BRAULLE LARIOUAT Anaïs
Travail de Fin d'Etudes
![](Cancer-quand-l-annonce-du-diagnostic-au-patient-fait-natre-l-motion-chez-le-soignant-1.png)
CANCER
Quand l'annonce du diagnostic au patient fait
naître l'émotion chez le soignant !
Institut de Formation en Soins Infirmiers, CALAIS PROMOTION
2016 - 2019
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à remercier, Madame HUE, ma
référente mémoire pour son accompagnement et ses conseils
pour la réalisation de mon mémoire ainsi que Madame HOUVET pour
les différents apports théoriques.
Ensuite, je remercie les huit infirmiers qui ont
accepté de répondre à mes entretiens, +pour le temps
qu'ils m'ont accordé afin de pouvoir mener à bien ce travail
ainsi que les cadres des établissements qui ont accepté de
m'accueillir.
Enfin, je remercie toutes les personnes qui m'ont soutenu
durant ces 3 années d'études, ma famille, mes collègues de
travail de l'EHPAD où j'effectue des remplacements, les
différents tuteurs que j'ai pu avoir durant mes stages et mes
référentes pédagogiques Madame DERREPER et Madame
POTTIER.
« Le cancer nous affecte tous, que vous soyez une fille,
une mère, une soeur, un ami, un collègue, un médecin, un
patient », (Jennifer Aniston, 1969)
« Lorsque l'émotion me
déséquilibre, je ne peux pas écouter l'autre et me faire
entendre en même temps », (Steve Lambert, auteur)
« Une vie sans émotion est une vie perdue »,
(Roger Fournier, écrivain, 1929 - 2012)
IDE 1 III
SOMMAIRE
I- Introduction 1
II- Situation d'appel 1
III- Question de départ 4
IV- Cadre théorique 5
A) L'annonce du diagnostic de cancer 5
a- Le cancer 5
1) Définition 5
2) Epidémiologie 5
b- Le dispositif d'annonce 7
c- L'expérience 11
B- La relation soignant - soigné 13
a- La relation d'aide 15
b- La juste distance 16
c- Les émotions 17
d- Le travail émotionnel 21
e- Les mécanismes de défense 23
C- Conclusion du cadre théorique 25
V- Hypothèses de recherche 26
VI- Méthode 26
1) Outil utilisé 26
2) Population ciblée 26
3) Mise en place de l'enquête 28
VII- Résultats 29
1) Analyse quantitative et qualitative 29
VIII- Discussion 54
1) L'apprentissage permettrait de développer
ses compétences dans la gestion
des émotions. 54
2) La maitrise permettrait de développer la
capacité d'adaptation. 55
3) Le repérage des émotions permettrait
la connaissance de soi. 56
4) Hypothèse générale :
l'expérience aurait une influence sur la gestion des
émotions du soignant suite à l'annonce
d'un cancer. 56
5) Conclusion de l'analyse 57
IX- Conclusion 58
Bibliographie 59
Annexe 1 I
Annexe 2 III
IDE 2 VII
IDE 3 XI
IDE 4 XV
IDE 5 XVIII
IDE 6 XXIV
IDE 7 XXVIII
IDE 8 XXX
1
Introduction
Dans le cadre de nos études en soins infirmiers, nous
devons réaliser un travail de fin d'études.
Durant mes différents stages, au cours de ma formation,
j'ai pu rencontrer des situations qui m'ont plus ou moins touchées. J'ai
plus particulièrement été touchée par l'annonce
d'un diagnostic de cancer. En effet, les infirmiers sont de plus en plus
confrontés à l'annonce de cette maladie qui touchent de
nombreuses personnes, de nos jours. C'est pour cela que j'ai choisi comme
thème la gestion des émotions du soignant suite à
l'annonce d'un diagnostic de cancer. Ma question de départ est « en
quoi l'annonce d'un diagnostic de cancer a un impact sur la relation soignant -
soigné ? »
Dans mon travail, premièrement, vous trouverez la
situation qui m'a interpellé et m'a amené à un ensemble de
questions. En seconde partie, j'ai réalisé des recherches qui
s'articulent sur deux axes principaux : l'annonce d'un diagnostic de cancer et
la relation soignant - soigné. A la suite de ces différentes
recherches, j'ai formulé une hypothèse qui est «
l'expérience aurait une influence sur la gestion des émotions du
soignant face à l'annonce d'un cancer ». Afin de vérifier et
d'analyser cette hypothèse, j'ai réalisé des entretiens
semi-directifs auprès d'infirmiers travaillant en oncologie mais
également en service de pneumologie.
Enfin, en conclusion de ce travail de fin d'études,
vous trouverez une perspective professionnelle ainsi qu'une ouverture
éventuelle sur un autre sujet ...
I. Situation d'appel
La situation se passe durant mon stage du semestre 2, en
qualité d'étudiante infirmière à l'hôpital en
service de diabétologie qui accueille 16 patients diabétiques et
2 patients de polysomnographie, où, il y a 10 chambres individuelles et
4 chambres doubles. Pour respecter le secret professionnel, j'utiliserai la
première lettre du nom de la patiente. La situation se passe le samedi
10 juin 2017 alors que j'étais de poste de l'après-midi. Une
patiente Mme F. âgée de 67 ans, mariée et mère de
deux filles doit normalement être transférée en service
gériatrique, mais
2
est accueillie dans le service de diabétologie par
manque de place dans l'autre service. Cette patiente est arrivée aux
urgences le vendredi 9 Juin à 21 heures, accompagnée de son mari.
Mme F. a eu un cancer du sein droit il y a maintenant 10 ans mais a
été traité par radiothérapie et
hormonothérapie. L'oncologue n'a pas mis en place de traitement de
chimiothérapie et il n'y a pas eu de mastectomie d'effectuée non
plus. Madame, depuis son cancer, effectue chaque année un contrôle
par mammographie. Lors des derniers contrôles, tout était
normal.
La patiente a perdu 15 kilogrammes ces 6 derniers mois sans
raison et a de nombreuses difficultés à se déplacer depuis
3 mois ainsi que des douleurs au niveau des hanches et des jambes. Elle
consulte à plusieurs reprises son médecin traitant qui lui dit
qu'il s'agit d'arthrose. L'état de la patiente se dégrade de
jours en jours donc sa fille décide de l'emmener chez un autre
médecin afin d'obtenir un second avis, celui-ci prescrit donc un bilan
sanguin. Les résultats du bilan ne sont pas très bons. Il propose
donc d'aller aux urgences. Son mari l'emmène, la patiente explique sa
situation et l'urgentiste décide de faire quelques examens
(radiographie, bilan sanguin...) afin d'essayer de diagnostiquer son
problème. Quelques heures après, l'urgentiste est revenu pour lui
annoncer le diagnostic, la patiente a donc des métastases osseuses au
niveau des hanches.
Le 10 Juin à 14H30 j'effectue le tour des constantes
avec l'infirmière. J'entre dans la chambre de la patiente qui me dit
« je suis trop stressée », je lui réponds donc «
ne vous inquiétez pas » puis en sortant de la chambre, je transmets
à l'infirmière que Mme F. se sent très angoissée
suite à l'annonce de son cancer.
L'infirmière et moi décidons donc de prendre du
temps et de discuter avec la patiente afin de la calmer et de la rassurer.
Madame F. est dans un déni total car elle parle de sa vie personnelle,
de son adolescence jusqu'à aujourd'hui, en nous expliquant tout le
parcours de sa vie.
Je suis très à l'écoute face à
cette patiente. Puis, l'infirmière aborde le sujet de sa maladie et
demande ce que son mari pense de cela, la patiente répond « vous
savez lorsque vous voyez votre mari pleurer ... ce n'est pas facile car il me
dit qu'il a encore besoin de moi », étant très
touchée par ce qu'elle dit je décide donc de sortir quelques
minutes de la chambre. Je reviens 2 minutes après et l'infirmière
propose à Madame de nous appeler lorsque son mari et sa fille arriveront
pour que
3
l'on puisse discuter avec eux. 15 minutes après, alors
que nous sommes encore dans la chambre avec la patiente, son mari et sa fille
arrivent. Nous avons discuté avec eux et l'infirmière dit
à la patiente : « restez forte Madame F., vous savez le moral joue
beaucoup pour votre santé et si vous n'êtes pas bien moralement,
cela ne fera qu'empirer les choses ». La famille est d'accord. Puis en
plein milieu de la discussion, la patiente se met à pleurer et à
dire en me regardant « j'ai tellement envie de voir mes petites filles
encore au moins 1 ou 2 ans ». Sa fille la regarde, lui tient la main et se
met à pleurer. Et là une difficulté totale se met en place
pour moi, il m'est impossible de gérer mes émotions, je n'ai pas
répondu à la patiente puis je me suis mise à pleurer
également et je suis sortie rapidement de la chambre. Je suis
restée quelques instants devant la porte de la patiente à me
demander si j'allais rentrer à nouveau. Mais cette patiente était
tellement attachante et disait des paroles très touchantes qu'il a
été difficile pour moi de gérer cette situation sans
montrer mes émotions (qui était là surtout la tristesse)
et, pour moi, cela a donc eu un impact sur la relation que j'aurai pu
créer avec la patiente. Quant à l'infirmière, elle est
restée à discuter avec cette patiente pendant 1 heure environ.
Je suis alors partie vers la salle de pause où
étaient les deux aides-soignantes d'après-midi et qui ont tout de
suite compris que je revenais de la chambre de cette patiente, puisqu'elles ne
voulaient pas non plus aller dans la chambre car elles trouvaient la patiente
très émouvante. J'ai donc décidé de parler sur ce
sujet avec elles afin de ne pas garder en moi cette tristesse.
Je me demande comment aurais-je pu réagir autrement face
à cette situation ?
Je me pose la question si c'est le fait d'être
étudiante qui m'a empêché de retenir mes larmes puisque
l'infirmière a réussi ?
Je me demande également si l'expérience joue un
rôle, par rapport à l'infirmière qui a réussi
à accompagner cette patiente ?
Est-ce que le fait d'avoir pleuré devant la patiente est
un signe de faiblesse ? La patiente n'a-t-elle pas pris mes larmes comme une
incompétence ?
Est-ce que les soignants mettent en place des
mécanismes de défense face à une telle situation ?
4
Ce qui m'a réellement posé problème dans
cette situation est le fait d'avoir pleuré et montrer ma tristesse
devant la patiente. Je suis une personne très sensible, il est
difficile, pour moi, de réussir à gérer mes
émotions. Ma crainte est de montrer à nouveau mes émotions
devant des patients et j'ai peur qu'ils prennent cela comme une
incompétence ou un signe de faiblesse mais également qu'ils
pensent que je suis incapable de les prendre en charge.
Durant mes différents stages, j'ai pu rencontrer une
autre situation qui m'a également ému mais ce n'était pas
face à l'annonce d'un cancer. Il s'agit de la situation d'un monsieur
qui devait se faire amputer la 2ème jambe. Il s'est mis
à pleurer face à cette annonce et m'a demandé pour que je
m'occupe de lui jusqu'à son opération car après il sera
trop tard selon lui.
Ce qui me motive à réaliser mon travail de
recherche sur le sujet de la gestion des émotions des soignants suite
à l'annonce d'un diagnostic de cancer est que tout au long de ma
carrière professionnelle, je serai confrontée à des
annonces de diagnostic grave ou moins grave. Et pour moi, je pense qu'il est
important de savoir gérer ses émotions devant le patient afin de
le prendre en charge dans les meilleures conditions et de lui donner du courage
mais également pour créer une bonne relation avec le patient.
II- Question de départ
Suite à cette situation, a découlé ma
question de départ qui est : « en quoi, l'annonce d'un diagnostic
de cancer a un impact sur la relation soignant - soigné ? »
5
III- Cadre théorique
A)
L'annonce du diagnostic de cancer
a- Le cancer
1) Définition
Tout d'abord, le cancer est « une maladie qui est
provoquée par la transformation de cellules devenant anormales et qui
prolifèrent de façon excessive. Ces cellules
déréglées finissent par former une masse qui est
appelé tumeur maligne. Les cellules cancéreuses ont tendance
à envahir les tissus voisins et à se détacher de la
tumeur. Elles migrent alors par les vaisseaux sanguins et les vaisseaux
lymphatiques pour aller former une autre tumeur appelée
métastase. »1
La cellule cancéreuse passe à l'état de
cancer en plusieurs années. Chaque type de cancer est différent
et unique. Par exemple, le cancer du sein et le cancer du poumon sont des
maladies totalement différentes. Le développement se fera
à une vitesse différente et les traitements seront donc
différents.
Ainsi, le cancer est caractérisé par :
- Une prolifération anarchique de cellule - Une perte de
l'apoptose
- Une perte des capacités de différenciation - Une
perte de l'inhibition de contact.
2) Epidémiologie
En France, la première cause de mortalité est le
cancer et il s'agit d'un véritable problème de santé
publique.
En France, en 2017, le nombre de nouveaux cas de cancer
étaient estimé à 400 000 : 214 000 cas chez les hommes
contre 186 000 cas chez les femmes et le nombre de décès pour les
patients atteints d'un cancer étaient de 150 000 avec 84 000
décès chez les hommes contre 66 000 chez les femmes.
L'âge moyen concernant le diagnostic de cancer est de 68
ans pour les hommes et 67 ans pour les femmes. En ce qui concerne, l'âge
moyen des personnes qui
1
www.e-cancer.fr
6
décèdent, il est de 73 ans chez les hommes et 77
ans chez les femmes (données de 2015).
Chez l'homme, en ce qui concerne les nouveaux cas, les cancers
de la prostate, du poumon et du côlon-rectum sont les plus
fréquents. Le cancer qui entraine le plus de décès est
celui du poumon.
Chez la femme, les nouveaux cas de cancer les plus
fréquents sont les cancers du sein, du côlon-rectum et du poumon.
Le cancer du sein entraîne le plus de décès.
Le cancer ne touche pas seulement les adultes, il touche
également les enfants et les adolescents avec environ 2 200 nouveaux
chaque année. Ainsi, leur survie à 5 ans, est supérieure
à 80% de nos jours. Les principaux cancers qui touchent les enfants et
adolescents sont les leucémies, les lymphomes et les tumeurs du
système nerveux central.
Les personnes ayant déjà eu un cancer sont plus
sujet à en développer un second, avec un taux de 36% de plus par
rapport à la population générale.
De manière générale, environ 3 millions
de personnes ont déjà été atteint d'un
cancer.
De plus, environ 70% des cas sont dus aux modes de vie et aux
comportements des personnes. C'est donc pour cela que la prévention et
le dépistage sont importants et essentiels.
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la
prévention « consiste à éviter l'apparition, le
développement ou l'aggravation de maladies ou d'incapacités
»2.
Ainsi, il existe trois types de prévention :
- Primaire : vaccination par exemple.
- Secondaire : dépistages.
- Tertiaire : ce type de prévention consiste à
diminuer les complications ainsi que le risque de récidive.
Selon l'OMS, le dépistage « consiste à
identifier de manière présomptive, à l'aide de tests
appliqués de façon systématique et standardisée,
les sujets atteints d'une
2
www.has-sante.fr
7
maladie ou d'une anomalie passée jusqu'à
maintenant inaperçue »3. Par exemple : la
mammographie pour dépister un cancer du sein ou l'hémoccult qui
permet de dépister un cancer du côlon-rectum ...
b- Le dispositif d'annonce
Tout d'abord, l'obligation d'informer le patient ainsi que sa
famille est régie par un ensemble de textes juridiques. L'annonce fera
l'objet d'une relation unique ainsi que d'une phase d'observation où il
sera important d'écouter le patient plutôt que de parler. Il est
également primordial d'accepter le degré d'information que le
patient peut entendre.
L'annonce d'un diagnostic de cancer est parfois soudaine et
peut être traumatique pour le patient. Pour améliorer cela, le
plan cancer a mis en place un dispositif d'annonce afin de suivre au mieux les
patients.
Le dispositif d'annonce du cancer est la mesure 40 du plan
cancer. Il a été mis en place afin de faire
bénéficier aux patients et à sa famille de meilleures
conditions d'annonce du diagnostic de leur maladie.
Ce dispositif s'appuie sur deux grands principes :
- Le patient qui est atteint d'un cancer doit
bénéficier d'un dispositif d'annonce qui est mis en place dans
les établissements de santé. Ceci doit être fait au
début de la maladie du patient ou en cas de récidive.
- La réussite de ce dispositif et l'amélioration
du vécu du patient seront appréciées grâce à
la coordination interprofessionnelle, à la communication qui sera
dédiée aux patients et aux proches.
Le dispositif d'annonce est composé de quatre temps :
- Tout d'abord, il y a un temps médical qui consiste
à l'annonce du diagnostic de cancer ainsi qu'à la proposition de
traitements qui auront été définis durant une
réunion de concertation pluridisciplinaire. Ce temps est
réalisé par un médecin. Si lors de ce temps
médical, le patient a compris en quoi consiste le traitement et
l'accepte, la décision sera écrite et remise au patient sous
3
www.has-sante.fr
8
forme « d'un programme personnalisé de soins
». Lors de ce temps médical, une infirmière peut
être présente et son rôle sera d'écouter les
différents termes médicaux employés par le médecin
ou encore les termes que le patient ou sa famille va employer ;
également, elle observera les différentes réactions et les
comportements du patient et/ou de l'accompagnant.
Ci-dessus, la notion de réunion de concertation
pluridisciplinaire (RCP) est mentionnée. Il s'agit de la mesure 31 du
plan cancer qui fait bénéficier d'une concertation
pluridisciplinaire concernant le dossier de 100% des nouveaux patients atteints
d'un cancer, afin de réaliser une synthèse sur le parcours
thérapeutique qui est prévu afin de créer un «
programme personnalisé de soins remis au patient. » Ce
programme personnalisé de soins (PPS) est un document qui informe au
patient la prise en charge qui sera mise en place. Ce document peut être
modifié, complété ou remplacé à tout moment.
Il permet également d'améliorer la prise en charge du patient en
cas d'indisponibilité du médecin traitant. Sur ce papier, doit
apparaître :
- La proposition thérapeutique que le patient a
acceptée ainsi que l'organisation de celle-ci.
- Les bilans qui seront réalisés
- Les coordonnées du médecin qui sera responsable
du traitement
- Les coordonnées des différentes associations
que le patient pourra contacter.
- En second temps, il y aura un temps d'accompagnement
soignant qui est réalisé généralement par des
infirmier(e)s. Celui consiste à accueillir le patient et sa famille afin
d'écouter, de reformuler les différents termes médicaux
employés par le médecin s'ils n'ont pas été compris
mais également de donner des informations. Au cours de ce rendez-vous,
le patient peut être orienter vers divers professionnels comme les
services sociaux ou un psychologue par exemple. Le patient peut
également être orienter vers des associations ou encore des
espaces de dialogue. Ce temps d'accompagnement peut également être
fait par des manipulateurs d'électroradiologie qui aident à la
préparation du traitement par radiothérapie. Il faut savoir que
ce temps d'accompagnement soignant n'est pas obligatoire et ne peut pas
être imposé au patient.
9
- En 3ème temps, il y a l'accès
à une équipe impliquée dans les soins de support. Ce temps
permet de soutenir le patient et de l'accompagner dans ses différentes
démarches sociales.
- Enfin, en dernier temps, il s'agit d'un temps d'articulation
avec la médecine de ville. Le médecin traitant peut être
amené à annoncer des résultats d'examen au patient. Si ce
n'est pas annoncé par le médecin traitant, celui-ci devra
être informé immédiatement avec l'accord préalable
du patient. Cette coordination est très importante notamment pour la
demande d'exonération du ticket modérateur qui est
réalisée par le médecin traitant.
Il n'y a pas de « bonnes » ou de « mauvaises
» manières d'annoncer un cancer mais certes, certaines annonces
sont parfois moins brutales que d'autres.
L'annonce est un moment difficile. Dans ces situations, il est
important de faire attention au non-verbal qu'adopte les professionnels car le
patient le voit. Le professionnel de santé devra également avoir
conscience des mécanismes de défenses qui seront mis en place
afin de combler son malaise suite à cette annonce.
Les soignants qui sont impliqués dans le dispositif
d'annonce ont une formation qui est un besoin souvent demandé. Des
formations se déroulent auprès d'équipes
expérimentées et volontaires. Ainsi les établissements de
santé pourront profiter de leurs diverses expériences.
Il faut savoir que tous les infirmier(e)s ne sont pas
amenés à pratiquer la consultation d'annonce, même s'ils
travaillent dans le service concerné par le dispositif d'annonce du
cancer.
Afin de pratiquer la consultation d'annonce, une formation
minimale est demandée et celle-ci se fait sur la base du volontariat,
elle n'est pas imposée. Pour pouvoir intégrer la consultation
d'annonce, la condition la plus évidente est celle de
l'ancienneté et du sentiment de maitrise des tâches. C'est une
compétence personnelle et expérientielle qui pousse la personne
à s'investir dans ce dispositif. La maitrise des tâches qui est
liée à l'expérience ainsi qu'à l'ancienneté,
est tout aussi liée à l'âge de l'infirmière.
L'âge peut être considéré comme «
une
10
compétence incarnée »4.
Lors de l'annonce, il a été remarqué que les familles se
sentaient plus en confiance face à une infirmière montrant une
certaine expérience.
Ainsi, des étudiantes infirmières ainsi que des
jeunes infirmières fraichement diplômées ont
assistées à des consultations d'annonce avec le médecin,
et, implicitement l'expérience n'est pas une compétence
essentielle pour pratiquer la consultation d'annonce. Mais, d'après le
témoignage d'un médecin, « une bonne infirmière
de consultation a la cinquantaine ! Au moins 40 ans ! Enfin ce n'est
pas une infirmière qui sort de l'école !
».5
L'âge moyen des personnes pratiquant la consultation
d'annonce est de 45 - 50 ans.
Dans l'ouvrage « Regards d'infirmières, sur le
dispositif d'annonce », une jeune infirmière a été
confrontée à l'annonce d'un diagnostic de cancer, après
que le médecin ait réalisé son annonce, il est parti et
cette jeune infirmière s'est retrouvée seule face à la
famille. Elle affirme s'être sentie « très démunie
» face à cette famille et au patient. De ce fait, cette
expérience a amené à la demande d'une formation.
Pour les infirmières qui n'ont pas l'expérience
dans la consultation, la crainte est présente. Elles ont la crainte de
ne pas pouvoir répondre aux questions du patient. D'après ces
infirmières, « c'est avant tout l'expérience qui peut
aider à surmonter cette peur et à développer certaines
stratégies. 6»
Toujours dans le livre « regards d'infirmières sur
le dispositif d'annonce du cancer », une infirmière témoigne
sur le fait qu'il est difficile d'annoncer un cancer surtout lorsqu'il s'agit
d'une récidive ou d'un arrêt de traitement puisque le patient est
un habitué du service et donc l'équipe s'est attachée
à celui-ci. Pour elle, il s'agit d'un travail lourd et elle
préférerait annoncer une bonne nouvelle comme une grossesse par
exemple !
Ainsi, pour accompagner au mieux le patient, il est important
d'avoir une bonne relation avec celui-ci.
4 Livre « Regards d'infirmières sur le dispositif
d'annonce du cancer », éditions Lamarre, page 36.
5 Livre « Regards d'infirmières sur le dispositif
d'annonce du cancer », éditions Lamarre, page 37.
6 « Regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce
du cancer », éditions Lamarre, page 43.
11
Enfin, lorsque j'ai vécu cette situation, je me suis
demandé si l'expérience jouait un rôle essentiel dans la
gestion des émotions et lors de la consultation d'annonce,
l'expérience est aussi évoquée. C'est donc pour cela que
j'ai donc décidé de traiter l'expérience dans mon
travail.
c- L'expérience
L'expérience peut être définie comme une
« connaissance ou pratique acquise au contact de la
réalité, de la vie, ou par une longue pratique
»7.
Ainsi l'expérience professionnelle est « le
fait de ressentir quelque chose comme un enrichissement du savoir, de la
connaissance, des aptitudes 8».
L'expérience peut être inné ou
développée grâce à des acquis et des formations. La
compétence professionnelle est singulière et est lié aux
attitudes et aux aptitudes de chaque personne. Lorsque nous avons acquis une
compétence, cela signifie que nous la maitrisons.
Il faut savoir que l'expérience ne signifie pas
forcément, le temps. Il s'agit également des nombreuses et
différentes situations vécues et rencontrées.
De plus, dans l'ouvrage « regards d'infirmières
sur le dispositif d'annonce du cancer », il est noté que
l'expérience « apprend à assumer ses propres limites,
qu'elles soient ressenties à l'égard de la personnalité
d'un patient ou comme une faiblesse personnelle passagère.
9»
La maitrise professionnelle signifie que nous avons la
capacité de faire une chose et que nous avons suffisamment de
connaissance.
L'expérience sera acquise grâce à la
formation et à l'apprentissage durant la pratique.
Selon les chercheurs, Benoît Grasser et José
Rose, « l'expérience n'est pas acquise spontanément et
toute situation vécue ne fait pas spontanément expérience.
10»
7
www.universalis.fr
8
www.unversalis.fr
9 « Regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce
du cancer », éditions Lamarre, page 43
10 Article « l'expérience professionnelle, son
acquisition et ses liens à la formation »
12
D'après Margot Phaneuf, « en soins infirmiers,
l'expérience habite la tête et la main, mais elle demeure sans
valeur si elle n'implique pas aussi le coeur. 11»
A ce sujet, les avis sont différents :
- Pour Catherine Mercadier, au fil des années, au fil
des situations vécues, le soignant devient fermé et se
crée un caractère qui permet de faire face. Elle démontre
également grâce à des entretiens réalisés
auprès de jeunes diplômés, que la réaction n'est pas
la même par rapport à une infirmière qui a de nombreuses
années d'expérience. Ainsi la gestion des émotions est
meilleure si on a de l'expérience.
- Au contraire, Florence Michon qui est cadre de santé
formatrice, pense qu'il ne s'agit pas de se refermer contre soi mais
d'être soi. Même avec une grande expérience professionnelle,
la gestion des émotions est difficile.
Dans l'article « Soignants ... Soignés, un
rapport complexe, une réflexion « chemin faisant » quant au
statut émotionnel du soignant », écrit par M. Delhaye
et F. Lotstra, le « développement vocationnel » est mis en
évidence. Ainsi, ces deux auteurs, décrivent quatre stades :
- Le stade d'immersion : en début de carrière et
plus particulièrement pendant les stages, le soignant est
confronté au monde hospitalier donc aux patients et aux pathologies
parfois lourdes. Le professionnel se trouve donc affecté sur le plan
émotionnel. Il entre ainsi dans une « pseudo-empathie ».
- Le stade de l'empathie souffrante : le soignant montre une
conscience plus fine, il se centre donc sur le soigné. Il est encore
touché émotionnellement et entre donc dans une « empathie
souffrante » ce qui freine sa prise en charge et complique donc la
relation avec le patient.
- Le stade de la mise à distance : ici « le
soignant tente de sauver sa peau ». Il essaie de prendre une juste
distance mais en mettant en place des
11 Margot Phaneuf, « les savoirs d'expérience en
soins infirmiers, une richesse à explorer : mentorat, pratiques
exemplaires et benchmarketing », Novembre 2011.
13
mécanismes de défenses. La relation entre le
soignant et le patient va donc à l'essentiel.
- Le stade de maturation : le parcours professionnel du
soignant est abouti. Ainsi, le soignant arrivera à maîtriser ses
émotions et agira donc comme professionnel.
B- La relation soignant - soigné
Le premier contact avec le patient, sera un moment primordial.
C'est le moment où la relation avec le patient va se créer. Le
professionnel doit être capable de « laisser une distance, du
temps, de maitriser ses propres réactions, savoir nommer ses
émotions, les articuler avec ses propres représentations.
»
Au cours des soins infirmiers, les soignants vont entrer en
relation avec les patients de manière parfois intime voir
prolongée. Les soignants sont souvent amenés à
gérer des situations complexes.
Selon Alexandre MANOUKIAN, une relation est « la
rencontre entre au moins deux personnes »12.
Selon Margot Phaneuf, la relation soignant - soigné est
« une relation qui suppose une intention, une préoccupation
conduisant à se pencher vers l'autre, pour l'entourer de sollicitude,
pour se mettre à l'écoute de ses besoins, pour le soutenir et
faire des gestes servant à la préservation et à
l'amélioration de son état »13.
D'après le dictionnaire des soins infirmiers, la
relation soignant - soigné est « un lien qui existe entre deux
personnes de statut différent, donc le soignant et le patient. La
relation soignant - soigné a pour but d'aider et de soutenir la personne
soignée. »14
L'objectif principal de la relation avec le patient est le
soin.
Dans son livre, « la relation soignant-soigné
», Alexandre MANOUKIAN, dit que « tout acte, tout geste technique
ou de confort se situe au sein d'une relation
12 Manoukian, « La relation soignant - soigné »,
page 3
13 Margot Phaneuf, « la relation soignant - soigné,
rencontre et accompagnement », édition Chenelière
Education
14 Dictionnaire des soins infirmiers
14
soignant - soigné »15. La
relation que nous avons avec le soigné est utilisé par
différentes formes : par les mots, par les gestes, par les mimiques, par
les positions du corps que nous avons et par les attitudes.
Toujours selon Alexandre MANOUKIAN, la relation est « un
phénomène d'ensemble » puisque l'on parle avec tout son
corps.
Hildegard PEPLAU définit la relation soignant -
soigné selon 4 phases :
- La phase d'orientation : Il s'agit de la découverte
et de l'analyse des problèmes faite par le patient. Il y aura la
première rencontre entre le soignant et le patient.
- La phase d'identification : il s'agit de l'approfondissement
de la relation entre le soignant et le patient. Le soigné va identifier
que l'infirmière sera la personne la mieux placée pour diminuer
son insécurité. Ainsi, elle lui posera des questions afin
d'identifier ses problèmes.
- La phase d'exploitation : ne sera accessible que si la
« relation interpersonnelle » est construite. Le patient trouvera un
réel bénéfice dans la relation d'aide.
- La phase de résolution : le patient retrouvera son
autonomie.
Malgré les compétences des soignants, certaines
situations peuvent être difficile. Cela va dépendre de la
pathologie du patient, de son histoire de vie, de leur angoisse...
Ainsi, la relation soignant - soigné se fait par des
attitudes dans lesquelles nous retrouvons la relation d'aide, par des
émotions mais également par un lien qui prend en compte la juste
distance.
Dans ma situation, avec la patiente, j'ai ressenti des
émotions que j'ai eu du mal à gérer donc pour moi la
relation n'a pas été faite correctement, d'où ma question
de départ.
15 Manoukian, « La relation soignant - soigné »,
page 3
15
a- La relation d'aide
Selon Alexandre MANOUKIAN, la relation d'aide, dans les soins
infirmiers, est « un moyen d'aider le patient à vivre sa
maladie et ses conséquences sur la vie personnelle, familiale, sociale
voir professionnelle. 16» La relation d'aide est
construite sur la mise en place d'une relation de confiance entre le patient et
le soignant. Ainsi la relation d'aide est basée sur certaines
règles comme « la considération positive,
l'authenticité, l'empathie et l'absence de jugement. »
Dans la relation d'aide, il y a trois concepts principaux qui
s'appuient sur deux postulats qui ont été nommés par Carl
Rogers : « tout individu est unique et en
évolution.17 »
Le terme « en évolution » signifie que chaque
individu change et cela peut être fait grâce à
l'expérience, de l'âge ou des événements.
Les concepts de la relation d'aide sont donc :
· L'acceptation positive inconditionnelle :
c'est-à-dire que le patient sera accepté tel qu'il est et aucun
jugement ne sera tourné vers celui-ci.
· L'authenticité : ce concept est basé sur
une relation honnête, sans mensonge. Il est parfois difficile
d'être authentique car il faut réussir à être
soi-même.
· L'empathie : il s'agit « d'un résultat
d'une relation suffisamment proche entre deux personnes pour qu'elles
ressentent, de l'intérieur, le vécu de l'autre.18
»
Carl Rogers fait une distinction entre empathie et sympathie.
Pour lui, la sympathie est plus tournée vers les émotions alors
que l'empathie est « l'appréhension des aspects tant cognitifs
qu'émotionnels de l'expérience de l'autre.19
»
Selon Jean Decety, l'empathie est caractérisée
par deux éléments primaires : une réaction affective
envers l'autre et une capacité cognitive.
16 A. Manoukian, « la relation soignant - soigné
», page 53
17 A. Manoukian, « la relation soignant - soigné
» page 54
18 A. Manoukian, « la relation soignant - soigné
» page 55
19 A. Manoukian, « la relation soignant - soigné
» page 56
16
La relation d'aide est définie d'une différente
manière par Jean WATSON qui pour elle, il s'agit d'une relation de
« caring ». Il s'agit d'une relation que le soignant a
développé afin d'accompagner le patient.
Afin de réussir à créer une relation
d'aide, il faut :
· De l'écoute active c'est-à-dire, se
concentrer sur ce que la personne dit, être disponible, porter de
l'intérêt au patient, ainsi le soignant pourra reformuler au
patient ce qu'il vient de lui dire.
· De la compréhension empathique, ce qui veut
dire que le soignant va se mettre à la place du patient afin de
comprendre ce qu'il veut dire.
· De la bienveillance, ce qui vise au bien-être et
bonheur du patient. Le soignant aidera le patient à mobiliser ses
capacités.
· De l'authenticité
Mais il est important de savoir qu'il y a des limites
à la relation d'aide et notamment, il est important d'aborder une juste
distance.
b- La juste distance
Ainsi, Edward Twitchell Hall a défini quatre types de
distance :
· La distance intime : va d'un contact physique et se
terminera à 45 / 50 cm. Cette distance est celle qui est
réalisée par l'infirmière lors des soins.
· La distance personnelle : est d'environ 45 cm à
1m25. Il s'agit d'une distance séparent les membres. Si cette distance
est respectée, l'infirmière va ainsi percevoir la communication
non verbale du patient.
· La distance sociale : de 1m20 à 3m60. Cette
distance est acceptée pour des personnes inconnues l'une de l'autre. Il
n'y a pas de contact physique possible.
·
17
La distance publique : de 3m60 à 9m voire plus. La
prise de parole sera faite pour un groupe de personnes
généralement.
Le fait d'instaurer une bonne distance professionnelle
nécessitera, de la part du soignant, une bonne connaissance de
lui-même.
Selon Florence Michon, « être dans la juste
distance requiert de la part du soignant, une bonne connaissance de soi
20»
Malgré la juste distance à respecter avec le
patient, le soignant devra se tenir à hauteur du patient par exemple
s'il est assis, l'infirmier devra également s'assoir ou s'accroupir afin
d'échanger.
c- Les émotions
Des affects, des sentiments et des émotions sont mis
en jeu dans la relation soignant - soigné. Cela peut être mis en
place aussi bien du côté du patient que du côté du
soignant. Les sentiments et les émotions sont propres à chacun,
ils se manifestent et sont perçus de façon différente
selon la personnalité de la personne.
Un contexte de soin est un lieu où les émotions
surgissent. Lors des soins nous réagissons à ce que nous voyons,
entendons, ressentons concernant les patients. Selon Stéphanie
DELROISSE, psychologue, les soignants qui travaillent dans un service
d'oncologie ont une charge émotionnelle importante, qui pourrait
même mener à un burn-out. Les émotions sont
éprouvées selon le sujet, les circonstances mais également
le contexte.
Ferh et Russel (en 1984), psychologues : « Chacun
sait ce qu'est une émotion, jusqu'à ce qu'on lui demande d'en
donner une définition. A ce moment-là, il semble que plus
personne ne sache 21».
Selon Aristote, les émotions se définissent
comme « tous ces sentiments qui changent l'homme en l'entraînant
à modifier son jugement et qui sont accompagnés par la souffrance
ou le plaisir22 ».
20 Florence Michon, « Les relations interprofessionnelles
avec la personne soignée et la notion de juste distance ».
21 Ferh et Russel, Journal of Experimental Psychology
22
www.universalis.fr ;
psychologie des émotions
18
Une émotion est définie comme « un
mouvement affectif soudain et intense, entrainant un débordement
temporaire du contrôle réflexif sous l'effet d'une stimulation du
milieu23 ».
D'après le Larousse, une émotion est
définie comme « un trouble subit, une agitation
passagère causée par un sentiment vif de peur, de surprise, de
joie ... C'est également une réaction affective transitoire
d'assez grande intensité, habituellement provoquée par une
stimulation venue de l'environnement24 ».
Le terme « émotion » possède comme
étymologie le verbe « mouvoir », ce qui signifie que les
émotions que nous ressentons ne sont pas toujours les mêmes mais
en constant changement et donc en constant mouvement.
De plus, une émotion peut être positive ou
négative. Un proverbe dit « on ne peut pas mettre le vent en
cage », il s'agit donc de la même chose concernant les
émotions, on ne peut pas les contrôler totalement.
Les émotions se manifestent d'au moins 3 façons
différentes qui sont :
- La réaction physiologique
- Une manifestation comportementale - Une manifestation
subjective
Selon Charles Darwin, il y a 6 émotions de bases qui
sont dites « fondamentales » et elles sont héréditaires
et innées :
· La joie
· La surprise
· La peur
· Le dégoût
· La colère
· La tristesse
Lors de diverses situations rencontrées pour les
soignants, ces émotions peuvent apparaître.
23 Dictionnaire médical de l'académie de
médecine (en ligne)
24 Dictionnaire Larousse (en ligne)
19
Mais d'après James R. Averill, psychologue, il existe
d'autres émotions comme :
· La honte
· La culpabilité
· L'envie
· La fierté
· Le regret
· L'émotion esthétique
· Les états mystiques.
En ce qui concerne les émotions du soignant, nous
retrouvons souvent :
· La tristesse qui est éprouvée suite au
décès d'un patient, ou bien suite à la prise en charge
d'une personne qui a une pathologie incurable ou lourde.
· La colère, le soignant est en colère
lorsqu'il reçoit des reproches ou bien lorsqu'il se retrouve face
à un patient ayant un comportement agressif ou si le travail et le
personnel ne sont pas respectés.
· Le soignant, peut aussi éprouver de la joie.
Cette situation se passe surtout lorsque l'état de santé d'un
patient auquel le soignant s'était attaché s'est rétabli
par exemple ou s'il y a une reconnaissance du soignant.
· Enfin, le soignant peut également ressentir de
la peur. Cette réaction survient s'il y a un danger. En ce qui concerne
l'infirmière, la faute professionnelle est une cause de cette peur.
Ainsi, nous pouvons retrouver différents types
d'expériences émotives, qui sont au nombre de quatre :
- Les émotions simples qui sont celles qu'il est
nécessaire de ressentir afin de repérer ce qui est important pour
nous, soignants.
- Les émotions mixtes : elles sont constituées
de multiples expériences émotives.
20
- Les émotions repoussées : il s'agit plus
particulièrement d'expérience corporelle, elles se mettent en
place lorsque nous repoussons une émotion.
- Les pseudos-émotions : elles ressemblent à
des émotions, elles représentent plutôt des «
façons de dire les choses » en cherchant à traduire
l'émotion.
De plus, il est important de savoir que les émotions
sont propres à chacun et sont importantes dans la relation avec
autrui.
Selon Rudolf Steiner, philosophe, il existe un concept qui
est « l'alphabétisation émotionnelle » qui est
composée de trois capacités :
· « Comprendre ses émotions
· Ecouter les autres et entrer en empathie avec leurs
émotions
· Exprimer des émotions de façon
productive »
Enfin, selon Formarier et Jovic, les émotions adoptent
une place différentes dans la pratique de l'infirmier(e) :
· Les émotions sont nécessaires ; il n'est
pas possible de travailler sans elles.
· Les émotions sont régulées et
reconnues : il est normal d'avoir des émotions puisque nous travaillons
face à des humains.
· Les émotions sont réprimandées :
il est important de lutter contre les émotions de la personne que l'on a
en face de soi et ne pas se laisser dépasser par celles-ci.
Dans la relation avec le patient, il est important que nous
puissions percevoir les émotions, les comprendre et voir la
répercussion qu'elles peuvent avoir sur les nôtres et sur notre
comportement envers le patient que ce soit dans un sens positif ou
péjoratif.
Mais, le fait que le soignant exprime ses émotions
peut être néfaste s'il n'est pas capable de les maitriser.
21
Selon Margot PHANEUF, « l'intelligence
émotionnelle est primordiale pour la relation soignante car elle
humanise les soins 25».
Ainsi, nous pouvons gérer nos émotions grâce
au travail émotionnel.
Un des éléments clés pour réussir la
relation, est le travail sur les émotions.
d- Le travail émotionnel
Dans le milieu professionnel, les émotions doivent
être gérées par les travailleurs et dans les
établissements de santé, les professionnels ont un travail
émotionnel qui est encore mal reconnu malgré son importance pour
la qualité des soins et pour leur santé. De ce fait, ils
bénéficient de formations dans lesquelles ils apprennent des
techniques afin de maitriser leurs émotions : on y retrouve de la
relaxation par exemple.
Ce travail émotionnel est primordial lors des soins.
Il y a trois stratégies collectives de travail
émotionnel qui sont mises en place par les soignants :
- Premièrement, il y a « valorisé, donner
du sens » : C'est-à-dire les contraintes et les difficultés
rencontrées sont valorisées et ne deviennent plus si
pénible.
- Ensuite, la deuxième stratégie est «
agir ensemble », elle correspond à l'entraide de l'équipe
afin de résoudre les difficultés.
- Enfin, la 3ème stratégie est «
se positionner, contester ».
Il est donc important de partager ses émotions afin
d'y faire face, au sein d'un groupe de parole, et de construire un sens
acceptable aux difficultés.
Afin de se protéger en tant que soignant, il est donc
essentiel de savoir mettre des limites à ses émotions. Ainsi
Martine SCHACHTEL, ancienne infirmière, a dit «
l'infirmière doit savoir discrètement retenir ses
émotions, ne pas laisser paraître la peur, l'angoisse, le
dégoût, la pitié 26».
25 « L'intelligence émotionnelle, un outil de soins
», Margot Phaneuf
26 Martine Schachtel, « J'ai voulu être
infirmière ». page 213
22
Lors de l'annonce d'un diagnostic, le soignant est donc le
premier à être confronté à cette mauvaise nouvelle.
Celui-ci se sent donc coupable de devoir annoncer cette mauvaise nouvelle au
patient. Dans ces situations, le soignant se projette donc sur sa propre vie et
donc va angoisser sur sa propre mort en tant qu'être humain, cela est
donc un phénomène naturel. Il sera donc important de faire preuve
de capacité d'adaptation afin de se préparer à ce qui
pourrait arriver. Il faut s'adapter à chaque patient, à chaque
pathologie, à chaque histoire de vie ...
Dans le livre, « le travail émotionnel des
soignants à l'hôpital », Catherine Mercadier,
infirmière et sociologue évoque que « la maîtrise
des émotions est une obligation implicite, intériorisée
par le soignant au cours de sa sociabilisation professionnelle.
27» La gestion des émotions du soignant a besoin d'un
véritable travail émotionnel afin que le soignant puisse
être professionnel dans sa relation avec le patient et ainsi être
neutre.
Afin de travailler auprès des patients, il est
important de développer des capacités émotionnelles. Tout
d'abord, il faut s'intéresser à la gestion de nos propres
émotions, ce qui veut dire la connaissance de soi et la gestion de
soi.
Ainsi, nous pouvons définir la connaissance de soi
comme un « savoir » que la personne a appris sur elle durant ses
diverses expériences de la vie donc celle-ci va permettre à la
personne d'adapter ses réactions.
Lors de soins difficiles, comme ici, l'annonce d'un
diagnostic de cancer, le soignant aura des difficultés pour avancer s'il
n'a pas de connaissance sur lui-même. En effet, selon ASPAR J.,
pédiatre, la connaissance de soi est donc importante afin de
gérer des situations difficiles. L'infirmier doit être capable de
connaître ses propres limites. Le fait de se connaitre est un processus
qui sera acquis tout au long de notre vie. L'individu va apprendre à
connaître ses propres réactions lorsqu'il aura vécu une
situation, cependant, il sera plus facile pour lui de gérer les
situations non prévues.
Le soignant parait plus « compétent » dans
l'anticipation de ses réactions lorsqu'il se connait. Selon FRENOT
Jean-Yves, dans son livre « la process communication au service de la
relation soignant-soigné », il déclare « la
connaissance de soi nous
27 Catherine Mercadier, « le travail émotionnel des
soignants à l'hôpital ».
23
permet de situer nos forces et nos limites, et ainsi
d'identifier le moment subtil où nos comportements s'altèrent
sous l'emprise du stress 28».
De plus, au quotidien, il existe différents moyens de
gérer nos émotions. Les moyens les plus répandus avec plus
de 50% sont :
- Parler à quelqu'un
- Combattre les pensées négatives
Ensuite, il y a d'autres moyens comme écouter de la
musique, rester seul, se reposer, faire du sport...
Au fil de l'expérience vécue, le soignant
régulera ses émotions soit de façon contrôlée
donc consciente ou automatique c'est-à-dire inconsciente. La plupart des
épisodes de régulation se déroulent inconsciemment,
c'est-à-dire grâce à la mise en place de mécanismes
de défenses.
e- Les mécanismes de défense
Selon Henri CHABROL, professeur en psychopathologie, des
mécanismes de défenses sont « des opérations
mentales involontaires et inconscientes qui contribuent à
atténuer les tensions internes et externes 29».
De plus, selon Anna FREUD, ce sont « des
procédés inconscients employés principalement par le Moi
dans différentes organisations psychiques30 ».
Dans son livre « face à la maladie grave »,
Martine RUSZNIEWSKI dit que le fait de comprendre les mécanismes de
défenses mis en place par les soignants est important pour «
l'amélioration de la relation avec les patients, et pour une
meilleure prise en charge thérapeutique, car identifier ses
défenses, c'est aussi se révéler plus apte à
reconnaitre celle du patient 31».
Les mécanismes sont des moyens de se protéger
contre une émotion.
Il est important de savoir que le soignant utilise des
mécanismes de défenses pour se protéger d'un
événement pouvant lui procurer une angoisse, un malaise ou bien
une souffrance. L'infirmier(e) est amené à mettre en place ces
mécanismes inconscients afin de faire face à ses émotions.
La mise en place de ces processus
28 Frenot Jean-Yves, « La process communication au service
de la relation soignant - soigné », page 7
29 Henri Chabrol, « Recherches en soins infirmiers »,
les mécanismes de défense.
30 Anna Freud,
www.universalis.fr
31 Martine Ruszniewski, « face à la maladie grave
»
inconscients change le comportement du soignant et donc cela
peut impacter la relation soignant - soigné.
Ainsi, les mécanismes de défenses les plus
utilisés par les soignants seront :
· La banalisation : le soignant ne va se concentrer que
sur une seule partie du malade par exemple, il va traiter la maladie avant de
traiter le patient.
· Le mensonge : le soignant ne dira pas la
vérité au patient, par exemple le soignant va plutôt
employer le mot « polype » que « cancer ». Il s'agit d'un
mécanisme de « l'urgence ».
· L'esquive : le soignant va répondre au patient
mais parlera d'un sujet différent. Il va s'éloigner du sujet.
· La fausse réassurance : par exemple, le
soignant va dire au patient que la chimiothérapie va très bien se
passer qu'il ne faut pas s'inquiéter alors que le patient sera en phase
terminale.
· L'agressivité : le soignant va se sentir «
agressé » par la souffrance du patient. Ce mécanisme de
défense peut être dû à une culpabilité de la
part du soignant. Il mettra en place cette attitude afin de s'éloigner
du patient et cela mettra donc en difficulté la relation avec le
patient.
· L'évitement : le soignant va tout faire pour
éviter le patient. Ce mécanisme de défense peut amener
à créer une rupture de la relation avec le patient.
· La dérision : le soignant va dire au patient
qu'il y a une exagération de sa souffrance.
· L'identification projective : le soignant ne mettra
pas de distance avec le patient. Il va plutôt s'identifier à
travers le patient.
· 24
La fuite en avant : le soignant va tout fuir.
·
25
Les stratégies de coping : il y aura les
stratégies centrées sur le problème mais également
celles centrées sur l'émotion.
C- Conclusion du cadre théorique
Pour conclure sur mon cadre théorique, le cancer est
un véritable problème de santé publique et il est la
première cause de mortalité en France. L'annonce d'un diagnostic
de cancer est un moment traumatique pour le patient. Afin que cela soit moins
traumatique pour le patient, le plan cancer a mis en place dans la mesure 40,
un dispositif d'annonce afin de suivre et d'aider le patient dans cette
étape difficile. Les infirmières travaillant dans ce dispositif
ont une moyenne d'âge de 45 - 50 ans. Dans l'ouvrage, « regards
d'infirmières sur le dispositif d'annonce du cancer », selon le
témoignage d'un médecin, une jeune diplômée aura
plus de difficulté à trouver les mots et sera plus
touchée. Pour reprendre ma question de départ qui était
« en quoi l'annonce d'un diagnostic de cancer a un impact sur la relation
soignant - soigné ? », j'ai donc recherché ce
qu'était également une relation soignant - soigné. Afin de
créer une bonne relation avec le patient, le soignant adopte des
attitudes comme la relation d'aide par exemple, il y a également des
émotions et il doit respecter une « juste distance ».
Ainsi, le fait d'exprimer nos émotions peut avoir des
répercussions sur la relation avec le soigné, c'est pour cela que
lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer, il est important de faire preuve
de capacité d'adaptation et d'avoir une connaissance de soi afin de
mieux gérer les situations imprévues.
Si je reprends ma situation d'appel, lorsque je discutais
avec la patiente j'ai éprouvé des émotions dont elle s'est
aperçue et j'avais mis en place un mécanisme de défense
afin de me protéger qui était la fuite en avant ... C'est donc
pour cela, que pour moi, la relation qui aurait dû se faire avec la
patiente n'a pas pu être faite correctement.
Mais, ma réflexion repose toujours s'il s'agit du fait
que je n'avais pas d'expérience qui a fait que je n'ai pas su
gérer mes émotions devant la patiente.
26
V. Hypothèses de recherche
Après avoir effectué mon cadre
théorique, mon hypothèse générale serait que
l'expérience aurait une influence sur la gestion des émotions de
l'infirmière lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer. Je souhaite
travailler sur cela parce que lors de la situation vécue avec la
patiente, je n'ai pas réussi à gérer mes émotions
alors que l'infirmière qui était présente avec moi
à réussi.
Ainsi cette hypothèse pourrait se décliner en 3
hypothèses :
- L'apprentissage permettrait de développer ses
compétences dans la gestion des émotions.
- La maitrise professionnelle permettrait de
développer la capacité d'adaptation.
- Le repérage des émotions permettrait la
connaissance de soi.
VI. Méthode
1) Outil utilisé
Afin de valider mon hypothèse ou non, j'ai
réalisé des entretiens semi-directifs auprès d'infirmiers
dans différents services.
J'ai souhaité faire des entretiens tout d'abord pour
recueillir des données personnels, puisque les entretiens sont faits
individuellement.
De plus, durant des entretiens, il s'agit de questions
ouvertes et donc l'infirmier(e) est libre dans ses réponses et peut
aborder les thèmes qu'il veut.
Enfin, j'ai choisi cette méthode afin de recueillir le
plus d'informations possibles auxquelles je n'aurais peut-être pas
pensé d'aborder, et cela permet également d'illustrer les
différentes situations ou point de vue par des exemples ce qui permet
une meilleure compréhension.
2) Population ciblée
Pour réaliser mes entretiens semi-directifs, j'ai
décidé d'interroger des infirmier(e)s travaillant en service
d'oncologie puisque le cancer est le sujet principal de mon travail de fin
d'étude, j'ai également interrogé des infirmières
travaillant dans un
27
service de pneumologie. Mon choix s'est tourné vers le
service de pneumologie puisque j'avais déjà réalisé
un stage en 2ème année dans un service de pneumologie
et des annonces de cancer étaient réalisées. De plus, j'ai
pu échanger avec une infirmière qui travaille dans ce service et
elle était très intéressée par mon sujet de
mémoire et m'a donc proposé de venir effectuer mes entretiens
auprès d'elle et ses collègues puisqu'elles sont souvent
confronter à l'annonce d'un diagnostic de cancer.
De plus, j'ai interrogé des infirmier(e)s ayant plus
ou moins d'expérience puisque mon hypothèse
générale concerne l'expérience.
J'ai donc interrogé 8 infirmier(e)s :
· Un infirmier ayant 4 ans d'expérience,
travaillant en service d'oncologie dans une clinique.
· Une infirmière ayant 23 ans
d'expérience, travaillant en service d'oncologie dans une clinique.
· Une infirmière ayant 36 ans
d'expérience, travaillant en service d'oncologie dans un
hôpital.
· Une infirmière ayant 9 mois
d'expérience, travaillant en service d'oncologie dans un
hôpital.
· Un infirmier ayant 13 ans d'expérience,
travaillant en service d'oncologie ainsi que dans le dispositif d'annonce du
cancer, dans un hôpital.
· Une infirmière ayant 18 ans
d'expérience, travaillant en service de pneumologie.
· Une infirmière ayant 9 mois
d'expérience, travaillant en service de pneumologie depuis 1 mois.
·
28
Une infirmière ayant 6 ans d'expérience,
travaillant en service de pneumologie.
3) Mise en place de l'enquête
Avant d'interroger les infirmiers, j'ai réalisé
une grille d'entretien (cf annexe) en écrivant des questions en lien
avec mes hypothèses.
Une fois ma grille d'entretien terminée, je l'ai
envoyé à ma référente mémoire afin de la
valider. Ma référente me la validé et m'a donné son
autorisation pour aller enquêter.
Pour réaliser mes entretiens à la clinique, je
suis allée sur internet pour rechercher les coordonnées de la
personne à qui je devais m'adresser. J'ai envoyé un message
électronique à une personne mais qui n'était pas la bonne.
J'ai tout de même eu une réponse avec les coordonnées de la
personne à contacter qui était la directrice des soins. Dans mon
message, je me suis présentée, je lui ai fait part de mon sujet
et je lui ai joints ma grille d'entretien pour qu'elle puisse la consulter
avant mon passage.
Le jour même de ma demande, j'ai eu l'accord de la
directrice des soins pour venir effectuer mes entretiens dans le service
d'oncologie comme je le souhaitais. Après avoir réaliser mes
entretiens, je suis allée à sa rencontre afin qu'elle me signe
l'autorisation.
Pour mes entretiens au sein de l'hôpital, j'ai
envoyé un mail à la cadre responsable des étudiants, comme
pour la clinique, je me suis présentée et j'ai joints ma grille
d'entretien. Comme je souhaitais les effectuer dans le pôle
médecine, celle-ci a transféré ma demande à la
cadre du pôle. Une semaine après, j'ai reçu une
réponse, j'avais donc l'autorisation pour effectuer mes entretiens dans
les services d'oncologie et de pneumologie. La cadre du pôle m'a,
ensuite, donné les coordonnées de chaque cadre de service. J'ai
contacté la cadre du service d'oncologie afin de l'avertir que je
viendrais réaliser des entretiens pour mon mémoire dans son
service, elle a tout de suite accepté et m'a donné une date pour
venir. J'ai également contacté le cadre du service de pneumologie
qui m'a demandé de recontacter la cadre de pôle puisqu'il partait
en congé et ne serait donc pas
29
présent le jour de ma venue. J'ai donc de nouveau
téléphoné afin de prévoir une date pour ce
service.
Le jour de mes entretiens, je me suis rendue dans le service
directement et je suis allée me présenter auprès de la
cadre. Celle-ci m'a donc orienté vers chaque infirmier qui était
en poste ce jour et leur a demandé s'ils étaient d'accord pour
répondre à mes questions.
A chaque début d'entretien, je me suis
présentée, j'ai rappelé à l'infirmier(e) que
c'était totalement anonyme et j'ai également demandé
l'autorisation de les enregistrer pour que cela soit plus facile pour moi de
retranscrire ensuite et de pouvoir observer les réactions du soignant
interrogé. Tous ont accepté.
VII- Résultats
1) Analyse quantitative et qualitative
J'ai décidé d'analyser mes entretiens question par
question.
Question 1 : Depuis quand exercez- vous le métier
d'infirmier ? Quel est votre âge ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Depuis 4 ans
- Age : 26 ans
|
IDE 2
|
- Depuis 23 ans
- Age : 46 ans
|
IDE 3
|
- Depuis 36 ans
- Age : 57 ans
|
IDE 4
|
- Depuis 9 mois
- 23 ans
|
IDE 5
|
- Depuis 13 ans
- Age : 41 ans
|
IDE 6
|
- Depuis 18 ans
- Age : 40 ans
|
IDE 7
|
- Depuis 9 mois
- Age : 24 ans
|
IDE 8
|
- Depuis 6 ans
|
|
30
- Age : 29 ans
Sur 8 infirmiers interrogés, 3 sont
diplômés depuis moins de 5 ans dont 2 qui n'ont que 9 mois
d'expérience et 5 ont plus de 5 ans dans le métier.
En ce qui concerne l'âge, ça varie entre 23 ans
et 57 ans. Ce qui veut dire que des infirmiers ont vécu plus de choses
dans leur vie que d'autres ainsi nous pouvons constater que le panel
d'infirmiers est élargi, ce qui va permettre une analyse de
qualité et des réponses variées.
Nous pouvons donc remarquer que l'IDE 4 et l'IDE 7 ont peu
d'expérience contrairement à l'IDE 3 qui m'informe qu'elle
partira en retraite la semaine suivant notre entretien.
En effet, l'IDE 1 et l'IDE 4 ont commencé leur
carrière en oncologie et le sont toujours. En ce qui concerne l'IDE 4,
elle a également effectué 4 stages dans des services d'oncologie
ou de chimiothérapie.
Ainsi, nous pouvons dire que l'IDE 1 est un infirmier
compétent dans le domaine de l'oncologie dû fait de son
expérience depuis son diplôme c'est-à-dire il y a 3 ans.
Concernant l'IDE 4, elle a effectué divers stages lors
de sa formation en oncologie et en chimiothérapie ; mais elle n'a
qu'environ 1 an d'expérience dans ce domaine. On peut alors dire qu'il
s'agit d'une infirmière débutante dans le domaine de
l'oncologie.
L'IDE 8 travaille en pneumologie depuis qu'elle est
diplômée. Dans ce service, des annonces de cancer sont
réalisées également ainsi, cette infirmière a donc
des connaissances et des compétences concernant ce sujet.
L'IDE 5, avant, n'était pas dans le domaine du
paramédical mais travaille en oncologie depuis quelques années
déjà et intervient également dans le dispositif d'annonce.
Ainsi, nous constatons qu'il a de l'expérience dans ce domaine.
L'IDE 7 travaille dans le service de pneumologie depuis 1 mois
uniquement. En effet, auparavant, elle travaillait en gériatrie ce qui
permet de constater qu'elle n'a pas beaucoup d'expérience dans le
domaine de l'annonce d'un cancer.
31
Enfin, les IDE 2, 3, 5 ont travaillé dans d'autres
services avant d'intégrer les services d'oncologie ou de pneumologie.
Ils ont travaillé aux urgences, en SSR, en EHPAD ... Ces
infirmières ont donc acquis divers compétences et connaissances,
nous pouvons dire qu'elles ont assez d'expérience.
Nous pouvons donc constater que chaque infirmier a un
parcours différent et donc des expériences différentes.
Question 2 : pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Un ressenti, tout ce que ne peut
pas être visible
|
IDE 2
|
- Difficile à définir
- Pleins de choses
- Un ressenti
- Peut être négatif ou positif
|
IDE 3
|
- Sentiment que l'on ressent plus
ou moins facile à gérer
|
IDE 4
|
- N'a pas vraiment de définition
- C'est quelque chose en nous
- Propre à chacun
- Ça va toucher une personne en
fonction de son vécu
|
IDE 5
|
- Un ressenti
- Peut prendre des proportions
différentes selon les personnes
|
|
32
- Tous les sens sont en action
|
IDE 6
|
- Un sentiment que l'on ressent
sur un moment, sur un instant
devant une situation posant
problème ou qui nous ravis
|
IDE 7
|
- Un ressenti qui peut être positif
ou négatif
|
IDE 8
|
- Un ressenti positif ou négatif
suite à une situation
|
|
Pour 7 infirmiers sur 8, une émotion est un ressenti,
un sentiment suite à une situation. Parmi les 7, il y en a 4 qui
évoquent le fait qu'elle peut être négative ou positive et
1 infirmier dit qu'une émotion pourra prendre des proportions
différentes selon l'individu.
Pour 2 personnes, il s'agit d'un terme difficile à
définir. En effet, une infirmière a eu des difficultés
à donner une définition de ce terme en disant qu'il s'agit de
« quelque chose en nous, que ça touchera la personne en fonction de
son vécu » et qu'«il n'y a pas vraiment de définition
mais c'est une chose propre à chacun. »
Enfin, 3 infirmiers disent qu'une émotion peut
être plus ou moins facile à gérer et que cela
dépendra des personnes.
Ainsi, selon mes différentes recherches, je retrouve
qu'une émotion est quelque chose de difficile à définir
selon Ferh et Russel (1984), et selon le Larousse il s'agit « d'un
trouble subit, une agitation passagère causée par un sentiment
vif de peur, de surprise, de joie ... C'est également une
réaction affective transitoire d'assez grande intensité,
habituellement provoquée par une stimulation venue de
l'environnement32. »
De plus, effectivement, une émotion peut être
positive ou négative comme la joie, la tristesse, la colère ...
et celle-ci serait gérée de façon différente selon
la personne.
32 Larousse (en ligne)
33
Enfin, malgré les réponses différentes de
chaque infirmier, leur « définition » de l'émotion se
rapproche de la théorie.
Question 3 : êtes-vous souvent
confronter à l'annonce d'un diagnostic de
cancer ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Oui, tout le temps
|
IDE 2
|
- Peu mais annonce de
métastases, de récidive oui !
|
IDE 3
|
- Oui, « je suis plus protégée que
certains collègues »
|
IDE 4
|
- Oui
|
IDE 5
|
- Oui, tout le temps, plusieurs par
jour
|
IDE 6
|
- Oui, régulièrement
|
IDE 7
|
- Très peu
|
IDE 8
|
- Oui, tout le temps
|
|
6 infirmiers sur 8 sont tout le temps confrontés
à l'annonce d'un diagnostic de cancer et 2 sont peu confrontés
à ces annonces.
En effet, un infirmier est confronté à ces
annonces plusieurs fois par jour en ce qui le concerne, puisqu'il travaille au
sein du dispositif d'annonce.
Une infirmière rencontre tout le temps des annonces de
diagnostic et généralement lorsque l'annonce est faite, le
patient est déjà à un stade qui nécessite une
hospitalisation, c'est donc à ce moment qu'elle est faite.
L'IDE 3 est aussi confronté à ces annonces mais
se sent « plus protégée » que certains collègues
puisqu'elle reçoit plutôt les patients en 3ème
ou 4ème cure.
En ce qui concerne l'IDE 4, lorsque le patient arrive, il a
déjà reçu son diagnostic mais une seconde annonce est
réalisée afin de voir s'il a compris les différents
termes. Elle est donc plus dans l'écoute et l'accompagnement.
2 infirmiers disent qu'ils sont très peu
confrontés à cette annonce. Il s'agit de l'IDE 2 et l'IDE 7 mais
elles affirment qu'elles l'ont déjà vécu.
34
L'IDE 2 dit qu'elle est plus confrontée à
l'annonce de métastases ou de récidives mais rarement à
une première annonce et dit que généralement les annonces
se font dans le bureau du médecin sans infirmière sauf si le
patient doit être hospitalisé là, l'infirmière est
présente. Contrairement à l'IDE 7 qui déclare qu'elle en
voit peu puisqu'elle est jeune diplômée.
Enfin, nous pouvons constater que chaque infirmier a
déjà plus ou moins était confronté à
l'annonce d'un diagnostic de cancer.
Question 4 : comment réagissez- vous lorsque le
patient reçoit son diagnostic de cancer ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Explications et reformulation au
patient en étant calme
- Accompagnement
|
IDE 2
|
- Touchée
- C'est difficile
|
IDE 3
|
- Ecoute
|
IDE 4
|
- Explications
- Ecoute
- Heureux si le traitement est bien
- Difficile si mauvais pronostic
|
IDE 5
|
- Ressent des émotions
- Ecoute
|
IDE 6
|
- Touchée
- Ne laisse pas insensible
|
|
35
- Ça dépend également de la
relation entretenue avec le patient
|
IDE 7
|
- Comme avec tous les autres
patients
|
IDE 8
|
- Compatissante
- Reformulation
- Ne pas pleurer
|
|
5 infirmiers sur 8 reformulent, expliquent les termes aux
patients et les écoutent. Ils sont donc dans une posture d'écoute
active et d'accompagnement. Ils laissent le patient dire tout ce qu'il souhaite
dire. Par contre, s'il n'emploie pas le mot « cancer » ou ne parle
pas du tout de sa maladie, le soignant ne va pas lui parler de ça.
Ainsi, nous pouvons remarquer que les soignants
réalisent ce qu'il est important de faire durant le temps
d'accompagnement soignant. En effet, durant ce temps, il faut accueillir le
patient ainsi que sa famille pour les écouter mais également pour
reformuler les différents termes que le médecin aurait pu
employer.
De plus, l'écoute active est un élément
clé afin de créer une relation d'aide.
5 personnes ressentent des émotions, elles trouvent
que cela est un moment difficile et sont donc touchées. Une personne sur
les 5 déclare ressentir des émotions négatives donc de la
tristesse, lorsque le traitement ne fonctionne pas mais également des
émotions positives qu'elle partage avec le patient lorsque le traitement
fonctionne bien.
Le fait que ce moment soit ressenti comme difficile par le
soignant est normal mais toute fois, il sera important de faire attention au
non verbal.
Une infirmière déclare qu'elle a réussi
à « se forger une carapace » avec le temps. Aussi, une
infirmière dit qu'elle essaie de ne pas pleurer devant le patient
puisqu'il a besoin de quelqu'un de « fort » pour l'accompagner. Dans
mes recherches, je
36
retrouve effectivement qu'avec le temps, le soignant va «
se forger » et sera toujours en évolution.
Par contre, 1 infirmière, qui est jeune
diplômée déclare de manière très
spontanée qu'elle n'a pas de réaction particulière et
évoque le fait qu'elle réagit comme avec tous les autres
patients. Suite à cette réponse, j'ai essayé de prendre un
peu de recul en me questionnant : peut-être que cette infirmière
n'ose pas exprimer le fait qu'elle a des émotions par peur de jugement
ou de honte ? Cela, ne serait qu'une hypothèse et non une certitude ...
Pour le moment, au vu des diverses réponses, cette réponse n'est
pas exploitable.
Question 5 : bénéficiez-vous
suffisamment de formation vous
permettant d'être préparé
à l'annonce d'un cancer ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Oui, grâce à une formation sur
les soins palliatifs
|
IDE 2
|
- Non
- Ne voit pas l'intérêt d'en avoir
puisque difficile d'être préparé à
cela
|
IDE 3
|
- Oui, formation sur
l'accompagnement post- annonce
- Jamais suffisant
- Formé avec l'expérience
|
IDE 4
|
- Non, aucune formation depuis
mon arrivée dans le service
|
IDE 5
|
- Non
|
|
37
- On ne peut jamais être préparé
à
tout
- Formation pour rentrer dans la
consultation d'annonce mais plus avec des exemples de
situations
|
IDE 6
|
- « Je ne les ai pas faites »
- Formée et habituée avec
l'expérience
- « Si j'en ressentais le besoin, je
demanderais une formation »
- Différentes formations
reviennent à ce sujet
|
IDE 7
|
- Non
|
IDE 8
|
- Non, mais d'accord pour en avoir
une.
- A déjà demandé une formation
de 3 jours mais n'a pas pu y aller
|
|
Sur les 8 infirmiers qui ont été
interrogés, 1 pense être suffisamment formé, notamment
grâce à une formation sur les soins palliatifs où il a pu
apprendre les différentes questions qui pouvaient être
posées par le patient ou par la famille.
2 sur 8 pensent qu'il n'y a pas de formation qui puisse
permettre d'être préparé à ce genre d'annonce mais
parmi ces 2 personnes, 1 a bénéficié d'une formation pour
rentrer au sein du dispositif d'annonce. Ainsi, afin de rentrer au sein du
dispositif d'annonce, il y a une formation minimale qui est demandée,
celle-ci se fait sur la base du volontariat.
38
Enfin, des formations sont proposées par des
professionnels expérimentés afin que les établissements de
santé puissent bénéficier de celles-ci.
De plus, 2 personnes évoquent le fait qu'elles ont
été « formées » avec l'expérience. En
effet, la maitrise des tâches lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer
peut être liée à l'expérience mais également
à l'ancienneté et à l'âge de la personne. Lorsque
l'infirmière montre une certaine expérience, les familles se
sentent plus en confiance.
Question 6 : avez-vous des
émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de
cancer au patient ? Si
oui, quelles sont les types d'émotions que
vous éprouvez ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Oui, dépend de la situation du
patient
- Souvent de la tristesse
|
IDE 2
|
- Oui, toujours
- De la tristesse
- De l'empathie
|
IDE 3
|
- Toujours, car transfert et par
rapport à son histoire de vie, sa famille, son
âge
- Un peu de tristesse et de colère
|
IDE 4
|
- Oui, mais plus s'il décède
- Un peu de tristesse, de
l'empathie
|
|
39
IDE 5
- Oui, mais c'est le contexte de la
personne qui fait que j'ai des émotions
- Tristesse
|
IDE 6
|
- Oui, mais par rapport à son
histoire de vie, son âge ...
- De la tristesse, de la
compassion, de l'empathie
- Transfert
|
IDE 7
|
- Oui, mais lorsqu'il parle de sa
famille ou par rapport à son devenir
- Tristesse
|
IDE 8
|
- Oui, selon la personne, l'âge, s'il
a encore des enfants
- Tristesse, colère parce qu'ils ne
méritent pas ça
|
|
La totalité des personnes interrogées ont des
émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer et tous
éprouvent de la tristesse.
Parmi les 8, il y en a 2 qui éprouvent
également de la colère parce qu'elles pensent que le patient ne
mérite pas cela.
Il y en a 3 personnes qui éprouvent de l'empathie.
5 personnes parmi les 8 qui ont des émotions lors de
l'annonce d'un diagnostic de cancer, ne sont pas liées à
l'annonce en elle-même. Celles-ci sont liées à l'histoire
de vie de la personne, selon son âge, si la personne a des enfants ou
non, selon son contexte de vie.
40
1 personne ressent des émotions surtout lorsque le
patient décède et 1 infirmière lorsque le patient parle de
sa famille ou s'intéresse à son devenir.
2 infirmiers déclarent également être
joyeux, ils partagent cela avec le patient, surtout lors des
chimiothérapies. Une personne déclare « lorsque le
traitement fonctionne bien, je suis contente avec le patient » et l'autre
dit « on rigole beaucoup avec nos patients, c'est la joie de vivre ici !
» Au regard de ces réponses, nous constatons effectivement qu'il
n'y a pas que des émotions négatives comme la tristesse ou la
colère qui ressort. Par contre, les émotions positives sont
partager avec le patient contrairement aux émotions négatives qui
essaient d'être gérées ou cachées...
En ce qui concerne les émotions, nous remarquons, en
effet, qu'il y a 6 émotions de base selon Charles DARWIN : la joie, la
surprise, la colère, la tristesse, la peur et le dégoût.
Donc les infirmiers qui ont été interrogés ressentent des
émotions de base.
Selon mes différentes recherches, le soignant ressent
de la tristesse suite au décès d'un patient ou bien lors de la
prise en charge d'un patient ayant une pathologie incurable ou lourde, ici, le
cancer fait donc parti d'une pathologie lourde donc il est normal que
l'infirmier ressente de la tristesse.
D'autres déclarent ressentir de l'empathie, il s'agit
d'une capacité de s'identifier à l'autre afin de comprendre ce
qu'il ressent. Ainsi, l'empathie est une réponse émotionnelle. Il
s'agit d'un concept important dans la relation d'aide.
Question 7 : lorsque vous avez des difficultés
lors de la gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose
problème ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Contexte du patient
|
IDE 2
|
- La façon dont, c'est annoncé
- Identification possible
|
IDE 3
|
- Age du patient
|
|
41
- Identification
|
IDE 4
|
- Pas assez d'expérience
|
IDE 5
|
- Oui, contexte du patient
|
IDE 6
|
- Par rapport à l'âge du patient
- Identification
|
IDE 7
|
- Devenir du patient
|
IDE 8
|
- Le vécu personnel
- L'annonce brutale de la part du
médecin
- Histoire de vie de la personne
(jeune, enfants...)
|
|
Pour 5 infirmiers sur 8, ce qui pose problème dans la
gestion de leurs émotions est le contexte du patient, son histoire de
vie, son âge ... Et surtout lorsqu'il s'agit d'un patient jeune ou bien
un patient qui a encore de jeunes enfants ...
En effet, suite au témoignage d'une infirmière
dans l'ouvrage « regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce
d'un cancer », l'histoire de vie du patient peut générer des
émotions.
3 personnes se trouve en difficulté puisqu'elles
déclarent s'identifier au patient parmi les 3, il y en une qui
évoque son vécu personnel également.
1 infirmière dit que le problème est qu'elle
n'a pas assez d'expérience et 1 autre dit que le devenir du patient lui
pose problème dans la gestion de ses émotions, notamment
lorsqu'il s'agit du décès.
Enfin, 2 personnes pensent qu'elles pourraient avoir des
difficultés à gérer leurs émotions, suite à
une annonce trop brutale de la part du médecin.
En effet, lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer, il n'y
a pas de bonne ou de mauvaise annonce ... Certes, dans mes recherches je
retrouve comme certaines
42
infirmières peuvent le déclarer, des annonces
qui sont réalisées de façon plus ou moins brutale.
De plus, des infirmières déclarent s'identifier
au patient. N'ayant pas exploiter cette notion dans mon cadre théorique,
j'ai donc réalisé des recherches à ce sujet.
L'identification est, selon Lalande (1968), « un
processus psychologique par lequel un individu A transporte sur un autre B,
d'une manière continue plus ou moins durable, les sentiments qu'on
éprouve ordinairement pour soi, au point de confondre ce qui arrive
à B avec ce qui lui arrive à lui-même33
».
Dans la psychanalyse, ce concept découle d'un
attachement affectif à une personne, ici il s'agirait d'un attachement
au patient. C'est donc pour cela, qu'il est important de respecter une distance
professionnelle. Selon l'article « le mal-être quotidien du soignant
», « bien soigner requiert une certaine dose d'identification au
malade 34». Mais, l'identification peut en effet
être considérer comme source de frein aux soins malgré
qu'elle puisse générer de l'aide ou de la compassion.
Question 8 : comment repérez-vous vos
émotions ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- « Je me connais » 4
connaissance de soi
- Reste calme
|
IDE 2
|
- « Je sais comment je suis » 4
connaissance de soi
|
IDE 3
|
- « Je sens que je commence à
rougir » 4 connaissance de soi
|
IDE 4
|
- « Je ne suis pas expressive du
tout »
|
IDE 5
|
- « par la RAGE »
|
|
33
https://www.cnrtl.fr/definition/identification
34 Article « le mal-être quotidien du soignant »
(Ethique et amp) ; santé, volume 1, n°2 - mai 2004, pp 77
43
- « J'ai repéré un problème
émotionnel, quand j'ai besoin de parler »
|
IDE 6
|
- « Je me connais, ça me prend un
peu à la gorge, j'aurai peut-être envie de verser
une larme » 4 connaissance de soi
- Marquée par la situation
|
IDE 7
|
- Ne sait plus quoi dire, ne parle
plus 4 va communiquer par le
non-verbal (prendre la main, faire un geste) ?
connaissance de soi
|
IDE 8
|
- « Moi ça monte tout de suite ! Je
pleure vite ... Puis je le sens tout de suite quand ça
ne va pas aller ... » 4 connaissance de soi
|
|
6 personnes sur 8 repèrent leurs émotions
grâce à une connaissance de soi.
En effet, dans mes recherches, selon Rudolf Steiner qui
emploie le concept « d'alphabétisation émotionnelle »,
nous constatons qu'il faut être en capacité de comprendre nos
propres émotions. Ainsi, le fait de se connaitre permet d'être
plus compétent afin de gérer des situations difficiles comme ici
l'annonce d'un diagnostic de cancer. Ainsi, puisque les soignants
interrogés ont déjà été confronté
à l'annonce d'un diagnostic de cancer à plusieurs reprises, cela
leur a permis de connaître leur propre limite donc cela sera plus «
facile » pour eux, ici de gérer au mieux leurs émotions.
1 personne indique qu'elle n'est pas très expressive
donc il est compliqué de repérer ses émotions.
1 personne repère ses émotions surtout
lorsqu'elle ressent le besoin de parler de la situation qui la
touché.
44
Question 9 : faites-vous un travail émotionnel
? Si oui, comment faites-vous ?
Résultats
|
IDE 1
|
- Non
|
IDE 2
|
- Non
|
IDE 3
|
- Non
|
IDE 4
|
- ?
|
IDE 5
|
- Faire activités après le travail
(sport, courses, promenade ...)
|
IDE 6
|
- « C'est l'expérience qui le donne
au fil du temps »
- « Je le fais naturellement sans
m'en rendre compte »
|
IDE 7
|
- Oui, ne parle plus. Utilisation de
langage non verbal.
|
IDE 8
|
- « Avec le temps, on se forge »
expérience
|
|
La moitié des personnes dit qu'ils ne font pas de travail
émotionnel.
2 pensent que le travail émotionnel est fait avec le
temps, grâce à l'expérience. En effet, le fait de vivre
plusieurs fois des situations similaires ou de même type, la gestion sera
plus facile et notamment nous pouvons revenir ici, sur le concept de la
connaissance de soi, qui au fil des situations vécues, cela nous aura
aidé à connaitre nos propres limites et donc une meilleure
gestion de nos émotions.
1 personne fait un travail émotionnel notamment en
faisant des activités après sa journée de travail et 1 dit
qu'elle ne parle plus et utilise un langage nos verbal (notamment par le regard
et le toucher).
Le fait de réaliser des activités sportives
sont, en effet, de travail émotionnel. 1 personne n'a pas répondu
à cette question.
45
En effet, si je rattache la question suivante (question 10)
à cette question, toutes les personnes se sentent soutenues par leurs
collègues si elles éprouvent des émotions
négatives. Elles n'hésitent pas à en parler entre elles.
Dans mes recherches, nous retrouvons que le fait de valoriser, de parler et de
s'entraider entre collègues sont des stratégies de travail
émotionnel. Donc chaque infirmier réalise un travail
émotionnel en parlant de ses émotions à l'équipe,
parfois même des infirmiers n'hésitent pas à « passer
la main » à certains de leur collègue parce que la situation
sera plus difficile.
Question 10 : si vous éprouvez des
émotions négatives durant votre poste
de travail, êtes-vous soutenue par vos collègues ?
|
Résultats
|
|
IDE 1
|
- Oui, énormément
- Equipe soudée
|
|
IDE 2
|
- Oui
|
|
IDE 3
|
- Oui
- Possibilité de remplacer
quelqu'un a du mal à gérer
|
si
|
IDE 4
|
- Oui, même par les médecins
|
|
IDE 5
|
- Oui
|
|
IDE 6
|
- Oui, discussion avec l'équipe
|
|
IDE 7
|
- Oui
|
|
IDE 8
|
- Oui
|
|
|
Toutes les personnes sont soutenues par leurs
collègues si elles éprouvent des émotions
négatives. Elles n'hésitent pas à en parler entre
elles.
(Question rattachée à la question ci-dessus)
46
Question 11 : (IDE moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à
gérer
vos émotions qu'une infirmière ayant
plus d'expérience que vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer
?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Absolument pas
- Mise en place d'une distance
professionnelle suffisante
|
IDE 4
|
- Oui, « Moi je n'ai pas assez de
recul »
|
IDE 7
|
- Dépend aussi du caractère de la
personne
- « L'expérience ça y fait c'est
sur ! »
|
|
Parmi les 3 infirmiers ayant moins de 5 d'expérience,
1 pense qu'il n'a pas plus de difficulté à gérer ses
émotions qu'une personne ayant plus d'expérience. Ainsi, il
déclare « j'ai même moins de difficulté à
gérer mes émotions que certaines anciennes travaillant dans le
service ». En effet, celui-ci évoque le fait qu'il arrive à
mettre en place une distance suffisante avec le patient.
Les 2 autres pensent qu'elles ont plus de difficulté
qu'une personne ayant de l'expérience parce qu'elles n'ont pas assez de
recul ... dont 1 qui pense également que le caractère de la
personne joue un rôle dans la gestion des émotions.
Pour revenir, à la réponse de
l'infirmière qui avait déclaré de façon
spontanée que sa réaction était la même qu'avec tous
les autres patients. Ici, elle évoque que le caractère de la
personne peut également être un atout dans la gestion des
émotions, en plus de l'expérience. Ainsi, je me pose la question
si cette infirmière, a peut-être une personnalité qui
permet de se protéger face aux émotions ?
47
La personnalité, n'est pas un concept que j'ai
développé dans mon cadre théorique. Ainsi, selon Le
Larousse, la personnalité est « un ensemble des traits
physiques et moraux par lesquels une personne est différente des autres
; aspect par lequel quelqu'un affirme une originalité plus ou moins
accusée 35».
Question 12 : (IDE plus de 5 ans dans le domaine), au
fil de vos
postes de travail, avez-vous remarqué une
amélioration dans la gestion de vos émotions ? Si
oui,
quelle(s) peut(vent) être la
(les) raison(s)
|
Résultats
|
IDE 2
|
- Oui
- Age, expérience
|
IDE 3
|
- Un peu (même caractère)
- Connaissance de certaines
choses 4 apprentissage au fil du temps
|
IDE 5
|
- Oui
- L'expérience.
|
IDE 6
|
- Oui
- Age, années de métier
(4 expérience)
|
IDE 8
|
- Oui
- Expérience, apprentissage
|
|
Sur les 5 infirmiers qui ont plus de 5 ans
d'expérience, tous ont remarqué une amélioration dans la
gestion de leurs émotions.
35 Larousse (en ligne)
48
Pour les 5 personnes, la raison principale est
l'expérience. Mais l'apprentissage ressort également, ainsi que
l'âge. Ainsi, les années dans le métier font le soignant a
réussi, petit à petit, à « se forger une carapace
».
En effet, dans l'ouvrage « Regards d'infirmières
sur le dispositif d'annonce du cancer », l'âge et
l'expérience ressort dans les témoignages des différentes
infirmières. De même, qu'un médecin déclare qu'une
jeune infirmière sortant de l'école ne peut pas faire ce genre
d'annonce, puisqu'elle n'a pas assez d'expérience et cela pourrait la
toucher émotionnellement.
Question 13 : pensez-vous que
l'expérience est un point fort dans la gestion
de vos émotions ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Non
- Mais quand même un minimum
d'expérience (pas en année !)
|
IDE 2
|
- Oui vraiment
|
IDE 3
|
- Oui
|
IDE 4
|
- Oui
- Les plus anciens arrivent à
mettre des barrières plus facilement
|
IDE 5
|
- Oui
|
IDE 6
|
- Oui ? indéniable
- Rôle en tant que plus ancienne
? réassurer les jeunes « Ne t'inquiète
pas, oui ça te fait mal au coeur mais tu verras avec le temps ...
»
|
IDE 7
|
- Oui
|
IDE 8
|
- Oui
|
|
49
Pour 7 personnes sur 8, l'expérience est un point fort
dans la gestion des émotions dont 1 qui insiste sur le fait que cela est
indéniable et que son rôle en tant qu' « ancienne » dans
le service est de rassurer les jeunes diplômés par rapport
à ce sujet.
Ainsi, une infirmière pense que les plus anciens
arrivent à « mettre des barrières » plus facilement
avec les patients grâce à leur expérience. Tandis qu'elle,
elle n'arrive pas pour le moment à prendre du recul ...
Et un infirmier déclare que lorsqu'il était
jeune diplômé, il rentrait chez lui directement après le
travail et il se retraçait sa journée de travail, il repensait
aux patients et à tout ce qu'il avait fait, il affirme que petit
à petit, il a réussi à mieux gérer cela, notamment
en faisant des activités après sa journée de travail afin
de différencier sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Chose qui
n'était pas faite lorsqu'il était jeune diplômé.
De plus, une infirmière m'indique qu'au début
de sa carrière, elle assistait aux enterrements des patients
décédés dans le service mais qu'au fil du temps, elle a
réussi à « se forger » et donc maintenant arrive
à mieux gérer ses émotions et n'assiste plus aux
enterrements.
1 personne pense que l'expérience n'est absolument pas
un point fort dans la gestion des émotions, même si elle indique
qu'il faut un minimum d'expérience mais pas en année. Par rapport
à cette réponse, j'aurai peut-être dû faire une
question de relance en demandant à la personne ce qu'était
vraiment pour elle l'expérience.
En effet, l'expérience est « un savoir-faire,
un savoir qui a été acquis par l'usage, par la pratique en dehors
d'une connaissance théorique ». De plus, elle peut être
inné ou développée grâce à des acquis ou des
formations. Donc le fait d'avoir de l'expérience ne veut pas
forcément dire qu'il faut avoir de nombreuses dans le domaine ...
Donc pour tous, l'expérience est effectivement un
point fort dans la gestion des émotions.
50
Question 14 : d'après vous, existe-il des
moyens de gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de
cancer ?
Résultats
|
IDE 1
|
- Consulter le psychiatre
- Direction compréhensive
|
IDE 2
|
- Ne sait pas
|
IDE 3
|
- Sophrologie, « mais moi je ne
sais pas faire »
|
IDE 4
|
- Peut-être, mais ne connait pas
|
IDE 5
|
- Se préparer avant l'annonce
- Pause entre entretien d'annonce
et écrit du compte rendu
|
IDE 6
|
- Peut-être, mais ne sait pas
lesquels
|
IDE 7
|
- Par le geste, par le regard,
apaiser les mots
|
IDE 8
|
- Ne pense pas, « à moins d'avoir
un coeur de pierre »
|
|
3 personnes sur 8 ne connaissent pas ou ne savent pas s'ils
existent des moyens de gérer les émotions. Une infirmière
déclare « je ne pense qu'il en existe à moins d'avoir un
coeur de pierre », ainsi cette réponse m'interpelle un peu, puisque
ce n'est pas parce qu'une personne arrive à gérer ses
émotions, qu'elle aura un « coeur de pierre », il est possible
d'avoir des émotions tout en les gérant.
Or, lorsque les infirmiers en parlent avec leur
collègue de travail, ils effectuent une gestion de leurs
émotions. Il existe différentes manières de gérer
nos émotions : parler à quelqu'un donc ici les infirmiers le
font, combattre les idées négatives ou encore se reposer, rester
seul, faire du sport. En effet, un infirmier gère ses émotions en
se préparent avant l'annonce et en prenant un temps de repos
après l'annonce (se pose un peu entre l'annonce et l'écriture du
compte rendu de la
51
consultation). Cette méthode permet de penser à
autres choses et d'écrire l'essentiel des transmissions sans faire
paraitre ses émotions.
1 personne dit qu'elle pourrait gérer ses
émotions en consultant le psychiatre de l'établissement mais ne
le fait pas puisqu'il n'en ressent pas le besoin et une autre dit qu'il y a de
la sophrologie qui fonctionne très bien pour gérer nos
émotions mais elle déclare « moi je ne sais pas faire la
sophrologie ». En effet, dans mes recherches, je retrouve qu'il existe des
formations pour les soignants ayant des difficultés à
gérer leurs émotions et on y retrouve de la relaxation.
De plus, une infirmière pense qu'il est possible de
gérer ses émotions par le geste, par le regard mais
également par la parole notamment en apaisant nos mots. Par rapport
à cette question, je n'ai pas effectué de question de relance
afin de savoir ce qu'elle voulait dire par le geste et par le regard. Ainsi, il
ne m'est pas possible d'exploiter cette réponse.
Enfin, les mécanismes de défenses sont
également des moyens qui sont mis en place inconsciemment, afin de
gérer nos émotions. Et lorsque le soignant s'identifie au
patient, il s'agit d'un mécanisme de défense qui est
appelé l'identification projective et il s'agit en effet, d'un
mécanisme qui est souvent utilisé par les soignants.
Question 15 : avez-vous des
informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
|
Résultats
|
IDE 1
|
- Emotions dépendent vraiment de
la situation du patient
|
IDE 2
|
- Patient entouré par associations
|
IDE 3
|
- Peut-être besoin d'un suivi
psychologique
|
|
52
- Explication d'une situation vécue
? IDE pleure lorsqu'elle m'explique cela
|
IDE 4
|
- Plus touchés par les patients qui
reviennent (récidive ou échec de traitement)
|
IDE 5
|
- « On pense être passé par toutes
les émotions mais toujours des nouveautés
»
- Annonce au patient mais aussi
au proche ? annonce à sa soeur 4 difficulté
supplémentaire
|
IDE 6
|
- Importance d'être à l'écoute,
accepter les émotions du patient (tristesse,
colère ...)
- Revient toujours sur
l'expérience ! 4 mot clé de cet entretien
- Transfert
|
IDE 7
|
- Débute donc sujet compliqué
|
IDE 8
|
- Aimerait qu'il y a des moments
de paroles comme dans les
unités de soins palliatifs (« palliatocafé
»)
- L'équipe subit le mal-être des
familles
|
|
- Présence d'une équipe mobile de soins
d'accompagnement
mais pas toujours présente
|
|
53
1 personne ajoute que les émotions dépendent
vraiment de la situation du patient qui est présent en face de nous.
2 personnes pensent qu'un suivi ne serait pas de refus, une
infirmière parle d'un suivi psychologique alors qu'une autre
évoque la mise en place d'un groupe de parole comme dans les services de
soins palliatifs qui se nomme le « palliatocafé ».
Une infirmière déclare qu'il faut
également être capable d'accepter les émotions du patient
selon nos capacités émotionnelles. Pour elle, le mot clé
de cet entretien est l'expérience.
Une infirmière explique une situation vécue
avec un patient jeune et a des émotions lorsqu'elle raconte cela
puisqu'elle pleure.
Enfin, 1 infirmier dit que l'annonce d'un diagnostic de
cancer ne se fait pas seulement qu'aux inconnus ! Il est possible de l'annoncer
à un membre de sa famille ! Et donc, ce soignant dit que nous pensons
que nous sommes passés par toutes les émotions mais qu'il y aura
toujours une situation nouvelle qui fera que nous aurons des émotions.
En effet, c'est pour cela qu'il est important de faire preuve de
capacité d'adaptation lors des diverses situations. Et comme
mentionné, ci-dessus dans mon cadre théorique, chaque situation
sera unique et dépendra en effet de la personne qui se trouve en face de
nous ou de son histoire de vie.
Pour une infirmière, le fait de voir à nouveau
les patients dont elle a déjà pris en soins, cela sera plus
difficile et elle sera plus touchée parce qu'elle se dit que le patient
devra « se battre à nouveau ». Effectivement dans «
regards d'infirmières sur le dispositif d'annonce du cancer », une
infirmière affirme qu'il est très difficile
émotionnellement de prendre en charge un patient qui est
déjà venu dans le service et à qui il faut annoncer des
métastases ou une récidive ... Il serait préférable
d'annoncer une bonne nouvelle !
54
VIII- Discussion
1) L'apprentissage permettrait de développer ses
compétences dans la gestion des émotions.
Lors de la réalisation de mes entretiens, les
infirmiers déclarent qu'ils ne bénéficient pas assez de
formation qui permettrait une meilleure gestion des émotions ou que
celle-ci ne serait pas nécessaire du fait qu'on ne peut être
préparé à des annonces de cancer puisque l'on ne sait pas
quelle sera la réaction du patient et chaque annonce est unique.
Mais, par contre, pour les soignants le fait d'avoir
vécu des situations similaires ou bien d'avoir des connaissances sur le
cancer ici notamment, au fil du temps ou d'apprendre de nouvelles choses sur la
maladie, a amélioré la gestion des émotions du
soignant.
Dans mon cadre théorique, on retrouve quatre stades
concernant l'apprentissage et la gestion des émotions :
- Le stade d'immersion : en début de carrière
et plus particulièrement pendant les stages, le soignant est
confronté au monde hospitalier donc aux patients et aux pathologies
parfois lourdes. Le professionnel se trouve donc affecté sur le plan
émotionnel. Il entre ainsi dans une « pseudo-empathie ».
- Le stade de l'empathie souffrante : le soignant montre une
conscience plus fine, il se centre donc sur le soigné. Il est encore
touché émotionnellement et entre donc dans une « empathie
souffrante » ce qui freine sa prise en charge et complique donc la
relation avec le patient.
- Le stade de la mise à distance : ici « le
soignant tente de sauver sa peau ». Il essaie de prendre une juste
distance mais en mettant en place des mécanismes de défenses. La
relation entre le soignant et le patient va donc à l'essentiel.
- Le stade de maturation : le parcours professionnel du
soignant est abouti. Ainsi, le soignant arrivera à maîtriser ses
émotions et agira donc comme professionnel.
55
Donc selon le panel d'infirmiers interrogés, nous
constatons qu'il y a des soignants qui sont en stade de pseudo-empathie comme
les jeunes diplômés et d'autres qui sont au stade de
maturation.
Mais également suite aux différentes
expériences vécues par le soignant, il aura appris des choses et
donc il va de façon consciente ou inconsciente réguler ses
émotions.
Donc, suite aux réponses des soignants
interrogés et de mon cadre théorique, je peux valider cette
hypothèse en disant que oui, l'apprentissage permet de développer
ses compétences dans la gestion des émotions.
2) La maitrise permettrait de développer la
capacité d'adaptation.
La maitrise professionnelle signifie que nous avons la
capacité de faire une chose, que nous avons la connaissance.
Lorsque l'annonce de diagnostic de cancer est
réalisée, le soignant réagit cela est dû au fait,
qu'il a les connaissances de la maladie. Il instaure une relation d'aide, ainsi
il est en écoute active, il accompagne le patient et il est empathique.
Ainsi, puisque chaque soignant a déjà été
confronté à l'annonce d'un diagnostic de cancer, il sait comment
réagir puisque ce sont parfois les mêmes questions qui reviennent
donc il saura y répondre plus ou moins ; mais il faudra s'adapter
à chaque patient, à chaque histoire de vie comme l'indique les
soignants dans leur entretien : les émotions et les réactions ne
seront donc pas les mêmes avec chaque patient. Comme un exemple qui a
été donné dans un entretien : les émotions seront
différentes si le patient est âgé puisqu'il aura
vécu sa vie par rapport à un jeune patient qui sera atteint d'un
cancer et qui aura encore des étapes de sa vie à
découvrir.
Le soignant comprend parfaitement ce qui pose problème
lorsqu'il a dû mal à gérer ses émotions. Il s'agit
principalement, du contexte de vie de la personne, de son histoire de vie, de
son âge surtout s'il est jeune ... Il maitrise et comprend donc ce qu'il
se passe cela va donc permettre pour les prochaines situations à
s'adapter et donc la gestion des émotions sera meilleure.
En effet, si le soignant ne maitrise pas ses propres
émotions, cela pourra avec une influence sur la relation avec le
patient.
56
Ainsi, cette hypothèse peut également être
validée, nous pouvons constater que la maitrise permet de
développer la capacité d'adaptation.
3) Le repérage des émotions permettrait la
connaissance de soi.
Les soignants ont déclaré qu'ils
repéraient leurs émotions grâce au fait, qu'ils ont une
connaissance d'eux-mêmes.
La connaissance de soi est, en effet, importante afin de
gérer des situations difficiles. L'infirmier doit être capable de
connaître ses propres limites et repérer se émotions. Les
soignants les repèrent et sont capables de dire quelles émotions
ils ressentent. Ainsi, celle qui est la plus ressentie est la tristesse.
Le fait de se connaitre est un processus qui sera acquis tout
au long de notre vie. L'individu va apprendre à connaître ses
propres réactions lorsqu'il aura vécu une situation, cependant,
il sera plus facile pour lui de gérer les situations non
prévues.
Ainsi, nous pouvons valider le fait que repérer nos
émotions permet de se connaître soi-même.
4) Hypothèse générale :
l'expérience aurait une influence sur la gestion des émotions du
soignant suite à l'annonce d'un cancer.
Pour tous, l'expérience est un point de fort dans la
gestion des émotions. Malgré qu'une personne nie ce fait, elle
déclare qu'un minimum d'expérience pour que le vécu des
situations soit moins difficile. Le terme expérience ne veut pas
forcément dire avoir plusieurs années d'expérience. Le
fait de voir des situations à répétition est une
expérience, notre vécu personnel est une expérience.
Ainsi, Catherine Mercadier déclare qu'au fil des
années et des situations vécues, le soignant devient fermé
et se crée un caractère qui permet de faire face. Elle
démontre également grâce à des entretiens
réalisés auprès de jeunes diplômés, que la
réaction n'est pas la même par rapport à une
infirmière qui a de nombreuses années d'expérience. Ainsi
la gestion des émotions est meilleure si on a de l'expérience.
Dans mes lectures, je retrouve que l'annonce d'un diagnostic
de cancer est réalisée par des infirmières ayant une
tranche d'âge entre 45 et 50 ans et ayant déjà
rencontré de nombreuses situations et qui ont de nombreuses
années d'expérience. Une jeune diplômée va se sentir
plus « déminue » face au patient et sa famille.
57
En ce qui concerne la famille, la relation de confiance se
fera plus facilement si l'infirmière montre qu'elle maitrise ce domaine
et qu'elle a déjà une certaine expérience.
En effet, le terme « expérience » a
été évoqué par les soignants à plusieurs
reprises dans les entretiens. Même les jeunes diplômées ont
déclaré qu'elles n'avaient pas assez de recul et avaient moins de
situations vécues par rapport à d'autres personnes.
De plus, il est ressorti dans un entretien qu'il ne s'agit
pas uniquement de l'expérience qui pourrait influencer sur la gestion
des émotions du soignant mais également la personnalité de
la personne peut être prise en compte.
En ce qui concerne mon hypothèse, elle est en partie
validée mais pas complétement. En effet, suite à mes
recherches et mes entretiens, oui, l'expérience a une influence sur la
gestion des émotions mais celles-ci ne sont pas en rapport direct avec
l'annonce du cancer comme évoqué dans mon hypothèse. Elles
sont liées au contexte du patient c'est-à-dire, à
l'histoire de vie, à l'âge, si le patient est jeune les
émotions seront différentes qu'un patient plus âgé.
De plus, les émotions peuvent également être liées
au fait que le soignant s'identifie au patient.
5) Conclusion de l'analyse
Suite à cette analyse, nous retrouvons l'importance
des émotions dans les soins. Certaines prises en soins, comme l'annonce
d'un diagnostic de cancer pour ma part, peuvent être difficiles pour le
soignant. Chaque personne va se protéger de façon
différente, en parlera à ses collègues et gérera
donc ses émotions différemment. Le soutien de l'équipe
ressort fortement. Il est donc important de comprendre nos émotions et
de savoir les maitriser afin que la relation soit de qualité. Au fil des
postes de travail et donc de situations vécues différentes, le
soignant va se construire et peut-être même « se forger »
avec le temps.
Enfin, lors de mes entretiens, les professionnels ont
clairement affirmé que l'expérience permettait une meilleure
gestion des émotions donc également une meilleure connaissance de
soi.
58
IX- Conclusion
Grâce à ce travail de fin d'étude, j'ai
pu acquérir de nombreuses connaissances concernant l'annonce d'un
diagnostic de cancer mais également sur les émotions. J'ai
également eu l'occasion de pouvoir échanger par rapport à
ce sujet avec des professionnels ayant plus ou moins d'expérience et
ainsi me faire une idée de ma future profession.
Le fait d'avoir travailler mon mémoire sur ce sujet
qui m'intéressait beaucoup, me permettra sans doute dans ma future
profession d'avoir plus confiance en moi et d'être capable de
gérer mes émotions afin que la prise en charge des patients soit
de qualité.
De plus, si je reviens sur ma situation d'appel, avec plus de
recul, je m'aperçois que je me suis identifiée à la
personne donc peut-être que pour de prochaines situations, je saurai
prendre sur moi en repensant à ce travail et donc éviter de
m'identifier.
J'ai pu découvrir que le terme « émotion
» était complexe à définir. La gestion des
émotions sera différente selon chaque personne, chaque
personnalité et des personnes arriveront à gérer plus que
d'autres. En ce qui concerne cette notion, la connaissance de soi est
également très importante !
Le soignant va se construire tout au long de sa
carrière, au fil des situations vécues.
Enfin, suite à ma situation, d'autres thèmes
auraient pu être abordés. Je m'étais également
aperçue que la patiente s'était rendue compte de mes
émotions face à elle ... De cette étude, pourrait
découler une autre approche : celle du patient. Pourquoi ne pas
s'intéresser à ce que ressent et pense le patient lorsqu'il
perçoit les émotions du soignant.
59
Bibliographie
Sites en ligne :
https://www.universalis.fr/encyclopedie/psychologie-des-emotions/1-qu-est-ce-qu-une-emotion/
(consulté le 06-01-19)
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(consulté le 02/02/2019)
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(consulté le 26-01-19) Edité en 2018
https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Les-chiffres-du-cancer-en-France/Epidemiologie-des-cancers/Donnees-globales
(consulté le 10/10/2018)
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(consulté le 10/10/2018)
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(consulté le 11/12/2018)
https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2005-3-page-31.htm
(consulté le 09/12/2018)
www.has-sante.fr (consulté
le 06/01/2019)
https://www.cnrtl.fr/definition/identification
(consulté le 05/05/2019)
www.universalis.fr ;
psychologie des émotions (consulté le 06/01/2019)
Dictionnaire Larousse
Dictionnaire médical de l'académie de
médecine
Articles :
· « L'expérience professionnelle, son
acquisition et ses liens à la formation », Benoît Grasser et
José Rose, année 2000.
·
60
« Les savoirs d'expérience en soins infirmiers,
une richesse à explorer : mentorat, pratiques exemplaires et
benchmarketing », Margot Phaneuf, Novembre 2011.
· « Soignantes ... Soignés, un rapport
complexe, une réflexion « chemin faisant » quant au statut
émotionnel du soignant », M. Delhaye et F. Lotstra, dans cahiers de
psychologie clinique, année 2007, numéro 28. Pages 49 à
59.
· Journal of Experimental Psychology, 113, pages 464 - 486
; Ferh et Russel (1984)
· « Le partage social des émotions chez les
soignants en oncologie », 11/05/2015, Sophie DELROISSE.
· « Annoncer une mauvaise nouvelle », HAS
· « Recherches en soins infirmiers », les
mécanismes de défenses, Henri Chabrol, pages 31 à 42.
· Les relations interprofessionnelles avec la personne
soignée et la notion de juste distance », Florence Michon. Mars
2013.
· « L'intelligence émotionnelle, un outil de
soins », Margot Phaneuf. Avril 2013.
· « Le mal-être quotidien du soignant »,
Ethique et AMP ; santé, volume1, n°2 - Mai 2004, Page 77.
· Hildegard E. Peplau - « Relations
Interpersonnelles en Soins Infirmiers » (1952)
Ouvrages :
· « Regards d'infirmières sur le dispositif
d'annonce du cancer », éditions Lamarre, 151 pages.
·
61
« Le travail émotionnel des soignants à
l'hôpital », Catherine Mercadier, 278 pages.
· « J'ai voulu être infirmière »,
Martine Schachtel, 216 pages
· « La process communication au service de la
communication de la relation soignant - soigné », Jean-Yves Frenot.
Broché 320 pages.
· « Face à la maladie grave », Martine
Ruszniewski. 206 pages.
· « La relation soignant - soigné, rencontre et
accompagnement », édition Chenelière Education. 280
pages.
· « Les concepts en sciences infirmières »
Formarier M. et Jovic L. 328 pages.
· « La relation soignant - soigné »,
Alexandre Manoukian. 202 pages.
![](Cancer-quand-l-annonce-du-diagnostic-au-patient-fait-natre-l-motion-chez-le-soignant-2.png)
Annexe 1
Grille d'entretien
semi-directif
Actuellement étudiante infirmière en
3ème année, je réalise mon travail de fin
d'études sur la gestion des émotions du soignant face à
l'annonce d'un cancer. J'ai donc décidé d'effectuer des
entretiens semi-directif afin de réaliser mon analyse.
Tout d'abord, je vous remercie pour le temps que vous allez
m'accorder durant cet entretien. De plus, cet entretien sera anonyme.
Etes-vous d'accord pour que j'enregistre notre conversation ?
1) Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
2) Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion ?
3) Etes-vous souvent confronter à l'annonce
d'un diagnostic de cancer ?
4) Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
5) Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à
l'annonce d'un cancer ?
6) Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
7) Lorsque vous avez des difficultés lors de
la gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème
?
8) Comment repérez-vous vos émotions ?
9) Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
10) Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
11) (Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
12) (Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au
fil de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
13) Pensez-vous que l'expérience est un point
fort dans la gestion de vos émotions ?
14) D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
II
15) Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
III
Annexe 2
IDE 1
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmier(e) ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
Ça fait 4 ans que je suis infirmier, j'ai 26 ans, et
parcours professionnel depuis que je suis infirmier, après le
diplôme j'ai commencé ici à la clinique mais je travaillais
ici à 100% et en plus de ça, comme j'étais en CDD je
travaillais à côté donc j'ai fais HAD, plusieurs services
dans pleins d'endroits, j'ai fais un peu de tout et au bout d'un an que je
travaillais ici ils m'ont proposé de venir en onco et puis ça
fais 3 ans et demi / 4 ans que j'y suis.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
Qu'est-ce qu'une émotion ... bah c'est les ressentis
des ... c'est le ressenti, tout ce qui ne peut pas être vraiment
visible.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Tout le temps. Après je dis tout le temps, mais ...
surtout en ce moment. Mais souvent ça se fait dans le bureau de
l'oncologue. C'est l'oncologue qui ... enfin généralement c'est
le médecin traitant qui voit le patient, qui fait faire des examens et
ensuite c'est l'oncologue qui le reçoit qui voit les examens et qui
annonce. Après, euh ... généralement, quand c'est
déjà à un certain stade ou qu'il y a déjà
des effets, il l'envoie dans notre service et c'est à ce moment
là qu'on fait l'annonce.
Donc vous êtes présent à ce moment
?
Oui, sauf si c'est fait dans le bureau et qu'il n'y a pas besoin
d'hospitalisation là on ne voit
pas.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Bin avant on faisait l'annonce, il n'y avait pas de
médecin. Maintenant c'est un petit peu plus réguler, le
médecin l'annonce en notre présence. Généralement
le médecin utilise des mots ... parce qu'on a deux médecins ici
qui annoncent de façon totalement différentes il y en a un qui
est assez ... bin quand il annonce, il annonce quoi, il ne va pas par 4 chemins
alors que l'autre il part un peu dans toutes les directions pour essayer de
faire comprendre au patient. Donc nous on essaie justement ... euh ... bin on
est là, donc on est pas là pour rien donc on essaie de faire
comprendre au patient tout en étant le plus calme possible parce que si
on est déjà énervé nous même ça ne va
pas, on essaie aussi de ...
IV
généralement ils le prennent pas trop trop bien
donc, on essaie d'être présent. Généralement, ils
sont hospitalisés donc on les connait déjà un petit peu
avant l'annonce, et on est encore là après.
Généralement c'est en présence de la famille quand il y a
la famille, donc on donne des petites bouteilles d'eau, on essaie de les mettre
le plus à l'aise possible parce qu'on sait que ce sont pas des annonces
très facile à prendre quoi.
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Oui, si si, je dirai oui. Avant de travailler ici, enfin
ça fais déjà quelques mois mais, quand j'ai
été pris en CDI ici, j'ai eu une formation sur Lille sur les
soins palliatifs donc déjà ça nous prépare
déjà à un certain type de questionnement et de
réponses, donc oui l'annonce on est préparé assez.
Après je pense, qu'il y a pas de formation pour dire de former à
l'annonce ça se fait sur le terrain. La première fois, qu'on doit
faire une annonce parce que malheureusement le collègue est ailleurs et
tout ça bin, ça se fait naturellement puis il y en a qui n'y
arrive pas. Après ça se fait naturellement puis au fur et
à mesure qu'on le fait, ça évolue quoi.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
Oui, bin oui oui, c'est sur. On est quand même euh ...
enfin c'est l'empathie. On est obligé de ressentir des émotions,
on est pas des robots donc oui puis c'est déjà arrivé
qu'on ressentait beaucoup beaucoup plus d'émotions. ça
dépend de la situation du patient, c'est sur que l'annonce à une
personne qui comprend et qui était déjà plus ou moins au
courant ça se passe plutôt bien mais l'annoncer à un
patient qui est là avec ses 2 filles de moins de 10 ans c'est un peu
plus compliqué quoi donc euh on a des émotions c'est
obligé.
Mais du coup quels types d'émotions vous
éprouvez ?
Bin, c'est ce que je dis, ça dépend de la
situation. Euh ... il y a des fois ça peut être de la tristesse
c'est sur, euh ... bin c'est souvent la tristesse. Après ça
serait un peu dégueulasse de dire autre chose.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Ça va mes émotions, je n'ai pas trop de mal moi...
(rire)
Bah non, comme je dis, il y a certains situations où on
avait du mal à gérer nos émotions mais après pour
moi, ce n'est pas mal de pleurer devant un patient avec lui, enfin je ne vais
pas dire qu'ils sont contents mais ça leur fait quelque chose.
Après c'est ce que je dis on
V
est des humains, il n'y a pas de raison qu'on cache nos
émotions à fond non plus donc euh, pour moi c'est pas un
problème.
Comment repérez-vous vos émotions
?
Bin, je me connais. En général, je reste assez
calme pour mes annonces, on essaie d'être le plus compréhensible
possible pour essayer de leur donner du courage et tout ça pour la
suite. Mais euh ... repérer mes émotions, je reste à peu
près toujours pareil donc ça va.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui, énormément ici. On a une équipe
très très soudée, on s'entend tous très très
bien. Les 3/4 sont amis même à l'extérieur de
l'équipe donc il n'y a aucun soucis, on a toujours le soutien et puis
bin on se connait tous par coeur au niveau des émotions, enfin, on
connait même le passé de nos collègues donc s'il y a
quelque chose qu'on sait qui va pas aller on prend le relais. Pour ça
franchement, il n'y a aucun soucis dans l'équipe.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Absolument pas. Je gère même mieux que certains
anciens. Il y en a beaucoup dans ce service qui ont du mal à faire
l'écart avec le patient, je ne sais plus comment ça s'appelle ...
ah une distance professionnelle ! Ils ont beaucoup de mal à faire
ça donc je pense que ... bin après on est une équipe assez
jeune on a 2 / 3 je dirais des anciennes mais on fonctionne tous bien ensemble
après il y en a certains qui n'arrive pas trop à faire la
distance mais moi je n'ai pas de soucis.
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ?
Non. Il faut avoir un minimum d'expérience parce que
quand on arrive ici, on le voit, c'est difficile et tout ça mais
après euh ... il faut le voir quelque fois, après c'est pas au
bout de 15 ans d'expérience qu'on ... après on en voit tous les
jours et on change tous les jours mais je ne dirai pas que c'est
forcément l'expérience qui change. Après, c'est mon point
de vue à moi. Pour moi, l'expérience ça fais pas. J'ai
déjà vu des annonces catastrophiques par des personnes qui
avaient 25 ans d'expérience et qui en avaient ras-le-bol donc non pour
moi c'est pas l'expérience c'est les personnes en elles-mêmes, les
qualités d'infirmières ou d'infirmiers mais pas
l'expérience du tout. Après c'est sur, c'est pas en arrivant que
ça se fait tout de suite, il faut je dirai quelques expériences
avant de le faire mais pas en années quoi ! Quelqu'un qui est là
depuis 1 an, il sait le faire. Et on la ici, les
VI
CDD qui arrivent et qui sont là depuis même pas 1
an, ils font partis de l'équipe et ils savent faire et ça se fait
au fur et à mesure mais je ne dirai pas que l'expérience fait
quelque chose.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
A l'intérieur ???
Euh... bin déjà si jamais il y a des
émotions, et c'est mit en place normalement ici on peut voir un
psychiatre pour nous, on peut l'utiliser mais on en a jamais eu besoin car on
arrive à gérer au sein de l'équipe après une
équipe soudée ça fait mais des moyens autres que ça
... je dirai une direction compréhensive ça c'est pas tout le
temps le cas, quoi que c'est des services quand même compliqués
que même la direction sait que, puis il y a des moments aussi où
on nous attaquait un petit peu, on répondait assez vite.
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
Ici, on a une psychologue, qui est normalement tout le temps
là mais là elle est en arrêt. Elle est censée
être tout le temps là. Une fois que l'annonce est faite on
l'envoie tout de suite vers le patient et elle est là assez rapidement
dans les chambres donc c'est hyper important et je pense que dans tout les
services d'onco il y en a et il devrait y en avoir parce que ça permet
de ... bin déjà nous on a le médecin qui passe, on repasse
après pour remettre des mots sur la maladie on va dire pour leur
réexpliquer, quelles sont les solutions s'il y en a et après il y
a encore la psychologue qui vient avec ses mots et avec son expérience
de psychologue parce que on est pas psychologue même si on le fait
parfois.
Après c'est aussi le médecin qui doit travailler
sur lui-même pour dire de l'annoncer bien quoi.
Après je pense que ça dépend vraiment des
situations des gens, comment ils réagissent, s'ils sont plus ou moins
fort psychologiquement.
VII
IDE 2
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
Je suis ici depuis 23 ans. J'ai 46 ans et en faite j'ai
commencé euh ... On est sorti avec notre diplôme en poche au mois
de Décembre, il n'y avait pas de place dans tout le Nord-pas-de-Calais
parce qu'en faite les Belges avaient pris un peu la place avant, c'était
la 1ère reforme en faite. Donc je suis partie en
géronto-psychiatrie quelques mois et puis après j'ai
été embauché ici donc je suis revenue j'ai fais du SSR
pendant 19 ans après j'ai passé un DU de soins palliatifs et donc
maintenant je suis en oncologie depuis que c'est ouvert.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
Alors là ... C'est quelque chose de bien difficile
à définir ... une émotion ... ça peut être
tellement pleins de choses ... c'est un ressenti je dirai plus un ressenti en
faite. Ça peut être négatif, ça peut être
positif. Ça peut être pleins de choses et ça peut se
traduire de pleins de façon différentes.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Alors très peu, par contre on est souvent confronter
à l'annonce de métastases, de pleins de choses qui sont
plutôt négatives ... de récidive, mais la première
annonce de cancer nous non puisque les gens sont déjà
prévenus normalement. Donc c'est plus des récidives, des
traitements qui ne fonctionnent pas très bien ... Après ça
peut arriver quand c'est un tout début de prise en charge mais il est
rare que le patient ne soit pas au courant mais il y en a certains qui n'ont
pas compris, ça ça peut nous arriver. Il y a quand même des
gens qui viennent de l'hôpital parce qu'ils ont eu des examens, on leur a
peut être annoncé là-bas mais ils ont pas forcément
entendu, voulu entendre ou bien compris les mots qui ont été
utilisé, donc on reprend souvent avec eux ici quand c'est des
débuts de prise en charge.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Euh ... Bin dans la mesure où on en a assez peu, ce qui
peut être difficile pour nous c'est quand on annonce, bin, qu'il y a une
métastase ou bien que la chimiothérapie n'a pas fonctionné
donc c'est assez compliqué parce que là derrière, il y a
des questions qui sont posées et c'est souvent à nous qu'ils le
posent... On essaie souvent de les renvoyer vers le médecin mais en
général le 1er acteur, c'est nous !
VIII
Mais du coup, quelle est votre réaction à
vous ? Au niveau personnel ? Oui.
Ça me touche à chaque fois. Même si
maintenant avec les années, on a tendance un petit peu à «
se blinder » comme on dit mais ...
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Non, on n'a pas formation.
Vous pensez qu'il devrait y en avoir ?
Je ne sais pas si une formation peut permettre à
quelqu'un d'être préparé à ce genre de chose. Je ne
vois même pas ce qui pourrait nous aider en faite parce que c'est
tellement compliqué ce genre de situation et chaque personne est
différente, réagit différemment en plus ; que ça
soit au niveau du personnel qu'au niveau du patient. Il y a des gens qui vont
se taire et ne plus jamais en parler, il y a des gens qui vont tout de suite
rebondir dessus et dire « je suis foutu ». il y a vraiment tout un
éventail de comportement.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
Oui, je pense qu'on a toujours des émotions, tout au
long de la journée, on a toujours des émotions même si on
essaie parfois de ne pas les montrer. Parce que des fois, même il arrive
que les médecins disent certaines choses et nous on le sait pas
toujours. Donc quand c'est découvert, on le découvre en
même temps que le patient, des fois c'est plus compliqué.
Quels types d'émotions vous éprouvez
?
Déjà de la tristesse. On essaie de ne pas trop
se mettre à la place des gens mais de rester bien à
côté d'eux et pas à leur place à eux parce que
ça il y a personne qui peut se mettre à leur place. Donc on
essaie vraiment de faire de l'accompagnement.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Moi, je n'ai pas trop de difficulté avec ça.
Après on a du s'adapter au départ aux différents types
d'annonce des médecins. Parce qu'il y a 4 médecins donc chacun
l'annonce de différentes façons donc il a peut être
plutôt fallu s'adapter à ça, la façon dont
c'était annoncé. Certains personnes sont un peu plus ... pas
brutale mais ... plus directive on va dire et d'autres c'est un peu plus dit en
douceur ou les mots sont pas forcément dit mais on
IX
essaie de leur faire comprendre. Maintenant, une fois que l'on
connait, il y a moins de soucis.
Comment repérez-vous vos émotions ?
Je sais comment je suis ... Je sais comment je vais
réagir devant telle ou telle situation. Mais avec le temps ça va
...
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ? Je ne fais pas spécialement un
travail là-dessus,
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui, en général, on en parle rapidement quand il
y a quelque chose qui ne va pas, par rapport aux émotions, je parle, je
ne parle pas par rapport au contexte du travail. On dit « on est eu du mal
avec cette personne » parce que bin, on s'attache à certaines
personnes donc il est certain que quelqu'un de jeune qui a des enfants, on va
se transposer plus facilement parce que nous même on est jeune, on a des
enfants donc là c'est plus compliqué, il faut faire attention de
ne pas faire un transfert.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Je pense que quand on prend un petit d'âge, qu'on a un
petit peu d'année derrière nous, on gère les choses
différemment.
Et donc du coup, pour vous, quelles peuvent être
les raisons ?
Je pense que c'est l'expérience en faite.
L'expérience des relations humaines tout simplement.
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ?
Oui, je pense vraiment que oui. Même les personnes
soignées, on se rend compte que quand on est plus âgé, ils
viennent plus facilement vers nous et nous poser des questions qu'à
quelqu'un qui est plus jeune, peut être avec un peu moins
d'expérience.
X
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
(A ce moment, il y a une pause, une réflexion de la part
de l'IDE)
Je ne saurai pas dire ...
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ? C'est tellement vaste que,
ça me parait bien compliqué.
Après, les patients sont biens entourés, enfin je
parle par rapport à quand j'ai commencé. Il y a pas mal de
structures à côté, beaucoup de réseaux, et tout
ça pour le cancer donc les gens arrivent quand même a toujours
avoir quelqu'un.
Avant il n'y avait pas de psychologue et maintenant on en a, on a
des associations.
Si vous vous avez des problèmes au niveau des
émotions, pouvez-vous consulter le psychologue ?
Oui, on en parle. On ne va pas faire une séance
exprès pour ça mais ne serait-ce que dans le bureau, durant les
transmissions, même dans un couloir ... mais si c'est personnel
après on peut lui en parler.
XI
IDE 3
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
Alors, ça fait 36 ans que je suis infirmière.
J'ai 57 ans. J'ai fais 29 ans en pôle nuit : 3 ans dans le roulement, 4
ans en réa et 22 ans en soins intensifs cardio. Et donc là,
ça fait 7 ans que je suis dans le service d'oncologie. Je m'en vais en
retraite la semaine prochaine !
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion ?
C'est un sentiment que l'on ressent qui est plus ou moins facile
à gérer. Etes-vous souvent confronter à
l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Oui mais en général, c'est une autre
équipe qui gère ça. Moi, je suis un petit plus «
protégée ». On a plus les patients quand ils sont en
3ème ou 4ème cure, quand c'est un peu plus
light.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Il faut l'écouter, moi je le laisse dire ce qu'il a
à dire, lui laisser dire les mots qu'il veut dire, s'il emploi le mot
cancer ou pas, tumeur ou pas, le laisser dire ce qu'il a envie de dire, le
laisser dire ce qu'il ressent et de moins intervenir possible pour se laisser
donner l'occasion de parler.
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Oui, j'ai fais une formation sur l'accompagnement
post-annonce. Après suffisante ... ce n'est pas jamais suffisant parce
qu'on t'apprend des choses mais après il faut mettre tout les jours en
place et ce n'est pas toujours évident quoi. Après, je pense que
plus on en fait plus ça se passe, plus tu connais plus c'est facile
enfin c'est pas facile mais t'es à l'aise. Ce n'est jamais facile.
Après j'ai des collègues qui ont plus de facilité, parce
qu'ils sont plus à l'aise que moi étant donné qu'ils en
ont fait plus que moi.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
Il y en a toujours dans le sens où soit tu te mets
à sa place, soit c'est quelqu'un qui pourrait avoir l'âge de ton
père, ta mère ou tes enfants enfin voilà ... donc il y a
toujours un moment
XII
où ça t'interpelle sur quelque chose. Enfin moi,
c'est comme ça que je le vis. Après, il y a des gens avec qui on
vit des choses différemment.
Et donc, quels types d'émotions avez-vous
?
Ça dépend comment la personne le vit aussi. Si
elle se met à pleurer ... c'est quand même plus compliqué
que si la personne a bien compris ou tu sens qu'elle va essayer d'y aller, elle
est prête à jouer le jeu. Si il commence à s'effondrer ou
s'il n'y a pas d'accompagnement, des fois, il n'y a pas de famille qui
accompagne tout ça, c'est quand même compliqué. Tu sens
qu'ils vont être tout seul.
Je ne vais pas dire de la tristesse mais je me dis mince c'est
pas possible qui est-ce qui va les aider quoi. Donc un petit peu de
colère. Je n'ai pas de mot ...
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Quelque fois, je m'identifie et surtout par rapport à
l'âge du patient aussi ... Comment repérez-vous vos
émotions ?
Si je sens que je commence à rougir, c'est que je suis
un peu embêtée quoi tu vois ... Je suis moins à l'aise.
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ? Non.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui. On en parle. Parce que c'est vrai, qu'il y a des fois on
est bien, donc ça va aller pour travailler, pour faire ce que tu as
à faire et puis il y a des fois, tu es moins bien. Et on est pas non
plus contre le fait de remplacer quelqu'un qui a du mal à gérer
parce que ce jour on est pas bien et puis qu'on sent qu'il a besoin, bon on
passe à l'autre. On est une équipe donc il y a toujours
quelqu'un. On est pas des sauvages ... Il faut aussi se sentir
épaulé par les collègues. On a de la chance, on s'entend
bien dans l'équipe. Puis il y a la psychologue, je pense que si on a
besoin elle peut aussi nous aider.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
XIII
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Oui, parce qu'après on connait certaines choses, on
sait comment on va réagir. Après quand on suit nos patients,
à force les suivre, quand ils arrivent en bout de course, c'est parfois
compliqué. Enfin, moi je sais qu'il y a certaines personnes à qui
on s'attache. Après, c'est plus ou moins facile à
gérer.
Après quand j'étais jeune diplômée
et maintenant, je ne peux pas dire qu'il y a forcément une
différence, après on ressent toujours les mêmes choses.
Après, il y a aussi notre caractère, notre tempérament.
C'est pas parce qu'on a appris des choses qu'on a une carapace ... ce n'est pas
vrai ! Moi je pense que chacun a aussi sa capacité à apprendre
des choses et puis si tu es sensible, tu es sensible quoi ! Après c'est
à nous à savoir gérer notre sensibilité pour ne pas
en être malheureuse. Il faut savoir aussi se connaître pour savoir
comment, et puis certaines situations, certains moments, ne pas se mettre dans
des mauvais moments quand on est pas bien, si on sent qu'aujourd'hui ce n'est
pas le moment il faut pas aller ! On est des êtres humains, on a
vécu des choses chez nous aussi où on est pas prêt. Par
exemple, dans sa famille, on a eu un cancer, la personne vient de mourir on est
pas prêt à revivre la même chose. Je pense qu'il y a des
moments où il faut savoir aussi dire bin écoute aujourd'hui je ne
pourrais pas le faire !
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ?
Certainement, je pense que oui ! après, il y a
certaines situations qu'on a vécu et qu'on se dit bon bin ça,
ça ne m'a pas été, peut être ne pas me remettre dans
le même contexte ou là c'était pas top, je peux peut
être faire ça, parce qu'on a réfléchit
forcément sur ce qui s'est passé donc je pense que oui
forcément, c'est comme pourtant dans la vie ! L'expérience peut
aider aussi.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Ah bin certainement. Mais quoi, je ne sais pas ... Après,
il y a des gens qui savent.
Il y en a qui font de la sophrologie ou qui savent « se
déconnecter » ... ça peut aider, mais moi je ne sais pas
faire.
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
Bin je pense que quelque fois, on aurait besoin d'être
suivi par la psychologue mais après c'est plus pour les patients. Peut
être qu'on pourrait de temps en temps savoir quand on a
XIV
bien vécu une situation, qu'on puisse aller voir
quelqu'un, après moi je ne sais pas si j'irai. Il y a 2 ans avec ma
collègue, on a vécu un moment très difficile, on a eu du
mal toutes les 2 à s'en remettre. C'est un monsieur qui était
plus ou moins en fin de vie, qui a eu une transfusion et à la fin de sa
transfusion, il nous a fait un arrêt. Il avait eu un nouveau protocole la
veille. Mais tu vois, ça a été très difficile, on
était en train de le changer quoi ! Il avait uriner, il nous a
demandé de le changer, je le maintiens, ma collègue était
en train de faire le change et il est resté dans mes bras quoi ... On a
pas réussi à le réanimer, ça on a eu du mal
à gérer. Au départ, on ne s'y attendait pas, on a eu du
mal à gérer toutes les deux ... Un lendemain de Noël en
plus, je vais te dire ... c'était un monsieur de 62 ans, on a eu
beaucoup de mal. Et puis la femme était dehors quoi ... Non franchement,
on a eu du mal à vivre ça. Tu cherches toujours ce qu'il se passe
et puis bin ...donc là on aurait peut être eu besoin d'une prise
en charge, pour nous aider. On a eu un petit peu mais peut être pas
assez.
Sinon, pour les annonces, c'est vraiment compliqué
quand même. Le médecin ne dit pas toujours tout ...
Comme un patient que j'ai encore vu ce matin, il a dit
à la psychologue, c'est bon je suis arrivé au summum de ce que je
peux entendre comme mauvaise nouvelle ! Moi, je ne leur en parle pas,
après si c'est eux qui veulent en parler, on en parle. Ce n'est pas moi
qui aborde le sommet la première.
Pour ce monsieur... le médecin nous a dit qu'il en a
plus que pour 1 mois ... et lui il croit qu'il va guérir, il
espère, il a des jeunes enfants. On a parlé que j'allais partir
en retraite la semaine prochaine et il m'a dit ah super vous allez faire quoi !
Donc je lui ai dis que j'allais profiter et voyager, il dit ah ! j'aimais bien
voyager ... Ce que j'espère c'est guérir pour partir en voyage !
Bin qu'est ce que tu veux lui dire ! Je ne vais pas lui dire non non dans 1
mois vous êtes plus là ... Je suis restée sur une note
positive, il parlait de ses voyages quand il faisait de la plongée ...
donc je l'ai laissé parler dessus, tant qu'il souriait bin c'est bien !
Tu vois ça c'est très compliqué ! Parce que je pars du
travail avec tout ça dans ma tête ! Il a des gamins de 8 ans et 10
ans ... Avec tout ça, on ne peut pas faire abstraction. J'essaie de me
protéger comme je peux. C'est pas évident ! Il faut prendre une
certaine distance !
Lorsque l'infirmière me raconte cette situation, elle ne
peut retenir ses larmes...
XV
IDE 4
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
Je suis infirmière depuis le 27 Juillet 2018. J'ai
commencé dans le service d'oncologie le 1er Aout 2018 et je n'ai pas
bougé. Après je vais de temps en temps dans les étages
mais sinon je suis attitrée à ce service. Sinon j'ai 23 ans.
En stage, en 1ère année, j'ai fais
SSIAD, ensuite j'ai fais chirurgie. En 2ème année,
j'ai fais SSR, EHPAD et en 3ème année, j'ai fais
chimiothérapie, chirurgie ambulatoire, oncologie et soins palliatifs.
Donc ma 3ème année était vraiment fixée
sur mon projet professionnel sauf chirurgie ambulatoire mais j'ai quand
même vu tout ce qui était pose de PAC. C'était mon projet
professionnel et du coup j'ai fais ma 3ème année en
fonction.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
Alala ... bin ... c'est un truc en nous ! Qui provoque un ...
comment dire ... j'arrive à dire, il n'y a pas vraiment une
définition. C'est propre à chacun, et ... aaah elles sont dures
quand même les questions !!! Euh ... bin c'est un truc qui va toucher une
personne en fonction de son vécu et une chose qui ne va pas provoquer la
même chose d'une personne à une autre. C'est propre à
chacun quoi.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Oui ! Après moi je ne fais pas les consultations
d'annonce ! Donc moi les personnes quand elles arrivent, elles savent
déjà qu'elles ont un cancer. Donc voilà, disons qu'il y a
une consultation d'annonce aussi mais disons qu'elles ont déjà eu
un premier abord avant.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Bin, pendant les 1ères cures, il y en a qui sont encore
dans le déni donc on leur explique. Après ils sont dans le
déni mais ... comment expliquer ... ils ne posent pas de question ! Puis
après les patients qui ne sont pas dans le déni, ils ne posent
pas de question, en faite, les gens qui sont ici ils ne posent pas de question.
Si ils ne parlent pas de leur maladie, on ne leur en parle pas ou alors si on
en parle c'est entre les chimios pour savoir comment ça s'est
passé ou alors quand ils ont un scanner : « alors le scanner a
donné quoi ? ». Quand on leur annonce que le traitement fonctionne
bien, bin du coup, on est content avec eux ! Par contre quand ce n'est pas bon
et du coup là c'est sur c'est moins évident, du coup ils sont
plus négatifs on va dire.
XVI
Et du coup, quand le patient est négatif quelle
est votre réaction face à lui ?
Bin, on essaie de le rassurer. On lui explique que le
médecin va tout faire pour trouver un autre traitement, qu'il n'est pas
tout seul quoi ...
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Bin personnellement, je suis là depuis Août et
j'ai encore eu 0 formation sur ça donc je dirai non !
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
Oui, parce qu'on est humain mais après on met des
barrières.
Je vais pas dire de la tristesse ou ... enfin ... comment dire
... euh ... je ne sais plus le mot exact ! Pas qu'on se met à leur place
mais enfin ... Je suis empathique !
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Après, je n'ai pas encore assez d'expérience !
Comment repérez-vous vos émotions ?
Alors là ... ah et puis moi je ne suis pas expressive
alors ... Moi je vais toujours dire tout va bien ! Moi je n'ai pas tellement
d'émotions dans l'annonce d'un diagnostic de cancer, c'est plus lorsque
j'apprends des décès de mes patients, tu vois comme cette
semaine, j'ai appris deux décès de mes patients et donc là
oui j'ai réagi, j'étais triste ! Mais sinon dans l'annonce d'un
diagnostic, je n'ai pas l'impression d'avoir déjà eu des
émotions. Après, je travaille ici en chimiothérapie et je
sais très bien que le patient va mourir ! Donc ce n'est pas pareil comme
si que tu travailles dans un service ou un EHPAD et que tu apprends qu'un de
tes patients à un cancer ! Ce n'est pas la même chose ! On le sait
là ! Puis on ne les connait pas vraiment, on les connait PARCE QU'ILS
ont le cancer ! On ne les connait pas à l'avance en fait !
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
XVII
Ah oui ! Franchement ici oui ! Même les médecins
!
Je vais même expliquer une petite anecdote : j'ai un
patient qui est décédé à cause d'une chimio, et
c'était une chimio que j'avais posé donc je me sentais un peu
coupable, et le médecin m'a carrément rassuré, puis il y a
une psychologue et tout ici ! Donc le médecin m'a rassuré, il m'a
dit que ce n'était pas de ma faute. Même si je le sais que ce
n'est pas de ma faute mais pour déculpabiliser, il m'a dit de toute
façon, ça aurait été toi qui l'aurait mis ou pas il
serait décédé. Donc même les médecins ici
sont bien franchement ici tout le monde est bien. C'est un bon service ici.
Même avec les patients.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Oui, parce que moi je n'ai pas encore assez de recul.
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ?
Oui ! Puisque moi comme je suis jeune diplômée,
je prends encore toutes les choses à coeur qu'eux ils en ont tellement
vus que à force, bin c'est pas qu'ils s'en foutent, je ne vais dire
qu'ils s'en foutent mais ils prennent moins sur eux en faite. Il arrive
à mettre des barrières. Alors que moi quand je rentre chez moi,
je pense encore à mes patients tu vois ! Et eux ils rentrent chez eux,
ils pensent à leur vie quoi.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Bin, peut-être sûrement, mais je ne les connais pas
en tout cas.
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ? Moi je n'annonce pas
forcément le cancer.
Ah pour contre là, oui, quand ce sont des patients qui
sont déjà venus et qui reviennent là oui, ça me
touche un peu plus ! Parce qu'ils ont été guéris et pour
finir ils reviennent donc je les revois, je suis forcément un peu
déçue de les revoir parce que je me dis ah punaise il va falloir
se battre à nouveau. Que les nouveaux qui ont un premier cancer, bin on
ne les connait pas donc ce n'est pas pareil. Que nos anciens qui reviennent euh
...
XVIII
IDE 5
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
? Je suis infirmier depuis 2006, j'ai 41 ans.
Mon parcours professionnel, bon, déjà avant
d'être infirmier, j'ai eu d'autres emplois, j'ai travaillé un peu
dans l'enseignement mais pas beaucoup et beaucoup par contre en
hôtellerie.
Mon parcours infirmier donc, j'ai d'abord commencer aux
urgences, puis en chirurgie uro-viscéral ensuite dans le pôle de
remplacement médecine et en hôpital de jour ensuite donc
oncologie, depuis maintenant, bin depuis le début d'année je suis
infirmier de coordination en cancérologie. Donc dans la coordination,
ça inclut le dispositif d'annonce.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
Une émotion, c'est un ressenti, enfin ça part
toujours d'un ressenti qui peut plus ou moins prendre des proportions
étrangères à d'habitude. Par exemple : en entendant
quelque chose ou en voyant quelque chose, on ressent donc c'est ce que j'ai dis
ça part d'un ressenti, on ressent quelque chose face à ce que
l'on a vu ou entendu ou toucher enfin tous les sens sont en action et cette
émotion peut prendre plus ou moins des proportions différentes
selon les personnes.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Ah bin oui, moi tout le temps, je rencontre chaque patient. Je
rencontre plusieurs patients par jour.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Bin, moi mon rôle consiste à l'annonce et
à l'explication donc alors je ne vais pas dire que je ne ressens pas
d'émotion mais moi, ce n'est pas trop des émotions liées
à l'annonce proprement dites, ce sont plus des émotions
liées à l'histoire de vie, à l'histoire de la maladie.
Alors l'histoire de vie bin ça peut être euh, alors ça va
de tout, moi j'ai les confessions des patients dans ces moments-là ! Les
gens transfèrent beaucoup lors d'une annonce, leurs problèmes
personnels enfin ils font des transferts de leurs problèmes personnels
vers leur maladie. Je prends deux exemples qui ce sont déroulés
là ces jours-ci, une dame qui s'est écroulée, en pleurant,
avec des signes de colère, qui peuvent être
XIX
associé à une des phase de la maladie, mais qui
pour le coup était plus, en discutant avec elle bien-sûr, on
s'aperçoit de ça ; elle c'était plus une libération
de la parole parce que en faite, c'était une femme battue donc, elle
s'est écroulée plus par rapport à son ... bin l'annonce de
la maladie a fait qu'elle a eu besoin de parler de ça et de
réagir par rapport à ce problème, qui, jusqu'à lors
était un problème interne à elle, elle conservait tout en
elle, ses enfants, sa famille, ses amis n'étaient pas au courant, les
voisins non plus. Et là elle a eu le besoin d'exploser ça.
Un autre exemple, c'est euh, une personne isolée qui
vit dans la plus grande précarité voire plus que la
précarité donc ça ce sont des éléments qui
me touche. Et moi mes émotions, elles sont accès vers des choses
comme ça que vers l'annonce en faite, proprement dites. Je pense que
c'est pour ça, enfin ce n'est pas pour ça mais c'est une des
raison je pense, pour laquelle j'ai été choisi à un moment
donné pour faire ça. C'est que ... Alors je ne peux pas dire que
je n'ai pas d'émotion en annonçant tout ça à des
gens mais euh, je le fais de la manière la plus simple possible,
adaptée à la personne mais moi c'est plus vraiment tout le
contexte qui m'apporte des émotions mais pas l'annonce même. C'est
bizarre de penser mais, c'est comme ça !
Mais du coup vous avez quels types d'émotions
?
Bin, c'est contrariant ! C'est triste quand même de voir
tout ça et de voir que bin, euh, des gens ont la parole
libérée justement, pas quand il le faudrait mais quand il y a un
déclic comme la maladie qui fait que les gens ont besoin de parler de
leur problème en faite ! C'est limite dommage d'attendre ça pour
essayer de trouver des solutions et c'est toujours des contextes très
délicats alors bon, bin heureusement on n'est pas tout seul, il y a des
assistantes sociales, il y a des psychologues, voilà tout un tas de
professionnels qui peuvent intervenir après c'est à moi, c'est
une de mes fonction d'orienter le patient vers le bon professionnel qui va
l'aider à régler les problèmes annexes pour pouvoir au
mieux gérer sa maladie et son traitement après c'est ça,
ça en découle finalement.
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Non. Je crois qu'on ne peut jamais être
préparé à tout. Ce n'est pas possible je pense. Et
à chaque fois, moi j'ai souvent dit, moi je crois que là j'ai
fais le tour, j'ai tout vu, j'ai tout entendu et bin j'ai toujours des
surprises quand même. Il y a quelque temps aussi j'ai eu une patiente par
exemple qui, euh... donc pareil c'était un conflit familial, et le mari
téléphonait dans le service parce qu'il ne voulait pas croire que
sa femme faisait de la chimio parce qu'avec son protocole, elle ne perdait pas
ses cheveux. Et comme elle allait bien, tolérait bien ses cures et ne
perdait pas ses cheveux, donc lui il pensait qu'elle mentait et
XX
qu'elle voyait un amant ! Donc il a débarqué
ici, pour voir si elle était vraiment là à son
rendez-vous. Et bon, elle était vraiment là à son
rendez-vous. Et voilà, et elle bin, forcément pareil quoi, elle
nous a parlé de lui et ça ne se passait pas très
très à la maison non plus. Il y a tout un contexte comme
ça, nous les gens ici on a la chance c'est qu'on les connait, on les
suit pendant tout leur parcours de l'annonce jusqu'à la guérison
ou la rémission ou les deux ou bin jusqu'au décès par
exemple aussi et on crée avec eux, une vraie relation et du coup les
gens nous parlent plus facilement que lorsqu'ils sont hospitalisés dans
un secteur conventionnel.
Je voulais savoir aussi pour rentrer donc dans la
consultation d'annonce, vous avez eu une formation ?
Alors j'ai eu une formation il y a quelques années
déjà : dispositif d'annonce mais en faite en formation, on nous a
surtout appris, qu'il n'y avait pas de formation pour ça. Donc on a plus
exploré des exemples, des choses un peu basiques qu'on peut apprendre
par exemple : il y a des patients qui ne veulent pas entendre le mot cancer,
bon bin voilà, on se met à leur niveau et on parle de ce que les
gens connaissent et on ne va pas très loin et finalement je me suis
rendu compte avec le temps que tout ça, ça n'existe pas en faite,
les gens pour eux c'est très très clair au final. Et moi, je n'ai
jamais eu de toute ma carrière depuis 2006, un patient, jamais un seul
qui me dit qu'il n'était pas au courant.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
Comme j'ai dis tout à l'heure, c'est plus vraiment tout
le contexte qui fait que j'ai des émotions.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Ah mais tout à fait ! Alors moi, quand j'ai
commencé en 2006 dans le service, j'ai commencé en même
temps qu'une autre personne, on a commencé à deux. Et, euh, quand
on a commencé, donc la 2ème personne par exemple,
c'est vrai qu'elle ne voulait pas venir travailler ici, ça
c'était déjà très clairement exprimé. Et en
sortant, elle pleurait beaucoup par exemple. Ce n'était pas du tout le
service dans lequel elle se voyait. Donc forcément, oui je peux
comprendre qu'il y a des gens pour qui c'est plus difficile de venir travailler
ici émotionnellement oui, je peux le comprendre.
Comment repérez-vous vos émotions
?
PAR LA RAGE !!! (rires) Je crois qu'on peut le dire !
XXI
Euh, c'est un peu compliqué, je crois que c'est
après, enfin je crois que c'est plus quand on en parle entre
collègues. Quand on se raconte une anecdote avec les collègues,
parce qu'on en parle, on fait le tour, et je pense que quand on en parle
ça prouve qu'il y a un ... bin nous on discute beaucoup entre nous,
dès qu'il y a un soucis par exemple on en parle, dès qu'il y a
une situation problématique on s'en parle et je pense qu'à partir
du moment où on est poussé à en parler, c'est que pour
moi, c'est ça, c'est le côté j'ai repéré
qu'il y a un problème émotionnel en moi euh, quand j'ai besoin
d'en parler en faite.
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
Oui, je déteste rentrer chez moi après le
travail. Parce que chez moi je ne suis pas infirmier. Chez moi je suis chez moi
quoi. Et donc du coup, quand j'ai terminé mon poste bin j'aime bien
toujours faire une activité tous les jours. Je fais ça tous les
jours. Après le travail, donc ça peut être des trucs
basiques, je vais aller faire des courses ou je vais aller faire du sport ou je
vais aller faire une promenade ou je vais aller voir quelqu'un de la famille,
des amis ou je ne sais pas mais je ne rentre jamais chez moi directement chez
moi après très rarement. Bon des fois oui, parce que comme tout
le monde, j'ai rien envie de faire mais je coupe en faite. J'ai besoin d'un
« SAS » un peu.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui. Il n'y a pas de soucis avec ça.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Bin oui, euh, l'expérience fait que on gère ses
émotions différemment. L'exemple qui se posait avant, bon, avant
je terminais mon poste, je rentrais chez moi, j'étais en train de
ressasser ma journée mais ça je pense qu'on la tous fait, jeune
diplômé, on la tous fait ! Je rentrais chez moi, et je me
refaisais le film de la journée dans la tête pour voir si je
n'avais rien oublié, pour voir si ce qu'on m'avait dit été
noté, si c'était bien compris. Déjà ça
aujourd'hui, je ne fais plus. Et puis, bin les situations interpellantes me
suivaient un petit peu à la maison par exemple et c'est pour ça
que j'ai mis en place le fait de ne pas rentrer chez moi mais de m'occuper la
tête à faire autre chose. Je l'ai fais assez rapidement, et
ça a très bien marché. Don bin je continue ça et
puis bin l'expérience oui bien sur fait que on
XXII
... avant par exemple quand on parlait de cancer à
quelqu'un, la personne pleurait parce que ça arrive souvent, enfin je ne
savais pas forcément quoi dire puisqu'on est pas préparé
à ça, on est pas formé à tout ça, et
aujourd'hui, avec l'expérience, bin je sais que le patient a le droit de
pleurer, je sais que alors voilà je parle plus des émotions du
patient là. Donc du coup par rapport à ça comment moi je
gère ses émotions et les miennes en même temps du coup,
parce que moi les miennes c'étaient de « l'émotion du
patient je pleure, l'émotion du soignant je ne sais plus quoi faire,
quoi dire ». et bin l'expérience, au total, donne que bin les temps
de pleurs et les temps de silence, bin c'est important ! Et bin, il faut
laisser pleurer le patient, il faut laisser le temps de silence, si il ne parle
pas il ne parle pas, voilà. Et ça c'est important et c'est comme
ça qu'on gère nos émotions ensemble, le soignant et le
soigné.
Et ça vous ai déjà arriver
d'avoir des émotions devant le patient et qu'il s'en rende compte
?
Je n'en ai pas le souvenir. Mais je pense que ça a
dû peut être arriver mais que je ne m'en suis pas rendu compte mais
que peut être que la famille et/ou le patient s'est rendu compte de
quelque chose. Parce que on reste humain je veux dire. Mais, là comme
ça je n'aurai pas d'exemple, ou je ne l'ai pas remarqué ou je ne
m'en souviens plus mais je pense que ça a dû arriver à tout
le monde !
Alors si ! Si c'est vrai, si ! Parce que l'on parle des
émotions tristes, mais il y a aussi les émotions joyeuses aussi,
donc ça dans les émotions joyeuses oui bin là, tout le
temps. Nous on rigole beaucoup avec nos patients, c'est la joie de vivre ici,
on me dit toujours tu travailles dans un service comme ça, ça
doit être triste, bin je dis bin non c'est pas du tout triste quoi on
rigole bien ! Et donc ça oui forcément, bon ça ils s'en
rendent compte de cette joie de vivre, machin tout ça ... Par contre
euh, il y a aussi des ... pas ici pas dans le service ici, mais dans d'autres
secteurs par exemple, oui j'avais des moments de frustrations, de colère
et ça je pense que oui, ils ont du se rendre compte de certaines
choses.
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ? Oui,
complétement.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Bin, je pense que la préparation avant, elle est
importante. Alors, moi j'aime bien c'est, me préparer un peu avant une
annonce, mais surtout après. Je ne vais jamais, alors, après
XXIII
chaque annonce, on a un rapport à écrire, et je
n'écris jamais mon rapport tout de suite après l'annonce. Alors
est-ce que c'est lié aux émotions, bin oui peut être, c'est
peut être pour rester le plus neutre possible. Mais c'est surtout
qu'après une annonce on pourrait écrire un roman quoi et je pense
qu'il faut être synthétique quand même parce que sinon bin,
il faut penser à nos collègues après qui lisent justement
le compte rendu de l'annonce et qui ont besoin de choses très
concrètes. Et ça permet, pour moi en tout cas, c'est ma
méthode, attendre un peu, alors quand je dis attendre un peu ce n'est
pas 15 jours, ça se fait dans la journée bien-sûr. Attendre
un peu ça permet aussi d'être un peu plus synthétique et de
pouvoir écrire un rapport peut être un peu plus professionnel sans
laisser transparaitre d'émotions et plus carrément des actions.
Pour reprendre les actions de tout à l'heure, bon, bin, simplement noter
que l'assistante sociale a été prévenue parce que la dame
souhaite trouver un logement parce qu'elle est battue chez elle, enfin
voilà. Donc qu'il y a des actions, en tout cas, sociales qui sont mises
en place. Ce sont plus des choses comme ça.
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
Bin, je crois que, non c'est vraiment ça en faite,
c'est ce que je disais tout à l'heure c'est vraiment d'insister sur le
point que on croit toujours être passé par toutes les
émotions et d'avoir tout entendu, et à chaque fois il y a des
nouveautés et qu'on ne sait pas comment un jour on pourrait avoir,
à gérer une émotion de quelques choses d'inconnu quoi.
Bon, pour aller plus loin, on a nos patients mais on a aussi
nos proches ... Et moi, j'ai dû annoncer le cancer de ma soeur par
exemple aussi dans le cadre de ma profession mais c'est quand même ma
soeur donc, et comme bin en coordination, bin on est tout seul, (petit soupir)
bin ce n'est pas quelqu'un d'autres, ce n'est pas un de mes collègue qui
peut le faire quoi donc voilà. Et du coup, bin oui il faut faire
ça aussi. J'ai mis beaucoup plus de temps à lui annoncer et j'ai
fais la consultation d'annonce dans son salon plutôt que dans mon bureau
ça a été la seule différence après
l'accompagnement a été très différent aussi parce
que là on est plus infirmier, on est frère, on est
accompagnant.
XXIV
IDE 6
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
Ça fais 18 ans que je suis infirmière, j'ai 40
ans et puis bin parcours professionnel, j'ai commencé en maison de
retraite pendant une petite dizaine d'année, après j'ai
intégré le pôle médecine de l'hôpital quand
j'ai souhaité revenir et j'ai été en pneumologie sur
l'ancien hôpital pendant 5 / 6 ans enfin jusqu'au
déménagement et là je suis en cardiologie pneumologie
depuis l'ouverture du nouvel hôpital.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion
?
C'est un sentiment que l'on ressent sur un moment, un instant
devant une situation qui peut nous poser problème, qui nous ravis. C'est
difficile à dire une émotion, c'est difficile à
décrire, c'est un ressenti, c'est une sensation plus ou moins bonne
selon le type de situation.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Oui, dans le service on en a régulièrement.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
C'est différent, ça dépend si on est
là le jour de l'annonce ou après si ça a été
annoncé au matin et puis que je travaille l'après-midi.
Après tout dépend aussi, moi je fonctionne beaucoup au «
feeling » avec la personne donc il y a des situations qui vont me toucher
certainement plus que d'autres ; selon la jeunesse, selon la gravité.
C'est assez variable, c'est sur il y a certaines situations qui nous toucheront
plus d'autres qui, ne nous laisserons pas insensible mais je serai moins
marquée. Tout dépendra de la personne qui est dans le lit et de
son vécu, de comment on l'a géré avant, quelle
était notre relation avec elle avant cette annonce ...
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Des formations, il y en a pas vraiment, il en existe mais moi
je ne les ai pas vraiment faites. C'est surtout avec l'expérience, au
fur et à mesure des années que je me suis formée et que je
me suis « habituée », préparée à ce type
d'entretien, de situations. Après oui, si j'en ressentais le besoin je
pense qu'il y aurait certainement des formations qui sont proposées
XXV
par l'hôpital après il n'y a une formation
spécifique « comment réagir face à l'annonce d'un
cancer pour un patient ». Je ne m'y pas inscrite quoi, il y a
différentes groupes, parfois différentes formations qui
reviennent sur ce sujet.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
C'est que je disais un peu tout à l'heure, il y a des
situations qui vont me marquer plus que d'autres ! Tout dépend si la
personne c'est quelqu'un de jeune, une mère de famille, un père,
enfin ils nous marquent tous plus ou moins mais ... les émotions vont
être de différents degrés donc oui je ressens, on n'est pas
insensible après on se protège par rapport à ça
mais oui les émotions on les a, elles sont plus ou moins importantes et
plus ou moins fortes en fonction de la personne qu'on a en face.
C'est de la compassion, de la tristesse, de l'empathie
vis-à-vis de la personne. Ce n'est pas de l'identification, on ne se met
pas à la place de la personne mais ... on fait un transfert sans en
être vraiment un car si on commence à faire des transferts, on ne
s'en sort plus ... mais bon on peut se mettre pendant quelques minutes,
quelques instants. Ça m'est déjà arrivé de me dire
« bin mince, si c'est moi qui étais dans le lit, ou dans le
fauteuil, et que j'avais le médecin en face de moi ... » donc oui
c'est un transfert sur le coup parce que ... mais bon ... après il faut
savoir passer à autre chose. Enfin moi j'arrive à le faire, tout
le monde ne le fera peut-être pas pareil mais c'est surtout ça, de
l'empathie, de la compassion et puis ne pas se retrancher que derrière
le rôle de soignant, d'infirmière surtout pour les mauvaises
nouvelles.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
C'est par rapport à l'âge du patient, si le
patient est jeune. Même si là ça fait un moment que je n'en
ai pas vu vraiment des jeunes jeunes, c'est vrai que quand j'étais
à l'ancien hôpital et que j'avais moi-même 33 ans et puis
que tu te retrouves avec un patient qui a 33 ou 34 ans et bien tu te dis
ça pourrais être moi, donc on s'identifie. Je suis plus
frappée lorsque c'est quelqu'un de jeune.
Comment repérez-vous vos émotions
?
Je me connais et puis la situation me marque, ça me
prend un peu à la gorge et j'aurai peut-être envie de verser une
larme, mais après vraiment repérer une émotion, ce n'est
pas évident.
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
XXVI
Le travail émotionnel ... c'est l'expérience qui
le donne au fil du temps. C'est abstrait pour moi, c'est l'expérience
qui fait que oui au fil des années, tu te forges une carapace et puis
voilà tu prends et tu rejettes certains choses. Je sais où sont
mes limites, jusqu'où je peux aller dans une relation avec le patient
qui a eu cette annonce. Quand c'est trop lourd ... et puis parfois tu n'as pas
envie, tu n'es pas disposé à ça, parfois tu as plus envie
de t'investir donc bon ... pour moi un travail émotionnel, c'est
abstrait, je le fais peut-être naturellement sans m'en rendre compte. Je
le vis au fil au feeling. Pour moi franchement, c'est l'expérience.
C'est le feeling qui fait que je me lance sur certaines choses, d'autres je
suis plus en retrait.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui, si quelque chose nous touche plus qu'une autre oui c'est
sûr que l'on trouvera toujours une collègue pour en discuter, une
aide-soignante, une infirmière parfois même les médecins
... Après on est certaines à bien se connaitre depuis un certain
temps donc on parle de toutes ces choses là naturellement et ça
dédramatise la chose et parfois ça part sur le ton pas de
l'humour, pas de la plaisanterie non plus parce qu'on ne peut pas rire de tout
mais voilà on essaie de dédramatiser à fond sur ces
situations là qui nous posent un peu problème parce que sinon on
encaisse tout et la soupape saute tôt ou tard ! Il n'y a pas de soucis si
on veut en discuter.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Oui oui. L'âge faisant et les années de
métier font que ... bin oui, je m'améliore enfin améliorer
c'est un bien grand mot mais on apprend à se protéger, on apprend
à se préserver, on apprend à prendre les émotions
des patients, à les accepter donc oui. Ou même si on apprend
ça reste toujours quand même au moment ou la situation qui fait
qu'il y aura toujours une mise en difficulté par rapport à une
situation et là je me dis mince, je n'aurai pas du faire ça ou
j'y réfléchis après. Parfois, il y a encore des choses
plusieurs années après qui peuvent te faire
réfléchir et te dire « ah bin oui si j'avais fait à
l'époque ... ». Voilà, c'est l'expérience qui fait
que...
XXVII
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ?
Oui, pour moi ça c'est indéniable et maintenant
même comme je suis l'une des plus ancienne du service en tant
qu'infirmière, c'est vrai qu'on a beaucoup de jeunes
diplômées et souvent c'est notre rôle aussi de leur dire
« bin ne t'inquiète pas, oui ça te fait mal au coeur mais tu
verras avec le temps, tu seras moins ... pas moins touché » parce
qu'il faut quand même qu'il y est encore cette émotion-là,
que ça nous touche quand même sinon après on devient
insensible mais oui l'expérience c'est sur c'est quelque chose
important.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Peut-être que oui, mais lesquels ...
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ?
Il n'y a pas vraiment de recette miracle, le tout c'est
d'être bien à l'écoute et aussi accepter que le patient ne
veuille pas discuter, ne soit pas capable de discuter parce que lui il a un
trop plein d'émotions et il faut aussi accepter la colère du
patient, mais il faut rester à sa place et selon toi tes
capacités émotionnelles puisque c'est le sujet du jour, ta
capacité toi d'acceptation et puis respecter le rythme de la personne
sur le travail d'écoute, son temps de parole. Alors ce n'est pas
toujours évident surtout dans des services de soins traditionnels comme
nous, on n'est pas une unité dédiée à la
cancéro ou aux soins palliatifs ou à l'annonce du diagnostic ...
Il faut savoir ménager du temps, il n'y a pas de relation miracle et de
prise en charge que l'on trouve dans ces services. Je reviens toujours sur
ça, c'est l'expérience qui fera que tu respecteras le rythme de
ton patient et ton rythme à toi et son rythme à toi et en
principe ça devrait coller... Nous on est touché par certaines
émotions, certains types comme je disais en début d'entretien des
gens nous touchent plus que d'autres, qui nous rappellent quelqu'un de la
famille, un ami ... et eux aussi on ne peut pas les obliger à se confier
quand ils n'ont pas envie ou quand la relation n'est pas instaurée et
fiable. Ça il faut avoir l'expérience, pour moi c'est le terme.
C'est les années qui font ...
XXVIII
IDE 7
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
? Depuis Août 2018, j'ai 24 ans.
J'ai fais beaucoup de stages différents : en
traumatologie, en EHPAD, aux urgences, en pédiatrie, en
maternité, en néonat et ensuite j'ai travaillé en EHPAD
pendant 2 mois, ensuite je suis allée en gériatrie et là
je suis en pneumologie depuis 1 mois.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion ?
C'est quelque chose que l'on ressent qui peut être positif
comme négatif. Etes-vous souvent confronter à
l'annonce d'un diagnostic de cancer ? Comme je suis jeune
diplômée, j'ai très peu été confronté
à cela.
Mais ça vous ai déjà arrivé
de rencontrer un patient qui avait reçu un diagnostic de cancer ou qui
avait le cancer ?
Oui.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ? Euh ... bin ... comme
avec tous les autres patients.
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Non, pas pour moi déjà.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce d'un
diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
C'est plus des émotions lorsqu'il commence à parler
de sa famille, de comment sa famille va devenir après si il
décède ... C'est dur moralement quand même.
Je ressens de la tristesse.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
C'est le devenir du patient qui me pose problème.
XXIX
Comment repérez-vous vos émotions
?
Je ne sais plus quoi dire, je ne parle plus. Et je
préfère prendre la main de la personne ou faire un geste
plutôt que parler.
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
Je pense que ça revient ce que je viens de dire, je ne
parle pas, je fais des gestes.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui, on en parle. On va boire un café et on en
parle.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Je pense que ça dépend aussi du caractère
de la personne déjà. Après l'expérience c'est sur
ça y fait mais je pense que c'est plutôt déjà la
personne comment elle est à l'extérieur du travail.
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Pensez-vous que l'expérience est un point
fort dans la gestion de vos émotions ? Ça peut
être oui.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Il y a toujours où l'on montre quand même ce que
l'on ressent, on est quand même des personnes humaines donc ... mais oui
par le geste, par le regard. Par la parole aussi, on peut apaiser les mots
...
Avez-vous des informations supplémentaires
à m'apporter à ce sujet ? Comme je débute
c'est un peu compliqué.
XXX
IDE 8
Depuis quand exercez-vous le métier
d'infirmière ?
Quel est votre âge ?
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel
?
J'ai 29 ans, ça fait 6 ans que je suis
infirmière. J'ai d'abord fait le CS c'est-à-dire que j'ai fais un
peu tout les services pendant 2 ans et après je suis arrivée en
cardio pneumo ç fais 4 ans maintenant.
Pour vous, qu'est-ce qu'une émotion ?
C'est un ressenti, ça peut être triste, heureux.
C'est le ressenti sur une situation à un moment donné.
Etes-vous souvent confronter à l'annonce d'un
diagnostic de cancer ?
Tout le temps ! Surtout en pneumo tout le temps.
Comment réagissez-vous lorsque le patient
reçoit son diagnostic de cancer ?
Je suis compatissante tout en restant à ma place et
j'essaie de reformuler les choses, réexpliquer au patient ce qu'il va
lui arriver, quel traitement il va avoir, le pronostic, et toujours repasser
derrière le médecin pour pouvoir bien lui expliquer ce qu'il va
se passer après il ne faut pas non plus être la copine, il ne faut
pas non plus pleurer tout ça parce que bon justement ils ont besoin de
quelqu'un de costaud à ce moment là après ils vont devoir
l'annoncer à leur famille.
Bénéficiez-vous suffisamment de
formation vous permettant d'être préparé à l'annonce
d'un cancer ?
Bin moi j'avoue que j'avais été accepté
sur une formation qui se passait à Paris pendant 3 jours ce
n'était pas forcément sur le cancer mais c'était sur
l'annonce d'un diagnostic difficile mais bon j'ai été enceinte
donc ce n'est pas moi qui y est allée, c'est un collègue à
moi mais sinon si on le demande en général la formation est
acceptée.
Avez-vous des émotions lors de l'annonce
d'un diagnostic de cancer au patient ? Si oui, quelles sont les types
d'émotions que vous éprouvez ?
En général, c'est plutôt la tristesse et
un peu de colère quand même parce que les gens ne méritent
pas ça et puis de l'incompréhension. Après, on en voit
tellement que ... je ne dis pas qu'on est insensible ; il y a beaucoup de
facteurs qui rentrent en compte, je ne dis pas
XXXI
que si c'est une personne âgée c'est moins triste
mais je veux dire l'impact n'est pas le même quand c'est un jeune qui a
encore des enfants, qui va subir un traitement...qu'une personne
âgée qui ne va pas subir de traitement et qui va continuer la fin
de sa vie qui a déjà vécue 80 ans ... c'est
différent pour moi.
Lorsque vous avez des difficultés lors de la
gestion de vos émotions, comprenez-vous ce qui pose problème ?
Ça m'est déjà arrivé plusieurs
fois, donc quand c'est comme ça, de toute façon on est seul, on
est toujours avec le médecin, on ne comprend pas beaucoup de choses mais
bon ... Parce qu'eux, ils sont plutôt stoïque quand ils annoncent un
diagnostic. Donc heureusement qu'on a nos collègues tout ça parce
que c'est vrai qu'on n'a pas d'aide nous les soignants parce que parfois on a
quand même des situations assez difficile, après on a notre
vécu aussi parce que le cancer ça n'arrive pas qu'aux autres ! Et
donc c'est vrai que parfois ça nous rapporte à des situations un
petit peu difficiles.
Comment repérez-vous vos émotions
?
(rires) Ah bin moi ça monte tout de suite ! Moi je
pleure vite alors ... Puis je le sens tout de suite quand ça ne va pas
aller donc j'ai le temps de sortir de la pièce et de laisser le
médecin continuer ou de trouver une excuse et m'en aller.
Faites-vous un travail émotionnel ? Si oui,
comment faites-vous ?
Je ne sais pas si je fais vraiment un travail
émotionnel mais je pense qu'avec le temps déjà aussi on se
forge mais parce qu'au début j'allais aux enterrements des
décès et tout ... Donc je me suis fais un peu disputer par un
médecin donc je tairais le nom parce qu'il m'a dit qu'il faut vraiment
séparer ... bon c'est difficile eux, ils y arrivent plus que nous. Parce
que déjà nous on a plus contact avec la famille et on connait
plus l'intérieur, encore maintenant à l'extérieur, on
rencontre des familles voilà, ils reconnaissent tout de suite, ce sont
nous les derniers visages qu'ils voient au décès de leur proche
donc c'est pas évident.
Si vous éprouvez des émotions
négatives durant votre poste de travail, êtes-vous soutenue par
vos collègues ?
Oui, on parle ensemble.
(Si l'IDE a moins de 5 ans dans le domaine),
pensez-vous que vous avez plus de difficultés à gérer vos
émotions qu'une infirmière ayant plus d'expérience que
vous lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
XXXII
(Si l'IDE a plus de 5 ans dans le domaine), au fil
de vos postes de travail, avez-vous remarqué une amélioration
dans la gestion de vos émotions ? Si oui, quelle(s) peut(vent)
être la(les) raison(s) ?
Oui c'est sûr, parce qu'avec l'expérience
déjà et aussi avec l'expérience on apprend à faire
la part des choses avec les pathologies qui peuvent être guéris et
les pathologies où il ne faut pas faire souffrir les gens. Quand les
gens nous disent je veux partir parce que j'ai vécu ça, ça
et ça ... Donc on apprend à faire la différence surtout
avec les cancers, les gens qui sont en bout de course, je ne dis qu'on
préfère les voir partir mais c'est différent, c'est un
accompagnement. Quand on les accompagne, c'est plus facile pour nous de
gérer nos émotions que quand c'est un décès
subit.
Pensez-vous que l'expérience est un point fort
dans la gestion de vos émotions ? Oui je pense qu'avec le
temps on se forge.
D'après vous, existe-il des moyens de
gérer vos émotions lors de l'annonce d'un diagnostic de cancer ?
Franchement je ne pense pas à moins d'avoir un coeur de
pierre mais non je ne pense pas. Avez-vous des informations
supplémentaires à m'apporter à ce sujet ?
Ce qui serait pour nous les soignants c'est aussi d'avoir un
... ça existe dans les unités de soins palliatifs ils font des
« palliatocafé » mais sur des moments difficiles on n'a pas
trop le temps de voir claire et on n'a pas de suivi nous les soignants. Je
trouve que parfois c'est bien aussi, puis nos collègues médicaux,
les médecins, ils ne nous disent pas est-ce que ça a
été ... On ne se sent pas très entouré quoi ...
puis après eux ils sortent de la chambre puis c'est nous qui devons
réexpliquer à la personne et toute la journée c'est nous
qui « subissons » l'annonce à la famille donc, les pleurs des
familles, les incompréhensions. C'est à nous de faire l'annonce
à la famille, heureusement maintenant il y a l'équipe mobile de
soins d'accompagnement qui permet aussi de faire les annonces aux familles,
mais ils veulent toujours que l'on soit présent donc au final on est
toujours là ...
On peut consulter la psychologue mais il faut faire appel
à la médecine du travail.
Pour revenir à l'équipe mobile de soins
d'accompagnement, après 17 heures, elle n'est plus là donc il
faut gérer les gens, le week-end, elle n'est pas là non plus,
donc ça fais beaucoup de moment où on se retrouve seul devant le
patient qui est démuni.
Résumé
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Abstract
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Durant mes trois années d'études, j'ai pu
|
During my three years of study, I noticed that
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remarquer que j'étais plus ou moins affectée par
des situations, notamment sur le plan
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I was more or less affected by situations,
especially emotionally. Thus, the
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émotionnel. Ainsi, l'annonce d'un diagnostic
|
announcement of a diagnosis of cancer
|
de cancer m'a plus particulièrement touché,
c'est donc pour cela que j'ai décidé de réaliser
|
particularly affected me, so that's why I decided to do my
final work on this topic.
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mon travail de fin d'étude sur ce sujet.
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So I asked the following question : "How
|
J'ai donc posé la question de départ suivante :
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does the announcement of a cancer diagnosis
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« en quoi l'annonce d'un diagnostic de cancer
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have an impact on the patient - nurse
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a un impact sur la relation soignant -
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relationship ? "
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soigné ? »
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To carry out this work, I conducted research
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Pour effectuer ce travail, j'ai réalisé des
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on differents topic areas : cancer, the
|
recherches sur différentes notions : le cancer, le
dispositif d'annonce, la relation soignant-
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announcement device, the patient - nurse relationship, the
emotions, the experience, the
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soigné, les émotions, l'expérience, la
distance
|
professional distance ...
|
professionnelle ...
|
As a result of this research, I was able to make
|
À la suite de ces recherches, j'ai pu émettre
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a general hypothesis that "the experience
|
une hypothèse générale qui est «
l'expérience
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would have an impact on the caregivers
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aurait une influence sur la gestion des
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management of emotions, when announcing a
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émotions du soignant lors de l'annonce d'un
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cancer diagnosis".
|
diagnostic de cancer ».
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To validate or reject this hypothesis, I
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Afin de valider ou de rejeter cette hypothèse,
j'ai effectué des entretiens semi-directifs
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conducted semi-structured interviews with eight nurses with a
little or a lot of experience.
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auprès de huit infirmiers ayant plus ou moins
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To concluded, the results show that having
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d'expérience.
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more experience, is a strong point in
|
En effet, ceux-ci nous démontrent que
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caregivers being able to manage their own
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l'expérience est un point fort dans la gestion des
émotions du soignant.
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emotions.
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Mots-clés : cancer, dispositif d'annonce,
relation soignant-soigné, distance
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Keywords : cancer, announcement device, patient - nurse
relationship, professional
|
professionnelle, expérience, émotions.
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distance, experience, emotions.
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