La politique communautaire d'accès au marché dans le domaine du transport ferroviaire( Télécharger le fichier original )par Ikboljon Qoraboyev Université de Montpellier I - DEA Droit communautaire européen 2003 |
Chapitre 2. La procédure de répartition des capacités et de tarification de l'infrastructure ferroviaireLes entreprises et les regroupements internationaux qui veulent exercer les droits d'accès pour effectuer des services de transports par le territoire des Etats membres doivent s'adresser aux autorités compétentes des Etats membre. La jouissance de ces droits s'effectue par la participation à la procédure de répartition des capacités de l'infrastructure. Les entreprises ferroviaires peuvent demander que leur soient affectées des capacités de l'infrastructure ferroviaire nécessaire pour effectuer une opération de transport par un gestionnaire d'infrastructure sur la base des dispositions juridiques applicables. Plus concrètement, elles peuvent réserver des sillons sur le réseau ferroviaire géré par les gestionnaires. Un sillon est la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné.298(*) Il est l'ingrédient de base d'un service ferroviaire.299(*) En contrepartie de l'utilisation des capacités d'infrastructure, les entreprises ferroviaires doivent s'acquitter d'une redevance conformément aux dispositions des directives communautaires. §1. La répartition des capacités de l'infrastructureEn effet, le droit à la participation à la procédure de répartition d'infrastructure relève de la reconnaissance du droit d'accès.300(*) Il est l'application du droit d'accès en pratique. Pour que les entreprises ferroviaires puissent bénéficier pleinement des droits d'accès consacrés par la directive 91/440, les autorités communautaires ont décidé d'établir un système non discriminatoire et uniforme de répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire.301(*) Les premières bases de ce système ont été définies par une mesure d'application de la directive 91/440, la Directive 95/19/CE du 19 juin 1995.302(*) Elle avait pour objet de définir les principes et les procédures à suivre pour la répartition des capacités d'infrastructure d'une part et la perception des redevances d'autre part. concernant les entreprises ferroviaires effectuant les services visés à l'article 10 de la directive 91/440/CEE.303(*) Elle a posé des grands principes tels que la désignation d'une autorité responsable de la répartition des capacités d'infrastructure, les principes de répartition des capacités ainsi que de taxation de l'utilisation de l'infrastructure. La directive s'est contentée de définir ces principes en laissant aux Etats d'établir les règles détaillées de leur mise en oeuvre. Dans le cadre de l'élargissement des droits d'accès et l'adoption du premier paquet ferroviaire en 2001, il a été décidé de modifier le système de répartition des capacités de l'infrastructure. Une nouvelle directive 2001/14 concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité a été adoptée dans le cadre du premier paquet ferroviaire.304(*) A la différence de la directive de 1995, cette directive a apporté plus de précisions aux principes annoncés en 1995, les détails de leur mise en oeuvre ainsi que nouvelles exigences au regard des Etats. Notamment, elle a renforcé les mécanismes de régulation existant en instaurant un organisme de contrôle pour veiller sur les décisions de l'autorité responsable de répartition des capacités. L'objectif général de la directive est d'établir un système transparent et non discriminatoire de répartition des capacités de l'infrastructure et de perception de redevances pour leur utilisation. Elle définit les règles et principes communs relatifs aux conditions d'accès au réseau.305(*) Le premier élément important en vue d'établir un système non discriminatoire est de désigner une autorité responsable de répartition des capacités d'infrastructure. La Directive de 1995 avait accepté, après des longues débats, la possibilité de charger une entreprise ferroviaire exploitant des services de transport de la répartition des capacités de l'infrastructure. Jusqu'au l'adoption de la directive 2001/14 les entreprises ferroviaires intégrées pouvaient se charger de la répartition des capacités. Mais, le souci d'éviter tout conflit d'intérêts économiques entre le gestionnaire et les entreprises ferroviaires, les dispositions du premier paquet ferroviaire ont posé le principe de l'indépendance de l'autorité de répartition des capacités de l'infrastructure. La directive 2001/12 ainsi que la directive 2001/14 dite la directive sillon apporte des précisions nécessaires à suivre pour désigner le gestionnaire. Comme on l'a vu, la directive 2001/12 définit un certain nombre des fonctions relevant notamment de la répartition des capacités de l'infrastructure ainsi que de la tarification de l'infrastructure qui ne peuvent pas être confiées à des instances ou des entreprises qui sont elles-mêmes des fournisseurs de services.306(*) La directive 2001/14 dispose qu'en cas de dépendance du gestionnaire de l'infrastructure qui accomplit les procédures de répartition de ces capacités des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions de répartition de capacités soient assumées par un organisme de répartition qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel. Les entreprises ferroviaires ne peuvent être investi que de mission de recouvrement des redevances.307(*) Ces exigences accrues de l'indépendance visent à garantir un accès équitable et non discriminatoire à l'infrastructure. En effet, au défaut de l'indépendance du gestionnaire des entreprises ferroviaires exploitant les services de transport ou l'implication des premiers dans l'exploitation des trains, un conflit d'intérêts économiques est inévitable, ce au détriment des entreprises ferroviaires en concurrence.308(*) Une entreprise intégrée pourrait profiter de ses pouvoirs de la répartition des capacités pour freiner l'accès de ses concurrents au réseau.309(*) En France, jusqu'au la loi de 1997 créant le Réseau Ferré de France, c'était la SNCF qui s'était vu confier le rôle de l'autorité responsable de répartition des capacités en vertu de décret 95-666.310(*) Depuis la loi 97-135 du 13 février 1997 c'est le RFF, établissement public à caractère industriel et commercial, qui est chargée de la gestion du réseau ferroviaire français. Mais la loi 97-135 ainsi que le décret 98-1190311(*) ont confié à la SNCF un rôle très important dans la gestion du réseau ferroviaire français en contredisant l'esprit de la norme européenne.312(*) La mesure de transposition en droit français du premier paquet ferroviaire a apporté des modifications au système de répartition des capacités de l'infrastructure en France pour se conformer au droit communautaire.313(*) En vertu des articles 1 et 18 du décret, le RFF veille à ce que les entreprises ferroviaires et les regroupements internationaux concernés par les dispositions pertinents aient accès au réseau ferré français et il se charge de la répartition des capacités de l'infrastructure du réseau ferré français. A cet effet, il définit et évalue les capacités disponibles et attribue aux demandeurs, selon les modalités définies par le décret, des sillons. Les entreprises désireuses d'emprunter le réseau ferré français doivent adresser leurs demandes au RFF. Mais, comme on l'a vu, la SNCF joue un rôle important tout au long de la procédure de la répartition des capacités. Outre que son rôle dans le domaine de sécurité ferroviaire, c'est elle qui effectue des études techniques d'exécution nécessaires à l'instruction des demandes de sillons. Elle doit assurer que le service qui effectue ces études ait une indépendance fonctionnelle afin de garantir l'absence de toute discrimination dans l'exercice de ces fonctions et qu'il respecte la confidentialité des informations à caractère commercial qui lui sont communiquées pour les besoins de ces rapports. Malgré ces précautions pour garantir une répartition transparent et non discriminatoire des capacités de l'infrastructure, les dispositions françaises ne manquent pas des contradictions avec les exigences du droit communautaire pertinentes.314(*) La directive 2001/14 avec d'autres normes pertinentes a établi les conditions à respecter par les entreprises ferroviaires pour pouvoir introduire les demandes des sillons ainsi que les principes à suivre par les gestionnaires pendant la procédure de répartition de l'infrastructure et de tarification de cette utilisation. * 298 Article 2 de la Directive 2001/14 précitée. Définitions similaires de sillon : 1) capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné entre deux points d'un réseau ferré pendant une période de temps donnée ; 2) temps d'utilisation d'une section de voie ferrée par un train ; "tracer les sillons" veut dire organiser la succession des trains sur une même voie. Glossaires disponibles sur les sites de RFF et UIC. * 299 Scherp, J., op.cit., p. 5. * 300 Idot, L., op.cit., § 40. * 301 Considérant 4 de la Dir. 95/19/CE du Conseil, du 19 juin 1995, concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la perception de redevances d'utilisation de l'infrastructure, JOCE n° L 143 du 27 juin 1995, pp. 75-78 * 302 Op.cit. * 303 Article 1 de la Dir. 95/19 précitée. * 304 JOCE n° L 75, 15 mars 2001, p. 29 ; pour une analyse de la directive, v. Scherp, J., Le nouveau cadre d'accès aux infrastructures ferroviaires de l'UE : Non-discrimination & qualité des services ferroviaires internationaux, la Commission européenne, 2002, disponible sur le Web à l'adresse http://www.europa.eu.int/dgs/energy_transport/index_fr.htm * 305 Scherp, J., op.cit., p. 1. * 306 Article 6 §3 de la Directive 2001/12 précitée. * 307 Articles 4§2 et 14§ 2 de la directive 2001/14 précitée. * 308 Scherp, J., op.cit., p. 1. * 309 Limousin, P. et Cantier, B., op.cit. * 310 Article 9 du Décret no 95-666 du 9 mai 1995 précitée. * 311 Décret no 98-1190 du 23 décembre 1998 relatif à l'utilisation pour certains transports internationaux de l'infrastructure du réseau ferré national et portant transposition des directives du Conseil des Communautés européennes 91/440 du 29 juillet 1991, 95/18 et 95/19 du 19 juin 1995, J.O n° 299 du 26 décembre 1998 page 19580 * 312 V. Broussole, D., La création de Réseau Ferré de France, Chronique de législation, AJDA, 20 mai 1997, pp. 459. * 313 Décret 2003-194 du 7 mars 2003 précitée. * 314 V. Gauthier, L., op.cit. |
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