1 Présentation des acteurs
On distingue parmi les entités qui interviennent dans
la gestion des conflits fonciers à Sinfra, les acteurs extra-judiciaires
(1) des acteurs judiciaires (2).
1.1. Acteurs extra-judiciaires
Ce sont entre autres la chefferie traditionnelle (1), le
comité de gestion foncière rurale (2) et les autorités
administratives (3).
1.1.1. Chefferie traditionnelle
L'article 31 de la loi n°2014-451 du 05 Août 2014
portant orientation et organisation générale de l'administration
territoriale dispose que « le village est l'entité
administrative de base qui est dirigé par une chefferie traditionnelle
dont les compétences s'apparentent à celles d'un magistrat local
».
Pour mieux appréhender ces compétences, il
serait judicieux d'évoquer succinctement le fondement juridique (1), les
attributions (2) et l'organisation (3) de cette chefferie traditionnelle.
1.1.1.1. Statut juridique
Selon l'article 2 de la loi n°2014-428 du 14 Juillet 2014
portant statut des rois et chefs traditionnels « ont la qualité
de chef traditionnel, les autorités traditionnelles ci-après :
les rois, les chefs de province, les chefs de canton, les chefs de tribu et les
chefs de village ». Ils sont désignés selon les us et
coutumes de leurs différentes localités (art 3) et
bénéficient de privilèges portant sur la possession d'une
carte identificatoire, la décoration en cas de mérite et un rang
protocolaire lors des cérémonies publiques (art 4). A cela,
s'ajoute la protection dont ils font l'objet, contre toute forme de menaces,
d'outrages, d'injures et de violences dans l'exercice de leurs fonctions (art
5).
Les chefs traditionnels appartiennent à la famille de
la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels qui disposent d'un
chapelet de missions dont les principales, restent l'élaboration du
répertoire des chefs traditionnels ivoiriens, le respect du statut des
chefs, la favorisation des échanges culturels, la protection du
patrimoine culturel
Dans une dynamique ascendante et descendante, les chefs
traditionnels constituent le relais entre l'administration et les
administrés. A ce titre, ils doivent conjointement
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ivoirien et la prévention, la médiation et la
gestion des crises et conflits inter-ruraux (art 9).
1.1.1.2. Attributions
Les chefs traditionnels, selon la loi n°2014-451 du 05
Août 2014 portant orientation et organisation générale de
l'administration territoriale, disposent de compétences plurielles :
? En matière de Police Générale
: Ils doivent maintenir l'ordre, empêcher tous les rixes et les
disputes ainsi que tout tumulte dans les lieux d'assemblée publique. Ils
doivent également rendre compte au sous-préfet de leurs actions
et de tout fait tendant à troubler l'ordre public.
? En matière de Police rurale : Les
chefs traditionnels doivent veiller à la protection des cultures, des
plantations et des récoltes notamment en empêchant qu'elles soient
détruites par les feux de brousse et les bétails en transhumance.
Ils doivent aussi empêcher la divagation des animaux.
? En matière de voirie : Les chefs
traditionnels doivent maintenir le village et ses environs immédiats en
état de propriété. Ils doivent en outre veiller à
la conservation et au bon entretien des pistes villageoises.
? En matière d'hygiène : Les
chefs traditionnels doivent veiller à la santé publique des
populations et doivent signaler tous les cas de maladies contagieuses ou
d'épidémie.
? En matière de justice : Les chefs
traditionnels doivent concilier les parties en cas de litige. Leur mandat n'est
assorti d'aucune durée et l'exerce donc à vie. Toutefois, ils
pourraient l'objet de destitution pour des prises de décisions
arbitraires frisant des abus de pouvoir, empêchement absolu d'exercice du
pouvoir pour cause de maladie et délit portant à l'honneur de la
communauté et aux bonnes moeurs. A cela s'ajoute la neutralité
politique dont ils doivent preuve, l'impartialité dans les
décisions et la priorisation des intérêts villageois au
détriment de ceux, personnels et partisans.
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faire remonter les préoccupations des
administrés auprès des administrateurs et faire appliquer les
décisions gouvernementales dans le village dont ils ont la
responsabilité. Ils doivent enfin être soutenus dans leurs
tâches par les jeunes ruraux, les femmes, les cadres et élus ainsi
que toutes les communautés présentes dans le village, dans le
respect de la tradition, le rassemblement, l'humilité à
l'égard des administrés et la disponibilité dans la
collaboration avec l'administration locale.
1.1.1.3. Organisation
Sur le plan organisationnel, le chef T. de Blontifla (61 ans,
retraité) affirme que « la chefferie traditionnelle de Sinfra
se compose du chef du village et de la notabilité. Cette
notabilité prend en compte le 1er notable (suppléant
du chef), le secrétariat général, la trésorerie
générale, les représentants des différents lignages
fondateurs du village (conseillers), les personnes influentes du village qui
peuvent être des anciens cadres, fonctionnaires (membres) et le garant
des délimitations foncières locales (chef de terre)
».
Ces acteurs agissent tous à différents niveaux
de la procédure de gestion des questions villageoises et la
décision du chef de village est souvent le fruit d'une concertation avec
ce collège de collaborateurs.
L'organigramme ci-dessous spécifie la position
hiérarchique et le rôle de ces acteurs dans l'échelonnement
hiérarchique villageois.
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Président du tribunal
Chef du village
Premier notable
Secrétariat général
Conseillers
Trésorerie générale
Membres
Chef de terre
Suppléant du chef
Secrétariat chargé de la rédaction
des procès-verbaux
Secrétariat chargé de la collecte des fonds de
la chefferie
Agents du CGFR, griot et les proches collaborateurs du
chef
Représentants des lignages fondateurs du village
Personne censée connaître l'ensemble
des forêts et leurs propriétaires respectifs
Figure 6 : Organigramme de la chefferie
traditionnelle à Sinfra
Source : Terrain
1.1.2. Comité de gestion foncière rurale
(CGFR)
Evoquer le comité de gestion foncière rurale
dans notre travail, suppose évoquer succinctement sa composition (1),
ses attributions (2) et son fonctionnement (3).
1.1.2.1. Composition
On dénombre selon le décret n°99-593 du 13
Octobre 1999 portant organisation et attributions des comités de gestion
foncière rurale (CGFR), plusieurs catégories d'acteurs
intervenant au sein de ce comité :
? Les acteurs du Ministère de
l'intérieur : Préfet du département et
Sous-préfet
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? Les représentants des Ministères liés
à la terre (Agriculture, Environnement et forêt, logement et
urbanisme, infrastructures économiques.
? Les directeurs régionaux et départementaux de
l'agriculture et les commissaires-enquêteurs.
? Les Organes Villageois de Gestion Foncière Rurale (CGFR,
CVGFR)
? Les Opérateurs Techniques Agréés (OTA)
qui appartiennent au Bureau National d'Etudes Techniques et de
Développement et les experts géomètres
agréés.
Toutefois, dans cette composition, il faille distinguer ceux
qui interviennent promptement (experts géomètres et les OTA du
BNETD) de ceux qui siègent permanemment dans ce comité
(administrateurs locaux et villageois).
Dans la composition, les OTA et les
experts-géomètres qui interviennent promptement (Acteurs
débout), sont sollicités en vue de certaines délimitations
foncières (individualisation des parcelles) et de la pose de bornes.
A côté de cette catégorie d'acteurs, les
membres siégeant (Acteurs assis) en permanence au sein de ce
comité, se composent de :
? Ceux qui ont le droit de voter :
- Représentants des Ministères
liés à la terre (Agriculture, Environnement et forêt,
logement et urbanisme, infrastructures économiques,...).
- Représentant des services du cadastre de la direction
départementale de l'agriculture.
- Six représentants des communautés rurales, des
villages et des chefs coutumiers désignés sur proposition pour
une durée de trois ans renouvelables.
? Ceux qui ont le droit de donner leur avis :
- Gestionnaire du Plan Foncier Rural
- Personnes concernées par les questions qui doivent faire
l'objet de vote du comité.
- Représentants des comités villageois.
- Toute personne utile à la bonne fin des travaux du
comité
Dans la pratique, le Sous-préfet, président du
CGFR mobilise les différentes entités (ministérielles,
départementales et villageoises) de ce comité, puis les dote
d'outils nécessaires à l'étude, à la
prévention et à la gestion de l'ensemble des dossiers fonciers
sur son territoire d'exercice.
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La matérialisation de la composition du CGFR, selon les
enquêtés, pourrait donner la schématisation suivante :
Sous-préfet
Acteurs débout
Acteurs assis
Experts géomètres
Opérateurs Techniques Agrées
Représentants des Ministères
Chefferie traditionnelle
Agents cadastraux
Figure 7 : Organigramme du Comité de
Gestion Foncière Rurale de Sinfra
Source : Terrain
1.1.2.2. Attribution
Selon l'article 3 du décret n°99-593 du 13 octobre
1999, « le comité est l'organe de gestion foncière
rurale ». A ce titre, il délibère obligatoirement :
? Sous forme d'avis conforme qu'il rend:
- Pour valider les enquêtes officielles de constat des
droits fonciers coutumiers.
- Pour se prononcer sur les oppositions ou réclamations
qui subviennent au cours des
procédures d'immatriculation des terres du domaine foncier
concédé.
- Pour résoudre les conflits les conflits
non-gérés au cours des enquêtes foncières.
- Pour implanter des opérations de reboisement.
- Pour implanter les projets d'urbanisation.
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? Sous forme d'avis simples sur les implications
foncières des différents projets de développement
rural
- Il peut être saisi pour avis simple, par les
autorités compétentes de toute question relative au domaine
foncier rural.
- Il peut prendre unilatéralement la décision
d'étudier toute question relevant de sa compétence aux fins de
propositions aux autorités compétentes.
- Il est obligatoirement informé de
l'établissement des certificats fonciers et des actes de gestion les
concernant.
1.1.2.3. Fonctionnement
Ce comité fonctionne de façon
hétérodoxe et ne peut délibérer valablement qu'en
présence des 3/4 des membres lors de la première convocation du
Sous-préfet. Ce ne
sera qu'après une seconde convocation sur le même
ordre du jour que ce comité délibèrera sans condition de
quorum.
Les dossiers de délibérations y compris les avis
et propositions du comité, sont communiqués au Préfet du
département afin que celui-ci donne suite aux propositions
formulées, dans un délai de deux semaines.
1.1.3. Autorités administratives
Les autorités collatérales intervenant
fréquemment dans la gestion des questions foncières concernent le
Préfet (1) et le Sous-préfet (2).
1.1.3.1. Préfet
Par l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant
organisation générale de l'administration territoriale de l'Etat,
le Préfet du département de Sinfra est nommé par
décret pris en Conseil des Ministres (Art 22). A ce titre, ses
responsabilités sont nombreuses et s'étendent aux limites du
département. Il doit donc veiller à l'exécution des lois,
des règlements et des décisions du pouvoir exécutif,
diriger, animer, coordonner et contrôler les activités des
services administratifs et techniques du département et, d'une
manière générale, de l'ensemble des services
administratifs civils de l'Etat intervenant dans le département.
Outre cette responsabilité, le préfet doit
assurer la gestion des personnels de l'Etat
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placés sous son autorité pour tous les actes de
gestion courante relevant des attributions déléguées aux
Ministres.
De plus, responsable de l'ordre, de la sécurité
et de la salubrité publics dans le département, il reçoit,
centralise et exploite toutes les informations relatives à la
sureté de l'Etat, à l'exercice des libertés publiques, aux
catastrophes de toute nature ainsi qu'à tout évènement
troublant ou susceptible de troubler l'ordre, la sécurité, la
tranquillité et la salubrité publics (Art 4).
1.1.3.2. Sous-préfet
Selon l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011
portant organisation générale de l'administration territoriale de
l'Etat, le Sous-Préfet est le représentant de l'Etat dans la
Sous-Préfecture et agit sous la subordination hiérarchique du
Préfet de département (art 29). A ce titre, il contrôle,
coordonne et supervise l'action des chefs de villages du territoire de la
Sous-Préfecture et les activités des agents des services
administratifs et techniques de sa circonscription.
Le Sous-Préfet est responsable du maintien de l'ordre
public sur l'ensemble du territoire de sa circonscription administrative et
peut requérir l'aide des Forces de l'ordre de sa localité si
nécessaire (Art 33).
A ces tâches, se greffent celles de la convocation, de
la présidence de sa sous-préfecture et de la transmission des
délibérations au préfet de département (Art 32).
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