Section2: Développement
humain: une approche synthétique.
Le fait d'envisager le développement dans la perspective
du développement humain n'est guère nouveau. L'idée que
l'organisation de la société doit être jugée en
fonction de sa capacité à encourager les biens humains remonte au
moins à Aristote, qui a dit : « La richesse n'est manifestement pas
le bien que nous cherchons, car elle est simplement utile et existe pour une
autre raison ». Il soutenait que « la différence entre de
bonnes et de mauvaises dispositions politiques » devait être
jugée en fonction du degré auquel elles contribuaient à
renforcer la capacité humaine à mener « une vie
épanouie ». L'idée qu'une vie meilleure constitue l'objectif
réel de toute activité humaine est un thème qui revient
constamment dans les écrits de la plupart des philosophes de
l'antiquité. Le grand historien et sociologue arabe, Ibn Khaldoun,
à consacré un chapitre entier de son ouvrage
célèbre, Almuqaddimah (Discours sur l'histoire universelle), aux
« faits relatifs aux moyens de subsistance et aux revenus, ainsi
qu'à leur explication ; et au fait que les revenus sont liés
à la valeur du travail humain ».
Dans ce chapitre de son oeuvre maîtresse, Ibn Khaldoun
distingue les différents usages qui peuvent être faits des revenus
provenant du travail et des activités des individus. Les revenus
consacrés aux besoins de première nécessité
constituent les « moyens d'existence ».
La même préoccupation se retrouve dans les
écrits des premiers penseurs qui ont conçu l'économie
quantitative : William Petty, Gregory King, François Quesnay, Antoine
Lavoisier et Joseph Lagrange, précurseurs du produit national brut (PNB)
et du produit intérieur brut (PIB). Cette notion apparaît
également dans les écrits des économistes classiques :
Adam Smith, David Ricardo, Robert Malthus, Karl Marx et John Stuart Mill.
La notion de développement humain, lancée dans le
premier Rapport mondial sur le développement humain en 1990, s'est donc
appuyée sur cette tradition déjà ancienne, mais quelque
peu oubliée de nos jours. Elle a remis en question le bien-fondé
de cette préoccupation unique qui établit un lien entre PNB et
développement, transformant du même coup la façon de
concevoir le développement : l'être humain revient à la
place de choix qui est la sienne, c'est-à-dire au centre du débat
et du dialogue sur le développement. Cette notion a eu un impact qui a
dépassé de loin les attentes de ceux qui l'ont parrainée
en 1990.
Le concept de développement humain va plus loin que
d'autres modèles de développement centrés sur
l'individu.
Le modèle basé sur la mise en valeur des
ressources humaines met en avant uniquement le capital humain et traite
l'être humain comme un apport au processus de développement, et
non comme son bénéficiaire. Le concept visant à combler
les besoins fondamentaux met l'accent sur les besoins minimaux des êtres
humains mais non sur leurs choix. Celui qui vise à promouvoir le
bien-être humain considère l'individu comme un
bénéficiaire, mais non comme un participant actif au processus
qui détermine les conditions de son existence. Le développement
humain, en regroupant tous ces aspects, constitue une approche plus
synthétique du développement.
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