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La question du lieu dans le spectacle vivant: sortir des normes institutionnelles du théàątre

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par Marion DELPEUCH
Université de Lorraine - M2 Expertise et Médiation culturelle 2016
  

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CONCLUSION

Le théâtre de rue est un genre artistique complexe, qui évolue rapidement au rythme de la société et de l'actualité. S'il s'agit bien d'une forme novatrice, nous avons vu que ses racines étaient profondes puisqu'il tire ses origines de l'Antiquité. Art en constante mutation, le théâtre en espace public entend refléter la société telle qu'elle est. Art du sans tabou, le spectacle à ciel ouvert dit ce que d'autres arts institutionnalisés et instrumentalisés ne peuvent se permettre de dire.

C'est une forme qui évite au maximum la censure, qui n'a pas peur d'être subversif et polémique. Mais c'est souvent à travers l'humour que le théâtre de rue essaie de faire passer des messages. En effet, il s'agit d'un champ artistique dans lequel nous pouvons placer l'espoir du changement puisqu'il défend la liberté d'expression, la liberté du jugement critique, de l'expérience sensible du monde qui nous entoure, et le partage. Cette idée de partage se retrouve dans la participation des habitants aux propositions artistiques, mais également dans l'ancrage territorial fort. Les artistes de rue participent au maillage culturel et favorisent l'attractivité d'un territoire en mettant en valeur son architecture, son patrimoine, ses traditions parfois, et surtout, animent l'espace public. Pourtant il convient de ne pas mêler animation de l'espace urbain avec proposition artistique au coeur de l'espace urbain. Il ne s'agit pas d'animer mais de donner à voir une oeuvre artistique de qualité. Et c'est probablement ce point qui reste à ancrer dans l'imaginaire collectif, puisqu'une partie de la population et certains politiques, non sensibilisées à cette forme artistique, jette un oeil méprisant sur les arts de la rue, vus comme banlieusards, et dénué de professionnalisme. Pourtant, dans une période d'individualisme fort, de pessimisme et de peur, le théâtre de rue peut être rassembleur, fédérateur et créer du lien social.

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Nous avons choisi de mettre cette forme artistique en parallèle avec le théâtre en salle, afin d'observer leurs différences, leurs atouts et leurs faiblesses aujourd'hui et pour l'avenir. Mai 68 n'est pas si loin, on l'exprime simplement différemment. Mais la population semble être dans le même état d'esprit face aux institutions qui ont le pouvoir. On souhaite sortir des carcans, des déterminismes, et des cadres. L'art de la rue peut être une voie vers cela. Néanmoins, nous avons vu qu'il était de plus en plus institutionnalisé, codifié. On se rend compte, à travers cette étude, qu'il est difficile, en France, d'être totalement indépendant et détaché du système si l'on souhaite en même temps une reconnaissance, une médiatisation, et un développement économique durable. Sans le soutien des collectivités territoriales, le théâtre en plein air n'a guère de chance de survivre. La précarité dans ce milieu est forte, et la reconnaissance professionnelle et artistique du secteur est faible. Pour que les financements se développent, et que les artistes de rue aient les moyens d'investir un lieu public à l'image de la compagnie Transe Express par exemple, il faut des moyens, il faut un soutien, et une reconnaissance médiatique.

De plus, nous souhaiterions attirer l'attention sur le fait qu'en s'institutionnalisant de plus en plus, le théâtre de rue pourrait en venir à perdre ses valeurs initiales. En effet, la caractéristique inhérente à cette pratique artistique est de créer pour, par, avec et dans la rue. La rue et le texte, la rue et les artistes, la rue et le public, tous ces éléments ne font qu'un. La rue n'est pas une scène théâtrale déplacée en extérieur parce qu'il fait beau et que c'est agréable, mais tout le processus de création se fait en lien avec cet espace public. Il est intégré à la production même de l'oeuvre. Et la réception des habitants n'est pas aussi distante que celle du théâtre en salle ; l'oeuvre est construite en vue d'une certaine réception du public. On brise les murs entre le peuple et les artistes, tous sont au même plan, sur le même bitume, dans la même société. Le public fait partie de l'espace de jeu, et acquiert avec les arts de la rue, une liberté unique en art. La liberté d'être eux-mêmes, d'agir comme ils le souhaitent, d'aller et venir, de rire, manger, boire ou fumer tout en faisant l'expérience de l'art. Nous postulons, à la suite de toutes les réflexions qui ont été réalisées à l'instar de Malraux sur l'expérience de l'art, que pour ressentir l'émotion artistique, il n'est pas nécessaire d'être conditionné dans un espace clos, dans un fauteuil-prison, dans un sens défini, face aux acteurs, les uns à côté des autres. Le silence, le

respect, en somme la suppression de toute liberté, imposés au théâtre en salle n'est autre qu'un conditionnement forcé, une obligation qui hiérarchise le statut spectateur/artiste.

Dans ce cadre, puisqu'il s'agit bien d'un cadre, l'expérience de l'art est prévue, mesurée, et non spontanée. Le lien public/artiste/espace/oeuvre n'existe pas réellement, c'est une illusion, c'est ce qui est prévu. Il n'y a pas de place pour l'imprévu. Si les arts de la rue sont les arts de l'éphémère, nous devons remarquer que c'est précisément ce qui renforce l'expérience collective vécue. Il fallait être là, à ce moment-là, entouré de ces autres spectateurs, pour vivre le théâtre en espace public. Une heure après, la rue est balayée, vidée, il n'y a plus nulle trace d'une forme artistique quelconque. L'art de la rue est de passage, et c'est ce qui renforce les messages qu'il délivre. D'autant plus que les artistes de rue marquent le pavé. Lorsque ceux qui en ont fait l'expérience repassent le lendemain ou un mois après dans le même lieu, dans cet espace qu'ils arpentent chaque jour pour certains, la mémoire de l'instant collectif vécu revient et marque les esprits.

Néanmoins, une idée est revenue régulièrement tout au long de notre étude. Il s'agit des difficultés des arts de la rue, notamment celles liées à l'actualité ; le théâtre de rue souffre de désengagement, de restrictions et d'attaques dont il ne devrait pas à être victime. Le sentiment d'insécurité croissant, et les mesures de protection synonyme pour les artistes de mesure de restriction de la création artistique, pèsent sur le champ artistique dans sa globalité.

« La rue reste cependant la seule école, celle du spectateur. »68

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68 Laurent-Guillaume Dehlinger

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon