2.2. Transfert des
joueurs : les perspectives d'avenir
Les habitudes, surtout quand elles sont bonnes, sont ainsi
difficiles à changer.
Les débats sur les transferts des sportifs en
général et des joueurs de football, en particulier alimentent
tellement la chronique ces derniers temps qu'il soit malveillant de ne pas en
parler dans le cadre de cette étude. Dans son livre L'affaire Bosman. La
fin de l'ère des transferts ?, le professeur Blanpain R. (1996, p.
6) mettait déjà en garde, dans le sport business, les abus des
pratiques mercantilistes sur les hommes, les joueurs. Il écrivait
notamment que l'homme n'est pas une marchandise, il n'est un objet de commerce.
Depuis, et avant les surenchères des transferts de
trois dernières saisons, la Commission européenne a pris le
devant, pour sensibiliser l'opinion sur le déclin volontaire et
préjudiciable des objectifs sportifs par rapport aux poursuites
marchandes.
Madame Buffet, actuel Ministre français de la Jeunesse
et des Sports, parlait, elle, des dérives marchandes ou de flux
monétaires artificiels, au moment où d'autres y voient une sorte
de spirale mercantile (BROHM J. M, 2000, pp. 26-27). Quel est l'état de
la question sur le futur du système actuel des transferts ?
2.2.a. Position de l'union européenne sur la
pratique des transferts.
Pour la commission européenne, le système des
transferts des sportifs dans le football viole le traité de Rome de
1952, constitutif de l'union européenne. Il est contraire aux principes
fondamentaux de l'union afférents à la libre circulation des
travailleurs et à la libre concurrence. D'où, son abolition ou au
moins sa réforme s'imposent.
Certains clubs ont des effectifs assez riches. Il y a des
joueurs qui n'ont pas encore été utilisés et qui ne le
seront sans doute pas même si, au départ, ils étaient
censés être de grande importance pour leur équipe. Les
dirigeants préfèrent continuer à recruter sans les
utiliser. Après, comprendre pourquoi. ?
Donc, la logique marchande sous-tend énormément
la politique des recrutements de nouveaux joueurs, à travers le monde.
Les joueurs eux-mêmes ne sont guère contents de la formule de
transferts telle qu'on y recourt aujourd'hui. L'union nationale
française des footballeurs
Professionnels (UNFP) a parlé de " marché
d'esclaves ".(L'Humanité du 16 janvier 2000)
2.2.b. Position des instances du football :
l'impact de l'abolition du système de transferts.
Lorsque les administrateurs du football défendent le
système de transferts, leur premier et plus important argument est
qu'une ligue sportive a besoin d'un degré raisonnable d'incertitude
quant au résultat. Les spectateurs sont moins intéressés
par une rencontre sportive si le vainqueur est connu avant que le jeu ne
commence ou par une compétition sportive dont le champion est connu
avant Ia mi-saison. Un sport d'équipe a besoin d'un équilibre
compétitif entre les équipes participant à un
championnat.
En raison de leur emplacement dans de grandes villes
dotées d'une haute densité de population, certains clubs ont un
potentiel supérieur pour trouver des talents et pour attirer un nombre
plus élevé de spectateurs en comparaison avec les clubs de villes
plus petites.
Du fait que les équipes de grandes villes ont des
revenus plus élevés, elles peuvent offrir des salaires plus
élevés aux joueurs et par conséquent attirer les meilleurs
d'entre eux de tous les coins du pays.
Un marché libéralisé des joueurs aurait
pour résultat la concentration de tous les joueurs de talent dans un
seul ou dans un petit nombre de grands clubs, ce qui nuit à
l'équilibre compétitif du championnat, diminue l'incertitude du
résultat et réduit l'intérêt du spectateur. Par
conséquent, un système de transferts est nécessaire pour
garantir aux petits clubs le droit de se réserver quelques bons joueurs
pour eux-mêmes et de vendre d'autres bons joueurs sur le
marché.
Une autre préoccupation dérive du fait
que le système a toujours eu pour objet de compenser l'argent
dépensé par les petits clubs pour la formation de jeunes joueurs.
Ces clubs perdront les indemnités de transfert qu'ils reçoivent
pour la vente des talents. Si les jeunes joueurs ayant du talent peuvent
quitter leurs clubs pour aller dans un meilleur club sans qu'il y ait une
compensation financière, non seulement les premiers auront des
problèmes financiers, mais en outre la formation des jeunes sera
découragée, de sorte que cette importante fonction sociale du
sport disparaîtra.
Un autre problème semble poindre, l'exode vers de
grands clubs de jeunes joueurs parfois même âgés uniquement
de dix ans. L'exode se fait d'un club à l'autre mais aussi d'un pays
à l'autre. La volonté de former ces jeunes joueurs est certes
louable mais il ne faut pas occulter le côté mercantiliste de tels
transferts. Cela pourrait se réguler sur le fait qu'un joueur
très jeune n'est pas assuré de devenir un Ronaldo.
Un dernier problème concerne la distribution de
salaires aux joueurs. Un marché de joueurs libre provoquerait une
escalade des salaires des meilleurs joueurs, car les clubs se feront
concurrence pour les engager. Cette situation se crée au
détriment des joueurs des équipes moyennes et du profit des
propriétaires des clubs. Il en découle une distribution encore
plus inégale des salaires. Les salaires élevés de certains
joueurs, ainsi versés au détriment du profit du club, risquent
d'aggraver l'insécurité financière des petits clubs, qui
seront incapables de payer le surcoût du travail.
C'est depuis le mardi 31 octobre 2000 que le comité
conjoint de la FIFA/Uefa a remis au bureau de la commission européenne,
les nouvelles propositions qui devraient régir les transferts des
sportifs. Ainsi, selon le monde du football,
- les transferts des mineurs sont désormais
interdits ;
- la durée des transferts serait au plus de 2 à
3 ans ;
- seul un transfert serait autorisé par équipe,
par an.
2.2.3. Quid de l'avenir du mercato ?
Cependant, compte tenu des nombreuses perturbations qu'il a
engendrées, la continuation du mercato n'est plus de mise de
façon unanime par tous les praticiens du football. En France, par
exemple, l'union nationale des entraîneurs, cadres et administrateurs
techniques professionnels du football (UNECATEF) avait lancé en
décembre une " consultation " sur la continuation ou non du
marché d'hiver de vente et d'achat des joueurs. " 75 %
des entraîneurs, D1 et D2 confondues, se sont
prononcés contre ". L'entraîneur d'Auxerre détaille : "
Nous sommes contre parce qu'il crée des troubles dans nos effectifs. Des
joueurs, ceux qui ne jouent pas toujours, les remplaçants, voient une
opportunité d'aller dans un club où ils pensent jouer. Ils nous
mettent tout le bazar. " Terrain sur lequel les intérêts de
différents protagonistes, à savoir, joueurs, managers,
entraîneurs et dirigeants d'équipes sont toujours opposés,
le mercato ne satisfait personne, complètement.
Jean-Luc Arribart a prédit même la fin du round
d'observation actuel et l'avenir, selon lui, est sombre : "
L'intérêt des managers étant de faire bouger le plus
souvent possible leurs joueurs, les transferts vont s'accélérer
en hiver parce que les joueurs écoutent beaucoup leurs managers. Les
joueurs et leurs agents ont le pouvoir aujourd'hui. Ils décident de la
durée du contrat, des clauses qu'ils désirent, de quand ils
partent. Ils ont pris le pouvoir parce qu'on leur a donné. Il n'y a
aucune contrepartie pour eux : ils ont tous les avantages sans avoir les
inconvénients. Si le joueur est bon, il partira chercher fortune
ailleurs. S'il n'est pas bon, il partira quand même. Avant, il essayait
de récupérer sa place à l'entraînement ou avec la
réserve pour montrer à l'entraîneur qu'il s'était
trompé. Aujourd'hui, on appelle son manager pour partir. " Devant un tel
tableau et au regard du sondage des entraîneurs, une seule question se
pose : faut-il conserver le mercato ? " J'ai prôné sa suppression
auprès de la Ligue dont je suis vice-président, explique Guy
Roux, mais j'ai été minoritaire. Les présidents de club
ont voté sa continuation. " Au nom du sacro-saint principe d'alignement
sur les autres pays européens qui possèdent eux aussi un mercato.
Ce suivisme agace Roux : « Heureusement qu'ils ne se
jettent pas à l'eau, sinon, on irait tous nager. » Seul le nom
sera modifié, révèle l'entraîneur bourguignon,
« parce que l'UNFP (le syndicat des patrons de club) trouvait que
cela faisait un peu mercantile ». Ces gens-là sont impayables,
et à travers leur requête, la gêne qu'on devine chez eux
prête à sourire. De toute façon, personne ne sera dupe. "
Il y a un petit malin qui a proposé "le marché de Noël",
mais cela fait le même effet que mercato ", rigole Guy Roux.
Quant à Dobraje, il propose " période de joker
plus longue ". Reste qu'en lieu et place du marché hivernal, les
entraîneurs ont proposé l'engagement d'un joker. " La venue de
deux jokers plus un gardien dans la même période me paraît
plus opportun ", confirme Dobraje. (L'Humanité du 16 janvier 2000).
2.2.4. Proposition de solution.
Une meilleure concertation entre agents, joueurs et clubs
permettraient de limiter les échecs et d'éviter les situations de
blocage. Dans tous les cas, le marché des transferts met en face trois
parties, en l'occurrence, l'équipe cédante, l'équipe
cessionnaire et, le cas échéant, le manager ou l'agent de joueur.
Ce qui est particulier dans ce marché, c'est la place qu'occupe le
joueur, lui-même. En effet, cette place est quasi diluée dans la
nature du contrat. Dans les concertations, l'accord du joueur est acquis
aussitôt que l'équipe dont il est sociétaire en a
exprimé le vif désir et en a fait part à celle qui
souhaiterait l'acquérir. C'est dans ces termes qu'on peut lire l'article
13 du règlement de la FIFA relatif au statut et au transfert des
joueurs. Il est relayé en des mots presque similaires par les
dispositions des réglementations européennes (UEFA) et belge
(URBSFA) en la matière, telles que rapportées par le professeur
Blanpain Roger(1996, pp. 41-78). Aussi, apparaît-il que l'accord de deux
clubs concernés par le transfert du joueur suffit pour que celui-ci soit
parfait. Reste cependant, la question du manager.
2.3. Le manager.
Ce dernier est l'intermédiaire à qui le joueur
se confie pour notamment défendre ses intérêts dans ce
genre de négoce. Compte tenu de la durée du mandat que se donne
le manager sur la défense desdits intérêts du joueur, il
gère ce dernier avec la plus grande délicatesse, surtout si le
joueur a la réputation irréfutable de star, à même
de rester encore dans la perspective des conquêtes et convoitises des
clubs les plus riches. Il perçoit d'énormes commissions sur la
somme nette que reçoit en fin des comptes le joueur.
A cause de leur influence sur le terrain d'affaires du
football business et de leurs alliances à travers le monde avec les
dirigeants des clubs modestes, les managers sont une autre race qu'on peut
considérer comme contribuant à leur manière à
l'internationalisation de ce sport.
Outre le fait que leur prospection ne se limite pas à
un seul Etat, ils sont capables de procéder à des recrutements de
nombreux et talentueux joueurs qui fassent la fierté et consolident le
succès des équipes. Ils font et défont les équipes,
et à cause d'eux, les salaires des joueurs ont accusé une
augmentation graduelle, comme l'illustre le graphique ci-après, qui
indique l'évolution des salaires des joueurs de football de la
première division anglaise. Dans le graphique qui illustre mieux cette
table de données, on se rend évidemment compte du fait que la
courbe, dessinée en bas, de ces salaires est ascendante.
Cela s'explique par l'insertion progressive du football dans
les girons de l'économie marchande. Le football est devenu une
profession, comme le sont déjà d'autres. Mais, cette situation
n'est ni unique, ni propre au seul football anglais.
En fait, l'Europe, qui est un des réservoirs les plus
importants des footballeurs professionnels fait face à une espèce
d'un nouveau rapport salarial novateur depuis l'arrêt Bosman.
Les lignes de force de la politique salariale nage entre deux
versants. Le premier met l'accent sur l'optimisation de la valeur marchande
d'un joueur vedette, et donc à haute productivité sportive, au
quel seront alloués des salaires et des primes élevées,
étant entendu que ces dépenses, qui ont parfois la valeur d'une
épargne, seront récupérées grâce à
l'ensemble des revenus que le joueur bénéficiaire apportera
inévitablement au club, par l'entremise d'un transfert au bon moment et
au bon acheteur. Naturellement, la grille barémique des salaires
ci-dessus reprise et à laquelle se rapporte cette justification concerne
une minorité de joueurs rentables de la trempe de Luis Figo (Real
Madrid), David Beckham, Roy Kean (Manchester), Rivaldo (Barcelone), Shabani
Nonda (Monaco), Jan Koller et Radzinski (Anderlecht), Marc de Gryse (Germinal
Beerschot Antwerpen), Bangoura et Mbayo (Lokeren), Boeka Lisasi (Westerlo). Et
la liste peut s'allonger dans tous les clubs, puis que chacune de ces
équipes à cette poignée en son sein.
D'autre part, les joueurs plus ou moins anonymes, sont
désormais placés dans une situation de précarisation du
travail tendancielle, du reste, croissante avec l'âge. Ils se montrent
en conséquence moins revendicateurs, en acceptant en revanche des
différentiels très importants en ce qui concerne les salaires et
des primes ainsi que des contrats divers.
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