1
Institut Supérieur de Rééducation
Psychomotrice
Contention et Psychomotricité
Intérêt du soin psychomoteur dans une
unité de soins intensifs en psychiatrie
adulte
Mémoire présenté par Louise Lozano
Piccolo en vue de l'obtention du Diplôme d'État de
Psychomotricien
Référent de Mémoire :
Loïc MASCROISIER Paris, Session 2019
2
Institut Supérieur de Rééducation
Psychomotrice
Contention et Psychomotricité
Intérêt du soin psychomoteur dans une
unité de soins intensifs en psychiatrie
adulte
Mémoire présenté par Louise Lozano
Piccolo en vue de l'obtention du Diplôme d'État de
Psychomotricien
3
Référent de Mémoire :
Loïc MASCROISIER Paris, Session 2019
4
Remerciements
Je tiens avant tout à remercier les patients que j'ai
rencontré, qui m'ont appris beaucoup sur la souffrance, mais
également le courage. A qui je témoigne mon respect et mon
admiration les plus profonds. Sans me tromper, je ne pense pas avoir pu
traduire la complexité de leur identité et de leurs
problématiques. Seulement, j'espère avoir pu rendre hommage
à leur humanité.
Je remercie tout particulièrement Loïc MASCROISIER
qui m'a ouvert les portes de la connaissance, pour la richesse des
questionnements professionnels et humains dont il m'a fait profiter.
Je tiens à remercier Laura NARDEUX qui m'a accueilli avec
chaleur et bienveillance, pour son écoute attentive et ses
précieux conseils tout au long de cette année.
Je remercie chaleureusement toutes les personnes de
l'équipe pluridisciplinaire de L'Unité Intersectorielle de Soins
Intensifs (UISI) de l'Hôpital Henri Ey, qui m'ont accompagné
professionnellement et humainement dans ma formation. Pour la confiance qu'ils
m'ont accordée et l'intérêt croissant qu'ils ont
témoigné pour mon travail. Pour la simplicité avec
laquelle tous les corps professionnels m'ont apporté des regards
différents et riches de sens.
Je remercie également l'équipe du
5ème secteur de santé mentale de Paris, avec qui j'ai
partagé avec plaisir et passion le quotidien des enjeux du secteur. Pour
leurs questionnements qui m'ont considérablement aidé à
faire avancer mes réflexions.
Je remercie le Docteur Liova YON et le Docteur Jean-Daniel
LELIEVRE qui m'ont ouvert les portes de la psychiatrie et sans qui ce voyage
n'aurait pas été possible.
Enfin je remercie ma famille et mes amis aux horizons
variés, pour leur soutien et leur compréhension. Catherine pour
sa relecture éclairante.
5
« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la
folie, c'est l'homme même qui disparaît. »
François Tosquelles
6
Table des matières
1
|
INTRODUCTION
|
9
|
2
|
THEORIE
|
11
|
|
2.1
|
L'UNITE INTERSECTORIELLE DE SOINS INTENSIFS (UISI)
|
11
|
|
2.1.1
|
Historique
|
11
|
|
2.1.2
|
Description de l'unité
|
12
|
|
2.1.3
|
Description des professionnels de l'unité et
organisation du service
|
13
|
|
2.1.4
|
Critères d'indications et patients accueillis
|
13
|
|
2.2
|
LES MALADIES PSYCHIATRIQUES
|
14
|
|
2.2.1
|
Les troubles schizophréniques
|
15
|
|
2.2.2
|
Les troubles bipolaires
|
16
|
|
2.2.3
|
Traitements pharmacologiques
|
17
|
|
2.2.4
|
Symptomatologie psychiatrique à l'UISI
|
19
|
|
2.3
|
LA CONTENTION EN PSYCHIATRIE
|
21
|
|
2.3.1
|
La contention - aspect règlementaire
|
22
|
|
2.3.2
|
La contention - aspect clinique
|
23
|
|
2.3.3
|
La contention symbolique
|
24
|
|
2.3.4
|
Les contentions chimiques
|
24
|
|
2.3.5
|
Les contentions environnementales
|
25
|
|
2.3.6
|
Les contentions mécaniques
|
26
|
|
2.4
|
APPORTS DU SOIN PSYCHOMOTEUR
|
28
|
|
2.4.1
|
Le cadre des prises en charges
|
29
|
|
2.4.2
|
L'objectif des stimulations psychomotrices
|
30
|
|
2.4.1
|
La proprioception
|
31
|
|
2.4.2
|
Schéma corporel et Image du corps
|
31
|
|
2.4.3
|
Le schéma corporel
|
32
|
|
2.4.4
|
Image du corps
|
33
|
|
2.4.5
|
La contenance
|
36
|
|
2.4.6
|
Les enveloppes psychiques
|
37
|
|
2.4.7
|
Le dialogue tonique
|
39
|
|
2.4.8
|
La respiration
|
40
|
3
|
CLINIQUE
|
42
|
|
3.1
MADAME A - TABLEAU D'UNE REGRESSION
|
42
|
7
3.1.1 Anamnèse 42
3.1.2 Traitements 43
3.1.3 Bilan d'observation 44
3.1.4 Projet thérapeutique 45
3.1.5 Prise en charge en psychomotricité 46
3.2 MONSIEUR K - CREER UN ESPACE D'ECHANGE 50
3.2.1 Anamnèse 50
3.2.2 Traitements 51
3.2.3 Bilan 52
3.2.4 Projet thérapeutique 54
3.2.5 Prise en charge en psychomotricité 55
3.3 MONSIEUR N - RETROUVER UNE MAITRISE CORPORELLE 57
3.3.1 Anamnèse 57
3.3.2 Traitements 58
3.3.3 Bilan d'observation 59
3.3.4 Projet thérapeutique 60
3.3.5 Prise en charge en psychomotricité 61
3.4 MONSIEUR M - UNE PRISE EN CHARGE EN URGENCE 64
3.4.1 Anamnèse 64
3.4.2 Traitements 64
3.4.3 Prise en charge en psychomotricité 65
4 DISCUSSION 69
4.1 PSYCHOMOTRICITE, CONTENTIONS ENVIRONNEMENTALES ET
CONTENTION SYMBOLIQUE 69
4.1.1 La régression thérapeutique 69
4.1.2 La reconstruction 70
4.1.3 Les stimulations 71
4.2 PSYCHOMOTRICITE ET CONTENTIONS PHARMACOLOGIQUES 72
4.2.1 Potentialisation de l'effet du traitement
psychotrope 72
4.2.2 La relaxation 73
4.2.3 Intérêts physiologiques 73
4.2.4 Reconstruction proprioceptive 74
4.3 PSYCHOMOTRICITE ET CONTENTIONS PHYSIQUES 75
4.3.1 Penser la contention 75
4.3.2 Reprise en équipe pluridisciplinaire
76
4.3.1 L'alliance thérapeutique 78
4.3.2 Prise en charge psychomotrices 78
4.4 CONCLUSION 80
5 BIBLIOGRAPHIE 82
8
6 ANNEXES 86
9
1 Introduction
J'ai découvert, dans le cadre de mon stage de
dernière année au sein d'une Unité Intersectorielle de
Soins Intensifs (UISI), les mesures de contention pratiquées en
psychiatrie adulte. Cette unité accueille le débordement des
patients venant déstructurer la relation, à un moment de
l'expression de leur maladie, dite aiguë. J'ai tenté de
réfléchir à ces mesures de derniers recours, leur apport
et leurs indications avant de voir quelle place pourrait avoir le soin
psychomoteur auprès de ces patients en crise.
Historiquement, les notions de contrainte, d'isolement et de
privation de liberté des malades mentaux ont, dans un premier temps,
servi à isoler le malade de la société. Elles ont
évolué au fil des siècles vers des mesures moins
fréquentes et à visée thérapeutique. La notion de
contrainte est étroitement liée à la capacité de la
société de contenir la folie. En effet, le débordement des
patients garde en lui une part subjective, il dépend de
l'interprétation de chacun et sa prise en charge est conditionnée
par la capacité de l'institution à le tolérer ou non.
C'est sans doute dans cet espace d»interprétation que nous pouvons
transformer la violence en intensité et ainsi contenir tout en redonnant
du mouvement. L'unité de soins intensifs a pour particularité de
disposer de plusieurs formes de contention. Premièrement, la contention
symbolique, définie par la loi et les règles de l'unité.
Ensuite, la contention environnementale, correspondant aux moyens
architecturaux mis en place pour restreindre les déplacements du
patient, on peut citer l'unité fermée, mais aussi les chambres
d'isolement. En outre, les contentions chimiques sont amenées par les
traitement pharmacologique prescrits au patient. Et enfin, la contention
mécanique vise, elle, à contraindre les mouvements du patient.
Ces mesures dites de derniers recours sont encore aujourd'hui une source de
questionnements et de réflexions importante pour tous les acteurs du
domaine médical, paramédical, et plus encore, une grande
préoccupation de la société.
Ma réflexion autour de ces différentes
contentions se construit autour de plusieurs questionnements. Tout d'abord :
quelles fonctions thérapeutiques ont chacune des contentions pour
répondre aux débordements des patients ? Mais également,
et surtout, quelle est la place de la psychomotricité en réponse
à ces débordements ?
10
Après l'analyse des pratiques actuelles, nous
réfléchirons à la possibilité de diminuer
l'intensité de l'agitation des patients grâce au soins
psychomoteur, pour raccourcir le temps de contention, pour qu'il soit
non-traumatique et plus utile.
J'ai tenté d'y répondre en observant au
quotidien l'effet de ces mesures sur les patients, le regard qu'ils portent sur
ce moment une fois terminé et en participant aux réflexions
cliniques avec les soignants. La pluridisciplinarité de l'équipe
m'a permis de percevoir dans toutes les situations la multiplicité des
visions et des opinions qui en découlent.
Pour ouvrir ma discussion, je me suis penchée sur les
différentes places du psychomotricien dans chaque forme de contention.
J'ai tenté de réfléchir aux intérêts des
concepts psychomoteurs auprès des patients recevant un traitement
psychotrope, ceux en chambre d'isolement et enfin ceux sous contentions
mécaniques. Je me suis demandé quelle était l'importance
de la réflexion autour du corps et des items psychomoteurs avec
l'équipe. Durant les temps informels, les réflexions
d'équipes, comment la psychomotricité peut-elle aider à
penser le corps de ces patients en souffrance, et le faire exister ?
Nous cherchons à sortir de la sidération que
provoque l'intensité dans laquelle ces patients se trouvent. Pour cela
il faut penser leurs souffrances pour répondre plus humainement, en
donnant un accompagnant adapté aux différentes mesures de
contention et dans le but `arriver à s'approcher, tout en respectant la
sécurité de chacun, redonner une dynamique de mouvement.
Ce sont les patients que j'ai rencontrés, luttant
contre leur souffrance, se faisant déborder, parfois violemment, par des
angoisses qu'ils ne peuvent ni contenir ni se représenter, qui m'ont
amenée à penser et réfléchir ces mesures dites de
dernier recours.
Problématique: Quelle place peut avoir
le soin psychomoteur auprès du patient en soins intensifs en psychiatrie
adulte ?
11
2 Théorie
2.1 L'Unité Intersectorielle de soins intensifs
(UISI)
L'Unité Intersectorielle de Soins Intensifs (UISI)
s'est construite sur la base d'une Unité de Soins Intensifs
Psychiatriques (USIP). Ces USIP sont apparues en France à la fin du
XXème siècle. L'étude menée par Antoine Deguillaume
(2017), dénombre 17 USIP sur le territoire Français. Elles ont
pour mission de délivrer des soins à des patients
considérés comme « agités et perturbateurs »,
incapables de se maintenir en service d'admission et en raison du
caractère aigu et transitoire de leurs symptômes. Ces
unités sont conçues pour être les mieux habilitées
à la prise en charge de l'hétéroagressivité et
l'autoagressivité aigües. Le caractère intensif du soin
apporté dans cette unité peut être mis en parallèle
avec les soins intensifs d'autres spécialités (cardiologie,
pneumologie, pédiatrie...), c'est le lieu pour gérer la crise.
L'unité présente des critères similaires, à savoir,
une forte densitéì médical et
paramédicale de soignants, une surveillance rapprochée et
continue des patients, une dispensation de soins réguliers et de
qualitéì. Ce sont de petites unités,
généralement de dix à quinze lits, permettant de
délivrer des soins cadrants, étayants et sur une courte
durée, maximum deux mois, dans un environnement fermé,
sécuriséì et contenant peu de stimulation. Ce
type de soin est étudiéì à
l'étranger au travers des Psychiatric Intensive Care Units (PICU).
La particularité de l'UISI est d'accueillir des
patients dits « à chaud », venant directement des
unités d'accueil et d'urgence. A la différence des USIP qui
reçoivent uniquement des admissions programmées et
nécessitent de fournir un dossier de pré-admission ainsi qu'un
engagement de reprise par le service d'origine (Le Bihan, Esfandi,
Pagès, Thébault, & Naudet, 2009, p. 141).
2.1.1 Historique
La création des USIP est une des réponses
à la problématique de la violence en milieu psychiatrique. La
réforme de 1972 des soins psychiatriques permise par l'introduction des
neuroleptiques a conduit à une prise en charge de plus en plus
diversifiée et ambulatoire. Elle s'est construite autour des Centres
médico-psychologiques (CMP), des Centres d'accueil thérapeutique
à temps partiel (CATTP), des Hôpitaux de jour (HDJ) et l'ouverture
des unités d'hospitalisation dans une logique d'humanisation et de
respect du patient. L'objectif de cette
12
prise en charge étant de réduire les temps
d'hospitalisation pour permettre aux patients de se réinsérer
dans la société en construisant leur parcours de soins à
l'intérieur de leur environnement d'origine.
Le guide méthodologique de la planification en
santé mentale publie en 1977 les recommandations suivantes dans le
Bulletin Officiel no 88-6 bis, « Dans chaque département au moins,
une unitéì d'hospitalisation à temps complet
doit être conçue pour recevoir, pour des séjours
limités dans le temps, des patients agités et perturbateurs dont
la prise en charge est provisoirement contre-indiquée dans les
unités d'hospitalisation des secteurs, mais qui ne relèvent pas
pour autant d'une Unité pour Malades Difficiles (UMD) » cité
par (Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault, & Naudet, 2009).
Cette unité est donc orientée pour recevoir une symptomatologie
particulière et non des pathologies.
2.1.2 Description de l'unité
L'architecture et l'organisation de l'environnement dans
l'unité sont des éléments essentiels au bon fonctionnement
thérapeutique du soin intensif en psychiatrie. Il est indispensable pour
pouvoir accueillir des patients en soin sans consentement que l'unité
dispose d'un espace commun intérieur suffisant et également d'un
espace extérieur. Le soin sans consentement se doit d'être
pensé de façon à garantir l'intégrité et la
dignité de la personne hospitalisée, ce qui impose de prendre en
compte la qualité de vie et les conditions de sécurité que
doit garantir l'unité. L'unité de soins intensifs se situe au
sixième étage de l'hôpital qui bénéficie d'un
sas d'entrée sécurisé et des mesures de contrôle
d'identité. Elle se compose de 10 chambres dont 4 chambres d'isolement.
Toutes les chambres sont disposées de part et d'autre d'un couloir
traversant l'unité par son milieu. Les chambres d'isolement comportent
trois points d'accès et disposent d'une grande fenêtre dont
l'ouverture est limitée à 10 centimètres. Elles se
composent d'un lit scellé au sol au centre de la pièce afin de
pouvoir circuler et dispenser les soins, d'une salle de bain pouvant être
fermée à clé si besoin contenant un sanitaire, un lavabo
et une douche. Le reste de l'unité est composé d'une salle
commune (télévision, et salle à manger), une terrasse, un
poste de soins, une salle de pause pour le personnel, deux vestiaires, deux
bureaux de consultation, le bureau du cadre de santé de l'unité,
un salon dédié aux familles, une salle de sport, une salle de
bain avec une baignoire et une salle de psychomotricité.
13
2.1.3 Description des professionnels de l'unité et
organisation
du service
L'unité est sous l'autorité du chef de service
assisté d'un cadre de santé. Ils assurent la coordination avec
les services d'origine des patients, et garantissent la bonne mise en oeuvre du
projet de soins individuel du patient. L'équipe pluridisciplinaire
associe psychiatres, internes en psychiatrie, infirmiers, aides-soignants,
agents des services hospitaliers (ASH), psychologues, secrétaires, un
psychomotricien et un cadre de santé pour permettre la prise en charge
globale de chaque individu. Le ratio patient/soignants est supérieur aux
unités fonctionnelles classiques pour favoriser la dimension
relationnelle du soin. Cette unité contient 33 Équivalents Temps
Plein (ETP) pour 10 patients contre 37 ETP pour 22 patients en moyenne dans une
unité de secteur. La cohésion de l'équipe mais
également le travail en concertation sur l'orientation et la
réflexion du projet thérapeutique de l'unité, permettent
d'apporter un soin étayant, contenant et sécurisant aux
patients.
L'équipe pluridisciplinaire travaille en collaboration
avec les soignants des unités d'hospitalisation de secteur des patients.
Le volet social est assuré par les assistantes sociales du secteur
d'origine pour maintenir l'avancée du projet. Elles sont
sollicitées si le patient en fait la demande pour continuer à
construire son projet de vie. La collaboration avec les différentes
unités des secteurs de psychiatrie favorise l'alliance
thérapeutique tout au long du parcours de soins. La dynamique
institutionnelle doit être étayante pour le patient, pour cela il
est important que tous ses acteurs portent un projet commun pour le patient. Ce
projet est discuté au cours des synthèses d'hospitalisation ou
des réunions hebdomadaires dites de concertation, où se
rencontrent l'équipe soignante de l'USI et celle de l'unité
d'hospitalisation de secteur du patient. Elles permettent un partage et un
retour d'informations concernant le patient.
2.1.4 Critères d'indications et patients
accueillis
L'USIS permet de recevoir et de gérer la crise. Elle
reçoit des patients en fonction de leur symptomatologie plutôt que
des pathologies spécifiques. Elle est adaptée à recevoir
des patients « agités et perturbateurs », qui ne peuvent pas
être accueillis dans une unité d'hospitalisation de secteur
classique, en raison du caractère aigu de leurs symptômes. C'est
l'intensité des symptômes, l'agitation, le déni de leur
maladie (anosognosie) avec refus de soins, l'intolérance
14
à la frustration, les passages à l'acte
hétéro- et auto-agressifs et le risque de fugue qui vont rendre
nécessaire l'admission des patients à l'UISI.
L'unité permet également d'accueillir des
patients en séjour de rupture lors d'une impasse thérapeutique ou
en cas de crise institutionnelle. Cette mesure permet aux équipes des
unités de secteurs de se mettre à distance du patient
après un passage à l'acte pour pouvoir continuer sa prise en
charge dans les meilleures conditions possibles. Dans le cas d'une impasse
thérapeutique, le patient bénéficie du cadre
étayant de l'unité et d'ajustements thérapeutiques, le
temps que son unité de secteur puisse repenser son projet de soins.
L'UISI est une unité intersectorielle fermée
accueillant uniquement les patients relevant d'une hospitalisation sans
consentement conformément à la loi du 5 juillet 2011. Ces
hospitalisations sont faites, à la demande d'un tiers (SPDT), à
la demande d'un tiers en urgence (SPDTU), pour péril imminent (SPPI) ou
à la demande d'un représentant de l'état (SPDRE). Ces
modes d'hospitalisation peuvent entrainer de la confusion chez les patients sur
l'origine de l'hospitalisation. Bien qu'elle soit « à la demande
» d'une personne (tiers ou représentant de l'État), ce sont
bien les médecins psychiatres qui décident, au vu des
éléments cliniques, d'une hospitalisation. Et c'est parce que
l'hospitalisation complète constitue une véritable mesure de
privation de liberté, que la loi prévoit le contrôle
systématique par le Juge des Libertés et de la Détention
(JLD) de ces mesures d'hospitalisation. Il doit statuer sur la
conformité administrative de la procédure engagée par les
psychiatres. Les patients peuvent être adressés directement par
les services d'urgence des hôpitaux généraux (SU), les
centres d'accueil et de crise (CAC, CAP, UAI et UIA), le Centre Psychiatrique
d'Orientation et d'Accueil (CPOA), l'Infirmerie Psychiatrique de la
Préfecture de Police (IPPP), ou par les unités d'hospitalisation
de secteur.
2.2 Les maladies Psychiatriques
Selon le diagnostic primaire de la Classification
Internationale des Maladies, 10ème révision (CIM-10), l'UISI
accueille principalement des patients souffrant de troubles mentaux et du
comportement (World Health Organization, 2016). Ce chapitre de la CIM-10
regroupe les schizophrénies et troubles délirants, les troubles
de l'humeur et les troubles liés à l'utilisation de substances
psychoactives. Nous aborderons spécifiquement la schizophrénie et
les troubles bipolaires qui sont les pathologies psychiatriques les plus
fréquemment rencontrées dans l'unité.
15
2.2.1 Les troubles schizophréniques
Les troubles schizophréniques sont multiples et
appartiennent aux psychoses chroniques, ils se caractérisent par la
perte de contact avec la réalité et souvent une anosognosie. Le
terme de schizophrénie vient du grec « schizein »,
signifiant séparer et « phrèn »
désignant l'esprit. Il convient d'envisager la maladie comme la
résultante de l'interaction de plusieurs facteurs,
génétiques, environnementaux, psychosociaux et biologiques
(toxiques, agents traumatiques). On distingue deux types de symptômes
dans les troubles schizophréniques. Les symptômes dits positifs
correspondant à la reconstruction délirante du monde par le
patient, et qui ne sont pas observés chez les personnes en bonne
santé. Les symptômes dits négatifs, correspondent à
un affaiblissement des capacités psychologiques normalement
présentes comprenant, dépression, autisme, repli sur soi. Souvent
les deux types de symptômes coexistent et leur prédominance va
influencer le choix des traitements. Concernant son diagnostic les psychiatres
s'appuient sur deux manuels, le manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux, en anglais Diagnostic et Statistical Manual of Mental Disorders
(DSM-5, 2013) et la Classification Internationale des Maladies, 10ème
révision (CIM-10, 2016)1.
D'après le DSM-5 (2013), le diagnostic de troubles
schizophréniques se fait par un psychiatre, et nécessite la
présence d'au moins deux des symptômes suivants : présence
d'idées délirantes, d'hallucinations, d'un discours
désorganisé, d'un comportement désorganisé ou
catatonique, d'un retrait, de symptômes négatifs et d'autisme,
durant une période d'au moins un mois.
La CIM-10 (2016) place le syndrome dissociatif au centre de la
symptomatologie. Il comprend la dépersonnalisation qui se définit
par une étrangeté à soi-même. Des troubles du cours
de la pensée tels qu'une pensée dissociée, un discours
désorganisé, des phrases sans cohérence, des
persévérations verbales, des barrages
schizophréniques2, un fading mental3 et une
accélération de la pensée. Des troubles des affects tel
qu'un émoussement des affects (athymhormie) qui se caractérisent
par une perte de l'élan vital, un manque de désir, une
dévitalisation. De l'ambivalence où chaque pulsion traduit
à la fois un sentiment et son contraire. Une discordance affective entre
le discours et l'expression des émotions. Nous retrouvons
également des troubles
1 Annexe 3
2 Éclipse de la pensée se traduisant par
l'interruption momentané du discourt
3 Le débit et le volume de la voix ralenti
traduisant un essoufflement de la pensée
16
corporels comme la catatonie4, des raideurs
corporelles, des stéréotypies5, une
déambulation incessante, des paramimies6 comme par exemple
des sourires immotivés, un maniérisme7 et une
échopraxie8.
La CIM-10 (2016) distingue plusieurs formes de troubles
schizophréniques, classées en fonction de l'expression de la
symptomatologie associée. La schizophrénie simple où les
symptômes négatifs sont au premier plan. La schizophrénie
paranoïde, la forme la plus fréquente est
caractérisée par un délire
polythématique9 souvent sous-tendu par des hallucinations.
Dans la schizophrénie catatonique, le patient est figé, il
présente une absence de mouvements volontaires, il est
généralement mutique ou répétant les mêmes
phrases. La schizophrénie dysthimique aussi appelée troubles
schizo-affectifs, présente au moment aigu de l'expression des troubles
des symptômes dépressifs avec risque suicidaire ou au contraire,
des symptômes maniaques. La schizophrénie pseudo-psychopathique ou
héboïdophrénique se caractérise par un comportement
antisocial : agression, délinquance, toxicomanie. Alternant des phases
délirantes avec impulsivité, risques de passage à l'acte
très violent et la présence de symptômes dissociatifs comme
une froideur affective. La schizophrénie
hébéphrénique présente souvent peu de
délire, les malades vivent dans un repli profond, ont un langage
incohérent et paraissent indifférents au monde extérieur
malgré une forte anxiété.
2.2.2 Les troubles bipolaires
Les troubles bipolaires désignent des troubles de
l'humeur cycliques, avec une alternance d'accès mélancoliques et
d'accès maniaques. Selon la durée et l'intensité des
phases mélancoliques et maniaques on peut répertorier plusieurs
troubles bipolaires, les types 1, 2, 3 ainsi que les cycles rapides et les
mixtes.
L'accès mélancolique est une forme
sévère de dépression caractérisée par une
grande tristesse, une asthénie10, un ralentissement
psychomoteur, une dévalorisation, une anhédonie11, une
perte
4 Caractérisé par des périodes de
passivité et de négativisme alternant avec des excitations
soudaines
5 Répétition d'un ou plusieurs gestes ou
mots sans but utile ni intention significative
6 Mouvements du corps discordants par rapport aux
affects
7 Identification à des manières sociales
qui ne correspondent pas au sujet
8 Imitation, répétition des mouvements
de son interlocuteur
9 Concernant plusieurs thèmes
10 Grande fatigue
11 Perte d'intérêt et de plaisir
d'appétit, des troubles du sommeil (insomnie du petit
matin), une anxiété, une somatisation, un
monoïdéisme12, une bradypsychie13, une
bradyphémie14, des troubles de l'attention, de la
mémoire et de la concentration, une hypomimie15, une incurie.
Les symptômes atteignent leur paroxysme le matin et diminuent parfois au
cours de la journée.
L'accès maniaque provoque une perte de contact avec la
réalité et une anosognosie, il est caractérisé par
une excitation psychique, motrice et une exaltation thymique16. Une
tachypsychie17 comprenant des idées extrêmement
rapides, une fuite des idées, passage du coq à l'âne, et
une logorrhée18 intarissable. L'excitation motrice se traduit
par une agitation motrice stérile, une hyperactivité, une
déambulation nocturne, une désinhibition, des achats
inconsidérés et une instabilité motrice. Tandis que
l'exaltation thymique aussi appelée euphorie se traduit par un
ludisme19, un sentiment de toute puissance, une extravagance
physique, une impudeur, une hypermimie, une hyperhédonie20 et
une mégalomanie (Vidal, 2019).
2.2.3 Traitements pharmacologiques
Les traitements pharmacologiques les plus prescrits à
l'UISI sont les neuroleptiques, les thymorégulateurs, les anxiolytiques,
les hypnotiques et les antiparkinsoniens.
Les neuroleptiques sont des
médicaments psychotropes, le premier, découvert en 1951 par Henri
Laborit est la chlorpromazine. Ils agissent principalement sur l'état du
système nerveux central au niveau de la transmission synaptique, ils ont
une action antagoniste en bloquant les récepteurs à la dopamine,
notamment les récepteurs D2. Ils peuvent également avoir une
action sur les systèmes noradrénergiques,
sérotoninergiques, histaminiques, et cholinergiques, leur
pharmacodynamie est détaillée en annexe21. « [Le
système dopaminergique] joue un rôle dans la régulation de
la vie émotionnelle et le contrôle de la motivation, dans la
modulation de la perception, ainsi que dans l'organisation des comportements
adaptatifs. Ces domaines sont
12 Incapacité à penser à
plusieurs choses en même temps
13 Ralentissement psychique, des pensées
14 Ralentissement du débit verbal
15 Faciès figé
16 Concernant l'humeur
17 Excitation psychique
18 Flux de paroles
19 Joueur, blagueur
20 Plaisir excessif
21 Annexe 2
17
18
perturbés dans la psychose qui est la première
indication de l'utilisation des neuroleptiques. Le système
dopaminergique joue également un rôle dans le contrôle de la
motricité et dans l'inhibition de la sécrétion de
prolactine, à l'origine des effets secondaires de certains
neuroleptiques. ». (Franck & Thibaut, 2005, p. 1). Il existe quatre
grandes propriétés des neuroleptiques avec un
tropisme22 plus ou moins important en fonction des molécules
et des doses utilisées : sédatif, anti-productif (action sur les
symptômes positifs), anti-déficitaire (action sur les
symptômes négatifs) et atypiques.
Les neuroleptiques sédatifs (et anti-productifs
à fortes doses) : largactil®, tercian®,
nozinan®, zyprexa®, loxapac®,
vont être efficaces sur l'agitation et l'angoisse. Ce sont les
neuroleptiques les plus antinoradrénergiques et antihistaminiques ce qui
leur confère une action sédative marquée. Leurs effets
anticholinergiques contrebalancent l'émergence des effets
extrapyramidaux.
Les neuroleptiques anti-productifs aussi dit incisifs :
haldol®, piportil®, modecate®
théralène®, agissent en réduisant la
symptomatologie délirante et les hallucinations, ils ont une action au
bout de quelques jours à quelques semaines selon les molécules et
s'accompagnent d'un effet sédatif secondaire et d'un effet
désinhibiteur secondaire également. Ils ont des effets
antidopaminergiques puissants, non compensés par leur très faible
effet anticholinergique et ont donc une forte action antiproductive mais
également des effets neurologiques puissants.
Les neuroleptiques anti-déficitaires aussi
appelés désinhibiteurs : solian®,
dogmatil®, fluanxol®. Ils agissent en
réduisant l'apragmatisme, l'athymhormie et le ralentissement
psychomoteur.
Les neuroleptiques atypiques ont, eux, une action
anti-productive et anti-déficitaire marquée :
leponex®, abilify®,
risperdal®.
Les thymorégulateurs, aussi
appelés normothymiques ou stabilisateurs de l'humeur, sont des
psychotropes prescrits dans le traitement préventif et curatif des
troubles de l'humeur. Il en existe de plusieurs types, le choix sera
motivé par les symptômes observés mais également en
prévention d'éventuels effets indésirables. Les principaux
thymorégulateurs sont les sels de lithiums :
téralithe® souvent utilisé en traitement de fond.
D'autres types sont utilisés comme les antiépileptiques :
tégrétol®, dépamine®,
dépakote®, lamotrigine®, ou encore les
neuroleptiques atypiques : le zyprexa®,
xeroquel®, risperdal®,
abilify®.
22 Réaction d'orientation orientée
19
Les anxiolytiques forment une classe de
médicaments principalement constituée par des
benzodiazépines. Ils ont une action tranquillisante, myorelaxante,
anticonvulsivante et parfois hypnotique. La prescription doit être
limitée dans le temps et avec une posologie adaptée, le risque de
dépendance physique et psychique est important, l'arrêt de ce
traitement doit donc être progressif. Les principaux anxiolytiques de la
famille des benzodiazépines sont le valium®, le
lexomil®, le xanax®, le
seresta®, le tranxène®, le
lysanxia®, et Il existe également d'autres types
d'anxiolytique comme l'atarax® qui est un antihistaminique.
Les hypnotiques sont des médicaments
visant à lutter contre l'insomnie. Ils peuvent aider à
l'endormissement et au maintien du sommeil. Les principaux hypnotiques sont le
théralène® (neuroleptique), le
rohypnol®(benzodiazépine), le stilnox®
et l'imovane®.
Les «correcteurs» antiparkinsoniens
sont indiqués pour corriger le syndrome parkinsonien
provoqué par les neuroleptiques. Le syndrome parkinsonien se manifeste
chez certains patients par des tremblements, des contractures, des crampes et
des mouvements involontaires (au niveau du visage, du corps, des jambes) qui
peuvent être inconfortables et douloureux. Les principaux
antiparkinsoniens correcteurs sont l'akineton®,
l'artane®, le lepticur® et la
parkinane-lp®.
Les traitements peuvent être administrés par voie
orale (gouttes, cachets), ce qui permet d'adapter aisément les dosages
pendant les périodes d'introduction de nouveaux traitements ou
d'ajustement, certains peuvent également être administrés
par voie injectable. Une des contrainte du mode de placement sous contrainte
des patients est la prise obligatoire du traitement. Ainsi, si le patient le
refuse, il sera alors délivré sous forme injectable.
L'unité permet ainsi une meilleure surveillance de l'observance.
2.2.4 Symptomatologie psychiatrique à l'UISI
Les patients accueillis à l'UISI ont en commun le
caractère aigüe de leurs symptômes. C'est l'intensité
des symptômes qui rend nécessaire la prise en charge dans une
unité fermée et contenante. Nous utilisons les termes
d'intensité et de débordements pour enlever le caractère
projectif que suggère l'emploi du terme « violent ». Cette
façon de penser la symptomatologie du patient permet de rester en
contact avec lui au lieu de provoquer une mise à distance. La
proposition de ma collègue Marion Lefèvre, avec qui
j'étais en stage à l'UISI, dans son mémoire « Boxe,
psychomotricité et troubles psychiatriques », est une
réflexion autour du
20
contrôle de cette intensité. Les symptomatologies
indiquées pour l'unité sont les « troubles du comportements
» qui comprennent différents versants comme l'agitation, la
désorganisation et les passages à l'acte hétéro- et
auto-agressif.
L'agitation est un trouble du comportement
qui se caractérise par une hyperactivité psychomotrice
désordonnée, pathologique et inadaptée. On peut
différencier plusieurs types d'agitations selon la symptomatologie
associée. L'agitation confuse s'accompagne de symptômes comme la
désorientation temporo-spatiale, troubles de l'attention, propos
incohérents et altération de la vigilance. Elle est symptomatique
d'une perte de sens de la réalité pour le patient.
Madame A. présente une agitation psychomotrice, elle
court dans le couloir de l'unité sans pouvoir s'arrêter, cette
agitation continue en chambre d'isolement où elle fait le tour de son
lit, pratique des exercices de musculations sans jamais pouvoir se reposer et
trouver le sommeil. Elle est également confuse, ne retrouvant pas sa
chambre et tient des propos incohérents.
L'agitation délirante est la plus fréquente,
elle s'observe chez les sujets qui présentent un délire
envahissant. On peut observer une attitude de fuite, méfiance,
défense avec des réactions aux stimulations par une agitation
psychomotrice voir de l'agressivité. Cette agitation va mettre en
mouvement le corps sans réel cohérence et s'accompagne d'une
grande angoisse.
Madame D. est une patiente délirante et
paranoïaque. Elle est accueillie dans l'unité suite à des
troubles du comportement dans son unité de secteur. Persuadée,
qu'elle est enceinte, dans un moment d'angoisse, elle a entièrement
détruit le mobilier de sa chambre et menacé l'équipe de
son unité de secteur avec un bout de bois. Elle justifie son
comportement de façon peu cohérente en disant qu'elle voulait
protéger son enfant.
Certains patients présentent une agitation de type
maniaque, on retrouvera alors des symptômes de la manie comme une
agitation psychomotrice, euphorie, logorrhée, insomnie sans fatigue et
distance relationnelle inadaptée.
La désorganisation fait partie de la
symptomatologie du syndrome dissociatif que l'on retrouve dans la
schizophrénie. Elle peut également être consécutive
à une consommation de toxique, un manque de sommeil ou encore un
accès maniaque. Cette désorganisation peut s'observer sur
plusieurs plans, d'une part une désorganisation idéo-verbale, on
retrouve une absence de lien logique entre les propos, passage du coq à
l'âne, relâchement des associations.
21
Sur le plan thymique, les affects sont fluctuants et
imprévisibles, on peut parler d'ambivalence affective,
d'émoussement affectifs, ou d'athymhormie. Au niveau comportemental, on
note des gestes étranges, maniérés, incohérents,
désorganisés et stériles.
Monsieur K. est un patient désorganisé, son
discours est incompréhensible et très empreint de son
délire, marqué par un relâchement des associations sans
aucun lien logique. Il est ambivalent et présente une fluctuation
émotionnelle (rires aux larmes en quelques secondes) et une gestuelle
étrange. Parmi les manifestations de sa désorganisation
comportementale, on peut observer au moment du repas qu'il mélange tous
les ingrédients, ou encore qu'il jette régulièrement les
draps ou son pyjama par la fenêtre.
Les passages à l'acte auto- ou
hétéro-agressif désigne une certaine forme
impulsive d'agir, souligné par la violence et la brusquerie de la
conduite. Ils peuvent être dirigés contre soit (suicide,
mutilations) ou contre autrui (agressions). Ces types de passage à
l'acte sont souvent dues à une agitation délirante, un refus de
soins avec déni des troubles, un automatisme mental ou encore une
intolérance à la frustration.
Monsieur A. est accueilli pour troubles du comportement sur
une versant auto-agressif et hétéro-agressif. Dans un moment
d'énervement, il a violement poussé sa soeur et pour
éviter de frapper sa mère, il aurait frappé dans un mur en
se blessant le poignet. Le coup était assez violent pour
nécessité une opération avec la mise en place de broches
métalliques et d'un plâtre. Arrivé dans l'unité, en
chambre d'isolement, il frappe dans la porte avec son bras plâtré
et se blesse à nouveau, déplaçant les broches et
nécessitant une nouvelle opération.
2.3 La contention en psychiatrie
La contention est une « Restriction, à des fins
thérapeutiques, de l'espace évolutif d'un malade atteint de
troubles mentaux. » (Palazzolo, Lachaux, & Chabannes, 2000, p. 90). On
peut comprendre que cette mesure soit prise dans un but thérapeutique et
englobe plusieurs formes de contentions. Restreindre l'espace évolutif
d'un patient peut se faire de façon pharmacologique, environnementale ou
encore physique. Cette notion de privation de liberté est
encadrée par la loi (LOI n° 2011-803 du 5 juillet 2011) relative
aux droits et à la protection
22
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux
modalités de leur prise en charge. La contrainte imposée par la
loi concernant les démarches administratives, les mesures de
surveillance des patients et les temps de reprise en équipes sont en
miroir de la contrainte imposée au patient.
2.3.1 La contention - aspect règlementaire
Les deux indications de la Haute Autorité de
Santé pour la contention sont l'hétéro- et
l'autoagressivité majeures et non maîtrisables par d'autres moyens
thérapeutiques. Nous pouvons citer ces autres moyens
thérapeutiques tels que la parole et l'alliance thérapeutique
avec les soignants, la contenance de l'équipe soignante formée
à ces situations de gestion de la violence et un traitement
sédatif efficace.
Nous pouvons décrire trois principales situations
menant les patients à l'hétéroagressivité ou
l'autoagressivité. La première situation concerne les patients
« pour qui un recours à l'agir et notamment à
l'autoagressivité qui est devenu un mode d'expression
préférentiel [...] et l'unique moyen de gérer leurs
angoisses et leurs frustrations. » (Azoulay & Raymond, 2017, p.
842)
Madame B. est une patiente de 25 ans en décompensation
maniaque. Particulièrement intolérante à la frustration et
avec une grande labilité thymique, chaque émotion la conduisait
à frapper sur la porte de sa chambre de façon sthénique,
faisant abstraction des risques de dommages corporels auxquels elle s'exposait.
La pose des contentions lui a permis de prendre le temps de repérer ses
émotions et de faire appel à ses ressources pour reconstruire une
contenance interne.
La deuxième situation concerne les patients
schizophrènes sous l'emprise d'un syndrome délirant
(éléments étrangers dans le corps etc...). Ils peuvent se
blesser dans le but d'extraire ces éléments étrangers dans
leur corps. La dernière situation concerne les patients sous l'emprise
d'un automatisme mental qui les pousse à se mettre en danger ou à
mettre en danger autrui (Azoulay & Raymond, 2017, p. 842).
Monsieur D. est un patient de 20 ans. Lors de sa
première décompensation, il vivait dans un petit appartement avec
son frère. Il présentait des hallucinations acoustico-verbales
qui lui répétaient de « tuer ». Il s'est alors
enfermé dans la salle de bain tentant de calmer ses hallucinations.
Cependant son frère força la porte de la salle de bain et
monsieur D poussé par ses hallucinations lui asséna plusieurs
coups de cutter jusqu'à ce que la lame se casse.
23
Les recommandations de la Haute Autorité de
Santé semblent circonscrire la contention physique à une mesure
de sécurité ou de prévention, sans lui reconnaître
de fonction thérapeutique propre. Mais « protéger les
patients de ces violences qu'elles soient dirigées contre lui-même
ou contre autrui, ne fait-il pas déjà partie du prendre soin ?
» (Azoulay & Raymond, 2017, p. 843). Ces passages à l'acte
violents sont, en psychiatrie, symptômes d'angoisses paroxystiques, de
frustrations ingérables, de délire envahissant et suppriment tout
libre arbitre des patients. Il est important de s'interroger sur la fonction
des contentions pour éviter les dérives. Cependant s'interroger
sur la dimension thérapeutique et leur « bonne utilisation »
demande plus d'effort que de simplement les condamner au vu des
dérives.
2.3.2 La contention - aspect clinique
La tendance actuelle est à la polémique autour
de la contention physique, cette pratique pose question principalement
vis-à-vis de la liberté et des droits fondamentaux des patients.
Vécue par la société comme une sanction ou une punition,
la contention est avant tout un soin. Comme le rappel bien M. Azoulay et S.
Raymond (2017), il s'agit de ne pas oublier « qu'un trouble psychiatrique
sévère et décompensé est la première
atteinte aux libertés et au libre arbitre de nos patients. »
(Azoulay & Raymond, 2017, p. 842). En France, l'hospitalisation sans
consentement est une mesure conçue pour garantir l'accès aux
soins des personnes qui n'auraient pas accès à leur libre
jugement, ce qui fait partie des Droits fondamentaux de l'Homme.
Plusieurs praticiens hospitaliers se sont penchés sur
la question de la contention du point de vue du vécu du patient.
L'étude réalisée par R. Carré, A-H. Moncany, L.
Schmitt et R. Haoui, (2017), montre que les patients aimeraient une meilleure
continuité du lien relationnel pendant les temps de contention et
également être impliqué dans la prise de décision.
On perçoit bien la complexité de cette demande de vouloir
être impliqués dans les soins au moment où le patient a
perdu son discernement, c'est là toute la difficulté de cette
pratique.
2.3.3 La contention symbolique
Le cadre juridique de l'hospitalisation sous contrainte est
déjà ici une forme de contention symbolique imposée au
patient au sens où il perd sa liberté de libre circulation et
doit se conformer aux règles du service (pyjama, absence d'affaires
personnelles, cigarette distribuée à heures précises).
Ceci dans le but, d'une part de le protéger et d'autre part de pouvoir
lui apporter les soins dont il a besoin malgré son manque de
discernement. Globalement tout passe par une demande aux soignants. Ce lien de
dépendance favorise la régression et le contact maternant de
l'équipe. Nous savons que l'homme se construit dans le contact avec
l'autre (la mère). C'est en cela que la contention symbolique permet une
régression et la mise en oeuvre d'outils dans le contact avec l'autre,
pour une reconstruction plus efficace.
2.3.4 Les contentions chimiques
La contention chimique ou pharmacologique consiste en
l'administration d'un traitement médicamenteux, le plus souvent
sédatif, anxiolytique ou antipsychotique. Ces traitements ont pour but
de répondre aux symptômes du patient et à leur
intensité de la manière la plus adaptée possible. Nous
pouvons noter plusieurs types de contentions chimiques, d'une part les
traitements sédatifs dont les anxiolytiques et les neuroleptiques
sédatifs qui vont inhiber la transmission de l'influx nerveux. Ils
auront un effet anxiolytique et une réduction de l'agitation grâce
à un effet myorelaxant23 et une diminution de la conscience
et de la vigilance. D'autres part les neuroleptiques antipsychotiques (ou
incisifs) qui vont induire un bouleversement sensoriel pour le patient. La
perception, qu'elle soit efficace ou non, se construit à partir des
informations que le cerveau reçoit du système sensoriel et de
leur mise en relation. Elle va permettre de se représenter le monde et
de pouvoir être en contact avec celui-ci. Cette construction, si elle est
inefficace, devient pathologique et ne peut pas permettre de s'épanouir
avec son environnement. Ce moment de bouleversement sensoriel modifie le
rapport au monde et peut donc être très déstabilisant. La
modification sensorielle a pour but de rapprocher la perception du patient
d'une réalité commune, qu'elle soit plus efficace. Pourtant ces
modifications peuvent induire une lutte pour le patient entre ce qui est «
moi » et « non moi ».
23 A pour effet de décontracter les muscles.
24
La thérapie quelle qu'elle soit est le point d'appui
qui permettra au patient de reconstruire son « moi » autour des
éléments de la réalité.
Cependant les contentions chimiques comportent de nombreux
risques et nécessitent une surveillance cardiaque et celle de la
numération et de la formule sanguine (NFS)24. Les traitements
peuvent induirent une somnolence, des troubles de la marche avec risque de
chute, un accident vasculaire cérébral, une
déshydratation, et un syndrome malin pouvant engager le pronostic vital
(hyperthermie, rigidité musculaire, perturbation du système
nerveux autonome, troubles délirants). Les traitements sont donc
toujours prescrits en fonction de la balance bénéfice/risque.
Chaque traitement doit avoir un bénéfice pour le patient
supérieur aux risques qu'il entraine.
2.3.5 Les contentions environnementales
La contention environnementale comprend l'ensemble des moyens
architecturaux qui permettent de limiter l'espace géographique dans
lequel une personne peut se déplacer. La structure de l'hôpital
avec son sas d'entrée, les portes des services, des différentes
pièces et des chambres fermées à clefs sont autant de
formes de contention. Ces contentions viennent structurer un espace pour le
sécuriser et donner les moyens à l'institution d'être
contenante et rassurante. Le service fermé de psychiatrie est donc une
contention environnementale qui impose au patient un isolement de son
environnement habituel et de multiples stimulations désorganisatrices,
anxiogènes ou persécutives qu'il contient. L'utilisation de la
chambre d'isolement est une mesure supplémentaire d'isolement dans la
situation ou le service fermé ne suffirait pas à contenir le
patient. Elle a pour but de limiter de façon considérable la
mobilité du patient et réduit ainsi son potentiel de
dangerosité.
Cependant, J. Dubreucq (2012) dans sa thèse met en
avant que selon lui, la contention psychique entraînée par la
contention environnementale et/ou physique a probablement l'effet
thérapeutique le plus important. « En effet, cette contention
psychique de l'agitation est de nature double : d'une part elle entraine une
réduction massive des stimuli externes potentiellement
persécuteurs mais aussi une régression infantile importante par
la dépendance
24 Analyse quantitative et qualitative des
éléments figuré du sang.
25
massive qu'elle induit dans la relation entre le patient et
les équipes soignantes, dont il est totalement tributaire pour la
satisfaction de ses besoins. » (Dubreucd, 2012, p. 51).
Au vu de cette régression la dépendance
créée par les contentions et le cadre de l'unité,
amène une relation des équipes avec le malade, qualifiée
de maternante par Palazzolo (2000). On peut donc faire un parallèle avec
la relation maternante de la mère avec son enfant au cours de la petite
enfance où c'est elle, qui sert de pare-excitation contre l'angoisse
générée par le monde extérieur. C'est la
mère qui, selon Bion, psychiatre et psychanalyste britannique, de par sa
capacité de rêverie, pensera les sensations de son enfant, pour
qu'il puisse les reprendre secondairement. « [...] la régression
infantile générée par le placement en chambre d'isolement
pourrait, dans ce cadre, permettre au patient de recréer un lien
rassurant, stable, régi par des règles claires [...] avec le
monde extérieur lui permettant ainsi par la suite de
réintégrer la communauté. » (Dubreucd, 2012, pp.
51-52). Cette régression nécessite que l'équipe mettre en
place une relation avec le patient lui permettant d'avoir les outils pour
retrouver son autonomie. On peut noter à ce propos que Freud (1926)
montrait déjà, une association dans les rêves entre la
vision d'une chambre et la symbolique maternelle, ce lieu était donc
assimilable selon lui à l'utérus maternel (Dubreucd, 2012).
2.3.6 Les contentions mécaniques
La contention mécanique25 est une mesure
d'exception qui vise à répondre à des états
d'agitation extrême. Elle est limitée dans le temps et
découle d'une prescription médicale après concertation
pluriprofessionnelle. Elle impose une surveillance et un accompagnement
intensifs, ainsi qu'un traitement sédatif systématique. Les
contentions mécaniques doivent être posées dans une chambre
d'isolement prévue à cet effet qui doit préserver
l'intimité du patient et favoriser le repos et l'apaisement. La pose des
contentions doit également être accompagnée d'une
verbalisation au patient des raisons de leur nécessité et des
conditions de leur levée. On peut également observer dans la
pratique que le placement en chambre d'isolement et parfois la pose des
contentions mécaniques peuvent être demandés par le patient
lui-même lorsqu'il se sent débordé par sa propre agitation
ou par les tensions internes qui lui font ressentir qu'il pourrait commettre un
passage à l'acte violent. C'est une demande de cadre, d'une
autorité que
25 Illustré en Annexe 4
26
27
l'on peut appeler paternelle, qui lui imposerait des limites
protectrices qu'il n'est pas en mesure de mettre en oeuvre seul.
Monsieur A. est un patient ayant un recours
privilégié à l'agir pour gérer ses frustrations et
ses émotions. Il se trouve actuellement en chambre d'isolement avec des
temps d'ouverture. Durant un temps d'ouverture de la chambre d'isolement il
sent l'énervement le gagner. Ses tentatives de retourner au calme dans
sa chambre sont mises en échec par son agitation motrice. Il demandera
alors à l'équipe un traitement sédatif dit « si
besoin » et la pose de contentions mécaniques. Elles seront
enlevées au bout d'une heure, après le retour au calme du
patient.
C'est aussi un moyen de rétablir un échange, une
communication quand les patients sont inaccessibles de par leur comportement et
s'efforcent de détruire les liens que les soignants tentent de
créer. Cette mesure vise à aider le patient à
repérer son aspect bénéfique, le pousser à
élaborer et faire appel à une contenance interne plutôt
qu'à cette contenance externe. Il s'agit de se servir de cet outil pour
les aider à trouver et construire des stratégies alternatives
à l'agir.
Pour que la pratique de la contention relève du soin et
non pas de l'acte automatique ou d'une simple réponse à une
situation définie, il s'agit de créer des temps
d'élaboration en équipe autour de chaque contention. Prendre le
temps de partager son ressenti, de discuter des gestes, des paroles qui ont
été choisies par l'équipe pour accompagner ce moment est
indispensable à la fonction de soin de cette mesure. Comment
pouvons-nous être contenant avec cette pratique si nous ne sommes pas
certains de son effet thérapeutique ? Mais également, si nous ne
prenons pas le temps d'exposer à nos collègues nos doutes et nos
craintes, nos incertitudes pour pouvoir élaborer ensemble sur ces
questions. Sans une remise en cause constante de nos pratiques le risque est
à l'automatisation des réponses et la mise à distance de
nos questionnements et de nos affects, pourtant indispensables pour penser le
soin avec bienveillance. Le risque est également de ne pas se rendre
compte de la fonction des contentions mécaniques lorsqu'elles font
partie de notre quotidien et d'en repousser les indications.
L'accompagnement continu de l'équipe soignante durant
la période de contention physique est également ce qui donne du
sens à la contention. Paul Sivadon (1965) l'a souligné en disant
que la proximité attentive des soignants, pendant les temps d'isolement
et de contention apporte à la contrainte sa dimension de soin. Ce sont
ces moments de proximité de la vie quotidienne que
28
sont les repas, les soins d'hygiène, les traitements,
mais également tous les moments informels qui peuvent créer du
lien entre les soignants et le patient.
Les risques liés aux contentions physiques sont
nombreux et s'ajoutent aux risques des traitements pharmacologiques. Nous
pouvons noter la présence de plusieurs types de risques : les risques
physiologiques liés à l'immobilisation du patient dont, les
risques de constipation, de déshydratation, d'hypotension orthostatique,
d'escarres ou encore d'infection. S'ensuivent les risques de traumatismes
physiques liés au matériel utilisé, comme les sangles qui
compriment un membre quand le patient s'agite ; et enfin des risques
psychologiques comme l'apparition ou l'aggravation d'un état
confusionnel, ou d'agitation. Ou encore l'apparition d'un syndrome
d'immobilisation qui amène le patient à une régression
psychomotrice avec une incontinence sphinctérienne vésicale et
anale, un ralentissement idéatoire, une diminution de la capacité
d'initiative, des troubles de la mémoire, et une recherche de la
dépendance (dont l'incapacité à manger seul, un langage
enfantin ...).
Au vu de ces éléments nous pouvons convenir que
la pratique de la contention doit être utilisée comme une mesure
d'exception. Et qu'il est nécessaire de réfléchir aux
différents moyens pouvant diminuer le temps de contention du patient
pour limiter ces risques. Peut-être que la psychomotricité est la
profession la plus adaptée pour accompagner un patient sous contention
ou en chambre d'isolement. C'est un moment ou le langage amène à
une relation de confrontation. L'approche et l'intérêt que l'on
porte au corps amène une relation plus apaisée. On sera
plutôt un allié, un tiers dans la relation du patient avec son
corps, un point d'appui pour rétablir cette relation.
2.4 Apports du soin psychomoteur
Quelle est la place de la psychomotricité auprès
du patient en psychiatrie adulte ? Le psychiatre Alexandre Christodoulou
(2006), se base sur son expérience de praticien qui prescrit la
psychomotricité pour répondre à cette question.
L'évaluation psychomotrice à un intérêt
spécifique, l'aide au diagnostic psychiatrique. Le discours du patient
ne reflète pas toujours sa réalité et l'approche par la
médiation corporelle met en jeu d'autres éléments à
travers la relation. On peut citer en particulier la mise en évidence
d'une impulsivité latente, une tension interne contenue, un trouble du
schéma corporel ou de l'image du corps, des troubles temporels et
spatiaux, des troubles de l'équilibres ou des troubles sensoriels. Elle
participe également à l'orientation du projet personnalisé
du patient. La mise en jeu du corps dans la relation avec le
29
psychomotricien lui permet souvent de verbaliser des
éléments de son vécu qu'il n'a pas pu livrer en entretien.
Plusieurs indications paraissent intéressantes pour l'intervention du
psychomotricien en intra-hospitalier. « Les troubles des rythmes
biologiques tels que les troubles du sommeil, les troubles alimentaires, la
constipation, les troubles de la libido témoignent du
désinvestissement du corps qui est négligé, ralenti dans
son fonctionnement » (Christodoulou, 2006, p. 7) ; la thérapie
psychomotrice amène un réinvestissement corporel.
L'accélération pathologique du fonctionnement du corps dans
« la manie avec la fuite des idées, la logorrhée
intarissable [...], les délires congruents de la mégalomanie mais
aussi les perturbations des rythmes biologiques avec l'insomnie,
l'hyperactivité stérile » (Christodoulou, 2006, p. 7) est
une indication privilégiée pour les médiations
corporelles. Elles permettent de redonner de la contenance et du contenant
à des patients qui débordent. La psychomotricité permet
également la verbalisation des phénomènes hallucinatoires
corporels dans les psychoses schizophréniques. En utilisant le corps
comme pivot de la relation, elle permet de recréer du lien.
2.4.1 Le cadre des prises en charges
Il s'agit de garder à l'esprit la fonction
première de l'isolement des patients en psychiatrie. L'isolement peut se
construire à des degrés variables selon les besoins des patients.
L'UISI est une unité fermée qui permet aux patients pour qui le
secteur contient encore trop de stimulations de pouvoir trouver un lieu plus
contenant. La chambre d'isolement sera souvent un passage nécessaire aux
patients de l'UISI pour commencer à se réorganiser en l'absence
de stimulation et pour retrouver peu à peu l'extérieur.
L'intervention du psychomotricien en chambre d'isolement est
conditionnée par plusieurs facteurs. Tout d'abord cette séance
est pensée de façon à apporter des stimulations choisies
pour que le patient puisse étayer son rassemblement, sa reconstruction
psychocorporelle. Le temps de la séance doit également être
adapté au contexte et au patient, et ceci bien que dans tous les cas il
est préférable que la séance soit courte, environ une
quinzaine de minutes, pour ne pas sur-stimuler le patient. Comme au moment
où l'enfant se construit, ces moments de réorganisations
psychocorporelle sont intenses et fatigants.
30
2.4.2 L'objectif des stimulations psychomotrices
L'apport des stimulations psychomotrices à ce moment de
la prise en charge du patient, aide le patient dans un premier temps, à
diminuer ses angoisses. L'angoisse est un symptôme présent chez
tous les patients de l'unité bien que l'expression de celle-ci soit
très différente, elle renvoie à la souffrance de
l'individu. La sensation de vide, de perte de repères temporels,
spatiaux, de perte de contact avec son corps et en particulier des limites
corporelles provoquent une angoisse intense. Les patients réagissent
souvent à cette angoisse par une mise en mouvement de leur corps de
façon désorganisée et non cohérente. Bien que
nécessaire, la chambre d'isolement et les contentions physiques peuvent
augmenter l'intensité de l'anxiété. Il s'agit alors
d'amener avec les stimulations psychomotrices un point d'appui pour leur
permettre de retrouver des repères. Souvent la première
étape est de diminuer l'intensité dans laquelle ces patients se
trouvent pour aller vers de la stabilité. Le travail s'articule autour
de médiations favorisant la régression et la détente
musculaire et psychique. Ce moment permet d'apaiser les patients et par la
suite de retrouver un mouvement qui a plus de cohérence.
En parallèle des mesures d'isolements et de contentions
les patients reçoivent des traitements médicamenteux dont les
doses sont établies au regard de l'intensité de leurs
symptômes et de leurs réponses aux traitements pour atteindre une
dose efficace. Pour beaucoup les doses des traitements sont
considérablement augmentées. Une des raisons de l'augmentation
des doses est la pharmaco-résistance des patients aux traitements. Cette
résistance humaine aux substances psychoactives pousse donc les
médecins prescripteurs à augmenter la dose afin d'obtenir l'effet
recherché (sédatif, anxiolytique, hypnotique etc...). L'apport
des stimulations psychomotrices visant la détente et le lâcher
prise peuvent être bénéfiques pour atténuer cette
résistance au traitement que l'on pourrait qualifier de psychique. Cela
pourrait, dans un premier temps de permettre au patient de
bénéficier du traitement qu'il reçoit ; et dans un second
temps de diminuer les doses efficaces pour certains traitements, en minorant
donc la potentiel dangerosité des effets secondaires. Les psychiatres M.
Passamar, O. Tellier et B. Vialmont (2011) concluent que « Trop de
sédation, ou une trop longue sédation, a un impact
délétère sur le suivi thérapeutique. »
(Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Ainsi, malgré les
enjeux des états d'agitation en urgence psychiatrique et dans une
évolution parfois sécuritaire du soin, il s'agit de
développer de nouvelles techniques car nous ne pouvons pas ignorer les
répercussions de la prise en charge de la crise, sur le devenir du
patient en posturgence.
31
2.4.1 La proprioception
Sherrington (1906), médecin neurologue introduit les
termes d'extéroception, désignant les cinq sens,
d'intéroception, qui traduit la sensibilité viscérale et
de proprioception, regroupant la sensibilité en provenance des muscles,
tendons et articulations ainsi que la sensibilité vestibulaire. La
proprioception désigne donc la perception, consciente ou non, de la
position des différentes parties de son corps dans l'espace. Elle fait
appel aux récepteurs musculaires et ligamenteux, qui informe sur le
degré de tonus des muscles et les différentes positions des
membres, les uns par rapports aux autres. Ces informations provenant des
éléments proprioceptifs sont transmises au système nerveux
centrale et permettent une régulation motrice inconsciente et une
sensation consciente de son corps.
Olivier Gapenne (2010) développe la fonction du
système proprioceptif comme indispensable à la constitution de
l'expérience corporelle. Le système proprioceptif interviendrait
comme un outil indispensable de différenciation de soi et du monde, mais
également comme un outil de constitution de l'espace vécu. Dans
le cadre des psychoses, en regard de symptômes comme
l'indifférenciation de soi et du monde, l'auteur propose
l'hypothèse selon laquelle le système proprioceptif serait
défaillant. L'altération du système proprioceptif dans la
psychose ne permettrait pas au sujet de faire correctement cette
différenciation de soi et du monde. Cette confusion sensorielle
expliquerait le manque d'unité corporelle que peux ressentir le
schizophrène. La proprioception constitue donc un sens indispensable
à la solidité du corps en tant que contenant. Elle permet de se
percevoir en interaction avec le monde, sans se confondre avec lui.
2.4.2 Schéma corporel et Image du corps
Pour comprendre les enjeux de la reconstruction
psychocorporelle en psychiatrie il s'agit d'abord de comprendre comment le
corps viens à l'enfant et par quels processus celui-ci vient à
« l'habiter ». Ces deux notions, le schéma corporel et l'image
du corps bien que différentes sont complémentaires. Dans la
psychose et particulièrement dans la phase aiguë de la maladie, le
rapport au corps est totalement modifié et c'est en comprenant les
étapes de la construction du vécu corporel des enfants que nous
pourrons trouver des leviers pour favoriser la reconstruction du vécu
corporel chez ces patients. Ainsi nous pourrons tenter de faire des liens entre
les symptômes rencontrés dans la psychose et leurs origines
potentielles dans l'altération du schéma corporel et de l'image
du corps.
32
2.4.3 Le schéma corporel
Le schéma corporel se réfère au champ de
la neurologie. Pierre Bonnier (1904) développe le sens des attitudes qui
sera l'ancêtre du schéma corporel. Il introduit la notion de
schéma, qui nous fournit la notion de localisation de chaque partie de
notre corps et forme la base de tout mouvements. Ce schéma est une
figuration topographique de notre moi. Il insiste également sur l'apport
indispensable du schéma corporel dans la notion de
différenciation de soi et du monde, du moi et du non moi.
Notre sentiment d'existence, d'individuation corporel ainsi
que notre « espace corporel » organisé de façon
topographique va nous permettre d'appréhender le monde. C'est à
travers notre schéma corporel que nous apprenons à connaitre le
monde. Merleau-Ponty écrit « Loin que mon corps ne soit pour moi
qu'un fragment de l'espace. Il n'y aurait pas d'espace pour moi si je n'avais
pas de corps. » (Merleau- Ponty, 1945, p. 119).
La perception de notre corps est étroitement
liée aux afférences sensorielles tel que les données
visuelles, kinesthésiques, proprioceptives et vestibulaires. C'est
à partir de leur intégration que nous construisons notre
schéma corporel. Ajuriaguerra appuis cette vision en donnant la
définition suivant du schéma corporel : «
édifiéì sur les impressions tactiles,
kinesthésiques, labyrinthiques et visuelles, le schéma corporel
réalise dans une construction active constamment remaniée des
données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, qui
fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de
référence où ils prennent leur signification »
cité par (Guiose, 2003, p. 29). Dans la psychose le rapport au corps
propre est souvent modifié, le schéma corporel qui s'était
initialement constitué est remanié de par les modifications des
voies sensorielles et il devient alors pathologique. Les hallucinations
psychosensorielles, qu'elles soient visuelles, cénesthésique,
kinesthésique ou tactiles, envoies des informations sensorielles
altérer au cerveau et modifie de ce fait le schéma corporel. La
topographie du corps dans sa représentation de localisation, de forme,
d'étendu, de limite peut être altéré. Cette
réflexion peut nous amener à mieux comprendre le rapport du
psychotique avec le monde en comprenant de prime abord le rapport qu'il a avec
son corps. L'ébauche de la construction de l'existence et celle de
l'espace sont intimement liée à la construction du schéma
corporel. Nous pouvons comprendre la complexité dans laquelle se trouve
ces personnes à concevoir l'existence du monde, sa
différenciation de soi et l'organisation de celui-ci si son propre
schéma corporel subit sans cesse des modifications. La
désorganisation est un
33
symptôme fréquemment rencontré chez les
patients psychotiques dans les phases aigues de la maladie. Nous pouvons voir
différemment ce symptôme, au regard des réflexions de
Merleau-Ponty. Il s'agit de comprendre la difficulté à
s'organiser dans l'espace quand un sujet manque d'organisation interne ou quand
celle-ci n'est pas solide et stable.
2.4.4 Image du corps
Aux prémices de la construction de l'image du corps,
l'enfant acquière une unification corporelle. Wallon (1931), parle des
différentes étapes qui conduisent à la construction du
sentiment d'unité corporelle qu'il appelle corps propre. Morin et
Thibierge (2004) nous le décrivent dans leur article que « Le corps
est d'abord traité par l'enfant comme s'il était fait de parties
distinctes, animées chacune d'une vie personnelle : tel enfant peut
ainsi offrir des morceaux de gâteau à ses orteils. » (Morin
& Thibierge, 2004, p. 421). C'est par la suite, entre six mois et deux ans
que Lacan (1949) situe le stade du miroir dans. L'enfant va alors
s'intéresser à son image dans le miroir, dans un premier temps,
en pensant que c'est un autre enfant et tente alors d'interagir avec lui. Puis
c'est avec la présence de l'autre (la mère) qui le porte et le
désigne physiquement et verbalement « C'est toi », que
l'enfant peut reconnaitre dans un premier temps l'image de sa mère comme
le reflet de celle-ci. Pour enfin à travers le regard de l'autre
s'identifier à son reflet et acquérir la notion d'unité
corporelle. Pourtant, chez le patient psychotique, une absence de sentiment
d'unité corporel persiste. Ce sentiment peut aller jusqu'à des
angoisses archaïques de morcellements, initialement très
précoce dans le fonctionnement psychique.
Bullinger (2004) fait l'hypothèses que « l'image
du corps est maintenue présente par les sensations elles-mêmes,
mais dès que les sensations cessent, l'image du corps s'estompe »
cité par (Jeannerod, 2010, p. 185). Cette sensation d'unité
corporelle est entretenue par les modulations permanentes de ces états
toniques, en absence de ces sensations, les patients psychotiques ne ressentent
plus cette unité corporelle. Pour pallier ces angoisses, les patients
peuvent adopter plusieurs stratégies qui seront alors
révélatrices de la nature de leurs angoisses et si nous nous
attachons à les observer et les comprendre, elles nous orienteront vers
un travail approprié en psychomotricité. Souvent l'augmentation
du tonus musculaire globale permet d'activer le système proprioceptif
dans le but de garder un ressenti corporel, un contact avec leur corps qu'ils
sentent sinon absent. Ils peuvent également diminuer l'amplitudes de
leurs
34
mouvements de façon à garder leurs membres
contre leur axe corporel, dans l'angoisse qu'en les décollant un peu
trop ils puissent se détacher.
Schilder, neurologue et psychanalyste, introduit le terme
d'image du corps et le différencie du schéma corporel en le
désignant comme « l'image de notre propre corps que nous formons
dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous
apparaît à nous même » cité par (Jeannerod,
2010, p. 185). Nous pouvons donc comprendre cette notion comme une construction
au-delà de la perception des sens, qui mêle l'imagination et les
représentations mentales. Lhermitte (1998) décrit la forme de
cette image comme notre lien avec le temps, elle serait donc chargée de
sens et d'histoire.
L'investissement du patient psychotique de son corps va
être empreint de son délire et modifiera alors, parfois
profondément, son image du corps. Nous pouvons émettre
l'hypothèse, que souvent, cette construction délirante qui se
forme autour du corps du patient est elle-même compréhensible en
cela qu'elle s'appuie sur des « perceptions sensorielles » investies
de façon délirante ou encore sur des évènements
symboliques de l'histoire du patient.
Madame A, patiente de l'unité intersectorielle de soins
intensifs, me parlait fréquemment de ses hallucinations
cénesthésique26. Elle décrivait la
présence d'un chat dans son ventre, ou encore un chat qui tétait
le lait de ses seins, de l'intérieur. Ces sensations corporelles
étaient présentes au moment de ses menstruations et peuvent faire
penser à des sensations réelles dont l'interprétation est,
elle erronée. Elle me faisait également part de sensations
douloureuses d'un arbre lui poussant dans l'anus. Cette sensation pouvait
être corrélé à des douleurs réels de par la
constipation de madame A à ce moment.
Bullinger nous dit que Les stimuli auditifs, vestibulaires,
proprioceptifs, tactiles et visuels sont progressivement intégrés
au sein d'une représentation globale de soi. Les grandes fonctions
psychomotrices comme la coordination des deux côtes du corps,
l'organisation des activités motrices avec le niveau
d'activitéì, la capacitéì
d'attention, la stabilitéì émotionnelle
prennent leur source dans cette représentation unifiée de l'image
du corps. » (Kloeckner, et al., 2009, p. 155)
26 Concernant la sensibilité interne
35
L'origine du mot schizophrénie, introduit par le
psychiatre Eugen Bleuler illustre la notion de fragmentation de l'esprit,
« schizein » provenant du grec fractionnement et « phrèn
» l'esprit. Nous pouvons percevoir dans la schizophrénie le
fractionnement entre les différentes voies sensorielles qui ne peuvent
plus s'accorder pour crée une cohérence et donner une
représentation unifiée du vécu corporel. La sensation
d'unité corporel est présente quand les différentes voies
sensorielles concordent et sont cohérentes. Quand les voies sensorielles
n'envoient pas des informations cohérentes entre elles, le vécu
corporel est discordant. Nous pouvons citer en exemple les trajets en voitures
où les informations vestibulaires ne correspondent pas aux informations
visuelles ce qui peux provoquer des nausées. Également les
personnes amputées qui ressentent des sensations dans le membre
fantôme tout en ayant une perception visuelle en adéquation avec
leurs sensations. Nous pouvons nous inspirer de ce dernier cas ou
l'expérience montre qu'en créant l'illusion de la présence
de la jambe manquante par une stimulation visuelle en plaçant un miroir
reflétant la jambe opposée, les douleurs fantômes peuvent
cesser. Nous pouvons émettre l'hypothèse qu'en rassemblant les
vécus des différentes voies sensorielles nous pourrions
reconstruire un vécu corporel cohérent pour ces patients. Dans
ces pathologies, la problématique psychomotrice principale se situe
autour de l'altération de la sensation de permanence du corps, de
l'unité corporelle, de l'enveloppe corporelle et psychique. Bullinger
conçoit que « Le travail en
psychomotricitéì s'orientera à un niveau global
vers l'intégration de l'enveloppe corporelle. On peut proposer des
expériences de rassemblement à partir de médiateurs
sensoriels (portage dans des tissus ou un hamac, enveloppe sonore, sensations
vibratoires, pataugeoire) inscrits dans une relation. » (Kloeckner, et
al., 2009, p. 155). C'est cette enveloppe corporelle qui garantit la
sécurité et la permanence du corps. « Le
développement sensorimoteur se conçoit dans la perspective de
Bullinger comme une suite d'étapes qui s'emboitent en suivant un axe
céphalocaudal. Elles aboutissent à la maîtrise d'espaces
corporels : l'espace utérin, l'espace oral, l'espace du buste, l'espace
du torse et l'espace du corps en déplacement. Cette construction de
l'axe corporel met en lien les acquisitions posturales, les coordinations
sensorimotrices et les notions spatiales. L'axe corporel apparaît non
seulement comme un appui postural mais aussi comme un appui
représentatif et émotionnel, à mettre en lien avec les
identifications intracorporelles décrites par Haag » (Kloeckner, et
al., 2009, p. 156).
Eric Pieryre (2008), s'appuie sur le travail
de Françoise Dolto et développe la notion d'image composite du
corps qu'il substitue à l'image du corps. Dolto introduit l'idée
que l'image du corps aurait à voir avec une temporalité
antérieure au corps conscient. Pieryre dénombre huit
36
composantes reliées à cette période
archaïque et formant l'image composite du corps. Il les regroupe en deux
ensembles, celles déjà élaboré par les
psychologues, psychanalystes, comprenant le sentiment de continuité
d'existence, le processus d'individuation et l'identité sexuée.
Dans un autre ensemble, il ouvre la voie aux travail spécifique du
psychomotricien en regroupant, la peau articulation du physique et du
psychique, le contrôle de la sensorialité, le vécu du
contenu de l'intérieur du corps, les angoisses archaïques, et les
mécanismes de défenses corporels basé sur la
tonicité. Il présente dans son article une grille des indices
positifs et négatifs d'observation de l'image composite du corps, un
outil pour le bilan psychomoteur de l'image du corps.
2.4.5 La contenance
Michel Brioul (2017) définit la contenance comme la
capacité de l'ensemble des soignants, à un niveau individuel
aussi bien qu'institutionnel, de donner suffisamment de stabilité et de
solidité avec des repère pour permettre au patient de s'apaiser.
C'est donc la capacité de pouvoir « tenir ensemble » pour
lutter contre les angoisses produites par les défaillances du «
Moi-peau ».
Parlons d'abord de la contenance maternelle pour comprendre sa
fonction dans la relation mère/enfant. Le psychanalyste anglais,
Wilfried Bion, s'appuie sur le concept « d'identification
projective » de Mélanie Klein pour développer la notion de
contenance maternelle (Ciccone, 2012). Le nourrisson n'étant pas en
capacité d'assimiler les stimulations de par son appareil psychique
immature, il va alors projeter sur sa mère (élément beta),
celle-ci va recevoir cette expérience, et de par sa fonction de
rêverie maternelle, elle va la penser et la rendre assimilable pour
l'enfant (élément alpha). La relation maternant des
équipes soignantes permet au patient, qui n'est plus capable d'assimiler
les stimulations de son environnement d'avoir un portage psychique.
L'équipe de par les réunions de réflexions cliniques,
où le patient est pensé, mais également de par la posture
des soignants et leurs interactions avec le patient recrée un cadre ou
les fonctions maternelle protège et permettent au patient
d'étayer sa reconstruction psychique.
Comme le met en avant Catherine Potel (2010),
le psychomotricien a pour rôle de contenir le patient avec son corps et
son appareil psychique. « C'est la capacitéì du
psychomotricien à contenir ce qui déborde, ce qui n'est pas
organiséì, ce qui est en menace d'inexistence ou de
37
déconstruction, qui est particulièrement
convoquée dans nos espaces thérapeutiques. Cette
capacitéì de contenance fait appel tout autant
àÌ notre corps qu'à notre appareil psychique
» (Potel Baranes, 2010, p. 324). Cette fonction de contenance s'articule
autour de plusieurs fonctions développées par Bernard
Golse, psychanalyste et pédopsychiatre français.
Il l'appelle l'intégration de la bisexualité psychique qui
permettrait aux soignants d'alterner entre une fonction maternante du
côté de l'objet contenant et une fonction paternante du
côté de l'objet limitant. On retrouve donc dans le rôle du
psychomotricien, cette notion de contenance qui s'articule entre une contenance
psychique avec la notion de rêverie maternelle de Bion mais
également une contenance corporelle qui renvoie au travail de
l'enveloppes corporelle s'étayant sur la peau. Cette enveloppe
corporelle, selon Anzieu, qui sera le point d'appuis des enveloppes psychiques
du patient. Il faut aussi rappeler que « Soigner consiste à
contenir et transformer ce que dépose le patient, ce qu'il transmet.
Contenir, c'est d'abord garder pour soi, garder en soi, accepter d'entendre, de
recevoir, ce qui peut se présenter comme inentendable, insupportable.
Transformer c'est détoxiquer cette expérience, et c'est d'abord
la penser. » (Ciccone, 2012, p. 399).
Dans l'esprit d'une contenance institutionnel, la
cohérence de l'équipe soignante est indispensable et permet de
lutter contre le clivage. Le patient semble sans cesse développer des
efforts pour détruire les relations, le travail interactionnel. Il
induit un clivage au sein de l'équipe soignante par son changement
d'attitudes en fonction de ses interlocuteurs. Il faut, dans une perspective
thérapeutique résister à ce clivage dirigé contre
les fonctions de rassemblement de l'équipe. C'est en cela que la
relation de l'ensemble de l'équipe pourra être contenante, et sera
un point d'appuis pour la reconstruction psychocorporelle du patient
2.4.6 Les enveloppes psychiques
L'enveloppe psychique concerne la psychologie intersubjective
et non seulement intrapsychique puisqu'elle se construit dans la relation et
peut s'appliquer à l'individu comme à une institution.
L'enveloppe psychique avant tout une fonction, elle résulte de
l'intériorisation de la fonction contenante. La construction de
l'enveloppe psychique dépend des qualités de l'objet contenant,
on retrouve la notion de mère suffisamment bonne de Winnicott avec ses
fonctions de holding, handling et d'objet presenting. Mais également la
fonction de rêverie maternelle de Bion et l'intégration de la
bisexualité psychique de Golse. Enfin, Albert Ciccone (2001), rajoute
deux fonctions, la sollicitation : « il doit aussi le solliciter,
l'attirer vers des
38
niveaux de présence, d'intégration,
d'organisation, d'expériences émotionnelles plus
élevés. » (Ciccone, Enveloppe psychique et fonction
contenante : modèles et pratiques, 2001, p. 92). Et garantir une
rythmicité des expériences, « la rythmicité permet
l'anticipation et donne une illusion de permanence, de continuité »
(Ciccone, Enveloppe psychique et fonction contenante : modèles et
pratiques, 2001, p. 92).
Anzieu parle de l'expérience du nourrisson du contact
différenciateur, du centre de gravité et des stimulations
tactiles. Elles lui permettent de différencier une surface interne et
une externe. Ce qu'il nomme « interface », elle entraine la notion de
dedans/ dehors, de volume, ce qui apportera à l'enfant la sensation de
contenant, ce qu'il nommera le moi-peau. Le moi-peau à plusieurs
fonctions, fonction du maintien du psychisme, une fonction contenante, une
fonction de pare-excitation, fonction d'individualisation de soi,
d'inter-sensorialité, et fonction d'inscription des traces sensorielles
tactiles. Le moi-peau s'étaye à partir des fonctions de la peau
qu'elles soient anatomiques ou métaphoriques. Anzieu (1985)
décrit les trois fonctions de la peau. Elle est le contenant qui retient
à l'intérieur le bon et le plein de l'allaitement, des soins, du
bain de parole. C'est également une interface entre le dehors et le
dedans, elle a une fonction de limite qui protège de la
pénétration. Enfin, elle est un moyen primaire de communication
non verbale avec l'autre surface mais également un lieu d'inscription
mnésique des trace corporelles.
Selon Didier Houzel, pédopsychiatre et psychanalyste
français, les enveloppes psychiques s'étayent sur la peau
corporelle, nous retrouvons donc ici la notion du moi-peau d'Anzieu. Pour leurs
construction l'enfant doit bénéficier du holding et du handling
de la mère suffisamment bonne sans quoi elles pourraient être
défaillantes. Les notions de holding et de handling sont des voies
préférentielles pour construire des médiations visant
à retrouver une enveloppe psychique solide. Le toucher
thérapeutique mais également des types de relaxation par portage
pourrons servir de points d'appuis dans la reconstruction de ces enveloppes.
D'autre part ces enveloppes psychiques décrites par Houzel ont des
relations homéomorphique27 avec l'environnement. Ce qui veut
dire qu'elles s'inter-influencent mutuellement, le patient introjecte le cadre
environnemental dans lequel il se trouve (l'unité d'hospitalisation) et
y projette pour en tester sa contenance (attaques du cadre). Il s'agit de
prendre en considération le caractère hypersyntone28
des patients et de leur proposer un environnement contenant, un
27 Qui peuvent être amené en
coïncidence par déformation élastique, sans déchirure
ou recouvrement.
28 Qui réagit sur le plan émotionnel et
comportementale en miroir des autres et de son environnement.
39
cadre sécurisant et bienveillant qu'il va pouvoir
introjecter. En parallèle, le patient va perpétuellement attaquer
ce cadre comme pour tester sa solidité, sa permanence, l'équipe
soignante doit alors, comme une mère avec son enfant, recevoir ces
attaques sans pour autant se détruire, ni s'éloigner. C'est en
cela que l'équipe soignante deviens pour le patient un repère
stable sur lequel il pourra s'appuyer par la suite. C'est également en
garantissant cette permanence que les patients peuvent reconstruire la notion
de réalité. En attaquant le cadre, il y projette leurs pulsions
de haine et de destruction, si le cadre ne se détruit pas, le patient
sera confronté à la réalité et pourras remettre en
question sa toute-puissance imaginaire. Et en dernier lieu, ces enveloppes
doivent être souple, solide et malléable pour s'adapter pour mieux
aux situations et protéger la personne des modifications des
réalités qu'elles soient internes et/ou externes. Elles
matérialisent une limite souple qui permet d'être en contact au
monde. C'est une enveloppe avec une porosité contrôlé qui
permet d'être traversé par le monde (de l'introjecter) et
d'projeter tout en restant soi.
2.4.7 Le dialogue tonique
Le dialogue tonique est une notion introduite par Wallon
dès 1930. Cette notion sera reprise par Julian de Ajuriaguerra en 1977,
qu'il nomme dialogue tonico-émotionnel, il l'approfondit et le
décrit comme le reflet des états émotionnels de deux
individus en relation avec la possibilité d'une interaction de l'un
à l'autre. Le dialogue tonico-émotionnel s'appuie sur la notion
de tonus musculaire et des émotions. Le tonus musculaire est
l'état permanant de tension qui s'exerce sur un muscle. Le tonus est le
réceptacle des émotions, il va varier de manière
consciente et inconsciente en fonction de nos émotions. Ces
modifications toniques sont perceptibles par les individus avec lesquels nous
interagissons. Comme un langage universel nous pouvons percevoir une part du
langage corporelle par le dialogue tonico-émotionnel.
Les patients psychotiques sont souvent hypersyntones, ils ont
une réceptivité exacerbée à l'ambiance et aux
émotions des autres. Ils seront donc très réceptifs
à notre dialogue corporel, en cela nous sommes formés à
maitriser notre propre dialogue tonique pour amener le patient à se
sentir en sécurité et pouvoir interagir. Le dialogue tonique
tonico-émotionnel est autant un outil diagnostique qui permet
d'évaluer la potentiel impulsivité d'un patient qu'un outil de
pratique. L'utilisation de cet outil est permanant pour évaluer, la
proxémie dans laquelle le patient se sent bien, la possibilité de
contact, les réactions émotionnelles. Toutes ces informations
seront des clés pour s'adapter au patient et permettre le contact.
40
Monsieur M, patient hospitalisé à l'UISI. Il est
originaire de Somalie et en raison de son mutisme nous ne savons pas s'il
comprend le Français. Il est décrit par son unité de
secteur comme sthénique et imprévisible. Il est actuellement en
chambre d'isolement, gémit et cri. Au timbre de sa voix, ce
gémissement ressemble à un appel à l'aide qu'il ne peut
formuler. En absence de communication verbale possible le langage corporel
devient indispensable. Les réaction tonico-émotionnelles de
monsieur M m'ont permis de percevoir jusqu'où je pouvais m'approcher et
de comprendre sa demande de contact. Ce contact qui lui a, par la suite, permis
de s'apaiser.
2.4.8 La respiration
La respiration est une fonction physiologique indispensable
à la vie. Elle permet également d'avoir une action
régulatrice sur d'autres fonctions physiologiques comme la
fréquence cardiaque. Chez le patient psychotique en crise aiguë
toutes les fonctions physiologiques sont impacté, le rythme
nycthéméral, le rythme cardiaque et la respiration.
Franck Pittéri (1996) montre que la plupart des
mouvements psychique et émotionnels sont accompagnés par une
modification de la localisation, du rythme ou de l'amplitude respiratoire. Chez
le patient en décompensation psychotique les troubles de la respiration
traduisent de nombreuses angoisses. Ces angoisses peuvent s'exprimer sous la
forme de difficulté à respirer, d'oppression thoraciques, de
douleurs thoraciques, d'accélération ou diminution de la
fréquence respiratoire et peuvent s'étendre au niveau cardiaque
avec une sensation d'accélération du rythme cardiaque, une
sensation de douleur cardiaque voir de mort imminente.
V. Defiolles-Peltier décrit la respiration comme outil
essentiel de la thérapie. Elle pense le travail de la respiration dans
la mesure où il renvoie à des sensations archaïques de la
vie. « La respiration étant un mode d'échange entre
l'intérieur et l'extérieur du corps, elle est la base d'une
première ébauche de travail sur les limites corporelles, et
permet la réintégration de la notion du dehors et du dedans.
» (Defiolles-Peletier, 2010, p. 253). Dans ce travail autours des
sensations corporelles liées à la respiration, les notions de
sensations d'air frais qui va rentrer dans le corps et d'air chaud qui va en
ressortir met en avant la température du corps. Les mouvements que
produisent les respirations sont également des sensations
intéressantes sur
41
lesquelles s'appuyer pour moduler l'amplitude et la
localisation de la respiration. Ce travail autour des amplitudes respiratoires
et de ses sensations proprioceptives permet de faire ressentir au patient
l'espace de son corps, son volume et ses limites.
Au-delà de la réintégration des limites
Defiolles-Peltier insiste sur la notion de participation du patient à sa
thérapie, il va pouvoir être acteur du soin et retrouver de la
maitrise et une autonomie vis-à-vis de sa respiration. Cette
réappropriation de son autonomie va ici passer par une
réappropriation corporelle « A partir de la respiration, une
réappropriation du corps propre va pouvoir s'effectuer. En effet, un
patient en phase aigüe se trouve d'emblée dans un état de
dépendance quasiment totale à l'égard de son entourage. Ce
travail sur la respiration lui restitue une autonomie qu'il est libre de
choisir ou de refuser. » (Defiolles-Peletier, 2010, pp. 253-254). Un
travail autour de la respiration au moment d'une décompensation
aigüe permet de gérer l'angoisse, la plupart du temps
présente et paroxystique chez tous les patients. C'est leur donner la
possibilité de pouvoir contrôler cette angoisse en incitant
à abaisser la fréquence respiratoire ce qui va diminuer les
sensations de tachycardie. L'action en elle-même mais également la
possibilité de retrouver une maitrise de certaines sensations
physiologiques angoissantes va leur permettre de faire diminuer leur niveau
d'angoisse. Forcer son attention à se focaliser sur une perception
interne que l'on peut maitriser grâce à un contrôle avec un
feedback rapide permet de diminuer l'angoisse.
42
3 Clinique
Les cas cliniques de ce mémoire sont tous des patients
que j'ai rencontré à l'Unité Intersectorielle de Soins
Intensifs (UISI). La place particulière du psychomotricien ainsi que la
courte durée de séjour des patients dans l'unité
nécessitaient la présentation d'au moins quartes cas cliniques.
D'une part pour donner un aperçu des différentes prises en
charges possibles. Et d'autre part, comment mieux vous faire vivre le rythme de
l'unité et son turnover constant ?
3.1 Madame A. - tableau d'une régression
Nom : Mme Amalia André
Âge : 22 ans Né le :
06/11/1996* Diagnostic : Schizophrénie
paranoïde
*Le nom du patient et sa date de naissance ont été
modifié pour conserver son anonymat.
3.1.1 Anamnèse
Madame A. est une patiente hospitalisée à
l'unité intersectorielle de soins intensifs (UISI), depuis septembre
2018. Elle est en placement sous contrainte en soins psychiatrique à la
demande d'un tiers (SPDT), le signataire du tiers étant sa mère.
Elle est hospitalisée pour une décompensation avec recrudescence
d'angoisse et vécu délirant persécutif. Elle sera
transférée de son unité d'hospitalisation de secteur
à l'UISI en novembre dans le cadre d'un syndrome confusionnel et
troubles du comportement à type d'agitation psychomotrice.
Madame A. vit chez ses parents, sa mère est enseignante
en élémentaire et son père travaille dans une ambassade.
Son frère, plus jeune, poursuit des études d'ingénieur
dans une ville de province. Elle est orientée en CLIS (Classe pour
l'inclusion scolaire) en CM2, l'équivalent actuel sont les ULIS
(unité localisée pour l'inclusion scolaire), puis poursuivra en
SEGPA (Section d'enseignement général et professionnel
adapté) durant le collège et intégrera par la suite un CAP
d'horticulture.
43
Elle commence à être suivie en
pédopsychiatrie durant la petite enfance, elle présente des
troubles spécifiques mixtes du développement depuis l'âge
d'un an et demis. Pendant plusieurs années elle sera suivie au centre
médico-psychologique (CMP) et participera à des activités
à l'hôpital de jour (HDJ) de son secteur.
3.1.2 Traitements
Madame A. a déjà essayé plusieurs
neuroleptiques mais semble résistante à ces molécules.
L'introduction d'un nouveau neuroleptique, la Clozapine®, a
été faite pendant le temps d'hospitalisation à l'UISI, ce
traitement nécessite une surveillance pendant toute la période
d'introduction. Compte tenu des risques de granulopénie29 et
d'agranulocytose30 ce traitement est limité aux patients
résistant aux autres molécules. Sur le plan clinique elle
provoque une sédation rapide et intense et a des effets antipsychotiques
marqué. Elle induit également moins de réactions
extrapyramidales comme la dystonie aiguë31, le syndrome
parkinsonien et l'akathisie32 (Vidal, 2013). Un autre neuroleptique,
le Nozinan® lui est associé car il possède des
propriétés antihistaminiques qui provoquent une sédation
et un effet légèrement antipsychotique. Madame A. présente
des effets secondaires de son traitement neuroleptique comme une
hypersialorrhée très importante, une perte d'équilibre,
une constipation et on peut émettre l'hypothèse de la
présence d'akathisie aux vues de ses déambulations constantes
bien qu'il soit difficile de savoir si ce symptôme est associé
à sa pathologie ou aux effets secondaires des neuroleptiques. Elle
présent également une akinésie33, une
hypertonie et des difficultés d'articulations.
Le reste de son traitement est composé d'un
anxiolytique, le Temesta®, pour abaisser l'intensité de
ses angoisses, un somnifère, l'Imovane® pour l'aider
à l'endormissement et un antiparkinsonien, la Parkinane®
utilisé comme correcteur du syndrome parkinsonien induit par les
neuroleptiques comprenant tremblements généralisé,
mouvements anormaux de la bouche, akinésie, hypertonie.
29 Diminution des granulocytes (globules blancs non
spécifiques) dans le sang.
30 Disparition aiguë des granulocytes dans le
sang.
31 Trouble neurologique moteur responsable d'anomalies
du tonus des muscles
32 Impatiences, impossibilité à
s'assoir, besoin irrépressible d'agitation
33 Lenteur d'initiation des mouvements et tendance
à l'immobilité
44
3.1.3 Bilan d'observation
Madame A. a une présentation très
négligée, on voit qu'elle a désinvestie son corps, autant
en ce qui concerne les soins qu'elle lui apporte que la façon dont elle
l'habite. Quand je la rencontre elle est en chambre d'isolement mais a des
temps d'ouvertures autorisé. Elle présente une agitation motrice
constante, malgré les sédatifs et les hypnotiques qui lui sont
prescrits à forte doses. Elle n'arrive pas à se reposer
malgré les temps en chambre d'isolement fermée. Elle finit par
s'épuiser et s'endort en pleine journée devant la
télé sans avoir un temps de sommeil suffisant ni
réparateur. L'équipe soignante choisi, deux semaines après
son arrivée, de poser des contentions à madame A. pendant la nuit
et le temps de la sieste pour l'immobiliser et l'amener à dormir. Les
troubles du sommeil induits par la pathologie majore certains symptômes
comme la désorganisation c'est pourquoi retrouver un rythme
nycthéméral est la première étape indispensable du
soin. Lors de la pose des contentions, elle semble se rassembler, se
détendre, et ferme les yeux. Elle arrive alors à trouver le
sommeil et son état clinique s'améliore suffisamment pour pouvoir
lever les contentions deux semaines plus tard.
Motricité globale : Madame A.
présente très peu d'amplitude dans ses mouvements. D'allure
catatonique, elle se déplace les bras le long du corps et les jambes
tendues avec des petits pas. Elle se déplace rapidement et n'a pas
conscience de ses difficultés d'équilibre dynamiques ce qui
l'amène à se mettre en danger.
Tonus : Elle présente peu de
régulation tonique et se situe généralement sur un versant
hypertonique.
Délire : Elle présente un
délire non systématisé, très flou et il est
difficile d'accès au regard de ses difficultés d'expression. Elle
présente des hallucinations cénesthésiques et visuelles.
Elle nous dit avoir des chats dans le ventre, des coupures de sécateurs,
un arbre qui lui pousse dans le ventre et dans l'anus. Toute ces sensations
sont désagréables selon la patiente. Nous pouvons faire
l'hypothèse que ces sensations hallucinatoires sont liées
à des sensations proprioceptives (douleurs des menstruations,
constipations...) interprétées par la patiente. La patiente parle
également de ses hallucinations visuelles, elle décrit des
personnes de son entourage qu'elle voit dans l'unité, des gens qui
viennent faire la fête dans sa chambre la nuit et l'empêche de
dormir.
Espace/ Temps : Perte du rythme
nycthémérale. Mauvais repérage spatial dans l'unité
(elle ne retrouve pas facilement sa chambre). Le repérage temporel est
en cours d'acquisition, la
45
rythmicité de son emploi du temps qui a
été ritualisé avec la visite de ses proches et les
interventions de l'équipe lui permet de l'étayer et contenir son
angoisse.
Motricité fine : Elle présente
une amimie la plupart du temps mais son visage s'anime parfois avec un sourire
dans la relation.
Langage : Des difficultés
d'articulation sont très présentes. Une hypersialorrhée
due au traitement neuroleptique et l'absence du réflexe de
déglutition salivaire rend la communication difficile.
Cognitions : Difficultés d'attention
et de concentration. La compréhension de madame A. est également
limitée aux phrases et consignes simples. Elle est cependant très
réceptive à l'imitation et capable de faire de l'humour et d'y
réagir.
Conclusion : On peut voir que madame A, est
très envahis par son délire. Elle a une perturbation des rythmes
biologiques et une désorientation temporo-spatial. Elle semble avoir
perdu un rapport au corps relationnel et l'habite uniquement fonctionnellement.
Elle est prise dans une tension permanente et son vécu est dominé
par des sensation douloureuses.
3.1.4 Projet thérapeutique
Modalités : Prise en charge dans l'unité deux
fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances
durent environ 30 minutes, mais cette durée est adaptée aux
capacités attentionnelles et à l'état émotionnel de
la patiente.
Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à
madame A de reconstruire une unification psychocorporelle pour apaiser son
angoisse. Pour cela nous voulons lui amener des sensations corporelles
agréables à investir pour désinvestir ses sensations
délirantes. A long terme nous travaillerons l'unification de ses
sensations corporelles pour qu'elle retrouve la conscience de son corps.
Moyens : Prise de contact avec un objet transitionnel.
Séances de relaxation avec différents médiateurs.
Relaxation par pression, relaxation par portage avec un drap et relaxation par
enveloppement à l'aide de balles effets peau.
46
3.1.5 Prise en charge en psychomotricité
Les réflexions d'équipe autours des contentions
mécaniques prescrites à madame A. amène à la mise
en place de mesures particulières. Dans le discourt, aux vues de sa
régression, nous pensons ce moment comme quand une mère couche
son enfant qui n'as envie de dormir mais qui en a besoin. Des mesures sont
réfléchies en fonctions d'éléments psychomoteurs,
le timbre de la voix, la lumière de la pièce, les mots
utilisés, le touché. Un rituel de bordage a été mis
en place pour aider madame A. à retrouver ses rythmes biologiques
à l'aide de cette rythmicité. Le rituel aide à apaiser les
angoisses, comme le rituel de l'histoire pour un enfant au coucher. Pour
certains patients qui n'ont pas de sécurité interne, s'endormir
peut-être une grande source d'angoisse, sans savoir s'ils se
réveillerons.
Nous commençons la prise en charge le vendredi 14
décembre. La première séance se déroule dans sa
chambre, la prise de contact s'est faite à l'aide d'objets
transitionnels, elle nous présente ses doudous, deux chevaux. Nous
travaillons autour de ses peluches des notions de rythmes, de jeu de
rôle, à travers l'équitation. Ces jeux de rythmes sont une
approche des rythmes biologiques perturbé de la patiente. Les jeux de
rôles amènent la place de l'autre et les interactions possibles
avec lui. Elle prend plaisir dans ces échanges et souhaite continuer de
nous voir, nous construisons peu à peu une relation sécurisante.
Elle sera la base de la relation thérapeutique, c'est le début du
portage psychique.
Une fois la relation de confiance établie avec la
patiente je lui propose des séances de relaxation. Cette
médiation me parait être la plus adapté pour madame A. qui
est très régressé. La mise en jeu du holding, du handling
par le toucher ou avec des objets médiateurs, a pour but de faire vivre
des expériences sensorielles qui pourrons être le point d'appuis
d'une reconstruction de ses enveloppes physiques/psychiques dans un cadre
contenant. Dans un premier temps la séance se fait dans sa chambre pour
conserver les avantages de ce lieu où elle se sent bien. La relaxation
par pression permet de prolonger la contenance externe apporté par les
contentions mécaniques, donner un sentiment de continuité au
rassemblement qu'elles ont pu amener. Nous cherchons à remplacer la
contenance apportée par les contentions mécaniques par une
contenance physique. Puis au fils des séances nous nous
déplaçons dans la salle de psychomotricité pour amener
madame A. à investir des lieux spécifiques à des
activités et l'amener à différencier les espaces en leur
donnant une fonction. C'est un déplacement de lieu marquant le passage
d'un soin, pour retrouver une rythmicité (rythmes
nycthémérales), à retrouver une dynamique en allant «
explorer » ses sensations, ressentis et d'aller vers un mieux-être,
mieux bouger, mieux
47
habiter son corps. Elle aime cette médiation et
verbalise toujours que « ça lui fait du bien » sans pouvoir
développer davantage sur ses sensations. L'accès à la
parole est très limité d'où l'intérêt
privilégié des médiations corporelles.
Nous avons commencé par une relaxation par pression
bilatérales. A travers le toucher nous souhaitons favoriser la
contenance, lui faire prendre conscience de la solidité de son corps et
l'amener une sensation d'unité corporelle. L'absence d'amplitude dans
ses mouvements, l'attitude catatonique « flasque » laisse penser que
madame A. ne ressent plus son corps, ou du moins elle n'en perçoit plus
sa solidité. Pour autant ses moments d'agitations motrices où
elle court, fait du sport, sont surement des manifestations de recherches
d'éprouvés corporels. Nous amenons avec les pressions cet
éprouvé de solidité, de volume dans la continuité
pour activer la proprioception du corps mais également rassembler. Nous
avons ensuite travaillé sur l'enveloppe corporelle avec de la relaxation
par portage à l'aide d'un drap. Cette approche permettait à
madame A. de se laisser aller à une détente musculaire tout en
restant dans une enveloppe sécurisante matérialisé par le
drap. La relaxation par portage est une médiation qui favorise la
régression en amenant le patient à des sensations de «
bercement » avec un retour au rythmes binaires renvoyant aux rythmes
biologiques comme le rythme de la respiration ou le rythme du coeur. La
régression apportée par cette rythmicité
particulière et continu amène un lâché prise tonique
se reposant sur la relation de confiance avec le thérapeute. Grâce
au portage nous favorisons également la prise de conscience de la notion
d'axe corporel. Ce balancement est un mouvement de pivot autour d'un axe, l'axe
corporel. Nous proposons de l'allier à la détente musculaire,
supprimant les positions de sur-enveloppement. La patiente peut alors ressentir
sa colonne vertébrale et le prolongement de son axe dans la rotation des
jambes et de la nuque contre le matelas. Le travail s'est ensuite poursuivi
autour de la notion de contenance de son corps, de sa densité, de son
volume pour permettre à madame A. de percevoir les limites de son corps
et d'en percevoir sa densité. Nous introduisons la relaxation avec des
balles effets peau à moitié gonflé, ce qui induit chez
madame A. une détente musculaire et viscérale, elle émet
des gazes régulièrement depuis la cinquième séance.
Le travail des limites corporelles est à mettre en lien avec les
expériences corporelles de la peau sur lesquelles se construit les
enveloppes psychiques. Les balles passé avec une certaine pression
amènent une contenance physique, enveloppante qui comprime dans une
juste mesure pour rassembler et lier toutes les parties du corps de madame
à avec une continuité dans le geste et des passages
répétitifs. Nous travaillons à travers toutes ces
relaxations des expériences corporelles archaïques, pour qu'elles
puissent être le point d'appuis d'une reconstruction de l'enveloppe
psychique. Nous essayons
48
également d'amener des stimulations corporelles
agréables à la patiente qui est sans cesse envahis par des
hallucinations douloureuses. Elle est très logorrhéique, le
discourt étant principalement une verbalisation de ses hallucinations,
la diffluence de sa parole traduit l'intensité avec laquelle la patiente
est envahis par son délire. Dans un premier temps il me semble important
de pouvoir lui parler pendant ces temps, pour amener de la contenance verbale,
une enveloppe psychique sonore, je réponds à ses questionnements
ses sollicitations en mettant des mots sur ses sensations, ses douleurs et ce
qu'elle me dit spontanément, « la faim », « le besoin de
bouger ». La tonalité de la voix, le rythme, la prosodie participe
à l'enveloppement. J'essaye de faire des liens, tout en émettant
des hypothèses ouvertes pour tenter de mettre des mots sur ses maux.
Malgré ses hallucinations, nous arrivons peu à peu à
diminuer ses verbalisations jusqu'à faire une séance totalement
dans le silence fin janvier, l'absence de verbalisation pour madame A. est
signe de diminution de l'intensité de son délire et de ses
hallucinations. Elle a pu se laisser aller à simplement éprouver
ses sensations, ce qui était si difficile au début de notre
travail. Cette capacité à se focalisé sur son corps sans
investir le langage traduit également la diminution de
l'intensité de ses angoisses. Les réflexions autours de madame A.
aboutisse à la construction d'un outil supplémentaire, un
vêtement compressif. Cet outil à nécessité que
l'équipe se mobilise, une ASH se propose pour coudre la bande de tissu
qui servira à envelopper madame A comme un gilet. La compression de ce
vêtement compressif active la proprioception et lui faire ressentir son
buste. Il est utilisé durant 30 minutes tous les jours. C'est
également dans ces projets communs, ou l'équipe pense le patient
et élabore un outil que se crée un holding, un handling
institutionnel.
Au départ de Madame A. nous avons effectué 10
séances de relaxation au totale. Durant ce travail nous avons pu
observer que madame A. s'est redressé, elle à une meilleure
position axiale qui a favorisé son désir d'être en contact.
Elle adopte une position plus adaptée sur une chaise, a une meilleure
compréhension et des réponses plus construites et
adaptées. La position social éveil chez elle, l'envie
d'être dans le contact, elle commence alors à solliciter les
membres de l'équipe et les patients. En prenant conscience de son axe
elle a pu augmenter son amplitude de mouvements ce qui a permis d'agrandir son
polygone de sustentation et donc améliorer ses déplacements.
Après réflexion, et aux vues de la construction
du regard clinique que j'ai travaillé tout au long de ce stage. Je pense
qu'il aurait été bénéfique de commencer ce suivie
en psychomotricité plus tôt. La prise en charge de la patiente
aurait pu être concomitante au temps de repos sous contentions. Commencer
le suivie plus en amont, aurait permis d'investir le temps de la pose
49
des contentions avec des stimulations comme des pression pour
amener un relâchement. Le fait de faire coïncider ces stimulations
et la pose des contentions permet de rendre ce temps moins traumatique pour la
patiente. D'autre part nous aurions pu espérer qu'en travaillant la
contenance relationnelle et physique avec la relaxation par pression, la
durée de la nécessité des contentions pour que madame A.
dorme aurait pu être raccourci. Nous aurions pu, plus rapidement passer
des contentions mécaniques à une contenance par la relation et
enfin une contenance corporelle. Le toucher thérapeutique et la
contenance relationnelle auraient permis de reconstruite les enveloppes de
madame A. en amont. De plus madame A. avait une grande résistance aux
traitements sédatifs, ce qui rendait impossible l'augmentation des doses
et à obliger les équipes à réfléchir
à un autre procédé pour l'amener à dormir. Nous
pouvons penser qu'une prise en charge psychomotrice aurait potentialisé
l'effet des traitements sédatifs et permis à madame A. de
dormir.
Suite au retour de Mme A. chez elle, j'ai eu l'occasion de la
recroiser à l'hôpital de jour ; elle pratique des activités
de groupe comme la piscine dans lesquelles elle s'est très bien
adaptée aux autres patients et elle y prend beaucoup de plaisir. Les
effets secondaires du traitement se sont amoindris, l'hypersialorrhée
à totalement disparu. Elle me reconnait, me sourit et nous
échangeons quelques mots. Elle est dans une demande de contact et peux
maintenant solliciter l'équipe quand elle en a besoin.
50
3.2 Monsieur K. - créer un espace
d'échange
Nom : M. Kevin Klein
Âge : 29 ans Né le :
8/3/1989* Diagnostic : Troubles
schizo-affectifs
*Le nom du patient et sa date de naissance ont
été modifiés pour conserver son anonymat.
3.2.1 Anamnèse
Monsieur K. est un patient hospitalisé sous contrainte
en soins psychiatriques à la demande d'un tiers en urgence (SPDTU), pour
une rechute des troubles liés à sa schizophrénie. Il est
transféré de son unité d'hospitalisation de secteur
à l'USI en octobre 2018 pour syndrome confusionnel et troubles du
comportement. Son état clinique s'étant amélioré,
il retourne dans son unité de secteur en novembre 2018 et nous ai
adressé à nouveau en décembre 2018 pour une recrudescence
des mêmes symptômes.
Hospitalisé en SPDTU depuis septembre 2018 à la
suite d'une tentative de suicide par défenestration dans un contexte de
décompensation marqué par des éléments de
discordances de la pensée et du comportement. Il est hospitalisé
en urgence dans une unité de secteur correspondant au lieu de sa
tentative de suicide. Monsieur K. a été initialement suivi depuis
10 ans par un autre secteur, celui de sa domiciliation ; au moment du transfert
sur son secteur, les équipes découvrent que monsieur K. « a
été changé » de domiciliation et dépend
maintenant du secteur où il est actuellement pris en charge. Les
échanges entre les psychiatres des deux structures sont difficiles. On
peut ressentir le caractère abandonnique de sa prise en charge
institutionnelle. Il présente alors des hallucinations variées
(auditives, visuelles, et kinesthésiques) encore envahissantes
malgré un traitement neuroleptique sous forme retard34 bien
conduit.
Il est l'aîné d'une fratrie de 4 enfants, un
frère issu d'une première union et un demi-frère et une
demi-soeur de la deuxième union de sa mère. Ses parents se sont
séparés dans son enfance et il a vécu avec sa mère
dans des communautés du voyage. Elle-même a essayé
d'échapper aux
34 Une injection intramusculaire qui assure une
couverture antipsychotique pour plusieurs semaines
51
services sociaux, elle nécessiterait des soins
psychiatriques et serait selon ses dires, Sans Domicile Fixe (SDF) avec la
jeune soeur du patient. Son père très souvent à
l'étranger essaie d'être présent mais se décourage
régulièrement. Il ne prendrait pas en compte la maladie de son
fils, voyant ça comme « des mensonges ». On note
également dans les transmissions et dans les propos du patient la
présence d'allégations de maltraitances des parents à son
encontre, chaque parent se renvoyant la faute et s'accusant mutuellement de
maltraitance. Le discours du patient est trop empreint de son délire
pour avoir une vision claire de la situation ; mais il semble comporter des
souvenirs traumatiques, fantasmés ou non, avec chacun de ses parents. Sa
situation familiale est complexe et marquée par peu de relations de
soutien ; ses parents ne viennent le voir que très rarement pendant
l'hospitalisation ; chacune de ces visites nous fait entrevoir des bizarreries
de la part de ses parents, et perturbe beaucoup le patient durant les jours qui
suivent.
Monsieur K. poursuit sa scolarité jusqu'en seconde
européenne, qu'il redouble trois fois. Il commence un Diplôme
d'Accès aux Études Universitaires (DAEU) d'histoire
géographie mais ne se présente pas aux examens. Il commence
à être suivi en psychiatrie vers ses 19 ans, à la suite
d'une tentative de suicide dans le cadre d'un épisode délirant et
est hospitalisé quasiment en continu depuis ce jour. Les permissions qui
lui sont accordées quand son état se stabilise sont souvent
suivis d'épisodes délirants aigus dans le cadre de
pharmaco-psychose. Il consomme des toxiques (cannabis) qui exacerbent ses
troubles schizophréniques mais ne s'arrêtent pas avec
l'arrêt de la consommation.
3.2.2 Traitements
L'introduction d'un neuroleptique, la
Clozapine® a été faite pendant le temps
d'hospitalisation à l'UISI, son introduction a été
particulièrement compliquée. Dans un premier temps monsieur K. a
présenté des signes de problèmes cardiaques qui ont
nécessité l'arrêt du traitement ; une deuxième
introduction a été faite avec des paliers d'introduction plus
faibles. Les dosages sanguins pour contrôler la présence de la
molécule dans son sang montrent qu'il ne l'absorbe pas - pour 500mg
introduit il ne lui reste que 100mg présent dans son sang - la question
se pose des raisons de cette absorption si faible. Monsieur K. est toujours en
train de cracher, de se frotter les dents, de pousser pour expulser des sels,
de boire et d'uriner en grande quantité. On peut voir ses comportements
comme des tentatives de vidages ou de rejet du traitement. Nous continuons
cependant l'introduction car c'est la molécule la plus efficace
concernant les effets
52
antipsychotiques. Le Nozinan® est un autre
neuroleptique, prescrit pour ses qualités sédatives et un effet
légèrement antipsychotique. Le patient présente des effets
secondaires de son traitement neuroleptique, une perte d'équilibre et
une constipation.
Durant ses décompensations, il présente des
phases maniaques et des phases dépressives intenses qui le conduisent
à des passages à l'acte suicidaire ; un traitement pour
réguler son humeur est mis en place. La Dépakote®
est un anticonvulsivant utilisé, ici, pour son effet
thymorégulateur grâce au renforcement de la voie
GABAergique. En parallèle il potentialise l'effet des neuroleptiques
(Vidal, 2019).
Le reste de son traitement est composé d'un
anxiolytique pour apaiser ses angoisses, le
Valium® et d'un antiparkinsonien, le
Lepticur® utilisé comme correcteur du syndrome
parkinsonien induit par les neuroleptiques, comprenant tremblements
généralisés, mouvements anormaux de la bouche,
akinésie, hypertonie.
3.2.3 Bilan
Quand je le rencontre il est en chambre d'isolement mais a des
temps de sorties autorisés. Lors de ces moments il erre dans les
couloirs de l'unité, sa démarche est lente et à petit pas,
sans ballant des bras, le dos courbé et la tête baissée. Il
est amimique et ne communique avec personne. Je le revois une semaine plus
tard, son état s'est vite dégradé. Il est
contentionné en chambre d'isolement car il se mutilait par grattage de
ses orifices, se faisant saigner. Il ne contrôle plus ses fonctions
annales et urinaires. Cet investissement des orifices met en évidence
une très forte angoisse mais également la question des
enveloppes, peaux physique et psychique. On pense également à la
représentation de l'intérieur de son corps, un corps tuyaux ou il
suffirait de se vider pour rejeter les traitements ? Il est exalté,
logorrhéique, son discours n'est pas compréhensible et comporte
beaucoup de bruitages et de rires immotivés. Peu à peu son
état s'améliore, il est décontenu et a des temps
d'ouverture dans l'unité ; il est toujours exalté mais son
discours, par moment, devient compréhensible et nous accédons
à son délire, bien que cela ne dure pas plus d'une phrase ou
deux. Il présente beaucoup de bizarreries et d'automatismes mentaux. Il
nous dit qu'il mange les miettes par terre car à chaque fois cela sauve
un enfant. Il comprend cependant ce qu'on lui dit et nous pouvons donc
commencer un bilan psychomoteur.
53
Le bilan a été effectué sur deux
séances, en octobre et novembre 2018, lors de sa première
hospitalisation à l'UISI.
Comportements et observations durant le bilan :
Monsieur K. est très demandeur de prise en charge en
psychomotricité et participe volontiers ; il a des difficultés
à maintenir son attention durant toute la séance. Il est
distractible mais il est assez facile de le ramener à l'exercice
proposé. Le cadre de la séance et notre présence lui
permettent de disposer d'un espace où il arrive à être
attentif, accessible, plus calme et détendu que durant la
journée.
Tonus : Il présente de larges rires
immotivés au contact mais se laisse manipuler facilement lors de
l'examen du tonus ; une grande rigidité au premier abord mais il arrive
à relâcher presque totalement son bras sur demandes
répétées.
Motricité globale : On observe une
cyphose thoracique, les épaules en dedans, il se déplace
lentement sans ballant, les bras le long du corps, traîne les jambes.
Bonne mobilité des membres inférieurs si sollicités avec
un ballon, les membres supérieurs restent relativement statiques. Peu de
mouvements volontaires et peu d'amplitude sauf si quelque chose
l'intéresse et alors on découvre une agilité
impressionnante.
Motricité fine : Les items de
motricité faciale de Kwint en mimétisme sont tous réussis,
cependant leurs associations pour reproduire des émotions n'est pas
possible. Il ne semble pas comprendre la notion de reproduction
d'émotions, on sent que cela provoque une légère
sidération qui devient vite angoissante pour lui.
Latéralité :
Latéralité manuelle et podale à droite. Monsieur
K. connaît la droite et la gauche sur lui-même et sur autrui. La
réversibilité est cependant difficile à obtenir car la
notion de « sur toi, sur moi » est compliquée ; il a du mal
à se situer par rapport à lui-même dans le test de
Piaget-Head et situe les objets par rapport à l'examinateur dans un
premier temps, puis comprend après plusieurs explications ce qu'est
« par rapport à lui » et situe alors les objets dans le bon
sens. On se pose la question de l'origine de cette difficulté, une
possible fusion avec l'autre où la difficulté à se
différencier est grande, ou bien, l'impossibilité de se prendre
en compte, s'oubliant ainsi en tant que personne. La suite du test est
réussie mais lui demande beaucoup de concentration. Aucun
problème lors des reproductions des mouvements de l'EMG
(Évaluation de la Motricité Gnosopraxique) de Vaivre Douret.
Schéma Corporel : Lors des
somatognosies, le patient sait nommer et reconnaître les parties du corps
sur lui et sur autrui. Cependant certains items complexes comme
«pommettes» lui
54
posent problème ; il met longtemps à trouver et
se plonge dans une concentration à la limite de la stupeur. Il cite
souvent des éléments précis quand je lui demande des
parties générales, la compréhension est un peu
altérée. Le schéma corporel est donc correct mais
fragile.
Mémoire : Bonne mémoire de
travail (mémoire instantanée), moins bonne mémoire de
rappel ; son délire reprend vite place quand le rappel est difficile
pour lui.
Communication/ Comportement : Ne peut pas
exécuter un ordre comprenant trois étapes, il ne peut pas
attendre la suite de la consigne et manipule le matériel selon ses
envies. Son discours spontané est presque exclusivement rapporté
à son délire et très peu compréhensible. Il
comprend cependant ce qu'on lui dit et répond généralement
de manière adaptée aux sollicitations si elles sont simples et
dans le moment présent.
Conclusion : On peut constater que Monsieur K
est fortement envahi par son délire, ce qui limite ses capacités
attentionnelles et de compréhension, il est cependant réceptif au
portage dans la relation. Il a des difficultés à se
représenter «lui et l'autre», et on peut émettre
l'hypothèse d'un manque de limites corporelles, une fusion avec l'autre
ou un manque de conscience de soi. Le manque de mouvements, d'amplitude et
l'attention qu'il porte à des éléments précis de
son corps peuvent nous évoquer une possible angoisse de morcellement. On
note un émoussement affectif, une alexithymie, l'incapacité de
reconnaître, mimer et parler de ses émotions.
3.2.4 Projet thérapeutique
Modalités : Prise en charge deux fois par semaine, chaque
séance durant 45 minutes.
Objectifs : L'objectif principal de cette prise en charge de
créer un espace d'échange, une réalité commune.
Pour cela nous travaillerons dans le but de reconstruire ses limites
corporelles et de reprendre conscience de son corps. Ce travail nous conduira
à la prise de conscience de l'autre et du tiers.
Moyens : Stimulation de l'espace perceptif à partir
d'un espace corporel dynamique. La prise en charge se centre sur des
éléments proprioceptifs et multi-sensoriels avec le bain
thérapeutique proprioceptif35 et le corset compressif.
35 Illustré en Annexe 5
55
3.2.5 Prise en charge en psychomotricité
La prise en charge débute lors de la deuxième
hospitalisation à l'UISI. Monsieur K, a été entre temps
stabilisé pendant quelques semaines et a pu retourner dans son
unité d'hospitalisation de secteur. Puis l'intensité de sa
symptomatologie a nécessité de réintégrer l'UISI.
Il est à ce moment plus envahi que quand nous avions effectué le
bilan. Nous lui proposons alors des séances de bains
thérapeutiques proprioceptifs.
Il accepte la proposition et nous suit jusque dans la salle de
bains de l'unité. Il observe dans un premier temps l'eau couler dans le
bain avec un mélange d'excitation et d'angoisse. Nous plaçons un
drap sur la baignoire pour recréer un espace foetal alliant chaleur,
liquide, pesanteur et contenance. Nous cherchons à créer un
espace de régression positive, permettant l'exploration de sa
sensorialité proprioceptive. La séance se décompose en six
temps : le trajet jusqu'à la salle de bain, le remplissage de la
baignoire, le temps du bain, le vidage de la baignoire, l'emmaillotage et le
retour en chambre. Le bain lui procure une sensation de détente
musculaire et psychique à M. K, on peut voir son visage se
détendre et sa logorrhée diminuer au fil des séances. Il
est amené à compartimenter les espaces durant le bain grâce
au drap. Il peut effectuer ses stéréotypies (cracher, se moucher,
se frotter les dents) sous le drap, dans son espace d'intimité et doit
avoir une attitude sociale en dehors du drap. Il arrive de mieux en mieux
à investir et compartimenter ses espaces. Nous travaillons ces moments
avec deux soignants, pour travailler le couple thérapeutique dans ces
moments de reconstruction psychocorporel.
Plusieurs stimulations lui ont été
proposées selon les séances durant le bain. Stimulations
olfactives avec des huiles essentielles que nous proposons tour à tour
et qu'il associe à des lieux géographiques. Stimulations
visuelles avec le choix de la couleur d'une lampe. Stimulations sonores, nous
proposons des hymnes nationaux à monsieur K. qui est passionné de
football pour qu'il les reconnaisse. Il s'agit de trouver un espace
transitionnel où nous pouvons entrer en contact avec lui et créer
un espace de réalité commun dans lequel il peut se structurer.
A la suite du bain, nous utilisons le vêtement
compressif, initialement créé pour madame A., pour faire perdurer
les sensations proprioceptives liées au bain qui semble lui permettre de
mieux habiter son corps. On peut voir qu'il se tient plus droit, gagne en
amplitude de mouvement et fluidifie sa démarche. C'est le seul tissu ou
vêtement que, pendant longtemps, il ne jette pas par la fenêtre ni
ne salit.
56
Nous poursuivons la prise en charge avec des séances de
psychomotricité en utilisant comme point d'appui, la passion de monsieur
K. pour le football. Notre travail s'oriente autour des notions
d'équilibre, de posture, de coordination dynamique général
et de coordination bi-manuelle. Nous essayer de l'étayer avec la
relation dans le jeu, ce sont les règles du jeu, l'entrainement, le fait
d'avoir un objectif, de compter les points qui redonne une structure sur
laquelle s'appuier pour établir des limites. La séance se
construit autour de passes en induisant une rythmicité, signe de
continuité, en introduisant le tour de rôle. Puis nous travaillons
avec l'aspect attentionnel, en accélérant ces échanges et
en laissant le choix du destinataire de la passe. On peut observer qu'il prend
en compte ses deux partenaires. Nous travaillons la notion d'axe corporel et de
redressement par la proprioception avec des passes au pied et un objet mou en
équilibre sur la tête. On peut voir un réel investissement
malgré la difficulté de l'exercice ; il est notamment
réceptif aux inductions physiques, par le touché, pour qu'il se
redresse.
Suite au retour de M. K dans son unité
d'hospitalisation de secteur, les soignants nous font part d'une nette
amélioration. Il est apparemment plus en lien avec les autres patients
et respecte mieux le cadre de l'unité. Les bains thérapeutiques
proprioceptifs se poursuivent avec les soignants de son unité et des
sorties ont été organisées pour permettre au patient de
jouer au football en extérieur.
57
3.3 Monsieur N. - retrouver une maitrise corporelle
Nom : M. Kaissa Nicolas
Âge : 40 ans Né le :
04/04/1979* Diagnostic : Troubles
schizo-affectifs
*Le nom du patient et sa date de naissance ont été
modifiés pour conserver son anonymat.
3.3.1 Anamnèse
Monsieur N. a 40 ans, il est né à Paris et a
grandi en Guadeloupe. Ses parents divorcent alors qu'il est âgé de
6 mois. Après le divorce son père retourne vivre au Cameroun et y
décède en 2010 à la suite d'un syndrome
d'immunodéficience acquise (SIDA). Sa mère reste en Guadeloupe
avec lui et se remarie avec un homme qui devient donc le beau-père du
patient et l'élève.
Il passe un Baccalauréat Science et Technologies
Tertiaires (STT) et poursuit sa scolarité en Licence de Science et
Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ; il redouble
trois fois la première année, il est à ce moment Champion
de France junior de karaté, sport qu'il abandonnera en sénior. En
2002 il vient habiter chez sa tante à Paris durant deux ans, puis
retourne en Guadeloupe. Par la suite il travaille comme standardiste au cabinet
de son beau-père, puis commence des études de personnel naviguant
en école privée qu'il ne pourra pas poursuivre du fait de ses
troubles psychiatriques. Il revient en France en 2008 à l'occasion d'un
pèlerinage à Lourdes, le billet d'avion lui étant offert
par sa famille sans billet retour. Sa famille refuse par la suite de
l'héberger à nouveau.
Histoire de la maladie : Notion d'un premier épisode
d'excitation délirante en Guadeloupe avec une comorbidité
addictive au cannabis, cocaïne et Poppers ; les tentatives de prise en
charge pour un sevrage sont sans succès. La première
hospitalisation en métropole date de 2002, il a alors 23 ans. A son
retour en métropole en 2008, dans un contexte de grande
précarité où il se retrouve sans domicile fixe, plusieurs
hospitalisations s'ensuivent. Une prise en charge en
58
Hôpital de jour débute en 2009, puis une
stabilisation de la prise en charge débute avec son admission en Centre
d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Depuis 2018, il
est hébergé dans un foyer thérapeutique.
Monsieur N. a été hospitalisé dans son
unité d'hospitalisation de secteur le 19/02/2019 pour conduites
sexuelles inadaptées, il caresse une passante dans le métro.
L'hôpital de jour et le foyer thérapeutique qu'il fréquente
rapportent des problèmes de comportement depuis deux mois. Ils
décrivent une majoration des propos et des tentatives de rapprochement a
tonalité sexuelle dirigées vers les soignantes des structures. Il
est transféré à l'unité intersectorielle de soins
intensifs le 04/03/2019, en chambre standard, pour des comportements
masturbatoires dans les couloirs de l'unité et tentatives
d'attouchements auprès des patients et/ou soignants de son secteur. Il
est alors placé en chambre d'isolement le 06/03/2019. Pose de
contentions mécaniques dans la soirée à la suite de
troubles du comportement à type d'hétéroagressivité
verbale dans l'unité, intolérance à la frustration et
sthénicité36. Les contentions sont levées le
08/03/2019.
3.3.2 Traitements
L'introduction d'un neuroleptique, la
Clozapine® a été faite pendant le temps
d'hospitalisation à l'UISI, pour ses propriétés
sédatives rapides et intenses et ses puissants effets antipsychotiques.
Le Nozinan® est un autre neuroleptique, utilisé è
visée sédative et possède aussi un effet
légèrement antipsychotique. Monsieur N. présente des
effets secondaires à son traitement neuroleptique, une
hypersialorrhée et une constipation.
Le thymorégulateur utilisé en
traitement de fond pour les troubles de t'humeur du patient est le
Théralithe®. S'ajoute à celui-ci la
Dépakote®, un anticonvulsivant possédant
également un effet thymorégulateur efficace au moment de la crise
maniaque, en parallèle il va également potentialiser l'effets des
neuroleptiques.
Le reste de son traitement est composé d'un
anxiolytique, le Valium® pour apaiser ses
angoisses.
36 Forte tonicité active
59
3.3.3 Bilan d'observation
Quand je le rencontre, je ne suis que de passage dans
l'unité et je ne connais pas les patients actuellement
hospitalisés. Monsieur N. me sollicite dans le couloir pour connaitre ma
fonction ; je lui explique alors mon rôle, il s'empresse de me
répondre avec un discours logorrhéique et délirant que sa
mère est psychomotricienne, qu'il connait très bien ce
métier et rajoute plusieurs fois en se justifiant : « ce n'est pas
un mensonge ». Il me suit ensuite dans le bureau de la secrétaire
où je vais récupérer des documents. Il se place dans
l'encadrement de la porte de façon à ce que je ne puisse pas la
fermer, en continuant de m'interpeller. Je tente de lui expliquer que nous
prendrons un temps pour discuter par la suite, car je ne suis pas disponible et
que nos échanges dérangent la secrétaire. Il ne semble pas
entendre ce que je lui dis et continue de me parler jusqu'à ce que je
ferme la porte. On perçoit un non-respect de la proxémie et un
contact très envahissant ainsi que des difficultés de
séparation dans l'échange. Je retrouve ensuite monsieur N dans le
couloir ; il m'interpelle pour me demander si je suis «
fâchée contre lui » ; là aussi on peut observer un
aspect très enfantin de cette relation régressive et la peur de
l'abandon. Je prends le temps de lui expliquer que je ne suis pas
fâchée et que je m'excuse si la fin de notre conversation
était un peu brutale pour lui ; il semble soulagé et s'excuse
à son tour de son comportement en me prenant la main. Je conviens avec
lui que nous nous reverrons la semaine prochaine. Son comportement est
très ambivalent, entre un accrochage très important, beaucoup
d'investissement puis, un désinvestissement, très revendicateur,
persécuté, et peu de temps après une forte angoisse de la
destruction potentiel du lien. Ce sont des attaques qu'il porte au cadre, aux
relations avec les soignants comme pour en tester leur solidité, ce dont
il doute lui-même.
Monsieur N. est très grand et de stature imposante, il
est cyphosé et ses bras pendent le long de son corps. Il se
déplace rapidement à l'aide de ses grandes jambes tout en ayant
une démarche assez lente. Son visage traduit un état
d'étonnement permanant, les yeux grands ouverts et la bouche
entr'ouverte.
Langage : Il est logorrhéique, son
discours fluide et très accéléré traduit la
rapidité de ses idées. Il est désorganisé et passe
du coq à l'âne en mêlant des éléments
délirants à un discours qu'il
60
tente de rationnaliser. Elation de l'humeur37 avec
tachypsychie et bradyphémie. Monsieur N. a une dysarthrie38
induit par les traitements neuroleptiques.
Tonus : Il est très sthénique,
son corps imposant parait tendu en permanence, il s'impatiente vite et
gesticule. On note une agitation psychomotrice permanente. On sent dans sa
gestuelle une tension interne malgré les effets des sédatifs qui
le ralentissent considérablement. On peut penser qu'il lutte contre les
traitements, contre cette sédation.
Délire : Son délire est
principalement à thématique mystique et religieuse : « Je
demande au prêtre de me faire pardonner à chaque fois que je
touche une femme ». Associé à une dimension d'excitation et
de désinhibition pulsionnelle, il n'est pas totalement conscient du
caractère transgressif de ses conduites et on observe un rationalisme
morbide : « j'ai voulu chatouiller une femme dans le métro »
ou alors il banalise ses actes : « tout le monde a des pulsions ».
Espace/ Temps : Il ne s'adapte pas à
la proxémie de chacun et rentre facilement dans l'espace intime des
patients et des soignants sans paraître gêné ni percevoir la
gêne de ses interlocuteurs, même quand ceux-ci le verbalisent. Sa
perception du temps paraît complexe et anxiogène, il est
intolérant à la frustration, ne supportant pas les temps de
latence entre ses sollicitations et la réponse de l'équipe
soignante. Il a besoin d'être rassuré par des repères
horaires, me sollicitant de nombreuses fois dans la même journée
pour savoir à quelle heure aura lieu la séance de
psychomotricité. On peut y voir une angoisse liée au manque de
sensation de continuité d'existence.
Conclusion : Ses enveloppes corporelles et
psychiques sont fragiles, il déborde constamment de la relation et ses
relations paraissent insécures, dans un rapport d'ambivalence et de peur
de la destruction du lien, de peur de la séparation. Ses explorations du
corps de l'autre peuvent être également une expression de cette
faible construction et de sa fragilité.
3.3.4 Projet thérapeutique
Modalités : Prise en charge en chambre d'isolement deux
fois par semaines en individuel, le jeudi et le vendredi. Les séances
durent environ 25 minutes, avec la présence d'un infirmier.
37 Altération de l'humeur, recouvre un large
spectre, du bonheur à l'extase.
38 Difficulté d'articulation.
61
Objectifs : Notre objectif principal est de permettre à
monsieur N. d'apaiser ses angoisses, de permettre une réduction de sa
résistance psychique aux traitements et de lui permettre de retrouver
une maitrise corporelle. Pour cela je propose une médiation permettant
de travailler la régulation tonique. Je lui propose de s'approprier
à long terme les techniques proposées pour qu'il puisse les
utiliser de façon autonome quand il en ressent le besoin.
Moyens : Séances de relaxation en utilisant les
conductions verbales de Madame G. Soubiran, puis des éléments
adaptés de la relaxation progressive de Jacobson.
3.3.5 Prise en charge en psychomotricité
Lors des réunions de réflexion d'équipe,
les soignants de l'unité m'interpellent concernant la tension interne
qu'ils perçoivent chez monsieur N. ; les résistances aux
traitements ne permettent pas d'augmenter encore les doses et pourtant ils
redoutent un nouveau passage à l'acte. Les quelques tentatives
d'ouverture de la chambre d'isolement sont jusqu'à présent peu
concluantes et il est rapidement raccompagné en chambre. Il est
physiquement très intrusif dans les espaces du personnel, mais
également physiquement avec les soignantes de l'unité. Elles me
font part d'attouchements fréquents qu'il banalise par la suite bien
qu'il soit accessible au recadrage sur le moment. Après une concertation
avec l'équipe, je lui propose une prise en charge en chambre d'isolement
centrée sur la relaxation qu'il accepte volontiers, et nous nous donnons
rendez-vous en fin d'après-midi. Je viens le chercher dans
l'unité accompagnée d'un infirmier ; il me semble
nécessaire d'introduire un tiers dans cette relation
thérapeutique pour donner la possibilité à M. N.
d'investir différemment les deux soignants. Ce tiers lui permet
d'organiser ses mouvements ambivalents entre bon objet et mauvais objet entre
deux personnes. Cette répartition des pulsions enlève la
toute-puissance de la relation duelle. Le tiers permet à l'enfant de
projeter l'aspect angoissant de la relation mère/enfant sur lui ; il
devient alors le protecteur de cette relation mère/enfant ; il assure la
fonction de liaison et de répartition décrite par Bernard (Golse,
2006), ainsi qu'une fonction de différenciation. De la même
manière le tiers sera le garant de la relation thérapeutique avec
le patient. Nous recréons un aspect régressif en utilisant la
relaxation et en introduisant cette relation sécure et continue en
travaillant la diminution des angoisses de séparation. L'introduction du
tiers permet de travailler la différenciation dans la relation duelle.
Il me semble important de construire cette prise en charge en chambre
d'isolement pour favoriser l'association de cette médiation avec
l'espace dédié au
62
temps de recentrage sur soi. L'idée étant
également qu'il puisse profiter seul des bénéfices de la
relaxation à la fin de la séance.
Je lui propose de s'allonger sur son lit, le plus
confortablement possible bien que sa grande taille ne lui permette pas de tenir
entièrement dessus ; il commence par se positionner avec la tête
tombant légèrement dans le vide et je lui suggère de
descendre un peu plus bas de façon à ce que sa tête repose
totalement sur le coussin et que ce soient ses pieds qui reposent donc dans le
vide ; il acquiesce et me dit effectivement que c'est plus confortable. Je lui
propose de fermer les yeux s'il le peut, ce qui ne semble pas plus poser de
problème, puis je commence les conductions utilisées par Giselle
Soubiran, tout d'abord les points d'appui de son corps sur le lit et
l'oreiller, les bruits lointains de la circulation et ceux, plus proches, des
passages dans le couloir, la température de la pièce et la
différence avec celle de son propre corps, la luminosité qui
à cette heure-là commence à baisser. Ces conductions sont
adaptatives et lui permettent d'augmenter sa concentration sur des sensations
ou un canal sensoriel particuliers, ce qui lui permet un renforcement des
perceptions de son corps. Je lui propose ensuite de porter son attention sur sa
respiration en favorisant une plus grande amplitude ; puis de placer une main
sur son ventre pour sentir le mouvement de sa respiration. Je voie qu'il suit
pas à pas toutes mes propositions ; son état de conscience est
visiblement altéré, son rythme respiratoire est lent et profond,
son tonus musculaire s'est abaissé et le temps de réaction
à mes suggestions est long ; les conductions se centrent autour de la
respiration, à savoir visualiser son trajet, sentir les
différences de température de l'air ; je lui demande ensuite de
faire descendre cette respiration au niveau abdominal en essayant de la
ralentir, ce qu'il fait avec application.
Par la suite je lui propose quelques mobilisations de la
relaxation progressive de Jacobson par séries de deux, tout d'abord
contracter le plus fort possible les bras, des épaules jusqu'au bout des
doigts, puis de relâcher cette tension instantanément. Puis une
deuxième fois le même exercice, mais cette fois en maitrisant le
relâchement musculaire de la façon la plus progressive possible.
Nous continuons cet exercice avec les jambes, puis le corps en entier. Le
patient s'entraine à observer ses sensations de tensions musculaires et
à les identifier. En arrêtant de mettre en tension ses muscles il
apparente cette nouvelle sensation à du relâchement. Ce
procédé permet d'éliminer les tensions dites «
résiduelles » et d'amener une détente psychique et physique.
Le lâcher-prise et la détente physique permettrait au patient de
ne plus lutter contre les traitements et de s'apaiser. La notion de
contrôle musculaire introduite dans cette relaxation vise à faire
participer M. N. de façon dynamique à sa prise en charge. Il
s'agit de lui redonner de la maitrise concernant son corps pour favoriser la
diminution de ses comportements
63
inadaptés. S'ensuit un temps de reprise avec des
conductions. Quand il s'assied sur son lit, je lui demande comment il se sent,
il me dit qu'il se sent détendu. Nous quittons la chambre après
lui avoir proposé de nous revoir le lendemain, il reste dans son lit, se
recouche et s'endort. Nous aurons deux autres séances,
structurées de la même façon. Peu à peu j'introduis
différentes mobilisations de la relaxation progressive de Jacobson pour
solliciter d'autres groupements musculaires, comme la contraction des muscles
du buste.
L'équipe soignante note que la semaine suivant nos deux
premières séances, les troubles du comportement à type
d'attouchements auprès des soignantes a considérablement
diminué. Quand je le retrouve la semaine suivante, il est question de
son retour dans son unité d'hospitalisation de secteur. Pour
préparer ce retour j'insiste, lors de la séance, sur
l'appropriation de ses sensations de détente et de maîtrise de son
corps. Je l'invite à réutiliser ces techniques quand il en
ressentira le besoin, que ce soit une tension interne ou bien un manque de
maîtrise corporelle. Il me remercie pour notre travail qu'il a beaucoup
apprécié, et me dit que cela lui a permis « de se recentrer
sur lui ». Le lendemain, j'apprends par une infermière qu'il prend
des moments seul, pour se détendre sur son lit en reprenant les
exercices que nous faisions.
64
3.4 Monsieur M. - une prise en charge en urgence
Nom : M. Abdellah Martin
Âge : 24 ans Né le :
01/02/1995* Diagnostic : Schizophrénie
paranoïde
*Le nom du patient et sa date de naissance ont été
modifiés pour conserver son anonymat.
3.4.1 Anamnèse
Monsieur M. est vraisemblablement originaire de Somalie, nous
n'avons aucun document d'identité, ni de contact avec une personne de
son entourage. Les éléments de son anamnèse sont
restreints en raison de son mutisme. Il aurait subi de nombreuses violences au
cours de sa migration jusqu'en France. Il dit qu'il aurait déjà
tué, mais le contexte reste très flou.
Il est hospitalisé depuis le 29 Mars 2019 en Soins
Psychiatriques à la Demande d'un Représentant de L'État
(SPDRE). Monsieur M. est interpellé par les forces de l'ordre dans un
parking où il a dégradé des véhicules à
l'aide d'une barre de fer et s'est blessé au visage et aux avants bras ;
il est retrouvé ensanglanté et désorienté. Conduit
à l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police (IPPP),
et suite à l'entretien avec un psychiatre, il est orienté vers le
secteur d'hospitalisation correspondant au lieu où il a
été interpellé. Il est décrit dans les
transmissions faites par les soignants de son secteur comme un patient mutique
et imprévisible. Il est placé dans une chambre d'isolement et
alterne entre des troubles du comportement où il déchire son
matelas, saute de son lit, frappe à la porte et des moments où il
est contentionné. L'équipe de son unité de secteur nous
l'adresse pour cause d'une impasse thérapeutique. Ils n'arrivent pas
à sortir de ce schéma de prise en charge avec les poses de
contentions à répétition. Arrivé à l'UISI,
il est placé en chambre d'isolement
3.4.2 Traitements
Le traitement neuroleptique incisif est
procuré par l'Haldol® qui a des propriétés
anti-productives puissantes, il inhibe les idées délirantes et
les hallucinations grâce à sa puissante action antidopaminergique
au sein de la voie mésolimbique. Il provoque également une
65
sédation psychomotrice efficace et peut
présenter des effets indésirables moteur pyramidaux (Vidal,
2013). Ce traitement est accompagné d'un neuroleptique sédatif,
le Nozinan®, il agit grâce à son action
antihistaminique par une sédation, son action adrénolytique
inhibe la stimulation du système sympathique et induit donc un
ralentissement de l'activité des organes (Vidal, 2013).
Un traitement anxiolytique, le
Valium®, est également prescrit pour apaiser ses
angoisses. Il a une action agoniste spécifique sur un récepteur
du complexe « récepteurs macromoléculaires GABA-OMEGA
», également appelé BZ1 et BZ2 et modulant l'ouverture du
canal chlore (Vidal, 2013). Il a une action physiologique, myorelaxante,
sédative et hypnotique.
3.4.3 Prise en charge en psychomotricité
Cette prise en charge psychomotrice s'est faite dans un
contexte d'urgence quand l'accès à la parole n'était plus
possible. L'objectif étant d'apaiser le patient et d'éviter
l'escalade provoquée par l'impuissance de l'équipe soignante face
à ce patient, incapable d'exprimer verbalement son mal-être. Ce
contact permis par une médiation corporelle est parfois le seul point
d'accès au patient. D'où la présence du psychomotricien
dans ce contexte pour cette prise de contact, une bonne évaluation de la
demande, une stimulation juste tout en évaluant l'impulsivité
possible à travers son attitude tonique.
Le 04 Avril 2019, durant la matinée, nous entendons
monsieur M., alors en chambre d'isolement, émettre de forts
gémissements sans discontinuer. Nous allons le voir, deux infirmiers et
moi-même. Son visage crispé, exprime une grande douleur morale, de
la tristesse et une expression de son impuissance à maîtriser ce
qui lui arrive. Il se tient debout dans une attitude catatonique, nous fait
face et parfois se tourne vers le mur où il regarde son reflet dans une
vitre opaque, se touchant le visage avec effroi. On peut penser par son
attitude catatonique qu'il n'habite plus son corps, qu'il en est prisonnier,
qu'il le subit. Son absence de mouvement et son expression faciale font penser
à une perte de maîtrise très angoissante. L'attitude de se
regarder dans le reflet de la vitre en se touchant le vissage fait penser
à la dépersonnalisation, on peut sentir une angoisse dans
l'absence de reconnaissance de lui-même. Les infirmiers tentent de lui
parler mais il reste inaccessible à la parole, et continue de
gémir. Il s'assied au sol, un infirmier lui tend la main lui proposant
de s'asseoir sur son lit. S'asseoir au sol c'est aussi aller chercher un appui.
Tout en continuant de gémir, il saisit la main et se laisse faire.
66
J'ai compris à ce moment que notre présence lui
était importante mais ne suffisait pas à le calmer, qu'il
était en demande d'aide sans pouvoir l'exprimer verbalement. Il ouvre la
possibilité du contact physique, c'est le premier geste qu'il fait
envers nous. C'est un choix de sa part de passer par le contact physique. Les
infirmiers se tournent vers moi, me demandant du regard si je pouvais
intervenir. La demande de l'équipe, même non verbale est
importante, c'est une volonté de porter ensemble le patient et
d'être coordonnés pour amener au patient ce dont il a besoin au
bon moment. C'est aussi connaitre les approches de ses collègues pour
que les prises en charge soient soutenues psychiquement par tous. Je hoche la
tête et m'approche, lui proposant de s'allonger sur son lit, il participe
bien qu'il ait besoin de notre aide pour se placer sur le lit. Je le recouvre
d'une couverture et commence une séance de toucher thérapeutique
avec des pressions bilatérales en partant des pieds jusqu'à la
tête. Il est immobile en décubitus dorsale, se laisse faire tout
en continuant de gémir. Lentement je remonte jusqu'à son buste et
il commence à s'apaiser peu à peu, ses gémissements
cessent. Quand je redescends vers ses pieds pour faire un deuxième
passage, ses gémissements reprennent et de la même façon,
disparaissent quand j'atteins son buste. Les pressions amènent une
notion de contenance, de solidité et augmentent les retours
proprioceptifs rassurants dans la « présence » de son corps,
ce qui paraissait lui faire défaut devant le miroir. Sans donner
d'indications verbales, je ralentis ma respiration et l'amplifie pour qu'il
l'entende. Il saisit le rythme de ma respiration et se cale dessus en expirant
profondément. La respiration en mimétisme c'est lui donner la
possibilité de retrouver rapidement la maîtrise d'une sensation
intéroceptive, cette maîtrise est apaisante en plus d'apporter de
la détente physiologique (ralentissement du rythme cardiaque). Le
mouvement binaire de la respiration quand il est lent permet aussi une
rythmicité continue (notion de continuité importante) et de
bercement. J'arrive au niveau de sa tête et je sens qu'au contact de mes
mains les traits de son visage se détendent. Le contact des mains sur le
visage amène la détente en focalisant l'attention du patient sur
les ressentis des contractions musculaires du visage et aide à les
relâcher. Nous restons un moment avec lui, continuant ce travail de
respiration, je garde une main sur son ventre. Travailler le moment de la
séparation après un moment d'éprouvé intense, c'est
aussi permettre une sensation de continuité, c'est assurer une
présence au-delà des manifestations de mal-être, prendre le
temps de rester en contact quand le patient va mieux. La séance se finit
à l'arrivée du psychiatre pour l'entretien journalier ; monsieur
M. est alors calme et accessible au dialogue, il parle avec le psychiatre
à l'aide d'un interprète, sans barrage et de manière
fluide.
67
Nous pouvons penser cette prise en charge dans l'urgence comme
nécessaire pour ce patient dans ce moment d'angoisse paroxystique. Cette
demande d'aide, bien que non verbale, est formulée par le patient et a
permis de créer un contact, contact qui à son tour lui a permis
de s'apaiser et d'être disponible pour l'entretien de
réévaluation des consignes et du projet de soin
personnalisé. Il a pu verbaliser que la chambre d'isolement était
très angoissante pour lui, ce qui a conduit à son ouverture sur
une plus grande plage horaire.
Passer par le corps était le seul moyen de rentrer en
contact avec lui. Le moment de crise qu'il vivait a amené monsieur M.,
à un moment de régression où il ne pouvait plus s'exprimer
verbalement et il montrait sa souffrance comme le fait un enfant, en
gémissant. Au-delà de la douleur qui était manifeste,
cette manifestation était une demande d'aide et de contact. De la
même manière qu'un enfant vient à pleurer plus fort quand
il voit qu'on le regarde, plus qu'une manifestation physiologique, c'est une
demande de contact. Aussi, si l'on prend en compte son inaccessibilité
par la parole, on peut comprendre qu'il est préférable d'utiliser
des modes de communication correspondant à son état de
régression. Le toucher thérapeutique était à ce
moment le moyen de communication le plus adapté, il contient une
fonction de holding nécessaire quand l'enfant est en souffrance et a
besoin d'être porté, rassuré, bercé. Le dialogue
tonico-émotionnel permet d'apporter au patient - par l'ajustement
tonique du thérapeute - un sentiment de sécurité, un
apaisement. Le travail de la respiration en mimétisme donne un support
au patient, grâce à la respiration du thérapeute, qui lui
permet d'investisse sa propre respiration. C'est dans un premier temps la
possibilité de souffler profondément, d'extérioriser sa
souffrance, de pouvoir la projeter à l'extérieur du corps, elle a
valeur de décharge émotionnelle. Dans un second temps c'est la
reprise de la maîtrise d'un facteur, dans un contexte ou le patient est
dans l'impossibilité de maîtriser ce qui lui arrive. En
contrôlant sa fréquence respiratoire, ce sont tous les
paramètres vitaux qui vont être modifiés. Avec l'activation
du système parasympathique, la respiration lente et profonde permettra
une diminution de la fréquence cardiaque et de la tension
artérielle.
La présence du psychomotricien dans l'unité
permet des interventions que l'on pourrait qualifier à « chaud
». D'une part, elles servent à faire une évaluation
psychomotrice de l'état du patient pour aider au diagnostic, mais
également évaluer la sthénicité du patient, la
prise en compte de facteurs psychomoteurs comme la proxémie, le dialogue
tonique, les réactions de prestances, le discourt infra-verbale. Ces
signes cliniques sont difficilement perceptibles pour
68
l'équipe aux vues de l'inaccessibilité par le
langage qui pourrait être due, dans le cas de monsieur M, uniquement
à la « barrière de la langue ». Cependant cette
inaccessibilité au langage peut être retrouvé chez beaucoup
de patient, en particulier avec la présence d'un mutisme ou d'un
discourt non congruent avec leurs émotions. A la suite de ce temps
d'évaluation, c'est aussi la possibilité d'entrer en contact avec
lui par le dialogue tonico-émotionnel avec des stimulations apaisante et
contenante. Ce temps qui pourra être bénéfique pour
crée de l'alliance thérapeutique avec l'équipe et permette
de faciliter les échanges avec le psychiatre.
69
4 Discussion
4.1 Psychomotricité, contentions
environnementales et contention symbolique
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande
concernant les modalités de mise en oeuvre de la contention et de
l'isolement d'« Identifier et mettre en place des soins permettant
d'accélérer la levée de l'isolement ou de la contention
mécanique. » (Haute Autorité de Santé, 2017, p. 11).
C'est en répondant à cette demande que la présence du
psychomotricien prend tout son sens.
4.1.1 La régression thérapeutique
La régression « désigne un retour en
arrière dans un processus de développement et le recours à
des attitudes et des comportements liés à une phase
antérieure du développement » (Marc, 2002, p. 30). Cette
régression psychocorporelle est favorisée par le cadre de
l'hospitalisation sous contrainte. Elle constitue un levier dans la prise en
charge thérapeutique du patient. Les contentions environnementales et
symboliques privent le patient de son autonomie. La dépendance
créée par le contexte régressif de l'hospitalisation
permettra d'engager une relation entre le patient et les soignants. Cette
relation, pour être thérapeutique, sera contenante et limitante,
maternante et paternante. Elle sera le point d'appuis de la reconstruction
psychocorporelle du patient. Sandor Ferenczi (1990), développe la
régression thérapeutique sous le nom de «
néocatharsis ». Dans un cadre sécurisant il amène ses
patients à travers la relaxation à « régresser
à la situation traumatique ». Sa démarche consiste à
répondre de façon adaptée aux besoins du patient
régressé pour obtenir un effet correcteur et réparateur du
traumatisme initial. Michael Balint (1971) prolonge cette méthode, il
conçoit la régression comme la reviviscence des premières
relations d'objet et notamment des relations mère-nourrisson. Il met en
avant la dynamique relationnelle : « Tout semble indiquer par ailleurs que
dans le traitement analytique des états régressifs, les aspects
interpersonnels sont plus importants. Nous rejoignons ici un problème
qu'on pourrait appeler le pouvoir thérapeutique de la relation
» (Balint, 1971, p. 213). Il souligne la correspondance entre la
régression et le mode de communication du thérapeute, « la
relation d'objet est toujours une interaction [...] et le plus souvent les
moyens non verbaux interviennent également pour la créer et la
maintenir » (Balint, 1971, p. 215). Le recours au langages corporel et
émotionnel est donc à privilégier.
70
C'est en cela que le psychomotricien, de par sa maitrise des
communications non verbales est le professionnel privilégié pour
apporter dans la relation au patient les outils qui lui permettront d'aller de
cette régression à sa reconstruction.
La chronicisation du patient reste le risque majeur de la
contention environnementale. Si on induit une trop grande régression
sans donner les moyens au patient de reconstruire son autonomie, il restera
figé dans cette position de régression sans perspective
d'évolution. La présence d'un cadre, de règles stables et
solides, le relationnel avec l'équipe soignante, l'utilisation correcte
des contentions, sont des facteurs qui permettent au patient de se reconstruire
à partir de ce moment de régression.
4.1.2 La reconstruction
Ces phases antérieures peuvent concerner les stades
libidinaux, les relations d'objet, les modes de communication etc. Le plus
souvent, la régression convoque l'ensemble de ces facteurs. Michael
Balint, psychiatre et psychanalyste hongrois, met en avant les
phénomènes complexes qui tissent les premières relations
entre la mère et le nourrisson : « l'impression de chaleur, les
mouvements et les bruits rythmiques, les murmures confus, les effets
envahissants et irréversibles exercés par les odeurs et les
saveurs, le contact corporel étroit, les sensations tactiles et
musculaires (notamment dans les mains) et enfin le pouvoir indéniable
que possèdent tous ces phénomènes d'engendrer et de
dissiper les angoisses et les doutes, le bien-être ou la détresse
et la solitude désespérée », cité par (Marc,
2002, p. 34). La régression ramène le patient à ces
sensations primaires, le thérapeute doit y être attentif et
utiliser les modes de communication de cette période de la vie. Le
psychomotricien, se servira de tous les modes de communication non verbaux qui
participent à la construction de l'enfant. Nous pouvons citer ceux
développés plus haut dans ce mémoire, le dialogue-tonique,
la contenance, le holding.
Véronique Defiolles (2010), psychomotricienne, souligne
dans cette régression, la perte de conscience que le patient a de son
corps « On dirait que la rupture effectuée entre le corps du
patient et son histoire le renvoie à un état proche de ce qui est
décrit chez le nourrisson dans la phase d'indifférenciation. Le
patient s'éprouve comme une somme de sensations
cénesthésiques, ne faisant plus la différence entre soi et
le monde externe. Cet état entraine une situation de dépendance
qui peut aller très loin dans la régression psychocorporelle.
Celle-ci se retrouve au niveau du schéma corporel et de l'image du
corps, qui sont comme oubliés, mis
71
entre parenthèses, le patient n'a plus conscience de
lui-même et donc de sa corporéité. »
(Defiolles-Peletier, 2010, p. 256). L'intérêt de nous appuyer sur
ces modes communication de l'enfance sera, d'une part, de rentrer en contact
avec lui et, d'autre part, de permettre de répondre à ses besoins
de façon adaptée. En cela, nous pourrons travailler autour des
fonctions nécessaires au développement du schéma corporel
et de l'image du corps. Ces stimulations permettront au patient d'aller de la
régression à la reconstruction de soi.
4.1.3 Les stimulations
Le dialogue tonico-émotionnel est une voie de
communication privilégiée qui permet de comprendre ces patients
parfois mutiques ou discordants. Ce langage corporel nous transmet
l'état de tension interne du patient. Dans un service comme l'UISI,
l'évaluation de la possibilité d'un passage à l'acte
violent est constante. Dans le contexte de la psychiatrie, la communication
verbale est souvent insuffisante pour faire cette évaluation. Notre
regard est donc précieux, il permet d'alerter ou au contraire de
rassurer. Au-delà de l'état de tension interne, le dialogue
tonique nous aide à rentrer en relation avec l'autre. Le dialogue
tonique nous renseigne sur la distance nécessaire à chacun pour
rentrer en contact sans être intrusé. Pour le travail
auprès des patients en chambres d'isolement, il est nécessaire de
savoir évaluer la disponibilité, l'indisponibilité et le
besoin d'être en contact. Notre capacité de contenance, c'est
celle de recevoir et transformer ce que le patient nous exprime, verbalement ou
corporellement. Après ce premier temps de contact, il faut
évaluer le bénéfice d'une prise en charge en chambre
d'isolement. Les chambres d'isolement sont faites pour isoler le patient des
stimulations. Seulement il s'agit ici de stimulations qui vont être
désorganisatrices pour lui. Le travail que nous proposons s'appuie sur
des stimulations en écho à la chambre d'isolement. C'est
favoriser le retour au calme, l'apaisement, la détente physique et
psychique. Ces interventions peuvent aider le patient à profiter des
bénéfices de l'isolement et en réduire le temps
nécessaire pour le rassemblement du patient. La relaxation est la
médiation qui m'a semblé être la plus adaptée dans
le contexte qui était celui de la chambre d'isolement. L'aspect
régressif qui est amené par la relaxation est un support pour
apporter des stimulations qui lui permettent de se center sur soi.
L'intérêt, par exemple, de recréer une forme de holding
comme Winnicott le décrit, est de s'appuyer sur ces communications
primaires pour que le patient puisse recréer son enveloppe psychique.
Par exemple, le portage dans un drap amènera un ressenti vestibulaire
comparable à celui du nouveau-né. Le mouvement binaire du
bercement créé instinctivement par les parents
72
pour calmer les enfants renvoie directement aux rythmes
biologiques du corps, celui de la respiration et du rythme cardiaque. C'est en
utilisant le canal de communication corporelle que nous aidons le patient par
le portage physique et psychique à lâcher prise et à se
détendre dans une relation sécurisante. Le toucher, quand il est
possible est également une voie de communication
privilégiée puisqu'elle convoque l'étayage du «
Moi-Peau » d'Anzieu sur la fonction biologique de la peau. Le toucher
vient recréer des expériences sensitives, les perceptions et les
sensations épidermiques entre la mère et son enfant.
Le psychomotricien travaille également à
créer du lien ; il sert de tiers dans la relation du patient avec le
psychomotricien de son secteur. En s'appuyant sur le travail effectué
par ce dernier, il permet de garder une continuité, un lien, mais aussi
de donner au patient le moyen de construire à distance une relation
thérapeutique avec son psychomotricien de secteur.
4.2 Psychomotricité et contentions
pharmacologiques
« Intuitivement il semble que les techniques à
médiation corporelle potentialisent l'effet du traitement psychotrope.
» (Christodoulou, 2006, p. 8).
4.2.1 Potentialisation de l'effet du traitement
psychotrope
Le psychiatre Alexandre Christodoulou suggère une
hypothèse qui mériterait bien de faire l'objet d'une étude
quantitative et qualitative. La question de cette potentialisation serait une
perspective plus qu'intéressante au regard des risques d'effets
secondaires qui peuvent aller jusqu'à engager le pronostic vital du
patient. Nombre de patients en crise aigüe sont particulièrement
résistants aux psychotropes et nécessitent l'augmentation des
doses efficaces des traitements. Nous avons tout intérêt à
nous saisir de ce qui permet de potentialiser l'effet des traitements dans le
but d'en diminuer les doses efficaces. D'une part pour des raisons de
sécurité, mais également dans le but d'offrir un soin le
plus efficace possible.
73
4.2.2 La relaxation
Reprenons la définition de la relaxation de R. Durand
de Bousingen : « Les méthodes de relaxation sont des conduites
thérapeutiques, rééducatives ou éducatives,
utilisant des techniques élaborées et codifiées,
s'exerçant spécifiquement sur le secteur tensionnel et tonique de
la personnalité. La décontraction neuromusculaire aboutit
à un tonus de repos, base d'une détente physique et psychique
» cité par (Guiose, 2003, p. 7). On peut citer parmi les
différentes méthodes les plus répandues le courant
neurophysiologique avec la relaxation progressive de Jacobson, qu'il
définit comme une psychopédagogie de la détente
neuromusculaire. Il met en avant la prise de conscience de la
corrélation entre la détente musculaire et la détente
psychique. Un second courant est constitué de méthodes
d'inspiration psychanalytique, comme Le Training Autogène de Shultz, la
rééducation psychotonique d'Ajuriaguerra, la relaxation à
induction verbale de Sapir et la relaxation psychomotrice de Giselle Soubiran,
la méthode de relaxation et de mouvement de madame Guerda Alexander ou
encore la méthode Feldenkrais.
4.2.3 Intérêts physiologiques
Le premier colloque international de relaxation (Hissard,
1897) conclut : « Les techniques de relaxation impliquent
nécessairement une baisse du tonus musculaire et une adaptation
respiratoire [...]. Il existe une corrélation entre les états de
conscience et le tonus musculaire déterminée par la substance
réticulée » cité par (Guiose, 2003, p. 21). Nous
pouvons donc convenir que la relaxation a une action physiologique sur le
niveau de tonus musculaire, les états de conscience et la respiration.
Marc Guiose (2003), psychologue et psychomotricien, décrit les indices
physiologiques observables des modifications des états de conscience,
liées à la relaxation. Il insiste sur le fait que celles-ci sont
volontaires et utilisées à des fins thérapeutiques. Il
distingue deux ordres d'indices physiologiques de ces modifications
d'états de conscience - périphérique et centrale. Les
indices périphériques sont observables par diverses modifications
physiologiques, telles que le rythme cardiaque, le rythme respiratoire, le
tonus musculaire et les mouvements des yeux. Ces modifications physiologiques
correspondent à l'activité du système parasympathique. Les
indices centraux sont eux, observables à partir d'un
Électro-Encéphalogramme (EEG) « La caractéristique la
plus commune de tous les états de conscience modifiés est la
présence d'un rythme alpha plus ou moins modifié de
manière transitoire ou soutenue. On observe une augmentation de son
amplitude, diminution de sa fréquence, extension vers les régions
antérieures, stabilité ou glissement progressif vers le
thêta
74
et les ondes lentes du sommeil (delta). L'alpha est plus
abondant chez des sujets pratiquant régulièrement une technique
de modification de conscience volontaire. Globalement, l'état alpha
correspond à une stabilisation du niveau d'énergie
cérébrale, à une sorte d'eutonie. » (Guiose, 2003,
pp. 24-25). Au-delà des modifications qu'entraine la pratique de la
relaxation chez un sujet, quel peut être son intérêt chez un
patient souffrant de troubles psychiatrique ? C'est ce que les psychiatres D.
Servant, R. Logier, Y. Mouster et M. Goudemand (2009) explorent dans leur
article. Ils démontrent l'intérêt de la relaxation
pour pallier certaines perturbations physiologiques. La diminution de la
variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) chez les patients
présentant un trouble psychiatrique traduit une perturbation des
mécanismes physiologiques émotionnels. La VFC apparaît
comme un bon reflet de la capacité du coeur à moduler son rythme
en fonction des sollicitations internes et externes. Quelques études ont
aussi montré une augmentation de la VFC par biofeedback utilisant des
techniques de contrôle respiratoire, de relaxation et de
méditation.
4.2.4 Reconstruction proprioceptive
Nous avons déjà montré que la
sensibilité proprioceptive permet la prise de conscience de son corps,
d'une part de sa présence et d'autre part de sa position dans l'espace
(Roll, 2003). Des expériences récentes confirment la citation de
Merleau-Ponty « Ce n'est pas l'oeil qui voit, c'est le corps comme
totalité ouverte » cité par (Roll, 2003, p. 61). Les
informations proprioceptives depuis la plante des pieds jusqu'aux muscles de la
rétine renseignent sur la position du corps dans l'espace et de fait, la
position de la rétine dans l'espace Ces informations sont essentielles
à la perception de l'espace incluant les objets autour de nous. La
proprioception assure donc une fonction de lien entre le corps et
l'environnement.
Les développements postural et mental sont intimement
liés. La stabilité posturale est nécessaire pour optimiser
notre réceptivité aux stimuli (Lagache, s.d.). La
stabilité posturale garantissant une sécurité et une bonne
réceptivité sensorielle conditionne la procédure
décisionnelle. Ces facteurs génèrent le besoin de contact,
c'est l'appétence envers l'environnement qui entraine l'envie de
contact. A l'inverse l'instabilité posturale produit de
l'insécurité, elle réduit les possibilités de
réceptivité aux stimuli. Dans ce contexte le corps réagit
par une protection du Système Nerveux Central (SNC) en adoptant un mode
réactionnel primitif avec des stéréotypies motrices et
comportementales.
75
Nous pouvons voir que la proprioception est essentielle dans
la perception de son propre corps mais également dans le lien de
celui-ci avec son environnement. Que ce soit par pure nécessité
de perception de l'environnement ou pour développer un attrait pour
celui-ci. Cependant quand cette proprioception se trouve modifiée par la
maladie et/ou les traitements psychotropes nous pouvons aisément
comprendre l'impact de ces modifications sur l'interaction avec
l'environnement. L'intérêt des stimulations psychomotrices portent
ici sur l'appropriation de ces modifications sensorielles, et sur le travail
d'ajustements autour des nouvelles perceptions qu'elles entrainent. Le travail
sur le développement postural et la conscience de l'axe est primordial
à ces moments où les patients sont souvent susceptibles de perdre
leur équilibre postural. La situation d'insécurité
provoque et renforce les réactions de protections et donc les
mécanismes de défense qui sont très archaïques chez
les patients psychotiques. Des stimulations choisies autour de la conscience de
l'axe corporel et le travail de l'équilibre, par exemple un travail de
stimulations proprioceptives sur une planche de proprioception, servent
à ce que le patient s'approprie les diverses sensations, se les
représentent et les corticales. Ce travail sur les traces
mnésiques des sensations corporelles est essentiel pour pouvoir
s'adapter aux stimulations internes et externes. Quand un traitement
psychotrope vient transformer les perceptions initiales du patient, nous devons
être là pour favoriser la corticalisation de ces informations
sensorielles. Le patient pourra ainsi être dans un meilleur rapport au
monde et bénéficier d'un meilleur contact avec ce dernier.
4.3 Psychomotricité et contentions physiques
Nous devons nous saisir du rôle qui est le nôtre,
inscrire le patient dans le système de soin, et cela de la meilleure des
façons. Notre approche et la qualité des soins - en cela j'inclue
la relation de soin - seront déterminants pour la suite de la prise en
charge. « Le temps du soin aux urgences est déterminant [...].
C'est la qualité de ce premier temps qui conditionnera la qualité
de la prise en charge ultérieure. » (Passamar, Tellier, &
Vilamot, 2011, p. 455). Mais la relation n'est-elle pas censée
être le pivot de la démarche de soin en maladie mentale ?
(Guivrach & Cano, 2013)
4.3.1 Penser la contention
Nous aurons forcément besoin de la contention
mécanique dans des cas extrêmes, ces cas où tous les autres
moyens thérapeutiques ont échoué, ces cas où nous
nous devons quand même
76
de trouver une solution pour ne pas laisser le patient se
faire du mal ou faire du mal à autrui. C'est dans ces moments qu'il est
important d'avoir au préalable laissé un espace à la
discussion, et à la réflexion autour de la contention, sans quoi
elle sera utilisée de façon délétère et
traumatique pour le patient. Ces espaces de réflexions sont
également des garde-fous nécessaires quand ces pratiques font
partie de notre quotidien, pour empêcher un glissement vers des pratiques
inappropriés.
M, Azouley et S, Raymond, psychiatres à l'Unité
pour Malades Difficiles (UMD) Henri Colin, nous mettent en garde, contre le
danger actuel de ne plus évoquer ni de conceptualiser la contention
physique. Et de ce fait, de pouvoir devenir maltraitant. En dehors d'un
jugement de la valeur thérapeutique de la contention physique en
elle-même, il s'agit de penser à comment la mettre en oeuvre au
mieux. Puisque de fait, elle semble nécessaire, dans certaines
situations, attachons-nous à la penser au mieux. « La conjoncture
actuelle nous semble dangereuse : vouloir faire comme si la contention physique
n'existait pas, vouloir faire comme s'il était toujours possible de
faire autrement c'est prendre le risque de ne plus jamais l'évoquer, la
conceptualiser, la penser, la réfléchir. Or, il arrivera
forcément un moment où elle s'avèrera nécessaire.
Et c'est là que, sans compétences spécifiques, la mise en
contention sera traumatique pour les patients et pour les soignants [...]
» (Azoulay & Raymond, 2017, p. 844).
4.3.2 Reprise en équipe pluridisciplinaire
Quelle est la place de la contention physique dans le soin en
psychiatrie adulte ? Cette question soulève la question du
positionnement des soignants face à cette pratique. Quelle influence le
positionnement des soignants peut-il avoir dans l'exécution du soin ?
« Comment pouvons-nous rassurer les patients si nous-mêmes ne sommes
pas au clair avec nos pratiques et intimement convaincus du sens
thérapeutique des mesures que nous mettons en place ? » (Azoulay
& Raymond, 2017, p. 844). L'article de Guivrach et Cano (2013) nous donne
une représentation du vécu des soignants lors de la pose des
contentions. « [...] les soignants confrontés à la
contention avaient un vécu majoritairement négatif à type
de frustration, colère et absence de ressenti, qu'il s'agissait pour eux
d'une expérience difficile mais nécessaire, qui était
à la fois un acte de soin et sécurité. » (Guivrach
& Cano, 2013, p. 243). L'absence de ressenti, la colère, la
frustration sont retrouvés dans les symptômes décrivant
l'épuisement professionnel. Dans ce contexte de soin, nous pouvons
craindre que les soignants amenés à contentionner des patients
risquent de perdre l'estime de leur travail. Nous pouvons aussi penser
77
qu'en cherchant à se protéger de la perte de
sens que provoque en eux la pose des contentions, ils le fassent de
façon robotique, sans y engager de relation et de portage psychique.
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande un
temps de reprise en équipe pluridisciplinaire après la pose de
contention à un patient. Dans le but de « Permettre aux soignants
d'exprimer leurs difficultés face à cette pratique vécue
parfois avec culpabilité ; permettre aussi l'expression de la peur ou de
la difficulté de prendre soin d'un patient qui a ou qui a eu un
comportement violent. » et de « Permettre l'expression des
difficultés éprouvées face à un contexte
d'exigences contradictoires et de dissonance éthique. » (Haute
Autorité de Santé, 2017, p. 18). Ce temps de reprise est
indispensable, il permet d'une part que nous remettions sans cesse en question
nos pratiques et d'autre part que nous puissions parler de notre vécu.
Nous autres psychomotriciens, bien que souvent figurants dans ces pratiques
d'équipe, nous avons tout à fait notre place dans ces temps de
reprise et de réflexion. Nous mettons à disposition de tous nos
observations du langage corporel des patients et des soignants. C'est ensemble
que nous pouvons comprendre ce qui a été bénéfique
et ce qui ne l'a pas été. Nous pouvons aussi par la verbalisation
de notre propre ressenti, que nous avons appris à identifier et à
analyser, inciter les autres professionnels à faire de même. Faire
vivre la pensée, la capacité de pensée, le savoir
critique, remettre en cause, se questionner sur les notions de morale et
d'éthique. Pousser les équipes au dialogue, pour penser ses actes
et créer des discussions, c'est aussi oser dire des bêtises.
François Tosquelles, psychiatre catalan, nous dit que nous ne sommes
jamais tant sérieux que lorsque nous ne nous prenons pas au
sérieux. Nous autres psychomotriciens, nous sommes aussi présents
pour parler des émotions de chacun, patients et soignants. Que chacun
prenne une place dans les discussions d'équipe pour que le patient soit
représenté et éclairé par différents
regards. Le psychomotricien se doit de faire exister le corps et plus
spécifiquement le rapport au corps dans l'imaginaire commun. Prendre le
temps pour élaborer, donner du sens, rêver, émettre des
hypothèses, rompre avec l'intelligence rationnelle, c'est mettre
à disposition sa psyché pour penser le patient.
C'est aussi à travers les questionnements autour du
corps que notre présence soulève, que nous pouvons amener les
soignants à penser le patient différemment. C'est au
détour d'expériences avec les équipes soignantes, que nous
échangeons sans nous en rendre compte des éléments de nos
pratiques. Le psychomotricien a pour habitude d'expérimenter avec son
propre corps chaque stimulation qu'il propose au patient. C'est donc
naturellement que je me suis livrée à l'expérimentation de
la contention mécanique. A mon grand étonnement, les soignants se
sont saisis de ce moment, de manière innocente, pour me questionner sur
mon vécu corporel. C'est
78
parfois dans ces moments informels, que nous construisons
ensemble une praxie commune. La complexité des pathologies
psychiatriques et de leur prise en charge nous pousse, plus qu'ailleurs,
à mettre en commun nos connaissances. Plus qu'une
pluridisciplinarité, il est souhaitable que nous nous engagions dans une
transdisciplinarité. Saulus la définit comme « la
capacité professionnelle à enrichir sa pratique de données
issues de disciplines différentes de la sienne, sans perdre sa
spécificité » (Saulus, 2008, p. 162). C'est par ces
échanges de pratiques, de connaissances, en amenant dans l'imaginaire
collectif, les concepts d'enveloppes psychiques, de contenances, de toucher
thérapeutique, que nous pouvons participer à la contention
mécanique. Nous pensons cette mesure avec les soignants pour qu'ils
puissent y voir une mesure thérapeutique où leurs gestes, leurs
positionnements, leurs paroles et leur toucher serait aussi
thérapeutique, si ce n'est plus, que la prescription des contentions
mécaniques elles-mêmes.
4.3.1 L'alliance thérapeutique
L'alliance thérapeutique est un outil indispensable
d'observance des soins ultérieurs. L'intérêt
d'atténuer le vécu traumatique du patient lors des contentions a
pour but de favoriser sa compliance aux soins et l'alliance
thérapeutique avec les soignants. Il s'agit donc de trouver les facteurs
favorisant ou desservant l'alliance thérapeutique. Les psychiatres du
centre hospitalier Pierre-Jamet (2011), montre que « L'expérience
thérapeutique précédente (sédation psychique), les
effets secondaires, la relation thérapeutique avec l'ensemble des
soignants sont des facteurs d'observance et d'adhésion aux soins. »
(Passamar, Tellier, & Vilamot, 2011, p. 455). Pour donner au patient le
meilleur pronostique, cette alliance thérapeutique doit se faire lors de
la première prise en charge de la maladie. C'est en cela que le patient
aura la meilleure observance et ainsi un meilleur pronostique
d'évolution. « Les professionnels savent que plus le délai
de traitement initial de la maladie schizophrénique est long, moins les
rémissions seront significatives. » (Passamar, Tellier, &
Vilamot, 2011, p. 455).
4.3.2 Prise en charge psychomotrices
Les psychiatres (Carré, Moncany, Schmitt, & R,
2017), montrent que sont fréquemment retrouvés de la part des
patients, le thème de déshumanisation, un sentiment de soumission
vis-à-vis des soignants, d'être dominé, la perception de
punition, de sanction, d'être rejeté,
79
abandonné ; et ceci d'autant plus que la
pauvreté des informations transmises lors de la contention
entraîne de l''incompréhension. Le « collectif des 39 »
dénonce l'emprise gestionnaire et bureaucratique du quotidien qui «
[...] dissout petit à petit la disponibilité des acteurs de soins
: comment alors prendre le temps de comprendre, de chercher du sens, de penser
tout simplement que le patient, si inaccessible soit-il, attend des
réponses et des solutions humaines à même de l'apaiser.
» (Collectif des 39, 2016, p. 17). Apporter au patient contentionné
des soins psychomoteurs c'est redonner une dimension humaine aux soins,
permettre de retrouver du contact, un réceptacle à son angoisse,
être entendu et accompagné dans ces moments de souffrance.
Nous nous appuyons sur l'article de M. Azoulay et S. Raymond
pour affirmer que la contention mécanique peut amener de la contenance
psychique : « À la contention physique s'associe la contention
psychique. La contention physique peut, elle aussi, rendre compte d'une
démarcation et permettre alors de délimiter, rétablir des
seuils, des frontières. » (Azoulay & Raymond, 2017, p. 843).
Seulement, cette expérience est traumatique si elle est vécue
seule, sans accompagnement. Nous proposons ici, d'accompagner le patient
contentionné avec le soin psychomoteur. Toute prise en charge d'un
patient contentionné doit se faire dans la conscience de la
vulnérabilité de la position du patient à ce moment. C'est
pourquoi il sera nécessaire de créer une relation de confiance
pour que ce travail soit bénéfique. De la même façon
que nous avons développé l'intérêt de la relaxation
auprès du patient en chambre d'isolement, cette médiation est
particulièrement adaptée pour la prise en charge du patient
contentionné. De multiples possibilités de stimulations s'offrent
à nous, toujours dans une même dynamique de fond, à savoir
: apaiser le patient, diminuer son angoisse et favoriser la détente
physique et psychique. Il est important de choisir au cas par cas les
stimulations qui nous semblent les plus adaptées à la clinique du
patient. Les conductions verbales de Soubiran peuvent être un premier
contact, amener au patient un bain de parole qui pourra le porter, créer
une enveloppe sonore. Ces conductions visent à apporter de la
détente et une prise de conscience du corps. Nous avons la
possibilité de les adapter en fonction des stimulations que nous voulons
amener au patient. La respiration ou bien la relaxation active de Jacobson
permettent au patient angoissé par la perte de contrôle de son
corps, de retrouver le contrôle de sa respiration, de ses rythmes
biologiques, de l'état de tension et de détente de ses muscles.
Cette maîtrise corporelle mise en lien avec un travail de détente
est très rassurante et recentre les patients sur eux-mêmes. Pour
des patients qui n'arrivent plus à percevoir leur corps et leurs
limites, et qui ressentent le besoin de les éprouver de manière
violente, un travail autours des limites, du volume et de la densité
80
du corps peut être le bienvenu. Pour cela, nous pouvons
travailler autour du contact, les pressions amèneront une sensation de
solidité. Les balles effets peau sont un outil de contact enveloppant,
qui matérialise la contenance de l'enveloppe, les limites corporelles.
Nous pourrions encore citer une infinité de possibilité et il en
reste encore autant à inventer pour répondre aux souffrances des
patients.
4.4 Conclusion
Il est parfois difficile pour les psychomotriciens
eux-mêmes de définir leurs champs d'action. Au vu de la
multiplicité des approches et des pathologies qu'il nous arrive de
prendre en charge, il s'agit de développer une pratique
spécifique, propre à chaque cas. Les psychomotriciens sont encore
trop peu nombreux à travailler en psychiatrie adulte. Pourtant
l'étymologie du mot même nous prédispose à en
être des acteurs ; provenant du mot grec « psyche », signifiant
âme ou esprit, et « iatros » qui signifie médecin, c'est
littéralement la médecine de l'âme. Et qui est mieux
placé qu'un psychomotricien pour soigner l'âme et son enveloppe
?
Nous pouvons ainsi conclure que la psychomotricité
devrait être considérée comme incontournable dans une
unité de soins intensifs en psychiatrie adulte. Elle est
complémentaire de toutes les formes de contention. Nous avons choisi de
développer chacune d'elle, mais il faut savoir que dans la clinique
elles sont inextricablement liées. Penser le corps du patient,
potentialiser les effets des psychotropes, accompagner le patient
contentionné et/ou se trouvant en chambre d'isolement avec des
stimulations organisatrices, apaiser ses angoisses, sont autant de
possibilités du soin psychomoteur. Le psychomotricien n'est-il pas
finalement, le professionnel le plus adapté au travail du « contact
» avec le patient en crise ?
Le Bihan, Esfandi, Pagès, Thébault et Naudet
parlent du fonctionnement des unités de soins intensifs et concluent :
« Les équipes sont multidisciplinaires, associant médecins,
infirmièr(e)s, aides-soignants, psychologue, ergothérapeutes,
psychomotricien, éducateur, assistante sociale. » ; « La
présence médicale et soignante, la qualité de la formation
initiale et continue, l'expérience et la cohésion des
équipes sont en réalité l'atout majeur de ces
unités de soins. » (Le Bihan, Esfandi, Pagès,
Thébault, & Naudet, 2009, p. 141). Cependant à ce jour, seul
deux des dix-sept unités répertoriées
bénéficient d'un psychomotricien au sein de leur équipe.
Il s'agit aujourd'hui, de se donner les moyens de favoriser des solutions
humaines à même de soulager les patients. Il va de soi qu'à
ce stade de la réflexion, la problématique
81
financière est centrale dans l'avenir de la prise en
charge des patients en psychiatrie et nous ramène à des questions
politiques. Comment la Société veut-elle traiter la
problématique de santé mentale ? Il faut plus de courage pour
penser ces mesures de dernier recours et pour élaborer ensemble,
à partir de la clinique, des modalités de mise en oeuvre humaine
de celles-ci que de les accabler sans apporter d'autres solution.
82
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86
6 Annexes
Annexe 1 : Grille des indices
positifs de négatifs d'observation de l'image composite du corps de Eric
Pireyre dans son article (L'image du corps : monolithique ou composite ?,
2008)
Sensation de continuité d'existence
:
Stéréotypies motrices
Phénomènes d'accrochage sensoriels Certains
comportements masturbatoires Recherche de sensations
Exigence de l'immuabilité
|
Identité :
Connaissance imparfaite ou plaquée de son prénom
et de son nom Utilisation incorrect ou inauthentique des pronoms
personnels
Appropriation de l'identité d'autrui par imitation de
ses caractéristiques comportementales et/ou
verbales
Écholalies - echopraxies - echomimies
Recherche de fusion avec le corps de l'autre
|
Identité sexuée :
Utilisation incorrect ou inauthentique des pronoms personnels
(genre) Recherche possible d'un habillement censé
référer au sexe opposé
|
Peau physique et psychique :
Comportement de recherche de limites : physiques, corporelles
ou dans l'environnement Débordement au-delà des limites de la
feuille de dessin
Évitement ou demandes fréquentes de toucher
Exploration du corps de l'autre
Essais plus ou moins « involontaire »
d'érafler la peau de l'autre
Jeux portant sur la pellicule ou la membrane des objets et/ou des
végétaux Investissement particulier des orifices : contrôle
imparfait, forte angoisse, énurésie, encoprésie
Angoisse autour des blessures
|
Sensibilité somato-viscérale
:
Démantèlement : tendance à recourir
à certains aspects de la sensorialité et à refuser le
recours à
d'autres
Risques de crise clastiques si incitation trop forte
Somatognosie
Utilisation des aspects les plus archaïques des
systèmes sensoriels (ex : vision périphérique)
Evitement ou recherche de jeux de tiers et/ou porters (demande
proprioceptive)
|
Représentation de l'intérieur du
corps :
Tendance à l'expulsion incontrôlée ou
intempestive d'air et de liquide du corps par les orifices
Difficulté à comprendre les contrastes sensoriels
(dur/ mou particulièrement)
Recherche d'appuis dans les angles (« prothèse
» de colonne vertébrale)
Angoisse de vidage : urines, menstruation, saignements
Attrait pour l'observation de l'écoulement de l'eau
Intérêt amplifié pour les constantes
corporelles
Méconnaissance de la réalité anatomique
interne du corps
Connaissance « intuitive » d'un mécanisme
interne de conduction type « tuyauterie »
Méconnaissance, au niveau axial, de l'os et du muscle
Appréhension d'un corps bidimensionnel
Attaques contre la tridimensionnalité
Quête du sein
Envie de rentrer dans le corps de l'autre
|
Angoisses corporelles archaïques
:
Attaques contre la tridimensionnalité
Manifestations liées au morcellement, à la chute,
à la dévalorisation et à la liquéfaction du
corps
Recherche de l'horizontalité (long temps d'allongement
au sol)
Manifestations neurovégétatives concomitantes
à l'angoisse
Recours à des objets autistiques
Recherche de l'appuis du dos
Dessins de traits verticaux ou de spirales
|
87
Mécanismes de défense corporels
:
Paratonies de fond et d'action
Syncinésies de diffusion tonique et
tonico-cinétiques
Hypertonie
Hypotonie
Dominance tonique nette et normale d'un hémicorps sur
l'autre à partir de 5-6 ans
Qualité de la latéralité
|
89
Annexe 2 : Tableau : Les
neuroleptiques - Pharmacodynamie des neuroleptiques sur les grands
systèmes de neuromédiation issue du support de cours du
Professeur J. L. Senon, (Les neuroleptiques, 2002)
Système concerné
|
Conséquences
|
Dopaminergique
|
- action antispychotique (système limbique, cortex
frontal) - action anti-émétique (centre du vomissement et
récepteurs périphériques)
- signes endocriniens (axe hypothalamo- hypophysaire)
|
Noradrénergique
(action essentiellement sur récepteurs a-1)
|
- hypotension orthostatique
- troubles de l'éjaculation
- ptôse palpébrale (?)
- corrélation avec effet sédatif, avec les
altérations de la
vigilance
|
Sérotoninergique
elle concerne notamment la clozapine ainsi que de nouveaux
composés en développement: * antagonistes 5-HT2 =
antipsychotiques (clozapine, rispéridone)
* antagonistes 5-HT3 (sétrons actuellement
commercialisés comme anti-émétiques)
|
- voie en cours d'évaluation mais prometteuse : de
nombreux neuroleptiques, mêmes "classiques", sont des antagonistes
5-HT2
|
Histaminergique
(concerne essentiellement les phénothiazines)
|
- sédation
- action anti-allergique (faible pour les phénothiazines
neuroleptiques)
- prise de poids (avec action hormonale)
|
Cholinergique, avec double impact : - clozapine,
phénothiazines pipéridinées, aliphatiques, puis
pipérazinées et enfin halopéridol sont des antagonistes
directs des récepteurs cholinergiques centraux comme
périphériques
- levée du tonus inhibiteur sur les neurones
cholinergiques normalement maintenu par des neurones dopaminergiques,
d'où déséquilibre de la balance
dopamine/acétylcholine; avec le temps, cet effet tend à diminuer
avec le développement de l'hypersensibilité des récepteurs
dopaminergiques
|
- effets anticholinergiques (atropiniques) directs
- effets centraux antimuscariniques (impliquant la fonction
motrice et la mémorisation)
- effets indésirables extra-pyramidaux imposant parfois le
recours à des correcteurs antiparkinsoniens (anticholinergiques)
|
90
Annexe 3 : Extrait de la
Classification Internationale des Maladies, 10ème
édition (CIM-10) Chapitre V : Schizophrénie, trouble
schizotypique et troubles délirants ; Troubles de l'humeur
[affectifs].
91
92
93
94
95
96
97
98
Chapitre V
F32.2 Épisode dépressif
sévère sans symptômes psychotiques
Épisode dépressif dans lequel plusieurs des
symptômes dépressifs mentionnés ci-dessus, concernant
typiquement une perte de l'estime de soi et des idées de
dévalorisation ou de culpabilité, sont marqués et
pénibles. Les idées et les gestes suicidaires sont
fréquents et plusieurs symptômes a somatiques » sont
habituellement présents.
agitée
Dépression caractérisée
épisode isolé sans symptômes psychotiques majeure
vitale
F32.3 Épisode dépressif
sévère avec symptômes psychotiques
Épisode dépressif correspondant â la
description d'un épisode dépressif sévère (F32.2)
mais s'accompagnant par ailleurs d'hallucinations, d'idées
délirantes ou d'un ralentissement psychomoteur ou d'une stupeur d'une
gravité telle que les activités sociales habituelles sont
impossibles ; il peut exister un danger vital en raison d'un suicide, d'une
déshydratation ou d'une dénutrition. Les hallucinations et les
idées délirantes peuvent dire congruentes ou non congruentes
â l'humeur.
Épisodes isolés de :
· dépression :
· majeure [caractérisée] avec symptômes
psychotiques
· psychotique
· psychose dépressive :
· psychogène
· réactionnelle
F32.30 Épisode dépressif
sévère, avec symptômes psychotiques congruents à
l'humeur
F32.31 Episode dépressif sévère,
avec symptômes psychotiques non congruents à l'humeur
F32.8 Autres épisodes
dépressifs
Dépression atypique
Épisodes isolés d'une dépression u
masquée » SA'
F32.9 Épisode dépressif, sans
précision
191
Dépression SAl Trouble dépressif SA1
99
Annexe 4 : Illustration des
contentions mécaniques en chambre d'isolement (avec des soignants de
l'unité)
100
Annexe 5 : Illustration du bain
thérapeutique proprioceptif (avec des soignants de
l'unité)
Résumé
Les pratiques de contention symbolique, de contention
environnementale (isolement), de contention chimique (tranquillisants ou
neuroleptiques) et de contention mécanique (liens) sont présentes
en psychiatrie adulte, en particulier au moment de la crise. À partir de
l'expérience d'une unité intersectorielle de soins intensifs en
psychiatrie adulte, ce mémoire propose une réflexion sur
l'intérêt du soin psychomoteur pendant chacun ces moments.
Abstract
The practices of symbolical restraint, environmental restraint
(isolation), chemical contain (tranquillizers or neuroleptics) and mechanical
restraint (links) are present in adult psychiatry, particularly at the time of
the crisis. Based on the experience of an intersectoral unit of intensive care
in adult psychiatry, this thesis propose reflection on the interest of
psychomotor care during each of these moments.
Mots clés : Psychiatrie ; Isolement ;
Contention ; Psychomotricité ; Contenance ; Psychotropes ; Relaxation ;
Psychose ; Schizophrénie
Keywords : Psychiatry ; Isolation ; Physical
restraint ; Psychomotor ; Psychological contain ; Psychotropic ; Relaxation ;
Psychosis ; Schizophrénia
|
|