Mise en relief dans de nombreux rapports d'étude, la
propagation de l'extrémisme violent vers les pays côtiers de
l'Afrique de l'Ouest est une réalité. Le rapport 2021 d'ELVA,
titré « Tracking Violent Extremism Spillover from the Sahel to
Littoral West Africa » a montré que les États littoraux
ont été soumis à l'expansion de l'extrémisme
violent en provenance du Sahel depuis au moins 2018.
Selon Konrad-Adenauer-Stiftung (2022),
L'exposition du Togo et du Ghana à la menace djihadiste
confirme globalement que la
dégradation de la situation sécuritaire au
Burkina Faso et au Mali fait du nord des pays côtiers la nouvelle ligne
de front contre les groupes armés opérant au Sahel.
Pays côtier d'Afrique de l'Ouest, le Togo partage ses
frontières avec le Ghana, le Bénin et le Burkina Faso et abrite 8
095 498 habitants selon les données du cinquième Recensement
général de la population et de l'habitat (RGPH-5, 2022). Selon le
PNUD (2020), la valeur de l'Indice de développement humain (IDH) du Togo
pour 2019 s'établit à 0.515 - ce qui place
9
le pays dans la catégorie « développement
humain faible » et au 167e rang parmi 189 pays et territoires. Entre 1990
et 2019, l'IDH du Togo a progressé, passant de 0.406 à 0.515
(soit une hausse de 26.8 %). L'espérance de vie à la naissance au
Togo a augmenté de 5.2 années, la durée moyenne de
scolarisation a augmenté de 2.0 années et la durée
attendue de scolarisation a augmenté de 5.1 années.
Le chômage des jeunes est tout aussi préoccupant
que les besoins sociaux de base. L'enquête QUIBB (2015) indique que parmi
les trois groupes d'âge suivants : quatorze et vingt-neuf (14-29) ans,
trente et quarante-neuf (30-49) ans, cinquante et soixante-quatre (50-64) ans,
les actifs du groupe d'âge trente et quarante-neuf (30-49) ans
connaissent plus la situation de sous-emploi. Les résultats de
l'Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages
(EHCVM) montrent que l'incidence de la pauvreté est estimée
à 58,8% en milieu rural contre 26,5% en milieu urbain. Selon le rapport
sur le développement humain 2020, au Togo, 37.6 % de la population (soit
2,967 milliers de personnes) vivent en situation de pauvreté
multidimensionnelle et 23.8 % autres sont considérées comme des
personnes vulnérables à la pauvreté multidimensionnelle
(soit 1,875 milliers de personnes). Les femmes demeurent plus
vulnérables car ayant moins accès aux opportunités
économiques, à l'éducation, la santé et autres
facilités socioéconomiques de base.
La question de la menace terroriste a été
beaucoup plus prise au sérieux au Togo à partir du 15
février 2019, date à laquelle, une attaque a été
perpétrée contre un poste mobile de douane à Nohao, dans
la province de Bourgou au Burkina, proche de la région des savanes. Cet
incident a fait cinq victimes dont quatre (04) douaniers et un (01)
prêtre espagnol. Conscient de l'urgence de la situation et pour faire
face à la menace de l'extrémisme violent pouvant déboucher
sur le terrorisme, le Togo a pris une série de mesures juridiques,
institutionnelles et programmatiques pour contenir l'expansion du
phénomène1.
Malgré toutes les initiatives prises par le
gouvernement togolais et ses partenaires, le pays continue par subir des
attaques terroristes en particulier dans la région des savanes. En
effet, selon les données du ministère de la
sécurité et de la protection civile, le pays a subi une attaque
terroriste le 9 novembre 2021 dans la localité de Sanloaga
(Préfecture de Kpendjal, région des savanes), région
frontalière au Burkina Faso et au Ghana. Cette attaque a
été repoussée par les forces de l'Opération
Koundjouaré. Mais les autres attaques qui ont suivi,
1 Confère annexes 1, 2 & 3.
10
ont entrainé des pertes en vies humaines et des
blessés au sein de la population civile et des Forces de défense
et de sécurité (FDS) et entraîné des
déplacements de populations vers les zones urbaines plus
sécurisées et où elles peuvent bénéficier de
l'assistance des autorités.
Par ailleurs, dans la nuit du 10 au 11 mai 2022, une
soixantaine d'hommes armés circulant à moto ont attaqué un
poste militaire à Kpinkankandi tuant huit (8) soldats et blessant treize
(13) autres, selon un bilan communiqué par le gouvernement. A la suite
de cet incident, les autorités nationales ont
décrété, le 13 juin 2022 en conseil des ministres,
l'état d'urgence sécuritaire dans la région des
savanes.
Le 6 avril 2023, l'Assemblée nationale a
adopté, à l'unanimité, le projet de loi autorisant la
prorogation de 12 mois de l'état d'urgence sécuritaire. Le pays
se trouve progressivement dans une phase de réponses militaires
intensives pour repousser les GANE et protéger les civils.
Selon Sandrine Blanchard (2022),
Pour justifier la violence, les groupes extrémistes
instrumentalisent les vulnérabilités et obstacles au
développement comme les inégalités sociales, la
pauvreté, la mauvaise gouvernance et les constructions sexuelles. Ainsi
certaines populations, ayant fait face à la discrimination et la
stigmatisation du fait de leurs origines comme les Peuls au Burkina Faso et les
Touaregs du Nord au Mali peuvent développer un sentiment de
victimisation ou d'injustice et s'engager dans une violence perçue par
elles-mêmes comme légitime envers une société dans
laquelle elles ne trouvent pas leur place.
Au Togo, la région des savanes est la région la
plus pauvre économiquement. Selon la cartographie de la pauvreté,
INSEED (2019), le taux de pauvreté de ladite région est de 65%.
La vulnérabilité de la région pourrait être
exploitée par les GANE afin de développer leur ambition de
conquête du territoire togolais.
Au regard de la situation préoccupante dans la
région des savanes, il convient d'identifier les facteurs de
vulnérabilité dans la région, d'établir le lien
entre ces facteurs de vulnérabilité et l'expansion de
l'extrémisme violent et d'apporter notre contribution pour la
prévention du phénomène. A cet effet, il importe de se
poser les questions de recherche suivantes :