3.1 Sur la stratégie de l'entreprise
3.1.1 Un investissement important
Le choix de mettre en place un CRM dans une entreprise est une
opération qui s'avère assez complexe. Tant au niveau de
l'investissement financier qu'il constitue que de la durée de son
installation : 10 mois en moyenne d'après Gilles Venturi, PDG de
Soft Computing.
Les dépenses proviennent bien évidemment du
logiciel mais celui-ci ne représente qu'un tiers de l'ensemble du
projet. La structure des coûts se compose ensuite d'un quart pour
l'intégration, 21% pour la formation et 19% pour le consulting (source
IDC et Cap Gemini, 2000).
La technologie permet aux banques de faire du marketing one to
one pour un effort minimum mais pas à moindre coût. L'ensemble des
solutions techniques de personnalisation des actions marketing ou du site
représentent des budgets conséquents pouvant atteindre plusieurs
millions d'euro.
Ces sommes considérables proviennent notamment du fait que
toutes les fonctions relatives aux clients sont touchées : le
marketing, les ventes et les services clients. Ce qui se traduit par un impact
important sur l'entreprise d'autant plus que la mise en place d'un CRM
s'inscrit dans une logique d'intégration
« multicanaux » qui associe les centres d'appels
téléphoniques, Internet et les forces de vente.
3.1.2 Pour des résultats incertains
Les projets de CRM représentent un investissement
important mais dont les résultats ne peuvent être garantis.
D'après le Gartner Group, 55 % des projets de CRM et
plus de 70 % des projets de SFA sont des échecs. Ces échecs
s'expliquent pour beaucoup dans la mise en oeuvre et dans l'installation. Comme
dit précédemment, les causes d'échec les plus importantes
sont :
- le manque d'encadrement du personnel et sa résistante
au changement
- des attentes irréalistes de la part des dirigeants
- un projet mal encadré avec un management qui manque
de compétences techniques
- l'absence de conduite du changement organisationnel
En effet l'arrivée d'un nouveau logiciel va modifier
les habitudes, les modes de fonctionnement. Ces changements, pour qu'ils soient
bien acceptés et intégrés, doivent être clairement
expliqués pour que les utilisateurs l'intègrent et y voient les
bénéfices escomptés. Il ne suffit pas de mettre en avant
les bénéfices pour l'ensemble de l'entreprise, il faut
également souligner ce qui peut être apporté à
chacun des individus. Il est difficile de faire fonctionner ce genre de
pratiques qui ont tendance à faire perdre sa valeur ajoutée au
commercial qui en devient plus facilement substituable. De plus certains
aspects du CRM peuvent passer pour des outils de contrôle contraignants,
ce qui en freine donc l'utilisation.
Le client devrait être considéré autrement
que pour les seuls produits qu'il achète. Cela implique une culture
bancaire moins axée sur la vente. Cette expérience
réhabilite aussi l'intervention de la relation humaine pour solidifier
la relation: certains services nécessitent de montrer au client qu'une
personne à l'autre bout du fil s'est appropriée le sujet et s'en
charge personnellement.
Les centres d'appels, composante de la stratégie de CRM
multi canal, n'échappent pas à ces difficultés. Une
enquête de Datamonitor sur 300 responsables de centres d'appels
européens (Centres d'appels n°23 p.52 - Février-Mars
2001) a mis en avant ces difficultés : 40 % de ces
responsables ne peuvent pas accéder à tous les aspects de
l'historique client avec leur logiciel de e-crm. Or la banque, secteur
d'activité dans lequel la précision des profils clients est
primordiale à une connaissance encore plus insuffisante avec un
pourcentage de 52%.
Pour Kathleen Klasnic, la responsable du programme
européen de datamonitor, l'échec des services clients sur
Internet coûterait 1,15 millions d'euro par an aux entreprises
européennes.
Lorsque les banques arrivent à obtenir les informations
clients désirées elles ne sont pas pour autant capables de
mesurer la satisfaction client et de les retenir.
C'est la conclusion d'une étude réalisée
par BearingPoint en partenariat avec The Economist. Seuls 22% des
dirigeants estiment que leurs clients sont attachés à leur
établissement au point de le promouvoir activement autour d'eux.
Cependant 75% d'entre eux pensent que leurs clients sont
satisfaits ou en rapport stagnant. Edgar Brandt (Bearing Point) explique ce
chiffre en raison du fait que les systèmes de CRM, notamment grâce
au système d'historique, donnent l'illusion de connaître le
client. Rares sont les défections qui avaient été
anticipées.
De plus il convient de différencier satisfaction et
inertie, tout client non prescripteur actif ne devrait-il pas être
considéré comme candidat à la défection ?
Le manque de résultats peut être expliqué
en partie par l'excès de standardisation des logiciels de CRM. Ce
marché, dominé par Siebel, aurait du prévoir des offres
plus personnalisées. Ainsi certaines banques sont tentées de
développer en interne leur propre système de gestion de la
relation client. C'est le cas d'UBS qui crée son propre système
faute d'en avoir trouver adéquat sur le marché.
3.2 Sur l'organisation de l'entreprise
3.2.1 Les effets pervers du CRM
Effet de saturation: la fréquence des contacts
est souvent considérée comme synonyme de renforcement de la
relation. Mais cela est loin de faire autorité sachant que le lien que
l'on peut avoir avec une banque ne se résume au nombre de contacts eus.
Par conséquent vouloir augmenter la fréquence des contacts
clients à tout prix ne conduira pas nécessairement à une
amélioration de la relation ; bien au contraire lorsque les appels
répétés seront considérés comme
agaçants, voire harcelants.
Effet d'indiscrétion: afin de personnaliser au
mieux le contact avec le client un élargissement des données
disponibles, personnelles est nécessaire et encouragé par les
banques. Or, pour une partie de la clientèle, ces façons de
procéder sont perçues comme une intrusion dans la sphère
privée. Le simple fait de posséder un historique de la relation
peut paraître indiscret et gênant. Ainsi l'individualisation du
service client se conjugue avec une perte de confiance envers l'entreprise.
Effet d'emprisonnement: les mesures de CRM cherchent
souvent à créer des liens d'attachement avec plus
particulièrement les avantages offerts dans le cadre d'un programme de
fidélisation. Ses offres, perçues comme une limitation de la
liberté de choix, peuvent entraîner une réaction de rejet
avec pour conséquence le refus de poursuivre la relation commerciale. Au
lieu de fidéliser les clients, ces mesures les aliènent.
Effet de dépersonnalisation: le CRM vise
à remplacer les relations personnelles coûteuses par des
pseudo-relations. Il s'ensuit donc une dépersonnalisation de la relation
souvent perçue par le client qui aura donc tendance à être
moins fidèle.
Un exemple de cette dépersonnalisation est les lettres
avec la signature numérique automatique du conseiller de
clientèle. Ce qui ne peut que soutenir le sentiment de simulation dans
la relation.
Effet économique: cela se produit lorsque les
mesures de contact renforcent le caractère économique de la
relation dans l'esprit du client. Il se sent considéré non plus
comme une personne à l'écoute mais comme le moyen de remplir ses
objectifs de vente. Ce qui a tendance à affecter la confiance du client
au lieu de la renforcer.
Effet de dévalorisation: lorsque le client se
voit retirer des avantages liés à un statut
déterminé. Par exemple un client qui bénéficie
d'une réduction en raison du montant de ses paiements par carte bleue.
Si sur une période il n'atteint pas ce montant son avantage lui sera
retiré. Quel est le message transmis ? Nous vous estimons
qu'à partir de vos achats, si vous ne respectez plus ce montant nous ne
vous considérons plus comme un « bon » client.
Effet de discrimination: un des objectifs majeurs du
CRM est de reconnaître les clients les plus rentables. Il s'ensuit donc
une différenciation qui favorise les clients les plus rentables au
détriment de ceux qui le sont moins. Mais parmi ces personnes moins
rentables il y a des clients très loyaux, prescripteurs qui voient la
qualité de leur service diminué et se sentent
défavorisés par rapport aux avantages accordés aux clients
dont la rentabilité est plus élevée. Une telle
discrimination pouvant avoir pour conséquence de porter un grave
préjudice à la relation.
3.2.2 Il reste un moyen et non une fin
La technologie n'est qu'un outil au service d'une
stratégie globale de gestion de la relation client. Le CRM ne doit pas
être considéré comme un modèle autosuffisant,
capable de révolutionner la communication entre sociétés
et clients. Tout comme Internet ne sera jamais le moyen unique d'une
fidélisation accrue et d'une conquête de nouveaux clients.
L'entreprise se doit d'amorcer une stratégie de fond en
termes de CRM dont la technologie est au coeur. Cependant les bases de
données, les centres de contact, Internet ne sont que des outils au
service d'une stratégie globale de GRC : l'investissement
technologique ne sera jamais une fin en soi.
Chez Temenos, Max Chuard est catégorique: «Le CRM
est un outil, mais la personne en contact direct avec l'utilisateur fera
toujours la différence.»
Une fois les informations collectées il convient aussi
de les rafraîchir très régulièrement car les cas
sont très nombreux de clients dont les données ne correspondent
plus du tout à leur situation. Comme par exemple le cas fréquent
de jeunes professionnels qui sont toujours enregistrés en tant
qu'étudiants ou de retraités toujours considérés
comme actifs. Ces situations diminuant la qualité du ciblage et donc
l'impact des campagnes de marketing direct.
Pour parfaire cela Yves le Guerch, directeur du marché
des particuliers et professionnels pour HSBC France, préconise à
ses conseillers de débuter chaque rendez-vous par une mise à jour
des données disponibles sur le client. Il résume cette politique
en 3 mots : « know your customer »
3.2.3 Pour quel retour sur investissement ?
Une fois le CRM implanté il est très difficile
de mesurer les bénéfices apportés. Même si certains
bénéfices sont visibles et impactant sur l'organisation la
difficulté principale réside dans l'estimation précise des
bénéfices apportés par cette implémentation.
Pour arriver à estimer le retour sur investissement les
sociétés réalisent en général un
benchmarking avec la concurrence sur plusieurs ratios bien définis.
Les enquêtes de satisfaction sont également
utilisées pour percevoir les améliorations qualitatives du
service apporté au client, ce qui est un des objectifs majeurs du
CRM.
Les phases de mesure du retour sur investissement doivent
être définies en amont du projet tant au niveau quantitatif que
qualitatif. Définir des ratios de progression, des objectifs
quantifiables, le montant des économies prévues avant le
début du projet est primordial pour pouvoir en mesurer au mieux l'impact
sur l'organisation.
C'est l'ensemble de ses indicateurs (taux d'équipement,
produit net bancaire...) qui permettront de justifier de ce choix et de son
efficacité.
CONCLUSION
Basé sur la personnalisation du service client le CRM
constitue un choix stratégique qui de l'avis de nombreux
spécialistes représente une révolution en termes de
stratégie d'entreprise, notamment car il permet une
différenciation basée sur autre chose que sur les prix.
Les entreprises sont donc pour beaucoup entrées dans une
stratégie de « sur-mesure » conjuguant les
différents canaux de communication pour affiner leur connaissance
client.
Certains échecs ou manque de résultats ont mis en
doute le réel intérêt de cet outil mais il convient de ne
pas oublier que 90% des décideurs se déclarent satisfaits des
résultats obtenus. Les banques relèveraient de 30 à 40%
d'amélioration de l'attrition sur les segments clientèles les
plus stratégiques grâce à la mise en oeuvre d'une
démarche de CRM analytique d'après Olivier Maire responsable des
solutions CRM chez SAS.
Les principaux bénéfices obtenus sont la hausse de
la productivité des fonctions marketings et ventes, l'augmentation du
chiffre d'affaires et de la satisfaction client ainsi qu'une meilleure
communication interne.
Pour éviter que l'expérience du CRM ne se
révèle être en échec il convient de se
préparer de manière adéquate à son installation en
sachant fixer des objectifs, en préparant les employés et les
dirigeants aux changements et en étant conscient du coût et de la
durée d'installation.
Peut-on alors dire que le CRM tient réellement ses
promesses ?
La réponse à cette question dépend fortement
de ce qu'englobe le terme de promesses. En effet il y a souvent un
décalage concernant le discours des éditeurs de logiciel, des
dirigeants d'entreprises et de sociétés de conseil entre les
résultats probables et ceux espérés.
Ainsi le CRM ne tient pas toujours les promesses faites car elles
sont bien souvent irréalistes, idéalisées ou bien encore
basés sur des objectifs non mesurables.
Cependant lorsque le processus de CRM est bien encadré,
basé sur des objectifs quantifiés et définis à
l'avance et que tout est mis en oeuvre pour que son installation soit un
succès il tient alors très souvent ses promesses et les espoirs
que l'entreprise fonde en lui.
LEXIQUE :
Attrition
|
Désigne le fait qu'un client arrête sa relation avec
son fournisseur.
|
Business Intelligence
|
Il s'agit là d'outils d'aide à la décision.
A partir d'informations internes ou externes à l'entreprise,
collectées et rassemblées dans un entrepôt de
données (Datawarehouse), on utilise des outils d'analyse et de reporting
pour présenter et comprendre ces informations.
|
Datamining
|
Raisonnement mathématique qui permet d'analyser un gros
volume de données, de différentes sources, afin de dégager
des tendances, de rassembler les éléments similaires en
catégories statistiques et de formuler des hypothèses.
|
Datawarehouse
|
Entrepôt de données, de formats et de sources
variées, exploitables grâce aux technologies de datamining.
|
ERP (Enterprise Ressource Planning)
|
Progiciels de gestion intégrée qui gèrent
les grandes fonctions d'une entreprise (finances, ressources humaines,
production, ventes...)
|
Extranet
|
Réseau Internet privé accessible aux clients,
fournisseurs et partenaires privilégiés d'une entreprise.
|
Front Office
|
Interface visible par les consommateurs, présentant
l'offre de l'entreprise incluant le marketing et la promotion.
|
Intelligence Economique
|
Il s'agit des méthodes et outils qui permettent à
une entreprise de mieux connaître et comprendre son environnement
concurrentiel. L'Intelligence économique s'attache à
étudier les comportements des partenaires de l'entreprise (clients,
fournisseurs...) et à les comparer à ceux de ses concurrents.
|
Knowledge Management
|
Cette pratique regroupe un ensemble d'outils qui assurent la
gestion des connaissances dans l'entreprise et rendent les informations
accessibles aux utilisateurs.
|
Life Time Value
|
Valeur nette calculée aujourd'hui du profit que va
apporter un client
|
Logiciel d'Automatisation des ventes
|
Logiciels permettant aux commerciaux de gérer leur cycle
de prospection et de vente : gestion des contact clients, l'élaboration
et le suivi des commandes.
|
Mailing List
|
L'utilisateur s'inscrit à une liste de distribution et
reçoit par messagerie électronique une lettre thématique
régulière.
|
One to one
|
Définition des règles de personnalisation suivant
le profil de l'utilisateur constaté ou supposé.
|
Scoring
|
Méthode utiliser pour déterminer quels sont les
clients ou prospects qui présentent la probabilité la plus forte
de répondre à une offre spécifique.
|
Strategic Value
|
Représente le potentiel d'un client que l'on est capable
de garder.
|
Workflow
|
Gestion des flux
|
|