La politique communautaire d'accès au marché dans le domaine du transport ferroviaire( Télécharger le fichier original )par Ikboljon Qoraboyev Université de Montpellier I - DEA Droit communautaire européen 2003 |
§2. Le troisième paquet ferroviaireDans le cadre du nouveau paquet ferroviaire, la Commission a présenté une proposition spécifique sur l'ouverture du marché pour le transport de passagers, accompagnée par des mesures concernant la protection des droits des passagers.210(*) Il contient les propositions de deux nouvelles directives sur l'ouverture du marché pour les services internationaux de transport de passagers et sur la certification des conducteurs de locomotives et de trains affectés au transport de passagers et de marchandises dans la Communauté ainsi que de deux nouveaux règlements concernant les droits des passagers en transport ferroviaire international et sur la qualité des services de transport de marchandises par chemin de fer.211(*) 2.1. Deux modèles de concurrence pour le transport de voyageurs La Commission distingue deux modèles d'ouverture à la concurrence. D'une part, il y a l'introduction d'une concurrence régulée qui régit l'attribution par procédure concurrentielle des contrats de service public, assorti si nécessaire de droits exclusifs pour une certaine période, et le cas échéant de compensations de services publics. Ce modèle est bien adapté pour les services périurbains et régionaux. Cette concurrence est à la base de la proposition de la Commission relative à la modernisation du règlement n°1191/69 sur les obligations de service public. L'autre modèle consiste, comme pour le fret ferroviaire, à ouvrir l'accès à l'infrastructure aux opérateurs souhaitant effectuer des services.212(*) Comme elle a fait savoir dans sa communication relative au deuxième paquet ferroviaire, les nouvelles propositions de la Commission porte sur le deuxième modèle pour les types de transport de passagers qui ne rentrent pas dans le champ d'application du règlement sur les obligations du service public.213(*) Cette ouverture, basée sur le libre accès à l'infrastructure, est plus adaptée à des services à longue distance, surtout internationaux ou à des services spécifiques où une innovation commerciale est susceptible d'attirer une clientèle nouvelle (trains occasionnels, trains autos...). Donc, les nouvelles propositions de la Commission avec son projet de modernisation du règlement sur les obligations du service public couvriront l'ensemble du marché de transport de voyageurs dans l'UE. Cette approche progressive constitue un équilibre entre, d'une part, la nécessité de consolider les trafics couverts par des obligations de service public (dans un cadre en cours de modernisation), et, d'autre part, l'ouverture à de nouvelles initiatives pour les autres types de trafic. Pour entériner ses propositions, la Commission se réfère à un sondage EUROBAROMETER réalisé en 2003 dans les quinze Etats membres qui a révélé que 70% des personnes interrogées étaient d'accord avec l'ouverture de transport ferroviaire: « Si les normes de sécurité sont respectées, la concurrence est la meilleure façon d'augmenter l'efficacité des transports ferroviaires ». Avec le premier paquet ferroviaire, un cadre réglementaire avancé est mis en place. En outre, l'adoption du deuxième paquet ferroviaire vient compléter le cadre existant, notamment, avec les dispositions relatives à la sécurité ferroviaire et l'Agence ferroviaire européenne pour harmoniser les actions en la matière. Donc, l'application de cet encadrement dans le contexte de l'ouverture du marché du fret ferroviaire, permettra de disposer d'une pratique solide et bien rôdée à la date d'ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de passagers en 2010. Dans sa proposition de l'ouverture du marché, la Commission a pris en compte les réalités du marché de transport de voyageurs. En fait, elle fait savoir que le transport ferroviaire de passagers est un marché bien segmenté. Sur les six milliards des passagers transportés annuellement dans l'UE élargie, la grande majorité est constituée par le transport urbain, périurbain et régional. Une grande partie de ces trafics sont couverts par des obligations de service public, et, ils sont soumis aux dispositions du règlement communautaire sur les obligations du service public. En ce qui concerne, le trafic interrégional ou national à longue distance, on observe la montée des trains à grande vitesse. En outre, l'achèvement de réseau transeuropéen de grande vitesse va profondément changer le paysage de transport de passagers dans les Etats membres. Seulement 10% du marché est effectué par les trafics internationaux. Mais, la part du marché de transport ferroviaire international de voyageurs augmente chaque année. Comme, on a vu précédemment, le premier segment du marché, celui de transport urbain, périurbain et régional est couvert par le règlement sur les obligations du service public. La présente proposition vise à introduire la concurrence sur les autres segments du marché. Comme, les interactions sont possibles entre les segments du marché, cette proposition vise à prendre en compte la diversité des segments de marché en prévoyant une articulation claire et simple entre le domaine couvert par un contrat de service public (au sens du règlement n°1191/69) et le domaine ouvert à de nouvelles initiatives. Selon cette proposition, tous les services internationaux seraient ouverts à la concurrence au 1er janvier 2010, à l'exception des services qui entre deux localités précises font l'objet d'un contrat de service public.214(*) 2.2. Le cabotage Un autre point sur lequel insiste la Commission est le cabotage. Elle fait savoir que les trains internationaux sont remplis très inégalement pendant le même trajet. Par exemple, entre Bruxelles et Cologne, les trains sont très remplis entre Bruxelles et Liège, mais beaucoup moins entre Liège et Cologne. Pour rentabiliser le trajet, ces trains internationaux prennent et laissent les voyageurs à l'intérieur d'un seul Etat membre. Le nombre de trains internationaux n'effectuant pas d'arrêts intermédiaires au sein d'un même Etat membre est extrêmement réduit et se limite à quelques liaisons à grande vitesse du type Bruxelles - Paris. Le seuil de rentabilité d'un service international, qui dépend directement du nombre de voyageurs transportés, est conditionné par la possibilité de prendre et de laisser des passagers au cours du trajet. Pour ne pas vider de l'intérêt le libre accès pour les transports internationaux des passagers, la Commission insiste sur l'octroi de possibilité de cabotage aux nouveaux entrants. En cas de l'absence de cette possibilité, il est impossible de rentabiliser un train international. De plus, la Commission voit une situation de discrimination, dans la mesure où l'entreprise en place continuerait de pouvoir prendre et laisser des passagers au cours du trajet alors que son concurrent ne pourrait le faire. C'est pourquoi une ouverture du marché excluant le cabotage pour l'exécution d'un service international n'aurait pas d'effet véritable sur le marché. La proposition présentée inclut donc pour les entreprises offrant des services internationaux, le droit de prendre et de laisser des passagers entre deux gares situées sur le trajet international, y compris entre deux gares situées dans un même Etat membre.215(*) La Commission après avoir envisagé ces différents facteurs, propose une approche souple pour l'ouverture de transport international de voyageurs. Elle accepte la possibilité de deux solutions : une concurrence régulée pour les contrats de service public et un libre accès pour les autres trafics. Mais, le principe sera celui de l'ouverture sur la base du libre accès. En cas des besoins du service public si l'équilibre économique de ce service public est menacé, les Etats auront la possibilité de limiter cet accès au profit des contrats du service public, qui peuvent contenir les droits exclusifs, dans le strict respect des dispositions communautaires sur les obligations du service public.216(*) 2.3. L'ouverture totale du marché de transport de voyageurs La nouvelle directive dispose que les entreprises relevant du champ d'application de la directive doivent se voir accorder un droit d'accès aux fins de l'exploitation de services internationaux de transport de passagers au 1er janvier 2010 au plus tard.217(*) Le service international de transport de passagers est défini comme un service de transport de passagers dans le cadre duquel le train franchit au moins une fois la frontière d'un Etat membre. Le train peut être assemblé et/ou divisé, et les différentes parties le constituant peuvent avoir des provenances et des destinations différentes, à condition que toutes les voitures franchissent au moins une frontière218(*) Le point le plus intéressant, les entreprises ferroviaires ont le droit de prendre et de laisser des passagers entre deux gares situées sur le trajet international, y compris entre deux gares situées dans un même Etat membre, au cours d'un service international de transport de passagers. Mais, les Etats membres peuvent limiter ce droit d'accès sur les relations origine-destination qui font l'objet d'un contrat de service public conforme à la législation communautaire en vigueur. En revanche, cette limitation ne peut avoir pour effet de restreindre le droit de prendre et de laisser des passagers entre deux gares situées sur le trajet d'un service international, y compris entre deux gares situées dans un même Etat membre, que dans les cas où cela s'avère strictement nécessaire pour le maintien de l'équilibre économique du service défini dans un contrat de service public et, après avis favorable de l'organisme de contrôle visé à l'article 30 de la Directive 2001/14/CE.219(*) Toute décision des Etats de limiter les droits d'accès doit être soumise à un contrôle juridictionnel.220(*) Donc, si nous prenons la future ligne à grande vitesse qui reliera Madrid à Perpignan comme exemple, il serait possible d'établir un contrat de service public entre Madrid et Barcelone, incluant des droits exclusifs qui signifieraient qu'aucun autre opérateur ne pourrait mettre en place un service national limité à Madrid - Barcelone. En revanche, un opérateur international opérant un service entre Perpignan et Madrid peut prendre ou laisser des passagers à Barcelone sans qu'il en soit empêché par le contrat de service public, sauf s'il est démontré que cela serait susceptible d'affecter l'équilibre économique du contrat de service public en cause. En outre, les références de l'obligation de constituer un regroupement international pour effectuer des services de transport internationaux sont supprimées à partir du 1er janvier 2010 par la présente proposition. La Commission trouve la solution proposée par la directive équilibrée car elle permet aux autorités nationales ou locales qui le souhaitent d'attribuer ensemble des contrats de service public, tout en laissant le champ ouvert au développement de nouvelles initiatives et en préservant la possibilité du cabotage pour que des services internationaux puissent se développer dans des conditions économiques réalistes.221(*) 2.4. La protection des droits de passagers En outre, la Commission a présenté, conjointement à la proposition de l'ouverture de transport de passagers, une proposition de règlement sur les droits et obligations des passagers en transport ferroviaire international.222(*) La protection efficace des droits des passagers est, en effet, un critère essentiel de choix de tel ou tel mode de transport par les voyageurs. Garantir les droits des passagers efficacement renforce l'attractivité des chemins de fer. Malgré l'existence des normes internationales relatifs à la protection des voyageurs, la Commission les trouve insuffisant et relativement bas. C'est pour cette raison qu'elle a voulu développer un système communautaire de protection des droits des voyageurs, compatible avec le système international mais plus protecteur pour les passagers. Les garantis comprend notamment, l'accès à l'information et aux tarifs, la possibilité d'acheter facilement les billets pour un trajet international, le principe de compensation, le régime des responsabilités en cas d'accident ou d'incident pendant le voyage ainsi que la définition des différentes voies de recours pour faire prévaloir de ces droits en cas de contestation. En outre, il faut prendre en compte les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite.223(*) 2.4.5. Les dispositions relatives au transport de marchandises. Outre que les propositions relatives au transport de passagers, le troisième paquet contient aussi une proposition de directive relative à la certification des conducteurs de locomotives et de trains affectés au transport de passagers et de marchandises dans la Communauté, et une proposition de règlement concernant la qualité des services de transport de marchandises par chemins de fer. La certification de conducteurs Le texte sur la certification des conducteurs prévoit un mécanisme permettant de mieux définir les compétences et les responsabilités en matière de formation, d'évaluation et de reconnaissance des qualifications des conducteurs de train et des personnels de bord assumant des fonctions de sécurité. Un conducteur devra disposer d'une certification, qui lui appartiendra, reconnaissant ses compétences générales et valables sur tout le territoire de la Communauté. Cette certification devra être complétée par une attestation délivrée par l'entreprise ferroviaire et reconnaissant la formation spécifique à la ligne parcourue, au matériel utilisé et aux procédures opérationnelles et de sécurité propres à cette entreprise. La qualité des services de transport de marchandises Le projet de règlement sur la qualité des services de transport de marchandises vise à introduire des clauses minimales de qualité dans les contrats entre les entreprises ferroviaires et leurs clients. Le contenu précis des engagements de qualité est laissé à la liberté contractuelle, mais le texte proposé vise à ce que les éléments de qualité soient systématiquement discutés et pris en compte dans les contrats. Le manque de qualité pour les services de fret, notamment pour les services internationaux qui impliquent plusieurs entreprises ferroviaires sur un même parcours, affecte négativement l'attraction du mode ferroviaire et constitue aujourd'hui encore l'une des causes majeures expliquant le recul constant de sa part de marché qui se situe désormais en dessous de la barre des 8%. Le règlement doit contribuer à reverser la situation en fixant les exigences de qualité pour les services de transport de marchandises.
On peut déjà affirmer que le principe du droit d'accès aux réseaux ferroviaires est un principe acquis en droit communautaire. Mais, si le principe est acquis, sa jouissance efficace est très dépendante de quelques facteurs organisationnels du marché. Pour assurer la mise en oeuvre efficace du principe de l'ouverture, le Conseil a adopté plusieurs mesures d'accompagnement. Ces mesures sont contenues dans les différentes directives qui ont suivi la directive 91/440 adoptées pour faciliter sa mise en oeuvre. Notamment, La Directive 91/440 a été suivie de deux directives d'application en 1995. Ces directives visaient à réguler les relations entre les gestionnaires d'infrastructures et les entreprises ferroviaires voulant accéder à ces infrastructures. La directive 95/18/CE du Conseil, du 19 juin 1995, concernant les licences des entreprises ferroviaires224(*) a posé les conditions pour obtenir une licence ferroviaire afin d'effectuer des services de transport sur le territoire des Etats membres. La directive 95/19/CE du Conseil, du 19 juin 1995, concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la perception de redevances d'utilisation de l'infrastructure225(*) a défini les principes que devaient suivre les gestionnaires d'infrastructures pour répartir les capacités d'infrastructures. Les paquets ferroviaires précités ont également, apporté des modifications à ces directives. De plus, ils ont instaurés de nouvelles règles afin de compléter le régime juridique de la libéralisation ferroviaire. Ces dispositions communautaires ont instauré une nouvelle organisation du marché de transport ferroviaire en Europe. Ce marché est régulé selon les nouvelles procédures et il est soumis au respect de nouveaux principes. * 210 Pour un chemin de fer européen de qualité : La Commission propose l'ouverture du marché pour les transports internationaux de voyageurs en 2010. Communication de la Commission, 3 mars 2004, Bruxelles. * 211 Le troisième paquet ferroviaire : Une nouvelle étape de l'intégration du système ferroviaire européen, La Commission européenne, Bruxelles, 3 mars 2004. * 212 Ibid., p. 3. * 213 SEC (2003) 754 final, Bruxelles, 30 juin 2003 * 214 Ibid., p10-11. * 215 Exposé des motifs, Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires, op.cit., p. 5. * 216 Ibid., p. 5-6. * 217 Article 1er de la Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires, COM(2004) 139 final, op.cit. * 218 Ibid. * 219 Ibid. * 220 Ibid. * 221 Exposé des motifs, Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires, op.cit., p. 6. * 222 Exposé des motifs, Proposition de Directive du Parlement Européen et du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires, COM(2004) 139 final 2004/0047 (COD), Bruxelles, le 3.3.2004 * 223Communication de la Commission. Poursuivre l'intégration du système ferroviaire européen : le troisième paquet ferroviaire, COM (2004) 140 final, Bruxelles, 3mars 2004, p.9.
* 224 JOCE n° L 143 du 27 juin 1995 p. 0070 - 0074 * 225 JOCE n° L 143 du 27 juin 1995 p. 0075 - 0078 |
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