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Le CRM bancaire tient-il ses promesses?


par Panis Bastien et Heslouin Solenn
ESC Toulouse -   2006
  

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3.1 Sur la stratégie de l'entreprise

3.1.1 Un investissement important

Le choix de mettre en place un CRM dans une entreprise est une opération qui s'avère assez complexe. Tant au niveau de l'investissement financier qu'il constitue que de la durée de son installation : 10 mois en moyenne d'après Gilles Venturi, PDG de Soft Computing.

Les dépenses proviennent bien évidemment du logiciel mais celui-ci ne représente qu'un tiers de l'ensemble du projet. La structure des coûts se compose ensuite d'un quart pour l'intégration, 21% pour la formation et 19% pour le consulting (source IDC et Cap Gemini, 2000).

La technologie permet aux banques de faire du marketing one to one pour un effort minimum mais pas à moindre coût. L'ensemble des solutions techniques de personnalisation des actions marketing ou du site représentent des budgets conséquents pouvant atteindre plusieurs millions d'euro.

Ces sommes considérables proviennent notamment du fait que toutes les fonctions relatives aux clients sont touchées : le marketing, les ventes et les services clients. Ce qui se traduit par un impact important sur l'entreprise d'autant plus que la mise en place d'un CRM s'inscrit dans une logique d'intégration « multicanaux » qui associe les centres d'appels téléphoniques, Internet et les forces de vente.

3.1.2 Pour des résultats incertains

Les projets de CRM représentent un investissement important mais dont les résultats ne peuvent être garantis.

D'après le Gartner Group, 55 % des projets de CRM et plus de 70 % des projets de SFA sont des échecs. Ces échecs s'expliquent pour beaucoup dans la mise en oeuvre et dans l'installation. Comme dit précédemment, les causes d'échec les plus importantes sont :

- le manque d'encadrement du personnel et sa résistante au changement

- des attentes irréalistes de la part des dirigeants

- un projet mal encadré avec un management qui manque de compétences techniques

- l'absence de conduite du changement organisationnel

En effet l'arrivée d'un nouveau logiciel va modifier les habitudes, les modes de fonctionnement. Ces changements, pour qu'ils soient bien acceptés et intégrés, doivent être clairement expliqués pour que les utilisateurs l'intègrent et y voient les bénéfices escomptés. Il ne suffit pas de mettre en avant les bénéfices pour l'ensemble de l'entreprise, il faut également souligner ce qui peut être apporté à chacun des individus. Il est difficile de faire fonctionner ce genre de pratiques qui ont tendance à faire perdre sa valeur ajoutée au commercial qui en devient plus facilement substituable. De plus certains aspects du CRM peuvent passer pour des outils de contrôle contraignants, ce qui en freine donc l'utilisation.

Le client devrait être considéré autrement que pour les seuls produits qu'il achète. Cela implique une culture bancaire moins axée sur la vente. Cette expérience réhabilite aussi l'intervention de la relation humaine pour solidifier la relation: certains services nécessitent de montrer au client qu'une personne à l'autre bout du fil s'est appropriée le sujet et s'en charge personnellement.

Les centres d'appels, composante de la stratégie de CRM multi canal, n'échappent pas à ces difficultés. Une enquête de Datamonitor sur 300 responsables de centres d'appels européens (Centres d'appels n°23 p.52 - Février-Mars 2001) a mis en avant ces difficultés : 40 % de ces responsables ne peuvent pas accéder à tous les aspects de l'historique client avec leur logiciel de e-crm. Or la banque, secteur d'activité dans lequel la précision des profils clients est primordiale à une connaissance encore plus insuffisante avec un pourcentage de 52%.

Pour Kathleen Klasnic, la responsable du programme européen de datamonitor, l'échec des services clients sur Internet coûterait 1,15 millions d'euro par an aux entreprises européennes.

Lorsque les banques arrivent à obtenir les informations clients désirées elles ne sont pas pour autant capables de mesurer la satisfaction client et de les retenir.

C'est la conclusion d'une étude réalisée par BearingPoint en partenariat avec The Economist. Seuls 22% des dirigeants estiment que leurs clients sont attachés à leur établissement au point de le promouvoir activement autour d'eux.

Cependant 75% d'entre eux pensent que leurs clients sont satisfaits ou en rapport stagnant. Edgar Brandt (Bearing Point) explique ce chiffre en raison du fait que les systèmes de CRM, notamment grâce au système d'historique, donnent l'illusion de connaître le client. Rares sont les défections qui avaient été anticipées.

De plus il convient de différencier satisfaction et inertie, tout client non prescripteur actif ne devrait-il pas être considéré comme candidat à la défection ?

Le manque de résultats peut être expliqué en partie par l'excès de standardisation des logiciels de CRM. Ce marché, dominé par Siebel, aurait du prévoir des offres plus personnalisées. Ainsi certaines banques sont tentées de développer en interne leur propre système de gestion de la relation client. C'est le cas d'UBS qui crée son propre système faute d'en avoir trouver adéquat sur le marché.

3.2 Sur l'organisation de l'entreprise

3.2.1 Les effets pervers du CRM

Effet de saturation: la fréquence des contacts est souvent considérée comme synonyme de renforcement de la relation. Mais cela est loin de faire autorité sachant que le lien que l'on peut avoir avec une banque ne se résume au nombre de contacts eus. Par conséquent vouloir augmenter la fréquence des contacts clients à tout prix ne conduira pas nécessairement à une amélioration de la relation ; bien au contraire lorsque les appels répétés seront considérés comme agaçants, voire harcelants.

Effet d'indiscrétion: afin de personnaliser au mieux le contact avec le client un élargissement des données disponibles, personnelles est nécessaire et encouragé par les banques. Or, pour une partie de la clientèle, ces façons de procéder sont perçues comme une intrusion dans la sphère privée. Le simple fait de posséder un historique de la relation peut paraître indiscret et gênant. Ainsi l'individualisation du service client se conjugue avec une perte de confiance envers l'entreprise.

Effet d'emprisonnement: les mesures de CRM cherchent souvent à créer des liens d'attachement avec plus particulièrement les avantages offerts dans le cadre d'un programme de fidélisation. Ses offres, perçues comme une limitation de la liberté de choix, peuvent entraîner une réaction de rejet avec pour conséquence le refus de poursuivre la relation commerciale. Au lieu de fidéliser les clients, ces mesures les aliènent.

Effet de dépersonnalisation: le CRM vise à remplacer les relations personnelles coûteuses par des pseudo-relations. Il s'ensuit donc une dépersonnalisation de la relation souvent perçue par le client qui aura donc tendance à être moins fidèle.

Un exemple de cette dépersonnalisation est les lettres avec la signature numérique automatique du conseiller de clientèle. Ce qui ne peut que soutenir le sentiment de simulation dans la relation.

Effet économique: cela se produit lorsque les mesures de contact renforcent le caractère économique de la relation dans l'esprit du client. Il se sent considéré non plus comme une personne à l'écoute mais comme le moyen de remplir ses objectifs de vente. Ce qui a tendance à affecter la confiance du client au lieu de la renforcer.

Effet de dévalorisation: lorsque le client se voit retirer des avantages liés à un statut déterminé. Par exemple un client qui bénéficie d'une réduction en raison du montant de ses paiements par carte bleue. Si sur une période il n'atteint pas ce montant son avantage lui sera retiré. Quel est le message transmis ? Nous vous estimons qu'à partir de vos achats, si vous ne respectez plus ce montant nous ne vous considérons plus comme un « bon » client.

Effet de discrimination: un des objectifs majeurs du CRM est de reconnaître les clients les plus rentables. Il s'ensuit donc une différenciation qui favorise les clients les plus rentables au détriment de ceux qui le sont moins. Mais parmi ces personnes moins rentables il y a des clients très loyaux, prescripteurs qui voient la qualité de leur service diminué et se sentent défavorisés par rapport aux avantages accordés aux clients dont la rentabilité est plus élevée. Une telle discrimination pouvant avoir pour conséquence de porter un grave préjudice à la relation.

3.2.2 Il reste un moyen et non une fin

La technologie n'est qu'un outil au service d'une stratégie globale de gestion de la relation client. Le CRM ne doit pas être considéré comme un modèle autosuffisant, capable de révolutionner la communication entre sociétés et clients. Tout comme Internet ne sera jamais le moyen unique d'une fidélisation accrue et d'une conquête de nouveaux clients.

L'entreprise se doit d'amorcer une stratégie de fond en termes de CRM dont la technologie est au coeur. Cependant les bases de données, les centres de contact, Internet ne sont que des outils au service d'une stratégie globale de GRC : l'investissement technologique ne sera jamais une fin en soi.

Chez Temenos, Max Chuard est catégorique: «Le CRM est un outil, mais la personne en contact direct avec l'utilisateur fera toujours la différence.»

Une fois les informations collectées il convient aussi de les rafraîchir très régulièrement car les cas sont très nombreux de clients dont les données ne correspondent plus du tout à leur situation. Comme par exemple le cas fréquent de jeunes professionnels qui sont toujours enregistrés en tant qu'étudiants ou de retraités toujours considérés comme actifs. Ces situations diminuant la qualité du ciblage et donc l'impact des campagnes de marketing direct.

Pour parfaire cela Yves le Guerch, directeur du marché des particuliers et professionnels pour HSBC France, préconise à ses conseillers de débuter chaque rendez-vous par une mise à jour des données disponibles sur le client. Il résume cette politique en 3 mots : « know your customer »

3.2.3 Pour quel retour sur investissement ?

Une fois le CRM implanté il est très difficile de mesurer les bénéfices apportés. Même si certains bénéfices sont visibles et impactant sur l'organisation la difficulté principale réside dans l'estimation précise des bénéfices apportés par cette implémentation.

Pour arriver à estimer le retour sur investissement les sociétés réalisent en général un benchmarking avec la concurrence sur plusieurs ratios bien définis.

Les enquêtes de satisfaction sont également utilisées pour percevoir les améliorations qualitatives du service apporté au client, ce qui est un des objectifs majeurs du CRM.

Les phases de mesure du retour sur investissement doivent être définies en amont du projet tant au niveau quantitatif que qualitatif. Définir des ratios de progression, des objectifs quantifiables, le montant des économies prévues avant le début du projet est primordial pour pouvoir en mesurer au mieux l'impact sur l'organisation.

C'est l'ensemble de ses indicateurs (taux d'équipement, produit net bancaire...) qui permettront de justifier de ce choix et de son efficacité.

CONCLUSION

Basé sur la personnalisation du service client le CRM constitue un choix stratégique qui de l'avis de nombreux spécialistes représente une révolution en termes de stratégie d'entreprise, notamment car il permet une différenciation basée sur autre chose que sur les prix.

Les entreprises sont donc pour beaucoup entrées dans une stratégie de « sur-mesure » conjuguant les différents canaux de communication pour affiner leur connaissance client.

Certains échecs ou manque de résultats ont mis en doute le réel intérêt de cet outil mais il convient de ne pas oublier que 90% des décideurs se déclarent satisfaits des résultats obtenus. Les banques relèveraient de 30 à 40% d'amélioration de l'attrition sur les segments clientèles les plus stratégiques grâce à la mise en oeuvre d'une démarche de CRM analytique d'après Olivier Maire responsable des solutions CRM chez SAS.

Les principaux bénéfices obtenus sont la hausse de la productivité des fonctions marketings et ventes, l'augmentation du chiffre d'affaires et de la satisfaction client ainsi qu'une meilleure communication interne.

Pour éviter que l'expérience du CRM ne se révèle être en échec il convient de se préparer de manière adéquate à son installation en sachant fixer des objectifs, en préparant les employés et les dirigeants aux changements et en étant conscient du coût et de la durée d'installation.

Peut-on alors dire que le CRM tient réellement ses promesses ?

La réponse à cette question dépend fortement de ce qu'englobe le terme de promesses. En effet il y a souvent un décalage concernant le discours des éditeurs de logiciel, des dirigeants d'entreprises et de sociétés de conseil entre les résultats probables et ceux espérés.

Ainsi le CRM ne tient pas toujours les promesses faites car elles sont bien souvent irréalistes, idéalisées ou bien encore basés sur des objectifs non mesurables.

Cependant lorsque le processus de CRM est bien encadré, basé sur des objectifs quantifiés et définis à l'avance et que tout est mis en oeuvre pour que son installation soit un succès il tient alors très souvent ses promesses et les espoirs que l'entreprise fonde en lui.

LEXIQUE :

Attrition

Désigne le fait qu'un client arrête sa relation avec son fournisseur.

Business Intelligence

Il s'agit là d'outils d'aide à la décision. A partir d'informations internes ou externes à l'entreprise, collectées et rassemblées dans un entrepôt de données (Datawarehouse), on utilise des outils d'analyse et de reporting pour présenter et comprendre ces informations.

Datamining

Raisonnement mathématique qui permet d'analyser un gros volume de données, de différentes sources, afin de dégager des tendances, de rassembler les éléments similaires en catégories statistiques et de formuler des hypothèses.

Datawarehouse

Entrepôt de données, de formats et de sources variées, exploitables grâce aux technologies de datamining.

ERP (Enterprise Ressource Planning)

Progiciels de gestion intégrée qui gèrent les grandes fonctions d'une entreprise (finances, ressources humaines, production, ventes...)

Extranet

Réseau Internet privé accessible aux clients, fournisseurs et partenaires privilégiés d'une entreprise.

Front Office

Interface visible par les consommateurs, présentant l'offre de l'entreprise incluant le marketing et la promotion.

Intelligence Economique

Il s'agit des méthodes et outils qui permettent à une entreprise de mieux connaître et comprendre son environnement concurrentiel. L'Intelligence économique s'attache à étudier les comportements des partenaires de l'entreprise (clients, fournisseurs...) et à les comparer à ceux de ses concurrents.

Knowledge Management

Cette pratique regroupe un ensemble d'outils qui assurent la gestion des connaissances dans l'entreprise et rendent les informations accessibles aux utilisateurs.

Life Time Value

Valeur nette calculée aujourd'hui du profit que va apporter un client

Logiciel d'Automatisation des ventes

Logiciels permettant aux commerciaux de gérer leur cycle de prospection et de vente : gestion des contact clients, l'élaboration et le suivi des commandes.

Mailing List

L'utilisateur s'inscrit à une liste de distribution et reçoit par messagerie électronique une lettre thématique régulière.

One to one

Définition des règles de personnalisation suivant le profil de l'utilisateur constaté ou supposé.

Scoring

Méthode utiliser pour déterminer quels sont les clients ou prospects qui présentent la probabilité la plus forte de répondre à une offre spécifique.

Strategic Value

Représente le potentiel d'un client que l'on est capable de garder.

Workflow

Gestion des flux

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera