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Le cyberespace et la sécurité de l'état en Afrique centrale: entre incertitudes et opportunitéspar Alain Christian ONGUENE Université de Yaoundé II-Soa - Master en science politique 2019 |
Section 2 : La coopération comme gage d'une action sécuritaire efficaceL'efficacité de l'action sécuritaire des Etats dans le cyberespace ne peut être garantie que par le renforcement de la coopération. Les stratégies individuelles n'aboutissant qu'à un minimum de résultats. Au vu de leurs infrastructures peu développées, du manque de ressources humaines qualifiées, du retard technologique qui caractérise leur déploiement dans la sphère numérique, la coopération qui suppose la mise en commun des moyens constitue l'unique moyen de de contrer efficacement les menaces et les dangers du cyberespace sur la sécurité des Etats dans la zone CEEAC. Cette coopération doit inclure toutes les parties prenantes aux phénomènes des NTIC et au marché du cyberespace. L'harmonisation et la mise en commun des moyens peut se réaliser à travers la coopération gouvernementale (Paragraphe 1) et par la coopération entre les forces de sécurité et de défense (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Le renforcement de la coopération institutionnelleLa coopération entre Etats se vit dans la collaboration entre leurs institutions et l'échange des compétences entre les administrations. Il s'agit tant de l'administration sectorielle en charge ou compétente des questions du cyberespace, du numérique, des nouvelles technologies ; mais aussi de la coopération entre les forces de sécurité et de défense comme premiers garants de la sécurité et principaux instaurateurs de l'ordre dans un Etat. La coopération des forces de sécurité participe à mieux cerner les variables des menaces venant du cyberespace, pour établir des stratégies opérationnelles de défense efficaces. Cette partie analysera donc la nécessité de la coopération gouvernementale (A) et la coopération des forces de sécurité et de défense (B). A. La coopération gouvernementale La coopération gouvernementale dans la zone CEEAC doit faire l'objet de d'un renforcement appuyé de la coopération pour les questions du cyberespace. Les menaces et les attaques produisant des effets en chaine, avec des possibles répercussions sur d'autres pays, la limitation à l'établissement d'un cadre sécuritaire national ne saurait être une mesure complète de sécurisation de l'Etat dans la sphère numérique. Bien plus avec les Etats plus avancés dans la sous-région en matière de technologies - Rwanda, Cameroun, Gabon - l'objectif doit être d'amener les pays les moins avancés sur les questions numériques à la consolidation de leurs infrastructures cyber de base. Car en l'absence d'un écosystème numérique intégré, le développement de l'infrastructure numérique est disparate179(*). Aujourd'hui l'unique instrument de coopération intergouvernemental pour le secteur des télécommunications en Afrique Centrale est l'ARTAC : Association des Régulateurs des Télécommunications d'Afrique Centrale. Créée le 26 novembre 2004 à Yaoundé. Elle réunit en son sein les autorités de régulation des pays Etats membres de la CEEAC. Elle ne traite pas spécifiquement des questions du cyberespace, mais s'articule autour du cadre plus large des télécommunications dont font partie les technologies à l'oeuvre dans le cyberespace. L'ARTAC constitue en Afrique Centrale un premier modèle dont doivent s'inspirer les décideurs politiques pour créer un organisme régional de cybersécurité en Afrique Centrale. A partir de ce constat on remarque la nécessaire mutualisation dans le secteur de la veille numérique notamment la nécessité de la création d'une union entre les différentes agences chargées des questions numériques dans les pays membres de la CEEAC. Au-delà de cette coopération entre institutions distinctes. Pour une meilleure sécurisation des Etats dans le milieu numérique, il est impératif - comme sur d'autres continents notamment l'Europe - de créer une agence de veille numérique d'Afrique Centrale. Il ne s'agira pas ici de la mise en commun des capacités nationales mais de la création d'une organisation régionale à l'exemple du COPAX chargée de piloter la stratégie numérique de la CEEAC. Cette perspective institutionnelle communautaire regorge d'avantages à un triple niveau. D'abord elle permet aux Etats membres de la CEEAC d'avoir une perspective commune sur la manière d'aborder les problèmes du cyberespace. La différenciation dans les approches individuelles des Etats participe à la complexification des problèmes que suscite le cyberespace. Aborder la question en intégrant les spécificités relatives à chaque pays conduit à l'élaboration d'une stratégie commune incluant tous - sinon le plus possible - les aspects du problème numérique dans la sous-région. Ensuite la mise en commun des moyens conduit à l'élaboration d'une stratégie défensive et préventive - cyberdéfense et cybersécurité - commune prenant en compte les contraintes conjoncturelles et structurelles qui sera mieux adaptée pour aborder le plus pertinemment possible les problèmes que soulève le déploiement du cyberespace en Afrique Centrale. B. La coopération des forces de sécurité et de défense Les phénomènes de cybercriminalité en plus de constituer une nouveauté en pleine expansion en Afrique Centrale ont une nature essentiellement transnationale de par leur mode opératoire. Très souvent les auteurs agissent sur le territoire où ils résident. Mais on observe que de plus en plus ce sont des expatriés qui opèrent à partir de leur pays de résidence, ou des étrangers résidant dans le pays où ils commettent l'infraction ou encore d'étrangers n'ayant aucun lien de filiation avec le pays cible. L'approche souverainiste des forces de défense rend le contexte de coopération difficile, mais les forces de sécurité, essentiellement la police, sont les structures fondamentales favorables à l'émergence de la coopération. Les pays de la CEEAC sont déjà réunis au sein d'Interpol dont la principale mission est de « prévenir et combattre la criminalité grâce à une coopération policière internationale renforcée »180(*). Les cyberattaques représentent une nouvelle forme de criminalité. Interpol participe à développer l'expertise en matière d'enquêtes dans le domaine de la cybercriminalité181(*). En plus d'Interpol ils sont réunis au sein d'Afripol qui est la sous-composante africaine d'Interpol182(*). Tout comme Interpol et Afripol les Etats d'Afrique Centrale doivent instituer une coopération policière axée autour des questions du cyberespace. D'où la nécessité « de la mise en place de la cellule Science et Technologie » au sein de la CEEAC et « la mise en place d'un programme communautaire science/technologie en Afrique Centrale »183(*). L'entraide ponctuelle ne suffit pas - et qui du reste est difficile à concevoir au vu des intérêts de chaque Etat - il est nécessaire de formaliser le cadre de la coopération policière pour une meilleure action sécuritaire des Etats dans le cyberespace. Les logiques transnationales de la cybercriminalité, imposent qu'à un moment ou un autre des enquêtes, un Etat aient recours soit aux infrastructures d'un autre Etat pour en exploiter le contenu, soit à une demande d'autorisation pour opérer dans son espace numérique. Sans un cadre de coopération effectif, les demandes et procédures relatives prennent du temps jusqu'à l'autorisation. Bien plus sécuriser un espace a toujours consisté pour l'Etat à se doter d'une force opérationnelle dédiée à la protection de cet espace. Comme nouveau milieu d'opérations les Etats de la CEEAC doivent mettre en place une force cyber dotée des outils - et armes - technologiques nécessaires, capables de faire face aux cybermenaces et aux cyberattaques. * 179 Zacharie Roger MBARGA, « Intégration numérique : tout est à faire en Afrique Centrale » in Intégration du 06 juin 2018, https://www.journalintégration.com/int consulté le 17 janvier 2019. * 180 COM/FS/2012-02/GI-01, www.interpol.int consulté le 21 janvier 2019. * 181 Interpol, Rapport annuel 2017, p 11. * 182 Conférence africaine des directeurs et inspecteurs généraux de police sur Afripol, Déclaration d'Alger relative à la création du mécanisme africain de coopération policière-AFRIPOL le 11 février 2014 à Alger. * 183 XVIème session ordinaire de la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEEAC, Secrétariat General, Programme d'action de la CEEAC, exercice 2015, p 23. |
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