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Thèse unique de doctorat criminologie.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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1.2. Conflit

Le concept de conflit est polysémique et peut être perçu selon différentes approches philosophique, juridique, anthropologique, historique, économique, psychologique et sociologique.

Ainsi, du point de vue philosophique, Lalande (2002) pense que, évoquer le conflit signifierait évoquer le rapport de deux pouvoirs ou de deux principes dont les applications exigent dans un même objet, des déterminations contradictoires. Pour paraître plus explicite, Lalande (2002) cite en particulier le conflit de devoirs dans la morale appliquée, pour désigner le fait qu'un même acte puisse paraitre juste ou injuste par rapport aux règles sous lesquelles on le considère.

Pour Kant (1781), ce concept apparait comme l'ensemble des contradictions où s'engage la raison lorsqu'elle s'efforce de trouver dans les phénomènes, un inconditionnel d'où dépendraient tous les inconditionnés. En d'autres termes, le conflit est une action contradictoire à loi morale valable pour tout être raisonnable, sous forme de principes immuables et universels.

D'un autre côté, Wilfert (1999) explique que ce concept est antinomique aux normes tant personnelles que consensuelles.

Cette tentative philosophique de définition de ce concept est certes intéressante car elle jette les bases philosophiques de la compréhension du terme, mais reste insuffisante puisqu'elle semble rejeter l'aspect textuel, légal de sa compréhension.

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de résolutions des questions juridiques. Dans cette dynamique, Soltani (2005) décrit les conflits de juridiction, les conflits d'attribution lorsqu'il y a discussion entre deux instances sur la compétence dans une affaire. De ce fait, l'auteur voit en ce concept, une rivalité exclusivement professionnelle.

Outre cet auteur, Trochu (1969) pense qu'il y a conflit lorsqu'un débiteur contracte un prêt à une tierce personne et qu'il ne rembourse pas. De ce point de vue Trochien, le conflit transcende le cadre juridictionnel pour se présenter comme la résultante d'un désaccord entre particuliers sur une question contractuelle.

Cette définition semble négliger l'aspect des intérêts publics et privés, qui est mise en évidence par la conception de l'Organisation de la Coopération et de Développement Economiques (OCDE, 2004). L'OCDE (2004) en effet, aborde le concept de conflit en termes de choc d'intérêt (intérêts publics et privés). Autrement, parler de conflit supposerait évoquer un choc, une collision entre des intérêts de types généraux et ceux, de types particuliers.

Dans la dimension anthropologique, le concept de conflit ne sous-entend pas une dualité normative, juridictionnelle ou interpersonnelle comme dans l'approche précédemment abordée, mais elle dénote plutôt un mode d'organisation sociale dans lequel chaque individu ou groupe joue un rôle spécifique, comme des organes dans le corps. Ainsi, loin de menacer l'unité du corps social, le conflit permet l'intégrité même de celui-ci. Dans cette optique, Gluckman (2002) affirme que le conflit et son mode de résolution peuvent faire l'objet d'une mise en scène rituelle qui, dans le même temps, libère l'expression d'une rébellion contre l'ordre social et le résorbe. En d'autres termes, il s'agit de chercher à cataloguer les manières dont ceux qui ont le pouvoir, dans la recherche de puissance, travaillent à rester dans la puissance.

Dans la même perspective que ses prédécesseurs, Turner (1957) affirme que le conflit est l'expression de «contradictions» structurelles. Autrement, les sociétés aussi petites soient elles et dépourvues de formes institutionnalisées de «gouvernement», sont divisées et clivées. Ces divisions et clivages sont entretenus par des «coutumes», c'est-à-dire des normes locales, conventions et règles morales, caractéristiques des conflits internes.

Bitouga (2011) affirme à cet effet que par le biais de catégories anthropologiques telles que la notion de parenté, de religion, d'art ou de politique, nous pouvons comprendre comment tel ou tel peuple fait société. Toute culture repose sur un socle

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de traditions, cependant la tradition ne doit pas être vue comme un agrégat de moeurs et de valeurs fixes. Celle-ci change et se remodèle au fil de l'histoire. Ainsi, la compréhension ethno-anthropologique du concept de conflit tient compte des facteurs précités en insistant sur le rôle des structures tribales et claniques sur l'échiquier politique des différents peuples.

Cette vision ethno-anthropologique a certes l'intérêt d'intégrer les questions de parenté, de religion, d'art, de politique dans la compréhension du conflit, mais ne met en avant le caractère temporel du conflit; autrement de l'évolution et du mode d'enchainement des actions durant la situation conflictuelle. Jodelet (2012) s'inscrit dans cette démarche et mentionne l'intérêt d'énumérer les phases séquentielles du conflit au cours de l'histoire. Pour lui, il y aurait conflit lorsque certes des acteurs sociaux s'affronteraient sur des points divergents, mais insiste sur le fait que cette joute doit être reconfigurable en termes de chronologie des étapes. Dès lors, dans la conception Jodelienne, la chronologie des étapes du conflit prend une place prépondérante dans la nomenclature du conflit lui-même.

Pour Bonniol (2006), il ne s'agit pas seulement d'évoquer les étapes telles que le font les historiens pour prétendre décrire le conflit. Le véritable conflit résiderait dans le conflit entre les propos des acteurs présents en temps de conflits et les explications des historiens contenus dans la plupart des documents. L'étude de ce conflit d'interprétation du passé met en évidence l'étayage multiple de la connaissance du passé. Dès lors, pour l'auteur, le conflit en histoire est un conflit d'interprétation directe ou indirecte d'une situation de conflit.

Cette description historienne du conflit, même si elle intègre le dualisme d'interprétation entre observateurs directs (peuples victimes de conflit) et observateurs indirects (historiens), omet cependant l'aspect économique du conflit. Toute chose qui nous amène à évoquer une conception financière.

Dans cette orientation purement financière, Picard (2015) invite à ne pas confondre les concepts de conflit d'intérêts et les hypothèses d'opposition d'intérêts. En effet, l'opposition d'intérêts est la situation dans laquelle deux personnes sont porteuses d'intérêts antagonistes, comme par exemple les intérêts distincts des époux au cours d'un divorce. Dans le cas d'un conflit d'intérêts, il existe toujours deux ou plusieurs intérêts distincts mais ils sont portés, cette fois, par une seule et même personne.

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Relativement, Perrault (2013) affirme qu'« un conflit d'intérêts peut être défini comme le fait, pour une personne exerçant une activité professionnelle ou disposant d'un mandat électif, de s'être placée dans une situation pouvant susciter un doute sur les mobiles de ses décisions». Ce type spécifique de conflit ne se réduit pas exclusivement à des infractions démontrées, c'est-à-dire à des actes pénalement répréhensibles comme le favoritisme, le trafic d'influence ou la prise illégale d'intérêts seulement, mais de toute situation qui peut susciter un doute raisonnable sur l'impartialité et l'indépendance d'un professionnel en raison des suspicions sur la réception clandestine de dons en nature.

Dans un autre regard, Albertini et Silem (2001) pensent que le conflit est une relation antagonique qui se tisse par des acteurs sociaux, autour de la détention et la conservation de l'économie.

Cette appréhension, bien que situant le conflit dans une acception normative, semble ne pas prendre en compte l'individu, dans ses composantes psychiques, mentales. Une faille qui sera comblée par une compréhension d'obédience psychologique.

En psychologie, le conflit s'apparente à un combat interne à l'individu. Celui-ci peut être habité à la fois par des pensées contradictoires, ressentir une ambivalence de ses sentiments, souffrir de la perte d'un être cher...« conflit psychique» (Sada, 2008).

Tout individu, quelle que soit son époque, sa culture, sa condition, doit faire face, tout au long de sa vie et à des degrés divers, à des situations génératrices de conflit psychique, lesquelles agissent sur la structuration profonde de sa personnalité (Barraud, 2008 ; Astolfi, Darot, Vogel et Toussain, 2008). Une idée qui a été reprise puis approfondie dans une nomenclature intra-personnelle par le Comité des Hautes Etudes du Ministère de l'intérieur de France (2012), pour qui « on désigne aussi par conflit, la confrontation d'éléments incompatibles à l'intérieur d'un individu (conflit intra- personnel) ».

Le conflit intra-personnel concerne à la fois la dimension objective et la dimension cognitive.

Le premier apparaît quand le comportement d'une personne aboutit à des résultats qui s'excluent mutuellement ou qui comportent des éléments incompatibles. Le conflit entre une acceptation et une chose à éviter ; situation dans laquelle un individu doit

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décider de faire ou de ne pas faire une chose qui aura des conséquences simultanément négatives ou positives.

Pour le second, il y a discordance cognitive quand les individus admettent que leurs pensées, attitudes, valeurs et /ou comportements sont contradictoires. Il est généralement angoissant et désagréable pour quelqu'un d'admettre qu'il existe chez lui, des incompatibilités importantes. Des incompatibilités qui peuvent se manifester en des états émotionnels tels que la colère, la frustration, la peur (Sada, 2008).

Cette approche psychologique a certes le mérite d'exposer sur la manifestation du conflit à l'intérieur du psychisme humain mais ne met pas véritablement l'emphase sur le conflit dans ses manifestations sociales, observables. Dès lors, cette conception du conflit dont la portée n'est uniquement que psychique, ne pourrait rendre compte de la compréhension de ce concept, qui pour nous, présente des manifestations sociales, matériellement observables. Toute chose qui nous amène à évoquer une autre approche purement sociologique.

En effet, les sociologues, d'une façon générale conçoivent le conflit en termes d'affrontements, de contestations, de rivalités. ...

Pour Freund (1983), le conflit consiste en « un affrontement, un heurt institutionnel entre deux êtres au groupes de même espèce qui manifestent les uns envers les autres, une intention hostile, en générale à propos du droit et qui, pour maintenir, affirmer ou rétablir le droit, essaie de briser la résistance de l'autre par le recours à la violence, laquelle peut, au cas échéant tendre à l'anéantissement physique de l'autre ».

Dahrendorf (1972) affirme à ce sujet :« J'emploie le terme conflit pour désigner des contestations des rivalités, des querelles ou des tensions aussi bien que les heurts manifestes entre forces sociales. Toute relation entre des ensembles d'individus qui comprennent une différence irréductible d'objet, par exemple dans sa force la plus générale. Le désir de la part de deux parties, d'obtenir ce qui n'est accessible qu'à l'une ou qu'en partie à l'autre, sont selon nous des relations conflictuelles ».

Pour Touraine (1978) « Un conflit est une relation antagonique entre deux ou plusieurs unités d'action dont l'une au moins tend à dominer le champ social de leur différence ».

Au regard de ces différentes appréhensions du concept, quelle définition donne le sociologue du concept foncier ?

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Nous pensons que l'approche philosophique n'alimente pas la compréhension du concept selon notre orientation. Nous opterons plutôt pour une définition qui prendrait en compte la dimension juridique, psychologique et sociologique. Nous souhaiterions que l'on entende par conflit, un contentieux ou un affrontement sur un point de droit, où plusieurs volontés individuelles ou collectives manifestent les unes envers les autres, une intention hostile et une volonté d'agression à cause d'un droit à retrouver ou à maintenir. Ces volontés essaieraient de briser la résistance de l'autre par le recours à la violence.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille