République Algérienne Démocratique
et Populaire Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique Université Frères Mentouri, Constantine
1 Faculté des Lettres et des Langues Département de Lettres
et Langue Française
N° de série :
N° d'ordre :
Mémoire de Master Spécialité :
Sciences du langage Intitulé
Le néologisme chez les étudiants
francophones étrangers des Universités de Constantine
Dirigé par : Présenté par
:
Mme ADACI Sana AG ILJIMIT Abdorhamane
Université Frères Mentouri, Constantine 1
Université Frères Mentouri, Constantine 1 Membres du
jury :
Président(e) : Dr. BOUSSEBAT Omar,
Université Frères Mentouri, Constantine 1 Examinateur :
Mme KASSI Asma, Université Frères Mentouri, Constantine
1 Rapporteur : Me. ADACI Sana, Université Frères
Mentouri, Constantine 1
Année universitaire 2020/2021
Année universitaire 2020/2021
République Algérienne Démocratique
et Populaire Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche Scientifique Université Frères Mentouri, Constantine
1 Faculté des Lettres et des Langues Département de Lettres
et Langue Française
N° de série :
N° d'ordre :
Mémoire de Master
Spécialité : Sciences du
langage Intitulé
Le néologisme chez les étudiants
francophones étrangers des Universités de Constantine
Dirigé par : Présenté par
:
Mme ADACI Sana AG ILJIMIT Abdorhamane
Université Frères Mentouri, Constantine 1
Université Frères Mentouri, Constantine 1 Membres du
jury :
Président(e) : Dr. BOUSSEBAT Omar,
Université Frères Mentouri, Constantine 1 Examinateur :
Mme KASSI Asma, Université Frères Mentouri, Constantine
1 Rapporteur : Me. ADACI Sana, Université Frères
Mentouri de Constantine 1
Dédicace
...À la mémoire de mes
parents.
À ma tante Aîchatou minte Moussa et à
mon
tonton Rousmane AG Assilakan auxquels je dois
l'accomplissement de cette réussite.
À cette personne que nul mot ne peut
décrire.
À toute personne ayant pris part à cette
réalisation.
Remerciements
D'abord je remercie le tout puissant Alah de
m'avoir
donné la santé et le courage de finir cette
recherche.
Je tiens à remercier en premier lieu mon encadrante,
Mme ADACI Sana pour ses conseils fructueux et formatifs. Ses explications et
suggestions ont été précieuses à
l'élaboration de ce mémoire.
Je remercie, également, les personnes dont les noms
suivent : Mme Ouarda Nadia ZERGUINI, Mme BOUMENDJEL Lilia, Mme Soraya
BOURAYOU, Mme KASSI Assia, Mr Yacine DARRADJI, Mr Mehdi BENDIEB, pour
leur courtoisie et conseils judicieux. .
Mes sincères remerciements vont à l'endroit
de tout le corps professoral du département de français de
l'université de Constantine 1, je ne suis pas en mesure de citer tous
les noms, je tiens à les remercier pour le savoir qu'ils m'ont
transmis au cours de ces cinq années pleines d'apprentissage
et d'euphorie. Puissiez-vous trouver en ces brèves lignes la
gratitude et la reconnaissance qui animent mon coeur.
Merci aux membres du jury d'avoir accepté d'examiner
mon travail sans hésitation aucune.
Merci à tous ceux qui m'ont soutenu et qui ont
apporté leur contribution aussi minime soit-elle à la
réalisation de ce travail.
Je ne saurais terminer sans adresser mes humbles
remerciements à tous mes parents, camarades, amis(es), enseignants(es)
et connaissances.
À vous tous, MERCI.
SOMMAIRE
Introduction générale 1
1. Motivations 2
2. Objectifs 2
3. Problématique 3
4. Hypothèses 3
5. corpus et méthodologie de recherche 3
CHAPITRE I 5
CONCEPTS DÉFINITOIRES DE LA NÉOLOGIE ET
PROCÉDÉS DE FORMATION DES
NÉOLOGISMES 5
I. Néologie et néologisme 6
Introduction 6
1. Néologie 6
2. Néologisme 7
3. Néologisme de langue et néologisme de discours
8
3.1. Néologisme de langue 8
3.2. Néologisme de discours 9
II. Classement et typologie de néologismes
9
1. Classement des néologismes 9
1.1. Néologie de forme (formelle) 9
1.2. Néologie de sens (sémantique) 10
1.3. L'emprunt 10
1.3.1. Définition de l'emprunt 10
1.3.2. Typologie d'emprunts 11
1.3.3. Schéma récapitulatif des types d'emprunts
linguistiques 14
2. Typologie de Jean François SABLAYROLLES 15
2.1. Les matrices internes 15
2.2. La matrice externe 15
III. Les procédés de formation des
néologismes 15
1. Les matrices internes 15
1.1. Construction 15
1.2. Imitation et déformation 18
1.3. Changement de fonction 19
1.4. Changement de sens 21
1.5. Réduction de la forme 22
2. La matrice externe 23
Conclusion 25
CHAPITRE II 26
ÉTUDE LEXICO-SÉMANTIQUE ET CORPUS
26
I. La lexicologie et la sémantique 27
1. La lexicologie 27
2. La sémantique 28
II. Critères de sélection des
unités néologiques 29
1. Le critère lexicographique 29
2. Le sentiment néologique 30
3. méthodologie de la collecte du corpus 31
4. Corpus d'exclusion 32
ANALYSE DU CORPUS 33
PREMIÈRE PARTIE 33
1. Déroulement et dépouillement du questionnaire
34
1.1. Identification 34
1.2. Répertoire linguistique 37
1.3. Pratiques linguistiques 38
1.4. Évaluation des compétences 41
DEUXIÈME PARTIE 43
2. Grille d'analyse 44
3. Présentation du corpus d'analyse 45
4. Analyse des néologismes 46
4.1. Grille d'analyse des néologismes selon les
procédés de formation 46
5. Étude lexico-sémantique des néologismes
48
6. Les procédés de formation des néologismes
49
6.1. Les matrices internes 50
6.1.1. Les matrices morphosémantiques 51
6.1.2. Les matrices syntactico-sémantiques 56
6.1.3. Les matrices morphologiques 60
6.1.4. La matrice pragmatico-sémantique 61
6.2. La matrice externe 61
6.2.1. Les types d'emprunt 63
6.2.2. Langue d'origine des emprunts 63
7. Inventaire lexical 65
Conclusion 69
Conclusion générale 72
BIBLIOGRAPHIE 77
RÉSUMÉ 82
ANNEXES 86
LES QUESTIONNAIRES 87
- Tableau des abréviations -
Abréviations
|
Information
|
L1
|
Licence première année
|
L2
|
Licence deuxième année
|
L3
|
Licence troisième année
|
M1
|
Master 1
|
M2
|
Master 2
|
E.
|
Enquêté
|
1ière, 2ième
|
Première, deuxième lexie
|
Nb. de néo.
|
Nombre de néologismes
|
Nb. de pro.
|
Nombre de productions
|
Total pro.
|
Total des productions
|
Aff.
|
Affixation
|
Préf.
|
Préfixation
|
Suff.
|
Suffixation
|
Dér.Inv.
|
Dérivation inverse
|
Parasy.
|
Parasynthétique
|
Comp.
|
Composition
|
Syn.
|
Synapsie
|
C.Sav.
|
Composition savante
|
C.Hyb.
|
Composition hybride
|
Imit.Déf.
|
Imitation et déformation
|
Onom.
|
Onomatopées
|
F.C
|
Fausse coupes
|
Verl.
|
Verlan
|
Chang.Form.Sens
|
Changement de forme et de sens
|
Conv.
|
Conversion
|
Défl.
|
Déflexivation
|
Ext.S
|
Extension de sens
|
Restr.S
|
Restriction de sens
|
Méta.
|
Métaphore
|
Méto.
|
Métonymie
|
Réd.Form.
|
Réduction de la forme
|
Tron.
|
Troncation
|
Sigl.
|
Siglaison
|
Acro.
|
Acronymes
|
Empr.
|
Emprunts
|
E.lex.
|
Emprunt lexical
|
Xén.
|
Xénisme
|
Calq.
|
Calque
|
- Liste des figures -
Figure 1 : Échantillon selon la
nationalité
|
.34
|
Figure 2 : Échantillon selon le sexe
|
35
|
Figure 3 : Échantillon selon l'âge
|
..36
|
Figure 4 : Échantillon selon le cursus
scolaire
|
36
|
Figure 5 : Langue maternelle des
enquêtés
|
37
|
Figure 6 : Maîtrise du français
|
41
|
Figure 7 : Enrichissement de la langue
française
|
...42
|
Figure 8 : Procédés de formation
de lexies néologiques
|
47
|
Figure 9 : Classement traditionnel des
néologismes chez les étudiants étrangers
|
.48
|
Figure 10 : Lexies néologiques
générées par les matrices lexicogéniques
|
49
|
Figure 11 : Lexies néologiques
générées par les matrices internes
|
50
|
Figure 12 : Lexies néologiques
générées par les matrices morphosémantiques
|
51
|
Figure 13 : Lexies néologiques
générées par les matrices syntactico-sémantiques
|
56
|
Figure 14 : Lexies néologiques
générées par les matrices morphologiques
|
..60
|
Figure 15 : Types des néologismes
générés par la matrice externe
|
63
|
Figure 16 : Langues d'origines des emprunts
|
63
|
- Liste des tableaux -
Tableau n°1 : Les matrices
lexicogéniques
|
24
|
Tableau n°2 : Liste des néologismes
collectés
|
..45
|
Tableau n°3 : Grille d'analyse des
néologismes selon les procédés de formation
|
46
|
Tableau n°4 : La préfixation
|
..51
|
Tableau n°5 : La suffixation
|
..52
|
Tableau n°6 : Les parasynthétiques
|
...52
|
Tableau n°7 : La composition
|
53
|
Tableau n°8 : La composition savante
|
...54
|
Tableau n°9 : La composition hybride
|
...54
|
Tableau n°10 : Le verlan
|
55
|
Tableau n°11 : La conversion
|
56
|
Tableau n°12 : La métaphore
|
.59
|
Tableau n°13 : La métonymie
|
59
|
Tableau n°14 : Troncation ; apocope ;
aphérèse
|
60
|
Tableau n°15 : La siglaison et les
acronymes
|
61
|
Tableau n°16 : Les emprunts
|
.62
|
INTRODUCTION
GENERALE
Introduction générale
« L'âme cherche toujours des choses nouvelles, et
ne se repose jamais. »
MONTESQUIEU
D'innombrables études ont été
effectuées autour de ce vocable qu'est la néologie mais nous ne
pouvons pas nous résoudre au fait qu'une étude serait immuable.
Il n y a pas de solutions irrévocables à une problématique
quelle qu'elle soit. Toute recherche ne peut clore que par des perspectives qui
envisageront des solutions nouvelles à une étude
déjà réalisée.
Le contact permanent entre les individus à travers les
échanges linguistiques et l'harmonisation socioculturelle, engendre un
taux considérable de phénomènes linguistiques tels que le
néologisme. De nos jours, nous remarquons une forte
nécessité sociale, laquelle s'oriente vers des choses nouvelles.
Celle-ci, vise à apporter un changement crucial dans la pensée
humaine ainsi qu'au sein de l'ordre mondial. C'est dans cette optique que
LOUIS-SEBASTIEN Mercier disait :
« (...) Le français qu'on parlera dans deux
cents ans, sera peut-être plus différent de celui qu'on parlait il
y a deux cents ans (...) Plus d'un peuple a trouvé par lui-même
l'invention de l'écriture par des signes et caractères dont on
s'était jamais avisé avant lui. C'est ainsi que tout peuple
à naître se fera une langue qui n'a jamais été, et
qui ne laissera pas que d'exprimer d'une manière nouvelle, les
mêmes choses que nous ».1
La langue est en perpétuelle évolution. Chaque
époque, naissent de nouvelles lexies émergeant de
différentes communautés linguistiques ayant des pratiques
linguistiques différentes. Tout peuple, dispose de fonctionnements
socioculturels linguistiques variés, lesquels s'opposent à
d'autres langues ; voire au sein d'une même communauté.
1 LOUIS-SEBASTIEN Mercier, Néologisme ou
le vocabulaire des nouveaux mots, à renouveler ou pris dans des
acceptions nouvelles paru en 1801 à Paris et
réédité par Jean-Claude Bonnet en 2009.
1
La néologie joue un rôle crucial dans
l'évolution de la langue. Autrement, toute langue qui rejetterait le
concept de néologie ne fera qu'objet d'inertie voire même de
disparition. La création des nouvelles lexies est l'essence même
de la langue, sans cela, elle restera stérile. C'est dans cette
perspective que BERNARD QUEMADA affirme :
Qu' « Une langue qui ne connaîtrait aucune
forme de néologie serait déjà une langue morte, et l'on ne
saurait contester que l'histoire de toutes nos langues n'est, en somme, que
l'histoire de leur néologie.» 2
Comme le souligne FERDINAND DE SAUSSURE dans son (Cours de
linguistique générale, 1916) « la langue désigne
un outil permettant de communiquer »3, la langue est donc
un moyen d'inter-échange entre les individus. La langue subit des
changements au fil de temps, ainsi différents mécanismes
apparaissent pour former des nouvelles unités lexicales.
1. Motivations
Chaque année, l'Algérie reçoit un nombre
important d'étudiants étrangers qui sont ensuite répartis
dans différentes wilayas. Ils se retrouvent confrontés à
des réalités linguistiques variées auxquelles ils doivent
remédier en vue de s'intégrer et se fondre dans la masse.
Il est à noter que ces étudiants sont issus de
différents pays d'Afrique francophone et donc ne partagent pas la
même langue maternelle, ce qui explique leur besoin de créer des
lexies dans un but communicatif et ainsi donner naissance à des
néologismes.
Cela, est le vif du sujet de notre motivation à opter
pour ce thème de recherche afin d'en apporter des détails plus
étendus et précis.
2. Objectifs
Au fil des années passées dans les
résidences universitaires ainsi qu'au niveau de la faculté, nous
avons remarqué et observé chez les étudiants francophones
étrangers un flux de créations lexicales. C'est ce qui a
suscité une certaine curiosité; qui nous a incité
2 B. QUEMADA, (v. bbg. Infra, p138),
https://www.lalanguefrancaise.com.
Consulté le 21/02/2021.
3 F. DE SAUSSURE, (Cours de
linguistique général, 1916),
http://laboiteasaussure.fr
consulté, le 19/02/2021.
2
à une visée qui va dégager les
différentes formes de néologismes observés chez les
étudiants francophones.
3. Problématique
L'intitulé de ce mémoire de recherche qui se
présente comme suit : « Le néologisme chez les
étudiants francophones étrangers des Universités de
Constantine », a pour objet de déterminer : si ces
étudiants font recours aux créations lexicales par simple jeu de
mots, ou encore plus important pour enrichir la langue française.
Dans cette optique, nous avons formulé une
problématique composée de deux questions qui découlent du
sujet proposé. À celles-ci, nous allons tenter de répondre
:
I Pourquoi les étudiants font-ils recours aux
créations lexicales ?
I Quels sont les mécanismes utilisés par les
étudiants pour procéder aux créations lexicales ?
4. Hypothèses
Afin de confirmer ou infirmer les questionnements liés
à la problématique, nous avons formulé des
hypothèses correspondant aux questions. L'analyse du corpus nous
permettra d'effectuer un apport plus spécifique et bien
précis.
I La création lexicale serait un
phénomène social et subjectif obéissant à des
exigences communicatives.
I Les procédés de formation de nouvelles lexies
par dérivation et ou par emprunt chez les étudiants seraient les
plus prolifiques.
5. corpus et méthodologie de
recherche
Notre corpus, se construira autour d'un échantillon de
25 étudiants, auxquels nous soumettrons un questionnaire, afin de
collecter et analyser les nouvelles lexies. Nous procéderont à
des analyses qualitative et quantitative et dégager les
différentes formes de créativités lexicales
(procédés de formation des néologismes) collectées
chez les étudiants. Nous allons constituer un tableau des
créativités lexicales et ainsi interpréter les
méthodes utilisées par les étudiants dans leurs
créations langagières.
3
Notre travail va s'articuler autour de deux chapitres qui
présenteront l'analyse du contenu de notre recherche, à savoir
:
Chapitre I
Cette partie, sera consacrée à la
définition de quelques concepts essentiels sur lesquels se fonde notre
recherche, laquelle se réfèrera aux travaux de quelques auteurs
qui ont abordé le concept de néologie comme J.-F SABLAYROLLES
(1996-1997)4, (2006)5, L. GUILBERT (1973)6,
L.-S MERCIER (1901)7 et autres chercheurs. Nous avons
subdivisé cette partie en trois grands titres complémentaires.
Dans le premier titre, nous allons essayer de définir la «
néologie » et le « néologisme » selon les
dictionnaires de linguistique et différents théoriciens. Dans le
second et le dernier, nous tenteront de déterminer la classification des
néologismes et dégager la typologie de procédés de
formation des néologismes, inspirée par la typologie de J.-F
SABLAYROLLES.
Chapitre II
La deuxième partie, intitulée étude
lexico-sémantique et corpus, dans laquelle nous allons aborder les
disciplines responsables de l'analyse des mots et des phrases, afin d'analyser
la morphologie des nouveaux mots. Il s'agit précisément de la
lexicologie, qui est l'étude des structures du lexique d'une
langue et de la sémantique, laquelle analysera le sens des
nouvelles lexies collectées. Dans cette partie, nous allons
établir une grille d'analyse pour rendre compte des néologismes
collectés chez les étudiants et donner des
éclaircissements sur les processus de leur formation. Outre l'aspect
morphologique des néologismes, d'autres phénomènes de
créativité peuvent survenir.
4 J.-F. SABLAYROLLES, Typologies des
néologismes, Cahier du CIEL 1996-1997
5 J.-F SABLAYROLLES, La néologie
aujourd'hui. Claude Gruaz. A la recherche du mot : De la langue au discours,
Lambert-Lucas, pp.141-157, 2006.
6 L. GUILBERT, Théorie du
néologisme. In: Cahiers de l'Association internationale des
études françaises, 1973, n°25. pp. 9-29
7 L.-S MERCIER, Néologisme ou le
vocabulaire des nouveaux mots, à renouveler ou pris dans des acceptions
nouvelles paru en 1801 à Paris et réédité par
Jean-Claude Bonnet en 2009.
4
CHAPITRE I
CONCEPTS DÉFINITOIRES DE LA NÉOLOGIE
ET PROCÉDÉS DE FORMATION DES NÉOLOGISMES
I. Néologie et néologisme
Introduction
La langue n'est que fruit des innovations lexicales de ses
locuteurs. Pour qu'une langue puisse évoluer et sortir de l'inertie, une
mise à niveau est nécessaire, laquelle peut s'effectuer dans les
pratiques langagières des individus qui la parlent et la partagent sans
exclusion d'une éventuelle présence, souvent indispensable
d'emprunts à une langue étrangère. L'évolution
d'une langue est inéluctable de même que le lexique d'une langue
vivante n'est ni stable, ni figé. C'est ainsi que « le lexique
n'a jamais pu être défini comme un système clos, en raison
de son ouverture sur le référent, l'évolution du monde, de
la pensée, sur la transformation de la société
»8
Que ce soit au moyen des règles normatives ou non, nous
sommes témoins des nouvelles unités lexicales faisant objet
d'apparition (par création ou par emprunt) dans la vie quotidienne des
locuteurs au sein d'une communauté linguistique. De multiples
mécanismes sont en usage pour former des nouvelles lexies
répondant à un besoin communicationnel d'un public cultivé
ou non. Les spécialistes (néologistes, néologues), qui
étudient ces nouvelles lexies, les qualifient de «
néologismes » et la « néologie » étant leur
processus de création.
1. Néologie
Selon, L. Deroy, « Les langues qui vieillissent et
qui finissent par mourir, ce sont celles qui n'évoluent plus
»9, Ainsi, pour subsister, la langue française a
emprunté énormément au grec et au latin afin de s'enrichir
et se renouveler en créant des nouveaux mots à partir des racines
gréco-latines.
La néologie est une nouvelle forme d'expression, c'est
l'emploi des nouveaux termes par invention ou application. Ce nouveau mode de
créativité au détriment de la néologie, va
permettre l'enrichissement et l'acquisition des idées nouvelles à
une langue.
8 GUILBERT L., La
créativité lexicale, coll. Langue et langage, Ed. Larousse, 1975,
p.32.
« La néologie est le processus de formation de
nouvelles unités lexicales. Selon les frontières qu'on veut
assigner à la néologie, on se contentera de rendre compte
des
9 DEROY L., Néologie et
néologismes : essai de typologie générale, La banque des
mots n° 1, 1971, pp. 512.
6
mots nouveaux, ou l'on englobera dans l'étude
toutes les nouvelles unités de signification (mots nouveaux et nouvelles
combinaisons ou expressions). »10 La néologie est
donc, un mécanisme d'innovation linguistique, qui a ses propres lois et
règles. L'emploi de ce vocable est, cependant, réservé au
domaine du lexique. Ce qui signifie que la néologie est le
mécanisme qui enrichit le lexique d'une langue par divers
procédés de formation lexicale comme le définit le
dictionnaire le Petit Robert (2000) : « (...) 2. (mil.
XXe) Ling. Processus par lesquels le lexique d'une langue
s'enrichit, soit par la dérivation et la composition, soit par emprunts,
calques, ou par tout autre moyen (sigles, acronymes...). Le
néologisme est en outre le terme adéquat pour désigner les
nouvelles lexies.
2. Néologisme
Selon le dictionnaire, le Petit Robert (2000), le
néologisme se définirait comme étant : « (...),
2. (1880) Mod. Emploi d'un mot nouveau (soit créé, soit obtenu
par dérivation, composition, troncation, siglaison, emprunt, etc. :
néologisme de forme) ou emploi d'un mot, d'une expression
préexistants dans un sens nouveau (néologisme de sens). 3. Mot
nouveau ; sens nouveau d'un mot. Un néologisme mal formé.
Néologisme officiel : terme recommandé par le législateur
à la place d'un terme étranger. O Méd. Mot forgé
par un malade, incompréhensible pour l'entourage. »,
D'après cette définition nous constatons que le néologisme
est l'emploi d'expressions et de nouvelles unités lexicales par
détournement de sens et de leur usage ordinaire. Le néologisme a
été longtemps considéré comme terme
péjoratif. En psychiatrie par exemple, il désigne des propos
nouveaux d'un malade en état de délire, soit par « fusion de
mots » ou par « fragment de mots usuels » impossible à
comprendre.
En outre, le néologisme est l'acception d'un mot
nouveau, qui n'existait pas dans une langue vivante mais qui s'y est
intégré par des locuteurs en guise d'unité lexicale en
employant des termes nouveaux. Cette nouvelle acception, et certains de ces
mots apparaissent dans certains dictionnaires de la langue française et
sont ainsi considérés comme des « néologismes
officiels ». Cela se confirme dans les propos de (DUBOIS J. 2002) :
10 DUBOIS J. et al,
Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Larousse-Bordas/ VUEF,
2002, p. 322
7
« Le néologisme est une unité lexicale
(nouveau signifiant ou nouveau rapport signifiant-signifié) fonctionnant
dans un modèle de communication déterminé, et qui
n'était pas réalisée antérieurement. Cette
nouveauté correspond en général à un sentiment
spécifique chez les locuteurs. Ainsi, certains néologismes,
relevant de la néologie de langue, font partie intégrante de la
grammaire lexicale de la langue (ex. : surprenamment)
»11.
3. Néologisme de langue et néologisme de
discours
Étant dotée d'un signifié et d'un
signifiant, et ayant des distributions et des fonctions linguistiques, la lexie
néologique se veut homogène avec les autres unités de la
langue. Précisons que généralement, il existe deux types
de néologismes : néologisme de langue et
néologisme de discours. Dans notre corpus nous n'aurons affaire
qu'au néologisme de langue car les lexies collectées ne sont pas
des productions énoncées dans une situation donnée mais
des formes linguistiques diffusées socialement.
À titre d'exemple, SABLAYROLLES notera que : «
Le surgissement d'une nouvelle lexie et son fonctionnement dans la langue, quel
que soit son sort ultérieur, constituent un phénomène
langagier intéressant dont tout modèle linguistique qui se veut
complet doit rendre compte. On ne peut exclure les hapax et autres mots
d'auteur ou de discours ni de la lexicologie ni de l'analyse de discours. Nous
tenons pour néologismes relevant de la langue les lexies dès leur
création et première apparition parce que c'est la langue qui les
a rendues possibles et qu'on ne peut faire qu'elles n'aient jamais
été émises »12
3.1. Néologisme de langue
Lorsqu'un grand nombre d'individu dans une
société donnée, fait usage d'une nouvelle forme de langue
par l'utilisation des lexies nouvelles diffusées socialement, on parle
alors de néologisme de langue. Ce sont des lexies non
attestées mais qui certainement auraient pu être intégrer
dans la lexicographie. Sont appelés alors, néologismes de langue,
toutes les éventualités permises par le système
linguistique français.
11 DUBOIS J. et al, 2002, op. cit. p.
322
12 ADACI S. (2008), La néologie
journalistique : Analyse des néologismes de la presse écrite
francophone (Le cas du Quotidien d'Oran), mémoire de magistère,
Université de Constantine1, p.37.
8
3.2. Néologisme de discours
Toute production lexicale émise dans une situation
donnée par un locuteur, émane d'un discours néologique.
ADACI S.13 affirme que MORTUREUX soutient l'idée que les
néologismes sont créés dans l'usage spécifique de
la langue, elle note « c'est dans le discours que naissent les
néologismes », ces unités linguistiques récentes
se manifestent en effet, dans les divers énoncés produits par les
locuteurs.
II. Classement et typologie de néologismes
1. Classement des néologismes
La créativité lexicale relève du domaine
de la néologie en tant que processus de formation lexicale et prouve le
dynamisme de chaque langue : «Une théorie de la néologie
doit rendre compte du fait d'évidence que la création lexicale
est un élément permanent de l'activité
langagière» (Guilbert L. 1975), (cité par D. DINC). Le
néologisme ne peut se dissocier de la langue, il est ancré dans
ses particules linguistiques les plus formelles, car il use de ces
dernières pour former des nouveaux procédés de
création lexicale.
En dépit de diverses typologies préexistantes,
les néologues repartissent généralement les
procédés de formation comme suit :
1.1. Néologie de forme (formelle)
Encore connue sous d'autres appellations (néologie
flexionnelle, lexicale ou morphologique), la néologie de forme
« est la formation de mots qui n'existaient pas auparavant,
principalement obtenus par dérivation ou composition » J.-F
SABLAYROLLES, autrement c'est l'adoption des nouveaux termes dans une langue
à travers un mécanisme d'emprunt ou de fabrication de nouvelles
unités lexicales. La formation de nouvelles lexies peut survenir
à l'intérieur d'une même langue en se basant sur des mots
déjà existant. Les procédés de formation de la
néologie formelle, les plus prolifiques sont les procédés
morphologiques (préfixation, suffixation, troncation, siglaison, etc.).
Nous pouvons donner comme exemples :
? Le mot, déconnecter [?ek?n?k?e], formé par
l'adjonction du préfixe de- au verbe connecter.
13 ADACI S. 2008, op. cit. p.37
9
? L'adjonction du suffixe -eur à l'adjectif/nom
douce pour former le mot douceur [?usoe?]
? L'abrégement du nom faculté [fakyl?e],
pour obtenir la troncation fac.
? La fabrication des sigles (siglaison), à partir des
lettres initiales d'un syntagme, avion (appareil volant imitant l'oiseau
naturel).
Ces procédés peuvent souvent s'associer et ainsi
former des mots par siglaison et suffixation tels que
cégétiste ; onusien (respectivement CGT
et ONU)14. Excepté, ces procédés
morphologiques, d'autres moyens sont appliqués pour la formation de
nouvelles unités lexicales.
1.2. Néologie de sens (sémantique)
Unités lexicales préexistantes dans une langue
et auxquelles on ajoute une nouvelle acception. C'est l'adjonction d'un nouveau
sens « inédit » par apport aux sens
répertoriés d'un mot donné « Il s'agit de
néologie quand un mot déjà existant dans une langue ajoute
un autre sens » (SABLAYROLLES 2000: 150)15.
Prenons, par exemple le mot « handicap »
(déficience physique ou mentale), qui a acquis un nouveau sens de
« difficulté, obstacle».
1.3. L'emprunt
1.3.1. Définition de l'emprunt
L'emprunt est mot étranger utilisé dans une
autre langue. Le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage DUBOIS
et al., définit l'emprunt comme suit : « il y a emprunt
linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer une
unité ou un trait linguistique qui existait précédemment
dans un parler B (dit langue source) et qu'A ne possédait pas ;
l'unité ou le trait emprunté sont eux-mêmes
qualifiés d'emprunts »16, ce qui veut dire que
toute lexie nouvelle, provenant d'une langue B (source), et
intégrée dans une langue A (emprunteuse), est
considérée comme un emprunt linguistique. Dès lors, qu'une
lexie fait apparition dans le lexique d'une langue cible, le terme d'emprunt
lui est alors octroyé, ce que soutien F. NEUVEU :
14
https://www.espacefrancais.com/la-neologie/.
Consulté le 19/02/2021.
15 DINC D., La
néologie et ses mécanismes de création lexicale (
studylibfr.com),
consulté, le 20/02/2021.
16 DUBOIS J. et al, 2002, op.
cit. p. 177
10
« Le terme d'emprunt désigne un processus
selon lequel une langue acquiert une unité lexicale
intégrée au lexique d'une autre langue. L'étendue
temporelle de ce processus est très variable et se trouve
déterminée, comme le souligne Josette Rey-Debove (La Linguistique
du signe, 1998), par la codification plus ou moins rapide d'un fait de discours
dans la langue. Le terme d'emprunt a une valeur très large en
lexicologie. Elle couvre celle de xénisme (première étape
de l'emprunt, correspondant à l'usage d'un mot d'une autre langue
exprimant une réalité étrangère à la culture
de la langue d'accueil, ou une réalité qui sans lui être
étrangère ne fait pas l'objet d'une dénomination
spécifique : ex. apartheid, apparatchik). Elle couvre également
celle de calque (emprunt résultant généralement d'une
traduction littérale : ex. gratte-ciel, calque de l'anglais skyscraper).
»17
En tant que procédé externe d'enrichissement
linguistique « l'emprunt consiste à importer dans une langue
cible des mots appartenant à une langue source. Considérée
la solution la plus commode pour remplir les lacunes lexicales d'une langue, il
est favorisé par des facteurs extralinguistiques tels que le voisinage,
les rapports économiques, politiques et culturels de deux ou plusieurs
communautés. »18 En outre l'emprunt se focalise sur
les rapports politico-économiques et socio-culturels entre des
communautés linguistiques afin de combler les points faibles d'une
langue. Emprunter est donc un moyen d'enrichir les langues, mais dans toute
société il est soumis à un ensemble de forces sociales
motivées par plusieurs facteurs, dont les échanges
socio-économiques, les médias, la volonté des pouvoirs
publics d'intervenir, l'apprentissage et la formation, les attitudes des
locuteurs envers les langues, etc.19
1.3.2. Typologie d'emprunts
À travers les années et les siècles, les
langues ont évolué et le lexique qui les compose a subi des
changements parfois inspirés de concepts de langues voisines. En fait,
les vocables passent d'une langue à une autre selon la mode, les
inter-communautés, les guerres, le commerce et l'histoire. Par
conséquent, nous utilisons tous les jours dans nos conversations
quotidiennes des emprunts sans s'en rendre compte. Ainsi, à partir de
nos lectures à travers différents auteurs et théoriciens,
nous avons rencontré un nombre assez important d'emprunts, en vue de la
simplification du
17 NEVEU F, Dictionnaire des sciences du
langage, Armand-Colin, Paris, 2004, p. 222
18 DINC D., 2008, op. cit. p.6
19
www.axl.cefan.ulaval.ca.
Consulté le 15/04/2021
11
processus, nous allons nous en tenir à trois types par
Mme YETTOU N.20, selon l'emprunt du sens ; de la forme ou
de la traduction : l'emprunt lexical ; l'emprunt sémantique
et le calque.
1.3.2.1. L'emprunt lexical
La lexie est complètement transférée. La
forme et la signification des mots sont empruntées. L'emprunt lexical
est principalement lié à la lexie, dans sa relation formelle
significative. Exemple: «coach», personne chargée
d'entraîner une équipe ou un athlète, emprunté au
mot anglais «coach», signifie également
entraîneur. Le mot a certainement conservé la même
orthographe et la même signification, mais il a subi des changements
phonétiques importants. La langue emprunteuse, s'approprie le mot
emprunté en y apportant des ajustements plus ou moins importants quant
à la forme et à la signification des emprunts lexicaux, lesquels
comportent trois sous-catégories.
? L'emprunt non intégré (non
assimilé)
Sa forme reste proche de la phonéticité de la
langue prêteuse et son orthographe originale est préservée,
bien sûr lorsque les deux systèmes alphabétiques sont
identiques, parfois avec une adaptation phonétique relative: ex:
impresario (italien) - fiesta (espagnol) - hand-ball (allemand). Les lexies qui
semblent encore totalement étrangères sont celles qui n'ont pas
été complètement assimilée par la langue, soit
parce que leur prononciation reste trop éloignée des coutumes
phonétiques et graphiques françaises, soit parce qu'elles sont
trop rares ou limitées: par exemple moudjahidin (arabe) - geisha
(japonais) - tchador (iranien).
? L'emprunt intégré
(assimilé)
Les mots sont susceptibles d'être ajustés
phonétiquement ou graphiquement, tant que les systèmes
phonologiques des différentes langues coïncident rarement.
L'exemple ci-dessus, tiré de l'arabe [qahwa], peut expliquer ce
fait. Le système de langue française diffère de l'arabe,
qui ignore tout du [q] et du [h], il est obligé d'adapter les emprunts
à son système réceptif. Le [q] a été
remplacé par [k] par le système français, relativement
proche de son pour les non formés ([q] pouvant passer pour un allophone
de /k/ en
20 Mme YETTOU N. (2013). La néologie dans le journal
El Watan, étude lexicosémantique. Mémoire de
magistère. Université EL HADJ LAKHDAR Batna.
http://theses.univ-
batna.dz/index.php/component/docman/doc_view/3665-laneologie-dans-le-journal-el-watan-etude-lexicosemantique.
pp.70-76. Consulté, le 21 février 2021.
12
français, mais pas en arabe). De son côté
le [h], est complètement et simplement rejeté, car il n'existe
pas de quasi-phonèmes en français.
? Le xénisme
Selon le Trésor de la Langue Française
informatisé, le « xénisme est un subst. masc.
introduction de mots étrangers dans une langue donnée, sans
altération de la graphie, sans les marques de genre et de nombre de la
langue-hôte »21
Le xénisme est une lexie ou un énoncé
emprunté à une langue étrangère sans aucune
modification ni traduction. Le terme d'emprunt ne sera employé qu'une
fois le vocable intronisé dans la lexicographie ou lors de son
intégration à la culture d'adoption. C'est sont des
réalités qui n'ont pas de correspondant dans la langue du
locuteur français, ils sont volontairement intégrés par
lui à son élocution comme témoins du cadre
étranger22.
1.3.2.2. L'emprunt sémantique
L'emprunt sémantique est une lexie française qui
prend une nouvelle signification sous l'influence de l'anglais.
Généralement, le mot français et le mot anglais ont
tendance à avoir la même forme ou une forme similaire, par
exemple: l'adjectif portable a reçu le sens de
«portatif» de l'anglais, (ordinateur portable et un
téléphone mobile), « to realize » d'où
le verbe « réaliser » a acquis le sens de (se rendre
compte de quelque chose). Parfois, un mot français prend le sens de son
équivalent anglais « souris » en informatique reprend
le sens de l'anglais « mouse ».
Comme emprunt sémantique, nous pouvons citer quelques
exemples :
- Avoir les bleus [to have the
blues];
- Ce n'est pas ma tasse de thé [it's not my
cup of tea];
- Gratte-ciel [skyscraper];
- Gouvernement [administration].
21 Trésor de la Langue
Française informatisé, TLFi (
atilf.fr).
Consulté le 28/05/2021
22 GUILBERT L., La
créativité lexicale, coll. Langue et langage, Ed. Larousse, 1975,
p.92.
13
1.3.2.3. Le calque
Par conséquence de l'influence d'une langue
étrangère, on parle de calque lorsqu'on attribue une nouvelle
signification à un contenu d'une forme déjà existante. Par
exemple le cas des mots : « habit de lumière »,
emprunté à l'espagnol « traje de luz », «
pot-pourri », de l'espagnol « olla-podrida »
ou encore le mot « marie-jeanne » de l'espagnol «
marihuana ». GAUDIN et GUESPIN23, attestent qu'on
parle de calque lorsque des locuteurs utilisent, dans une langue cible, un
signifiant qui existe en lui attribuant un signifié nouveau, par emprunt
d'une valeur sémantique présente dans une langue source, ou quand
un signe emprunté est intégré formellement par une
traduction littérale. Il y a alors transposition d'un mot ou d'une
construction d'une langue dans une autre, par traduction. Ils repartissent
deux types de calques :
? Le calque formel
? Le calque sémantique
1.3.3. Schéma récapitulatif des types
d'emprunts linguistiques24
Emprunt intégré Emprunt non intégré
Xénisme calque sémantique calque formel
ou ou
assimilé non assimilé
Emprunt lexical Emprunt sémantique Calque
(Transfert de forme et du sens) (Transfert du sens uniquement)
(Traduction de forme ou du sens)
(Transfert d'une forme et/ou d'un sens)
Emprunt linguistique
Schéma 1
23 GAUDIN. F et GUESPIN. L., Initiation
à la lexicologie française : de la néologie aux
dictionnaires, Coll. Champs linguistiques. 1re édition. 2e tirage,
Édition Duclot, 2002, p. 298
24 Mme YETTOU Naïma., 2013, op. cit. p.77
14
2. Typologie de Jean François SABLAYROLLES 2.1. Les
matrices internes
2.1.1. Les matrices morphosémantiques
La préfixation ; la suffixation ; la dérivation
inverse (ou régressive) ; les parasynthétiques ; la flexion ; la
composition ; les synapsies ; la composition savante ; l'hybride ; les mots
valises ; la compocation ; les onomatopées ; la paronymie ; les fausses
coupes.
2.1.2. Les matrices syntactico-sémantiques
La conversion ; la conversion verticale ; la
déflexivation ; la néologie combinatoire (la combinatoire
syntaxique et la combinatoire lexicale) ; les extensions de sens ; les
restrictions de sens ; la métaphore ; la métonymie ; autres
figures.
2.1.3. Les matrices morphologiques
La troncation ; la siglaison ; les acronymes.
2.1.4. La matrice pragmatico-sémantique
Le détournement.
2.2. La matrice externe
L'emprunt.
III. Les procédés de formation des
néologismes
1. Les matrices internes
1.1. Construction
1.1.1. Affixation
a. La préfixation
Le préfixe est un ensemble de lettres (affixes),
placées avant un mot appelé racine ou radical, ce qui implique la
formation d'un nouveau mot et la modification du sens du mot de base.
15
Prenons par exemple le radical « scolaire »
auquel nous allons ajouter le préfixe « pré
», nous obtenons ainsi le nouveau mot « préscolaire
», lequel donne le sens contraire du mot de base « scolaire
». L'adjonction du préfixe « pré » a
alors modifié le sens du radical.
b. La suffixation
La suffixation est l'adjonction d'un affixe à un
radical ou mot de base pour la formation d'un mot nouveau. De ce fait, le
suffixe peut changer la nature grammaticale du mot de base et en modifier le
sens.
Si l'on ajoute le suffixe « âtre »
au radical « jaune », un nouveau mot se forme
«jaunâtre » donnant un nouveau sens (qui tire sur le
jaune) au mot ainsi obtenu. Outre la nouvelle acception du mot obtenu, nous
avons par ailleurs, à partir d'un nom commun, recueilli un adjectif
qualificatif.
c. La dérivation inverse
Consiste à former des mots simples à partir des
mots plus longs en supprimant des affixes (préfixe ou suffixe), d'une
lexie déjà existante dans la langue.
? Accorder = accord
d. Les parasynthétiques
Action qui constitue à la fois en l'ajout d'un
préfixe et d'un suffixe simultanément à un radical. Le mot
ainsi obtenu résulte d'une autre catégorie grammaticale.
? Courage = encourager
e. La flexion
Modification linguistique d'un radical sous une forme
flexionnelle. Nous avons affaire alors à des variations et non à
des créations lexicales. Notons que SABLAYROLLES caractérise deux
types de flexions :
16
Le premier types réside dans « la fabrication
ou réfection analogique (volontaire ou involontaire) de formes
«normale» pour les verbes défectifs ou irréguliers :
ils closirent, ils acquériront, et un plus inattendu ils aisseront
(«ils essaieront»), etc. »25
Tandis que « l'autre type a trait à des
changements de genre, surtout la création de substantifs féminins
pour des activités, professions pour lesquelles seule une appellation
masculine était disponible, et un exemple un peu isolé de la
création d'un adjectif masculin tiré de la forme féminine
: gladiatrice... »26
1.1.2. La composition
f. La composition
C'est la juxtaposition de deux unités lexicales libres
pour former un mot à partir d'autres éléments. L'une des
unités combinées peut résulter d'une composition
préalable.
Les mots composés peuvent se combiner comme suit :
? En deux mots séparés par un trait d'union ;
? En deux mots séparés par un espace ;
? En deux mots collés.
Exemple : un casse-tête ; bleu ciel ;
hydroélectricité.
g. Les synapsies ou composé par
particule
Unités lexicales composées de plusieurs lexies
autonomes reliées par des prépositions.
? Chemin de fer
h. La composition savante
C'est la combinaison de particule radicale avec l'addition
possible d'un suffixe (grec ou latin). La plupart des mots composés de
la langue française sont issu des emprunts aux langues anciennes telles
que le grec et le latin. Appelés aussi quasi-
25 SABLAYROLLES J.-F., La néologie en
français contemporain : Examen du concept et analyse de
productions néologiques récentes, Collection
LEXICA Honoré Champion, Paris, 2000, p.219.
26 ibidem
17
morphèmes et pseudo-morphèmes, ceux-ci forment
des mots savants et ou de spécialités (médicaux ;
techniques ; scientifiques ; philosophiques etc.).
? Anthropologie ; homicide ; topographie...
i. La composition hybride
C'est le métissage des lexies de deux langues
différentes, l'une locale et l'autre étrangère.
? Hypercorrection ; bronzing
j. Les mots-valises
C'est le résultat d'une opération de
télescopage qui s'opère en fusionnant plusieurs lexies
(généralement deux), par la combinaison du début d'un mot
et la fin d'un autre ou de deux parties de deux mots différentes, afin
de fusionner en une seule lexie deux mots préexistants.
? Informatique = information + automatique
k. La compocation
1.2. Imitation et déformation
l. Les onomatopées
Formation de lexies par imitation d'un son ; un bruit ou un
cri des réalités extralinguistiques. Les mots créés
sont censés évoquer la chose ou l'être que l'on veut ainsi
nommer.
? ding-dong ; paf ; bam
m. La paronymie
La paronymie est un procédé qui affecte la
graphie et la sonorité des lexies. C'est la déformation de la
forme concrète d'un mot par reproduction d'une mauvaise transcription de
manière consciente ou inconsciente.
? Illusion au lieu de « allusion »
18
n. Les fausses coupes
Il s'agit d'une transformation ordinaire de lexies mal
analysées quant à leurs morphèmes. En d'autres mots, c'est
une erreur de découpage inattendue entre les différents
morphèmes. Cela dit, la fausse coupe peut être involontaire ou
parfois voulue.
? Aux ados ozado ; [le]zenfant les enfants
Plus précisément, selon ROGER
BERNARD27, L'on appelle fausse coupure le
phénomène qui consiste à séparer par une analyse
différente de l'analyse structurelle un mot unitaire. C'est ce que l'on
constate, par exemple, lorsque le vieux français m'amie (= mon amie) est
devenu ma mie, ou lorsque l'anglais a napron (du vieux français naperon,
dérivé de ïàðå, en français moderne
nappe) est devenu an apron « un tablier
».
o. Le verlan
C'est la création des mots argotiques à partir
des procédés formels. Le verlan, ne consiste pas seulement en la
permutation des syllabes, il peut aussi se porter sur l'inversion des
phonèmes ou des lettres normalement non prononcées.
? Reuf frère ; zic musique
1.3. Changement de fonction
p. La conversion
C'est le processus de formation de mots par lequel une lexie
déjà existante se voit attribuer une catégorie
grammaticale différente de celle originelle. Cette
transcatégorisation, s'effectue sans changement de signifiant du mot
initial.
? Les pourquoi et les comment (des adverbes
transformés en noms communs)
? Le pour et le contre (prépositions en noms
communs)
27 Bernard Roger.
Observations sur le N résultant d'un phénomène de fausse
coupure en bulgare. In: Revue des études slaves, tome 64, fascicule 3,
1992. p.527.
19
q. La déflexivation
C'est une opération permettant la construction
d'unités lexicales (noms ou adjectifs) à partir de formes
fléchies (infinitifs et participes)28. Par exemple, «
le dîner »
r. La combinatoire syntaxique
C'est la modification des constructions syntaxiques
conventionnelles : la construction intransitive d'un verbe ayant normalement un
complément, l'emploi transitif d'un verbe intransitif, la construction
personnelle des verbes défectifs...etc., relèvent de la
néologie29.
? Ça bouge
s. La combinatoire lexicale
Ce procédé permet de combiner des unités
lexicales qui ne s'emploient pas ensemble. Le locuteur dans ce cas innove en
utilisant des mots autres que ceux normalement attendus30.
? La prise de train31
t. Extensions et restrictions de sens 1. Extensions
de sens
Le passage du signifiant d'une lexie à une nouvelle,
peut résulter d'un emploi plus étendu et ainsi entrainer
l'élargissement de son sens. Les nouvelles unités significatives
qui s'ajoutent à la lexie vont alors designer plus d'objets et ainsi
restreindre et appauvrir son sens.
? Allumer [I- mettre le feu à.
Allumer du bois sec, la mèche d'un
explosif. Par ext. Allumer le feu, le faire. ; II-
(lumière) rendre lumineux en enflammant, ou par
l'électricité (courant, pile). Allumer les bougies. Allumer un
lampadaire, une lampe de poche. Par ext. Allumer la
lumière.]32
28 ADACI S. 2008, op. cit. p.42
29 Ibidem
30 Ibidem
31 Ibidem
32
https://www.home.uni-osnabrueck.de/bschwisc/archives/polysemie.htm#_ftn8.
Consulté le 28-05-2021.
20
2. Restrictions de sens
Ce procédé permet l'enrichissement et la
spécialisation de la lexie en élargissant son usage.
L'élargissement du sens de la lexie va entrainer une signification plus
étroite et moins étendue de son emploi.
? Homme [1- « être humain »
; 2- « être humain de sexe
masculin », « homme » étant
le sens générique qui se rapporte à « humain »
exprime la signification de base, la restriction de sens étant le
résultat de l'addition du trait de sens spécifique « de sexe
masculin ».]33
1.4. Changement de sens
u. La métaphore
C'est un procédé qui consiste à employer
des termes pour désigner une idée « le coucher du soleil
»34 par d'autres termes « l'or du soir
». De ce fait, il s'agit d'assigner de nouvelles significations
à des lexies déjà existantes dans la
langue35. Ainsi, SABLAYROLLES précise qu'« une
lexie est utilisée pour dénommer un nouveau
référent qui présente des similitudes avec celui qu'elle
dénommait primitivement »36.
v. La métonymie
La métonymie exprime une réalité au
détriment d'une autre par glissement de sens. Autrement, elle
représente le tout par la partie. Avec cette figure de style «
il y a un rapport de contiguïté entre le signifié
originellement dénommé et le second »37. Ce
procédé établit des relations distinctes : la partie et le
tout ; l'objet et sa matière ; le contenu et le contenant ; le lieu et
l'activité ; l'effet et la cause etc.
? Les quatre coins la maison.
w. Autres
33
https://www.home.uni-osnabrueck.de/bschwisc/archives/polysemie.htm#_ftn8.
Consulté le 28-05-2021.
35 ADACI S. 2008, op. cit. p.43
34 Terme employé par Victor Hugo
dans son poème « demain dès l'aube..., 1856 »
36 SABLAYROLLES J.-F., La
néologie en français contemporain : Examen du concept et analyse
de productions néologiques récentes, Collection LEXICA
Honoré Champion, Paris, 2000, p.228.
37 Ibidem
21
1.5. Réduction de la forme
x. La troncation, l'apocope,
l'aphérèse
La troncation est le procédé qui consiste en la
suppression d'une ou de plusieurs syllabes à l'initial ou en fin de
mots. Généralement, la troncation survient à la fin d'un
mot fac[ulté], et rarement l'initial [auto]bus.
Dans plusieurs cas, nous assistons à une finale en
-o qui s'ajoute à la troncation :
? dict[ionnaire] dico ;
apér[itif] apéro ; mécan[icien]
mécano
? L'apocope : auto pour automobile ?
L'aphérèse : blème pour
problème
y. La siglaison
C'est la réduction d'un mot à la suite des
initiales des lexies qui le composent. Nous distinguons d'après leur
prononciation les sigles et les acronymes.
y.a. Les sigles
Les sigles sont une succession d'initiales articulés avec
les noms des lettres.
? C.E.P [ceEpe] = « certificat d'étude primaire
»
y.a. Les acronymes
Les acronymes sont une succession d'initiales articulés
comme un mot ordinaire.
? D.O.M.-T.O.M. (les) [domtom] « les
départements d'outre-mer et territoires d'outre-mer.
z. Le détournement
C'est une association d'éléments figés et
nouveaux au sein d'une unité linguistique. Mais, sauf dans les cas
de détournements purement ludiques et sémantiquement gratuits, la
mise en relation de la lexie nouvelle avec la lexie détournée est
nécessaire à sa bonne interprétation. Cela exige une
compétence lexicale et culturelle partagée sous peine
d'incompréhension38.
38 SABLAYROLLES J-F. « Fondements
théoriques des difficultés pratiques du traitement des
néologismes », Revue française de linguistique
appliquée, 2002/1 (Vol. VII), p.104.
22
Cette néologie consiste à faire du neuf avec
du vieux39 par contre on repère parfois des
détournements de citations anciennes, peu connues ou oubliées qui
risquent de ne pas être identifiées par tout le monde, et donc
interprétées de manière
satisfaisante40.
Quant à MORTUREUX41, il s'agit d'une
manipulation d'expressions figées : « en commutant un seul
élément d'une de ces expressions, on obtient une phrase dont la
valeur en discours repose sur l'actualisation simultanée du sens de
l'expression figée et du sens de l'expression obtenue par manipulation
».
? Sauver le soldat Moubarak42.
[Sauver le soldat Rayan]
2. La matrice externe aa. L'emprunt
D'après GAUDIN et GUESPIN : « on parle
d'emprunt quand un signe s'installe dans un système linguistique en
étant emprunté à un autre, sans subir de modifications
formelles »43. La néologie par emprunt selon L.
GUILBERT44, « consiste [...] non dans la création du
signe mais dans son adoption ».
? Easy, meskine, wallah, crush.
Précisons que dans notre corpus, nous avons
recensé des néologismes créés en combinant deux ou
plusieurs procédés de formation. Il est dans ce cas question
d'une successivité et non simultanéité des
opérations45.
Dans le tableau récapitulatif ci-dessous sont
présentées les matrices lexicogéniques proposées
par SABLAROLLES J-F46.
39 SABLAYROLLES J-F., 2002, op. cit.
p.104.
40 Ibidem.
41 ADACI S. 2008, op. cit. p.44.
42 Mme YETTOU N., 2013, op. cit. p.45.
43 GAUDIN F., GUESPIN L., (2000),
Initiation A La Lexicologie Française, De La Néologie Aux
Dictionnaires, Bruxelles, Ducolot. p.295
44 GUILBERT L., (1975), La
Créativité Lexicale, Larousse. p.92
45 ADACI S. 2008, op. cit. p.44
46 SABLAYROLLES J.-F., La
néologie en français contemporain : Examen du concept et analyse
de productions néologiques récentes, Collection LEXICA
Honoré Champion, Paris, 2000, p.262.
23
syntactico-sémantiques
Affixation
|
a. préfixation
|
|
|
|
e. flexion
Tableau n°1 : Les matrices
lexicogéniques
morpho-sémantiques
morphologiques
|
réduction de la forme
|
m a t
r i
c e
s
i
n
t e
r n e
s
construction
Composition
imitation et déformationLI
|
changement de
fonction
|
changement de
sens
|
f. composition
g. synapsie
h. composition savante
i. composition hybride
j. mot valise
k. compocation
l. onomatopée
m. paronymie
n. fausse coupe
o. verlanLI
p. conversion
q. déflexivation
r. combinatoire syntaxique
s. combinatoire lexicale
t. Extens° et restrict° sens
u. métaphore
v. métonymie
w. autres
x. troncation
y. siglaison/acronyme
pragmatique
matrices externe
z. détournement
emprunt
24
Conclusion
Le langage humain est une recréation des combinaisons
du sens et de la forme d'éléments nouveaux, pouvant ainsi
générer une nouvelle nomenclature du lexique selon la conjoncture
diachronique et synchronique. Face à la technologie et au sentiment de
rénovation, une langue ne peut qu'évoluer et se renouveler, mais
dans son hétérogénéité, elle se doit
d'éviter la corruption que peuvent engendrer les innombrables
créativités volatiles auxquelles elle est confrontée. En
effet, le contact permanent entre les individus à travers les
échanges linguistiques et l'harmonisation socioculturelle, engendre un
taux considérable de phénomènes linguistiques comme les
néologismes, lesquels méritent une attention particulière
et minutieuse.
Le traitement des néologismes est une tâche
hardie qui présente des difficultés théoriques
liées à la définition du statut de néologisme.
Cette notion de néologisme, varie suivant la nature ; la
fonctionnalité ; et la pertinence des lexies. Qu'elles soient un
néologisme de langue ou de discours, des unités
créées selon la norme ou pas, des créations formelles ou
sémantiques, les créativités lexicales, participent
à l'enrichissement de la langue. Le plus important c'est de les
étudier et les contrôler.
L'emprunt constitue également un procédé
d'enrichissement des langues, par ailleurs, dans chaque société,
il est régi par l'influence de divers facteurs d'une tactique d'acteurs
sociales (échanges socio-économiques, l'importance des
médias, la volonté d'intervention des pouvoirs publics, les
moyens d'apprentissage et de formation, les attitudes des locuteurs à
l'égard des langues, etc.)47. D'après cette
remarque, les conséquences des emprunts peuvent paraître
dissemblables. Ils sont acceptés facilement ou au contraire avec de
fortes réticences; ils s'intégreront rapidement ou lentement, ou
demeureront intacts dans la langue d'arrivée48.
En outre, l'emprunt linguistique est un
phénomène tout à fait normal et universel résultant
des contacts des cultures et dont se servent les langues pour élargir
leur vocabulaire.
47
www.axl.cefan.ulaval.ca
. Consulté le 15/04/2021
48 ibidem
25
CHAPITRE II
ÉTUDE LEXICO-SÉMANTIQUE ET
CORPUS
I. La lexicologie et la sémantique
« Un mot neuf vous réveille plus que des sons,
et fait vibrer chez vous la fibre inconnue. Quand une idée pourra
être exprimée par un mot, ne souffrez jamais qu'elle le soit par
une phrase.»
L. S. MERCIER
Introduction
Dans cette deuxième partie de notre recherche, il est
question d'exposer les disciplines responsables de l'analyse des mots et des
phrases. Il s'agit notamment de la lexicologie qui va
s'intéresser aux structures du lexique de la langue et de la
sémantique qui en analysera le sens. Outre ces disciplines,
nous essayerons de concrétiser notre corpus ; de l'analyser et de
l'interpréter.
D'une part, nous allons non seulement décrire notre
questionnaire mais aussi expliciter notre grille d'analyse. D'autre part, nous
évoquerons le vif de notre recherche, autrement, l'analyse des nouvelles
lexies collectées (néologismes).
1. La lexicologie
Le dictionnaire de l'académie française,
définit la lexicologie comme suit :
« XVIIIe siècle. Composé de lexico-,
tiré du grec lexikos, « qui concerne les mots », et de -logie,
tiré du grec logos, « discours, traité ». Étude
du vocabulaire, des mots et des locutions, considérés dans leur
forme, leur histoire, leurs combinaisons à l'intérieur de la
langue. »49
La lexicologie est typiquement l'étude de l'acception
des unités sur lesquelles se fonde le lexique d'une langue. Cette
discipline se donne pour objet, l'analyse des mots ; leur nature ; leur
étymologie et touche également aux liens systémiques
(particulièrement la sémantique) qui les déterminent.
49 LEXICOLOGIE :
Définition de LEXICOLOGIE (
cnrtl.fr).
Consulté le 18/04/2021.
27
Par suite, selon DUBOIS J. et al, dans le dictionnaire de
linguistique et des sciences du langage, « la lexicologie est
l'étude du lexique, du vocabulaire d'une langue, dans ses relations avec
les autres composants de la langue, phonologique et surtout syntaxique, et avec
les facteurs sociaux, culturels et psychologiques. »50.
L'apprentissage du vocabulaire se réfère non
seulement aux mots simples sous tous leurs aspects, mais aussi aux mots
complexes et aux mots composés, unités de sens du langage.
Étant donné que ces unités doivent être
analysées à la fois sous leur forme et dans leur sens, la
lexicographie est basée sur des informations issues de la morphologie,
étudiant les formes des mots et leurs composants, et la
sémantique, en étudiant leur signification. Le troisième
domaine d'intérêt particulier dans les études lexicales est
l'étymologie, l'étude de l'origine des mots. Par contre, la
lexicologie ne doit pas être confondue avec la lexicographie
qui est l'écriture ou la compilation de dictionnaires, qui est une
technique spécifique plutôt qu'un niveau de recherche
linguistique.51
2. La sémantique
La sémantique a toujours été
définie selon son objet d'analyse. De ce fait, les sémanticiens
se sont entendus du fait que ce concept qu'est la sémantique est
l'étude du sens. Par conséquent, la notion de sens n'a pas
été délimitée.
Prenons comme exemples ces définitions tirées de
« survol historique de la sémantique » de (TAMBA
Irène 2005)52 :
a- Lyons : 1978 : la sémantique est l'étude du
sens. Chez Lyon l'objet d'analyse est trop vaste on ne peut vraiment pas
délimiter les disciplines qui y interviendraient :
sémantico-pragmatique ; philosophico-logique ; psycho-sociologique.
b- Guiraud : 1955 : la sémantique est l'étude
du sens des mots. Chez Guiraud paradoxalement l'objet d'analyse est trop
restreint : une sémantique lexicale = analyse des mots simples
(équivalence).
c- Lerat : 1983 : la sémantique est l'étude du
sens des mots, des phrases et des énoncés. La
pragma-sémantique inclut un niveau de structuration lexicale ; un niveau
de structuration grammaticale et un niveau pragmatique.
50 DUBOIS J. et al, Dictionnaire de
Linguistique et des Sciences du Langage, Larousse-Bordas/ VUEF, 2002, p.
281.
51 Apprendre la lexicologie: l'étude du lexique
(
greelane.com)
Consulté le 19/04/2021.
52 Survol historique de la
sémantique (
studylibfr.com).
Consulté le 18/04/2021.
28
L'acception qu'un mot peut avoir, résulte des contextes
: culturel (le mot est un élément d'une langue qui a ses propres
codes de définition du monde.) ; syntaxique (un mot est associé
à un groupe de mots qui affectent sa signification dans une phrase.) ;
stylistique (un mot peut révéler différentes
significations en fonction de son utilisation. Les concepts de sens abstrait,
de sens pictural et de polysémie y font référence).
D'après, Georges Mounin53, chaque mot a sa
propre signification. Mais l'usage ne lui attribue pas toujours ce sens propre
et primitif, qui est en combinaison avec le sens des divers
éléments et le sens de la racine. Au fur et à mesure que
les formes changent, les sens changent aussi; change à l'infini,
resserre, améliore, nuance; Les mots ont des significations figuratives
ainsi que leur vraie signification, souvent attachées à eux par
des fils invisibles, et cela ne peut que révéler une analyse
approfondie. Cette analyse est l'objet de la science grammaticale que nous
appelons sémantique; Le mot sémasiologie a également
été suggéré.
II. Critères de sélection des unités
néologiques
1. Le critère lexicographique
Tout d'abord, il est impératif de donner une
définition à ce vocable qu'est la lexicographie. Il s'agirait d'
« une technique rédactionnelle des dictionnaires. Le mot
lexicographie composé des éléments lexico-, du grec
ëåîéêï ìí (lexique)
et -graphie (graphe). Ces mots, qui, d'après l'étymologie,
expriment l'étude des règles à suivre dans la composition
des dictionnaires, ont été employés par quelques
grammairiens pour désigner la première partie de la grammaire,
celle qui traite des mots considérés en eux-mêmes, de leurs
différentes espèces, de leurs modifications ou inflexions.
»54
Dans la mesure où la lexicographie a pour objectif la
réalisation des dictionnaires, notamment des ouvrages pratiques à
la portée de tout type de public. Il est donc primordial de consulter un
nombre exhaustif d'ouvrages et de dictionnaires français à usage
courant pour déterminer le caractère néologique ou non
néologique d'une unité linguistique55, car
ceux-ci ne reproduisent pas exactement le répertoire linguistique.
53 Georges Mounin, La sémantique, Payot,
2010.
http://www.cosmovisions.com/semantique.htm.
Consulté le 02/05/2021.
54 La lexicographie -
EspaceFrancais.com.
Consulté le 29/04/2021.
55 ADACI S., 2008, op. cit. p.25.
29
De ce fait, SABLAYROLLES56, soutient qu'il est
important de « se référer à des dictionnaires
d'usage courant, remis à jour régulièrement et
contemporains des énoncés sur lesquels on effectue le
relevé, tout en gardant en tête leur imperfection et leur retard
dans l'introduction de nouvelles unités dans leur nomenclature
».
2. Le sentiment néologique
Il est difficile, voire quasi impossible pour un individu ne
possédant pas les connaissances requises ou assez larges en lexicologie,
de repérer un néologisme. Certains, par manque de savoir et de
culture générale, attribuent à leur incompétence
lexicale, les lexies auxquelles ils se confrontent pour la première
fois. C'est pourquoi, SABLAYROLLES affirme que « l'identification des
néologismes est en grande partie liée aux compétences
lexicologiques, qui connaissent des grands écarts socioculturels
».57
Il avance ainsi « plus on est instruit et
cultivé, plus on est apte à reconnaître ce qui n'est pas
attesté conventionnellement : on développe une sorte d'intuition
lexicologique qui permet de décider - non sans risque d'erreurs bien
sûr - si une lexie rencontrée pour la première fois est un
mot existant dont on ignorait accidentellement l'existence ou si c'est une
création ».58
En ce qui nous concerne, nous avons déjà
conscience d'un nombre exhaustif de néologismes dont font usage nos
enquêtés et nous avons également connaissance de
l'intégration de quelques-uns dans les dictionnaires, et qui par
conséquent ne font plus office de néologismes. Nous avons aussi
remarqué que, certains enquêtés ne font pas la
différence entre les néologismes déjà
attestés et les nouvelles créations lexicales. De ce fait, nous
avons collecté un nombre important des néologismes qui existent
dans la nomenclature lexicographique.
56 ADACI S., 2008, op. cit. p.25.
57 SABLAYROLLES J-F., 2002, op. cit.
p.104.
58 Ibidem
30
3. méthodologie de la collecte du corpus
Le corpus de ce travail de recherche est basé sur des
néologismes collectés chez les étudiants francophones
étrangers des universités de Constantine. Les données
recueillies ont été saisies manuellement et individuellement.
Bien que cette méthode aboutit à des résultats
nécessairement limités, étant donné la très
faible proportion de productions qu'un individu seul peut effectivement
dépouiller59 mais l'intérêt
réside dans l'homogénéité de la
méthode60.
Les démarches que nous avons suivies durant notre
recherche se présentent comme suit :
> Nous avons élaboré un questionnaire
destiné aux étudiants francophones étrangers afin de
collecter les lexies néologiques.
> Pour faciliter la collecte et l'organisation des
néologismes, nous avons établi un tableau renfermant toutes les
lexies collectées (néologiques et attestées) ;
> Nous avons consulté toutes les réponses des
enquêtés afin d'écarter toute lexie qui ne fait pas objet
de néologisme ;
> Un logiciel de correction étant nécessaire
pour détecter tout écart à la norme, nous a permis de
procédé à une deuxième lecture pour garantir
l'exactitude des résultats ;
> D'une part, nous avons réalisé une
révision des lexies collectées à l'aide des dictionnaires
d'usage courant ; spécialisés ; d'expressions et autres ;
> D'autre part, nous allons repartir les néologismes
selon les procédés de formation en nous référant
à notre tableau des lexies néologiques ;
> Nous allons par la suite analyser les néologismes
en nous basant sur la partie théorique (chapitre I) et aux
données citées supra.
59 SABLAYROLLES J-F.
« Fondements théoriques des difficultés pratiques du
traitement des
néologismes », Revue française de
linguistique appliquée, 2002/1 (Vol. VII), p.98.
60
Ibidem.
31
4. Corpus d'exclusion
Le corpus d'exclusion est constitué de l'ensemble des
ouvrages lexicographiques, notamment, les dictionnaires de langue tels que les
dictionnaires d'usage courant, dictionnaires d'usage spécialisés,
dictionnaires d'expressions et autres sur lesquels va se reposer notre corpus
d'exclusion. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer :
? LAROUSSE P. (1993), Dictionnaire Encyclopédique
Illustré pour la Maîtrise de
la Langue Française la Culture Classique et Contemporaine,
Paris Cedex.
? LAROUSSE P. et AUGÉ C. (1968), Dictionnaire
Encyclopédique pour Tous, Nouveau Petit LAROUSSE, Librairie Larousse,
Paris.
? Le ROBERT. (2016), Dictionnaire de Français, nouvelle
édition, EDIF2000, Paris.
? Trésor de la Langue Française
informatisé, TLFi (
atilf.fr).
? Dictionnaire Français En Ligne, Dictionnaire
Français en ligne - Larousse.
? Dictionnaire Nouveau Larousse Illustré, Tome 4,
Paris, Librairie Larousse, 2003.
http://www.archive.org/details/nouveaularoussei04laro.
? Le Dictionnaire de la Zone. Tout l'argot des
banlieues. (c) 2000 - 2021 Cobra le Cynique. Consulté le 02/06/2021,
? Les grands et petits dictionnaires,
https://www.dictionnaires.com/verlan/.
Le 27/04/2021.
32
ANALYSE DU CORPUS PREMIÈRE
PARTIE
1. Déroulement et dépouillement du
questionnaire
Notre recherche s'effectuera dans la wilaya de Constantine
d'où son intitulé, elle concernera uniquement les
étudiants étrangers francophones des différentes
universités de Constantine. En effet, notre échantillon repose
sur un certain nombre d'étudiants étrangers qui font recours aux
créations lexicales (néologismes) dans leurs conversations
quotidiennes.
Nous avons choisi cet échantillon afin d'en
déterminer les causes et dégager les procédés de
formation qui ont été utilisés pour former ces nouvelles
lexies. Pour cela, à défaut de réaliser des
enregistrements audio à cause de la pandémie COVID19, et vu notre
incapacité à accéder aux cités universitaire en
raison d'ordre sanitaire. Nous avons opté pour la formulation d'un
questionnaire, lequel, nous a permis de conduire à bien la collecte des
unités lexicales nouvelles observées chez nos
enquêtés.
1.1. Identification
Pour connaître le profil de nos enquêtés,
nous avons élaboré un formulaire de renseignements contenant
différentes options sur (la nationalité ; le sexe ; l'âge ;
le cursus scolaire).
1.1.1. Nationalité
Figure 1 : échantillon selon la
nationalité
Nationalités
Malienne Nigerienne Congolaise
Guinéenne
4%
32%
12%
52%
34
Dans cette figure, nous remarquons la présence de
quatre nationalités ayant participé à notre recherche. Ces
dernières, se répartissent comme suit : la nationalité
malienne qui constitue un pourcentage de cinquante-deux pour cent (52%) prend
la tête de ce classement devant la nationalité nigérienne
représentée par trente-deux pour cent (32%) soit un effectif de
huit (08) participants. Les autres nationalités, congolaise et
guinéenne ont un taux de participation plus bas que les
précédentes. Trois (03) enquêtés congolais et un
(01) guinéen, ont pris part à cette enquête soit un
pourcentage de douze pour cent (12%) pour le Congo et quatre pour cent (04%)
pour la Guinée.
1.1.2. Le sexe
Figure 2 : échantillon selon le
sexe
feminin
32%
|
Sexe
|
|
masculin
|
|
|
68%
|
|
Nous constatons que nos enquêtés font preuve
d'homogénéité suite à cette figure ci-dessus, mais
le taux de participation diffère selon le genre. En effet, le
pourcentage de garçons est plus élevé (68%) que celui des
filles qui se présentent avec seulement trente-deux pour cent (32%) soit
la moitié de l'effectif.
35
1.1.3. L'âge
Figure 3 : échantillon selon
l'âge
|
|
|
|
Age
|
|
16%
|
20%
|
|
|
|
18-20
|
|
|
21-25
|
|
|
26-30
|
64%
|
|
|
Nous avons reparti l'âge en trois tranches : de 18
à 20 ans pour les nouveaux universitaires (ayant fait un cursus normal
ou non), de 21 à 25 ans et de 26 à 30 ans pour les licences ;
master et doctorat. Nous avons obtenu un pourcentage de 64% pour les
enquêtés âgés de 21 à 25 ans et de vingt pour
cent (20%) pour ceux ayant de 18 à 20 ans. Les seize pour cent (16%)
restant représentent les enquêtés de plus de 26 à 30
ans. Ce qui veut dire que le plus grand nombre des néologismes qui
constituent notre corpus est fourni par des enquêtés
âgés de 21 à 25 ans soit (64%) de notre
échantillon.
1.1.4. Le cursus scolaire
Figure 4 : échantillon selon le cursus
scolaire
|
|
Cursus scolaire
licence 1
8%
master 2
28% licence 2
12%
master 1 licence 3
16% 36%
|
36
Comme il a été mentionné dans le titre de
cette recherche, nos enquêtés sont tous des étudiants et
donc ont une certaine maîtrise de la langue française. Et comme
nous pouvons le constater selon la figure ci-dessus, ces derniers ont un niveau
d'instruction qui leur permet de détecter certains écarts
linguistiques à la norme et aussi faire recours aux créations
lexicales. Les étudiants de la troisième année licence
utilisent davantage de créativités lexicales que les autres
niveaux avec un pourcentage de trente-six pour cent (36%), devant ceux du
master deux (2) et du master un (1) avec respectivement vingt-huit pour cent
(28%) pour le M2 et seize pour cent (16%) pour le M1. Viennent ensuite la
deuxième année et la première année licence avec un
pourcentage de douze pour cent (12%) pour la L2 et huit pour cent (08%) pour la
L1.
1.2. Répertoire linguistique
Comme nous l'avons précisé plus haut, nos
enquêtés ne partagent pas la même langue maternelle, par
contre nous savons qu'ils sont issus de pays d'Afrique francophone, ainsi pour
connaître leurs langues maternelles, lesquelles peuvent
générées des créativités lexicales, nous
leur avons posé l'unique question :
? quelle est votre langue maternelle ?
La langue maternelle, est la première langue que l'on
acquiert à la maison avec les parents et particulièrement avec la
maman. Elle est donc apprise de façon naturelle et spontanée.
Figure 5 : langue maternelle des
enquêtés
kituba
8%
|
Langues maternelles
soninké
tamacheq
4%
24%
songhay
12% lingala
4%
bambara
peulh 24%
4% haussa
20%
|
37
La langue tamasheq et le bambara constituent quarante-huit
pour cent (48%) de nos enquêtés et se répartissent à
part égal vingt-quatre pour cent (24%) chacune. Le haussa occupe la
deuxième place avec vingt pour cent (20%) au-dessus des autres langues
qui se présentent avec seulement vingt-huit pour cent (28%) de
chiffrage, (songhay (12%) ; kituba (08%) ; lingala (04%) ; peulh (04%).
Nous n'avons pas jugé nécessaire de formuler une
seconde question sur la connaissance des langues étant donné que
notre public d'enquêtés, viennent tous de pays francophones et
donc ont comme langue seconde le français. Par ailleurs, c'est la partie
qui constitue l'objet de notre étude (la langue française).
1.3. Pratiques linguistiques
La tâche que nous nous sommes imposée afin
d'analyser les pratiques langagières de nos enquêtés repose
sur le choix linguistique de ces derniers. C'est pourquoi, les questions qui
ont été posées à nos enquêtés
consistent à dégager les lexies néologiques
(créativités lexicales) dont ils font usage dans leur
conversations quotidiennes et de savoir quelles sont les raisons qui les
poussent à recourir à cette méthode
(néologisme).
Ainsi, les questions se répartissent comme suit :
? Faites-vous recours aux créations lexicales
(néologismes) ?
Il s'agit de savoir si les enquêtés en questions
emploient des néologismes dans leurs conversations ou non. Dans le cas
échéant il serait inutile de remplir le questionnaire car seuls
les enquêtés qui font recours aux créations lexicales, font
objet de notre étude.
? Si oui, lesquelles ?
Ceci, permettrait de recueillir toutes les lexies
utilisées par nos enquêtés. Celles-ci, sont censées
être des mots nouveaux (néologismes) pratiqués par les
enquêtés et qui vont nous servir de corpus d'étude.
? Qu'est-ce qui vous contraint (pousse) à les employer
?
Selon cette question, l'idée est de connaître la
raison de l'émission de ces lexies nouvelles dont se servent les
étudiants. Est-ce dans le but de faire passer un
38
message ; par manque de compétence linguistique ou par
simple jeu de mots ? De ce fait, nous avons rencontré plusieurs raisons
émanant des réponses données par les enquêtés
:
Pour les enquêtés (E1 ; E2 ; E3 : E16 ; E18 ; E19
; E23 et E25), le recours aux créations lexicales rend le contenu de
l'énoncé plus drôle et amusant. Ils avancent ainsi :
E1 : « pour le fun, ça permet de plaisanter entre
amis ».
E2 : « [...] amusant et facile pour moi...
»
E3 : « pour une communication plus amusante
»
E16 : « [...] j'utilise ces mots car c'est amusant,
mais des fois pour éveiller la curiosité de mon interlocuteur
(pour des nouveaux mots)... »
E18 : « [...] quand il m'arrive de les utiliser, je
trouve ça magnifique et très amusant »
E19 : « [...], d'un autre côté pour rendre
le contenu plus drôle »
E23 : « par le simple plaisir, nous le faisons pour
rigoler, souvent aussi nous le faisons juste pour avoir notre propre langage
»
Pour les enquêtés (E2 ; E6 ; E7 ; E20 ; E22 ; E24
; E25), il s'agirait d'un moyen assurant l'intercompréhension entre les
amis/es et servant également d'identification entre les individus de la
nouvelle génération. Cela, leur permet de rester à jour
dans leur époque et simultanément de faire obstruction à
la norme.
Les enquêtés (E8 ; E9 ; E11 ; E17), trouvent la
création lexicale facile d'emploi « ils sont facile à
employé [...] »61, et qu'il est question de mots
codés que l'on communique sans qu'ils ne soient compris par les autres
« c'est des mots codés la plupart de temps pigés par les
initiés »62, « [...] et aussi pour pouvoir
communiquer sans que les autres ne puissent comprendre ce que nous disons...
»63. Et dont ils se servent pour restreindre leur cercle
d'amis/es « je les utilise pour limiter mon cercle
62 Termes employés par
l'enquêté « E8 »
61 Termes employés par
l'enquêté « E11 »
63 Termes employés par
l'enquêté « E17 »
39
d'interlocuteurs [...] »64, ce qui
permettrait également une compréhension rapide « [...],
et pour une compréhension rapide »65. Les
enquêtés (E4 et E5), ajoutent à ces raisons :
E4 : « pour mieux passer le message. Se sentir
à l'aise avec les gens. Pour passer un message clé entre nous
»
E5 : « quelques fois c'est pour faire passer le
message à bien, afin que mon interlocuteur me comprenne »
D'après ces enquêtés (E10 ; E13 ; E14 ;
E15), la société et l'entourage ne passent pas inaperçu
face aux créativités lexicales. L'une des raisons qui incitent
les étudiants à faire recours aux néologismes serait le
milieu côtoyé et l'influence sociale.
E10 : « le milieu et les personnes avec lesquelles je
suis amené cottoyé quotidiennement »
E13 : « primo, c'est la société, mais
on fait aussi recours à la comédie visionner dans les chaines de
télévision »
E14 : « l'entourage, la société
»
E15 : « l'évolution sociétale de la
linguistique, l'influence du rap, le niveau de compréhension de
l'interlocuteur, l'influence de la jeunesse sur le rap »
En dépit des raisons de créations lexicales
citées supra, diverses contraintes peuvent paraître comme chez ces
enquêtés : E16 « [...] pour paraître juste cool
(pour les mots inversés) auprès d'un groupe de personnes
» ; E19 « pour diversifier et enrichir mon vocabulaire
» ; E21 « ça permet le développement et
l'enrichissement d'un dialogue entre les individus et aussi de s'exprimer
librement ».
65
64 Termes employés par
l'enquêté « E9 »
«E11», op. cit. p.23
40
1.4. Évaluation des compétences
Cette partie vise à connaître les
compétences linguistiques de nos enquêtés. Il est question
de se renseigner sur la maîtrise de la langue afin de savoir si ces
créations lexicales sont faites de façon volontaire ou
involontaire, de manière consciente ou inconsciente. Il est important
d'avoir connaissance des compétences et incompétences
linguistiques de nos enquêtés car cela, va refléter la
crédibilité des énoncés néologiques dont ils
font usage. Sinon, d'autres phénomènes peuvent survenir tel que
l'incapacité de formuler des mots tout à fait appropriés.
C'est le cas d'une personne ayant des troubles de parole ou une amnésie
temporaire.
? De quelle manière estimez-vous parler la langue
française ?
Très bien ? couramment ? moyennement
?
Bien ? mal ?
|
|
Maîtrise du français
bien très bien
44% 40%
courammen
t
16%
|
|
|
Figure n°6
Ont tendance à utiliser les néologismes, les
locuteurs maitrisant parfaitement la langue dans l'unique but de faire croire
le contraire. Par contre, quelques utilisateurs de créativités
lexicales, les emploient pour séduire un interlocuteur ou un public. Par
ailleurs, d'autres les utilisent pour repousser autrui.
41
La deuxième question se référant aux
compétences linguistiques de nos enquêtés, se veut une
analyse sur la manière dont les étudiants perçoivent les
créativités lexicales par apport à la langue
française. L'objectif est de savoir si les lexies néologiques
enrichissaient la langue française ou elles font simplement objet d'une
réalité éphémère. La question est
formulée comme suit :
? La majeure partie des étudiants utilisent les
créations lexicales pour enrichir la langue française.
Êtes-vous ?
Tout à fait d'accord U pas du tout d'accord U
plutôt d'accord U
Plutôt pas d'accord U je ne sais pas U
Pour d'éventuels éclaircissements, les
résultats obtenus peuvent être observé dans le graphique
ci-dessous :
Plutôt pas d'accord
8%
lexies néologiques, enrichissement de la langue
française ou non
Je ne sais pas
16%
Plutôt d'accord
44%
Tout à fait d'accord
24%
Pas du tout d'accord
8%
Figure n°7
Nous constatons que les enquêtés qui sont
plutôt d'accord que les créativités lexicales enrichissent
la langue française, s'affichent avec un pourcentage de 44%, plus
élevé que les autres suggestions. En seconde place nous avons
recensé une proportion de 24%, pour les enquêtés
étant tout à fait d'accord avec cette proposition. Les
trente-deux pour cent (32%) restant, se répartissent entre ceux ayant
opté pour les choix, (pas du tout d'accord, plutôt pas d'accord et
je ne sais pas), soit respectivement : 8% pour pas du tout d'accord, 8% pour
plutôt pas d'accord et 16% pour je ne sais pas.
42
DEUXIÈME PARTIE
2. Grille d'analyse
Avant tout, nous tenons à préciser que les
lexies néologiques que nous avons collectées, sont extraites d'un
corpus élaboré par un groupe d'enquêtés à
partir d'un questionnaire. Par conséquent, notre objectif vise à
dégager les procédés de formation auxquels font recours
nos enquêtés issus des pays francophones étudiant dans la
wilaya de Constantine. De ce fait, nous allons nous fonder sur les matrices
lexicogéniques élaborées par SABLAYROLLES, qui s'est
lui-même inspiré de celles de J. TOURNIER.
Ainsi, nous n'avons retenu que les procédés
responsables des créativités lexicales recueillies chez les
enquêtés :
1. nombre de néologismes
collectés,
2. Affixation : préfixation ;
suffixation ; flexion ; dérivation inverse ; parasynthétiques,
3. Composition : composition ;
synapsies ; composition savante ; composition hybride,
4. Imitation et déformation :
onomatopées ; fausse coupes ; verlan,
5. Changement de forme et de sens :
conversion ; déflexivation ; extension de sens ;
métaphore ; métonymie,
6. Réduction de la forme :
troncation ; siglaison ; acronymes,
7. Emprunts : emprunt lexical ;
xénisme ; calque
8. nombre de productions de
néologismes.
44
3. Présentation du corpus d'analyse
Tableau n°2 : Liste des néologismes
collectés
- moudj
|
- tu dead ça
|
- avion de chasse
|
- pécho
|
- moudjette
|
- zider
|
- dechirer
|
- vénere
|
- makanda
|
- keuf
|
- footation
|
- kebri / quebri
|
- makandaise
|
- meuf
|
- tekleur
|
- chers-frais
|
- makamoudj
|
- zarbi
|
- teklation
|
- revenation
|
- makamoudjette
|
- de ouf
|
- ya dra
|
- yencli
|
- targui
|
- sans dec
|
- cablé
|
- moula
|
- sique-mu
|
- PTDR
|
- taf-taf
|
- zipette
|
- koumbeterre
|
- pecha
|
- calé
|
- gova
|
- ingnefognable
|
- wesh
|
- passe crème
|
- fouma
|
- kabakomatique
|
- moula
|
- connecteur (un mec)
|
- bigo
|
- dormation
|
- incouptiser
|
- JPP
|
- chapchap
|
- tuation
|
- incouation
|
- seum
|
- une caillera
|
- zilai
|
- gnogonbolo
|
- base aérienne
|
- blème
|
- celipo
|
- tema
|
- easy
|
- dragologie
|
- reuf
|
- poucave
|
- saucé
|
- diatance
|
- le kilo
|
- hetiste
|
- chiller
|
- maindé
|
- zicmu / zic
|
- teuf
|
- allô
|
- bala
|
- les quatre coins
|
- magantapation
|
- duper
|
- askip
|
- femeu
|
- tekle
|
- jourbon
|
- zbeul
|
- ya R
|
- renoi
|
- brecham
|
- la go
|
- oklm
|
- sapologie
|
- leki
|
- tej
|
- turfu
|
- ive
|
- teubé
|
- belek
|
- crush
|
- mangeation
|
- reuf
|
- relou
|
- tosma
|
- jouation
|
- monko
|
- dép
|
- badass
|
- genance
|
- s'enjailler
|
- PLS
|
- khabta
|
- mayonner
|
- soum-soum
|
- tiser
|
- faire le canard
|
- togué
|
- peclo
|
- ragnagna
|
- psartek
|
- mamene
|
- bails
|
- péta
|
- tchoin
|
- zaef
|
- asticologie
|
- les shit
|
- zibulateur
|
- les lovés
|
- charbonner
|
- halalisé
|
- crari
|
- facebooker
|
- enjaillement
|
- n'enfant
|
- charlatanisé
|
- nawak
|
- oilpé
|
- chéper
|
- auche
|
- tepu
|
- chanmé
|
- fait ièch
|
- zouz
|
- chelou
|
- zenfant
|
- meskine
|
- BAE
|
- quécho
|
- B.D.R
|
- Balec
|
- bro
|
- louja
|
- casse-toi
|
- wallah
|
- babtou
|
- janviose
|
- déter
|
- bif
|
- gamos
|
- la mif
|
-GG
|
- cassos
|
- yolo
|
- goumin
|
- gbassé
|
- hess
|
45
4. Analyse des néologismes
4.1. Grille d'analyse des néologismes selon les
procédés de formation
Nb. de néo.
|
Aff.
|
Comp.
|
Imit. Déf.
|
Chang.Form.Sens
|
Réd.For
m.
|
Empr.
|
160
|
Préf.
|
3
|
Dér. inv.
|
9
|
Comp.
|
8
|
C. Sav.
|
3
|
Onom
.
|
5
|
Con
v.
|
5
|
méta
.
|
5
|
Tron
.
|
9
|
E.Lex.
|
25
|
Suff.
|
18
|
Para sy.
|
3
|
Syn.
|
3
|
C.Hyb
|
7
|
F.C.
|
3
|
Défl
.
|
1
|
mét o.
|
2
|
Sigl.
|
5
|
Xén..
|
8
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Verl.
|
45
|
Ext. S
|
2
|
Rest r. S
|
3
|
Acr o.
|
7
|
Calq.
|
8
|
Nb. de Pro.
|
33
|
21
|
53
|
18
|
21
|
41
|
Tot. Pro.
|
187
|
|
Tableau nO3
L'étude des nouvelles unités lexicales est un
processus diversifié et productif utilisé par les locuteurs d'une
langue afin de l'enrichir et souvent faire entrave à la norme. De ce
fait, nous avons collecté 160 lexies néologiques, lesquelles
génèrent 187 procédés de formation. Cela peut
s'expliquer par le fait qu'une seule lexie peut intervenir dans plusieurs
procédés de formation. ADACI S.66 affirme que «
ce décalage est dû au fait que l'émetteur, dans
certains cas, a recouru à deux ou plusieurs procédés pour
créer une seule unité néologique, cela rend de plus en
plus difficile la décision du procédé de formation
responsable de l'innovation ».
SABLAYROLLES67 justifie que « c'est
l'examen du système morphologique de la langue, ainsi que celui du sens
de la lexie dans son cotexte, qui permettent très souvent de prendre une
décision plausible pour la ou les deux matrices à l'oeuvre
».
En ce qui a trait à nos statistiques, tous les
procédés générés par les matrices
concernées ont été pris en compte. Les
procédés de formation de néologismes se repartissent comme
suit :
Affixation :
Notre corpus est composé de 3 préfixations (2%) ;
18 suffixations (10%) ; 9 dérivation inverse (5%) ; 3
parasynthétiques (2%).
66 ADACI S., 2008, op. cit. p.100
67 ibidem
46
Composition :
Elle est répartie comme suit : 08 compositions (4%) ; 03
synapsies (2%) ; 03 composition savante (2%) ; 07 composition hybride (4%).
Imitation et déformation :
Nous avons recensé : 05 onomatopées (3%) ; 03
fausse coupes (2%) : 45 verlan (24%).
Changement de forme et de sens :
Les matrices innovatrices sont les suivantes : 05 conversion (3%)
; 01 déflexivation (1%) ; 02 extension de sens (1%) ; 03 restriction de
sens (2%) ; 05 métaphores (3%) ; 02 métonymie (1%).
Réduction de la forme :
Nous comptons, 09 troncations (5%), 05 siglaisons (3%), 07
acronymes (4%). Emprunt :
Les emprunts représentent 21% de notre corpus soit un
total de 41 lexies. Ils se départagent entre, emprunt simple 22 lexies,
(12%) ; emprunt composé 6 lexies, (3%) et enfin l'emprunt hybride 13
lexies, (7%).
3%
|
Procédés de formation de lexies
néologiques
2%
3%
7%
10% 5%
2%
12% 4%
2% 2%
4%
3% 4%
5% 3%
1% 2%
2% 24%
1% 3% 1%
|
préf.
Suff.
dér.inv. para. compo. synap. compo.sav. compo.hyb. onoma.
f.coupe verlan conv. déflex. ext.sens restr.sens méta.
méto. tron. sigl.
acro. empr.s empr.c empr.hyb.
|
Figure n°8
47
5. Étude lexico-sémantique des
néologismes
L'analyse lexicosémantique des néologismes se
base sur les corrélations qui existent entre la forme des lexies et leur
sens. De ce fait, pour une analyse lexicosémantique claire des lexies
néologiques, le lexique et la sémantique doivent être
indissociables.
Les procédures de formation des
créativités lexicales ont été déjà
exposées dans le chapitre I, paragraphe III. Par ailleurs, les
procédés de formation, qui se rapportent aux nouvelles lexies
collectées, seront étudiés en maintenant le même
ordre que les matrices lexicogéniques élaborées par
SABLAYROLLES J-F.
L'existence d'une typologie traditionnelle, classique des
lexies néologiques, laquelle s'appuie sur la nature du signifiant nous
laisse désiré. Cette catégorie que SABLAYROLLES
caractérise de trichotomie classique68 concerne la
néologie formelle ; sémantique et la néologie par emprunt.
Nous allons brièvement exposer les données de notre corpus selon
cette typologie car elle a antérieurement été utile dans
les études classiques néologiques.
Notre corpus est constitué de 162 lexies
néologiques dont 129 néologismes de forme, 22 néologismes
de sens et 40 emprunts. Pour plus de précisions, les résultats
sont répartis sous forme de graphique à secteur
présenté comme suit :
néologismes de sens
11%
Classement traditionnel des néologismes
collectés chez les étudiants étrangers
emprunts
21%
néologismes de forme
68%
Figure nO9
Comme indiqué dans le graphique ci-dessus, la proportion
des créativités lexicales de forme (formelles), est la plus
élevée avec un pourcentage de 68% par
68 J.-F. SABLAYROLLES - Typologies des
néologismes, Cahier du CIEL 1996-1997., Université de LIMOGES.
1sablayrollestexte.pdf (
univ-paris-diderot.fr).
p.26. Consulté le 24/12/2020
48
rapport aux emprunts qui occupent la seconde place avec un
pourcentage de 21%. Les néologismes sémantiques (de sens), ont
une faible apparition dans notre corpus, ils constituent un pourcentage de 11%
soit le tiers de la néologie formelle.
La néologie morphologique étant le
procédé le plus prolifique des créations lexicales, au
sein du système de la langue française se caractérisant
par une perpétuelle réinvention des mots, explique le taux
exhaustif des néologismes formels. Bien que comportant des règles
assez vastes se conformant à la norme, ce système qui à
l'origine a été une manoeuvre de créations constantes et
qui facilite le réaménagement des nouvelles lexies, semble
flexible morphologiquement.
Après avoir analysé notre corpus selon la
trichotmie classique des néologismes, nous allons procéder
à l'étude des lexies néologiques
morphosémantiquement. Cette corrélation entre la forme et le sens
s'explicite du fait que la morphologie lexicale porte en elle-même un
sens après interprétation des néologismes.
6. Les procédés de formation des
néologismes
Les procédés de formation se répartissent
entre les matrices internes (morphosémantiques ;
syntactico-sémantiques ; morphologiques et pragmatique) et la matrice
externe (l'emprunt). Notre corpus est constitué de 120 lexies
néologiques générées par les matrices internes
et 41 lexies néologiques générées par la
matrice externe. Les résultats sont graphiquement
répartis comme suit :
Lexies néologiques générées
par les matrices léxicogéniques
matrice externe
26%
matrices internes
74%
Figure n°10
49
6.1. Les matrices internes
Elles renferment quatre matrices dont les lexies
néologiques sont représentées graphiquement ci-dessous
:
Lexies néologiques générées
par les matrices
internes
matrice
pragmatique
0%
matrices morphologiques
14%
matrices
syntaxico- sémantiques 13%
matrices morphosémantiq ues 73%
Figure n°11
Nous constatons qu'en matière de création de
lexies néologiques, les matrices morphosémantiques font
état d'une prépondérance hors norme avec un pourcentage de
73%. Cela se justifie par l'hétérogénéité
des procédés de créativité
morphosémantiques, dont font preuve ces matrices constituant le
fondement de la néologie. Les matrices morphologiques occupent la
deuxième place dans ce chiffrage avec 14% et les matrices
syntaxico-sémantiques avec un faible pourcentage de 13%. Nous n'avons
enregistré aucune lexie néologique dans la matrice
pragmatique.
Pour étudier et mettre en relation la morphologie et le
sens des lexies néologiques générées par les
matrices lexicogéniques, nous avons élaboré des grilles
d'analyse dont les colonnes seront reparties selon chaque procédé
responsable de l'émission des lexies concernées. Nous
précisons que les éléments d'analyse diffèrent
d'une grille à l'autre, c'est pourquoi il nous est difficile de dresser
une grille exacte qui va rendre compte de toutes les informations
recueillies.
50
6.1.1. Les matrices morphosémantiques
Lexies néologiques générées
par les matrices
|
|
morphosémantiques
|
préfixation suffixation
|
|
3%
|
dérivation inverse parasynthétique
|
|
17%
|
composition
|
42%
|
|
synapsie
|
|
8%
|
composition savante
|
|
3%
5% 7%
|
composition hybride onomatopées
|
|
3% 3%
|
fausse coupe
|
|
3%
|
|
|
6%
|
verlan
|
Figure n°12
Nous remarquons d'après cette figure que le verlan est
le procédé de formation le plus affluant chez nos
enquêtés avec un pourcentage de 42% suivie de la suffixation qui
se présente avec 17%, les autres procédés dans leur
globalité s'affichent avec seulement un pourcentage de 41%, un
pourcentage encore plus faible lorsque nous repartons les
procédés chacun dans sa particularité. En dehors du verlan
qui est le procédé le plus utilisé par les jeunes, la
composition et la dérivation (dérivation inverse ;
préfixes et suffixes), restent les procédés les plus
productifs de la langue français ils font office de 35% dans notre
corpus. Cependant, ce constat est d'autant plus surprenant puisque ces
procédés qui sont censé être les plus prolifiques
linguistiquement ont un faible taux d'apparition dans notre corpus. Ce qui
s'explique par le fait que nos enquêtés sont tous des
étudiants qui sans doute, se penchent plus sur la verlanisation de la
langue influencé par le rap, que sur la création normative.
Tableau n° 4 : La préfixation
Néologismes créés par
préfixation
|
Préfixes
|
Racine
|
Néologismes
|
in-
|
Du bambara « gnefo »
|
ingnefognable
|
in-
|
coup
|
incouptiser
|
in-
|
coup
|
incouation
|
51
Tableau n°5 : La suffixation
Néologismes créés par
suffixation
|
Suffixes
|
Racine
|
Néologismes
|
-able
|
« gnefo »
|
ingnefognable
|
-er
|
un coup
|
incouptiser
|
-tion
|
un coup
|
incouation
|
-tique
|
du bambara « kabako »
|
kabakomatique
|
-tion
|
dormir
|
dormation
|
-tion
|
tuer
|
tuation
|
-er
|
de l'arabe « zid »
|
zider
|
-tion
|
du bambara « lamagan »
|
magantapation
|
-tion
|
manger
|
mangeation
|
-tion
|
jouer
|
jouation
|
-tion
|
foot
|
footation
|
-eur
|
du tamasheq « teklé »
|
tekleur (un mec)
|
-tion
|
« teklé »
|
teklation
|
-ance
|
gêner
|
genance
|
-ment
|
« enjailler »
|
enjaillement
|
-teur
|
du kikongo « zibula »
|
zibulateur
|
-ose
|
« janvier »
|
janviose
|
-er
|
« facebook »
|
facebooker
|
Les tableaux supra des néologismes par
préfixation et suffixation, prouvent que les normes des
créativités lexicales dont font preuve nos enquêtés,
sont strictement respectés. Bien que cette procédure soit
fautive, elle suit les règles de construction des nouvelles
unités lexicales auxquelles fait recours le système de la langue
française.
La dérivation inverse
- zic renvoie à [mu]sique - déter
pour déter[miné]
- blème pour [pro]blème - gamos
signifie gam[melle]
- sans dec pour sans dec[onner] - bif
renvoie à bif[ton]
- dép renvoie à
dép[ression] - la mif pour mif[a], famille
- bro pour bro[ther]
Tableau n°6 : Les
parasynthétiques
Néologismes créés par
parasynthétique
|
Préfixe
|
Racine
|
Suffixe
|
Néologismes
|
in-
|
« gnefo »
|
-able
|
ingnefognable
|
in-
|
un coup
|
-er
|
incouptiser
|
in-
|
un coup
|
-tion
|
incouation
|
52
Nous avons enregistré trois lexies néologiques
par parasynthétique, l'une d'elles semble se conformer aux règles
de créations lexicales. Les deux autres « incouptiser
» et « incouation », sont enregistrées
comme verbe et nom à partir d'une locution « un coup
». Cette création ne respecte pas les règles de la
langue française, elle ne figure pas dans les manuels grammaticaux du
système français. La règle, veut qu'on construise des
verbes à partir de noms et adjectifs et non pas à partir de
locutions.
Tableau n°7 : La composition
Néologismes créés par
composition
|
1ière lexie
|
2ème lexie
|
Fusion des lexies
|
Néologismes
|
Sens des lexies
|
Ya
|
R
|
L'une à côté de l'autre
|
Ya R
|
Il n y a rien
|
sans
|
dec
|
L'une à côté de l'autre
|
sans dec
|
Sans déconner, sans rire
|
passe
|
crème
|
L'une à côté de l'autre
|
passe crème
|
Parfait, impeccable, très
appréciable
|
base
|
aérienne
|
L'une à côté de l'autre
|
base aérienne
|
|
mec (un)
|
connecteur
|
L'une à côté de l'autre
|
(un) mec connecteur
|
Quelqu'un qui est toujours connecté aux
réseaux sociaux
|
quatre (les)
|
coins
|
L'une à côté de l'autre
|
(les) quatre coins
|
La maison, une habitation
|
fait
|
iéch
|
L'une à côté de l'autre
|
fait iéch
|
Fait chié
|
Ya
|
dra
|
L'une à côté de l'autre
|
Ya dra
|
Il y a une dispute, une querelle
|
La composition comme nous l'avons exposé plus haut fait
appelle à diverses formes comme le montre le tableau ci-dessus. La plus
part des lexies générées par la composition sont des
locutions parmi lesquelles on retrouve des structures variées : n+n
« un mec connecteur », n+adj « base aérienne
», v+n « passe crème », adj+n «
les quatre coins » etc.
Les synapsies
> avion de chasse une fille belle physiquement
> de ouf faire quelque chose de fou
> à oilpé à poil
53
Tableau n°8 : La composition savante
Néologismes créés par composition
savante
|
1ière lexie
|
2ème lexie
|
Néologismes
|
sape
|
-logie
|
sapologie
|
drague
|
-logie
|
dragologie
|
asticot
|
-logie
|
asticologie
|
Nous avons relevé trois lexies néologiques
formé à partir du suffixe grec « - logie » qui
exprime le nom d'une science, ou l'étude scientifique d'un sujet. La
« sape » qui veut dire société des
ambianceurs69 et des personnes élégantes, donc la
« sapologie » désigne un mouvement d'identité
vestimentaire qui détourne et réinvente les codes de la mode. La
structure qui s'opère dans cette composition est n+n. C'est aussi le cas
pour les deux autres lexies, excepté le fait que ces dernières
signifient : « dragologie » science de la drague et «
asticologie » science qui étudie les asticots.
Tableau n°9 : La composition hybride
Néologismes créés par composition
hybride
|
Préfixes/suffixes
|
Racine (mot de base)
|
néologismes
|
-tion
|
« teklé »
|
teklation
|
in- / -able
|
« gnefo »
|
ingnefognable
|
-tique
|
« kabako »
|
kabakomatique
|
-er
|
« zid »
|
zider
|
-eur
|
« teklé »
|
tekleur (un mec)
|
-ance
|
« diata »
|
diatance
|
-er
|
facebook
|
facebooker
|
La composition hybride met deux langues autonomes en
juxtaposition. Dans notre cas c'est le français qui se combine à
d'autres langues et vice-versa. Les règles de la langue française
sont appliquées au mot de la langue étrangère.
Le tableau supra, indique que les radicaux de nouvelles lexies
sont pris à d'autres langues (arabe ; tamasheq ; bambara ; anglais ;
lingala), mais les affixes (préfixe et suffixe), sont invariablement
pris à la langue française. Cela est d'autant plus vrai que les
néologismes par hybridation se conforment aux normes de la langue
française.
69 (Afrique), personne qui met de
l'animation dans une fête.
54
Néologismes créés par
onomatopées
> Taftaf d'une manière hâtive
> Chapchap rapidement
> Ouf soulagement ; sensation d'avoir chaud
> Ragnagna les menstrues (règles)
> Soum-soum marque la discrétion, faire
quelque chose de manière discrète
Les fausses coupes
> n'enfant un enfant
> zenfant les/des enfants
> koumbeterre pomme de terre
Tableau n°10 : Le verlan
Néologismes créés par
verlan
|
Verlan
|
Lexies originales
|
Verlan
|
Lexies originales
|
targui
|
guitare
|
monko
|
comment
|
zicmu
|
musique
|
kebri/quebri
|
briquet
|
zilai
|
à l'aise
|
chairs-frai
|
fraîcheur
|
celipo
|
police
|
yencli
|
client
|
pécho
|
chopé
|
turfu
|
futur
|
tosma
|
matos
|
caillera
|
racaille
|
zarbi
|
bizarre
|
maindé
|
demain
|
téma
|
maté
|
bala
|
là-bas
|
renoi
|
noire
|
relou
|
lourd
|
ive
|
vie
|
chelou
|
louche
|
jourbon
|
bonjour
|
chanmé
|
méchant
|
brecham
|
chambre
|
chéper
|
perché
|
leki
|
clé
|
péta
|
tapé
|
nawak
|
n'importe quoi
|
tepu
|
pute
|
togué
|
ghetto
|
à oilpé
|
à poil
|
peclo
|
clope
|
auche
|
chaud
|
teubé
|
bête
|
femeu
|
femme
|
quécho
|
choqué
|
louja
|
jaloux
|
askip
|
à ce qu'il paraît
|
reuf
|
frère
|
meuf
|
femme
|
keuf
|
un flic ; policier
|
tej
|
jeter
|
vénere
|
énervé
|
duper
|
perdu
|
babtou
|
toubab
|
mayonner
|
monnayer
|
|
|
Au vu de ce tableau plus haut, nous remarquons que le verlan
tend à devenir l'un des procédés les plus productifs de
créativités lexicales françaises. L'utilisation de ce
procédé par nos enquêtés est plutôt
impressionnante vu le nombre important que
55
nous avons collecté. Cette créativité est
responsable de plusieurs mots qui sont par la suite entrés dans le
langage courant.
6.1.2. Les matrices syntactico-sémantiques
|
Lexies néologiques
générées
métonymie
11%
métaphore
26%
restriction de sens
16%
|
syntactico-sémantiques
par les matrices
conversion
26%
déflexivation
5%
extension de sens
16%
|
|
Figure n°13
Dans cette figure, les lexies néologiques produites par
les matrices syntaxico-sémantiques, affichent en résultat un
pourcentage de 26% pour la conversion et la métaphore, qui prennent la
tête de ce classement. L'extension de sens et la restriction de sens
s'affichent avec 16% chacune et occupent la seconde place. Les seize pour cent
(16%) restant se répartissent entre la métonymie 11% et la
déflexivation 5%.
Tableau n°11 : La conversion
Néologismes créés par
conversion
|
Conversion
|
néologismes
|
Sens des lexies
|
De l'adjectif « hallal » au verbe
|
halalisé
|
[islam], qui est permis, licite
|
Du nom « charlatan » au verbe
|
charlatanisé
|
Envouter quelqu'un par des belles paroles
|
Du nom « cale » à l'adjectif
|
calé
|
Instruit dans un domaine, Difficile à résoudre
(problème)
|
Du nom « sauce » à l'adjectif
|
saucé
|
Content, satisfait, enthousiaste
|
Du nom « câble » à l'adjectif
|
cablé
|
Quelqu'un de coincer
|
Tout écart catégoriel au sein d'une lexie a des
conséquences quant à la représentation sémantique.
Comme nous pouvons le constater dans ce tableau, les néologismes
créés par conversion ont des signifiants qui existent
préalablement dans
56
la langue française, de même que le mot «
halalisé » qui vient de l'arabe « hallal
», qui a aussi subi une nuance au niveau du sens. Ces signifiants ont
subi une altération au niveau catégoriel, ainsi nous assistons
à la modification de leur aspect intrinsèque à la
catégorie grammaticale.
Par conséquent, nous obtenons comme résultat,
des nouvelles lexies construites sémantiquement et identiques au mot
déjà existant. Le mot « charlatan » par
exemple est un nom, qui existe déjà dans la langue
française, mais dans notre corpus, il apparaît comme étant
un adjectif formé à partir d'un participe passé «
charlatanisé », de même que les autres lexies «
halalisé » ; « câblé » ;
« calé » et « saucé ».
Déflexivation
Dans notre corpus, nous avons recensé une seule lexie
néologique obtenue par déflexivation « les lovés
», nom formé à partir d'une forme fléchie, le
« participe passé » du verbe « lover
».
Extension de sens
Ce procédé, qui permet d'élargir le sens
d'une lexie par l'adjonction de nouveaux sèmes, enregistre deux lexies
néologiques, « déchirer » et «
facebooker », lesquelles donnent les significations ci-dessous
:
Dans notre corpus, le verbe « déchirer » a le
sens de assurer, gérer, réussir, tandis que le Dictionnaire
Français en ligne - Larousse, lui donne les définitions
suivantes :
Déchirer : (verbe transitif)
- Diviser du papier, du tissu, etc., en morceaux, les mettre
en pièces, en lambeaux, en tirant dessus : Déchirer une vieille
facture.
- Faire un accroc à un vêtement, une pièce de
tissu.
- Blesser superficiellement une partie du corps en arrachant
un peu de peau ; écorcher : Les épines lui ont
déchiré les jambes.
57
- En parlant d'un bruit, briser brusquement le silence, ou, en
parlant d'une lumière, apparaître brusquement dans un endroit
sombre : Un cri déchira la nuit.
- Causer une grande peine ou un grave problème de
conscience ; meurtrir, tourmenter : Ça le déchire, d'avoir
à renoncer à elle.
- Diviser tragiquement un groupe, en troubler douloureusement
l'unité : Guerre civile qui déchire le pays.
- Littéraire. Dire du mal de quelqu'un, le critiquer
férocement : Il s'est fait déchirer par tous les critiques.
Quant au mot « facebook », c'est un
réseau social qui a donné récemment naissance au verbe
« facebooker » ayant comme sens le fait d'utiliser le
réseau social faccebook, autrement se connecter à ce
réseau. Contrairement à « facebooker », le mot
« déchirer » est une lexie qui existe
déjà dans la langue française tout comme son
signifiant.
Restriction de sens
La restriction de l'emploi et de la signification plus
étroite d'une lexie résulte du passage d'une signification
à l'autre. Par conséquent, le sens de la lexie s'applique
à un nombre plus vaste d'objets.
Comme restriction de sens nous avons recensé trois
lexies néologiques, les shits ; charbonner ; le
kilo, qui ont respectivement pour sens mauvaise qualité,
seconde main (la merde) ; travailler dur et la drogue.
Ils sont par ailleurs définit par le Dictionnaire Français en
ligne - Larousse, comme suit :
1- shit : (nom masculin) -
Haschisch
2- charbonner : (verbe transitif)
- Noircir avec du charbon : Charbonner un visage.
- Dessiner au charbon : Charbonner un croquis, une esquisse.
58
3- le kilo : (nom masculin)
- Abréviation de kilogramme
- En informatique, préfixe qui multiplie par 210, soit
1 024, la quantité d'information désignée par le mot qu'il
précède (abréviation K) : Kmots, Koctets, Kbits.
Tableau n°12 : La métaphore
Néologismes créés par
métaphore
|
métaphores
|
Sens des métaphores
|
Avion de chasse
|
Une fille belle physiquement
|
Base aérienne
|
|
Faire le canard
|
Être derrière une personne (suivre
quelqu'un)
|
Le kilo
|
La drogue
|
casses-toi
|
Va-t'en ; pars d'ici
|
La métaphore est un procédé fondé
sur l'analogie, elle utilise des termes complexes, difficiles à
comprendre. Par ailleurs, elle permet d'énoncer un message le plus
clairement possible ; de simplifier une idée abstraite en la comparant
à quelque chose de plus concret. Afin d'interpréter le sens des
lexies néologiques métaphorisées, nous nous sommes
intéressés au contexte de production des néologismes
concernés.
Tableau n°13 : La métonymie
Néologismes obtenus par
métonymie
|
Métonymie
|
Sens de la métonymie
|
Les quatre coins
|
La maison ; une habitation
|
Allo
|
Le téléphone
|
En ce qui concerne ce procédé, nous n'avons
relevé que deux lexies néologiques. Ces deux expressions
représentent le tout par la partie : « les quatre coins
» pour désigner une maison ; une habitation et « allo
» qui signifie le téléphone.
59
6.1.3. Les matrices morphologiques
lexies néologiques générées
par les matrices morphologiques
apocope
33%
acronyme
33%
siglaison
24%
aphérèse
10%
Figure n°14
Les néologismes par troncation à savoir
l'apocope et l'aphérèse, ont une proportion plus
élevée avec un pourcentage de 43%, soit 33% pour l'apocope et 10%
pour l'aphérèse, suivies par l'acronyme avec 33% et la siglaison
qui occupe la troisième position avec 24% devant
l'aphérèse.
Tableau n°14 : Troncation ; apocope ;
aphérèse
Néologismes obtenus par troncation
|
Lexies originales
|
Types de formation
|
Néologismes
|
musique
|
aphérèse
|
zic
|
sans déconner
|
apocope
|
sans dec
|
problème
|
aphérèse
|
blème
|
dépression
|
apocope
|
dép
|
brother
|
apocope
|
bro
|
déterminé
|
apocope
|
déter
|
bifton
|
apocope
|
bif
|
gamelle
|
apocope
|
gamos
|
la mifa ; famille
|
apocope
|
la mif
|
La troncation est un procédé dans lequel sont
classés l'apocope et l'aphérèse, parmi ces deux
catégories, l'apocope est le procédé le plus productif au
dépend de l'aphérèse. Cette créativité
néologique à laquelle font recours les étudiants,
s'explique par le besoin d'économiser du temps, de communique plus
brièvement et même de gérer l'espace dans un document.
Nous avons notifié supra III,
paragraphe 1.5, qu'une finale en -o
peut survenir dans plusieurs cas de la troncation. C'est le cas
par exemple de la lexie néologique « gamos » qui
vient de gamelle désignant les cylindres du moteur d'une
voiture.
60
Tableau n°15 : La siglaison et les
acronymes
Néologismes formés par siglaison et
acronymes
|
Formes allongées des sigles
|
Néologismes
|
Types de création
|
pété de rire
|
PTDR
|
sigle
|
au calme
|
OKLM
|
acronyme
|
ne pas être bien
|
PLS
|
sigle
|
à ce qu'il paraît
|
ASKIP
|
acronyme
|
au bord du rouleau
|
BDR
|
sigle
|
s'en battre les couilles (s'en foutre)
|
Balec
|
acronyme
|
before anyone else
|
BAE
|
acronyme
|
n'importe quoi
|
NAWAK
|
acronyme
|
j'en peux plus
|
JPP
|
sigle
|
good game
|
GG
|
sigle
|
on se casse
|
cassos
|
acronyme
|
You only live once
|
yolo
|
acronyme
|
Il est évident que prononcer des lettres en un mot est
plus simple que de les épeler l'une après l'autre. Le tableau
ci-dessus qui présente le taux le plus élevé de
néologismes par acronyme confirme ce constat. Nous remarquons aussi que
la siglaison se conforme aux règles de création du système
français.
6.1.4. La matrice pragmatico-sémantique
Concernant, la matrice pragmatico-sémantique,
responsable des lexies obtenues par détournement et dont les lexies
concernées peuvent être des locutions, un proverbe ou expression
figée subissant des changements de l'un de ces éléments
constitutifs. Nous n'avons collecté aucune créativité
lexicale.
6.2. La matrice externe
Les emprunts linguistiques représentent 26% de notre
corpus soit 41/160 des lexies collectées. Nous les avons répartis
dans le tableau ci-dessous. Afin d'en dégager la typologie, nous les
avons étudié sous forme de graphique.
61
Tableau n°16 : Les emprunts
Néologismes formés par
emprunts
|
Types d'emprunts
|
Emprunts
|
Langue source
|
lexical
|
moudj
|
arabe standard
|
lexical
|
koumbeterre
|
français
|
lexical
|
ingnefognable
|
bambara
|
lexical
|
kabakomatique
|
bambara
|
lexical
|
cruch
|
anglais
|
calque
|
tu dead ça
|
anglais
|
lexical
|
zider
|
arabe algérien
|
lexical
|
wesh
|
arabe algérien
|
calque
|
gnogonbolo
|
bambara
|
lexical
|
hettiste
|
arabe algérien
|
lexical
|
magantapation
|
bambara
|
xénisme
|
teklé
|
tamasheq (targui)
|
lexical
|
tekleur
|
tamasheq (targui)
|
lexical
|
teklation
|
tamasheq targui)
|
xénisme
|
easy
|
anglais
|
xénisme
|
fouma
|
peulh
|
lexical
|
zaef
|
arabe algérien
|
xénisme
|
khapta
|
arabe algérien
|
lexical
|
hallalisé
|
arabe standard
|
lexical
|
zouz
|
arabe algérien
|
lexical
|
meskine
|
arabe algérien
|
xénisme
|
wallah
|
arabe standard
|
lexical
|
BAE
|
anglais
|
lexical
|
zbeul
|
arabe algérien
|
lexical
|
badass
|
anglais
|
lexical
|
chiller
|
anglais
|
calque
|
mamene
|
anglais
|
xénisme
|
tchoin
|
nouchi
|
calque
|
bro
|
anglais
|
lexical
|
belek
|
arabe algérien
|
calque
|
shit
|
anglais
|
lexical
|
zibulateur
|
kikongo
|
lexical
|
enjailler
|
anglais
|
lexical
|
enjaillement
|
anglais
|
xénisme
|
goumin
|
nouchi
|
xénisme
|
gbassé
|
nouchi
|
lexical
|
hess
|
arabe algérien
|
calque
|
babtou
|
malinké/wolof
|
calque
|
poucave
|
romani
|
lexical
|
moula
|
espagnol
|
calque
|
yolo
|
anglais
|
62
6.2.1. Les types d'emprunt
xénismes
19%
Types de néologismes générés
par la matrice
externe
emprunts sémantiques
0%
calques
20%
emprunts lexicaux
61%
Figure n015
Les emprunts de type lexical, sont majoritairement
présents dans notre corpus, leur pourcentage de création est de
61%. Les emprunts sémantiques ne figurent pas dans cette proportion. Par
ailleurs, le calque et le xénisme constituent 39% des emprunts
collectés, soit un pourcentage de 20% pour le calque et 19% pour le
xénisme. Le sens et la forme comme nous l'avons remarqué dans le
tableau plus haut sont entièrement transférés dans la
langue cible.
6.2.2. Langue d'origine des emprunts
Langue d'origine des emprunts
autres
nouchi 15%
|
7%
|
anglais
|
bambara
10%
|
29%
arabe algérien
|
25%
tamasheq
7%
arabe standard
7%
|
Figure n016
La langue d'origine des emprunts, est déterminée
par la réalité des langues maternelles de nos
enquêtés. Car ceux-ci, ne partageant pas la même langue
utilisent le français comme moyen de communication et nous assistons
à des créativités de
63
part et d'autre émanant de plusieurs langues. De ce
fait, l'anglais occupe la première place de ce classement avec 29%
devant l'arabe algérien qui le seconde avec 25%. Le bambara70
vient en troisième place suivie de l'arabe standard, de
tamasheq71 et le nouchi72 qui ont respectivement comme
pourcentage 7% chacune. Nous avons également enregistré d'autre
langues avec une proportion de 1% par langue
(espagnol, romani, malinké73,
peulh74, kikongo75, français76).
70 Le bambara est une des langues
nationales du Mali. Elle fait partie du principal groupe en nombre de
locuteurs, à savoir le groupe des langues mandingues. Le bambara est une
langue très utilisée comme langue véhiculaire et
commerciale en Afrique de l'Ouest.
71 Le tamasheq (autonyme : t?maj?q)
est une langue touarègue parlée principalement par les Touaregs
du Mali.
72 Le nouchi est une forme d'argot
présente en Côte d'Ivoire et en Afrique de l'ouest. Le nouchi est
un mélange de français et de plusieurs langues de Côte
d'Ivoire, il est apparu au début des années 1970.
73 malinké, langue ou macrolangue
parlée en Afrique de l'Ouest, aussi appelé mandingue.
74 Le peul, parfois
orthographié peulh et aussi appelé aussi fulfulde ou pular, est
la langue maternelle des ethnies peules et apparentées, et aussi une
langue seconde employée en Afrique de l'Ouest notamment comme langue
véhiculaire par d'autres ethnies africaines.
75 Le kikongo ou kongo est une langue
bantoue parlée par les Kongos vivant en Angola, en république
démocratique du Congo, en république du Congo, et au sud du
Gabon.
76 Il s'agit d'un mot français
utilisé en langue tamasheq comme emprunt, « koumbeterre », qui
signifie « pomme de terre ».
64
7. Inventaire lexical
- Moudj : troncation du mot «
moudjahid », lexie employé par les étudiants
subsahariens pour dénommer en général la population
algérienne. En Algérie, moudjahid est le titre officiel du
combattant qui a participé à la guerre de libération
nationale de manière effective (1er novembre 1954 au 19 mars 1962).
- Moudjette : féminin de
moudj
- Makanda : flexion de «
makanda », nom d'une ville aux États Unis dans l'Illinois,
utilisé comme nouvelle lexie par laquelle les étudiants
étrangers en Algérie s'identifient afin de se différencier
des autochtones. Ils lui donnent aussi le sens de tout ce qui se rapporte
à couleur noire ou au teint. Il forme son féminin en «
-aise » (makandaise).
- Makamoudj : composition du mot
« makanda + moudj », appellation donnée aux
algériens du Sud (habitants du Sahara) dû à leur teint
métissé. Le mot « makamoudjette » forme son
féminin.
- sapologie : Est un mouvement
d'identité vestimentaire qui détourne et réinvente les
codes de la mode parisienne. Transgression des codes vestimentaires
européens, notamment au Congo.
- dragologie : science qui apprend
à faire la cour à une personne dans le but d'obtenir ses faveurs
amoureuses
- asticologie : science qui
étudie les asticots. Notamment la larve des mouches et autres insectes
volants de l'ordre de diptères.
- ingnefognable : (bambara), «
gnefo » = dire, que l'on ne peut pas dire.
- incouptiser : verbe. un coup + les
affixes « in- » et « -er », et qui
désigne faire plusieurs choses en un instant et en même temps.
- incouation : Nom. provenant du verbe
« incouptiser » définit plus haut.
- kabakomatique : (bambara), «
kabako » = étonnement + matique de (problématique)
= gravissime, impressionnant.
- dormation : En état de
dormance, personne qui dort.
- tuation : Éliminer le pion
d'un adversaire dans un jeu (Ludo).
65
- zider : (arabe algérien)
« zid » = ajoute, employé comme verbe «
zider » = ajouter, par les étudiants francophones
subsahariens.
- magantapation : Action de frapper,
de redresser une personne.
- jouation : c'est le fait de jouer
à un jeu ou de la musique. Désigne l'action produite par ce
joueur ou ce musicien.
- mangeation : action de manger.
- footation : exprime le fait de
jouer au football.
- tékleur :
(tamasheq/targui), « teklé » = partir +
suffixe « -eur » = partant ; marcheur. Quelqu'un qui marche
ou qui se promène beaucoup.
- teklation : fait de marcher, de
partir.
- genance : sentiment de malaise ou
d'embarras ressentis par une personne pour elle-même ou pour autrui
traversant une période de solitude.
- enjailler : (anglais), «
enjoy » terme utilisé en Côte d'Ivoire pour
désigner une fête ou des manifestations publiques de joie ;
s'amuser.
- zibulateur : (Afrique centrale)
Outil permettant de déboucher une bouteille, décapsuleur ; ouvre
bouteille.
- crari : faire croire, faire semblant
- diatance : un art de bouger que
les sapeurs appellent « diatance », spécialement pour
mettre en valeur les vêtements, les chaussures et autres.
- facebooker : le fait d'utiliser le
réseau social facebook, également utilisateur de ce
réseau.
- crush : (anglicisme), sentiment
passager d'attirance ; de pulsion que l'on éprouve à
l'égard d'une personne. Désigne aussi la personne pour laquelle
on éprouve du désir.
- tu dead ça : Expression
popularisée par la chanteuse Aya Nakamura ; cela signifie que" vous avez
tout tué", que vous avez donc assuré et que vous avez un talent
particulier dans l'action que vous venez d'effectuer.
66
- wesh : (Arabe), « wach
» = quoi, est un mot qui marque la salutation (comment ça va).
Utiliser également pour demander ce qui se passe.
- gnogonbolo : (Bambara), exprime la
solidarité, littéralement (on est ensemble).
- hettiste : (arabe
algérien), « hit » = mur; (1990), personne
désoeuvrée qui passe sa journée adossée à un
mur. De nos jours ce terme est employé pour désigner les hommes
qui courent après les jeunes filles.
- easy : (Anglais), facile,
aisé.
- fouma : (Guinée Conakry),
quelque chose de banal.
- zaef : (Arabe), «
zeâf » = colère, qualifie une personne
énervée, en colère.
- khapta : c'est une fête,
plus particulièrement une soirée alcoolisée. Par
glissement, s'emploi avec le sens de ivresse.
- zouz : (Arabe), «
zùdj » qui signifie deux et qui fait donc
référence à la deuxième personne composant le
couple après l'homme. La « zouz », ou deuxième
personne du couple, fait donc référence à la femme, ou la
fille.
- meskine : De l'arabe, «
meskîn » = pauvre, expression de compassion par apport
à quelqu'un. Marque également la pitié.
- wallah : Interjection arabe «
wAllah », signifiant littéralement « par Allah
» (sous-entendu « [je le jure] par Allah »). Serment qui
consiste à prendre à témoin Allah, pour prétendre
que les propos d'un locuteur ne sont pas mensongers.
- BAE : Expression anglo-saxonne
« before anyone else » personne ou quelque chose à
laquelle on prête énormément d'attention dans sa vie. Ceci
s'emploi aussi bien dans un contexte amoureux qu'amical.
- zbeul : Signifie « ordure
» en arabe. Quand vous mettez ou que vous allez mettre le «
zbeul » chez quelqu'un, c'est que vous avez l'intention de mettre
la pagaille.
- badass : (anglais americain),
personne possédant certaines qualités à un degré
hors normes, balèze. Autrement, un dire à cuire, quelqu'un qui
déchire.
- chiller : (anglais familier), «
«to chill » = se détendre, se relaxer, passer du bon
temps.
67
- mamene : (anglicisme),
formé à partir de « my man » qui signifie mon pote, mon
gars ou encore mon ami.
- tchoin : (nouchi), une fille
facile. Une femme qui se donne facilement aux hommes. - bro :
En anglais, bro signifie frérot, un diminutif
affectif de brother, frère en anglais.
- shit : Haschisch, cannabis. De
l'argot anglo-américain shit qui désigne la marijuana et qui issu
de l'anglais vulgaire shit « merde ».
- gbassé : (nouchi), faire
des fétiches, envoûter une personne.
- hess : Vient de l'arabe «
hessd », qui signifie « volonté de nuire ».
Employée par les jeunes, cette expression désigne le fait
d'être dans la galère.
- goumin : C'est l'appellation en
verlan ivoirien (nouchi) du chagrin d'amour. C'est lorsqu'on aime vraiment et
qu'on est rejeté par notre partenaire.
- babtou : Du malinké «
toubabou » et du wolof « tubaab », terme
utilisé en Afrique de l'Ouest pour désigner les européens,
la peau blanche.
- poucave : Provient d'un verbe
romani (la langue des Roms) ; désigne une personne à qui on ne
peut pas faire confiance, en raison de son penchant pour la trahison et la
délation.
- moula : Argent. De l'espagnol
« mula » signifie « mule » en rapport avec ceux
qui transportaient l'argent, la drogue.
- belek : Vient de l'arabe :
attention, il s'agit le plus souvent d'un conseil amical pour prévenir
quelqu'un d'un danger potentiel.
- gamos : Vient du mot gamelle
désignant les cylindres des voitures. Utiliser par les rappeurs pour
désigner une voiture haut de gamme.
- Janviose : (Cameroun), maladie du
mois de janvier. Maladie rare qui a la particularité de n'apparaitre que
durant le mois de janvier.
68
Conclusion
L'examen des néologismes collectés chez les
étudiants francophones, que nous venons de réaliser avait pour
objectif d'étudier les procédés de formation auxquels font
recours ces étudiants. Le nombre exhaustif des nouvelles lexies
collectées, montre le besoin qu'éprouvent les étudiants
à vouloir être bref et concis.
D'après l'analyse lexicosémantique des
néologismes recensés, la néologie qui s'affirme comme
étant un nouveau mode d'expression à travers le monde
linguistique, révèle une transgression des règles du bon
usage de la langue française. D'abord, elle permet aux étudiants
de créer des nouvelles unités linguistiques en jouant avec la
langue. Ensuite, nous constatons dans cet enjeu créatif, le respect des
règles de création du mot.
Malgré la présence de quelques emprunts hybrides
relatifs à la néologie, nous les avons étudiés sous
un autre angle (emprunt lexical, emprunt sémantique, le xénisme
et le calque), au dépend de la typologie évoqué dans la
théorie. Néanmoins, la néologie par hybridation
démontre, la capacité extraordinaire qu'ont les langues à
se combiner avec aisance en créant des lexies néologiques.
L'étude morphologique des néologismes, justifie
la minutieuse tâche réalisée sur le lexique de la langue
française par les étudiants. Cela signifie que les
enquêtés maîtrisent plus ou moins la langue française
et ressentent le besoin de se l'approprier.
Quant à l'analyse du sens des nouvelles unités
recensées par les matrices lexicogéniques, nous nous sommes
référés aux propos de GEORGE Mounin, « Tout mot a
une signification propre. Mais l'usage ne lui attribue pas toujours
exclusivement cette signification propre et primitive, qui réside dans
la combinaison du sens de divers éléments avec celui de la
racine. De même que les formes se modifient, de même varient les
sens; ils s'altèrent, se resserrent, se développent, se nuancent
à l'infini; outre leur sens propre, les mots ont des sens figurés
qui s'y rattachent par des fils souvent invisibles, qu'une analyse
pénétrante peut seule faire découvrir. Cette analyse est
l'objet d'une science grammaticale à laquelle on a donné le nom
de sémantique (science des significations); le mot sémasiologie a
été
69
également proposé »77.
À partir de là, d'autres phénomènes sont
entrés en jeu (dictionnaires français à usages
courant).
L'emprunt qui constitue une proportion assez importante de
notre corpus montre à nouveau le mouvement constant que maintiennent les
mots entre les langues. YETTOU Naima78 atteste que « les
mots ressemblent à de véritables voyageurs, qui transportent avec
eux leur culture et racontent leur histoire dans un autre pays que le leur
».
En fin de compte, cette étude nous a
révélé les capacités qu'ont les étudiants
à recourir aux créativités lexicales de façon
spécifique et stratégique. Cette capacité est
attisée par la volonté de s'identifier par apport à une
génération, un groupe restreint d'amis(es), de faire passer un
message codé que seuls les initiés peuvent décoder.
D'autres, utilisent ces créativités lexicales pour enrichir leur
vocabulaire et faire entrave à la norme.
77 Georges Mounin, La sémantique, Payot,
2010.
http://www.cosmovisions.com/semantique.htm.
Consulté le 02/05/2021.
78 Mme YETTOU N. (2013). La néologie dans le journal
El Watan, étude lexicosémantique. Mémoire de
magistère. Université EL HADJ LAKHDAR Batna. p.147.
http://theses.univ-batna.dz/index.php/component/docman/doc_view/3665-laneologie-dans-le-journal-el-watan-etude-lexicosemantique.
Consulté, le 21 février 2021.
70
CONCLUSION
GÉNÉRALE
Conclusion générale
« Si vous ne pensez pas, créez de nouveaux mots
»
VOLTAIRE
L'objectif de cette étude était de
dégager les différentes formes de néologismes
représentés par un corpus d'étudiants étrangers
francophones pour une recherche sociolinguistique. Cette recherche a pour objet
de déterminer les raisons pour lesquelles les étudiants
francophones font recours aux créations lexicales et d'analyser
l'ensemble des néologismes collectés chez ces derniers, à
savoir : les créativités lexicales aussi bien que les
emprunts.
Premièrement, à l'essor de cette recherche, le
concept de la néologie et du néologisme constituent des
éléments clés qui ont écarté toute
ambiguïté par apport à notre sujet. Pour cela, nous nous
sommes référé aux travaux de quelques auteurs tels que
SABLAYROLLES J-F, L. GUILBERT, L-S MERCIER et autres. D'après les
définitions données par les dictionnaires de linguistiques et
différents théoriciens, ces deux termes démontrent
implicitement l'évolution du français moderne. En second lieu,
nous avons classifié et dégagé la typologie de
procédés de formation des néologismes inspirée par
celle de J-F SABLAYROLLES.
Par la suite, pour analyser la morphologie des lexies
néologiques, nous avons évoqué les disciples responsables
de l'analyse des mots et des phrases. Il est question de la lexicologie
responsable de l'étude de la structure d'une langue et de la
sémantique qui a servi à analyser les sens des nouvelles
unités collectées. Une grille d'analyse a été
établie pour rendre compte des lexies collectées et donner des
explications sur le processus de leur formation.
Notre méthodologie reposait sur une double analyse du
corpus à savoir : une étude quantitative et qualitative. La
première étant centré sur une analyse statique
tâchait de lister des affinités d'ensembles tels que : les
procédés créatifs les plus fréquents que d'autres,
le nombre de créativités lexicales par apport aux emprunts, les
matrices lexicogéniques les plus productives, les langues d'origines
des
72
emprunts etc. l'analyse qualitative en second lieu, nous a
permis d'examiner les lexies néologiques isolées de leurs
cotextes, d'étudier leurs caractéristiques selon un aspect
morphologique, sémantique et pragmatique.
Les néologismes ont été recensés
manuellement et de façon semi-automatique à l'aide d'un logiciel
de correcteur « druide antidote 8 », afin de garantir les
résultats. Malgré son efficacité dans le repérage
et l'identification des néologismes sémantiques, il est
évident que la méthode manuelle peut par inattention laisser
passer des néologismes potentiels. C'est pourquoi, nous avions convenu
pour la semi-automatisation du repérage. Par contre, cette
méthode pratique quant à l'identification des néologismes
formels autorise amplement les néologismes de sens tel que des noms
employés comme adjectifs. Nous avons choisi cette méthode afin de
garantir un maximum de précisions dans notre recherche.
Le premier constat auquel, a abouti cette étude, est
que la majorité des lexies néologiques recensées sont
formées au strict respect des règles de la création du mot
français. Sauf, deux lexies « incouptiser » et «
incouation », enregistrées comme verbe et nom et qui sont
formées à partir d'une locution « un coup ».
C'est une création qui ne figure pas dans les règles de la langue
française. La règle se veut une construction de verbes à
partir de noms et adjectifs et non au détriment de locutions.
La deuxième remarque que nous avions pu dégager
concernant les néologismes collectés est qu'ils proviennent de
langues différentes. Nous les avons réparties dans un graphique
selon la dominance des néologismes par langue comme suit :
anglais, arabe algérien, arabe standard,
bambara, tamasheq, nouchi et autres
(espagnol, romani, malinké, peulh,
kikongo, français).
Le résultat de l'analyse des créativités
lexicales montre que les néologismes émus par les
étudiants étrangers francophones reflétant la langue
française pratiquée dans divers pays d'Afrique de l'ouest, que
les lexies néologiques ne sont pas exclusivement construites à
partir du formant de la langue française. Les étudiants
étrangers utilisent plusieurs langues, qu'ils alternent tout en puisant
les règles de leurs combinaisons aux sources de la langue
française.
73
Le nombre exhaustif des néologismes collectés
prouve l'importance de ce vocable qu'est la néologie. La néologie
n'est pas un fait insignifiant mais un concept qui use de toutes les
disciplines de la linguistique afin d'analyser le lexique d'une langue. Le
produit de ce concept qui est à même d'être
étudié est le néologisme.
Un certain nombre de questions se posait au cours de cette
recherche : la plus justifiée qui se pose, est qu'est-ce qu'un
néologisme ? N'importe qui semble connaitre la réponse « un
nouveau mot ». Par contre, tout s'obscurcit lors de la recherche, ce
concept si banal, se complexifie. En plus de celle-ci, d'autres questions se
formulaient, pourquoi les étudiants, font-ils recours aux
créativités lexicales ? Est-ce un simple jeu de mots ? Est-ce
pour enrichir la langue par l'intégration des nouvelles unités ?
Quels sont les procédés de formation utilisés dans les
créations ? Quels sont les procédés les plus productifs
?
L'analyse des néologismes selon les
procédés de créations montre que les matrices
morphosémantiques sont les plus prolifiques dans la production de
nouvelles unités lexicales. Mais dans cette étude le verlan
occupe une place importante avec une proportion plus élevée par
apport aux procédés censés être les plus productifs
de la langue française. Il est notamment question de la composition et
de la dérivation. L'emprunt par contre reste incontournable il fait
office d'une présence considérable dans cette étude.
L'hybridation néologique du français avec d'autres langues,
produit une variété de mots très vaste contribuant ainsi
à la richesse de langue.
Pour montrer comment ont été fabriquées
les lexies néologiques, il nous a fallu les étudier sur une
dimension lexicologique. Comme résultat, nous avons enregistré
des néologismes obtenus par affixation (préfixation, suffixation,
parasynthétiques), par combinaison des lexies généralement
autonomes, composition (savante, hybride), verlan, extension et restriction de
sens etc. ainsi que les figures de styles qui se révèlent
productives en néologie sémantique. Ce qui veut dire que la
néologie chez nos enquêtés n'intervient pas uniquement sur
la forme mais aussi sur l'élargissement du sens et de sa restriction.
74
Sémantiquement, nous avons analysé le sens des
néologismes en replaçant l'unité néologique dans
son cotexte et contexte de production et en nous référant
à divers dictionnaires d'usage courant et d'autres manuels
lexicographiques. Ceux-ci, nous ont facilité l'interprétation des
nouvelles lexies.
Le travail effectué au niveau des emprunts a
démontré que les types d'emprunts les plus dominants, sont les
emprunts lexicaux, lesquels font objet d'une importation
morphosémantique. Cela témoigne de la fainéantise de
l'être humain renonçant à son ingéniosité
créative au dépend des mots d'une langue étrangère.
Certes, ces mots ne peuvent pas toujours être remplacés donc on se
voit contraint de les employer telle quelle. MICHEL BREAL79 dans son
ouvrage, Essai de sémantique, les a qualifiés : « des
mots qui ne s'inventent pas deux fois, mais ils se propagent de peuple à
peuple, pour devenir le bien commun de toute l'humanité ».
Les néologismes ont été brièvement
accompagnés de commentaires qui démontrent que leur usage a
été fait délibérément. Ils ont
été créés à des fins voulues afin de
répondre à un besoin communicationnel et à une forte envie
de transgresser les règles normatives de la langue française.
Certains étudiants les utilisent pour créer leur propre
vocabulaire et codifier leur langage, auquel ils recourent uniquement avec un
groupe restreint d'amis(es).
Les nouvelles unités lexicales recensées,
prouvent que la néologie qui s'opère chez les étudiants
étrangers francophones, est structurée autour d'un lexique
certifié et non certifié, c'est-à-dire que les nouvelles
lexies enregistrées existent éventuellement dans le
système linguistique français. Nous assistons simplement à
des modifications morphosémantiques des unités lexicales
déjà contenues dans la langue.
Ces propos rejoignent la distinction s'établissant
entre la production et la création d'une lexie néologique que B.
Fradin (cité par CUSIN-BERCHE F.), présente comme suit : «
la productivité est la capacité à créer des
expressions, qui ont pour vocation à devenir des unités
lexicales, en recourant aux moyens formels qu'offre la langue pour construire
des lexèmes ou des expressions [...] La créativité en
revanche s'affranchit des règles servant à la construction des
unités lexicales.
79 BREAL M. Essai de Sémantique :
«sciences des significations », Paris, Hachette, 1897, p.362.
75
Elle ne met pas en oeuvre -- ou pas uniquement -- des
procédés appartenant à la grammaire de la langue
(analogie, verlan, etc.) ».
Au terme de cette analyse, il est important de rappeler les
propos de quelques chercheurs ayant abordé le concept de néologie
:
« La définition très large, très
ouverte du phénomène de la néologie est si accueillante
qu'en fin de parcours elle cerne mal la nouveauté par rapport au
vocabulaire lexicalisé et par rapport à la norme
».80
« Les néologismes, toujours aussi nombreux,
sont en outre formés selon de nouveaux modèles » et «
il faut accepter qu'une langue vivante change de norme »81
Il est certain que ce champ d'études ne sera jamais
mené à son terme, vu que le corpus de données se
renouvelle incessamment avec l'émergence de nouvelles lexies. Ces
études ne se limitent pas qu'au cadre de la lexicologie ou de la
lexicographie, elles concernent en effet, toutes les branches de la langue et
celles des sciences du langage en particulier.
80 Sablayrolles, J.-F. (2000) : La
néologie en français contemporain. Examen du concept et analyse
de productions néologiques récentes, Paris, Honoré
Champion éditeur, coll. « Lexica », no 4, 589 p.
81 Alain Rey et Josette Rey-Debove dans
l'introduction du Nouveau Petit Robert, p. XIV.
76
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RÉSUMÉ
Résumé
Cette recherche, qui relève de la sociolinguistique,
porte sur les créativités lexicales chez les étudiants
francophones en Algérie. Depuis notre arrivée dans les
universités algériennes notamment celles de Constantine, nous
avons côtoyé un certain nombre d'étudiants étrangers
venus de différents pays d'Afrique francophone. À partir de cette
fréquentation, nous avons remarqué des faits nouveaux dans
l'utilisation de la langue française plus précisément des
créativités lexicales. En effet, le flux de néologismes
qui provenait des conversations de ces étudiants attirait notre
curiosité et nous nous sommes posé des questions sur la pratique
de ces nouveaux mots.
Faute de ne pouvoir faire des enregistrements audio à
cause de la pandémie COVID19, nous avons élaboré un
questionnaire afin de collecter les lexies néologiques auxquelles font
recours ces étudiants. Pour analyser notre corpus, le concept de la
néologie, de la lexicologie, de la sémantique et celui de la
lexicographie font l'objet de notre étude en nous basant sur des travaux
de quelques chercheurs.
L'objectif de ce travail par la suite, est de
déterminer les procédés de formation des
néologismes collectés suivant la typologie élaborée
par SABLAYROLLES J-F tout en tenant compte de la corrélation entre la
forme et le sens (analyse lexicosémantique), des lexies
néologiques.
Mots-clés :
néologie - néologismes - lexicologie - sémantique -
lexicographie - analyse lexicosémantique
Abstract:
This research contributes to sociolinguistic studies on
lexical creativities among francophone students in Algeria. Since our arrival
in the Algerian universities, particularly those of Constantine, we have worked
with a number of foreign students from different francophone African countries.
From this attendance, we noticed new developments in the use of the French
language specifically lexical creativities. Indeed, the flow of neologisms that
came from the conversations of these students attracted our curiosity and we
wondered about the practice of these new words.
Unable to make audio recordings due to the COVID19 pandemic,
we developed a questionnaire to collect the neological lexicons used by these
students. To analyze our corpus, the concept of neology, lexicology, semantics
and lexicography are the subject of our study based on the work of some
researchers.
The aim of this work subsequently is to determine the
processes of formation of neologisms collected according to the typology
elaborated by SABLAYROLLES J-F while taking into account the correlation
between form and meaning (lexicosemantic analysis), of neological lexicons.
Keywords: neology -
neologisms - lexicology - semantics - lexicography - lexicosemantic
analysis.
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.-40.4.j#11
sL4.11II
ANNEXES
LES QUESTIONNAIRES
- Table des matières des questionnaires
-
Enquêté 1 .101
Enquêté 2 .102
Enquêté 3 .103
Enquêté 4 .104
Enquêté 5 .105
Enquêté 6 106
Enquêté 7 .107
Enquêté 8 .108
Enquêté 9 .109
Enquêté 10 ..110
Enquêté 11 111
Enquêté 12 ..112
Enquêté 13 113
Enquêté 14 114
Enquêté 15 115
Enquêté 16 116
Enquêté 17 117
Enquêté 18 118
Enquêté 19 119
Enquêté 20 120
Enquêté 21 121
Enquêté 22 122
Enquêté 23 123
Enquêté 24 124
Enquêté 25 125
1
Enquêté 1
2
Enquêté 2
3
Enquêté 3
4
5
Enquêté 4
Enquêté 5
6
Enquêté 6
7
Enquêté 7
8
Enquêté 8
9
Enquêté 9
10
Enquêté 10
11
Enquêté 11
12
Enquêté 12
13
Enquêté 13
14
Enquêté 14
15
Enquêté 15
16
Enquêté 16
17
18
Enquêté 17
Enquêté 18
19
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