développée par Amin auprès de l'Ecole
latino-américaine qui élabora la thèse de la
dOpendance (sous l'influence des Furtado et Cardoso) contre la
domination des élites et l'invasion du capital étranger. Dans les
faits, cette politique dite de
« dOconnexion socialiste » se solda par les
échecs dont souffrent encore la Guinée, la
Birmanie, l'Algérie, la Tanzanie ou les
ex-dictatures communistes d'Ethiopie et du
Cambodge.
) ...au timide retour de l'approche libérale
En marge de ces courants planificateurs, les années 70
et 80 ont également été celles des politiques
d'ajustements structurels, d'inspiration plus libérale, conduite
conjointement par le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque
Mondiale. On notera toutefois que ces deux institutions sont
marquées par des vocations différentes : la première
a une approche monétaire, c'est-à-dire qu'elle est le
dernier bailleur de fonds des pays surendettés auxquels
elle octroie des subsides conditionnés par la mise en oeuvre
de réformes structurelles : c'est la banque de la dernière
chance.
LES DUNES DU TEMPS.
Surprenante saison
à qui saurait y croire
Quand débarquent en chantant l'antre et le violon
Je ne saurai jamais à quelle ombre me
fier
sans crainte du retour
et des haleines de frissons
Entrent alors dans le
centre et la
périphérie
une intrépide étoile et un hôte à
salons chantournés de bonheur et tenaillés de suif
Source : FMI
A rebours, la Banque Mondiale ou BIRD (Banque Internationale pour
la Reconstruction et
le Développement) accorde aux pays en développement
qu'elle préfère appeler pays les
moins avancés des préts à taux
préférentiels à l'appui de projets
spécifiques, dans les secteurs de l'éducation, de
l'agriculture, de l'industrie, etc.
Souvent perçues par les « altermondialistes
» comme le bras armé des politiques capitalistes d'aide
au développement, ces deux institutions font toutefois davantage
l'objet
de nombreuses critiques de la part des libéraux, qui ne
voient dans le FMI et la BIRD que des outils étatiques et
bureaucratiques d'ingérence économique internationale, qui
ont tendance à masquer l'emprise exagérée des
gouvernements en place sur les activités économiques dans
les pays pauvres en faisant payer les pays contributeurs, voire à faire
porter la responsabilité des politiques pratiquées dans le
Tiers-Monde aux remèdes capitalistes eux-mémes ! C'est ainsi
que l'on peut lire dans le Rapport sur le
dOveloppement du monde 2000-2001 de la Banque mondiale que
« la croissance n'est pas tout, elle n'est pas suffisante pour favoriser
le dOveloppement ». L'influence du mouvement
« antimondialisation » sur la BIRD devient alors
patente, méme si, dans le méme temps, et nous venons de le
voir, les PAS (Programmes d'Ajustement Structurel) sont plutôt de
bonnes recommandations économiques : viser l'équilibrer
budgétaire, combattre l'inflation, réduire les taux de change
excessivement élevés, permettre la concurrence, ouvrir les
marchés, déréglementer et réduire les
dépenses militaires au bénéfice de l'éducation et
de
la santé, par exemple. Mais on peut tout de méme
affirmer que les conseils fournis par les deux institutions en question ont
également su se révéler tout à fait
désastreuses : inaction lors de la crise financière asiatique
entre l'été 1997 et le début de l'année 2000 ou
hausses des prélèvements imposées par le FMI à la
Thaïlande en septembre 1997 qui ont contribué
à aggraver la situation ; car en général, il
suffit à un pays pauvre de simplement promettre
au FMI des réformes pour obtenir des enveloppes
gigantesques, pratique dangereuse qui permet à des potentats locaux de
se maintenir au pouvoir et de préserver leurs régimes corrompus.
Les octrois du FMI ou les préts de la Banque Mondiale ne font donc la
plupart
du temps que reporter sine die des réformes
libérales que les pays en développement devraient
paradoxalement mettre en oeuvre de toute urgence. C'est ce cercle vicieux que
décrit Andrei Illarionov, économiste libéral russe,
aujourd'hui conseiller du président Poutine : « Les 25
milliards de dollars que le FMI et la Banque Mondiale ont prOtOs à la
Russie au cours des annOes 1990 ont fortement contribuO à
retarder l'adoption d'une stratOgie Oconomique cohOrente et ont rendu
les autoritOs moins disposOes à mettre en oeuvre des rOformes
difficiles mais nOcessaires... L'Olite politique russe est aujourd'hui
convaincue que la Russie recevra une aide financière
internationale, quelle que soit sa
politique Oconomique. »
Ces deux institutions n'échappent donc pas aux
recommandations de formalisation économique qu'elles devraient se
contenter de formuler à leurs interlocuteurs des pays en
développement : elles doivent insister auprès des
dirigeants du Tiers-Monde pour qu'ils garantissent des droits
démocratiques, la liberté, et la propriété
à leur population, sans jamais en théorie se méler des
détails de leurs décisions politiques et économiques.
A côté de ces instances mondiales bancaire et
monétaire, on peut effectuer le constat d'un méme recours
à une approche pseudo-libérale des questions de
développement tant
au niveau de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
que des politiques communautaires de l'Union Européenne. Cette situation
de flou n'est d'ailleurs propice qu'à multiplier le nombre de
mécontents, puisqu'à nouveau libéraux et «
altermondialistes » reprochent à ce libéralisme timide
d'étre, respectivement, velléitaire pour les premiers, et
excessif pour les seconds. Force est toutefois de constater que l'OMS ne semble
pas avoir pour priorité la lutte contre les
épidémies qui accablent les pays pauvres, puisqu'elle
consacre fréquemment une part majoritaire de son budget à la
lutte contre le tabagisme, tandis que c'est la Fondation Bill Gates qui,
chaque année, octroie au Tiers-Monde plus d'argent que l'OMS pour
lutter contre les maladies dont sont victimes les enfants pauvres.
On estime pourtant qu'en y consacrant entre 0,4 et
20% de son budget, l'OMS pourrait éviter environ 90% des
décès qui surviennent dans les pays du Sud à la suite de
maladies qu'elle pourrait éradiquer ; c'est pourtant le PDG de Microsoft
qui s'en charge.
Concernant les politiques communautaires, il s'impose
également de constater que la PAC (Politique Agricole Commune) a des
effets protectionnistes profondément néfastes sur le Sud et
inhibiteurs sur le développement des pays pauvres. En effet, cette
politique sacrifie
la production agricole du Tiers-Monde sur l'autel de
l'intérét propre des agriculteurs européens (et
notamment français) ; car c'est bien là l'effet des taxes
imposées par la PAC aux importateurs européens pour les
dissuader d'acheter des produits agricoles extra- communautaires, qui
sont bien souvent moins chers qu'en Union Européenne lorsqu'ils
proviennent des pays en développement. Mais ce n'est hélas
pas la seule conséquence négative, puisque cette politique
prend en outre la forme de subventions aux agriculteurs communautaires
indexées le plus souvent sur la production, si bien que la
PAC conduit immanquablement à des surplus que l'UE contribue à
écouler sous forme de subventions à l'exportation versées
une fois encore aux producteurs européens qui finissent donc
par exporter leurs reliquats partout dans le monde, et a
fortiori dans les pays en
développement, à des prix subventionnés
défiant toute concurrence.
C'est le cas par exemple du sucre34, dont le
cours européen est de 500€/tonne contre
150€/tonne pour l'industrie sucrière
sud-africaine. Sans PAC, l'Afrique du Sud écoulerait donc
très aisément auprès de l'Europe les fruits de sa
production. Mais la PAC impose une taxe à l'importation de
0,40€/kg, soit un cours africain rectifié et taxé pour les
importateurs européens de 550€/tonne. C'est donc le cours
européen du sucre qui l'emporte empéchant l'Afrique du Sud de
vendre sa production pourtant meilleur marché aux
Européens ; pis encore, comme nous l'avons vu, les sucriers de
l'UE reçoivent une subvention à la production qui conduit
à des excès qui seront écoulés sur le marché
mondial, et notamment sud-africain, à un prix subventionné
à hauteur de 0,38€/kg par exemple, soit un prix de vente
sur le sol africain de 120€/tonne : d'abord empéchée
d'exporter vers l'UE, l'Afrique du Sud est désormais invitée
à importer le sucre espagnol, antillais ou allemand !
Comme l'a dit l'économiste suédois Eli F. Heckscher
: «Ou bien un secteur d'entreprise
est profitable et il n'a pas besoin de la protection d'un tarif ;
ou bien il ne l'est pas et il ne mOrite pas d'Otre protOgO par un tarif.
»
Et c'est aussi ce cercle vicieux de la PAC que racontent Thomas
W. Hertel et Will Martin en
1999 : « Le meilleur moyen de gaspiller les fonds est de
financer une politique agricole de grande ampleur. Les pays riches
inondent les fermiers d'argent par leurs politiques de protectionnisme,
de subventions et de crOdits à l'exportation. Les politiques agricoles
des
29 pays riches de l'OCDE coûtent aux contribuables et aux
consommateurs de ces pays la somme faramineuse de 360 milliards de dollars.
Avec cette somme, on pourrait payer un
vol autour du monde aux 56 millions de vaches OlevOes dans ces
pays une fois par annOe,
et ce, en classes affaires. Et chacune aurait encore 2 800$
d'argent de poche à dOpenser dans les magasins hors taxes des escales
aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. »
Aussi avons-nous dressé le constat d'échec des
politiques planistes et centralisées d'aide
au développement et le bilan plus que mitigé de
l'action des institutions mondiales (OMS, FMI, BIRD, etc.). Incidemment, nous
avons exploré les effets défavorables du protectionnisme
agricole européen sur les pays en développement. Cette
parenthèse permet enfin de conclure avec Friedrich Hayek35
qu' « Une autoritO internationale peut
contribuer OnormOment à la prospOritO Oconomique si elle
se contente de maintenir l'ordre
34 On s'attachera au raisonnement et non aux
valeurs absolues des taxes et cours mondiaux du sucre, à suivre
en direct de la bourse de Chicago par exemple pour ces derniers.
La CNUCED (Conférence des
Nations Unies sur le Commerce et le Développement)
estime néanmoins à 700 Mds US $ la perte de
croissance des pays en développement par manque
d'accès au marché des pays riches...
35 In la Route de la servitude (1944)
et de crOer les conditions dans lesquelles les peuples
puissent se dOvelopper eux- mOmes. » C'est pourquoi, l'exigence
de formalisation économique prend au niveau institutionnel
mondial la forme de missions de réforme structurelle des
pays en développement. Les bras de la Banque Mondiale qui
apparaissent alors suffisamment armés pour initier cette
démarche sont le CGAP, précédemment
évoqué, et l'IFC (International Finance Corporation).
En effet, dans des pays en général marqués
par l'autoritarisme actuel ou passé, le rôle à
la fois des instances onusiennes liées à la
question du développement et de la lutte contre
la pauvreté et des gouvernements des Etats
pauvres concernés doit impérativement se limiter à
donner des feux verts et incitations aux initiatives locales et
relayer l'appui international pour surmonter les obstacles institutionnels.
B. LE PREALABLE INSTITUTIONNEL A TOUT DEVELOPPEMENT
) LibertO, OgalitO, capitalisme
M. Ynus lui-méme déclarait en introduction
à Banker to the poor36 : « Bureaucratization
encouraged by subsidies, by economic and political protection, and by
the lack of transparency, ruins everything and encourage corruption. What
began with good intentions has eventually created a disaster. Governments
do not have the answers and will never have them. It is our social
entrepreneurs' work to solve such problems. »
Si, parallèlement, on retrace la naissance et
l'évolution de l'aide internationale, grâce à
l'émergence des ONG au cours des dernières décennies de
cet historique, on retrouve les
crises humanitaires suivantes :
DATE
|
PAYS
|
CONTEXTE & REGIME POLITIQUE
|
DIRIGEANT
|
1921
|
Ukraine
|
Satellite soviétique, communisme de guerre
|
Lénine
|
1941
|
Grèce
|
Invasion fasciste, courants marxistes
|
Collaborateurs nazis
|
1961-65
|
Congo
|
Coup d'Etat militaire
|
Mobutu
|
1967
|
Nigeria/Biafra
|
Gouvernement militaire
|
Gal Gowon
|
1971
|
Pakistan Oriental
|
Gouvernement militaire
|
Gal Yahya Khan
|
1978
|
mer de Chine
|
Dictature communiste chinoise, vietnamienne
|
Mao/Hô Chi Minh37
|
1976-79
|
Cambodge
|
Khmers Rouges
|
Pol Pot
|
1979
|
Afghanistan
|
Invasion soviétique, régime marxiste
|
Taraki
|
1984
|
Somalie
|
Coup d'état révolutionnaire
|
Barre
|
1991
|
Ethiopie
|
Dictature militaire communiste
|
Mengistu
|
1991
|
Kurdistan
|
Guérilla indépendantiste et nationaliste
|
Ôcalan
|
1991-95
|
Rép. serbe de Bosnie
|
Nationalisme ethnique
|
Karadzic
|
1994
|
Rwanda
|
Coup d'état militaire
|
Habyarimana
|
1999
|
Serbie
|
Nationalisme ethnique, communisme
|
Milosevic
|
36 publié en 2003
37 Ce sont leurs successeurs qui
s'affrontent en 1978 lors de l'annexion par la Chine de six îlots
contrôlés par
le Viét Nam.
Ce qui est frappant, c'est bien sûr l'absence de
toute stabilité politique dans ces pays marqués sans
exception aucune par un lourd héritage de régimes
autoritaires, le plus souvent nationalistes et communistes. Dans ce contexte
là, le capitalisme apparaît vraiment comme un système de
liberté dont le phénomène économique s'appelle
marché et les fruits politiques, état de droit et
démocratie libérale.
Sur le front du développement, les outils de
déréglementation et de formalisation économique
(incitation à la privatisation, à la modération fiscale,
etc.) chers au capitalisme
ont conduit :
au recul de la pauvreté, que reflète
l'augmentation rapide de l'espérance de vie
Entre 1965 et 1998, le
Espérance de vie moyenne dans les PVD (source : PNUD )
70 65
60 55
Années
50
40 41 46
30 30
20
10
0
1900 1950 1960 1970 1998
revenu moyen d'un habi- tant de la planète est pas-
sé de 2497 à 4839 US $.
Les 20% les plus riches sont passés de
8315 à 14623 $, soit
+75%.
Les 20% les plus pau- vres sont passés de 551
à
1137 $, soit +105%.
0 au recul de la famine et de la guerre, au progrès de la
démocratie
Part de la population sous-alimentée dans les PVD
(source : PNUD )
40
37
En 1970, 960 millions d'habitants des PVD étaient
sous-alimentés. Ils étaient 830 millions
Pourcentage
30 29
20
10
20 18
en 1991 et 790 millions en 1996.
12
0
1970 1980 1991 1996 2010
L'internationalisation des échanges permet aux peuples de
prendre conscience de leurs
droits politiques inaliénables : la mondialisation
favorise la dissémination des droits
démocratiques et de Ia Iiberté d'opinion, et c'est
ainsi que Ia dépendance mutueIIe entre Ies
Etats qu'eIIe engendre réduit Ies risques de guerre entre
ces Etats :
- moins de 1% de Ia popuIation est aujourd'hui directement
affectée par Ia guerre,
- Ie nombre de confIit miIitaire a diminué de
moitié au cours de Ia dernière décennie,
- iI y a aujourd'hui 120 pays démocratiques, qui
regroupent environ 60% de Ia popuIation mondiaIe (3,5 miIIiards de personnes)
contre à peine 30% de Ia popuIation en 1950,
- Ies 47 Etats qui vioIent réguIièrement Ies droits
fondamentaux de Ia personne sont ceux
qui sont Ie moins touchés par Ia mondiaIisation
capitaIiste (Corée du Nord, Cuba, Soudan, Syrie, Guinée
EquatoriaIe, par exempIe).
0 à la progression de l'éducation et à
l'amélioration de la condition féminine
Proportion d'analphabètes par année de naissance
dans les PVD
(source : UNESCO )
Le nombre d'étudiants
en secondaire est passé de 27% en 1960 à 67%
en 1995.
80 75
Pourcentage
60
40
20
0
52
20 15
II y a aujourd'hui 800 miIIions d'anaIphabètes
dans Ie monde, ce qui représente une diminu- tion spectacuIaire
par rapport au début du XXe siècIe.
1926 1948 1970 1995
La mondiaIisation bouIeverse parfois certaines traditions et
habitudes, au méme titre que
Ia circuIation de I'information permet aux femmes de prendre
conscience de I'oppression dont eIIes sont victimes. L'égaIité
devant Ia Ioi se répand en méme temps que Ia démocratie
et Ie capitaIisme, et Ies femmes, qui constituaient iI y a 20 ans
36% de Ia main d'oeuvre mondiaIe, en représentent aujourd'hui 42%.
0 au recul des inégalités
Indice de développement humain en années
(source : PNUD)
1
0,8
0,6
0,4
PMA PVD Nord
0,798
0,859 0,889 0,909
0,563
0,428
0,26
0,347
0,331
0,2
0
0,161 0,205 0,245
1960 1970 1980 1993
Le coefficient GINI pour Ie monde entier est passé de 0,6
en 1968 à 0,52 en 1997, soit une
baisse de pIus de 10%.
De méme, on constate que Ia Iiberté
économique profite à tout Ie monde38 :
38 Plaidoyer pour la mondialisation
capitaliste, de J. Norberg (2001)
25000
20000
15000
PIB per capita US $
10000
5000
0
2210
3984
7286
9607
19846
100
Espérance de vie en années
90
80
70 62
60 52
50
40
30
20
10
0
88
73 76
5 4 3 2 1
5 4 3 2 1
Pays divisés en cinq
catégories, du plus libre (1)
au moins libre (5)
En effet, une économie Iibre est
caractérisée par une très grande mobiIité
sociaIe :
I'ascenseur sociaI marche quand iI n'y a pas de
priviIèges accordés à des groupes particuIiers ou des
impôts trop éIevés. De pIus, Ie IibéraIisme
économique conduit vers pIus d'égaIité : dans une
étude datant de 1992, G. W. ScuIIy démontre que « la part du
revenu national qui va aux 20% les plus riches est 25% plus petite dans les
Oconomies libres que dans les Oconomies les moins libres ; les revenus rOels
dont disposent les 20% les plus pauvres sont plus OlevOs dans les Oconomies
libOrales que dans les Oconomies les moins libres. »
Par conséquent, c'est bien Ie
Iibre-échange et Iui seuI qui crée Ies richesses.
L'économiste Sebastian Edwards a d'aiIIeurs démontré
I'existence d'une corréIation positive
entre Iibre-échange et croissance :
5 4,49
4
3
2
1 0,74
2,29
0,69
Taux annueI m oyen de crois s ance
0
rts
ve
Libre-échange et croissance (1970-1990) - Source : Travaux
de Sachs & Warner (1995)
60
50
50
40
30 nb d'années
20
10 IDE = Investissement Direct Etranger
10
0
APD IDE
La première étape de Ia formaIisation d'une
économie qui se trouve dans Ia pIupart sinon
Durée nécessaire pour que les PVD
bénéficient d'une somme de 1 000 Mds US $ en APD et en IDE
Ia totaIité des pays en déveIoppement dans
un état d'extraIégaIité est donc de favoriser
I'émergence d'une dOmocratie libOrale, seuI
régime poIitique et seuI espace économique capabIe de
permettre Ie déveIoppement des pays où eIIe s'instaIIe. Ne
nous y trompons pas : Ie Sud connaît un déveIoppement
exceptionneI depuis 20 ans et a vu émerger une cIasse moyenne de 2,5
miIIiards d'habitants. La BIRD a ainsi répertorié 54 pays
où Ie taux
de croissance est devenu supérieur à Ia moyenne des
pays de I'OCDE, dont Ie BrésiI, Ie
ChiIi, Ia MaIaisie, I'Afrique du Sud, Ia Tunisie et Ie MaIi.
Mettre en oeuvre Ies réformes nécessaires
à I' « officiaIisation » de I'économie informeIIe des
pays pauvres, c'est donc d'abord étre convaincu que Ies cIefs du
déveIoppement sont toujours poIitiques, qu'iI n'y a pas de
déterminisme cuItureI au déveIoppement ou au sous-
déveIoppement. Le désordre poIitique, Ie manque de
Iibertés (économiques et poIitiques),
I'absence de respect de Ia rule of law et de I'Etat de droit
inhibent toutes Ies tentatives de déveIoppement. II est
indéniabIe que Ies pays qui ont adopté I'économie et Ia
démocratie IibéraIes ont tous connu Ie déveIoppement car,
comme I'a dit Guy Sorman : « La croissance
est possible partout, en l'absence de ressources naturelles, sous
tous les climats, pour tous
les peuples. » Ce n'est pas autre chose qu'affirme Johan
Norberg Iorsqu'iI résume ainsi Ies causes du sous- ou
non-déveIoppement de certains pays : « La distribution
inOgale des richesses dOcoule de la distribution inOgale du capitalisme.
»
A Ia vérité d'aiIIeurs, Ies pays riches ont
des capitaux importants à investir, et Ia Iibre circuIation des
capitaux permettrait aux investissements de se faire dans Ies pays où
Ies
opportunités sont grandes. Ceci est heureusement chaque
année davantage Ie cas.
40
35
30
25
%
20
15
10
5
0
1970 1977 1981 1985 1991 1995 1997
180
160
140
milliards de $
120
100
80
60
40
20
0
1973-78 1979-82 1983-88 1989-92 1993-96
) L'urgente rOforme juridique des pays en dOveloppement
Proportion des IDE qui vont aux PVD Entrée nette de
capitaux dans les PVD
Nous ne devons cependant pas perdre de vue que Ia formaIisation
économique suppose
avant tout ce que seuI I'économiste péruvien
Hernando de Soto a su vraiment mettre en évidence, à savoir
que Ie droit de propriOtO protège Ies pIus pauvres. En effet,
quand Ie droit de propriété existe et est protégé,
iI devient évident que Ies groupes défavorisés ont pIus de
chances de prendre Ieur pIace dans Ia société que dans un
système dominé par Ia puissance pubIique où seuIes Ies
personnes proches du pouvoir se voient reconnaître un titre de
propriété officieI et donc un accès aux
ressources. En absence de tout enregistrement officieI de Ia
propriété, Ia mobiIité sociaIe est proprement impossibIe
et Ies pauvres sont maintenus dans Ieur condition misérabIe sans
aucun espoir de s'en sortir.
C'est ainsi que des miIIions de personnes potentieIIement
capabIes de créer de Ia richesse
sont accuIées à Ia pauvreté, faute de
Iiberté et de titres de propriété Iégaux sur ce
qu'iIs prétendent Ieur appartenir.
Le constat de départ est d'aiIIeurs Iimpide : iI
gît d'immenses économies et un grand nombre de biens dans
Ies « pays pauvres »39 qui constituent Ies deux tiers de
Ia popuIation mondiaIe. Une évaIuation rigoureuse de cette richesse
souterraine révèIe qu'eIIe représente près de 40
fois I'aide internationaIe dont ont bénéficié ces pays
depuis 1945 ! De pIus, Ia vaIeur des biens extraIégaux (sans titre de
propriété) de chacun de ces pays dépasse de beaucoup ceIIe
des IDE (Investissements Directs Etrangers), avoirs pubIics, capitaIisation
en bourse IocaIe et préts de Ia Banque MondiaIe
qu'iI recueiIIe. De Soto affirme par exempIe que Ie capitaI
extraIégaI, urbain et ruraI, dans I'immobiIier des pays pauvres vaut
environ 9,3 biIIions de doIIars (CF. ANNEXE 7).
En conséquence, ces économies importantes et ces
biens non négIigeabIes constituent
un « capitaI mort » gâché, faute de
titres de propriété officieIs (on ne peut que s'en remettre aux
aboiements des chiens de garde ou au témoignage des voisins
pour identifier Ie probabIe propriétaire) qui Ies reconnaissent
et permettent Ieur formaIisation et ainsi Ieur conversion en un «
capitaI vif » qui ouvrirait Ia voie au crédit, à
I'hypothèque, etc. On Iit ainsi chez De Soto : « Au beau milieu de
leurs quartiers les plus pauvres et de leurs bidonvilles,
se trouvent, à dOfaut d'hectares de diamants, des milliers
de milliards de dollars, tout prOts
à servir, si seulement le mystère du capital de la
transition des biens en capital vif pouvait
Otre levO. »
De cet état de fait, nous pouvons tirer deux prises de
conscience qui montrent par exempIe que I'avenir de Ia microfinance n'est
pas aiIIeurs que dans I'économie formeIIe : d'abord, I'importance
des structures institutionneIIes, préaIabIes à Ia
constitution de capitaI, car historiquement Ie capitaIisme s'est
déveIoppé sur ces prérequis formeIs (I'artisan ou Ie petit
commerçant hypothèque sa maison pour souscrire un emprunt
bancaire et ainsi financer son entreprise, ce qu'encore une fois
aucun entrepreneur d'un pays pauvre n'est actueIIement en mesure
de faire sans reconnaissance officieIIe du droit à Ia
propriété) ; ensuite, I'oubIi imputabIe à I'Occident
d'expIiquer au monde « sous-capitaIisé » comment extraire
du capitaI à partir de ses biens. NatureIIement, on entend ici «
capitaI » (du Iatin
médiévaI « téte de bétaiI
»), dans Ie sens qu'Adam Smith40 Iui donne de
potentieI de
production nouveIIe contenu dans Ie stock de biens
accumuIés, définition qu'iI oppose d'aiIIeurs aux «
pièces de métaI » de I'argent qui n'est qu'une forme
possibIe de circuIation
du capitaI (néanmoins créée à cette
fin).
39 De Soto entend par Ià Ies pays en
déveIoppement et Ies ex-pays communistes.
40 In Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations, 1776
D'un point de vue pratique, c'est dont la reconnaissance de la
« propriété formelle » qui doit primer comme
méthode pour activer le capital informel de pays en
développement. En effet, vecteur de la formalisation économique,
le droit de propriété permet de :
Fixer Ie potentieI Oconomique des biens, c'est-à-dire
leurs qualités relatives d'échange -
0 Regrouper et unifier Ies informations juridiques, au sein d'un
système qui en valorise les éléments -
0 ResponsabiIiser chacun, ne serait-ce que par disparition de
l'anonymat -
0 Rendre Ies biens fongibIes, c'est-à-dire pouvoir
les diviser ou les réunir pour en avoir l'usage -
0 CrOer des Iiens sociaux, en devenant membre d'un réseau
d'agents économiques -
0 ProtOger Ies transactions, comme le prouve par exemple la
centralisation du cours des matières premières à la bourse
de Chicago -
Un titre de propriété confère en effet aux
biens ce que juristes et économistes appellent une
« existence représentative », qui leur
permet d'avoir une « vie parallèle » (à l'instar
de l'hypothèque) : il n'y pas d'argent sans propriété,
c'est méme celle-ci qui génère celui-là.
En outre, ce sont la plupart du temps de faux
problèmes qu'on impute aux pays en développement et
ex-pays communistes. L'envahissement des villes par les ruraux,
l'insuffisance des services publics, l'amoncellement des ordures, la
mendicité des enfants dans les rues, la confiscation des
bénéfices des réformes agraires par une
minorité,
l'argument de la malédiction culturelle41
masquent en réalité le vrai problème :
la
redistribution majeure du pouvoir que ces faux problèmes
imposent. C'est donc finalement
la question de la spontanéité de
l'extralégalité qui se pose avec le plus d'acuité, tant
elle est vécue comme moins contraignante que le parcours du
combattant pour entrer dans la légalité, méme si in
fine l'existence d'impôts mafieux rend celle-là plus
coûteuse. L'Occident
lui-méme a connu l'extralégalité il y a deux
siècles, dans sa phase pré-capitaliste qui aboutit
au déclin relatif de l'Etat. On aurait ainsi tort
de qualifier de « hors-la-loi » la moitié souterraine du
PIB russe, les 3 millions de Chinois qui travaillent dans les ateliers de
Pékin
ou les 85% des nouveaux emplois en Amérique
Latine, qui sont davantage le fait de
« sans-loi ». *
* *
41 « Les expIications
cuItureIIes [des phOnomènes sociaux] perdurent parce qu'eIIes
pIaisent aux inteIIectueIs. » (Fareed Zakaria in Foreign
Affairs)
L'aventure de la formalisation constitue donc à faire
en sorte qu'il soit moins cher d'agir dans la légalité, en
adaptant la loi aux besoins économiques et sociaux de la population pour
formaIiser I'extraIegaIite (ce qu'ont fait au XVIIIe les colonies
britanniques sur la côte
Est en prenant leur indépendance vis-à-vis du droit
anglais devenu inadapté, puis les USA
en 1862 avec le Homestead Act qui allouait, devant le fait
accompli, 64 hectares de terre libre aux colons en échange de la
promesse d'y vivre cinq ans et de l'exploiter).
Aussi paraît-il indispensable de tout faire pour
faciliter l'accès des pauvres à la propriété
formelle en définissant de nouveaux contrats sociaux fonciers, en
laissant les arrangements locaux influencer l'élaboration d'un droit
officiel intégrant ces contrats et en réduisant
politiquement, grâce à un leader national impliqué et
désintéressé, les obstacles érigés par des
réglementations obsolètes & impropres, qui favorisent
à peine 20% de la population en moyenne. Pour l'économiste De
Soto (CF. ANNEXE 8), ce processus de capitalisation pour passer de
l'économie informelle au capital vif comprend quatre étapes
majeures :
Ia strategie de decouverte : établir un bilan objectif
d'extralégalité (détection, quantification,
classification, etc.) -
0 Ia strategie juridique et poIitique : responsabiliser
l'échelon politique le plus élevé pour réduire le
coût de la détention légale des biens -
0 Ia strategie operationneIIe : agir sur le terrain
(communication, instruction et enregistrement des titres, etc.) -
0 Ia strategie commerciaIe : mettre en oeuvres les
mécanismes d'information et de
répression (distribution des crédits, des
hypothèques, etc.) -
CONCLUSION
oixante ans d'aide publique au développement
n'ont qu'exceptionnellement contribué au recul de la pauvreté,
car aucun centralisme, aucun étatisme, aucun
S
autoritarisme planificateur de la communauté
internationale ne saurait se
substituer à la création de richesses dans des
conditions permettant aux pays pauvres de
la planète ainsi qu'aux ex-pays communistes de se
développer par eux-mémes. Comme l'a écrit Hernando de
Soto, dans son magistral essai Le Mystère du capitaI (CF.
ANNEXE 9), tout le monde est capable d'épargner et c'est de ce constat
que doivent étre tirées deux conclusions essentielles.
Premièrement, puisque les indigents de la planète
disposent de beaucoup plus de biens
et de richesses amassées que le monde capitalisé
ne le pensait, il est indispensable de leur proposer - dans un premier temps -
des services financiers de crédit et de sécurisation du produit
de leur épargne : c'est là la raison d'étre de la
microfinance, qui a su tirer la première conclusion de l'existence
d'une abondante épargne souterraine. Cette révolution doit
toutefois, nous l'avons vu, relever le défi du changement
d'échelle, et seule une formalisation des acteurs actuels de la
microfinance internationale (IMF dont ONG, structures traditionnelles,
banques d'Etat, etc.) via le recours croissant à des banques
dédiées à la microfinance, permettra ce processus
de capitalisation, c'est-à-dire de conversion du capital
extralégal (ou mort) en capital vif (légalement exploitable pour
créer
de la valeur ajoutée).
Secondement, c'est uniquement un régime de
propriété légal, officiel et juridiquement
unifié qui fait défaut aux pauvres, qui ne peuvent convertir, en
l'état actuel des choses, ni leur labeur, ni leur épargne en
capital susceptible de garantir par exemple des préts
hypothécaires moins précaires qu'un microprét. C'est ce
qui fait dire à de Soto que « Ies pauvres ne sont pas Ie
probIème, mais Ia soIution », puisqu'il s'agit de
légaliser l'extralégalité dans laquelle ils se trouvent,
plutôt que de durcir les conditions d'accès à la
propriété formelle légale.
Permettre à chaque pauvre de la planète de se
voir officiellement reconnaître un titre de propriété sur
ses biens, c'est là le seul modus operandi pour mieux répartir
les richesses du monde en assurant un partage équitable du
capitalisme.
Non seulement les pauvres profiteront de la
réforme institutionnelle de leurs systèmes
politico-économiques et socio-juridiques, mais aussi les nouvelles
sociétés micro- financières, les sociétés de
préts hypothécaires qui auront enfin accès au Tiers-Monde,
les organismes certificateurs qui décerneront les titres de
propriété en administrant les
cadastres des pays pauvres qu'ils auront préalablement
rebâtis, les compagnies
d'assurance, l'ensemble des entreprises et des services
publics, et enfin la diplomatie, qui devrait assister au lent déclin
des tensions internationales, par tarissement graduel des
inégalités.
Ce temps, où la « finance durable »
était un slogan et l'allocation dirigiste des aides
internationales au développement une fin en soi ou - pour
reprendre la terminologie de Gilles Deleuze - une « entité
réifiée », doit étre révolu. Il ne faut avoir
de cesser de motiver
les pays en développement à poursuivre avec
force, imagination et travail acharné, sur la route de la mondialisation
et le chemin de la démocratie libérale qu'ils ont pour la plupart
déjà empruntés.
Pratique formeIIe, projets economiques, programmes de reforme,
ressources autonomes
et fIux prives doivent plus que jamais étre au
coeur de ce que Michel Foucault aurait probablement qualifié de
« dispositif du développement ».
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
- PERIODIQUES -
- Empowering NGOs: the Microcredit Movement through FoucauIt's
notion of dispositif, Morgan BRIGG, 2001
(In Alternatives Amsterdam, vol. 26 n°3 - pp. 233
à 258)
- Microfinance dans Ies pays du Sud, Isabelle GUERIN, 2000 (In
Revue d'économie financière, n°56 - pp. 145 à
164
- Le microcredit dans I'eradication de Ia pauvrete, M. MOHUIDDIN,
2000
(In Cahiers africains d'administrationpublique, n°55
- pp. 105 à 119
*
* *
- ESSAIS & DOCUMENTS -
Rapport annueI, Agence Française de Développement
(AFD), 2005
Rapport d'information n° 46, M. Michel CHARASSE
(Sénat), 2005-2006
Mystery of capitaI, Hernando De SOTO, 200
PIaidoyer pour Ia mondiaIisation capitaIiste, Johan NORBERG,
2003
SustainabIe banking with the poor, Joanna LEDGERWOOD, 1998
Banquiers aux pieds nus, Jean-Michel SERVET, 2006
*
* *
- SITES WEB -
Le portaiI de Ia microfinance :
http://www.lamicrofinance.org
Institut Liberte & Democratie :
http://www.ild.org.pe
«Bourse» de Ia microfinance :
http://www.mixmarket.org
Groupe ConsuItatif d'Assistance aux pauvres :
http://www.cgap.org
Ministère des Affaires Etrangères :
http://www.diplomatie.gouv.fr
DOCUMENTS ANNEXES
ANNEXE 1. Les resoIutions 53/197 (1998) et 59/246 (2004)
de l'ONU, les
« Onze principes essentieIs de Ia microfinance »
édictés par le CGAP
Source :AFD, 2005
ANNEXE 2. Tableau synoptique de quelques projets conduits
par l'AFD en
2005
Source :AFD, 2005
ANNEXE 3. Extrait des chapitres de subventions publiques aux
ONG
Source :Cour de comptes 2005-2006 et Loi de Finance
2003
ANNEXE 4. Liste des 16 ONG les plus subventionnées par le
MAE français
Source :Rapport d'information parlementaire n°46,
2005-2006 (Charasse)
ANNEXE 5. Bilan des opérations de microfinance de quelques
banques dans
le monde
Source :Focus (BIM), 1998
ANNEXE 6. Exemple de notation d'une caisse villageoise malienne
par PIaNet
Rating
Source :PlaNet Finance, 2006
ANNEXE 7. Evaluation du secteur informel urbain et rural
dans l'immobilier mondial
Source :enquétes de H. De Soto, 1997
ANNEXE 8. Approche méthodologique de l'«
OfficiaIisation economique »
Source :H. de Soto, 2000
ANNEXE 9. Extrait du Mystère du capitaI Source :H.
de Soto, 2000
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* *
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