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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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2. Limites de l'étude et pistes de réflexion

2.1. Analyse qualitative et quantitative

2.1.1 Analyse qualitative

La question des conflits fonciers et leur gestion pose d'énormes difficultés dans le tissu social ivoirien. Devant ces difficultés, diverses explications ont pu être inventoriées dans la littérature. Vu le nombre important des écrits sur la question, la discussion sera segmentée autour des facteurs internes aux acteurs, des facteurs externes aux acteurs et des propositions de solutions.

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2.1.1.1 Facteurs internes aux acteurs

Les investigations menées à Sinfra révèlent que les « élus locaux » autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec des portions remarquables de terre et des champs aux dimensions étonnantes issues d'une réquisition des terres aux

propriétaires terriens. Et cette réquisition se présente comme une forme
d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui, conscients de leur position sociale inférieure participent à leur propre appauvrissement foncier. A cela, il faut ajouter le concept « tèrè kiniwouzan » qui traduit une forme d'appropriation politique des terres par ce réseau créé dans les arcanes de l'administration publique local et qui voit s'intégrer uniquement des acteurs aux pouvoirs (foncier, pécuniaire ou décisionnel) évidents.

Ces recherches valident donc les travaux de Koetschet et Grosclaude (2008) qui pensent que certaines pratiques informelles et administratives limitent les capacités d'interventions de la puissance publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci, source d'insécurité foncière dans un monde globalisé.

Notre étude valide également les enquêtes de Dicko (2007) au Mali. En effet, l'auteur pense que certes la multiplicité des instances de recours en matière de résolution des conflits, la lenteur et la lourdeur administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de l'Etat sont des facteurs à prendre en compte, mais que l'exacerbation

des conflits fonciers seraient fortement liés la corruption des agents de
l'administration. Notre terrain montre à cet effet que les instances de régulation foncière sont dotées de consommables de première nécessité (code foncier, civil et pénal, principes coutumiers, instauration des CVGFR, organisation du processus d'immatriculation des terres rurales) mais que l'administration locale est polluée par la corruption de sorte que la plupart des occasions sont saisies de façon opportuniste par ces élites locales ; ce qui génère frustrations et rancunes chez les ruraux.

Nos résultats confirment ceux de Keita (2012) qui révèle que le marché foncier bamakois est caractérisé par une opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social. Notre contribution en la matière précise que la gestion du foncier à Sinfra fait intervenir un nombre important d'entités locales (justice traditionnelle, administrative et pénale) presque toutes, disponibles à toute forme de

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négociation clientéliste. Et dans des cas assez fréquents, l'obliquité de la décision de justice est fonction du réseau de relation sociale des acteurs sédentaires, de leur pouvoir d'achat ou de leur influence locale ou extra-locale.

Les données obtenues à Sinfra confirment les recherches de Lavigne (2002) pour qui, les litiges fonciers sont liés au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la prétention du monopole étatique sur la terre en créant un espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils investissent de façon opportuniste.

Nous validons également d'autres recherches. De ceux-ci, notons les travaux de Koffi (2010) qui mentionne que les cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts élevés des procédures, des lenteurs administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national. Le système judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où des législations nationales et des coutumes se côtoient. Sur le terrain d'étude, on note également de telles dissensions entre les textes et les actions sur le terrain.

Nous validons aussi les travaux de Bourgeois (2009) qui soutient que le village est le point de départ de la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint. Sur le terrain, le chef de terre semble ne pas participer à toutes les séances de gestion des conflits fonciers et même lorsqu'il est là, son impartialité fait douter selon les enquêtés de Sinfra.

Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010), gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines qualités indispensables à cette fonction d'acteur de gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation, durabilité, patience), être capable de stimuler une

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réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion des conflits fonciers. Sur le terrain d'étude, l'attitude partiale des acteurs de gestion est si affirmé qu'ils sont désormais stigmatisés dans leur ensemble et les populations semblent ne plus se soucier de l'orientation des décisions mais plutôt de l'appartenance ethnique, tribale ou religieuse de l'autorité de gestion.

Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent sur des solutions définitives malgré la compétence relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette situation semblent être liées aux stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs lors des procédures. Notre étude valide ces données et mentionne que la plupart des cas de gestion, laisse des goûts amers chez certains et des rancunes qui créent un cadre propice à des conflits avenirs.

Notre étude confirme également les travaux de Matiru (2001) pour qui, la gestion des ressources foncières prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et de nouveaux conflits. Nos travaux mentionnent à ce sujet qu'à défaut de texte structurant l'action des acteurs de gestion, les actes sont engagés de façon personnelle, subjective, sans base textuelle matérialisée par des ratées, des omissions plurielles.

Toutefois, nos résultats infirment quelques travaux. De ceux-ci, notons ceux de Chauveau (2000), pour qui les conflits fonciers intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales ivoiriennes prennent leurs sources dans la nette distinction entre la manière dont les cas de violences foncières étaient traités « timidement » lorsque les violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. Nos résultats répondent par la négative et mentionnent qu'à Sinfra, ce n'est pas la coloration ethnique ou religieuse qui influence le traitement des violences foncière mais plutôt l'appartenance à un réseau de relations sociales fortes. Ainsi, si certains sont privilégiés par rapport à d'autres, cela ne s'explique pas (sur

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notre terrain) par la coloration identitaire mais par l'appartenance à ce réseau constitué essentiellement de détenteurs de pouvoirs foncier, financier et décisionnel.

Nos travaux infirment également d'autres recherches (Kaboré, 2009 ; Kinanga, 2012 ; Tshimbalanga, 2015). Il ressort de leurs recherches, la faible représentation de l'Etat surtout dans l'administration foncière et le caractère étrange des nouvelles lois foncières comme facteurs inhibiteurs de litiges. Notre contribution en la matière mentionne qu'à Sinfra, l'Etat a une forte représentation et a engagé des actions concrètes de sensibilisation sur l'intérêt d'immatriculer les terres rurales. Donc, les litiges ne seraient ni dépendant de la représentation locale de l'Etat dans le terroir, encore moins du niveau de connaissance ou d'acceptation de la loi foncière mais que certains acteurs de l'administration procèdent à des appropriations massives de terres et à une forme de protection des membres intégrés dans leur réseau au détriment des autres ruraux qui murmurent au quotidien et essaient autant que possible de changer cet ordre.

2.1.1.2 Facteurs externes aux acteurs

Les données du terrain révèlent que l'évolution démographique de Sinfra (croissance démographique autochtone, migrations allochtones et l'augmentation du nombre de transhumants) ne facilite pas véritablement la gestion des conflits fonciers qui met désormais en jeu de nombreuses implications et enjeux dans cette atmosphère sociale alimentée par la corruption, le protectionnisme et l'affinité. Dans la pratique, notons que le département de Sinfra connait un taux de natalité important sur ce territoire aux dimensions statiques (1618 km2). Cette croissance démographique déjà linéaire (90.711 habitants selon le RGPH 2014) conjugué à ce taux de natalité (5 à 9 naissances par jour) et des migrations de populations en quête d'espaces de culture de développement d'activités pastorales, catalyse une forme de saturation foncière propice à toute action individuelle ou collective visant à accroître les terres personnelles au détriment des règles coutumières instaurées (rites culturels, interdits,...).

Ces travaux confirment les recherches de Alkassoum (2006) pour qui, la mauvaise gestion des ressources naturelles au Burkina Faso est à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs et les transhumants. Nos travaux étayent ces propos et

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mentionnent qu'à Sinfra, le foncier est prioritairement accordé aux activités agricoles et les défrichements massifs d'espaces au fil des années, ont considérablement réduit les espaces autrefois accordés aux activités de transhumance, désormais considérée comme une activité secondaire voir tertiaire. Dans ce contexte, les collisions entre ces entités aux professions antinomiques (agriculteurs et pasteurs) sont fréquentes surtout lors du passage des bêtes sur les pistes villageoises provoquant des intrusions momentanées et des destructions de plantations des agriculteurs.

Notre travail valide également les recherches de Tallet et Paré (1999) qui analysent le lien entre les variations pluviométriques et la répartition spatiale des populations rurales du Burkina Faso. Ces auteurs pensent que les migrations croissantes des populations vers les zones fertiles et propices à l'agriculture, favorisent la saturation sur ces espaces et corollairement, des conflits fonciers entre les natifs et les migrants. Les données de notre terrain montrent que la localité de Sinfra, fertile et appropriée à l'ère culturale, s'est trouvée sujette à des formes incontrôlées de migrations de sorte qu'aujourd'hui, le paysage foncier se trouve saturé et surexploité par les peuples sédentaires de la localité qui essaient mutuellement de s'exproprier sur les quelques espaces restants, générant ainsi litiges entre ces peuples.

Les études effectuées dans les contrées malgaches (Rakotovao, 2011) sont aussi validées au regard de nos résultats. Pour l'auteur, la course pour l'appropriation des terres conduit d'une part, à des clivages et exclusion foncière de certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du développement économique national. Dans notre zone d'étude, on assiste à une véritable course à la consolidation des terres ; d'un côté, les autochtones réclamant en permanence des attestations d'achat de terres aux allochtones dans un but d'expropriation foncière et de l'autre, les allochtones, usant de voies parfois détournées pour consolider clandestinement des terres à des ayants droits. Il s'en suit évidemment des conflits entre ces acteurs fréquemment en contact. Si ces conflits comme dans la plupart des cas observés, se situent dans la période de cueillette des cabosses de cacao ou des cerises de café, les acteurs stagnent dans leurs domiciles craignant de faire l'objet d'attaques sectoriels. Les fruits se putréfient dans les champs et l'impact se ressent véritablement sur la production locale et nationale en raison de la position géographique de la localité de Sinfra (zone cacaoyère, caféière et désormais anacardière).

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Notre recherche étaye également les travaux de Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009) qui imputent la survenance des conflits fonciers, à l'accès inéquitable des ruraux, aux ressources. Cet accès inéquitable aux ressources s'est traduite sur notre terrain d'étude, par l'identité des catégories communautaires : d'un côté, les autochtones, propriétaires de terres et de l'autre, les allochtones, demandeurs d'espaces.

Nous approuvons aussi les travaux de Merabet (2006) qui impute la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires successifs et incontrôlés. Les données statistiques de notre terrain en effet, révèlent que de 1998 à 2001, soit en 3 ans, la population de Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants ou encore 5.616 habitants/ an. Et de 1975 à 1998, soit en 23 ans, la population de Sinfra a plus que doublé. Ces données restent fortement attestées par l'observation des flux de migrations croissantes vers Sinfra.

Outre ces travaux, notre étude valide également les recherches de Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo (2011). Ceux-ci affirment que la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives d'exploitation agricole des forêts classées. Notre contribution en la matière atteste également que la saturation foncière actuelle de Sinfra a contraint certains ruraux à migrer et s'installer dans les alentours du parc de la Marahoué où ils y développent clandestinement des cultures agricoles et le braconnage.

Enfin, nos travaux valident les réflexions de Bonnecase (2001) pour qui, les conflits fonciers apparaissent comme une opposition récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient pas. Dans notre zone d'enquête, il ressort également des tensions sociales et foncières fréquentes entre les peuples sédentarisés qui s'accusent mutuellement d'utiliser des terres qui ne leur appartiennent pas ou plus.

L'étude mentionne également que les héritiers désignés des terres familiales dans les différentes tribus de Sinfra disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent pour brader les terres familiales aux allochtones mais également que les autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent à leur tour, les portions

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restantes ou le cas échéant, revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage foncier. Cette dynamique valide les recherches de Kodjo (2013) pour qui, la société Abouré est traversée par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource foncière entre (neveu / neveu ou fils / neveu) et surtout autour de la gestion de l'héritage.

Notre étude valide également les recherches de Oumarou (2008) pour qui, les peuples disposent d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les inégalités dans la répartition foncière familiale et les revendications plurielles des jeunes, génèrent des conflits familiaux difficilement maîtrisables. Notre contribution en la matière, précise que le cadre coutumier de Sinfra est un espace d'échange traditionnel qui offre la possibilité de règlements amiables fondés sur la tradition gouro. Mais le refus de certains allochtones de se conformer à la culture Gouro au détriment de la leur, provoque un choc de cultures qui se matérialise par des divergences foncières.

Notre étude valide aussi les travaux de Ibo (2012) qui pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les contrées ivoiriennes. Une telle perspective est soutenue (d'après les verbatim) dans notre travail, sous une nomenclature d'appropriation de terres par les ayants droits et d'expropriation des allochtones ayant égaré leur attestation de vente ou encore présentant des contrats d'achats douteux. Ainsi, les citadins, déscolarisés, aventuriers ou les « frustrés » des familles gouro qui, en raison de la difficile intégration professionnelle à Abidjan, retournent s'investir dans des activités agricoles et procèdent fréquemment en des examens et réexamens des contrats de vente établis entre leurs parents et les migrants allochtones en vue d'y déceler des incohérences pouvant constituer des prétextes suffisants à des évictions foncières d'allochtones. Dans ces conditions, à partir des rixes inter-rurales, on en arrive à un conflit communautaire généralisé par un processus de métamorphisme conflictuel (dispute inter-ruraux, implication d'acteurs collatéraux, clanisme, repli identitaire, actions et interventions plurielles et conflit généralisé) à Sinfra.

Nos travaux infirment également les investigations de Gnabéli (2008) qui soutient que dans plusieurs villages du pays, on note le maintien de certains quartiers

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Ces travaux confirment également d'autres recherches (Bologo, 2004 ; Coulibaly, 2015; Bobo, 2012 ; Mumbere, 2012 ; Soro et Colin, 2008 ; Zougouri, 2006). Il ressort de leurs recherches que le cadre familial apparaît comme un « lieu » de tensions foncières, de conflits entre parents et enfants, entre aînés et cadets et ces conflits intrafamiliaux entraînent à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires. Notre recherche effectuée à Sinfra mentionne à cet effet que la gestion des terres familiales est accordée à un ayant droit caractérisé par l'honnêteté, sa dévotion dans les activités champêtres et sa capacité à rassembler les membres de la famille autour d'un but commun et préserver les biens familiaux pour le seul et unique intérêt de la famille. Toutefois, lorsque celui-ci échoue dans cette mission en se prêtant à des formes de bradage des terres au moindre souci financier, il se heurte à des résistances des autres ayants droits et des oncles et tantes, considérés dans la culture gouro comme des parents au sens étymologique du terme.

Au niveau de la misogynie foncière, notre travail valide celui de Tsongo et Kitakya (2006). Ceux-ci estiment que les acteurs du foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes légaux, qui crée ce stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion foncière féministe sur l'échiquier foncier.

Cependant, même si notre étude confirme certaines contributions antérieures, il n'en demeure pas moins que d'autres, restent invalides au regard de notre terrain. Il s'agit notamment des travaux de Kouamé (2010) qui met en évidence les rapports établis entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. L'auteur pense que de nombreux litiges surviennent au niveau du « planter-partager » définit dans la plupart des contrats. Nos travaux mentionnent à ce sujet que le métayage (planter-partager) qui une innovation dans le tissu rural de Sinfra, engendre très peu sinon pas de conflit dans les tribus visitées et constitue une dynamique à laquelle les autochtones gouro sont fortement attachés puisqu'au truchement de cette méthode, certains aventuriers peuvent à distance, mettre leur portion de terre en valeur.

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exclusivement réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des frustrations de la communauté allogène qui, manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges. A Sinfra, la donne est toute différente et révèle au contraire, une forme d'intégration des populations sédentarisées dans les mêmes villages et tribus. Ainsi, dans l'ensemble des tribus visitées, les populations

autochtones et allochtones semblent cohabiter. Et c'est évidemment cette
cohabitation qui favorise des formes de collaboration intéressée entre héritiers (nécessiteux financiers) et allochtones (nécessiteux fonciers) créant un terrain propice à des crises familiales et ces influences extrafamiliales.

Au niveau de la misogynie foncière, notre étude infirme les recherches de Monimart (2004) qui impute l'exclusion foncière des femmes par la nécessité de réajuster ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière et les bénéficiaires potentiels. Dans notre zone d'étude, la réalité parait tout autre et montre au contraire que la misogynie foncière s'explique par le rôle purement ménager attribué à la femme dans la coutume gouro, sa probabilité à contracter un mariage et à quitter le domicile familial.

Notre recherche infirme les travaux de Kouassi (2017) pour qui, la croissance démographique et les migrations exercent une influence faible sur la nature des conflits mais que ceux-ci, seraient davantage liés aux divergences politiques qui se sont succédées après la mort du premier président Félix Houphouët Boigny. Notre étude révèle plutôt que la croissance démographique du peuple Sian conjugué aux migrations (allochtones) a ouvert la voie à une forme d'anarchie dans la consolidation des terres et a entrainé par ricochet, des velléités dans la résolution de ces conflits.

Notre étude infirme également les travaux de Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012). Ces auteurs en effet affirment que la crise socio-politique de 2002 à 2011 a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien. Nos résultats montrent plutôt que ce n'est pas la crise de 2002 à 2011 qui a occasionné la pression foncière constatée dans les zones forestières notamment à Sinfra, mais au contraire la pression démographique et les collisions foncières fréquentes entre autochtones et allochtones qui ont favorisé une stigmatisation mutuelle (frustrations, sentiment d'exclusion et rancunes) entre ces peuples sédentaires et le tout, dans une atmosphère sociale politiquement polluée et prophylactique à des conflits fonciers sectoriels.

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Nos recherches invalident aussi les travaux de Ghisalberti (2011) pour qui, ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière (dans ces village) et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale et conflit foncier. Mais que les litiges fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur installation dans des villages de préférence mais au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités foncières. Nos travaux précisent que ce n'est pas parce que des migrants installés sur un territoire autochtones, négocient des terres de culture qu'il y a nécessairement conflit foncier à Sinfra. Mais que ces conflits naissent et émergent de et dans la formulation des procédures engagées pour acquérir les terres (corruption passive, négociation clandestine, empiètement de la coutume,...).

Nos travaux invalident enfin les recherches de Faye (2008) qui révèlent qu'au Sénégal, les femmes, en raison de cette misogynie foncière, ont développé des stratégies alternatives pour contourner la coutume. Notre terrain d'étude mentionne que les femmes gouro éduquées et ancrées dans la coutume locale, restent inactives, mieux contribuent à leur propre discrimination foncière (auto-exclusion).

2.1.1.3 Propositions de solutions

Au regard de la récurrence des litiges fonciers et de l'échec fréquent des méthodes de résolution, des propositions ont pu être inventoriées par des auteurs. Parmi ces propositions, nous pouvons rappeler celle de Kodjo (2013) qui se singularise par la création et le renforcement des mariages ethniques. Nos solutions vont plus loin et proposent au-delà des mariages ethniques, de renforcer les alliances ethniques et d'organiser des activités socioculturelles intégratives à l'effet de réduire la stigmatisation réciproque des peuples sédentaires entre eux et par ricochet, de favoriser la réconciliation de ces populations qui ont de plus en plus de mal à vivre ensemble.

D'autres solutions (Dicko, 2007 ; Keita, 2012 ; Koetschet et Grosclaude, 2008 ; Kakai, 2014) mentionnent également des sanctions disciplinaires contre les acteurs administratifs coupables de corruption passive dans le traitement des litiges de terre. Notre contribution en la matière, valide certes ces sanctions mais au-delà, priorise la formation des agents de l'Etat sur la connaissance de la loi foncière. Les

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investigations effectuées dans notre zone d'étude, ont révélé que nombre de ces administrateurs locaux ne disposent pas de la loi foncière et se contentent de quelques enseignements reçus lors des séminaires de formation ou des informations reçues pêle-mêle. Ce qui catalyse une contradiction criante entre les différentes entités, traduisant non pas nécessairement des décisions arbitraires en raison de dons clandestins, mais davantage de lacunes normatives sévères en matière foncière.

Outre la promotion des sanctions disciplinaires contre les agents corrupteurs ou corrompus de l'arène sociale, quelques propositions (Merabet, 2006 ; Kouakan, Kouadio, Komena et Ballet, 2009) soutiennent le besoin de doter le secteur agricole de moyens plus efficaces. En la matière, même si ces auteurs ont le mérite de soumettre une idéologie positive et opportuniste visant à repositionner le secteur agricole sous-régional, il n'en demeure pas moins que ces auteurs ne situent véritablement les axes sur lesquels intervenir. Notre contribution en la matière précise que même si la distribution gratuite des engrais aux populations locales et l'octroi fortuit d'outils utilisés dans le cadre agricole constituent un souhait envergué, cela

pourrait néanmoins permettre d'accroître la production locale en denrées
alimentaires. Outre ces suggestions, nous proposons la construction d'usines de transformation des produits vivriers afin d'offrir une activité complémentaire ou de substitution à ces populations sédentaires et de réduire par conséquent les conflits violents sur des portions de terres presqu'insignifiantes.

D'autres contributeurs (Alkassoum, 2006 ; Zongo, 2009) émettent l'idée de sensibiliser les pasteurs sur la nécessité de surveiller leurs troupeaux lors de leurs pistes villageoises ou à proximité des champs. Notre contribution adhère à cette idée mais va plus loin et souhaite la détermination des itinéraires (artères tertiaires ou pistes peu empruntées) pour le passage des pasteurs et leurs animaux à l'effet de réduire les collisions fréquentes telles que constatées pendant nos enquête et ce, entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques (agriculteurs et transhumants).

Dans le cadre de cette recherche, nous avons succinctement utilisé les techniques suivantes : recherche documentaire, observation, questionnaire et entretiens.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984