IV - REVUE DE LA LITTERATURE
Plusieurs auteurs ont travaillé sur la question de
l'accès à l'eau potable et ont constaté que, dans de
nombreuses villes africaines, la question de l'accès à l'eau
potable est préoccupante. On y assiste à un accès
concurrent et discriminatoire dû à de causes multiples. Dos Santos
(2006) évoque l'accroissement démographique, les conditions
climatiques (sécheresse) qui induisent des pénuries d'eau, le
faible niveau de vie des citoyens, les coûts de branchement
élevés au réseau public. Tandis que les uns s'interrogent
sur la distribution de l'eau potable et les problèmes d'accès,
les autres en revanche s'interrogent sur la qualité des ressources en
eau et leurs effets sur la santé. Dans la majorité des pays
africains, la croissance démographique et les mouvements migratoires
engendrent le développement accéléré des centres
urbains. Une urbanisation qui n'est souvent pas accompagnée des
aménagements adéquats, ce qui est à la base d'innombrables
problèmes dont ceux liés à l'accès à l'eau
potable et à l'assainissement. Annie et Mathys (1995) ont montré
qu'avec l'accroissement démographique, l'accès à l'eau est
sélectif et les populations des quartiers pauvres ont des
7
difficultés à s'approvisionner. La population
urbaine s'accroit et exige une disponibilité des ressources en eau et
des financements croissants. Les pays d'Afrique Noire présentent des
divergences en matière d'accès à l'eau potable. La
situation des zones humides est nettement meilleure par rapport à celles
relativement arides. Ces dernières enregistrent de fortes chaleurs et
une baisse de la pluviométrie. C'est ainsi qu'au Tchad, à
Djibouti, et au Mozambique par exemple, moins de 30% de la population a
accès à l'eau potable d'après la Banque Africaine de
Développement (2006).
Quant à la répartition, Ouedraogo (2003) observe
une situation d'inégale distribution des points d'eau au Burkina-Faso.
Face à la sécheresse qui y a empiré les problèmes
d'accès à l'eau potable, le gouvernement a doté le pays de
27000 points d'eau potable. Cependant une analyse de la distribution spatiale
de ces derniers laisse entrevoir une mauvaise répartition. Des villages
fortement peuplés sont dépourvus de point d'eau tandis certains,
pourtant faiblement peuplés en possèdent plusieurs. Une situation
qui impose de nouvelles politiques de gestion de la ressource. Par ailleurs,
Kanohin et al. (2012) relèvent l'inégale répartition des
points d'eau dans la région de Daoukro en Côte d'Ivoire et
apportent une contribution dans la recherche des zones propices à
l'implantation des points d'eau productif. Ils ont procédé par la
conception de la carte des besoins en eau qui a permis de mettre en
évidence les zones de déficits avant de cartographier les sites
d'implantation futurs points d'eau.
Au niveau du Cameroun, les zones humides et sahéliennes
présentent aussi des difficultés d'approvisionnement en eau.
Kouam et al. (2006), critiquent la politique du haut vers le bas
appliquée à la distribution des points d'eau potable. Ici, la
spatialisation des points d'eau est essentiellement discriminatoire. Les sites
d'implantation ne tiennent compte ni des besoins des populations, ni de la
densité de ces dernières. Pourtant, elles sont les
premières à subir toutes les formes de nuisance liée
à l'application des décisions prises au niveau du gouvernement.
Dans la partie humide du territoire, l'Institut National de la Statistique du
Cameroun et l'Institut Fédéral des Géosciences et des
Ressources Naturelles d'Allemagne (2013) déplorent la situation des
quartiers populaires de Yaoundé. Dans les quartiers Madagascar et
Carrière à Yaoundé par exemple, suites à des
coupures récurrentes d'eau du réseau public, les populations
s'agglutinent autour des rares forages situés dans des zones à
haut risque de pollution.
Noubissi (2012) dresse les causes des difficultés de
l'accès à l'eau potable à Dschang. Selon lui, le Cameroun
malgré ses prédispositions naturelles à avoir
d'importantes ressources en eau, a du mal à satisfaire sa population.
Les principales causes étant la surexploitation de la nature et la
croissance démographique, qui entraînent des pénuries
d'eau, tant en qualité qu'en
8
quantité. Il suggère une augmentation de
l'enveloppe budgétaire allouée à cette activité et
une sensibilisation des populations sur la nécessité d'une
gestion durable des ressources hydriques. D'autre part, Mpakam et al. (2006),
constatent qu'à Bafoussam très peu de ménages
bénéficient de branchement au réseau public. Les quartiers
à habitat spontané dense, non structuré, sont moins
desservis en eau potable. Là, les ménages se ravitaillent dans
des rares forages existants et d'autres dans les puits et cours d'eau, ce qui
altèrent leur santé.
Keyetat (2014), dans son analyse signale que, l'insuffisance
des points d'eau potable à Nkomkana (Yaoundé) contraint les
populations à utiliser les points d'eau mis sur pied grâce
à leurs diverses contributions financières, pour satisfaire leur
besoin en eau. Les fonds issus de ces contributions sont insuffisants pour
mettre en place des sources d'approvisionnement sures. Nya (2013) quant
à elle a montré l'existence d'un lien entre la qualité de
l'eau consommée par les populations et la recrudescence de certaines
maladies hydriques à Bangangté. En raison de l'insuffisance et/ou
de l'absence du réseau de distribution dans certains quartiers de la
ville, les populations développent des stratégies
endogènes. Elles ont recours aux sources alternatives exposées
à plusieurs formes de pollution, surtout fécale due à la
proximité du point d'eau avec les latrines.
Toutes ces difficultés nécessitent des solutions
de la part des pouvoirs publics et des populations locales. Dorier et Berton
(2009) constatent que, les solutions individuelles prédominent dans
toutes les classes sociales. Chez les plus pauvres, on note le recourt aux eaux
de pluie, de puits, des sources (non aménagés), l'achat d'eau en
détail... La consommation de cette eau, issue des sources douteuses,
rend les populations vulnérables aux maladies hydriques. Alors que dans
les classes moyennes et aisées, des solutions plus modernes sont
utilisées grâce à la relative baisse des prix des forages,
des suppresseurs et motopompes. Le forage de quartier passe pour une
alternative acceptable aux carences du système public et devient aussi
le moyen pour les notables de consolider leur assise locale.
Dans la zone soudano-sahélienne, les maigres
précipitations de la courte saison de pluie ne sont pas suffisantes pour
satisfaire les besoins en eau des citadins, des animaux et des industries
(Elonge et al. 2011). En zone sahélienne Camerounaise, Wakponou et al.
(2009) associent les problèmes d'accès à l'eau potable
à la sécheresse. Cette dernière conduit à la
pénurie d'eau. Pour Jean-Phillipe (2015), Grégoire (2015), les
conditions hydrogéologiques de certaines zones sahéliennes et la
nature du sol, telles que les massifs rocheux de Mindif et de
Soulédé-Roua, ne permettent pas la multiplication des forages par
des moyens peu onéreux. D'où le recourt à d'autres moyens
d'approvisionnement très coûteux et non
9
durables : le Water Trucking éffectué à
l'Extrême-Nord par des ONG. Là, les réfugiés, les
déplacés internes, se réunissent et l'impact sur les
besoins en eau est conséquent. Comme résultante, les longues
files d'attente sur les sites équipés de forages entraînent
des tensions, car le nombre de point d'eau est insuffisant pour la population
sans cesse croissante. Iyebi-Mandjek (1994), pense que l'approvisionnement en
eau potable des populations urbaines de Maroua se heurte à la
barrière qu'impose leur niveau de revenu. L'implantation des forages
comme solution a été source de déséquilibre social
et a accentué les inégalités ; car l'inégale
implantation favorise certains quartiers au détriment d'autres. Ce qui
conduit les populations (surtout des quartiers délaissés)
à imaginer un système de revente d'eau inspiré par les
abonnés au réseau public.
Du point de vue sanitaire, les résultats d'analyses des
échantillons d'eau de forages effectuées par Jean-Philippe
(2015), dans le Mayo-Tsanaga, le Mayo-Sava, le Logone et Chari sont
satisfaisants. Ce qui signifie qu'une contamination de l'eau ne serait possible
qu'au niveau des ménages aux moments clés de l'usage. Cependant,
d'autres analyses ont confirmé une contamination d'origine fécale
de l'eau, source de maladies, dont la plus grave reste le choléra.
Gatcha-Bandjun (2013), face à l'épidémie de choléra
qui a frappé la région de l'Extrême-Nord en 2010, propose
une solution alternative moins onéreuse et efficace pour
améliorer la qualité de l'eau : l'usage des systèmes
filtrants à base de fer métallique. Elle suggère ainsi
l'utilisation des filtres domestiques pour les familles individuelles et les
stations locales pour des petites communautés (village, quartier). Dans
la ville de Ngaoundéré, Ngounou et al. (2007) d'après leur
enquête constatent que 60% de la population souffrent de maladies
d'origine hydrique telles que la typhoïde, la dysenterie amibienne, la
diarrhée... En effet, 70% des 200 000 habitants que compte la ville,
n'ont pas accès à l'eau potable distribuée par le
réseau public. Une situation plus inquiétante dans les quartiers
périurbains à habitat spontané et faiblement dotés
d'ouvrage hydraulique rural. Cela amène les populations à
s'orienter vers les puits peu profonds, traditionnellement creusés et
produisant une eau de très mauvaise qualité.
|