Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Institut du Monde Anglophone
Études Européennes et Internationales-Aire
anglophone - Civilisation des pays anglophones
La Commission Internationale des Frontières
et des Eaux (IBWC) face aux enjeux de la préservation de
l'environnement
Master 2
Mémoire de Recherche
Clémence LÉGER
Directeur de recherche : M. Didier AUBERT
Juin 2022
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Institut du Monde Anglophone
Études Européennes et Internationales-Aire
anglophone - Civilisation des pays anglophones
La Commission Internationale des Frontières
et des Eaux (IBWC) face aux enjeux de la préservation de
l'environnement
Master 2
Mémoire de Recherche
Clémence LÉGER
Directeur de recherche : M. Didier AUBERT
Juin 2022
Déclaration sur
l'honneur
Je soussignée Clémence Léger
déclare avoir rédigé ce travail sans aides
extérieures ni sources autres que celles qui sont citées. Toutes
les utilisations de textes préexistants, publiés ou non, y
compris en version électronique, sont signalées comme telles. Ce
travail n'a été soumis à aucun autre jury d'examen sous
une forme identique ou similaire, que ce soit en France ou à
l'étranger, à l'université ou dans une autre institution,
par moi-même ou par autrui.
10 juin 2022
Résumé
L'eau est un enjeu primordial dans les relations entre les
États-Unis et le Mexique. Bon nombre de traités, de conventions
et d'accords ont été signés entre les deux pays pour la
distribution et la régulation des eaux des fleuves frontaliers (le Rio
Grande, le Colorado et la rivière Tijuana) depuis la fin du
XIXe siècle. C'est pourtant le Traité de 1944 qui
marque le début d'une coopération, voulue soutenue, entre les
deux pays pour répondre aux problèmes d'approvisionnement et de
régulation de l'eau. Cette coopération s'est installée
notamment grâce à l'amendement de l'International Boundary and
Water Commission, instance binationale entre les États-Unis et le
Mexique, qui permet une collaboration des deux pays autour des problèmes
hydriques à la frontière. Le Traité de 1944 fut suivi par
les accords de La Paz et de l'ALENA, qui ont des résultats plus
mitigés.
L'IBWC, au fil des décennies, a laissé
intervenir de nouveaux acteurs dans la résolution des problèmes
hydriques, de manière à intégrer un aspect plus
environnemental à ses prérogatives. En effet, l'implication des
ONG dans les années 1990 et des habitants des États bassins dans
les prises de décisions a permis à la Commission de percevoir des
fonds et de pouvoir fournir des solutions hydriques et environnementales plus
légitimes et plus ancrées, susceptibles de répondre
effectivement aux problèmes.
L'analyse de certaines Minutes, procédé
intégré au Traité de 1944, a permis de distinguer
différentes phases dans la prise en charge des problèmes
environnementaux, en partant de la mise en place de cadre jusqu'à la
mise en oeuvre d'un programme de coopération pour la gestion des
problèmes environnementaux.
Mots clés : gestion de l'eau,
hydro-diplomatie, International Water and Boundary Commission,
Traité de 1944, Minutes
Abstract
Water plays a key role in the relationship between the United
States and Mexico. Several treaties, conventions, and agreements have been
signed between the two countries since the end of the 19th century
to regulate the water flow of the three border rivers (the Rio Grande, the
Colorado, and the Tijuana). It was the 1944 Treaty, however, that began a
relationship of cooperation, which was to last for a long time, between the two
countries. A major component of this cooperation has been the amendment of the
International Boundary and Water Commission, the bi-national commission between
the United States and Mexico that enables cooperation on water problems at the
border between the two countries. The 1944 Treaty was followed by the La Paz
Agreement and NAFTA, which had mixed results.
Over the decades, this Commission has begun to engage new
parties in the resolution of water problems in order to incorporate a more
environmental focus into its functions. Through the involvement of NGOs in the
1990s as well as the participation of basin states in decision-making, the
Commission has been able to collect funds and provide more legitimate and
grounded water and environmental solutions that can effectively resolve
problems.
An examination of some of the Minutes, an amendment system
integrated to the 1944 Treaty, has permitted distinguishing different phases of
the handling of environmental problems; from the creation of a framework to the
implementation of a programme for cooperation.
Key words: water management, hydrodiplomacy,
International Water & Boundary Commission, 1944 Water Treaty, Minutes
Remerciements
Je voudrais remercier, dans un premier temps, mon directeur de
mémoire, M. Didier Aubert, pour ses précieux conseils, sa
disponibilité et son soutien. Il m'a orientée dans mes recherches
et a suivi avec attention la réalisation de ce mémoire. Je tiens
également à remercier M. James Cohen qui a accepté
d'être mon co-directeur de mémoire cette année. Je tiens
à souligner tout particulièrement leur disponibilité et
leur bienveillance.
Enfin, je remercie ma famille qui m'a soutenue tout au long de
ce processus de recherche.
Table des matières
Déclaration sur l'honneur
1
Résumé
2
Abstract
2
Remerciements
4
Table des matières
5
Liste d'abréviations
7
Table des illustrations
8
INTRODUCTION
9
Les problèmes hydriques actuels à
la frontière États-Unis-Mexique
9
Répartition des eaux du Colorado et du
Rio Grande
11
Les causes des problèmes liés
à l'eau à la frontière États-Unis-Mexique
13
Le rôle de la Commission Internationale
des Frontières et des Eaux (IBWC)
16
Antécédents des relations
hydro-diplomatiques entre les États-Unis et le Mexique
19
L'émergence de la question
environnementale
21
PARTIE I - L'hydro-diplomatie : une approche
efficace pour une gestion de l'eau pacifique et durable
25
Qu'est-ce que
l'hydro-diplomatie ?
25
La diplomatie environnementale
29
Gestion Intégrée des Ressources
en Eau
30
Hydro-hégémonie
32
Commission de coopération
33
Hydro-diplomatie et gouvernance adaptative
entre les États-Unis et le Mexique
33
PARTIE II - L'hydro-diplomatie entre les
États-Unis et le Mexique : l'évolution de l'IBWC
38
Chapitre I - Le rôle de l'IBWC et
des Minutes, vecteurs d'hydro-diplomatie entre les États-Unis et le
Mexique
38
Chapitre II - Relations diplomatiques et
hydriques jusqu'à 1944
42
Diplomatie entre les États-Unis et le
Mexique
42
Gouvernance de l'eau avant le Traité de
1944
46
La démographie : vectrice de
problèmes hydriques
47
La crise de Mexicali de 1943
49
Le rôle de l'IBWC dans la mise en oeuvre
du Traité de 1944
50
Situation inégale entre les deux pays
lors de la signature du Traité de 1944
52
Chapitre III - Efficacité de l'IBWC
depuis 1944 : un nouvel outil à disposition
55
Le Traité de 1944
55
Avancées et problèmes
hydro-diplomatiques depuis les années 1940
57
Problèmes de salinité dans le fleuve
Colorado
57
L'Accord de La Paz : nouveau pas dans la
préservation de l'environnement
60
L'ALENA : des avancées
environnementales grâce à la BECC
61
Etat des lieux des problèmes
environnementaux dans les années 1990
63
Le cas des eaux souterraines
65
L'impact du public sur les politiques
hydriques
66
PARTIE III - L'environnement : de plus en plus
important dans les Minutes
67
Chapitre I - Minutes 306 et 316 : de la
mise en place de cadre à la mise en oeuvre de solutions
environnementales dans la rivière du Colorado
67
La Minute 306
67
Analyse de la Minute 306
68
La Minute 316
69
Analyse de la Minute 316
70
Chapitre II - Minutes 319 : point
culminant des relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique et
mise en place d'un programme de surveillance écologique
71
La Minute 319
71
Analyse de la Minute 319
72
Chapitre III - Minutes 323 : mise en
oeuvre d'un programme de coopération pour la gestion des
problèmes environnementaux
75
La Minute 323
75
Analyse de la Minute 323
75
CONCLUSION
79
Liste de références
84
Liste
d'abréviations
ACEUM Accord Canada, États-Unis, Canada
ALENA Accord de libre-échange nord-américain
ANACDE Accord nord-américain de coopération dans
le domaine de l'environnement
BECC Border Environment Cooperation Commission
CEC Commission for Environmental Cooperation
CILA Comisión Internacional de Límites y
Aguas
EPA Environmental Protection Agency
IBW International Boundary Commission
IBWC International Boundary and Water Commission
IID Imperial Irrigation District
NABD North American Development Bank
NAFTA North American Free Trade Agreement
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
PNUE Programme des Nations Unies pour l'environnement
USCMA US-Mexico-Canada Agreement
USIBWC US International Boundary and Water Commission
Table des illustrations
Figure 1 : Carte de la retenue d'Amistad et de
sa région
1
Figure 2 : Les rivières du Colorado et
du Rio Grande à la frontière États-Unis-Mexique
11
Tableau 1 : Croissance démographique
à San Diego, E.U. et à Tijuana, Mexique
1
Tableau 2 : Valeurs extrêmes des
précipitations dans la région de Mexicali
50
Tableau 3 : Les économies en eau mexicaines
pour le BWSCP
77
INTRODUCTION
Les problèmes hydriques actuels à la
frontière États-Unis-Mexique
La frontière entre le Mexique et les États-Unis
est actuellement une région de tensions hydriques liées, entre
autres, à des sécheresses successives et à une pollution
accrue des fleuves qui mettent en danger l'agriculture, les populations et la
biodiversité. À l'automne 2020, ces tensions ont
débouché sur une crise dans la vallée du Rio Grande
lorsque le gouverneur conservateur du Texas, Greg Abbott, pressa le Mexique
d'honorer ses engagements et de verser aux États-Unis la quantité
d'eau demandée dans le Traité de 1944. Il déclara
notamment que le Mexique devait de l'eau aux États-Unis (Varady, Gerlak
et al. 2021) dans la mesure où ce dernier détient la plupart des
affluents du fleuve et donc la majorité des flux arrivant dans le Rio
Grande. Le Traité de 1944 visait, à sa création, à
réglementer et organiser la distribution équitable des ressources
hydriques des fleuves du Colorado, du Rio Grande (appelé Rio Bravo au
Mexique) et de la rivière Tijuana (dont il ne sera pas question dans ce
travail), entre les États-Unis et le Mexique. Par ailleurs, il
prévoit des exemptions possibles en cas de problèmes
environnementaux majeurs tels que des sécheresses ou une pollution
exceptionnelle, singulièrement du côté mexicain (Umoff
2008, 75). Malgré cette possibilité d'exemption, le Mexique s'est
acquitté de la tâche qui lui incombait grâce aux ressources
en eau de la retenue d'Amistad, située à la frontière, sur
le Rio Grande. Cette décision a été prise en accord avec
les États-Unis ; puisque les deux nations gèrent cette
retenue, il est nécessaire d'avoir un accord mutuel pour l'utilisation
de son eau. Toutefois, même si cette retenue a permis au Mexique de
répondre aux attentes des États-Unis et du Traité,
l'utilisation de cette eau a mis en péril l'approvisionnement des
habitants de l'État de Coahuila, localisé en aval de la retenue
comme le montre la
Figure 1 ci-dessous (Kamps 2009).
Figure 1 : Carte de la retenue d'Amistad et de sa
région
Cet évènement a intensifié les tensions
et les préoccupations, en particulier parce que les agriculteurs ont
besoin d'une quantité d'eau suffisante pour leurs cultures difficilement
atteinte (Varady, Gerlak et al. 2021). Cela illustre la difficulté
persistante des deux côtés de la frontière de surmonter les
différends liés à l'eau, malgré la mise en place
d'accords et d'organisations binationales dédiés à cet
enjeu, tel que l'IBWC (International Boundary and Water Commission)
créée dès 1889, et qui près d'un siècle et
demi plus tard reste le principal canal de médiation sur ces
questions.
L'exemple des complications telles qu'exposées plus
haut est une des conséquences des problèmes hydriques qui se
multiplient à la frontière au fil du temps et encore plus depuis
les années 1990. La situation géographique de la frontière
est, en elle-même, une des causes des conflits liés à
l'eau. En effet, la localisation des fleuves du Colorado et du Rio Grande/Bravo
à la frontière États-Unis-Mexique génère des
problèmes hydriques dans la mesure où la zone est semi-aride et
souffre de périodes de sécheresses impressionnantes. Le
dérèglement climatique entraîne aussi un changement de
climat dans la zone qui devient encore plus aride et qui accentue, de fait, les
sécheresses et les pénuries d'eau.
Dans ces conditions, les deux pays ne sont pas égaux
devant les risques liés à cette pénurie. Comme il est
possible de le constater sur la
Figure 2 (« Les rivières
du Colorado et du Rio Grande à la frontière
États-Unis-Mexique »), l'approvisionnement en eau pour les
régions frontalières, notamment pour les États d'Arizona,
du Nouveau-Mexique et du Texas du côté des États-Unis et
les États de Basse Californie, de Coahuila, de Tamaulipas, de Sonora et
de Chihuahua du côté mexicain, est fourni principalement par les
rivières et les affluents du Colorado et du Rio Grande/Bravo. Ainsi,
imaginer que le Mexique est d'autant plus touché qu'il est
localisé en aval des rivières est crédible,
particulièrement pour ce qui est du Colorado, puisqu'il accède
à l'eau de cette dernière en fin de parcours, alors qu'elle est
potentiellement déjà polluée ou disponible en trop faible
quantité pour répondre à la demande de la population. Ce
constat est, cependant, contrasté dans le cas du Rio Grande/Bravo dans
le sens où le Mexique possède les débits de la plupart des
affluents du fleuve en aval de Fort Quitman, comme il est possible de le voir
sur la
Figure 2 (« History of the
International Boundary and Water Commission » s.d.). Il a ainsi un
pouvoir très important sur les débits de ce fleuve puisque c'est
à lui de fournir de l'eau aux États-Unis depuis le Traité
de 1944.
Il est également essentiel d'insister sur le fait que,
dès le début des années 2000, le Mexique se
déclarait en situation de stress hydrique (Vega Cárdenas 2020,
28), notamment, et surtout, dans la région frontalière des
États-Unis, semi-aride. Cela signifie que ses ressources en eau
disponibles étaient déjà inférieures à la
demande en eau de la population (Macé 2021). La crise du Rio
Grande/Bravo de 2020 représente, à mon avis, une suite logique du
processus de stress hydrique puisqu'avec l'aggravation du
dérèglement climatique, le Mexique est de moins en moins capable
de fournir suffisamment d'eau pour sa population, et n'est plus en mesure non
plus de remplir, en toutes circonstances, sa part des accords et des
traités signés avec les États-Unis. L'évolution du
dérèglement climatique laisse à penser que ce
phénomène n'ira qu'en empirant si rien n'est fait pour en
atténuer les effets.
Figure 2 : Les rivières du Colorado et du Rio
Grande à la frontière États-Unis-Mexique
Source : Carter, Nicole T., et al. 2018.
« Sharing the Colorado and the Rio Grande: Cooperation and Conflict
with Mexico ». Congressional Research Service. 12
Décembre 2018 : 1-33.
https://fas.org/sgp/crs/row/R45430.pdf.
Répartition des eaux du Colorado et du Rio Grande
Pour comprendre les raisons pour lesquelles les
États-Unis et le Mexique doivent se partager les ressources hydriques
des fleuves et fournir une certaine quantité d'eau à l'autre, il
faut se souvenir que le Traité de 1944 avait pour objectif, lors de son
élaboration, de délimiter les droits des deux pays en ce qui
concerne les eaux du Rio Grande/Bravo et du Colorado (Taylor 1996, 46).
Pour ce qui est du fleuve Colorado, les États-Unis
possèdent la partie principale du fleuve, en amont, et doivent verser
1 500 000 acres-pieds1(*) de leur eau chaque année au Mexique. Ce chiffre
comprend 900 000 acres-pieds provenant du drainage des projets
étatsuniens qui, selon toute vraisemblance, devait permettre de
contrôler la quantité d'eau qui serait fournie ainsi que de
diminuer les probabilités d'inondations des eaux du Colorado. De plus,
selon le Traité, en cas d'excédent au cours de l'année, le
Mexique devait recevoir 200 000 acres-pieds supplémentaires des
États-Unis (Glaeser 1946, 7). La qualité de l'eau n'était
alors pas prise en compte dans les négociations.
De plus, comme il en est question dans ce travail, la
construction d'infrastructures et de déviation a entraîné
une raréfaction des ressources hydriques dans différentes zones
du fleuve du Colorado et notamment dans son delta (« Colorado River
Delta (in Mexico) » s.d.), localisé entre les États de
Basse Californie et de Sonora au Mexique, comme le montre la
Figure 2. La raison de ce constat dans la
région du delta n'est autre que l'agriculture. En effet, l'eau du
Colorado au Mexique est déviée, au-delà du barrage de
Morelos, pour fournir de l'eau aux champs de coton, de blé, de foin et
de légumes dans la vallée de Mexicali, au nord-ouest du Mexique
(James 2020). Ainsi, durant plusieurs décennies, les débits du
Colorado, déviés, n'atteignaient plus le delta, mais la
Minute 306 et les suivantes permirent de réapprovisionner la
zone en eau, petit à petit (Bussey 2018, 162) notamment grâce au
développement de nouvelles infrastructures. Depuis la Minute
306 donc, le delta est au coeur des discussions de l'IBWC, entre autres, ce qui
a permis un réapprovisionnement progressif en eau (Vanderpool 2018)
même si le chemin reste long.
S'agissant du Rio Grande/Bravo, en aval de Fort Quitman, au
Texas, chaque pays dispose de la moitié du débit du fleuve. Pour
ce qui est des affluents du fleuve, le Mexique a la jouissance de toutes les
eaux provenant des rivières San Juan et Alamo. Il a également
accès aux deux tiers du débit des affluents mexicains de Conchos,
San Diego, San Rodrigo, Escondido, Salado et Las Vacas Arroyo
(« History of the International Boundary and Water Commission »
s.d.). Les États-Unis, quant à eux, possèdent la
totalité des débits des affluents Pecos, Devils, Goodenough
Spring, Alamito, Terlingua, San Felipe et Pinto Creeks, en amont du Rio
Grande/Bravo. Ils ont par ailleurs accès au dernier tiers des
débits des affluents mexicains. De plus, puisque le Mexique
détient la plupart des affluents, il doit allouer aux États-Unis,
chaque année, au moins 350 000 acres-pieds des débits du Rio
Grande/Bravo. Cette allocation est mesurée par cycle de cinq ans, ce qui
signifie que le Mexique doit livrer 1 750 000 acres-pieds à la
fin d'un cycle. S'il n'est pas en mesure d'atteindre ce résultat, il
doit rembourser les États-Unis, mais il lui est aussi possible de
fournir cette eau au cours du cycle quinquennal suivant (Taylor 1996 47-8). Il
est ainsi possible de constater que pour le cycle 2015-2020, le Mexique n'a pas
souhaité d'exemption et a finalement fourni la quantité d'eau
demandée aux États-Unis.
Les causes des problèmes liés à l'eau
à la frontière États-Unis-Mexique
Les problèmes hydriques rencontrés à la
frontière sont nombreux. Il semblerait que la difficulté
principale, datant d'avant la signature du Traité de 1944, soit
l'approvisionnement en eau en raison des sécheresses qui se multiplient
dans la zone. En effet, en 1943 déjà, le Mexique faisait face
à une sécheresse dans la vallée de Mexicali (Anderson
1972, 608), en Basse Californie, au nord-ouest du Mexique. Ce problème
est né, en majeure partie, de la croissance démographique et du
développement constant des industries, de part et d'autre de la
frontière, qui ont entraîné un stress hydrique au cours des
XXe et XXIe siècles (Nava Jiménez 2007,
11). En effet, ces dernières décennies, la population à la
frontière a augmenté de manière exponentielle pour
atteindre 14 millions d'habitants. Cette population est localisée, pour
une grande part, dans les villes frontalières jumelées telles que
San Diego aux États-Unis et Tijuana au Mexique qui cumulent 4,9 millions
d'habitants et à El Paso et Ciudad Juarez qui comptent 2,2 millions
d'habitants. Les autres villes frontalières des deux côtés
de la frontière s'y ajoutent pour former un ensemble de 14 millions
(Wilder et al. 2020, 192). Pour préciser ce propos, en se focalisant sur
les villes jumelles de Ciudad Juarez et d'El Paso, il est possible de constater
une augmentation impressionnante tout au long du XXe siècle.
Par exemple, El Paso est passé de quelques milliers d'habitants en 1900
à plus de 600 000 habitants en 1998, tandis que la ville de Ciudad
Juarez comptait une population de 43 000 habitants en 1930, puis plus d'un
million en 1995 (Peach 1998, 3), enregistrant ainsi une augmentation de
2 225,6 %. Ceci a entraîné une utilisation de plus en plus
importante de ressources épuisables. En effet, puisque la population et
les industries utilisent de plus en plus d'eau pour satisfaire leurs besoins
sans que les réserves ne soient pleines ou sans qu'elles n'aient le
temps de se renouveler, il est prévisible que la demande puisse
dépasser la quantité d'eau disponible.
Dans ce contexte, le secteur agricole pose un double
problème. En effet, dans un premier temps, il nécessite une
utilisation accrue des ressources hydriques qui peut entraîner des
problèmes environnementaux :
« In the Upper Rio Grande Basin alone, from its
headwaters in Colorado to Fort Quitman in Texas, over 300,000 acres (120,000
hectares) are irrigated, including 25,000 acres (10,000 hectares) on the
Mexican side of this section of the basin (SECURE Water Act 2011). Agriculture,
including livestock production, accounts for over 85 percent of the surface
water withdrawals in the bains » (Lubner et Thiel s.d., 1).
Il est ainsi aisé de comprendre le lien entre
croissance démographique et utilisation accrue des ressources en eau
ainsi que les problèmes que ce phénomène engendre. Cette
croissance démographique a entraîné une augmentation
constante de la demande en eau par les industries et les populations qui a
provoqué, au fur et à mesure, un appauvrissement, voire la
disparition, des ressources en eau, qu'elles soient souterraines ou non. Ce
premier facteur, ajouté à un dérèglement climatique
global qui s'intensifie dans les bassins des fleuves du Colorado et du Rio
Grande favorisent l'apparition de sécheresses prolongées et d'un
climat de plus en plus aride. Ceci peut également porter atteinte
à la biodiversité puisqu'un manque d'eau constant dans une zone
donnée ne permet pas aux espèces marines et aquatiques, entre
autres, de rester, de se développer et d'évoluer
(« Colorado River Basin and Delta » s.d.). Ce fut notamment
le cas dans le delta du Colorado pendant plusieurs décennies (James
2020). C'est dans ce contexte que, durant l'été 2021, les
États frontaliers mexicains et étatsuniens ont
déclaré un état d'urgence environnemental puisqu'ils
faisaient face à une pénurie d'eau induisant une réduction
des livraisons d'eau dans le sud-ouest des États-Unis (Snider 2021) et
par extension dans le nord-ouest du Mexique. Cette situation, si elle perdure,
ne permettra bientôt plus aux retenues du Colorado, dont le lac Powell
situé dans les États d'Arizona et du Nevada, mais étant
partagé, depuis la Minute 319, entre les deux pays, de se
remplir suffisamment pour compléter les débits naturels du
Colorado et pour continuer de produire assez d'électricité dans
des barrages, comme celui de Glen Canyon, dans l'État d'Arizona (Snider
2021).
Ce nouvel exemple permet de comprendre la multitude de
problèmes liés à une diminution constante du débit
d'eau des fleuves du Colorado et du Rio Grande et le lien intrinsèque
entre toutes les conséquences qui en découlent et qui
s'enchaînent.
Par ailleurs, un second problème émerge du
développement de l'agriculture intensive et de la croissance
démographique. Il s'agit de la pollution qu'elle induit avec
l'utilisation d'engrais, de pesticides et d'autres polluants pour favoriser la
production (Wilder et al. 2019). En effet, les répercussions de la
croissance démographique se ressentent particulièrement avec la
surexploitation des eaux par les activités agricoles, par exemple, qui
induit une explosion de la pollution des débits du Colorado et du Rio
Grande, causée par l'utilisation de polluants, comme il en sera question
plus tard (Burman et Cornish 1975, 387).
Comme l'expliquent Flores B., Ren J., Krishnamurthy S. et
Belzer W. dans Chemical Contamination of the Lower Rio Grande near Laredo,
TX, le Rio Grande a été fortement affecté par la
pollution de l'activité humaine à la frontière qui a
réduit la présence de biodiversité dans la zone :
« For many years the Rio Grande has been polluted
with municipal, industrial, agricultural and farming contaminants from both
sides of the border. This pollution has led to the extinction or reduction of
certain wildlife species as well as affecting the health of the residents along
the border » (Flores et al. 2006, résumé).
Ainsi, par le biais des industries qui fleurissent et des
polluants du secteur agricole, les eaux des deux côtés de la
frontière sont de plus en plus polluées et en quantité de
moins en moins suffisante pour répondre aux besoins de la population.
Ceci dégrade notamment les écosystèmes dans la zone (Vega
Cárdenas 2020, 29). Ainsi, pour ce qui est du Colorado, le plus long
fleuve à la frontière, logiquement, le Mexique reçoit de
plus en plus régulièrement de l'eau impropre à
l'utilisation pour l'agriculture et pour la consommation des habitants,
même si des Minutes récentes tentent de répondre
aux problèmes de salinité. C'est le cas des Minutes 319 de 2012
et 323 de 2017 dont il sera question dans ce travail.
L'installation de barrage du côté des
États-Unis est également un facteur de problèmes hydriques
et de sécheresse à la frontière et au Mexique puisque,
d'une certaine manière, l'eau est contrôlée pour ne pas
provoquer d'inondation. Pour rappel, les barrages servent aussi à la
conservation de l'eau pour les États-Unis et le Mexique comme des
retenues d'eau (« Amistad Dam and Power Plant, Del Rio,
Texas » s.d.). Ces barrages peuvent aussi être utilisés
pour l'approvisionnement en électricité des populations dans une
zone donnée. Cependant, puisque l'eau, au niveau des barrages
localisés sur la section étatsunienne du Colorado, ne
s'écoule que lorsque les États-Unis libèrent un certain
volume d'eau, il arrive que cela conduise à des sécheresses du
côté mexicain (Vega Cárdenas 2020, 33). En effet, comme
l'explique Benedito Braga dans le chapitre « Water without
Borders: sharing the flows? » de l'ouvrage Hydro-Diplomacy: Sharing
Water Across Border : « When a dam is constructed, benefits are
generated but at the same time change the flow regime will impact downstream
users » (Pangare 2014, 17). Ainsi, les agriculteurs mexicains peuvent
craindre, à raison, de manquer d'eau pour leurs cultures ou de recevoir
de l'eau inutilisable puisque polluée. La crise dans la vallée du
Rio Grande présentée plus haut est un exemple du manque
d'approvisionnement en eau pour ces derniers puisque les Mexicains doivent
céder de l'eau provenant d'une retenue binationale pour pouvoir
répondre aux attentes des États-Unis.
Il est aussi possible de considérer que le
problème d'approvisionnement du delta du Colorado est causé par
le barrage de Morelos. En effet, comme il l'a été
mentionné plus tôt, puisque les débits du Colorado sont
déviés au niveau du barrage de Morelos pour permettre
l'irrigation des champs dans la vallée de Mexicali (James 2021), ces
débits n'ont plus atteint le delta qui voyait son volume d'eau diminuer
au fil des décennies jusqu'à ce que l'eau ne puisse plus se jeter
dans le golfe de Californie.
En ce qui concerne les nappes phréatiques, qui
n'étaient pas prises en compte dans le Traité de 1944, leur
quantité en eau dans la région frontalière a
considérablement baissé, tout comme la quantité d'eau dans
les retenues ; les réserves en eau ont été
partiellement détruites. Par exemple, au début de l'année
2022, le niveau en eau dans le lac Powell, sur le fleuve Colorado, était
descendu à 3 525 pieds par rapport au niveau de la mer, soit
1 074,42 mètres ; niveau le plus bas constaté depuis sa
création dans les années 1960 (Torres 2022). Le niveau du lac
est, en moyenne, situé à 3 700 pieds par rapport au niveau
de la mer, soit 1 128 mètres. Il est ainsi possible de distinguer
une forte baisse de la quantité d'eau dans la réserve qu'il
faudrait maîtriser pour permettre à cette réserve de
continuer de répondre aux besoins en eau en cas de besoin.
Ce n'est qu'en 1973 que fut demandé par l'IBWC le
développement de la première Minute couvrant les
ressources souterraines en eau qui ne vit finalement jamais le jour (Umoff
2008, 86). L'utilisation des eaux souterraines demeure un enjeu principal
à la frontière avec la protection de l'environnement (Umoff 2008,
89) puisque plus de 40 % des eaux fournies à l'État d'Arizona et
60 % des eaux versées au Texas proviennent de ressources souterraines
(Umoff 2008, 95). Ainsi, l'appauvrissement des retenues souterraines provoque,
aujourd'hui, encore davantage de sécheresse dans la région (Vega
Cárdenas 2020, 33).
Le
rôle de la Commission Internationale des Frontières et des Eaux
(IBWC)
Les problèmes cités plus haut, notamment celui
de la dégradation de la biodiversité et l'aggravation constante
des sécheresses, constituent en grande partie les raisons pour
lesquelles le XXIe siècle représente un tournant dans
la prise en charge des problèmes hydriques à la frontière
entre le Mexique et les États-Unis. Ainsi, l'accroissement et la
récurrence des incidents liés à la pollution et à
des sécheresses ont poussé l'International Boundary and Water
Commission (la Commission Internationale des Frontières et des
Eaux) à mettre en oeuvre de nouvelles réglementations
binationales pour tenter de sauvegarder la biodiversité et maintenir un
niveau d'eau suffisant dans les rivières frontalières en essayant
d'instaurer une coopération durable entre les deux pays.
Pour comprendre le rôle de l'IBWC dans le contexte
mexicano-étatsunien, il convient de se rappeler que le partage d'une
frontière fluviale implique la nécessité, pour les
États limitrophes, de coopérer pour pouvoir résoudre les
différends liés à la gestion et à la
dégradation des ressources, ou du moins de les minimiser sur le long
terme, sans fragiliser les relations diplomatiques binationales. De la
même manière, le partage équitable de l'eau à la
frontière est primordial et requiert une collaboration constante.
Ce facteur reste considérable même si depuis
plusieurs décennies s'y ajoutent les enjeux de protection de
l'environnement, devenue un aspect fondamental des relations hydriques
régionales (Comair 2021). Toutefois, les exemples
mexicano-étatsuniens présentés ci-dessus prouvent que
cette coopération demeure compliquée à mettre en place et
à maintenir dans les faits. Malgré ces difficultés,
l'aspect environnemental, aujourd'hui prépondérant, pousse les
deux nations à mettre de côté leurs différends pour
protéger leurs ressources en eau et leurs populations contre de
potentiels incidents environnementaux découlant des problèmes
hydriques.
La mise en place d'une hydro-diplomatie est ainsi
incontournable puisque la protection de l'environnement est devenue un enjeu
fondamental. En effet, les économies, les cultures, les
sociétés et l'historique des relations propres aux
États-Unis et au Mexique ne permettent pas de consolider et
pérenniser une coopération durable sans l'instauration de
réglementations et d'instances de coopération. Il est, par
exemple, possible de constater l'importance des questions environnementales qui
se reflète dans leur inclusion dans des accords économiques
majeurs tels que l'ALENA (Accord de libre-échange
nord-américain). Cet accord, selon certains, a été le
premier accord de libre-échange faisant un lien entre l'environnement et
le commerce, notamment avec l'ANACDE (Accord nord-américain de
coopération dans le domaine de l'environnement) (Gouvernement du Canada
2020, 2), dont il sera question dans ce travail. Malgré tout, les
exemples mexicano-étatsuniens présentés ci-dessus prouvent
que cette coopération demeure compliquée à mettre en
place.
En outre, les relations entre les deux pays sont
asymétriques dans le sens où les États-Unis sont beaucoup
plus influents sur le plan économique, avec une économie
industrialisée avancée, par rapport à une économie
mexicaine toujours en développement. De la même manière,
les relations entre les États-Unis et le Mexique sont jalonnées
de conflits liés à la délimitation de la frontière,
à l'utilisation de l'eau et à l'immigration des Mexicains aux
États-Unis, par exemple. Ces conflits se résolvent avec
l'élaboration de compromis et d'accords pour la mise en place de
relations commerciales ainsi que pour la lutte contre tous les types de trafics
à la frontière et en faveur de la préservation de la
frontière et de son environnement (Wilder et al. 2019).
Pour en venir à la définition de
l'hydro-diplomatie, elle peut être précisée, d'un point de
vue général, ainsi :
« those aspects of water that are subject to
international relations - including negotiations of differences and conflicts,
establishment of specialised transnational institutions, and establishment of
protocols and agreement on use » (Pangare 2014, 23).
Cette définition marque une volonté d'appliquer
des moyens diplomatiques, tels que des accords et le recours à des
institutions spécialisées pour gérer les conflits
liés à l'eau. Il est ainsi possible de considérer que
l'IBWC, institution transnationale entre les États-Unis et le Mexique,
créée dès 1889 sous le nom d'IBC, International
Boundary Commission, relève d'une forme précoce
d'hydro-diplomatie. Elle devient l'IBWC avec la signature du Traité de
1944, dont il sera question plus tard. Ses prérogatives sont les
suivantes :
« [the IBWC] has responsibility for applying
the boundary and water treaties between the United States and Mexico and
settling differences that may arise in their application »
(« The IBWC - Its Mission, Organization and Procedures for Solution
of Boundary and Water Problems » s.d.).
Pour résumer, le but principal de la Commission est de
créer une coopération entre les États-Unis et le Mexique
pour la gouvernance de l'eau. Cette gouvernance se partage en deux
organisations distinctes et équitables, une étatsunienne et une
mexicaine, pour qu'aucun de ces pays n'ait, en théorie, plus de pouvoir
décisionnel que l'autre (« The IBWC - Its Mission, Organization and
Procedures for Solution of Boundary and Water Problems » s.d.).
L'année 1944 est ainsi fondamentale pour les relations
hydriques à la frontière des États-Unis et du Mexique. En
effet, la signature du Traité de 1944 sur l'utilisation des eaux des
rivières du Colorado et de Tijuana et du Rio Grande (Water Treaty
for the Utilization of Waters of the Colorado and Tijuana Rivers and of the Rio
Grande) marque une nouvelle fois une tentative de coopération
durable entre les deux pays s'agissant des eaux des fleuves et rivières
citées et surtout un approfondissement de la coopération
déjà existante avec la mise en place de Minutes.2(*) Ces documents ont permis
à l'IBWC d'accroître ses prérogatives en faveur de
l'environnement ainsi que de la régulation et de la gestion de l'eau
à la frontière. Ces nouvelles prérogatives peuvent ainsi
aussi aider à la préservation des économies et des
relations entre les deux pays.
Antécédents des relations hydro-diplomatiques
entre les États-Unis et le Mexique
Pour mieux comprendre les enjeux et problèmes actuels
de l'eau à la frontière, il faut revenir au siècle
dernier.
Même s'il n'est pas le premier accord à
gérer les eaux frontalières entre les deux pays, le Traité
de 1944 est le premier à instaurer des limites d'utilisation et une
vraie réglementation à la frontière. Toutefois, il faut
rappeler que l'asymétrie des relations politiques au niveau
régional et des statuts des États-Unis et du Mexique en 1944 ont
probablement pu avantager les États-Unis dans la signature de ce
Traité quand le Mexique a, en quelque sorte, été contraint
de le signer. En effet, en 1944, les États-Unis étaient en pleine
construction de leur superpuissance au niveau militaire, économique et
diplomatique. En d'autres termes, ils construisaient leur
hégémonie alors que le Mexique, économiquement faible et
fragilisé par une corruption institutionnalisée
post-révolution (Rubenstein 2001, 180), se développait et faisait
face, une nouvelle fois, aux conséquences d'une sécheresse dans
la vallée de Mexicali. Ceci le plaçait encore plus en position de
faiblesse par rapport aux États-Unis (Anderson 1972, 607-8).
En outre, plus de soixante-dix ans après sa mise en
place, le Traité de 1944 est critiqué puisqu'il ne fait, en aucun
cas, référence ni à la gestion durable des ressources
hydriques, ni à la gestion de la pollution, de la qualité de
l'eau ou des nappes phréatiques et des écosystèmes (Wilder
et al. 2019). Ainsi, il est possible de remarquer que la gouvernance des eaux
en 1944 et, plus généralement, dans la première
moitié du XXe siècle ne se focalisait ni sur la
conservation de l'environnement ni sur la biodiversité, mais
plutôt sur une préservation de la paix dans la région et
une répartition équitable des ressources hydriques à la
frontière. Cependant, l'augmentation et l'aggravation des
problèmes environnementaux ont poussé les deux pays et l'IBWC
à favoriser, de plus en plus, une approche écologique pour la
résolution de ces problèmes.
Pour tenter de pallier ces problèmes hydriques, les
États-Unis et le Mexique ont signé l'Accord de La Paz en 1983,
aussi connu sous le nom d'Accord États-Unis-Mexique sur la
coopération pour la protection et l'amélioration de
l'environnement dans la zone frontalière (Mumme et Duncan 1997-8, 44),
mettant ainsi en place une coopération entre les deux nations pour la
protection de la frontière et, par la même occasion, la
préservation des rivières frontalières. Cet accord fut
créé, en particulier, pour augmenter les marges de manoeuvre de
l'IBWC dans la résolution des problèmes. De plus, les enjeux de
cet accord n'étaient pas uniquement environnementaux, mais aussi
économiques puisqu'il s'agit de résoudre des problèmes de
types environnementaux et hydriques qui coûtent de plus en plus, sur le
plan politique, économique et environnemental, aux deux nations.
Plus récemment encore, en 1994, les États
d'Amérique du Nord ont signé l'ALENA, l'Accord de
coopération économique et de libre-échange entre le
Canada, les États-Unis et le Mexique (NAFTA - North-American Free
Trade Agreement), qui a été remplacé par l'Accord
Canada-États-Unis-Mexique - ACEUM en 2021. Au début des
années 1990, les critiques concernant l'IBWC et l'Accord de La Paz
étaient de plus en plus vives dans une période où les
problèmes hydriques à la frontière se succédaient
(Mumme et al. 2012, 10). On peut citer, entre autres, la multitude de
sécheresses qui a touché le Mexique à cette époque
et la période qui a vu un déficit de précipitations
prolongé et extrême (Stahle 2016, 36). Dans cette mesure, l'accord
de l'ALENA devait permettre, comme il en sera question plus tard, d'apporter
davantage de nouvelles solutions à l'IBWC pour résoudre les
problèmes hydriques entre les deux pays.
Faciliter la résolution de problèmes
environnementaux a pu se faire d'une part grâce à la Commission de
coopération environnementale, créée également en
1994 - qui a mis en oeuvre l'Accord nord-américain de coopération
dans le domaine de l'environnement (ANACDE) (Lavoie 2001, 3-4) - et d'autre
part à la Banque de développement d'Amérique du Nord
(Seelke et Klein 2021, 29). L'objectif de ces deux institutions était
d'offrir un financement pour les projets qui visaient à rétablir
un environnement sain, mais les résultats obtenus ne furent pas ceux
escomptés ; les organisations citées restaient passives
malgré les projets et les fonds disponibles n'étaient pas
utilisés de façon optimale pour répondre aux attentes
environnementales (Runde et Rice 2021).
Le nouvel accord de l'ACEUM reprend notamment les principales
dispositions de l'ALENA et modernise les dispositions de l'ANACDE et de la
Commission de coopération environnementale avec un nouvel accord de
coopération dans le domaine de l'environnement (Gouvernement du Canada
2020, 3).
Tous ces accords ont permis à l'IBWC de progresser en
lui donnant, grâce à la mise en place de nouvelles
réglementations, la possibilité de travailler sur la
préservation de l'environnement en particulier. Par exemple, la
Minute 319 de 2012, qui sera analysée plus tard, a permis des
flux d'eau vers le delta du fleuve Colorado, situé dans l'État de
Basse Californie, au Mexique. Il s'agissait de la première fois
où les États-Unis et le Mexique fournissaient de l'eau au delta
dans le but de promouvoir la restauration de l'écosystème (Wilder
et al. 2019). Il est ainsi possible de distinguer, depuis le début des
années 2000 notamment, une intensification du travail de la Commission
ainsi que des ONG environnementales en faveur de la préservation et de
la réhabilitation environnementale des rivières. Les ONG sont
ainsi supposées permettre depuis plusieurs décennies de
réunir les fonds pour respecter les engagements de préservation
et de restauration (Wilder et al. 2019).
En somme, on peut considérer que l'évolution de
l'IBWC depuis sa création lui a permis d'intégrer le concept
d'hydro-diplomatie à sa définition. Pour ce faire, l'instauration
de Minutes a été primordiale depuis 1944 et a rendu
possible un changement d'axe plus environnemental au fil des décennies
tout en préservant le rôle traditionnel de la Commission.
Cependant, les problèmes environnementaux se multiplient et posent la
question de l'adaptabilité de la Commission aux questions
environnementales. En effet, à quel degré l'IBWC est-elle
efficace face à la préservation de l'environnement et dans quelle
mesure l'évolution de la Commission lui permet-elle, aujourd'hui, de
pallier les problèmes environnementaux, de plus en plus
prépondérants ?
L'émergence de la question environnementale
Mon projet consiste donc à interpréter le
concept d'hydro-diplomatie, tel qu'il sera défini dans la
première partie du travail, et d'observer l'efficacité et la
durabilité de l'IBWC pour lutter contre les problèmes
environnementaux à la frontière. Il s'agira d'évaluer dans
quelle mesure l'institution créée au milieu du XXe
siècle a été capable de prendre en charge des questions
hydriques plus globales que celles pour lesquelles elle avait été
imaginée, en prenant en compte notamment les nouveaux enjeux
environnementaux.
Ce travail contribue à la recherche dans le domaine de
la diplomatie de l'eau à la frontière entre les États-Unis
et le Mexique. La plupart des recherches portant sur l'eau à la
frontière et l'hydro-diplomatie rapportent que les relations
asymétriques entre les deux pays jouent un rôle
prépondérant, que ce soit au XXe ou au XXIe
siècle, dans la mise en place de projets binationaux pour la
résolution de problèmes hydriques. De plus, les institutions
binationales demeurent essentielles pour la mise en oeuvre de projets communs
de préservation de l'environnement et d'une gouvernance adaptative
permettant d'adopter, petit à petit, une gouvernance de plus en plus
écologique. Toutefois, l'importance, le pouvoir et le poids de ces
institutions pourraient être accrus. Par ailleurs, même si beaucoup
de ces études portent sur l'alliance et l'entente entre les
institutions, ainsi que sur les populations et les gouvernements des deux pays,
un grand nombre d'entre elles se focalisent sur la frontière, les
problèmes hydriques et leur impact aux États-Unis, davantage
qu'au Mexique.
Dans ce contexte, ma recherche viendra apporter une
perspective environnementale à l'analyse des projets binationaux de
l'IBWC, en particulier. Ce travail s'inscrit dans une dynamique d'analyse
environnementale des relations internationales et de l'évolution de
l'environnement dans la mise en place de projets binationaux et dans la
volonté de résolution des problèmes hydriques. Les
articles scientifiques de Stephen Mumme et de Margaret O. Wilder, entre autres,
ont également permis de comprendre la place de l'asymétrie dans
les relations entre les États-Unis et le Mexique et la manière
dont l'IBWC travaille à la réduire dans la résolution des
problèmes hydriques binationaux pour répondre aux attentes
environnementales de manière optimale.
Ainsi, dans un premier temps, il s'agira de définir
l'hydro-diplomatie et d'appliquer cette définition au contexte de la
frontière mexicano-étatsunienne.
Pour ce faire, ce travail s'appuiera notamment sur l'ouvrage
Hydro-diplomacy: Sharing Water Across Border, dirigé par Ganesh
Pangare, qui pose la question de l'hydro-diplomatie comme acteur et vecteur de
coopération dans des régions plus ou moins stables. Il pose les
bases et concepts liés à l'hydro-diplomatie et
particulièrement les organisations internationales, telles que l'ONU, et
les accords internationaux comme la Convention sur la protection et
l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux
(Vega Cárdenas 2020, 31) qui vise à protéger les
ressources et à garantir une quantité et une qualité d'eau
suffisante. J'utilise également des articles scientifiques et des
interviews de Fadi Comair, dans la mesure où il explique sa propre
vision du concept d'un point de vue global et dans le contexte régional
particulier du Moyen-Orient qu'il est possible de comparer avec la
frontière entre les États-Unis et le Mexique. Il est
nécessaire, dès lors, de mettre en lumière la
particularité des relations hydriques entre les États-Unis et le
Mexique qui n'ont jamais ratifié un quelconque instrument international,
en dehors de l'IBWC, lié à la conservation de l'eau. Ils n'ont
pas, non plus, ratifié la Convention citée au-dessus, mais
préfèrent leurs instruments régionaux, tels que l'IBWC,
pour gérer et préserver l'eau à leur frontière.
Dans cette dynamique, et puisque les deux nations semblent se détacher
de la question du dérèglement climatique à
l'échelle internationale, comment leur coopération peut-elle
persister dans le temps pour résoudre les problèmes
environnementaux et ceux liés à l'eau ?
L'utilisation d'articles de revues scientifiques sur
l'hydro-diplomatie et la diplomatie environnementale permet également de
rendre compte de l'importance grandissante de ce concept dans les
régions du monde, et notamment à la frontière
États-Unis-Mexique, où une stabilité des relations est
nécessaire à tous les niveaux dans un ordre mondial en
évolution.
Une seconde partie reviendra plus en détail sur
l'évolution de l'IBWC et de traités depuis celui de 1944 pour la
préservation des rivières et de l'environnement. Il s'agit
d'analyser l'évolution de l'IBWC au fil du temps pour, aujourd'hui,
être capable d'intégrer le concept d'hydro-diplomatie à sa
définition. Quels biais permettent, à l'heure actuelle, à
la Commission de pouvoir résoudre, plus ou moins efficacement, les
problèmes liés à l'eau et de préserver, autant que
possible et jusqu'à quel point, les ressources hydriques à la
frontière ? L'IBWC parvient-elle à régler l'ensemble
des problèmes environnementaux ? Il faut comprendre la
manière dont la relation hydrique a évolué entre les deux
instances de l'IBWC et comment les ambitions écologiques globales ont
changé pour permettre à l'IBWC de se développer en faveur
de l'environnement.
Pour répondre à cette question, je prends appui,
notamment, sur l'ouvrage The U.S.-Mexican Border Environment: Progress and
Challenges for Sustainability, coordonné par Erik Lee et Paul
Ganster, qui propose un éventail de points de vue sur la
frontière entre les États-Unis et le Mexique et la relation de
chaque État avec cette frontière. Le livre consiste, pour une
grande part, à détailler les initiatives des gouvernements
fédéraux, voire l'action de la population pour la conservation de
la qualité de l'eau à la frontière, des énergies
durables dans la région et pour la mise en place d'infrastructures
environnementales durables. L'idée principale du livre, comme son nom
l'indique, est d'exposer les progrès qui ont été
réalisés ces dernières décennies, ainsi que les
défis et enjeux qu'il reste à relever concernant la
préservation de l'environnement pour le futur.
Enfin, la troisième partie tentera de mettre en
évidence le changement de perspective récent de l'IBWC et le
changement de son axe de travail, devenu bien plus environnemental. Il sera
question, notamment à l'aide des sources secondaires, de constater le
nouvel impact et la nouvelle efficacité, plus ou moins constante, de la
Commission Internationale des Frontières et des Eaux sur la
préservation de l'environnement et la réactivité
croissante des ONG au fil du temps dans la mise en oeuvre de nouvelles
Minutes et plus globalement dans la résolution de
problèmes environnementaux. Les années 1990 et 2000 marquent un
tournant notable dans la prise de conscience de l'importance de la protection
des écosystèmes et de la biodiversité à la
frontière. Les coûts devenant de plus en plus élevés
pour résoudre les problèmes hydriques, comme les
sécheresses ou la pollution, les États-Unis et le Mexique ont
dû améliorer, au moyen de différents traités et
accords tout au long de ces dernières décennies, leur
coopération en faveur de l'environnement. L'utilisation et l'analyse
finale de certaines Minutes permettront de mettre en lumière la
capacité et la volonté, de plus en plus marquées, de
l'IBWC de préserver l'environnement à la frontière des
États-Unis et du Mexique, même si la Commission ne parvient pas
à solutionner tous les problèmes environnementaux à la
frontière. En effet, les dernières Minutes de l'IBWC
sont un exemple concret de ces avancées, avec notamment une mise en
oeuvre de pratiques et d'un plan binational pour la préservation et la
restauration du fleuve du Colorado.
PARTIE I -
L'hydro-diplomatie : une approche efficace pour une gestion de l'eau
pacifique et durable
Qu'est-ce que l'hydro-diplomatie ?
Dans cette première partie, il est question de
définir, de manière générale, l'hydro-diplomatie et
sa fonction dans les relations hydriques entre les États. Ainsi,
l'hydro-diplomatie, ou diplomatie de l'eau, permet, comme l'écrivent
Shadiqul Islam et Amanda C. Repella dans l'article « Water
Diplomacy: A Negotiated Approach to Manage Complex Water
Problems », de mettre en relation les différents
États, les intérêts des entités concernées et
les outils à la disposition des différentes parties afin de
distinguer l'angle d'approche pour analyser un problème, le traiter et
peut-être le résoudre sans que cela ne désavantage l'une
des parties concernées. En ce sens, ces dernières entités
peuvent aussi bien être les États limitrophes que tous les autres
acteurs impliqués dans le problème hydrique en question. Il peut
donc s'agir des populations touchées par le problème, des
organisations gouvernementales, telles que des commissions gouvernementales
spécialisées dans le domaine des affaires hydriques, ou non
gouvernementales. De plus, les intérêts mentionnés plus
haut sont définis par les auteurs de la manière suivante :
« the reasons and objectives that underlie positions that develop to
secure or advance the values held by stakeholders » (Islam et Repella
2015, 3). Puisque les problèmes hydriques sont certes
écologiques, mais entraînent également des
conséquences sociales et politiques, au niveau étatique et
non-étatique, il est nécessaire de trouver des solutions qui
conviennent au mieux au plus grand nombre.
Selon les deux auteurs encore, le concept de diplomatie de
l'eau a émergé pour permettre une alternative plus flexible aux
approches diplomatiques conventionnelles, souvent peu adaptées aux
risques et aux intérêts des parties engagées dans un
problème hydrique (Islam et Repella 2015, 6). En effet, ces approches
diplomatiques traditionnelles n'envisageaient pas l'intervention
d'organisations non gouvernementales, ni des populations, dont les points de
vue sont aujourd'hui pris en compte. Il semble donc que le dessein de
l'hydro-diplomatie pour Islam et Repella soit de constater les
différences entre les États et les parties concernées dans
le but de garantir les intérêts de chacun d'entre eux dans une
coopération, afin que celle-ci reste pacifique et qu'elle
débouche sur une résolution du problème donné.
De plus, dans la mesure où la diplomatie hydrique est
définie comme la pratique de l'utilisation de l'eau comme vecteur de
relations internationales et de coopération entre les parties
impliquées dans cette gouvernance (« Water Diplomacy and
Mediation » s.d.) et la diplomatie scientifique comme le recours
à la collaboration scientifique entre les nations pour résoudre
des problèmes communs et mettre en place des partenariats et une
coopération (« What Do You Mean by Science
Diplomacy? » s.d.), il est opportun de considérer
l'hydro-diplomatie comme un mélange de ces deux concepts. En effet,
même si la diplomatie de l'eau doit être conçue et
perçue comme utilisant des moyens diplomatiques pour faire
coopérer des nations, entre autres, en lien avec l'utilisation, la
préservation et la conservation de l'eau et de la biodiversité
aquatique à la frontière, l'intervention de scientifiques dans
cette gestion pacifique des problèmes peut se révéler
primordiale. Ils peuvent, par exemple, aider à mettre en oeuvre des
projets à l'échelle régionale. L'IBWC en est un exemple
puisque des experts, des scientifiques et des agents locaux travaillent
conjointement pour tenter de répondre aux problèmes hydriques
à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, comme
il en sera question dans la prochaine partie.
Il existe également un enjeu économique et
social à cette préservation. Souvent, l'eau à la
frontière permet aux populations limitrophes de préserver leur
économie qui repose, entre autres, sur une agriculture
nécessitant l'utilisation d'une très grande quantité
d'eau. En effet, dans un contexte de pollution grandissante des eaux qui
entraîne une impossibilité de l'utiliser et de
réchauffement climatique global qui peut déboucher sur une
réduction de la quantité d'eau à la frontière, les
enjeux de conservation et d'approvisionnement sont encore plus importants.
L'un des objectifs affichés de l'hydro-diplomatie est
de prévenir la militarisation des conflits liés à l'eau en
utilisant la diplomatie et la coopération (Comair 2021). Par exemple,
l'Afghanistan et ses voisins, dont l'Iran, sont actuellement impliqués
dans un conflit que des organisations internationales tentent de
maîtriser. En effet, ce pays souhaite développer des
infrastructures hydriques grâce aux rivières frontalières
et les exploiter au maximum pour l'irrigation et la fabrication
d'électricité. Toutefois, même si les pays voisins ne
voient pas cette utilisation de l'eau d'un très bon oeil, aucun dialogue
n'est initié et donc aucun moyen de résoudre les tensions de
manière coopérative n'a été trouvé
(« Transboundary Water Disputes between Afghanistan and
Iran » s.d.). Il est ainsi possible de redouter une militarisation de
ce conflit.
Dans un contexte de tentative d'apaisement pour éviter
de la militarisation d'un conflit hydrique, il est important de rappeler que le
terme « hydro-diplomatie » lui-même n'est apparu que
tardivement, dans les années 1990, période pendant laquelle il
était nécessaire de trouver un terme précis pour qualifier
la régulation et la gestion pacifique de l'eau entre différentes
parties. En cette fin du XXe siècle, les problèmes
hydriques au niveau mondial se multipliaient, notamment causés par le
dérèglement climatique et la pollution des eaux par les
industries. Néanmoins, la gouvernance qui existait jusqu'alors
n'incluait pas l'aspect environnemental et les problèmes
environnementaux que cela impliquait, mais seulement la gestion et la
répartition des eaux entre différents États. C'est ainsi
que de plus en plus d'ONG se sont engagées pour la préservation
de l'environnement et pour aider les communautés limitrophes à la
conservation des eaux (Fauchon 2012, 12). C'est grâce à
l'hydro-diplomatie que les États faisant face à des
problèmes hydriques et aux retombées environnementales
choisissaient, dès lors, d'utiliser la voie diplomatique plutôt
que d'avoir recours à la force militaire dans un premier temps ou de
faire le choix de ne pas s'en préoccuper et de laisser s'installer les
conséquences sociales, économiques et environnementales de ces
problèmes. L'idée était de permettre de résoudre
ces problèmes dans une certaine mesure ou, au moins, de contribuer
à maintenir la meilleure situation possible sans l'aide militaire.
L'instauration du terme hydro-diplomatie a donc permis, au niveau
international, d'inclure l'environnement et sa préservation dans les
relations hydriques. En effet, jusqu'alors, la gouvernance hydrique entre les
États se contentait de répartir une certaine quantité
d'eau entre différentes parties et de s'assurer que cette
quantité était respectée sans se soucier de la
qualité de cette eau ni des problèmes environnementaux à
la frontière. C'est pour cette raison que Fadi Comair, Diplomate de
l'eau de l'American Academy of Water, a pensé ce concept
comme :
« le travail diplomatique avec l'expertise en
matière de planification de projets hydrauliques, via la création
d'une coopération régionale. [...] Une grande place est
également allouée à l'utilisation des eaux non
conventionnelles - dessalement, recyclage des eaux usées... - qui permet
un apport d'eau supplémentaire pour satisfaire la demande de tous les
secteurs d'utilisation » (Comair 2017b).
Cette citation résume l'efficacité
souhaitée de l'hydro-diplomatie et des apports d'une telle gouvernance
pour la préservation de l'eau puisqu'il est question de la gestion des
eaux conventionnelles et non-conventionnelles et de leur réutilisation
pour répondre aux attentes des populations et des États
limitrophes. Aussi, Fadi George Comair prend l'exemple du Moyen-Orient, dont il
est expert, en expliquant qu'il faut rassembler dans une nouvelle gouvernance
tous les acteurs liés à la gestion de l'eau, que ce soit des
institutions transnationales, des organisations gouvernementales ou non
gouvernementales ou tout autre acteur (Comair 2021). S'agissant des
États-Unis et du Mexique, comme il en sera question dans la prochaine
partie, l'IBWC (International Boundary and Water Commission) est une
Commission binationale qui tente de jouer ce rôle. L'Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA) de 1994 fut également
un point clé, en théorie, pour l'introduction d'un aspect plus
environnemental à la gouvernance de l'eau à la frontière
de l'IBWC. En effet, il devait mettre en place une coopération
environnementale, notamment à travers la création de
différentes instances, telles que l'ANACDE qui devait améliorer
la protection de l'environnement en Amérique du Nord tout en
empêchant que le libre-échange ne nuise à celui-ci (Lemieux
et Groulx-Julien 2012, 73). Dorénavant, la Commission tente de
préserver les relations diplomatiques, politiques et économiques
mexicano-étatsuniennes tout en essayant d'apporter des solutions aux
problèmes hydriques et environnementaux à la frontière.
Docteur Susanne Schmeier, quant à elle, définit
l'hydro-diplomatie comme un ensemble de points permettant une
coopération. Il s'agit de l'application d'instruments diplomatiques qui
se concentrent sur les désaccords et les conflits pour assurer la
coopération régionale, la stabilité et la paix (Schmeier
2018, 2). Cette définition est similaire à celle de Fadi George
Comair qui considère les pays frontaliers comme des
« catalyseurs pour la paix » qui collaboreraient
positivement pour assurer une véritable politique de gestion de l'eau
pacifique (Comair 2017a, 53). Dans cette perspective, l'hydro-diplomatie permet
une coopération lors de problèmes hydriques entre des pays plus
ou moins développés ou, lorsque les pays en question sont peu
développés, d'être soutenus par des organismes
internationaux.
De plus, Ganesh Pangare et Bushra Nishat considèrent,
dans un chapitre du livre Hydro-Diplomacy: Sharing Water Across
Border, que l'hydro-diplomatie ne se résume pas à
l'expertise scientifique :
« with growing environmental concerns and strong
disagreement about water infrastructures, the international community is
looking at facilitating trust building processes, focusing not only on
knowledge management, thematic studies, environmental monitoring but also
on ensuring soft skills towards improving political sensitivity and negotiation
» (Pangare 2014, 4).
Ainsi, selon eux, la communauté internationale est
d'autant plus essentielle qu'elle doit permettre de cultiver des
compétences en négociation et en gestion coopérative des
connaissances et de la surveillance de l'environnement. Ainsi, encore une fois,
un point fondamental de l'hydro-diplomatie demeure la coopération
pacifique qui allie des études scientifiques à de la
négociation. Néanmoins, comme il peut être observé
avec les relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique et, par
exemple, le Traité de 1944 qui semble incarner une forme précoce
d'hydro-diplomatie, il arrive que l'État mettant en place un cadre de
travail le fasse de manière à ce qu'il lui soit plus favorable
qu'aux autres États. Ainsi, comme cela a été
évoqué dans l'introduction, l'IBWC permet aux deux États
partenaires de détenir le même nombre de scientifiques, d'experts
et d'ingénieurs, pour des questions d'égalité.
Malgré cette égalité affichée, il sera
étudié dans la prochaine partie que, dans la période
précédant la signature du Traité de 1944, le poids de
certains États, tels que le Texas, a déséquilibré
cet équilibre pour favoriser leurs intérêts dans sa mise en
oeuvre, dans le cas du Rio Grande. Ceci a pu se faire grâce au poids du
Texas à l'échelle nationale (Mumme et Little 2010, 256), comme il
en sera question plus précisément dans une prochaine partie. De
plus, la sécheresse de Mexicali de 1943 a encore plus affaibli le
Mexique qui a fait appel à un organisme californien pour obtenir
davantage d'eau (Anderson 1972, 608). Cette initiative du Mexique a ainsi
augmenté le pouvoir de l'État de Californie dans la mise en place
des principes du Traité concernant le Colorado. Dans cette optique,
l'impact du Mexique dans la mise en place de ce Traité était bien
plus faible. Les États-Unis ont ainsi fait en sorte qu'il leur
bénéficie plus qu'au Mexique.
La
diplomatie environnementale
Dans un premier temps, l'hydro-diplomatie s'intègre
dans la diplomatie environnementale qui, comme son nom le laisse
présager, consiste à mettre en place des accords
bilatéraux ou multilatéraux pour la gestion et la
préservation des ressources environnementales, quelles qu'elles soient.
C'est lors du Sommet de Stockholm (Conférence des Nations Unies sur
l'environnement et le développement de 1972) que la diplomatie
environnementale fut mentionnée pour la première fois. Il s'agit
de l'art de la négociation sur les questions de politique
environnementale dans un contexte de relations internationales (Pisupati 2015,
4). Dans la mesure où l'environnement est un bien partagé par
tous, il doit être préservé de la même manière
par tous les acteurs, étatiques et non-étatiques. Aussi,
l'idée de la diplomatie environnementale est d'associer un principe de
précaution avant de mettre en place des actions et des réponses
proportionnelles par rapport au niveau de développement et à
l'impact environnemental des pays en question (Pisupati 2015, 4) :
« Le sommet souligne [...] la priorité des
préoccupations environnementales, mais reconnaît du même
souffle l'importance du développement économique »
(Orsini 2018, 2). Ainsi, l'environnement ne doit pas porter préjudice
à l'économie et inversement. C'est pourquoi les actions se font
en fonction du niveau de développement des pays. Une action menée
dans un pays très développé sera d'envergure nettement
plus importante que dans un pays en développement, par exemple. De plus,
le principe de précaution constitue une sécurité qui doit
mettre en oeuvre des mesures de prévention des risques lorsque la
science et les connaissances techniques ne peuvent pas apporter de certitudes.
Il s'agit donc de prendre en compte les risques pour répondre à
un problème assez tôt. Il fut officiellement
entériné lors de la Déclaration de Rio en 1992 durant la
deuxième Conférence des Nations Unies - suite à celle de
Stockholm - sur l'environnement et de développement (« Le
principe de précaution : prévenir plutôt que
guérir » s.d.). Ainsi, il est possible de constater que ce
principe permet de mettre en oeuvre des actions avant que des problèmes
environnementaux ne s'intensifient.
Dans un autre temps, l'hydro-diplomatie est ainsi d'autant
plus importante qu'elle est supposée apporter des solutions
pérennes dans la zone frontalière États-Unis-Mexique,
comme il en sera question dans les prochaines parties. Natalie Triedman
explique notamment que les projets de développement et donc
d'activité humaine ont, au fil de l'utilisation de son eau et de sa
pollution, causé la perte d'une écologie aquatique, entre autres,
dans le Colorado (Triedman 2012, 90). L'hydro-diplomatie doit permettre de
retrouver, ou du moins d'essayer de retrouver, une certaine stabilité
dans l'écosystème de la rivière en mettant en place des
infrastructures en faveur de l'environnement. Il sera étudié plus
tard les problèmes de salinité du fleuve liés à
l'agriculture et qui détruisirent la biodiversité au fil du
temps.
Gestion Intégrée des Ressources en Eau
L'hydro-diplomatie, selon Fadi George Comair inclut le concept
de Gestion Intégrée des Ressources en Eau qui consiste en
« l'application des principes du développement durable au
secteur de l'eau. [...] Elle vise à intégrer les multiples
parties prenantes, usages et enjeux concurrents, dont la préservation
environnementale, afin d'assurer la pérennité des ressources en
eau » (de La Plaza et al. s.d.). Il est donc question de demander
à différentes parties de coopérer alors que ces
États ne sont pas nécessairement alliés, ou n'ont pas de
volonté convergente, en faveur de la préservation des ressources
hydriques, par exemple. Pour ce faire, les gouvernements peuvent avoir recours
à l'ONU comme acteur international pour la coopération, la
sécurité et la paix autour de l'eau. Il est possible de citer,
entre autres, l'ONU Environment, créé lors du Sommet de
Stockholm, qui n'est autre qu'un Programme des Nations Unies pour
l'Environnement (PNUE) (Orsini 2018, 2). Il est question de la plus haute
autorité des Nations Unies en matière environnementale qui
doit :
« montrer la voie et encourager la
coopération pour protéger l'environnement. Elle se doit aussi
d'être une source d'inspiration et d'information pour les États et
les populations et un instrument de facilitation » (Sundholm
s.d.).
Cette description donne un pouvoir théoriquement fort
au PNUE puisqu'il doit montrer la voie aux pays. Ainsi, force est de constater
que l'ONU, avec l'appui de tous les accords mis en place, entend favoriser la
coopération et faciliter la résolution de problèmes
environnementaux, notamment en montrant l'exemple. Cependant, encore
faudrait-il que tous les pays concernés se joignent aux programmes. Ce
n'est pas le cas dans les relations Mexique- États-Unis si l'on
considère que ces deux pays, comme indiqué dans l'introduction,
n'ont ratifié aucun accord international ni aucune convention sur la
protection ou l'utilisation des eaux frontalières,
préférant limiter ces questions à un niveau
régional et binational. Ils utilisent donc particulièrement,
comme il en sera question dans la partie suivante, l'IBWC et le Traité
de La Paz de 1983 ou encore l'Accord nord-américain de
coopération dans le domaine de l'environnement (ANACDE). Ces trois
entités peuvent, dans certains cas, permettre de gérer et de
préserver l'eau et la biodiversité à la
frontière.
Ce phénomène illustre un problème
général que rencontre l'hydro-diplomatie : de nombreuses
institutions internationales traitent des eaux partagées, mais ne
peuvent pas avoir de rôle déterminant dans la résolution de
problèmes hydriques, notamment dans le sens où les
États-Unis, depuis plusieurs années, tournent le dos au
multilatéralisme et à ses contraintes. Donald Trump a, par
exemple, sorti les États-Unis de l'Accord de Paris en 2020 (la COP
21 devait limiter à 2°C le réchauffement global de la
planète) (Hersher 2020) pour garder le contrôle sur l'utilisation
de ses ressources et pour préserver l'économie liée
à des secteurs polluants. Il a notamment supprimé les limites de
pollution au carbone pour les centrales électriques, les voitures et les
industries liées aux combustibles fossiles (Hersher 2020). L'initiative
de Donald Trump peut être une des raisons pour lesquelles les
États-Unis et le Mexique ne préfèrent pas intégrer
ces organisations trop contraignantes pour leurs industries et leurs
économies au profit de leurs organisations binationales ou
régionales que les deux pays peuvent modeler de la manière dont
ils le désirent.
Hydro-hégémonie
Un autre élément qui semble crucial pour mieux
cerner les enjeux de l'hydro-diplomatie et la situation à la
frontière entre les États-Unis et le Mexique est le concept
d'hydro-hégémonie. Robert G. Varady, Andrea K. Gerlak et Emily D.
McGovern en proposent une définition dans le chapitre
« Hydrosolidarity and its place in International Water
Diplomacy » de l'ouvrage Hydro-Diplomacy: Sharing Water
Across Border : « the term implies features unequal power
relationships such as upstream-downstream interactions between states »
(Pangare 2014, 23). Ce concept implique nécessairement qu'une relation
de pouvoir existe entre les différentes entités impliquées
dans la gouvernance hydrique et que l'une d'entre elles est toujours plus
puissante que l'autre. Cette supériorité peut être due
à des particularités géographiques (amont et aval).
L'exemple des relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique
à l'époque de la mise en place du Traité de 1944, et
encore après, peut s'apparenter à de
l'hydro-hégémonie. En effet, comme expliqué dans
l'introduction, les États-Unis, possédant l'amont du fleuve
Colorado, pouvaient décider de la plupart des principes des
traités concernant cette rivière. C'était également
le cas à cause d'une sécheresse en 1943 dans la vallée de
Mexicali qui avait affaibli le Mexique, comme il en sera question dans la
prochaine partie. Quant au Mexique, détenant la plupart des affluents du
Rio Grande, il devait avoir une influence essentielle dans la mise en place des
principes pour le fleuve. Il sera néanmoins observable, dans une section
dédiée à la situation inégale entre les deux pays
lors de la signature du Traité de 1944, que le Texas, entre autres, a eu
un très fort impact dans les principes d'approvisionnement en eau du Rio
Grande (Mumme et Little 2010, 256). De plus, lorsque le Traité de 1944
fut signé et lors de la détermination des principes de ce
dernier, les États-Unis se pensaient supérieurs diplomatiquement,
économiquement et même au niveau de l'ethnie. En effet, la
frontière représentait une limite entre le Nord et le Sud, entre
un peuple civilisé et un autre qui ne l'était pas, selon la
pensée étatsunienne (Massey 2016, 160). Dans cette perspective,
il n'est pas faux de penser que les États-Unis désiraient mettre
en place des principes qui les avantageaient le plus sans se soucier des
retombées environnementales probables de ces principes sur le Mexique
puisque cette question n'était pas importante lors de la signature du
Traité. Ainsi, les politiques binationales évoluent, même
si durant de longues décennies, les problèmes en aval des
fleuves, causés par de mauvaises pratiques en amont et par une mauvaise
gestion globale des ressources, ne se voyaient pas résolus par les
États-Unis puisque cela ne les impactait pas directement.
Commission de coopération
D'après Marko Keskinen et ses co-auteurs dans un
chapitre sur les Commissions de coopération de l'ouvrage
Hydro-Diplomacy: Sharing Water Across Border, les Commissions
sont sources d'hydro-diplomatie :
« Many water cooperation agreements also have a
joint body, such as a river commission, that facilitates the cooperation by
providing technical support and by gathering information. Such a body can
provide major support also for water diplomacy, as it creates a natural forum
for discussion and can generate relevant and jointly produced data and
information to facilitate the discussions » (Pangare 2014, 38).
Ici, les auteurs font référence à des
commissions autour de rivières qui pourraient aider à la mise en
place d'une coopération au niveau hydrique entre les pays limitrophes en
apportant des supports techniques, en rassemblant des informations et en
créant des forums de discussions. L'IBWC représente l'une de ces
Commissions. Même si, dans les faits, il peut être compliqué
pour les États-Unis et le Mexique de coopérer sur le plan
hydrique, l'aggravation des problèmes environnementaux à la
frontière et leur impact sur les populations rend l'IBWC de plus en plus
essentielle pour éviter les conflits. Il sera étudié dans
la suite de ce travail des forums de discussions mis en place par l'IBWC pour
échanger les informations entre les populations, les scientifiques et la
Commission, entre autres (« Citizens' Forum Meetings »
s.d.) afin de trouver les meilleures solutions possibles. De plus, la mise en
place de Minutes en faveur de l'environnement depuis les années
2000 est un exemple de coopération accrue. En outre, la
collaboration et la mise en commun des informations récoltées par
les scientifiques de part et d'autre de la frontière rend possible la
mise en place de discussions qui aboutissent à des Minutes, en
faveur de l'environnement notamment, comme il sera expliqué plus
amplement dans les prochaines parties.
Hydro-diplomatie et gouvernance adaptative entre les
États-Unis et le Mexique
Malgré l'apparition du terme d'hydro-diplomatie dans
les années 1990 et la non-intégration de l'aspect environnemental
dans les relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique avant
les années 1980 et le Traité de La Paz, la plupart des articles
scientifiques portant sur le Traité de 1944 ou sur les relations
hydriques entre les deux pays de manière générale
rapportent que dès 1944 il s'agissait déjà
d'hydro-diplomatie : « the treaty is the countries' most notable
and enduring act of hydrodiplomacy » (Wilder et al. 2019). Dans cet
article, Margaret O. Wilder et ses co-auteurs définissent
l'hydro-diplomatie telle que Fadi George Comair l'a fait puisqu'ils la
désignent comme une coopération internationale concernant des
ressources hydriques partagées par différents États et qui
peut varier en fonction des outils et des pouvoirs de ces différents
pays. Il s'agit également d'utiliser des expertises scientifiques pour
mettre en place des actions visant à contrer des scénarios
pessimistes d'un point de vue environnemental (Wilder et al. 2019). Par
exemple, les auteurs constatent un paradoxe entre les États-Unis et le
Mexique. En effet, même si le manque d'eau n'est pas effectivement
encouragé par l'un des deux pays, lorsque des pénuries d'eau
apparaissent à la frontière, elles sont souvent le
résultat d'une mésentente. En ce sens, il est possible de
reprendre l'exemple des barrages étatsuniens qui ne libèrent de
l'eau que lorsque les États-Unis décident de le faire. Ceci
prouve la nécessité de la coopération entre les deux pays
pour tenter d'éviter les pénuries au sud des États-Unis et
au Mexique. De plus, la méfiance des populations de part et d'autre de
la frontière les conduit à faire appel à leur gouvernement
pour résoudre les crises. Ces résolutions se font dans cent pour
cent des cas en passant par l'IBWC. C'est ainsi qu'à la fin des
années 2010, la Commission a mis en place des groupes de travail
mexicano-étatsuniens concernant certains problèmes sur le Rio
Grande (Wilder et al. 2019). Toutefois, ces groupes ne répondent pas aux
questions d'approvisionnement en eau du Mexique vers les États-Unis en
temps de sécheresse (Wilder et al. 2019) et ne répondent donc pas
non plus au problème initial. En effet, le volume d'eau supposé
être fourni lors d'un cycle de cinq ans n'est pas atteinte en temps de
sécheresse par le Mexique et cela influe sur le secteur agricole
étatsunien, notamment au Texas, qui a de forts besoins en eau et
particulièrement celle du Rio Grande.
Un autre article scientifique rend compte de
l'hydro-diplomatie entre les États-Unis et le Mexique comme étant
effectivement introduite dans les discours au XXIe siècle et
posant la question des éléments d'une collaboration scientifique
et politique efficace pour la gouvernance de l'eau à la
frontière. Dans l'article « Hydrodiplomacy and adaptative
governance at the U.S.-Mexico border: 75 years of tradition and innovation in
transboundary water management », Margaret O. Wilder et ses
co-auteurs expliquent que même si des recherches scientifiques et des
constats ont été faits sur les problèmes hydriques et
environnementaux pour aider à les résoudre, la plupart des
problèmes, au niveau global, ne sont toujours pas réglés,
voire se révèlent impossible à l'être. En outre,
selon eux, les résultats des problèmes hydriques sont souvent
perçus comme binaires, positifs ou négatifs, faisant des gagnants
et des perdants. Ce phénomène est très clair avec
l'exemple des relations entre les États-Unis et le Mexique :
concernant le Colorado, les États-Unis avaient l'ascendant sur le
Mexique puisqu'ils possédaient la majeure partie du fleuve et pour ce
qui est du Rio Grande, le Texas avait un impact très important lors de
la signature du Traité de 1944. Ceci diminuait le poids du Mexique dans
la relation, comme il sera possible de le voir dans la prochaine partie. C'est
pour cette raison qu'une hydro-diplomatie effective et efficace doit faire en
sorte que les États limitrophes prennent confiance l'un en l'autre pour
finalement s'accorder sur des actions en faveur de l'environnement (Wilder et
al. 2020, 190). C'est exactement l'ambition de l'IBWC qui doit faire
coopérer l'instance mexicaine et étatsunienne pour tenter de
résoudre les problèmes hydriques à la frontière.
Un terme important que soulève ce même article
est celui de « gouvernance adaptative » des ressources en
eau :
« adaptative governance eschews static water-resources
management prescriptions, opting instead for engagement and knowledge exchange
with diverse stakeholders, usually loosely, or formally organized within a
multiscalar network » (Wilder et al. 2020, 191).
Cette gouvernance inclut les relations et la
coopération entre les entités étatiques et non
étatiques. Elle est d'ailleurs également nommée
« cogestion adaptative », ce qui montre bien une
intégration de différentes parties dans cette gouvernance
hydrique. L'idée est de pouvoir mettre en commun les connaissances
scientifiques et les connaissances locales dans le but d'adapter,
potentiellement, les politiques à la région où elles
seront mises en place. La gouvernance adaptative conçoit les questions
de ressources hydriques à l'échelle locale, régionale et
internationale ; il faut ainsi s'adapter encore et encore aux
entités en cause. Il s'agit ainsi de faire oeuvre les différents
États entre eux ou les États avec des communautés locales
(telles que des agriculteurs) ou encore des communautés entre elles
ainsi que des communautés d'experts pour résoudre les
problèmes hydriques (Wilder et al. 2020, 191). Pour ce qui est des
États-Unis et du Mexique, il est souvent question des agriculteurs
texans qui mettent en cause les États Étatsunien et Mexicain pour
ce qui est de la résolution des problèmes hydriques sur le Rio
Grande.
Plusieurs auteurs désignent une gouvernance adaptative
comme la meilleure garantie possible pour tenter de résoudre les
problèmes hydriques environnementaux. En effet, la capacité
à générer des connaissances et à les appliquer
permet de répondre efficacement aux problèmes ou, du moins,
d'apporter des réponses et solutions claires et adaptées
même si elles ne sont pas toutes efficaces (VanNijnatten 2020, 1052).
Encore une fois, la gouvernance adaptative suppose de prendre en compte les
antécédents des problèmes hydriques et des
résultats des solutions apportées. Il s'agit également de
concilier les solutions avec les paramètres économiques,
politiques et sociaux des États-Unis et du Mexique ainsi qu'avec les
résultats des solutions précédentes pour optimiser les
chances de réussite des nouvelles réponses. Pour ce qui est de la
frontière États-Unis-Mexique, l'agriculture et les
retombées économiques sont primordiales des deux
côtés de la frontière et doivent être
considérées lors de la prise de décision pour
résoudre les problèmes hydriques. En effet, les enjeux
économiques ne doivent pas surpasser les enjeux environnementaux
même si les intérêts économiques des agriculteurs
doivent être respectés. Ces enjeux économiques peuvent
notamment concerner l'irrigation et les sécheresses et donc être
liés à l'environnement.
La gestion intégrée des ressources en eau est
également indissociable et pertinente dans la gouvernance adaptative de
l'eau. En effet, la possibilité de faire participer une multitude de
différents décideurs, riverains et autres entités en lien
avec la gouvernance est également cruciale pour résoudre les
problèmes, comme l'explique par exemple Debora L. VanNijnatten :
« There is clear evidence that governance and policy
systems which promote interactions within and across state, private sector and
civil society are more successful in terms of increasing both the legitimacy of
decision-making within these governance systems as well as the quality of
decisions made, particularly at local and watershed scales » (VanNijnatten
2020, 1053).
Ainsi, avoir un panel de points de vue différents
permet de pouvoir répondre aux attentes de la plupart des entités
prises en compte dans la mise en place de solutions des problèmes
hydriques. En ce sens, tenir compte de la société civile permet
d'accroître la légitimité et la qualité des
décisions prises puisqu'elles seraient plus pertinentes pour ces
populations. Il s'agit encore une fois de gérer à plusieurs et de
partager le pouvoir à différentes échelles pour
résoudre les problèmes hydriques. La gouvernance adaptative
requiert donc une coopération entre entités étatiques et
non-étatiques pour répondre aux problèmes liés
à l'eau.
Pour ce qui est des agriculteurs à la frontière
États-Unis-Mexique, leur opinion est entendue dans la mise en place de
solutions environnementales puisque leur voix est très importante dans
la région. Il n'est cependant pas certain que cette voix soit
convergente avec la protection de l'environnement. On notera notamment que
l'utilisation de l'agriculture intensive est problématique pour
l'environnement. Néanmoins, les sécheresses ou les
pénuries, par exemple, ont des retombées négatives pour
les agriculteurs qui veulent alors les éviter. En considérant
l'exemple de la crise dans la vallée du Rio Grande de l'automne 2020
mentionnée dans l'introduction, il convient de rappeler qu'il est
question de la frustration des agriculteurs mexicains lorsque l'État
utilise l'eau de la retenue d'Amistad pour répondre aux attentes du
Traité de 1944 plutôt que pour répondre aux besoins des
Mexicains. En effet, les agriculteurs ont besoin d'une quantité
importante d'eau, mais le manque constant d'eau dans la région
frontalière rend ce besoin difficile à satisfaire. Ainsi, lorsque
le Mexique utilise ses réserves pour répondre aux attentes du
Traité de 1944, les agriculteurs peuvent craindre un manque d'eau encore
plus important qui ne permettrait pas de garantir une irrigation suffisante des
cultures. Cette crainte débouche sur des manifestations et des
affrontements pour préserver leurs intérêts (Varady, Gerlak
et al. 2021).
Ceci démontre donc un paradoxe entre la gouvernance
adaptative souhaitée et la réalité de la situation qui
dénote une inaptitude à prendre en compte les besoins des
usagers. Il est ainsi possible de constater le lien entre les
intérêts des parties concernées par le problème et
la solution mise en place pour y répondre.
PARTIE II - L'hydro-diplomatie
entre les États-Unis et le Mexique : l'évolution de l'IBWC
Chapitre I - Le rôle de l'IBWC et des Minutes,
vecteurs d'hydro-diplomatie entre les États-Unis et le Mexique
Je me focaliserai, pour ce chapitre, sur la Commission
Internationale des Frontières et des Eaux pour définir ses
objectifs et ses enjeux au fil du temps.
Dans un premier temps, bien avant que le terme
d'hydro-diplomatie ne soit développé dans les années 1990,
une gouvernance de l'eau à la frontière entre le Mexique et les
États-Unis était cruciale. En effet, elle devait gérer les
conflits liés à l'approvisionnement en eau à la
frontière, qu'il s'agisse de problèmes de sécheresse ne
permettant pas un apport optimal dans la zone ou bien des problèmes de
salinité et de pollution entraînant une impossibilité
d'utiliser l'eau fournie. Ainsi, en 1889 fut créée la Commission
Internationale des Frontières (IBC - International Boundary
Commission) qui se chargeait uniquement de la frontière. Elle
devint la Commission Internationale des Frontières et des Eaux
(IBWC) en 1944 pour intégrer l'aspect hydrique et mettre en
oeuvre les accords binationaux concernant les frontières et les
traités sur l'eau signés entre les deux pays (Mumme 2005, 509).
Telle qu'introduite dans les sections précédentes, l'IBWC est,
depuis 1944, composée d'une instance mexicaine et d'une autre
étatsunienne qui sont administrativement séparées et
régies par leurs institutions nationales respectives. L'instance
étatsunienne, appelée la U.S. International Boundary and
Water Commission, est contrôlée par le Département
d'État des États-Unis, tandis que l'instance mexicaine, la
Comisión Internacional de Límites y Aguas (la Commission
Internationale des Frontières et des Eaux), est gérée par
le Ministère des Affaires étrangères
(Secretaría de Relaciones Exteriores) à Mexico.
L'instance étatsunienne, quant à elle, est localisée
à la frontière (Mumme et Little 2010, 256) pour pouvoir
répondre plus efficacement aux problèmes dans la région.
De plus, les deux nations disposent du même nombre d'experts,
d'ingénieurs, de secrétaires, etc. pour permettre une
égalité théorique :
« each Section is led by a Commissioner (required to
be an engineer), two Principal Engineers, a legal advisor, and a secretary;
this administration has diplomatic privileges and immunities in the territory
of the other country » (Sánchez 2006, 134).
En ce sens, la Commission donne les mêmes clés
à chaque pays pour que chaque instance puisse résoudre les
problèmes liés à l'eau et pour qu'elles puissent
interpréter et appliquer les traités binationaux. Les
employés de chaque instance bénéficient, de plus, de
l'immunité diplomatique aux États-Unis ou au Mexique. L'IBWC
s'occupe des rivières du Rio Grande, du Colorado, des affluents, lacs et
barrages situés de part et d'autre de la frontière. Chaque
instance est notamment autorisée à faire appel à d'autres
agences pour gérer les ressources en eau et résoudre les
problèmes hydriques et environnementaux liés (Mumme et al. 2012,
8). Il est question, par exemple, de faire appel aux tribunaux nationaux pour
l'application des décisions prises et pour la résolution de
certains différends (Mumme et al. 2012, 8). Malgré cela, pendant
longtemps, la Commission n'a pas suffi à elle seule à
contrôler l'eau à la frontière. Il a donc été
nécessaire de mettre en place un traité afin de garantir le
respect de ses décisions par les deux pays. Cette garantie devait
permettre effectivement de fournir une quantité d'eau équitable
à chaque pays et de régler les autres problèmes
liés à l'eau et son utilisation à la frontière.
C'est lors de l'année 1941 que débutèrent
des échanges de propositions entre les États-Unis et le Mexique
qui aboutirent au Traité de 1944. Ces échanges permirent de
déterminer que le Mexique devrait recevoir chaque année
1 500 000 acres-pieds du fleuve Colorado ainsi qu'un supplément de
200 000 acres-pieds en cas de surplus aux États-Unis (Glaeser 1946, 7).
Les négociateurs des États-Unis décidèrent
notamment que 900 000 acres-pieds de l'approvisionnement total proviendraient
du drainage aux États-Unis (Gantz 1972, 499). Il est possible de penser
que cela devait permettre aux États-Unis de maîtriser
l'attribution de l'eau au Mexique et de réguler les inondations. La
quantité d'eau que devait recevoir le Mexique représentait
environ 10 % du débit moyen du Colorado (Carter et al. 2017, summary).
Le débit moyen était, dans les années 1940, de 16,8
millions acres-pieds, ce qui laissait plus de 15 millions d'acres-pieds pour
répondre aux besoins des États-Unis (Carter et al. 2017, 10).
Cette décision démontre d'autant plus le pouvoir des
États-Unis sur le Mexique puisqu'ils avaient le dernier mot, que la
qualité de l'eau n'a jamais été remise en question. Le
problème majeur à l'époque du Traité de 1944
était de s'assurer de la quantité d'eau que recevrait le Mexique
et jamais de la qualité de cette eau. Pourtant, lors des
négociations du Traité, une des seules volontés du Mexique
concernait les eaux qu'il devait recevoir du Colorado. En effet, il souhaitait
que la majeure partie de ces eaux proviennent de zones situées au-dessus
de la frontière inférieure, moins salines, pour disposer d'eau
consommable et utilisable pour la population (Anderson 1972, 610). Il est ainsi
possible de constater que le souhait du Mexique de recevoir une eau non
salée n'a pas été appliqué dans la mise en oeuvre
du Traité. En outre, cet accord, ainsi que d'autres traités et
échanges qui suivirent, jetèrent les bases des principes de la
coopération interétatique hydrique sans considérer
l'aspect environnemental.
Par ailleurs, depuis la signature du Traité de 1944,
l'IBWC a bénéficié d'un ajustement de ses
prérogatives pour y inclure le contrôle des eaux souterraines,
avec la Minute 242 de 1973, et de la salinité de l'eau du
Colorado (Lee et Ganster 2012, 140). Malgré l'accroissement des
prérogatives de l'IBWC, elle ne parvenait pas, dans les années
1990 et le début des années 2000, à résoudre une
sécheresse persistante dans le Rio Grande, ni certains problèmes
de pollution de l'eau et de salinité à la frontière. En
effet, pour ce qui est des sécheresses dans le Rio Grande, elles ont
entraîné un déficit des livraisons d'eau que le Mexique
devait aux États-Unis (Woodhouse et al. 2012, 127). Il est ainsi
possible de penser que ce phénomène poussait les deux nations
à se méfier l'une de l'autre. Dans une perspective similaire, la
Commission était également critiquée pour son
incapacité à conserver les ressources souterraines et
écologiques, entre autres (Mumme 2005, 510).
Après la signature du Traité de 1944, l'IBWC
devait poursuivre des recherches grâce à des scientifiques,
notamment, pour mettre en oeuvre des ouvrages, tels que des barrages qui
devaient être exploités et entretenus par les deux pays
(« Safety of Dams » s.d.), respectant d'une part les
accords et traités entre les États-Unis et le Mexique et d'autre
part les enjeux hydriques et économiques. La Commission a ainsi
créé les barrages de stockage de Falcon sur le Rio Grande (entre
l'État du Texas et celui de Tamaulipas) dans les années 1950 et
celui d'Amistad dans les années 1960 (entre l'État du Texas et
celui de Coahuila) (« Safety of Dams » s.d.). Ces barrages
devaient permettre de contenir suffisamment d'eau pour le cas où des
problèmes hydriques viendraient rendre problématique
l'approvisionnement en eau. Il faut rappeler que chaque instance de l'IBWC est
responsable des projets de son côté de la frontière et
qu'elle doit rendre des comptes au niveau fédéral de chaque pays
de l'avancée des évènements. La Commission doit
également résoudre les conflits interétatiques en cas
d'interprétation divergente du Traité (Mumme et al. 2012, 8).
En outre, le Traité de 1944, en plus d'avoir fait
évoluer le nom de l'IBWC, lui a ajouté des Minutes qui
constituent des documents officiels émanant de la Commission pour mettre
en place des réglementations et des décisions afin de
résoudre des problèmes hydriques à la frontière de
manière plus effective (Carter et al. 2018, 4). Il s'agit, en quelque
sorte, d'amendements qui permettent de modifier l'IBWC sans pour autant
affecter le Traité de 1944. Ces Minutes, par souci
d'équité, doivent être approuvées par les deux pays
avant d'être mises en oeuvre. Elles permettent notamment de
répondre à des questions spécifiques et de les
résoudre. En effet, comme l'écrit Anabel Sánchez dans son
article 1944 Water Treaty Between Mexico and the United States: Present
Situation and Future Potential :
« The minutes are mainly clarifications of technical
details and ambiguous language not mentioned in the original 1944 Treaty, which
has remained essentially unchanged. The IBWC announces its decisions in the
form of «Minutes», which are subject to the approval of the two
governments and substantive agreements. The flexibility of this procedure
allowed the IBWC to respond to changing conditions without the need to
renegotiate the treaty. This evolving practice is one of the strengths of the
U.S.-Mexico treaty » (Sánchez 2006, 134).
Cette citation résume l'utilité et le but des
Minutes qui doivent faire évoluer et renforcer le Traité
de 1944 en répondant aux attentes des deux instances de l'IBWC. Il
s'agit de rendre intelligibles des portions du Traité pour
résoudre les problèmes liés à l'eau à la
frontière. Malgré cela, l'aspect environnemental devenait de plus
en plus prépondérant à la fin du XXe
siècle et n'était pas pris en compte dans les nouvelles
Minutes. Ceci rendait le travail de l'IBWC moins pertinent puisque les
problèmes environnementaux se multipliaient.
Ainsi, l'accord de l'ALENA (Accord de libre-échange
nord-américain) de 1994 a eu un impact important, en intégrant la
question environnementale à l'IBWC. Pour ce faire, l'Accord de
coopération environnementale frontalière (CEC - Commission
for Environmental Cooperation), créé en 1994 dans le cadre
de ce traité, devait aider à relier l'IBWC avec les discussions
sur le développement durable et les besoins en infrastructures
environnementales à la frontière. Ceci a permis des
avancées majeures dont l'ajout de l'aspect environnemental aux
décisions de l'IBWC. En effet, des ONG environnementales permirent
d'augmenter l'intérêt des entités étatiques et
non-étatiques envers la protection et la conservation des ressources et
la biodiversité dans la zone frontalière (Mumme 2002, 244). Par
exemple, durant la conférence sur le Delta de 1996, les ONG et notamment
Defenders of Wildlife (pour la protection de la faune et la flore en
Amérique du Nord et dans mon cas dans la zone frontalière pour
tenter de rétablir la biodiversité de cette région)
(« About Us » s.d.) ont posé la question d'une
minute écologique dans les règlements de l'IBWC. En effet,
jusqu'alors, aucune n'avait été signée (Mumme 2002,
245-6). La première Minute relative à l'environnement
date de 2000 (Minute 306). Il en sera question dans la prochaine
partie.
Néanmoins, beaucoup d'auteurs semblent penser que les
conséquences de l'ALENA, sur le long terme, n'ont pas été
uniquement bénéfiques pour l'environnement. En effet, même
si des gains ont été enregistrés dans différents
secteurs économiques liés aux ressources naturelles, l'Accord n'a
pas empêché la pollution croissante des ressources hydriques,
entre autres (Wold 2008, 243). L'évaluation environnementale finale de
l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) explique notamment
que l'accord de l'ALENA « a eu une incidence négative sur
l'environnement au Mexique » (Gouvernement du Canada 2020, 9). Un des
problèmes qui est constaté concerne le secteur minier dont
l'activité a eu des conséquences négatives sur les
ressources hydriques. En effet, puisque l'ALENA libéralisait le secteur
minier et éliminait les taxes, elle permettait à davantage
d'entreprises de ce secteur consommant excessivement d'eau de s'implanter. Ceci
a entraîné une pollution accrue des eaux souterraines et de
surface. Certaines entreprises rejettent particulièrement des
éléments, tels que des solutions acides de sulfate de cuivre dans
les rivières à proximité. C'est le cas de la mine de
Cananea (dans l'État de Sonora, au nord-ouest du Mexique), qui affecte
des dizaines de milliers d'habitants (Gladstone et al. 2021, 25) puisque les
ressources deviennent impossibles à utiliser.
Chapitre II - Relations diplomatiques et hydriques
jusqu'à 1944
Diplomatie entre les États-Unis et le Mexique
Il est crucial de garder à l'esprit que l'IBWC
n'apparaît qu'en 1944. En effet, jusqu'alors, elle était connue
sous le nom d'IBC et ne concernait que la frontière et, dans une moindre
mesure, l'eau à la frontière. Il faut aussi rappeler que le
Traité de 1944 a été instauré à une
époque où l'IBC n'était plus suffisante pour
contrôler l'eau à la frontière. En effet, cette commission
visait surtout à prendre en charge la frontière terrestre,
même si en 1933, les deux nations s'étaient engagées
à stabiliser la frontière fluviale du Rio Grande avec l'aide de
l'IBC, ainsi que les crues de ce fleuve (« History of the
International Boundary and Water Commission » s.d.). Cette Commission
était trop faible dans un contexte de relations hydriques puisqu'elle ne
prenait en compte qu'une petite partie des eaux frontalières et donc une
infime part des problèmes d'approvisionnement dans les États
bassins du fleuve Rio Grande. Le Colorado n'était, quant à lui,
pas encore pris en compte par l'IBC (« History of the International
Boundary and Water Commission » s.d.). Dans ce contexte, un nouveau
document clé, supposé plus fort, devait voir le jour (comme un
traité), pour garantir plus de prérogatives à la
Commission, pour ce qui est de l'utilisation des eaux du Colorado et du Rio
Grande, et assurer que les décisions seraient respectées par les
États-Unis et le Mexique. En outre, comme cela a été vu
dans le chapitre précédent, au cours de la première
moitié du XXe siècle, les questions environnementales
n'étaient pas au centre des préoccupations des États-Unis
et du Mexique.
Ainsi, pour comprendre la situation hydrique avant 1944, il
faut revenir sur la volonté des États-Unis de
fédérer le plus d'alliés possible pour créer un
nouveau système international et mondial, d'où la
« politique de bon voisinage » dont il est question dans
cette section. Cela reflète le développement de programmes
binationaux de la première moitié du XXe siècle
qui ont contribué à la mise en oeuvre du Traité de 1944.
Ce n'est qu'après sa mise en place que des réglementations ont
été établies pour l'ensemble des eaux frontalières
afin de répondre aux problèmes économiques, notamment,
liés à l'eau à la frontière avec l'aide de l'IBC
(1889).
Il faut d'abord rappeler que le XXe siècle
fut une période tendue diplomatiquement entre les deux pays :
l'interventionnisme des États-Unis au Mexique entraînait un manque
considérable de confiance de la part du Mexique par rapport aux
intentions des États-Unis. En effet, le Mexique craignait la
dépendance envers les États-Unis et la perte de son
identité avec le processus d'américanisation. Il n'était
ainsi pas enclin à coopérer avec ses voisins étatsuniens
si cette collaboration impliquait de devenir une nouvelle marionnette de la
superpuissance et de perdre son identité.
Ainsi, l'idée pour le Mexique était de conserver
une certaine autonomie afin de ne pas devoir compter sur les États-Unis
à tous les niveaux. Malgré tout, un manque de confiance
persistait, comme l'explique Susan Kaufman Purcell dans son article
« U.S.-Mexico Relations: An Optimistic View
» :
« from the U.S. point of view, Mexico's fear of
dependence on the United States and loss of its identity has been a serious
obstacle to good relations between Mexico and its northern neighbour. This
caused Mexico to adopt a defensive posture toward «the colossus of the
north.» As a result, the opportunities inherent in a closer relationship
between the two countries were often overlooked, while the potential costs were
exaggerated » (Kaufman Purcell 1990, 423).
Il s'agissait donc, à cette époque, de
résoudre les crises économiques et sociales, de s'occuper de la
diplomatie internationale et de gérer les conflits liés aux
propriétés pétrolières avant de s'attarder sur la
question des ressources hydriques. En outre, la nationalisation des compagnies
pétrolières mexicaines au cours des années 1930 et 1940,
durant la période de la « politique de bon
voisinage » (1933-1938) instaurée par les États-Unis, a
été un élément perturbateur dans la relation
binationale. En effet, en 1933, Franklin Delano Roosevelt, président
démocrate, lança sa « politique de bon
voisinage » qui devait améliorer les relations des
États-Unis avec ses voisins d'Amérique latine en cessant
l'intervention armée dans la région (Eisen 2015, 24). Cette
politique fut mise en place dans la mesure où les États-Unis
avaient tendance, selon les principes de la Doctrine Monroe, à
s'ingérer dans les pays d'Amérique latine pour rétablir la
paix, en théorie (Beck 1939, 110). En pratique, ils utilisaient les
ressources des pays d'Amérique latine pour leur propre
bénéfice. Ce phénomène est visible au Mexique,
où les États-Unis intervenaient pour résoudre des conflits
qui devaient être réglés par le Mexique. Par exemple,
pendant la révolution mexicaine de 1910 à 1920, les
États-Unis intervinrent à Veracruz en 1914, sous la
présidence de Woodrow Wilson, notamment (Jones 1995, 75). En intervenant
de la sorte et en voulant instaurer une démocratie telle que celle
existant aux États-Unis, ces derniers espéraient, à terme,
créer une union régionale sous l'égide
étatsunienne. En effet, ce genre d'intervention avait lieu partout en
Amérique latine.
C'est pour cette raison qu'en 1933, à la veille de la
Seconde guerre mondiale, F.D. Roosevelt imagina que sa politique de bon
voisinage serait un élément clé de l'amélioration
de la relation interaméricaine et surtout avec le Mexique ; et ce
fut le cas. Ainsi, la « politique de bon voisinage »
impliquant la non-intervention des États-Unis au Mexique, entre autres,
ne permit pas aux États-Unis de contrer la politique de nationalisation
du Président Lázaro Cárdenas, membre du Parti
révolutionnaire institutionnel et en faveur de l'indépendance
économique du Mexique (Alexander 2019). Les entreprises
étatsuniennes expropriées par le Mexique demandèrent
à Roosevelt une intervention armée. Celle-ci n'eut pas lieu mais
fut remplacée par des négociations entre les deux pays pour
indemniser les pertes du côté étatsunien (Grayson 1969,
330). Cet évènement se termina positivement pour le Mexique
puisqu'il s'émancipa économiquement des États-Unis et
permit de retrouver une relation plus équilibrée entre les deux
pays.
Aussi, les deux États étaient des partenaires
importants dans le secteur du pétrole et devaient le rester pour le
bénéfice des deux économies et pour la stabilité de
la région dans cette période, même après la
nationalisation du secteur pétrolier mexicain. Pour cette raison, il
devait être intéressant pour les deux pays de continuer à
coopérer et de trouver des accords à tous les niveaux et, entre
autres, en ce qui concerne les problèmes hydriques à la
frontière. En effet, puisque les deux nations coopéraient dans le
secteur pétrolier, pourquoi ne trouveraient-elles pas d'accord sur la
question de l'eau à la frontière, ce sujet devenant de plus en
plus essentiel en raison de problèmes d'approvisionnement toujours plus
fréquents. Louise Rolland et Yenny Vega Cárdenas déclarent
notamment dans un article sur la gestion de l'eau au Mexique que les
sécheresses intenses dans les années 1940 ont
poussé le gouvernement fédéral mexicain à
investir « dans le forage de puits pour l'approvisionnement de la
population, surtout pour l'irrigation et la consommation domestique »
(Rolland et Vega Cárdenas 2009, 26).
Ainsi, puisque le Mexique tentait de protéger sa
population et son économie qui faisait face à de nombreuses
sécheresses et que le gouvernement créait de nouvelles
infrastructures hydriques, il est possible de croire que le Traité de
1944 a été créé sur des bases saines entre les deux
pays. Il sera étudié toutefois qu'en pratique, les choses se sont
passées différemment, notamment dans le contexte du programme de
Bracero.
En effet, ce programme fut le premier programme de travail
entre les États-Unis et le Mexique. Il dura officiellement de 1942
à 1945 et concernait un grand nombre de travailleurs mexicains qui
entraient aux États-Unis pour pallier le manque de main-d'oeuvre des
étatsuniens partis à la guerre (Overmyer-Velázquez 2013,
26). Ce programme était axé sur les industries agricoles et
devait permettre une coopération économique et agricole dans
laquelle les États-Unis recevaient plus de bénéfices que
le Mexique (Fagen 1977, 700). En effet, les travailleurs mexicains
étaient des travailleurs à bas coûts pour les
États-Unis et étaient donc souvent sous-payés et
exploités. L'idée était que les travailleurs mexicains,
quand ils rentreraient dans leur pays à la fin du programme, pourraient
utiliser les compétences acquises aux États-Unis pour exploiter
les terres mexicaines et contribuer à la politique de
développement rural du Mexique (Eisen 2015, 32). Ce programme donnait,
à terme, plus de pouvoir aux États-Unis par rapport au Mexique
qui ne pouvait pas gérer ses propres travailleurs qui partaient mais ne
revenaient pas tous des États-Unis.
De plus, dans la mesure où les deux États
préféraient coopérer dans le domaine de l'économie
et favoriser leurs ambitions nationales, il semble compliqué de
résoudre les problèmes hydriques et environnementaux, telle que
la surexploitation des eaux par la population, la salinité causée
par l'utilisation croissante de produits agricoles, les sécheresses
(potentiellement liées à la surexploitation), etc. auxquels les
populations étaient de plus en plus confrontées dans la zone
frontalière.
Malgré l'amélioration de la relation binationale
au cours des années 1940, le Mexique restait tout de même
réticent à l'idée de coopérer avec les
États-Unis. En effet, cette collaboration aurait pu impliquer une
nouvelle perte d'indépendance. C'est pour cette raison que le Mexique
revendiquait le principe de l'appropriation préalable pour certaines
sources hydriques étatsuniennes. C'est un principe selon lequel les
individus arrivés en premier sur un territoire sont ceux qui peuvent
avoir la jouissance unique des sources d'eau localisées sur ce
territoire même s'ils n'y restent pas. Ainsi, le Mexique avait
possédé des territoires au sud des États-Unis actuels
avant que ces derniers ne les achètent ou ne les conquièrent. Les
autorités mexicaines étaient donc tentées de demander la
jouissance exclusive de certaines ressources en eau localisées sur le
territoire étatsunien (Boime 2002, 239).
Gouvernance de l'eau avant le Traité de 1944
Dans cette section, il est essentiel de revenir sur les
antécédents du Traité de 1944 pour apprécier son
utilité. Pourquoi les traités et accords précédents
n'ont-ils pas fonctionné, ou pas aussi bien, et pourquoi le
Traité sur l'eau de 1944 a-t-il été introduit à
cette période ? Pour ce faire, il faut tenir compte de la situation
de crise hydrique traversée par le Mexique à l'époque du
Traité. En outre, cela permet de comprendre la mise en oeuvre finale du
Traité et les caractéristiques spécifiques qui ont
principalement profité aux États-Unis et qui ne prennent pas en
compte l'aspect environnemental des eaux frontalières. Il a fallu
beaucoup de temps avant de parvenir à un accord final entre les deux
nations (Anderson 1972, 601).
L'un des premiers accords relatifs au partage de l'eau qui ont
eu cours entre les deux pays avant 1944, la Convention de 1906 sur la
répartition équitable des eaux du Rio Grande, traite de
l'utilisation de l'eau à des fins autres que la navigation. Elle conclut
que les États-Unis alloueraient 60 000 acres-pieds de leurs eaux du Rio
Grande par an pour irriguer les terres situées en aval d'El Paso au
Mexique (Ross 1965, 91). Elle peut être considérée comme
l'ancêtre du Traité sur l'eau de 1944 car elle traitait
déjà de l'utilisation du Rio Grande, même si elle
était beaucoup plus limitée que le Traité de 1944. De
même, en 1922, le Colorado River Compact fut
approuvé ; il concluait que le Mexique ne recevrait que l'eau
excédentaire au-delà des seize millions d'acres-pieds
(19 735 680 000 mètres cubes) réservés à
l'usage des États-Unis (Ross 1965, 91). Six ans plus tard, les
États-Unis autorisèrent finalement le Mexique à utiliser
un maximum de 750 000 acres-pieds, soit 925 110 000 mètres cubes,
du fleuve Colorado (Gantz 1972, 497) parce qu'il en possédait la partie
inférieure. C'était la quantité d'eau que le Mexique
était supposé utiliser chaque année. Cette fois, le
Mexique n'eut pas d'autre choix que d'accepter ce compromis. En effet, les
États-Unis affirmèrent qu'il était plus intéressant
pour le Mexique d'avoir une certaine quantité d'eau plutôt que
d'en demander plus et de ne pas être capable de la gérer (Gantz
1972, 497). Il est possible de penser, dans un premier temps, que les
États-Unis voulaient conserver le plus d'eau possible et donc en fournir
le minimum au Mexique. Dans un second temps, il était
économiquement préférable pour une nation d'être
assurée de recevoir un certain volume d'eau régulièrement
plutôt qu'un volume d'eau non régulé et, par
conséquent, plus compliqué à utiliser correctement. C'est
ce que les États-Unis attendaient du Mexique et que le Mexique a
finalement accepté. Néanmoins, cet arrangement ne tenait pas
compte des sécheresses récurrentes dans la région qui ne
permettraient pas au Mexique de satisfaire ses besoins annuels en eau.
Toutefois, même si le Mexique ne pouvait pas recevoir
plus de 750 000 acres-pieds du fleuve Colorado par an, le barrage Hoover,
créé en 1935, devait aider le Mexique. Il faut d'abord se
souvenir que ce barrage a été mis en place, dans un premier
temps, pour fournir de l'énergie électrique à partir du
débit du fleuve Colorado en Californie (« Hoover
Dam » s.d.) puisque plus d'un quart du débit en amont du
fleuve Colorado était consacré à l'énergie
électrique. Pour ce qui est du Mexique, ce barrage devait permettre de
réguler le débit du fleuve en amont et en aval et ainsi
résoudre les possibles problèmes d'inondations en aval (Hundley
1967, 210). Cependant, il est possible de penser que cette régulation
des débits par ce barrage en amont du Colorado a, comme expliqué
dans l'introduction, entraîné des problèmes hydriques au
Mexique dans la mesure où l'eau ne s'écoulait pas suffisamment en
aval et favorisait surtout davantage de sécheresses.
La
démographie : vectrice de problèmes hydriques
Comme expliqué en introduction,
la démographie joue un rôle important dans les problèmes
hydriques. C'est le cas aujourd'hui mais également avant les
années 1940. En effet, il est possible de constater un lien entre la
croissance démographique et les problèmes hydriques puisque
l'accroissement de la population à la frontière sud-ouest des
États-Unis ainsi que dans les villes frontalières mexicaines a
entraîné une augmentation de l'agriculture dans les provinces du
nord du Mexique, entre autres. Cela a ainsi engendré une
nécessité croissante d'utiliser les eaux du fleuve Colorado et du
Rio Grande. Cette utilisation massive a pu polluer ces eaux ou provoquer des
sécheresses (Burman et Cornish 1975, 387).
Tableau 1 : Croissance démographique à
San Diego, E.U. et à Tijuana, Mexique
Source : Walker, Margath A. « Knowledge
production and border nationalism in northern Mexico. »
Nations and Nationalism, vol. 17, no. 1, 2011, p. 172, doi:
10.1111/j.1469-8129.2010.00461.x.
Si seules les années 1930 et 1940 sont
considérées, il est possible de constater une augmentation de la
population d'à peu près 38 % en 10 ans pour San Diego et de 100 %
pour Tijuana, cette dernière passant de 11 000 à 22 000
habitants. La différence entre 1930 et 1950 montre, logiquement, une
augmentation encore plus exponentielle : 166 % pour San Diego et 491 %
pour Tijuana. Ainsi, comme le montre le
Tableau 1 (« Croissance
démographique à San Diego, E.U. et à Tijuana,
Mexique »), la population de San Diego, en Californie, et celle de
Tijuana, en Basse-Californie, ont considérablement augmenté tout
au long du XXe siècle et même au début du
XXIe siècle. Ces deux villes représentent des exemples
de la croissance démographique dans la région frontalière
de manière générale. Cette augmentation exponentielle de
la population dans certaines zones ainsi que le développement de
l'agriculture intensive a entraîné un besoin croissant en eau,
d'où la surexploitation et la pollution du Rio Grande et du Colorado,
entre autres.
Dans cette perspective, les années 1940 marquent une
explosion démographique à la frontière ainsi que le
début d'une nouvelle ère agricole, avec l'apparition de nouveaux
outils et de nouvelles technologies toujours plus polluantes. Ces
caractéristiques ont conduit à une surexploitation de l'eau.
Cette surexploitation et cette pollution de l'eau dues à l'agriculture
et au drainage des eaux polluées vers le fleuve Colorado ont
provoqué des problèmes écologiques importants liés
à la salinité, la sécheresse ou la pollution. Pour prendre
l'exemple du Mexique, la « Green
Revolution », qui dura des années 1940 jusqu'aux
années 1980 et qui représente une période florissante pour
l'agriculture mexicaine, a certes bénéficié à
l'économie du pays mais a aussi entraîné une
dégradation de l'environnement dans la région frontalière
notamment (Sonnenfeld 1992, 38). Selon David A. Sonnenfeld, les
problèmes de pollution provoqués par cette révolution
concernent, entre autres, la sur-utilisation des pesticides et des engrais
(Sonnenfeld 1992, 38). La création de barrages dans les années
1940 et 1950 a également causé des problèmes
environnementaux dans la mesure où l'eau était
déviée de son parcours et rendait ainsi certaines zones
très sèches, leur faisant perdre leur biodiversité. C'est
particulièrement le cas du barrage de Morelos et du delta du Colorado,
comme il en a été question plus haut.
Pour résumer, l'idée pour le Mexique à
cette époque était de disposer d'une quantité d'eau
spécifique et régulière chaque année,
indépendamment de sa qualité, qui devait permettre
d'atténuer les sécheresses ou tout autre problème qui se
produisait toujours plus fréquemment dans la zone frontalière. Il
est nécessaire de souligner que le début du XXe
siècle a été compliqué pour le Mexique en raison
des multiples sécheresses auxquelles il a été
confronté ainsi qu'à des problèmes de salinité dus
à la surexploitation des cours d'eau et des eaux souterraines, tant du
côté mexicain que du côté étatsunien des
fleuves. Ces questions sont fortement liées à la
démographie de la région, car la croissance de la population a
entraîné une utilisation accrue de l'eau et une mauvaise
exploitation de celle-ci. Pour conclure, un traité relatif à
l'eau était essentiel pour garantir l'approvisionnement en eau du
Mexique.
La
crise de Mexicali de 1943
La nécessité d'un
traité sur la répartition des eaux frontalières devenait
d'autant plus primordiale dans le contexte de la sécheresse de 1943,
dans la vallée de Mexicali, en Basse Californie, au sud-ouest du
Mexique, qui eut un impact prédominant dans la mise en oeuvre du
Traité de 1944 (Anderson 1972, 607-8). L'accord de 1944 a
été signé juste après l'apparition de cette
sécheresse qui a davantage diminué le poids du Mexique, pour ce
qui est du fleuve du Colorado surtout, dans les relations avec les
États-Unis en matière d'eau et dans l'établissement d'un
traité binational portant sur la quantité de l'eau. Cette
sécheresse était si intense que le Mexique a dû commander
de l'eau du fleuve Colorado au district d'irrigation impérial (IID -
Imperial Irrigation District), localisé dans la Vallée
impériale en Californie ; ce district demandant des sommes
exorbitantes pour la livraison d'une quantité suffisante d'eau. Ainsi,
il était coûteux de satisfaire les besoins d'irrigation du Mexique
dans la zone de sécheresse (Anderson 1972, 608). Les États-Unis
et l'État de Californie, par exemple, disposaient alors d'un nouvel
élément qui aurait pu les aider à établir les
principes du Traité sur l'eau de 1944 pour qu'ils en tirent le plus
grand profit possible.
Tableau 2 : Valeurs extrêmes des
précipitations dans la région de Mexicali
Source : « Proyecto bases de datos climatológicos.
». Servicio meteorológico nacional. Consulté le 15
mai 2021.
https://smn.conagua.gob.mx/tools/RESOURCES/Max-Extr/00002/00002033.TXT.
Le
Tableau 2 (« Valeurs extrêmes des
précipitations dans la région de Mexicali ») montre que les
périodes les plus arides entre 1944 et 2012 se sont concentrées
sur les années entre 1944 et 1948. Les années proches de la
sécheresse ont été très arides puisque la valeur
minimale de précipitation pour les mois fournis en 1944 et en 1948 est
de 0,0 centimètre et la moyenne des précipitations pour les
mêmes données est de 0,2 centimètre. De fait, le Mexique
avait besoin de l'eau de son voisin pour pouvoir satisfaire son besoin minimum
annuel en eau. En d'autres termes, le Mexique a dû trouver un accord avec
les États-Unis pour obtenir de l'eau régulièrement. Ce
soutien de la part des États-Unis n'a pas aidé le Mexique
à négocier la qualité de l'eau qu'il recevrait par le
Traité (Gantz 1972, 498), d'autant que cette question n'importait pas
aux États-Unis à cette époque. Ainsi, il apparaît
que ces derniers avaient davantage de pouvoir que le Mexique, lequel
était soumis à une forte pression. Il devait notamment
répondre aux besoins imminents en eau dans le nord de son propre pays,
aux sécheresses et aux pénuries qu'il ne pouvait gérer
sans l'aide étatsunienne et sans le traité à venir.
Le
rôle de l'IBWC dans la mise en oeuvre du Traité de 1944
Dans la mesure où la question d'un traité
devenait de plus en plus essentielle et inévitable pour gérer
l'eau à la frontière mexicano-étatsunienne, le
début des années 1940 permit aux deux pays de travailler sur un
éventuel traité et sur la quantité d'eau à
attribuer à chaque pays. Comme il a été mentionné
précédemment, l'objectif de l'IBWC était de créer
une coopération entre les États-Unis et le Mexique pour la
gouvernance de l'eau avec deux instances nationales distinctes. C'est ainsi que
grâce à l'IBWC, les États-Unis et le Mexique, dans une
mesure nettement moindre, ont pu engager des professionnels et des
scientifiques pour mettre en oeuvre le Traité de 1944 sur l'eau et
décider de ses principes.
De plus, puisque l'IBWC pouvait traiter des problèmes
survenant dans la région frontalière (voir
Figure 2 (« Les
rivières du Colorado et du Rio Grande à la frontière
États-Unis-Mexique »)), elle restait l'agence la plus
puissante en matière de résolution des problèmes d'eau
à la frontière et en avait même le monopole. Comme il l'a
été mentionné plus tôt, l'IBWC ne pouvait cependant
pas obliger les États-Unis ou le Mexique à respecter leur part
des traités et des accords antérieurs au Traité sur l'eau
de 1944. C'est pourquoi il fallait un nouvel accord pour inciter les deux pays
à coopérer et à respecter les objectifs. Toutefois,
malgré l'égalité théorique des deux pays, les
États-Unis étaient avantagés dans la mesure où ils
disposèrent de davantage de trésorerie que le Mexique pour mettre
en place les principes du Traité, faire appel à des scientifiques
et décider de ses principes afin de servir au mieux leurs
intérêts. Il est possible, ici, de reprendre l'exemple du Texas
qui avait une influence prépondérante, grâce à sa
taille notamment, au Congrès et donc dans la mise en place des principes
du Traité de 1944, entre autres.
Il est également important de souligner que le
Traité sur l'eau de 1944 a été signé après
de longues négociations, de réunions, d'accords et de discussions
diplomatiques entrepris par les États-Unis et suivis par le Mexique
(Anderson 1972, 601). Cela signifie que le Traité de 1944 était
supposé être équitable pour l'économie et les
populations des deux pays et devait leur être bénéfique :
« to apply the rights and obligations [...] that benefits the social and
economic welfare of the peoples on the two sides of the boundary and improves
relations between the two countries » (« The IBWC - Its Mission,
Organization and Procedures for Solution of Boundary and Water Problems »
s.d.). Cependant, il est possible de penser que la répartition des eaux,
décidée dans le cadre du Traité sur l'eau de 1944, a
conduit le Mexique à oeuvrer davantage pour rendre le Traité plus
équitable par le biais de l'IBWC et de différents accords,
notamment du point de vue de la qualité de l'eau. Un autre objectif de
la mise en oeuvre du Traité sur l'eau de 1944 était de
développer une relation plus coopérative entre les
États-Unis et le Mexique. Si les deux pays pouvaient coopérer
dans le secteur hydrique, ils pourraient coopérer dans différents
domaines internationaux.
De plus, il est possible de remarquer qu'aucune mention de
l'environnement n'est faite ni dans le Traité, ni par l'IBWC. Seules les
sécheresses étaient prises en compte, jusqu'alors, parce qu'elles
affectaient l'économie des pays.
Ces éléments permettent ainsi de donner un
aperçu du rôle de l'IBWC dans la mise en oeuvre du Traité
sur l'eau de 1944.
Situation inégale entre les deux pays lors de la
signature du Traité de 1944
L'un des facteurs qui illustrent l'échec du Mexique
face aux États-Unis est le rôle prépondérant de ces
derniers dans la conception des principes du Traité. En outre, lors de
la signature du Traité, puisque ni l'environnement ni la qualité
de l'eau n'étaient jugés importants, le Mexique devait recevoir
1 500 000 acres-pieds du Colorado par les États-Unis, peu
importe que cette eau soit utilisable, consommable ou non (Bulson 1975, 286).
Bulson l'explique notamment : « if read literally [what] would
mean highly saline water returning to the river as drainage and even possible
saline groundwater pumped into the Colorado » (Bulson 1975, 286).
Ainsi, le problème de salinité dans le fleuve Colorado à
l'époque du Traité et dans les décennies qui suivirent
affaiblit le Mexique, mais puisque le Traité ne faisait pas
référence à la qualité de l'eau, les
États-Unis n'ont pas jugé bon d'agir afin d'aider leur voisin. En
ce sens, le Mexique comprit que tous les droits et acquis qu'il pensait avoir
obtenus par le biais de traités, d'accords et de conventions
n'étaient pas certains et pouvaient être déviés pour
profiter à l'autre pays (Anderson 1972, 601) :
« The full measure of the sacrifice Mexico was
forced to make has only recently come to light in the context of the Colorado
River salinity problem, as Mexico has discovered just how ephemeral are the few
rights and remedies thought to have been acquired by her under this
Treaty » (Anderson 1972, 601).
De plus, avec le Colorado River Compact de 1922, il
était prévu que le Mexique ait accès à l'eau
excédentaire des seize millions d'acres-pieds (19 735 680 000
mètres cubes) réservés à l'usage des
États-Unis (Ross 1965, 91). Aussi, la qualité n'a pas
été prise en considération et les États-Unis
auraient pu potentiellement fournir de l'eau très salée et
très polluée.
De plus, il est essentiel de souligner que, même si les
États-Unis ont essayé d'apparaître comme favorables
à leur voisin du sud, avec la Good Neighbour Policy, par
exemple, il semble que cela n'ait pas été suffisant face aux
mauvais comportements entre les deux pays. En effet, cela n'a pas
contribué à améliorer les relations binationales sur l'eau
puisque le Mexique a eu le sentiment d'avoir été trahi en raison
du problème majeur de salinité mentionné plus haut. De
plus, les intérêts et les avantages que les deux pays tirent de
l'utilisation de l'eau à la frontière ont rendu la conclusion
d'un traité compliquée, car le Mexique et les États-Unis
souhaitaient tous deux poursuivre leur propre développement agricole et
leurs projets d'irrigation à la frontière.
En outre, les États-Unis prétendaient, à
l'époque de la mise en oeuvre du traité sur l'eau de 1944, avoir
mieux et plus largement développé leur irrigation pour
l'agriculture dans le Sud-ouest et que c'était une raison valable pour
recevoir plus d'eau. En outre, comme l'écrit Stephen Mumme dans son
article « Leadership, politics, and administrative reform at the
United States Section of the International Boundary and Water Commission,
United States and Mexico » :
« The political coalition supporting the treaty accepted
Texan leadership in designing a treaty agency that was meant to be highly
responsive to a border constituency. At the time, that constituency was an
elite constituency of government water managers, irrigation districts, and
agricultural and municipal interests directly dependent on the allocation and
management of international river water » (Mumme et Little 2010, 256).
La citation ci-dessus, ainsi que différentes autres
mentions des États, montrent un rôle important de ces derniers en
tant que « parties prenantes » dans les décisions
prises liées à l'eau. Les États Étatsunien et
Mexicain frontaliers, les districts d'irrigation et les agriculteurs avaient
différents intérêts à défendre dans
l'approvisionnement et la régulation des eaux frontalières.
Dans le cas du Texas, il fût un acteur
privilégié dans la mise en oeuvre de l'IBWC et du Traité
de 1944, notamment dans le sens où l'USIBWC était
localisée à El Paso, au Texas, plutôt que dans la capitale
fédérale (Mumme et Little 2010, 256). De plus, le Texas, à
cette époque, possédait un poids politique important à
l'échelle nationale ; étant l'un des États les plus
puissants et essentiels d'un point de vue politique et électoral, il
était crucial de prendre son avis en compte pour les décideurs
fédéraux. Ceci lui avait permis d'influencer le Traité de
1944. Selon Mumme, la délégation texane au Congrès avait
une influence disproportionnée sur la politique américaine de
l'époque (Mumme et Little 2010, 256). L'État voulait garder le
contrôle sur tout organisme international, telle que la Commission, qui
aurait une quelconque influence sur la gestion des eaux frontalières
pour valoriser ses propres intérêts hydriques et les
préserver (Mumme et Little 2010, 256). Il est également possible
de penser que la croissance démographique dont il a déjà
été question, notamment au Texas, a influencé
l'État à demander une importante quantité d'eau du Rio
Grande pour son agriculture et sa population.
C'est aussi pour cette raison que, lors de la
sécheresse de 1943, les agriculteurs mexicains se sont tournés
vers l'Imperial Irrigation District californien. Ce district d'irrigation avait
accepté de procurer de l'eau aux agriculteurs à des prix
exorbitants puisqu'elle disposait de la partie supérieure du Colorado et
qu'elle contrôlait les barrages dans la zone, entre autres (Fradkin 1996,
300). Ainsi, on peut constater l'implication d'entités régionales
dans la mise en oeuvre de décisions hydriques.
De plus, les États-Unis pensaient surtout que la
quantité d'eau reçue devait être proportionnelle à
l'utilisation alors en cours et aux besoins supposés en eau des deux
parties. Cependant, étant donné que les dirigeants texans
étaient membres de la coalition politique soutenant le traité
à venir, il était très probable que les agriculteurs
texans demandent plus d'eau que le Mexique. Ils ont présenté les
besoins en eau de l'agriculture étatsunienne de sorte à recevoir
davantage d'eau que la quantité qu'ils auraient pu recevoir sans le
traité. En effet, comme le mentionne Kristen J. Anderson dans son
article « A History and Interpretation of the Water Treaty of
1944 », les États-Unis tireraient beaucoup plus de
bénéfices dans le traité final que ne le ferait le
Mexique. Avant toute chose, il est important de rappeler que les
États-Unis possédaient le cours supérieur du fleuve
Colorado, ce qui leur donnait encore plus de poids. De plus, les
États-Unis disposaient de beaucoup plus de ressources, que ce soit sur
le plan technologique ou financier, qui leur permettaient de mener des
recherches dans la région. Cela leur a permis, d'ailleurs, d'adapter le
traité potentiel à leurs besoins. Ils ont beaucoup investi dans
le contrôle du stockage et ont supposé que cela leur donnait plus
de légitimité pour utiliser davantage d'eau que le Mexique.
Finalement, un avantage reconnu pour le Mexique était de posséder
une grande partie des affluents du Rio Grande (Anderson 1972, 611) et donc une
grande part des eaux du fleuve. Le poids des États-Unis sur le Mexique
ne permettait cependant pas à ce dernier de négocier de
manière significative la quantité ou la qualité d'eau
qu'il pouvait recevoir chaque année. La sécheresse à
laquelle le Mexique avait été confronté l'année
précédente et dont il ressentait encore les effets, avec l'aide
apportée par l'IDD, ainsi que le poids du Texas, n'a pas permis au
Mexique de peser considérablement sur les termes du Traité.
En résumé, il est possible de penser que le
Mexique n'avait d'autre choix que d'accepter le Traité qui devait, en
principe, l'aider à mieux gérer son eau et à mettre fin
aux importants problèmes hydriques. Pourtant, cette situation ne pouvait
pas conduire à un accord égal entre deux nations aux
capacités et aux pouvoirs très différents. De plus,
l'aspect environnemental n'était pas pris en considération.
Chapitre III - Efficacité de l'IBWC depuis 1944 :
un nouvel outil à disposition
Le
Traité de 1944
Cette section fournit une définition et une explication
générale du Traité de 1944, créé pour aider
l'IBWC à résoudre les problèmes et à mieux
définir ses pouvoirs et ses limites. Pour résumer ce qui a
été précédemment expliqué sur l'IBWC et le
Traité de 1944, avec la signature de cet accord, la Commission de la
frontière internationale (IBW), mise en place en 1889, est devenue
l'IBWC. Elle était censée réglementer et imposer la
livraison de l'eau du Colorado, du Rio Grande et du fleuve Tijuana entre les
États-Unis et le Mexique. Ce traité prévoyait des
exemptions possibles aux exigences de répartition de l'eau en cas de
problèmes environnementaux majeurs, tels que les sécheresses
causées par le drainage par exemple et les questions de salinité
qui sont les principales difficultés survenant à la
frontière. Il donne à l'IBWC les clés pour résoudre
les différends relatifs à l'eau par le biais de Minutes.
Les instances mexicaines et étatsuniennes doivent travailler ensemble
pour résoudre les problèmes en élaborant des
Minutes prévues pour agir directement là où les
difficultés se posent. Il s'agit de mettre en place des règles et
des décisions qui permettent de résoudre les questions d'eau
à la frontière et celles liées à
l'interprétation du Traité (Carter et al. 2018, 4). Elles
intègrent la création de plateforme de consultation et
l'organisation de missions d'enquête entre les deux instances.
Après 1944 donc, grâce à l'IBWC, les
États-Unis et le Mexique ont pu engager des professionnels et des
scientifiques pour appliquer le Traité de 1944 sur l'eau et
décider de ses principes grâce à des missions
d'enquêtes, entre autres. En outre, à cette époque, la
force de l'IBWC était de moins en moins reconnue et la Commission avait
besoin d'un nouveau traité pour lui ajouter plus de
fonctionnalités et de pouvoirs dans la résolution des
problèmes d'eau à la frontière.
Malgré les Minutes, la gouvernance de l'eau
entre les États-Unis et le Mexique est restée compliquée
et tendue après le Traité de 1944 et parfois même à
cause de celui-ci. En dehors de l'obligation de fournir une certaine
quantité d'eau par les États-Unis et le Mexique pour les fleuves
du Colorado, du Rio Grande et la rivière Tijuana, le Traité, et
notamment son Article 3, établit une hiérarchie de l'utilisation
de l'eau en commençant par les utilisations domestiques et municipales,
puis l'agriculture et l'élevage, puis l'énergie
électrique, d'autres utilisations industrielles, puis la navigation, la
pêche et la chasse et finalement toute autre utilisation définie
comme bénéfique par l'IBWC (Umoff 2008, 76). Ainsi, le
Traité ne mentionne ni la qualité de l'eau, ni l'écologie,
ni les eaux souterraines, qui n'étaient pas essentielles à
l'époque (Sánchez 2006, 131).
Le Traité prévoit également la
construction de barrages et de canaux. Elle donne aussi de nouvelles
prérogatives à l'IBWC, qui doit dès lors réaliser
des analyses et des plans de contrôle des inondations, et
également des études pour la production
d'électricité provenant des barrages et réglementer
l'exploitation et le maintien des réserves (Carter et al. 2018, 7).
Toutefois, à chaque fois que l'un des deux pays n'a pas
été enclin à respecter sa partie du traité, des
problèmes sont apparus. Par exemple, dans les années 1960, en
raison de l'agriculture intensive aux États-Unis, le Mexique recevait
une eau beaucoup trop salée pour les usages humains et agricoles (Carter
et al. 2018, 10). Pour cette raison, il est essentiel d'étudier les
problèmes environnementaux, économiques et politiques qui ont
subsisté à la frontière ces dernières années
et la manière dont les deux instances de l'IBWC y font face. Par
exemple, il faut rappeler que le Traité de 1944 au paragraphe B de
l'article 4 accorde au Mexique, s'il ne peut pas se permettre d'honorer le
nombre d'acres-pieds qu'il est censé allouer, de demander le report de
la dette de cinq ans, au cycle suivant (Sánchez 2006, 131). Cela
signifie qu'un pays pourrait s'endetter pendant les cinq années
suivantes et ne devoir rembourser ou donner de l'eau que lorsque cela lui est
possible. Cet aspect du Traité a créé une crise
hydro-diplomatique entre les deux pays, qui sera approfondie plus tard, puisque
le Mexique n'a jamais donné les 350 000 acres-pieds d'eau en raison de
plusieurs sécheresses auxquelles il a été confronté
(Mumme et al. 2012, 17). Ainsi, le Mexique a violé les termes du
traité pour s'adapter à la réalité à
laquelle il faisait face. Dans tous les cas et avec la signature du
Traité de 1944, les États-Unis ont été
autorisés à utiliser davantage d'eau des rivières
binationales que le Mexique. Cela est dû au contexte immédiat de
la signature du Traité de 1944, à la puissance des
États-Unis et aux facilités financières dont ils
disposaient à cette époque, par rapport à celles du
Mexique.
D'autre part, l'IBWC reçoit 29,4 millions de dollars de
fonds pour différentes activités telles que la
préservation du barrage d'Amistad et le contrôle des crues du Rio
Grande ainsi que la reconstruction ou la réhabilitation de certaines
infrastructures d'assainissement aux États-Unis et au Mexique (Seelke et
Klein 2021, 29). Aujourd'hui, comme les problèmes de sécheresse,
de salinité, etc. sont de plus en plus fréquents, l'IBWC doit les
traiter et créer de nouvelles Minutes pour les régler.
La Commission gère ainsi la résolution des problèmes
liés à l'eau grâce au Traité sur l'eau de 1944,
même si cette résolution est longue et ne suffit pas à
certains acteurs. Anabel Sánchez considère notamment que tous les
aspects liés aux ressources doivent être pris en compte :
« The integrated sustainable approach needed in the
region should consider the sustainability of water resources taking into
account the cross-border political, ecological, and social aspects, not just
economic growth » (Sánchez 2006, 142).
Il est primordial de rappeler que le traité de 1944 a
d'abord été signé à des fins économiques.
Néanmoins, avec les problèmes récurrents liés
à l'environnement et à l'écologie, il était
important de commencer à intégrer ces facteurs dans les
évaluations des politiques mises en place. Pour résoudre les
problèmes, l'IBWC doit considérer un certain nombre
d'éléments : les habitants vivant dans la zone et
l'environnement du lieu.
Avancées et problèmes hydro-diplomatiques depuis
les années 1940
Le Traité de 1944 était censé aborder
l'éventail le plus large possible de questions relatives à l'eau,
mais n'a pas toujours été en mesure de le faire. Il n'a pas pu
gérer la protection et la conservation de l'environnement qui sont des
aspects aussi importants que les questions économiques, mais qui,
pendant longtemps, ne faisaient pas partie des prérogatives de l'IBWC.
Problèmes de
salinité dans le fleuve Colorado
Le Traité de 1944 devait résoudre les
problèmes liés à l'eau, mais il faut souligner que les
problèmes environnementaux et l'épuisement des eaux souterraines
du fleuve Colorado continuent de se poser après 1944. C'est pourquoi, en
1956, le projet de stockage du fleuve Colorado a été acté
par le Congrès étatsunien. Il a autorisé la construction
du projet de stockage du fleuve Colorado, qui a permis le développement
des ressources en eau du côté étatsunien du fleuve. Il
était aussi supposé contrôler les inondations et les
sécheresses en assurant le stockage et la régulation de l'eau
(« Colorado River Basin Salinity Control program » s.d.).
Ce programme visait à autoriser le développement des ressources
hydriques du bassin supérieur du Colorado, dans les États du
Colorado, du Nouveau-Mexique, de l'Utah et du Wyoming, en prévoyant la
construction du barrage de Glen Canyon en Arizona, entre autres, qui devait
répondre aux besoins hydriques des États du bassin
inférieur (Arizona, Californie et Nevada) (« Colorado
River Storage Project » s.d.). L'idée était de
répondre aux attentes du Colorado River Compact de 1922 et de fournir
une quantité suffisante d'eau au bassin inférieur du Colorado qui
était plus souvent touché par des sécheresses. Le travail
sur le bassin inférieur du Colorado aurait pu également affecter
le Mexique. En effet, si l'eau était correctement régulée
aux États-Unis et si les stockages étaient mieux
gérés, la probabilité que cela se produise au Mexique
aurait été plus faible et l'eau reçue aurait
été finalement utilisable et consommable.
Malgré ce projet, de nombreux scientifiques ont
affirmé que des problèmes environnementaux subsistaient. Il est
possible d'illustrer cette question avec le cas de la salinité des eaux
du fleuve Colorado de 1962 qui a augmenté de manière drastique
tout au long de la seconde partie du XXe siècle, à
cause de l'activité humaine (Lillich et Jordan 1974, 229). En effet, les
problèmes de salinité du fleuve Colorado dans les années
1960 et 1970 en amont ont eu un impact négatif à la fois sur les
agriculteurs mexicains qui ne pouvaient utiliser ni l'aval du fleuve, ni l'eau
reçue des États-Unis, trop polluée, et sur
l'économie du Mexique (Carter et al. 2018, 10-11). Ce problème a
été résolu en partie avec la Minute 218 de 1965,
qui devait se terminer en 1970 et exigeait des États-Unis qu'ils
étendent un drain pour réduire la salinité dans le fleuve
(Stanger 2013, 83). L'idée était de définir les
débits maximum du drainage jusqu'au barrage de Morelos afin que cette
eau soit diluée avec l'eau du Colorado (Stanger 2013, 83). Quand vint la
fin de la durée d'application de la Minute, ce problème
de salinité n'était toujours pas résolu et avait toujours
de graves répercussions pour les agriculteurs mexicains. C'est
après de multiples différends entre les autorités
étatsuniennes et le gouvernement mexicain que fut finalement
acceptée la Minute 242 (1973), nommée solution
permanente et définitive au problème international de l'eau
(Carter et al. 2018, 11). Cette Minute obligea les États-Unis à
verser 1 360 000 acres-pieds d'eau au barrage de Morelos pour la
détourner vers les agriculteurs mexicains ; cette eau devait
contenir une quantité minimale de sel. En effet, le niveau de
salinité moyen annuel de l'eau du Colorado livrée au Mexique
devait être de 144 milligrammes par litre par rapport à la
salinité moyenne annuelle des eaux du fleuve dans le sud des Etats-Unis
(Umoff 2008, 80). Aussi, si la quantité d'eau claire fournie
était inférieure, ils devraient livrer la différence en
amont à Morelos (Stanger 2013, 85). Les États-Unis devaient
également continuer de drainer 140 000 acres-pieds d'eau très
salée dans la mer, en aval du barrage de Morelos.
C'est aussi dans ce contexte qu'en 1972, l'Agence de
protection de l'environnement (the Environmental Protection
Agency (EPA)) a souhaité la création du programme de
contrôle de la salinité du bassin du fleuve Colorado.
L'idée était d'améliorer l'irrigation et la gestion de la
végétation ; il s'agissait de développer des
standards de qualité de l'eau pour ce qui est de la salinité
(« Colorado River Basin Salinity Control Program » s.d.).
Ceci devait, par ailleurs, réduire le transport de sel dans l'eau. En
1973, le Forum de contrôle de la salinité du bassin du fleuve
Colorado (the Colorado River Basin Salinity Control Forum),
composé des États bassins du Colorado, a continué de
développer et d'établir les normes de qualité de l'eau
pour la salinité établie en 1972, qui manquaient dans le cadre du
traité sur l'eau de 1944. En 1974, le Congrès a promulgué
la loi sur le contrôle de la salinité du fleuve Colorado en
autorisant la construction et l'entretien des ouvrages de contrôle de la
salinité (« Colorado River Basin Salinity Control
Program » s.d.). Ici encore, l'objectif principal consistait à
demander aux États-Unis de travailler sur la salinité pour
favoriser l'économie nationale et les agriculteurs étatsuniens.
Cette loi aurait aussi pu aider les agriculteurs mexicains même si ce
n'était pas la priorité initiale des États-Unis. En effet,
si un évènement survenait du côté étatsunien
du fleuve, il aurait potentiellement pu avoir un effet sur le côté
mexicain. Les problèmes se produisant dans le bassin supérieur du
fleuve Colorado auraient des répercussions dans le bassin
inférieur. Dans cette mesure, il était essentiel pour le Mexique
que les États-Unis travaillent de leur côté du fleuve
Colorado.
De plus, à la fin des années 1970, la
gouvernance de l'eau mexicano-étatsunienne changea pour inclure de
nouvelles compétences spécifiques afin d'aider les institutions
traditionnelles. En ce sens, la diplomatie de l'eau a permis au Mexique et aux
États-Unis de négocier des décisions liées à
la gestion de l'eau. Cette évolution correspond à celle de
l'IBWC. En outre, l'augmentation des Minutes a introduit une nouvelle
manière de gouverner les eaux frontalières et de résoudre
les problèmes binationaux de salinité, par exemple. De plus,
l'idée de ce procédé d'hydro-diplomatie, mené par
l'IBWC, était de décentraliser le système global. Ceci
permettrait d'ajouter des juridictions à plusieurs niveaux pour traiter
les problèmes directement là où ils se produisent et pour
assurer une résolution efficace des problèmes d'eau à la
frontière (Mumme et al. 2012, 9). Il est plus facile de résoudre
les problèmes de salinité ou de sécheresse des eaux de
Fort Quitman ou de Mexicali, par exemple, si les ingénieurs, les
spécialistes, les analystes et autres intervenants travaillent
directement dans ces villes. Cependant, le Traité de 1944 a
généralement mis beaucoup de temps à résoudre les
problèmes environnementaux liés à l'utilisation de l'eau,
car ni les États-Unis ni le Mexique n'étaient enclins à
agir ou à réagir pour solutionner ces problèmes. Le
principal écueil concernait la pollution de l'eau, par exemple,
principalement causée par l'agriculture, de première importance
tant dans le sud-ouest des États-Unis que dans le nord-ouest du Mexique
(Carter et al. 2018, 1). Ce problème s'est reproduit avant et
après la mise en oeuvre du traité sur l'eau de 1944. Dans cette
mesure, il est possible de penser que les États-Unis et le Mexique
voulaient protéger leur économie et leur agriculture autant que
possible tant que la pollution ne nuisait pas à l'agriculture.
L'Accord de La Paz :
nouveau pas dans la préservation de l'environnement
Pour répondre aux besoins environnementaux dans la
région, les États-Unis et le Mexique ont ainsi trouvé un
terrain d'entente avec l'Accord de La Paz de 1983 concernant la
coopération pour la protection et l'amélioration de
l'environnement dans la zone frontalière (Mumme et al. 2012, 8-9). Comme
son nom l'indique, cet accord porte sur la coopération entre les
États-Unis et le Mexique, la protection de la frontière et, de
fait, de l'eau à la frontière. L'accord comprend dans sa
définition de la frontière une zone de 100 kilomètres de
part et d'autre des frontières intérieures et maritimes entre les
États-Unis et le Mexique (Payan et Cruz 2017, 3). Ceci n'inclut,
cependant, pas toutes les ressources hydriques frontalières (Payan et
Cruz 2017, 3) et, par conséquent, ne permet pas à certains
problèmes d'être résolus ou analysés à
travers cet accord. Ce dernier est une partie intégrante des engagements
multilatéraux entrepris par les États-Unis et le Mexique,
notamment depuis la déclaration de Stockholm des Nations Unies de 1972
(Mumme et Collins 2014, 304). L'Annexe 1 de l'Accord, notamment, porte sur le
travail d'assainissement de l'IBWC, financé par les ministères
des Affaires étrangères des deux pays. Ainsi, l'accord, dans son
article 12, protège la compétence de l'IBWC en ce qui concerne
l'assainissement (Mumme et Collins 2014, 306). Il a été
créé pour augmenter le spectre de résolution des
problèmes de l'IBWC. Cet accord est aussi important que le Traité
sur l'eau de 1944 pour la gouvernance de l'eau à la frontière
entre le Mexique et les États-Unis. Cette coopération mixe enjeux
économique et environnemental puisque les problèmes
environnementaux sont coûteux et dépassent les
bénéfices de l'agriculture, par exemple. Il était donc
nécessaire de réagir afin de revenir à une situation qui
permettrait de préserver et restaurer les ressources hydriques et
l'environnement. De plus, les années 1980 furent une période de
récession pour l'économie étatsunienne. De cette
manière, les États-Unis n'étaient pas enclins à
investir dans la résolution de problèmes environnementaux, mais
plutôt de problèmes financiers. Néanmoins, les
environnementalistes jugeaient les réponses de l'IBWC inadaptées
ou trop lentes à être produites (Mumme et Collins 2014, 306). Ces
derniers critiquaient surtout l'inefficacité de l'Accord de La Paz
malgré les rapports fournis, les réunions et les groupes de
travaux mis en place. En effet, l'Accord était trop faible pour que les
gouvernements mexicain et étatsunien ne priorisent les problèmes
environnementaux à la frontière. Le financement des projets
était également critiqué dans la mesure où les
agences environnementales nationales devaient financer elles-mêmes leurs
projets alors qu'elles étaient personnellement sous-financées
(Mumme et Collins 2014, 305).
Malgré les critiques, l'Accord de la Paz est crucial
pour la prise en compte de l'opinion publique puisqu'il s'agit du premier
accord qui intègre la participation de la population dans les affaires
hydriques (Lee et Ganster 2012, 110). Ainsi, la coopération entre les
populations et l'IBWC permettrait de prendre en compte différents points
de vue sur des problèmes et sur de possibles solutions. Ceci permit une
plus grande légitimité des décisions prises par la
Commission. Par exemple, au début des années 2000, l'USIBWC
établit un nouveau plan qui demandait la consultation des citoyens des
États bassins :
« By 2000, the U.S. Section had drawn up a strategic
plan that favored sustainable development of the water resources in its
jurisdiction and begun to establish new citizen forums in various watersheds
for consultation and advisory purposes » (Mumme et Collins 2014,
317).
Parmi ces forums, il est possible de citer la création
du « Upper Rio Grande (Southern New Mexico & West Texas)
Citizens Forum Meetings » en 1999 qui a facilité l'échange
d'informations entre l'USIBWC et la population sur les activités de la
Commission entre le sud du Nouveau-Mexique et l'ouest du Texas
(« Upper Rio Grande (Southern New Mexico & West Texas) Citizens
Forum Meetings » s.d.). Il est toujours en cours d'utilisation
aujourd'hui. Il est un des forums créés par l'USIBWC qui visent
à rassembler les citoyens, les agences gouvernementales, les
autorités locales et les écologistes pour échanger
efficacement les informations, les besoins urgents ou les problèmes avec
l'USIBWC. Ces forums concernent les communautés bassins des fleuves du
Colorado et du Rio Grande (« Citizens' Forum Meetings »
s.d.) et sont, aujourd'hui, au nombre de cinq.
L'ALENA : des
avancées environnementales grâce à la BECC
En dehors de l'Accord de La Paz, un autre accord fondamental
dans les relations hydriques demeure l'ALENA (Accord de libre-échange
nord-américain), établi en 1994 et remplacé par l'Accord
États-Unis-Mexique-Canada (US-Mexico-Canada Agreement - USCMA)
en 2018 puisqu'il devait contribuer à la résolution des conflits
liés à l'eau et à la conservation des ressources. En
effet, en octobre 1993, grâce à l'ALENA, la BECC, Border
Environment Cooperation Commission, (qui est une branche de l'ALENA)
fut créée, avec la NABD, North American Development
Bank (la banque de développement nord-américaine). Ces deux
institutions devaient, à leur création, s'occuper d'une zone de
100 kilomètres définie par l'Accord de La Paz, qui fut
modifiée par le Congrès étatsunien en 2004. Ce changement
permit à la BECC de gagner en efficacité puisque la région
frontalière dont elle devait s'occuper s'étendait
dorénavant à 100 kilomètres aux États-Unis et
300 kilomètres au Mexique (Payan et Cruz 2017, 3).
Les deux institutions devaient traiter la réparation
des problèmes environnementaux créés dans la zone de
libre-échange frontalière de l'ALENA. En effet, puisque le
libre-échange impliquait une libéralisation des activités
et une utilisation accrue des ressources à la frontière, il
fallait désormais organiser une Commission permettant de
préserver l'environnement. Il s'agit donc de la face environnementale de
l'ALENA (Spalding 1997, 258). La BECC est supposée proposer des
réponses environnementales aux problèmes et la NABD doit
évaluer la faisabilité financière des projets de la BECC,
et fournir une aide financière pour ces projets d'infrastructure
environnementale, s'ils sont valables et recevables (Seelke et Klein 2021, 29).
Ces deux institutions sont inséparables ; elles sont
financées de la même manière par les États-Unis et
le Mexique et chacun des deux pays dispose du même nombre de membres dans
chaque institution (Spalding 1997, 269). Elles ont permis de répondre
à certains besoins dans le domaine des infrastructures hydriques entre
autres (Lee et Ganster 2012, 105) et elles ont été
réclamées par des ONG et ainsi par la société
civile qui a eu un très fort impact (Lee et Ganster 2012, 110-111). En
effet, la BECC est une Commission de coopération constituée
d'intervenants locaux, d'universitaires, de gouvernements locaux, etc. qui
participent à la prise de décision quant aux projets
environnementaux (Lee et Ganster 2012, 111) :
The BECC has a binational board of directors with 10 members,
5 from each country, and decision-making procedures structured to ensure that
the views of states, local communities, and members of the public are taken
into account (Spalding 1997, 270).
Ainsi, la coopération autorise une plus grande
légitimité des décisions et permet de donner une voix
à des individus directement concernés par les problèmes et
projets liés aux ressources hydriques. Les deux Commissions ont permis
de créer plus de 200 projets environnementaux à la
frontière.
Il est important de mentionner l'accord de collaboration entre
la BECC et la WWF en 2009 qui devait permettre de mettre en place un suivi des
impacts et des bénéfices environnementaux des travaux entrepris
par les deux organisations à la frontière. Ils devaient
coopérer dans la préservation de l'environnement dans la
région et mettre en oeuvre une stratégie pour intégrer
tous les acteurs liés par les problèmes environnementaux à
la frontière.
L'une des premières actions entreprises par les deux
organisations n'est autre que la surveillance biologique de la qualité
de l'eau du Rio Grande et du Conchos (une rivière affluente)
(« WWF and BECC have signed an agreement for environmental
conservation and sustainable development of the United States - Mexico border
region » s.d.).
Au travers de cette collaboration, il est possible de
distinguer une véritable envie de la part des États-Unis, du
Mexique et des ONG de préserver leurs ressources hydriques et de
coopérer pour ce faire.
En outre, après la transition de l'ALENA à
l'ACEUM, la loi de mise en oeuvre de l'ACEUM a obligé les membres du
conseil administratif de la NABD à donner la priorité au
financement des projets d'infrastructure environnementale (Seelke et Klein
2021, 29).
Etat des lieux des
problèmes environnementaux dans les années 1990
Les années 1990 ont été une
décennie particulière pour la gouvernance de l'eau entre les
États-Unis et le Mexique. Le Mexique a dû faire face à de
multiples sécheresses de son côté du Rio Grande et n'a pas
pu livrer les 350 000 acres-pieds qu'il était censé fournir aux
États-Unis en cinq ans (Mumme et al. 2012, 17). En outre, comme
expliqué plus tôt, il était possible pour le Mexique de
demander que la dette soit reportée sur le cycle suivant. Cependant,
cela a engendré un problème important entre les deux pays puisque
le Mexique n'a jamais remboursé ou n'a jamais donné les 350 000
acres-pieds d'eau demandés par les États-Unis, comme
expliqué auparavant. Au cours de la décennie suivante, les
agriculteurs texans ont été lésés et ont
invoqué une violation du Traité sur l'eau de 1944 par le Mexique,
qui a déclaré que la sécheresse extraordinaire à
laquelle il avait été confronté était une
circonstance extrême qui lui permettait de ne pas respecter cette partie
du Traité. En ce sens, l'IBWC n'a pas pu résoudre l'impasse dans
laquelle se trouvaient les deux pays. Les ministères des Affaires
étrangères respectifs sont entrés dans ce conflit sans
pouvoir l'arrêter ni le résoudre. Ces tensions se sont
terminées par l'adoption par le Congrès étatsunien d'une
résolution demandant au Mexique de payer sa dette (Mumme et al. 2012,
17). Cela pose la question de savoir si l'IBWC peut encore appliquer le
traité ou non.
En outre, la plupart des désaccords entre les deux pays
sont la conséquence de la non prise en considération, lors de la
signature du Traité de 1944, des questions de qualité de l'eau ou
de préservation de la biodiversité. En ce qui concerne l'eau du
Colorado, les problèmes de salinité aux États-Unis ont
toujours été très importants et désastreux pour le
Mexique. Nicole T. Carter et ses co-auteurs mentionnent
notamment dans leur article sur le partage des fleuves du Colorado et du Rio
Grande que la salinité du Colorado a empêché son
utilisation pour le Mexique : « In the 1960s, salinity in
the Colorado River rose dramatically. Mexico was receiving water that was
too salty for human, livestock, or agricultural uses » (Carter et al.
2018, 10). Même si le constat n'est plus aussi
problématique aujourd'hui, notamment grâce à certaines
Minutes de l'IBWC, puisque l'eau du Colorado reste salée, il
arrive encore que le Mexique se retrouve avec de l'eau non
utilisable, ce qui a été à l'origine de nombreux
problèmes économiques, les agriculteurs ne pouvant pas
l'utiliser.
En effet, comme ces problèmes environnementaux sont de
plus en plus fréquents, l'IBWC doit y faire face et créer des
Minutes pour les régler et spécialement depuis la fin
des années 1990. L'IBWC facilite toujours la résolution des
problèmes liés à l'eau grâce au Traité de
1944.
Le traité de 1944 a d'abord été
signé à des fins économiques. Néanmoins, avec les
problèmes d'eau encore plus récurrents liés à
l'environnement, l'IBWC a finalement commencé à considérer
ces évènements dans les évaluations des politiques mises
en place. Pour résoudre les différends, l'IBWC a également
pris en compte les habitants de la zone concernée par les
problèmes environnementaux et les ONG, comme expliqué dans le
chapitre I.
La préservation des ressources environnementales et
hydriques demeure, aujourd'hui, un enjeu majeur dans une situation de
dérèglement climatique croissant, d'activité humaine
néfaste, de sécheresses qui se multiplient et de perte de
biodiversité dans les eaux, comme l'atteste l'exemple du Colorado
à la frontière États-Unis-Mexique. En effet, Natalie
Triedman l'explique dans son article « Environment and
Ecology of the Colorado River Basin » :
Development projects have altered natural processes related to
the hydrology, ecology, and climate of the basin, which has interfered with
ecological stability and contributed to population declines among many
different plant and animal species (Triedman 2012, 90).
Selon les recherches menées par l'IBWC, les
déchets et les sédiments qui s'écoulent du Mexique vers
les États-Unis et inversement sont à l'origine de
problèmes environnementaux dans la région frontalière. La
capacité des systèmes de traitement des eaux usées n'a pas
évolué en même temps que la croissance rapide de la
population dans la région frontalière. En outre, le
vieillissement des infrastructures d'assainissement existantes a
entraîné une augmentation des problèmes d'entretien, tels
que la rupture des canalisations. Cela signifie que les questions liées
à la pénurie d'eau augmentent de façon exponentielle
partout dans la région frontalière tandis que les anciennes
infrastructures perdent en efficacité (Seelke et Klein 2021, 28). Ceci
est critique dans une zone où l'eau devient un élément
très convoité.
Le cas des eaux
souterraines
Lorsque l'utilisation des eaux du Colorado et du Rio Grande a
été réglementée dans le Traité de 1944, les
eaux souterraines n'ont pas été prises en compte, même si
l'augmentation exponentielle de la population à la frontière a
entraîné de forts abus dans son utilisation, qui ont
débouché sur un stress hydrique dans la région. Comme
mentionné dans l'introduction de ce travail, la population à la
frontière est maintenant estimée à environ 13 millions de
personnes, cela induit l'utilisation accrue de l'eau. C'est pourquoi les
réserves d'eau souterraine du fleuve ont diminué dans le
sud-ouest des États-Unis au cours de la deuxième moitié du
XXe siècle (Burman et Cornish 1975, 387). Ces
dernières années, il est donc apparu nécessaire de
réglementer l'utilisation des eaux souterraines à la
frontière puisqu'elles sont utilisées des deux
côtés. En outre, le drainage des eaux souterraines détruit
les réserves de ces eaux ainsi que les terres d'où l'eau est
tirée. Le secteur agricole en Arizona et en Californie notamment a
été considérablement affecté par les
sécheresses successives (Burman et Cornish 1975, 387). De plus, les
problèmes de salinité dans le fleuve Colorado étant
récurrents, les agriculteurs préfèrent utiliser les eaux
souterraines pour irriguer leurs champs. Ceci génère un
problème encore plus important : la quantité d'eau
souterraine diminue rapidement et il faut du temps avant qu'elle ne retrouve
son niveau initial. De plus, l'eau utilisée par des agriculteurs se
retrouve finalement dans les affluents les plus proches, qui finissent
pollués par les produits utilisés par ces derniers. C'est
pourquoi, après un traité concernant l'eau des fleuves
frontaliers, les États-Unis et le Mexique ont besoin d'un nouvel accord
pour garantir une utilisation des eaux souterraines plus respectueuse de
l'environnement et parvenir à réglementer et limiter cette
utilisation.
Aujourd'hui, les mouvements sociaux environnementaux et les
ONG sont devenus des éléments importants dans la région.
Ces nouvelles institutions et ces mouvements sociaux sont
particulièrement intéressants dans la mise en place de
Minutes environnementales comme il sera étudié dans la
prochaine partie.
L'impact du public sur les politiques hydriques
Un élément crucial dans la mise en place de
politique hydrique demeure la participation de la population dans la prise de
décision qui la rend plus légitime et peut permettre, à
terme, d'obtenir des résultats plus convaincants. En effet, la
population vivant à proximité des rivières en question
connaît les problèmes et peut apporter des informations aux
décideurs. De plus, l'intervention du public peut permettre une
meilleure intercompréhension et une meilleure coopération pour
répondre aux attentes de toutes les parties (Lee et Ganster 2012, 106).
Il est notamment possible de citer les ONG qui ont joué un rôle
important dans la mise en oeuvre de la Commission de coopération
environnementale, de la Commission nord-américaine de
développement et de la Commission de Coopération Environnementale
Frontalière (Lee et Ganster 2012, 110). Selon Lee et Ganster, la mise en
oeuvre de ces organismes nécessitait l'intervention du public, que ce
soit les citoyens des zones frontalières ou certains gouvernements
locaux, pour prendre les décisions à la frontière.
Néanmoins, selon Lee et Ganster une diminution des ONG est
constatée à la frontière :
« The presence of border NGOs has significantly
declined over the past 15 years and poses a major barrier to public
participation. Lack of funding and capacity has reduced NGO involvement in the
border program » (Lee et Ganster 2012, 125).
Ce phénomène est causé par un manque de
financement de ces ONG qui implique une diminution de la possibilité
pour la population d'avoir une voix afin d'intervenir dans les décisions
hydriques prises à la frontière. Malgré tout, depuis les
années 2000, on retrouve une recrudescence de Minutes qui ont
été mises en oeuvre par l'IBWC se concentrant ou prenant en
compte l'environnement, influencés par les ONG et la
société civile, comme il sera étudié dans la
prochaine partie.
PARTIE III - L'environnement : de plus en plus important
dans les Minutes
Le XXIe siècle marque une nette
évolution des Minutes par rapport au siècle
précédent, avec l'ajout d'un aspect environnemental à la
résolution des problèmes hydriques. Quatre Minutes en
particulier me semblent d'autant plus cruciales qu'elles montrent la
modification des prérogatives et du poids de la société
civile et des ONG. Ces Minutes permettent également de voir un
changement dans la considération des problèmes environnementaux
et du besoin croissant d'y remédier.
Pour résumer, entre la Minute 306, datant de
2000, et la Minute 316 de 2010, il est possible de constater une
évolution dans la mesure où la Minute 306 se focalise
sur la mise en place d'un cadre tandis que la Minute 316 met en oeuvre
des solutions en faveur de l'environnement sur la rivière du Colorado.
La Minute 319 de 2012, quant à elle, représente le point
culminant des relations hydriques entre les États-Unis et le Mexique
avec la mise en place d'un programme de surveillance écologique dans la
rivière du Colorado. Il sera question, dans un troisième
chapitre, de la Minute 323 de 2017 qui constitue l'extension de la
Minute 319 et met en oeuvre un programme de coopération pour la
gestion des problèmes environnementaux sur la rivière
Colorado.
Chapitre I - Minutes 306 et 316 : de la mise en place de
cadre à la mise en oeuvre de solutions environnementales dans la
rivière du Colorado
La
Minute 306
La Minute 306 est primordiale dans l'hydro-diplomatie
entre les États-Unis et le Mexique. En effet, cet amendement,
nommé « conceptual framework for United States-Mexico
studies for future recommendations concerning the riparian and estuarine
ecology of the limitrophe section of the Colorado River and its associated
delta », met en place un cadre de coopération pour des
études écologiques du fleuve Colorado. Ce cadre a notamment
été réutilisé dans l'application d'autres
Minutes, telles que la Minute 319, comme il sera possible de
le voir plus loin.
Cette Minute fut signée en 2000, à une
époque où les préoccupations environnementales
s'accentuaient à la frontière, et particulièrement
concernant le delta du Colorado, au Mexique (Bussey 2018, 162). En effet, le
problème du manque d'approvisionnement en eau dans la zone du delta
causé par une agriculture intensive, par exemple, devait être
résolu grâce à la Minute 306.
Analyse de la Minute 306
Il est important de souligner que la Minute 306 fut
signée après de nombreuses discussions et avec l'implication sans
précédent d'ONG, telle que Defenders of Wildlife,
mentionnée plus tôt. Cela devait permettre de définir les
besoins de l'habitat des espèces marines et sauvages dans le delta
(Lewis 2019, 237) afin de les protéger ou les préserver au mieux.
Il s'agissait, pour cette Minute, de faire coopérer les
organisations gouvernementales (IBWC et CILA), non gouvernementales, les
populations et les associations prenant parti, dans le but d'obtenir le
meilleur résultat et de tenter de résoudre certains
problèmes dans le fleuve du Colorado. Il est notamment mentionné
dans le document de cette Minute qu'elle devait mettre en place un
forum de discussion et de coopération entre les organisations
gouvernementales et non gouvernementales :
« That the Commission shall support the binational
technical task force by establishing a forum for the exchange of information
and advice among government and non-government organizations with an interest
in the affected area » (IBWC 2000).
Ainsi, elle devait permettre un forum de discussion, en amont,
pour mettre en commun les résultats et entamer les études
écologiques (Stanger 2013, 88). Cette Minute marque également un
changement dans la place des ONG et des communautés limitrophes des
fleuves qui devient primordiale pour la mise en place de solutions hydriques
bénéfiques pour l'environnement et les populations.
La Minute 306 est aussi la première à
traiter directement du delta et à s'y intéresser puisque,
jusqu'alors, il n'était traité que par le Mexique (étant
situé sur son territoire). Le delta du Colorado se jette dans le golfe
de Californie au Mexique. La situation dans la région s'est
dégradée au fil du temps jusqu'à ce que l'eau ne rejoigne
plus la mer. En effet, la construction de barrages, tels que le Hoover
Dam en 1936 ou le barrage de Morelos dans les années 1950, et de
structures de déviation des débits du Colorado vers les villes et
vers les espaces agricoles au Mexique, ont ainsi contraint les flux à
dévier de leurs cours normal dans le delta. Ceci a fortement
amenuisé la quantité d'eau à cet endroit (Vanderpool
2018).
Le compte-rendu de la Minute 306 atteste notamment de
l'importance du delta dans la mesure où elle vise à inspecter
l'effet des débits sur l'environnement du Colorado, de la
frontière entre les États-Unis et le Mexique jusqu'au delta,
grâce à un groupe de travail technique binational (IBWC 2000).
Ainsi, comme l'explique Stephen Mumme dans son article
« The case for Adding an Ecology Minute to the 1944 United
States-Mexico Water Treaty », la Minute 306 a permis la
réalisation d'études, d'enquêtes et d'analyses binationales
sur le delta du Colorado pour contrôler les inondations dans la partie
mexicaine du fleuve (Mumme 2002, 252). En effet, cette Minute a
été créée afin de mettre en place un cadre pour
faire coopérer les deux branches de l'IBWC (CILA et USIBWC) dans des
études écologiques du delta.
Ces caractéristiques sont typiques de
l'hydro-diplomatie telle que définie dans la première partie de
ce travail.
La
Minute 316
Pour ce qui est de la Minute 316, elle fut
signée entre les États-Unis et le Mexique en 2010 avec la mise en
oeuvre de mesures de coopération. Il est ainsi possible d'observer une
modification du sujet principal des Minutes passant de la mise en
place d'un cadre de coopération avec la Minute 306 à la
mise en oeuvre de mesures de coopération effective avec la
Minute 316. C'est notamment ce qu'explique Stanger :
« until the adoption of Minute 316, ecological
concerns were limited to creating frameworks, exploring possibilities, and
setting up studies and plans - common themes in international environmental
law » (Stanger 2013, 90).
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ce
changement. Il rappelle notamment qu'avant la Minute 316, il ne
s'agissait que de créer des cadres et d'explorer les
probabilités. Ainsi, l'engagement environnemental effectif qui se
dégage de cette Minute a permis d'influencer les
Minutes suivantes, dont la Minute 319.
Cette Minute est intitulée :
« Utilization of the Wellton-Mohawk bypass drain and necessary
infrastructure in the United States for the conveyance of water by Mexico and
non-governmental organizations of both countries to the Santa Clara wetland
during the Yuma desalting ». Il s'agit donc d'une recommandation
pour la mise en place de mesures de coopération pour maximiser les
bénéfices liés au projet de l'usine de dessalement de
Yuma, en Arizona.
Il est opportun de se souvenir que l'usine de dessalement de
Yuma a d'abord été créée dans les années
1970, sous l'autorité du Colorado River Basin Salinity Control Act
de 1974 (« Yuma Area Office » s.d.), pour traiter les
eaux agricoles très fortes en sel qui s'écoulaient vers le
Mexique par le drain de Wellton-Mohawk (Udasin 2021) :
« The purpose of the Yuma Desalting Plant is to save
water for beneficial use while desalting sufficient drainage returns from the
Wellton-Mohawk Irrigation and Drainage District in Arizona, in order to
maintain salinity levels » (« Yuma Area Office » s.d.).
Cette eau était destinée aux livraisons d'eau
vers le Mexique afin de préserver la quantité d'eau dans le lac
Mead ainsi que de dessaler suffisamment les retours du drain de Wellton-Mohawk
en détournant les flux. En détournant les eaux agricoles vers une
zone asséchée, elle a permis de créer la zone humide de
Cienega à Santa Clara, dans le delta (Udasin 2021). La zone humide de
Cienega est, aujourd'hui, très importante, par sa taille et pour sa
biodiversité, pour le delta (Bureau of Reclamation 2009).
Ainsi, l'idée de la Minute 316 était de
continuer à faire coopérer les deux pays avec l'usine de
dessalement pour préserver la zone humide.
Analyse de la Minute 316
Cette Minute a approuvé le
« Joint Report of the Principal Engineers Concerning U.S.-Mexico
Joint Cooperative Actions related to the Yuma Desalination Plant Pilot Run and
the Santa Clara Wetland » qui visait, pour les
États-Unis, le Mexique ainsi qu'une coalition d'ONG, à fournir
chacun 10 000 acres-pieds d'eau vers la zone humide de Santa Clara (au Mexique)
en passant par le canal de dérivation étatsunien de
Wellton-Mohawk (Lewis 2019, 237) (IBWC 2010). Ce canal est situé au sud
de l'Arizona, dans le désert de Sonora, et sert aujourd'hui à
irriguer la région avec l'eau du Colorado ainsi qu'à drainer les
flux du Colorado vers l'océan. Par cette initiative, la Minute
a approuvé l'utilisation du « Wellton-Mohawk Bypass
Drain » qui devait permettre au Mexique et aux ONG d'utiliser le
drain étatsunien de Wellton-Mohawk pour transporter l'eau vers Santa
Clara (« The United States and Mexico Bi-National Negotiations
on the Colorado River » s.d.).
Ici encore, des instances hydriques étatsuniennes ont
eu une forte influence sur la Minute :
« The Metropolitan Water District of Southern
California (MWD), Southern Nevada Water Authority (SNWA), and Central Arizona
Water Conservation District (CAWCD) have requested that the U.S. Bureau of
Reclamation (Reclamation) conduct a Pilot Run of the YDP and are considering
providing some funds needed for operation » (IBWC 2010).
En effet, un des objectifs de la Minute 316 visait à
analyser l'effet du projet de dessalement sur la zone humide de Santa Clara au
Mexique et de limiter les impacts potentiels d'une salinité trop
importante, comme souhaité par les entités citées plus
haut (Bussey 2018, 162). Ainsi, la Minute a permis de faciliter le
suivi des gestions possibles des zones humides, dont celle de Santa Clara pour
le futur (Lewis 2019, 238). Il s'agissait donc de travailler sur la gestion du
delta sur le long terme plutôt que de répondre sur le court terme
à un problème qui se reposerait dans le futur (qui est le manque
d'approvisionnement dans le delta du Colorado).
L'introduction de cette Minute permet de comprendre
la différence entre la Minute 306 et 316, mais elle permettra
surtout de constater leur utilisation dans les Minutes 319 et 323. En
outre, le delta est devenu une partie non négligeable du travail de
l'IBWC. La Minute 319, dans la section III.6 par exemple, reconnait le
cadre de coopération de la Minute 306 et la bonne
coopération avec la Minute 316.
Chapitre II - Minutes 319 : point culminant des relations
hydriques entre les États-Unis et le Mexique et mise en place d'un
programme de surveillance écologique
La
Minute 319
Pour ce qui est de la Minute 319 (Interim
international cooperative measures in the Colorado River Basin through 2017 and
extension of minute 318 cooperative measure to address the continued effects of
the April 2010 earthquake in the Mexicali Valley, Baja California), elle
est d'autant plus cruciale qu'elle met en commun l'eau entre les
États-Unis et le Mexique en cas de sécheresse, ou de tout autre
problème hydrique ne permettant pas un approvisionnement suffisant en
eau, comme avec le lac Mead. Ce lac, situé dans les États de
l'Arizona et du Nevada, est une réserve d'eau formée par le
Hoover Dam sur le fleuve Colorado (« Lake Mead »).
Le niveau de cette réserve a atteint 325,4 mètres (1067,65 pieds)
à la fin de 2021 alors qu'il était de 1 220 pieds (372
mètres) en 2000 (« Lake Mead to a Record Low »
s.d.). Il est ainsi possible de constater que la diminution du niveau de cette
réserve est drastique et nécessite de s'en préoccuper pour
qu'elle puisse conserver sa fonction d'approvisionnement.
Cette Minute date de 2012 et permet notamment,
à travers sa section III.7, des projets et des missions d'enquête
binationale pour la restauration, la conservation du Colorado et le stockage
des allocations d'eau pour le Mexique dans des retenues localisées aux
États-Unis (cf. lac Mead).
Elle est l'extension des mesures prises dans la
Minute 318. Ce sont des mesures coopératives prises dans le
contexte des effets du tremblement de terre dans la vallée de Mexicali,
qui avait eu lieu en 2010 (IBWC 2012).
Analyse de la Minute 319
Cette Minute est un programme pilote de cinq ans qui
s'attache à traiter la pénurie croissante dans le fleuve du
Colorado (Ingram 2004, 164) et qui a été recommandé par le
groupe de travail de la Minute 306. Au commencement des
négociations, toutefois, les États bassins ne pouvaient pas y
participer officiellement, même si les représentants
fédéraux pouvaient les consulter. Les États bassins du
Colorado sont l'Arizona, la Californie, le Colorado, le Nevada, le
Nouveau-Mexique, l'Utah et le Wyoming du côté des
États-Unis et de Basse Californie et de Sonora au Mexique (Carter et al.
2017, 9). Aussi, les volontés de l'IBWC et des États bassins
étaient divergentes puisque la Commission souhaitait rester la seule
organisation capable d'avoir un impact sur les prises de décisions
concernant les eaux partagées alors que les États bassins avaient
des intérêts à protéger leurs ressources et devaient
pouvoir avoir une voix dans la décision finale (Rivera-Torres et Gerlak
2021, 562).
Néanmoins, l'IBWC a finalement permis aux États
bassins de participer aux négociations (Rivera-Torres et Gerlak 2021,
562). C'est ainsi que les discussions pour cette Minute se
déroulèrent entre le Bureau of Reclamation, les
États bassins du Colorado, des ONG, la USIBWC, la Comisión
Internacional de Límites y Agua et des entités plus locales
(Ingram 2004, 172). Ces discussions ont débouché sur la
Minute 319 qui devait être la combinaison de la
coopération entre tous ces acteurs, de leur avis et expertise sur la
situation du fleuve Colorado. Il est ainsi aisé de comprendre le nouvel
enjeu lié aux acteurs non gouvernementaux dans la prise de
décision pour la préservation et la restauration du Colorado.
Cette Minute, comme la Minute 316, oeuvre
pour le delta du Colorado mais, cette fois, plus que de travailler sur des
probabilités, la Minute 319 a permis de répondre
effectivement à un besoin environnemental. En effet, elle a aidé
à restaurer le delta du Colorado et la biodiversité dans la zone.
L'utilisation des débits était ainsi purement environnementale
(Rivera-Torres et Gerlak 2021, 562).
Le programme pilote pour restaurer certaines zones du Colorado
consistait à utiliser divers types de débits afin de reproduire
les conditions de développement de la rivière. Il était
donc question de faire cohabiter des petits lâchers d'eau
périodiques (Base Flow) et d'autres grands lâchers d'eau
simulant des inondations naturelles (Pulse Flow) (Lewis 2019, 239).
L'apport d'eau dans le fleuve devait ainsi favoriser sa restauration et, par
extension, sa conservation dans la mesure où les débits
pulsés (grands lâchers d'eau) visaient à restaurer la
végétation dans le Colorado en remettant en place les
critères pour le développement de la biodiversité au
moment voulu (Lewis 2019, 241). De plus, comme l'explique Lewis, un
débit pulsé a été libéré au barrage
Morelos en Basse Californie, en 2014, pour simuler une crue naturelle, qui
avait eu lieu pendant des millénaires au printemps mais qui ne se
produisait plus. En effet, l'IBWC livra de l'eau au barrage pendant huit
semaines consécutives, entre mars et mai 2014. Il est donc possible de
constater l'efficience de la Minute 319 dans la mesure où la
coopération de la Secrétaire de l'Intérieur
étatsunienne et le Secrétaire mexicain à l'Environnement
et aux Ressources naturelles a permis au Colorado, pour la première fois
depuis presque 20 ans, de finalement atteindre le golfe de Californie (Lewis
2019, 240). Le programme envisageait d'utiliser 158 088 acres-pieds sur cinq
ans (IBWC 2012).
De plus, cette Minute devait permettre le stockage
d'eau pour le Mexique dans des retenues étatsuniennes. C'est le cas avec
le lac Mead, entre autres. Cela démontre aussi un niveau de confiance et
de coopération jamais atteint auparavant entre les États-Unis et
le Mexique (Rivera-Torres et Gerlak 2021, 562). En effet, l'idée pour le
Mexique était de pouvoir utiliser l'eau qu'il a stockée dans les
retenues étatsuniennes en cas de sécheresses ou de
problèmes ne permettant pas un approvisionnement correspondant aux
attentes. Cependant, pour ce qui est du lac Mead, en revanche, si le niveau
d'eau est trop faible, le Mexique ne peut pas demander la fourniture d'eau. De
la même manière, si le niveau d'eau est trop élevé,
le Mexique ne peut pas non plus placer d'eau dans la retenue (Stranger 2013,
92). La coopération entre les deux pays était ainsi
nécessaire pour le bon fonctionnement de la Minute et des
retenues d'eau.
En effet, un objectif de la Minute 319 était
de coordonner les opérations du bassin dans des conditions de
réserves élevées du lac Mead pendant une période
intérimaire afin d'avantager les deux nations (IBWC 2012). Cette
coopération permet des livraisons supplémentaires d'eau,
provenant des États-Unis, à destination du Mexique lorsque
l'élévation du lac Mead était supérieure à 1
145 pieds par rapport au niveau de la mer (349 mètres) et que l'eau en
amont est disponible pour le bassin inférieur des États-Unis
(IBWC 2012). En résumé, le Mexique pourrait disposer d'un
approvisionnement supplémentaire d'eau du Colorado si la quantité
de cette eau en amont était suffisante pour fournir l'aval aux
États-Unis et, par la suite, la partie mexicaine du fleuve. Il est,
néanmoins, possible de penser que les sécheresses auxquelles le
Colorado est confronté en amont ne permet pas nécessairement de
fournir une quantité supplémentaire autre que les 1 500 000
acres-pieds requis par le Traité de 1944 (cf. la faible quantité
d'eau dans le lac Powell).
En revanche, lorsque l'élévation du lac Mead, au
1er janvier, était égale à 1 075 pieds par
rapport au niveau de la mer (327,7 mètres), la quantité d'eau
reçue par le Mexique était amputée de 50 000
acres-pieds ; de 70 000 acres-pieds lorsque l'élévation du
lac était inférieure à 1 050 pieds par rapport au niveau
de la mer et de 125 000 acres-pieds lorsque l'élévation du lac
devait être inférieure à 1 025 pieds (IBWC 2012). Ces
propositions visent ainsi à stabiliser la quantité d'eau de la
retenue du lac Mead. La quantité d'eau supplémentaire
reçue par le Mexique est fonction de la quantité du lac par
rapport à la moyenne pour tenter de maintenir une quantité
minimale dans le lac.
Un autre point fondamental de cette Minute est
l'intégration effective d'ONG dans les parties prenantes devant fournir
de l'eau. En effet, une coalition d'ONG a été fondée en
2008 et a créé le Colorado River Delta Water Trust
(Buono et Eckstein 2014, 273). L'objectif de cette coalition était
d'utiliser les fonds pour des projets de restauration de l'habitat dans le
delta du Colorado. Elle devait aussi acheter ou louer les droits en eau
à des agriculteurs dans la vallée de Mexicali (Clay s.d.). L'eau
ainsi achetée devait permettre de fournir le delta pour la
première fois depuis plusieurs décennies en passant par des
infrastructures préexistantes (Postel 2017, 33). Ce projet a
également pleinement mis en avant les entreprises ayant contribué
au soutien du projet (« Understanding
« Sufficiency » : The Colorado River Delta :
Overdrawn and Dried up (2014) » s.d.).
L'institut de Sonora explique notamment que les ONG ont
été indispensable pour mettre en place la Minute :
« Through the NGO's coalition persistence in
representing the environment in these negotiations, they have at last succeeded
in achieving their goal to bring water and life back to the Delta with the
passing of Minute 319 » (Zamora s.d.).
Ainsi, les débits fournis pour la restauration et la
préservation du Colorado et de son delta ne proviendraient pas
uniquement de l'IBWC mais également des ONG qui auraient,
dorénavant, une responsabilité importante dans cette
préservation (Rivera-Torres et Gerlak 2021, 561).
Chapitre III - Minutes 323 : mise en oeuvre d'un
programme de coopération pour la gestion des problèmes
environnementaux
La
Minute 323
Finalement, il est question de la Minute 323 qui
n'est autre que l'extension de la Minute 319 visant à
davantage de coopération pour la gestion des retenues d'une part, et
pour mettre en place un plan d'urgence en cas de pénurie et de
réduction des risques d'autre part. Elle date de 2017 et fait
écho à la pénurie d'eau dans le fleuve Colorado.
L'amélioration de la végétation et de
l'écosystème dans le delta du Colorado grâce à la
Minute 319 a notamment été reconnue dans la
Minute 323 (Mumme 2002, 242).
Ainsi, la Minute vise à clarifier les
conditions de partage d'eau en cas de pénurie et à permettre la
mise en oeuvre de projets environnementaux et d'infrastructure (Bussey 2018,
159). À titre d'exemple, comme pour la Minute 319, lorsque
l'élévation du lac Mead, au 1er janvier, est
située entre 1 145 et 1 170 pieds par rapport au niveau de la mer (327,7
mètres), le Mexique doit recevoir 40 000 acres-pieds
supplémentaires ; 55 000 acres-pieds lorsque
l'élévation du lac est entre 1 170 et 1 200 pieds par rapport au
niveau de la mer ; 80 000 acres-pieds lorsque l'élévation du
lac est égale ou supérieure à 1 200 pieds et 200 000
acres-pieds en cas de crues du Colorado (IBWC 2017). En cas
d'élévation trop faible du lac Mead, l'apport d'eau au Mexique
reste le même que sous la Minute 319 (IBWC 2017).
Analyse de la Minute 323
La Minute 323 reprend des éléments de
la Minute 306, notamment en ce qui concerne la coopération
écologique dans le delta du Colorado. Elle rappelle également les
résultats obtenus par la Minute 319 pour ce qui est du
programme pilote pour l'amélioration de la végétation, de
la faune et des conditions dans le delta (IBWC 2017).
Il est possible de souligner que la Minute 323
reprend la Minute 319, mais sur un plus long terme ; cette Minute
dure neuf ans et doit s'étendre jusqu'en 2026. Encore une fois, les
États-Unis et le Mexique devront coopérer avec une coalition
d'ONG pour partager la fourniture des débits d'eau environnementaux
(Mumme 2002, 243) (IBWC 2017). Cette coalition, nommée Raise the
River, est composée de six ONG étatsuniennes et six
mexicaines (« Minute 323 - A U.S.-Mexico agreement on water that
benefits all » 2017). Par ce biais, 210 000 acres-pieds devront
être fournis pour le delta et 9 millions de dollars seront alloués
pour la recherche scientifique. La surveillance de la rivière devra
aussi être accentuée ainsi que le financement de projets de
restauration de canaux et des infrastructures vieillissantes. Cette
Minute et les projets mis en place devraient permettre aux
États-Unis et au Mexique de répondre aux attentes
d'approvisionnement et aux débits environnementaux jusqu'en 2026 (Mumme
2002, 243).
Les représentants des États ainsi que des ONG
devront également coopérer dans la perspective d'identifier les
sources d'eau et de mobiliser les fonds pour répondre aux attentes en
eau. Ils devront aussi vérifier les efforts de restauration de la zone
et de distribution de l'eau durant ces neuf années (IBWC 2017).
La minute met en place, dans la section IV, le plan binational
d'urgence en cas de pénurie d'eau (Binational Water Scarcity
Contingency Plan) qui conduira les deux pays à réduire les
volumes d'eau supplémentaires en fonction des élévations
du lac Mead (IBWC 2017) :
« the Commissioners noted the interest in adopting a
Binational Water Scarcity Contingency Plan that provides for each country to
save specified volume of water at certain low reservoir elevations for recovery
at a later date when reservoir conditions improve » (IBWC 2017).
Ce plan permettrait de résoudre
les problèmes liés à l'élévation du lac Mead
et tous les autres problèmes environnementaux et hydriques liés
en permettant aux deux nations d'avoir accès aux eaux du lac Mead
lorsqu'elles seraient en quantité suffisante.
Tableau 3 : Les économies en eau mexicaines
pour le BWSCP
Source : IBWC. Minute no. 323 - Officials with the
International Boundary and Water Commission, United States and Mexico, today
announced the conclusion of a new Colorado River Agreement, Minute 323,
«Extension of Cooperative Measures and Adoption of a Binational Water
Scarcity Contingency Plan in the Colorado River Basin». 27 septembre
2017.
Le
Tableau 3 (« Les
économies en eau mexicaines pour le BWSCP ») montre les
économies en eau que doit faire le Mexique en fonction de
l'élévation du lac Mead pour contribuer au Plan d'urgence
binational. Ainsi, lorsque la projection de l'élévation du lac
Mead au 1er janvier est égale ou inférieure à 1
090 et supérieure à 1 075 pieds par rapport au niveau de la mer,
le Mexique doit économiser 41 000 acres-pieds. De la même
manière, lorsque la projection est égale ou inférieure
à 1 025 pieds par rapport au niveau de la mer, le Mexique doit
économiser 150 000 acres-pieds. Ces économies sont
réalisées en cas de pénuries d'eau dans le bassin
inférieur des États-Unis et sont récupérables
lorsque les conditions du lac Mead s'améliorent (IBWC 2017). Ceci
signifie cependant que si la pénurie se prolonge sur plusieurs
années, le Mexique doit continuer d'économiser une certaine
quantité d'eau sans pouvoir la récupérer.
Un autre point important de cette Minute concerne la
salinité. En effet, la Minute propose que le Mexique continue
d'utiliser le canal de Wellton-Mohawk, comme dans la Minute 319, pour
transporter la quantité d'eau appropriée tant que cela ne nuit
pas aux opérations hydriques étatsuniennes (IBWC 2017).
L'objectif pour le Mexique est de respecter les limites de salinité
notifiées dans la Minute 242, mentionnée plus haut dans
ce travail, soit une salinité de 144 milligrammes par litre par rapport
à la salinité moyenne annuelle de la zone (Umoff 2008, 80), afin
de la préserver.
Les éléments présentés ci-dessus
montrent une implication de plus en plus marquée des ONG dans la prise
en charge des problèmes hydriques et dans leur résolution
à la frontière États-Unis-Mexique. La reprise des
Minutes 306 et 319 dans cette Minute laisse présumer
de la réussite de ces dernières. En effet, la Minute 323
souhaite utiliser les résultats positifs obtenus par les
Minutes précédentes tout en intensifiant la prise en
charge de l'environnement dans ces décisions.
Ainsi, l'ensemble des Minutes
présentées ci-dessus montrent que l'aspect environnemental est
devenu aussi important que la répartition des eaux du Colorado. L'ajout
de parties prenantes, telles que les ONG ou les États et les
populations, dans la prise de décision de l'IBWC marque également
un changement dans la prise en charge des problèmes hydriques. Les
réponses sont de plus en plus adaptées et efficientes puisque les
décisions sont prises grâce à la coopération de
différents acteurs touchés de près ou de loin par le
problème en question.
La Minute 323 correspond à l'avancée la
plus importante pour l'IBWC dans le domaine des problèmes
environnementaux dans les eaux frontalières. Il est ainsi possible de
conclure que les Minutes 306 et 316 ont mis en place des cadres de
coopération qui ont servi aux Minutes suivantes pour mettre en
oeuvre des réponses efficaces sur le long terme.
CONCLUSION
Jusqu'à la fin du XXe siècle, la
question environnementale n'était pas centrale dans la prise en charge
des problèmes hydriques par l'IBWC. De la même manière, les
agents non gouvernementaux tels que les ONG, les habitants des États
bassins et les États eux-mêmes ne faisaient pas partie du
processus de décision de la Commission.
Ainsi, ce travail s'inscrit dans une réflexion sur
l'intégration d'entités non gouvernementales dans la prise de
décision de l'IBWC. L'étude de la littérature sur
l'hydro-diplomatie à la frontière États-Unis-Mexique m'a
permis de constater l'impact récent des ONG qui a notamment
favorisé l'adaptabilité de la Commission aux questions
environnementales, même si les réponses ne sont pas toujours
optimales pour la préservation ou la restauration des ressources
hydriques.
L'objectif pour ce mémoire était de donner une
définition générale de l'hydro-diplomatie et des concepts
liés, puis de voir en quoi l'hydro-diplomatie à la
frontière États-Unis-Mexique permettrait de répondre, ou
non, aux problèmes hydriques environnementaux dans les fleuves du
Colorado et du Rio Grande. L'évolution de l'IBWC jusqu'à nos
jours conduit à constater une prise en considération de l'aspect
environnemental, notamment grâce aux Minutes
créées depuis 2000 qui ont permis de réapprovisionner
le delta du Colorado qui n'avait plus atteint l'océan depuis plusieurs
décennies. En effet, un nombre important de Minutes, entre la
Minute 306 de 2000 et la Minute 323 de 2017, ont
démontré une implication de plus en plus importante des ONG, mais
également une implication plus forte de la Commission dans la mise en
oeuvre de programmes de coopération en faveur de la gestion des
problèmes environnementaux à la frontière. En effet,
lorsque la Commission ne considérait que l'avis d'experts, il est
possible de penser que les réponses apportées pouvaient favoriser
un État ou un secteur économique puissant plutôt que
bénéficier aux populations locales.
La gouvernance adaptative de l'IBWC, à travers
l'intégration des populations et des ONG dans le processus
décisionnel, qui permet de rassembler une multitude de connaissances
applicables aux problèmes et menant des solutions plus efficaces, est
indissociable de la gestion intégrée des ressources en eau. En
effet, l'idée de la Commission est aujourd'hui de faire participer une
multitude de décideurs, tels que les riverains et les ONG, pour parvenir
à des solutions les plus satisfaisantes pour toutes les parties
prenantes.
Cette recherche apporte une analyse environnementale à
l'étude des projets de l'IBWC. Elle contribue à l'étude de
l'évolution de l'environnement et de la volonté de
résoudre les problèmes hydriques entre les États-Unis et
le Mexique.
L'analyse finale de quatre Minutes a également
permis de mettre à jour l'implication grandissante d'ONG dans la mise en
oeuvre de solutions environnementales. On constate dorénavant une
coalition d'ONG qui verse des fonds et réapprovisionne certaines zones
du Colorado, entre autres, en eau utilisable.
L'eau dans cette région, comme dans de nombreuses
autres, est un enjeu crucial. L'augmentation constante de la population dans la
région implique des problèmes de pollution liée à
l'agriculture intensive ou aux industries minières, de pénurie et
par là même de sécheresses récurrentes qui impactent
l'environnement et les populations frontalières et nécessitant
des solutions qui permettraient de préserver et de restaurer les
ressources de la zone. De plus, la modernisation des infrastructures hydriques
des deux côtés de la frontière grâce et par l'IBWC a
entraîné plus de coopération entre les États-Unis et
le Mexique et notamment avec la Minute 319 qui a proposé
l'utilisation conjointe de certaines retenues et de drains étatsuniens
pour traiter le problème de la salinité dans le Colorado, par
exemple.
Malgré cette coopération actuelle, il
était important d'étudier la diplomatie de l'eau entre les
États-Unis et le Mexique qui implique l'analyse de la diplomatie et de
l'histoire entre les deux pays. En effet, cela permet de comprendre les
potentielles retenues de ces derniers dans une coopération en faveur de
l'environnement, entre autres. La thématique des problèmes
environnementaux à la frontière et de la résolution de ces
derniers est devenue prépondérante dans une zone qui a
été source de nombreux conflits au fil du temps.
Il est important de distinguer un lien entre les relations
diplomatiques et les relations hydriques entre les deux pays puisqu'à
l'époque où le Traité de 1944 a été
signé, l'interventionnisme des États-Unis au Mexique et la peur
de perdre son identité mexicaine mettait en péril la
coopération souhaitée entre les deux pays. Il y avait un conflit
d'intérêt entre les deux pays.
Une question soulevée par ce travail est celle de
l'apparition de l'hydro-diplomatie dans les relations entre les
États-Unis et le Mexique. En effet, beaucoup d'auteurs déclarent
que le Traité marque le premier pas dans l'hydro-diplomatie entre les
deux pays alors qu'il ne s'agissait que de la gestion et de la
répartition des eaux entre différents États et qu'il
n'incluait aucunement un aspect environnemental à sa création.
Ainsi, il est possible de penser que l'hydro-diplomatie, définie comme
une coopération environnementale entre des États limitrophes de
rivières, est apparue après la signature du Traité de La
Paz de 1983 qui intégrait effectivement l'aspect environnemental.
En outre, une conclusion à laquelle il est possible de
parvenir à travers ce travail est l'impact ambigu de l'ALENA sur les
ressources hydriques à la frontière. En effet, même si cet
accord a permis la création d'une banque de développement et un
accord de coopération dans le domaine de l'environnement qui ont
favorisé la mise en place de projets environnementaux et de
préserver certains secteurs liés à l'environnement, la
mise en place d'une zone de libre-échange et donc l'impossibilité
pour les États de gérer leurs ressources, avec des entreprises
qui s'établissent dans la région, a entraîné des
conséquences négatives pour les ressources hydriques. Cela a
notamment impliqué la surexploitation des ressources hydriques au profit
de croissances économiques de certaines industries, dont l'industrie
minière au Mexique.
En somme, même si ce travail porte sur les
rivières frontalières entre les États-Unis et le Mexique,
la plupart des analyses se focalisent surtout sur le fleuve du Colorado. La
troisième partie, par exemple, n'analyse que des Minutes
pourtant sur le Colorado et son delta.
De plus, il était impossible de couvrir tous les
aspects de la gouvernance de l'eau et de l'hydro-diplomatie à la
frontière États-Unis-Mexique. En effet, il s'agit d'un vaste
champ de recherche qui nécessite de reprendre l'histoire des relations
entre les deux pays depuis l'indépendance des États-Unis pour
comprendre la situation au XXe siècle et aujourd'hui.
Il serait question, pour prolonger cette recherche, de
travailler sur le Rio Grande et sur l'impact des décisions de l'IBWC sur
d'autres communautés touchées par les problèmes hydriques
(par exemple, les Pueblos qui sont des peuples indigènes). En effet,
alors que le Traité de 1944 codifiait la distribution des ressources
hydriques entre les États-Unis et le Mexique, les Pueblos,
localisés pour la plupart à la frontière mexicaine dans
les États du Nouveau-Mexique, de l'Arizona et du Texas, n'étaient
pas pris en compte. Avant le Traité de 1944, ces peuples
indigènes étaient censés pouvoir prélever l'eau des
cours sur leurs territoires pour l'usage de ses habitants. Le Traité de
1944 a changé la relation des Pueblos avec l'eau puisqu'il avait la
mainmise sur la totalité des flux du Colorado et du Rio Grande
grâce à l'IBWC. Ainsi, les Pueblos n'étaient plus
souverains des eaux qui leur avaient été accordées,
même avec le principe d'appropriation préalable, mentionné
dans la deuxième partie, et devaient se soumettre aux termes de ce
Traité. Par conséquent, la seule façon pour les
autochtones d'avoir des droits sur l'eau était de passer par la justice.
Dans cette mesure, et puisque l'eau appartient aux États où elle
se trouve, les autochtones ne peuvent pas gérer directement de l'eau
qu'ils sont censés posséder, mais ont besoin que la justice
intervienne pour résoudre toute situation litigieuse. Il est possible de
citer l'année 1966 qui a vu la naissance d'un procès entre
l'État du Nouveau-Mexique et d'un Pueblo :
« [New Mexico] brought a water adjudication suit in
the United States District Court for the District of New Mexico to determine
the rights to use waters of the Nambe-Pojoaque River system, a tributary to the
Rio Grande, which drains the land of four Indian pueblos north of Sante Fe, New
Mexico » (Merrill 1980, 56).
Même si souvent, les États bassins
étatsuniens agissent avec la totalité des eaux du Rio Grande et
du Colorado comme si elles leur appartenaient, ce procès montre la
limite de cette pensée. En effet, la finalité du procès a
laissé les débits du Nambe-Pojoaque, au nord de Santa Fe, aux
Pueblos plutôt qu'au Nouveau-Mexique. Dans cette perspective, il
s'agirait d'étudier la manière dont les eaux des Pueblos sont
gérées par les États et de savoir si l'IBWC pourrait,
à terme, prendre en charge ses problèmes.
Dans un autre temps, il serait aussi utile de se focaliser sur
les nappes phréatiques et l'évolution de leur
réglementation. En effet, elles n'étaient pas prises en compte
dans le Traité de 1944 et sont, encore aujourd'hui, difficiles à
contrôler puisque souterraines et ne respectant pas les frontières
terrestres. Ainsi, il serait intéressant de s'attarder sur les
potentiels amendements de l'IBWC et du Traité de 1944 pour faire face
aux problèmes liés à la pénurie des eaux
souterraines aujourd'hui. Après avoir fait de nombreux pas en faveur de
l'environnement et de l'écosystème des rivières et des
eaux de surface, l'hydro-diplomatie mexicano-étatsunienne, avec l'aide
des ONG et des populations, pourrait tenter de résoudre certains des
différends liés aux nappes phréatiques. Ainsi, il serait
question d'étudier davantage les solutions apportées par les
États-Unis et le Mexique pour traiter les problèmes d'eaux
souterraines.
Comme le mentionnent Barbara G. Burman et Thomas G. Cornish
dans l'article « Needed : A Groundwater Treaty Between the United
States and Mexico » :
« a successful solution must also take into
consideration the singular attributes of groundwater, particularly the slowly
replenishing nature of the supply, which demands that it be treated as a finite
resource » (Burman et Cornish 1975, 387).
Il s'agirait d'étudier plus en détail les
solutions que pourraient apporter les instances mexicaine et
étatsunienne de l'IBWC pour résoudre les problèmes
liés aux eaux souterraines qui se remplissent bien plus lentement
qu'elles ne se vident. Un compromis devrait pouvoir être trouvé
entre ce problème et celui de pollution et de salinité des eaux
des fleuves. En effet, l'IBWC doit continuer de trouver des moyens de
résoudre les problèmes dans les eaux du Colorado et du Rio Grande
pour permettre aux populations de les utiliser, plutôt que de se
concentrer sur l'utilisation des nappes phréatiques.
En outre, la surexploitation des eaux souterraines, pour
l'agriculture intensive ou pour la consommation des populations, comme il l'a
été expliqué, entraîne encore plus de
sécheresses de part et d'autre de la frontière dans la mesure
où les ressources se raréfient et disparaissent. Cet enjeu doit
ainsi être approfondi.
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* 1 Un acre-pied est une
unité de volume utilisée aux États-Unis. Un acre-pied
correspond à 0,405 hectare sur une profondeur de 30,48
centimètres, soit 1233,4 mètres cubes.
* 2 Comme il en sera question
plus précisément dans le corps du mémoire, les
Minutes sont des documents officiels qui mettent en place des
réglementations pour résoudre les problèmes hydriques
à la frontière.
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