B : Le risque de sanctions
Allant de l'incitation à la
coercition, la conformité doit garder
davantage son caractère contraignant, la notion de la sanction y est
inhérente, toutefois cette sanction est de divers aspects. Elle est
judiciaire, pénale ou civile, (I) administrative et
disciplinaire (II).
I. La sanction judiciaire
La sanction est dite judiciaire lorsqu'elle est
prononcée à l'encontre de l'entreprise ou contre ses dirigeants
par une juridiction compétente, cette sanction peut être
pénale (a) ou civile (b)
a) La sanction pénale
Renvoyant au droit pénal des affaires,19 La
sanction pénale désigne l'ensemble des peines prévues par
le législateur pour réprimer tout acte ou omission interdit par
la loi. Dans ce cadre l'entreprise ou encore les dirigeants peuvent se voir
condamnés à des sanctions pénales,
généralement pécuniaires sous forme d'amendes, hormis des
cas spécifiques d'incarcération des dirigeants. De ce fait
l'entreprise risque théoriquement d'être condamnée à
payer une somme d'argent fixée par la loi au Trésor Public et
prononcée par le tribunal correctionnel à l'occasion de chaque
infraction ait été commise
Bien que la définition des textes applicables à
l'entreprise d'assurance et de réassurance et le recensement des
sanctions prévues ne puissent être parfaits que dans le cadre de
la rédaction du référentiel règlementaire
néanmoins rien n'empêche de faire avancer quelques exemples dans
ce cadre.
> Code des assurances: les dispositions du chapitre (3) du
titre 2 intitulé «le contrôle et les sanctions et notamment
les articles 88, 89 et 90.
> La loi organique n°2015-26 du 7 août 2015
relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du
blanchiment d'argent telle que modifiée et complétée par
la loi n°2019-9 du 23 janvier 2019 : les dispositions de la Sous-section 2
de la section 2 du chapitre 2 intitulée « Des mécanismes
d'investigation des opérations et transactions suspectes »
notamment les articles allants du numéro 136 au numéro 140.
> Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015, relative
à la réorganisation de la concurrence et des prix. Des sanctions
sont prévues surtout en matière de concurrence et pratiques
déloyales.
> Loi 92-117 du 07 décembre 1992 relative à
la protection du consommateur. Surtout en cas de manquement au devoir
d'information et la non-conformité des contrats aux
produits/services.
> Loi 98-40 du 02 Juin 1998 relative aux techniques de
vente et à la publicité commerciale. Surtout la répression
de la publicité mensongère.
> Loi organique n° 2004-63 du 27 juillet 2004, portant
sur la protection des données à caractère personnel.
> La loi n° 1994-17 du 14 novembre 1994 portant
réorganisation du marché financier.
19 Le droit pénal des
affaires est l'ensemble des règles de droit concernant les infractions
inhérentes au domaine des affaires, outre des infractions de droit
commun, le droit pénal des affaires comprend des lois spéciales
comme le droit des sociétés commerciales, le droit de la
concurrence, le droit de la consommation, droit boursier...etc.
b) La sanction civile
Ayant un caractère exécutoire, la sanction
civile est considérée comme l'effet d'une résolution prise
par une autorité judiciaire.
Hormis la déclaration en faillite qui désigne la
disparition de l'entreprise, on peut énumérer les sanctions
suivantes dont l'effet est significatif non seulement pécuniairement mai
encore sur l'image et la réputation de l'entreprise.
? La déchéance: La
déchéance d'un droit est le fait de ne plus pouvoir en obtenir la
reconnaissance en justice. C'est l'expression de la nonchalance et le non
diligence de l'entreprise.
? La résiliation : la
résiliation n'est pas uniquement conventionnelle, elle encore judiciaire
et sous forme de sanction pour non-respect des engagements contractuels, une
fois prononcée cette sanction reflète un manquement au devoir
d'intégrité.
? La nullité : La
nullité est la sanction de l'invalidité d'un acte juridique, ou
d'une procédure due à un vice de forme ou de fond. Si un acte est
frappé par la nullité c'est que le management de l'entreprise est
mal conseillé et que la fonction conformité a manqué l'une
de ses missions.
? Les dommages-intérêts
: Les dommages-intérêts constituent la compensation
financière que l'entreprise peut payer à titre de
dédommagement dont le fondement réside soit dans la
responsabilité pénale soit délictuelle ou contractuelle de
l'entreprise.
? Les astreintes et l'indemnité de retard
:L'astreinte est une condamnation judiciaire afin de forcer
l'exécution dans un délai rapide une décision de justice.
Les pénalités de retard sont dues à compter de la mise en
demeure de payer en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle.
Mis à part l'impact financier de l'une ou de l'autre
sanction pour l'entreprise, ces deux sanctions une fois prononcées
à l'encontre de l'entreprise dévoilent une défaillance des
procédures internes et un dysfonctionnement au niveau des
mécanismes de contrôle nécessitant une intervention afin de
mettre en oeuvre les régularisations adéquates.
II. La sanction administrative et
disciplinaire
Exerçant une activité d'intérêt
général et relevant donc de l'ordre public, les entreprises
d'assurance et de réassurance se trouvent à l'occasion de cette
activité sous le contrôle et la supervision des organes
administratifs dotés des prérogatives de la puissance
publique.
C'est dans le cadre de leurs attributions que les instances de
contrôle sont habilitées à infliger des sanctions
disciplinaires aux assureurs par la prise de l'une des mesures punitives
prévues sur la base d'un contrôle constatant un manquement
conformément aux articles 84 et 87 du code des assurances pour le
comité général des assurances par exemple.
Il ressort de ces deux articles que des sanctions
disciplinaires proportionnées à la gravité du manquement
commis sont énumérées à titre exhaustif et ils
s'étalent de l'avertissement au retrait définitif de
l'agrément.
19
C'est ainsi que l'article 87 du code des assurances
prévoie « Les entreprises d'assurances
soumises à agrément sont passibles, en cas de
manquement aux obligations mises à leurs
charge en vertu des dispositions du présent Code, des
sanctions ou mesures suivantes20:
« 1) Sanctions ou mesures prises par le comité
général des assurances
- l'avertissement,
- le blâme,
- la mise sous surveillance pour
l'exécution d'un plan de redressement,
Ces sanctions ou mesures sont portées à la
connaissance du conseil d'administration de
l'entreprise concernée.
2) Sanctions et mesures prises par le ministre des finances sur
avis du Comité
- le retrait de l'agrément
conformément aux dispositions de l'article 51 du
présent code.
- le transfert d'office en
exécution des dispositions de l'article 63 du présent code.
Le ministre des finances sur proposition du comité peut
décider le transfert d'office partiel ou
total du portefeuille de contrats de la société
à une autre entreprise agréée».
Allant jusqu'à menacer l'entreprise dans son existence, le
risque de sanction administrative ou
disciplinaire est un risque signifiant surtout en présence
d'une pluralité d'organes de contrôle,
sa prévention constitue donc un enjeu majeur pour la
fonction conformité.
C : Le risque d'image ou de réputation
Définie comme l'opinion ou l'évaluation sociale
du public envers une personne ou une entité, la réputation est
considérée comme un capital intangible, immatériel qui se
construit dans la durée et qui reflète l'ensemble des opinions et
évaluations, favorables ou défavorables, exprimées sur
l'entreprise par le public.
Elle est encore un actif social stratégique pour
l'entreprise, source de création de valeur et un élément
clé qui contribue à la création d'un avantage
compétitif pour l'entreprise.
Une bonne réputation permet la fidélisation de
la clientèle, de favoriser l'accès aux marchés, d'attirer
les compétences et les investisseurs et de conditionner les relations
avec les instances de régulation.
Le risque de réputation et d'image correspond ainsi
à l'impact d'un évènement impliquant l'organisme
d'assurance sur la perception par les consommateurs avérés ou
potentiels, par les investisseurs, les organes de contrôle...etc. de cet
organisme.
Cet évènement peut être la publication
d'une sanction quelle que soit sa nature, d'informations négatives,
médiatisation d'un scandale, intensification des réclamations
clients ...etc.
Difficile à estimer, le risque d'image ou de
réputation doit se trouver au coeur du dispositif de conformité
car les effets à moyen et long terme peuvent être
extrêmement préjudiciables, voire critiques, pour l'entreprise
surtout sous l'influence des nouvelles technologies de l'information et de la
communication. En effet de nos jours, la réputation est devenue
e-réputation et tout se joue sur les réseaux
sociaux d'où la facilité de rendre publique une
20 L'article 87 du code des
assurances.
20
opinion négative et de faire circuler une rumeur
fondée ou non. Il est crucial pour le top management de faire de l'image
de l'entreprise et de sa réputation l'une de ses priorités non
pas seulement au travers la démarche conformité mais encore par
un travail de communication capable de gérer des crises
En conclusion, il ressort que la gestion du risque de
non-conformité constitue une tâche évidente pour les
entreprises d'assurances et de réassurance. Celles dont le bilan de
conformité est insatisfaisant peuvent subir des pertes
financières colossales, voir leur réputation
irrémédiablement entachée et même perdre leur
agrément ou licence d'exploitation. À l'inverse, une gestion
efficace de la conformité peut apporter à une
société des avantages comparatifs et l'aider à mieux
relever des défis entrepreneuriaux. Les entreprises ont par
conséquent un intérêt majeur à pratiquer une
véritable culture de l'intégrité et donc une gestion
poussée et efficace de la conformité.
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