PARTIE 2-LA FRANCE, LEADER DU TOURISME D'AFFAIRES EN
EUROPE.
Nous avons précédemment mentionné dans
notre introduction, que la France, leader du tourisme d'affaires en Europe,
propose une offre touristique totalement indissociable du système
institutionnel de gouvernance. De ce fait, le tourisme d'affaires ne peut
s'articuler autour de la stratégie du couple "produit-client", car la
complexité de la "machine du tourisme" obéit essentiellement
à des règlementations et des choix politiques. Aussi, l'offre
niçoise, nichée au coeur de l'offre française,
n'échappe pas à cette complexité du système. Afin
de mener à bien notre analyse, nous effectuerons, en premier lieu, un
bilan de l'offre française. Puis, nous établirons un comparatif
avec le modèle d'organisation touristique espagnol, afin
d'évaluer les atouts et faiblesses de l'offre nationale. En second lieu,
nous aborderons les composantes du tourisme en région PACA afin
d'appréhender le marché niçois et analyser l'offre de la
ville. Puis, nous effectuerons, à l'aide d'un tableau de
synthèse, un comparatif de Nice et ses concurrents, en prenant compte
les critères de choix "accessibilité, capacité d'accueil,
prix". Afin de compléter notre étude, nous examinerons les
réponses des acteurs du tourisme, obtenues lors d'interviews sur le
terrain. L'intégralité de cette démarche nous permettra
d'aboutir à un diagnostic de l'offre niçoise en utilisant la
méthodologie du modèle SWOT.
A- UNE OFFRE « CONCENTRÉE »
GÉOGRAPHIQUEMENT
En 2006, le député Charrié, expose dans son
rapport d'information sur "le développement en France
des foires, salons et congrès", que le marché du
tourisme d'affaires attire
? 14 millions de visiteurs et 100 000 exposants
Et induit
? 7,8 milliards d'euros de retombées économiques et
300 000 emplois.
Selon cette expertise "Les professionnels de France organisent
près de 1000 rencontres professionnelles chaque année sur le
territoire national." (Source : Office de justification des statistiques
[OJS).
Par ailleurs, nous apprenons que sur cette même
période :
? 108 événements internationaux ont
attiré plus de 900 000 visiteurs de 224 pays différents. A ce
jour, le tourisme d'affaires représente 10% des entrées
touristiques et génère 40% du chiffre d'affaire de l`ensemble des
activités touristiques de la France (Source : DGCIS, Insee). Le "rapport
du député Charié", démontre qu'il s'agit du secteur
le plus rémunérateur par séjour et par client. En effet,
le touriste d'affaires dépense entre 2,5 fois à 5 fois plus, que
le touriste de loisirs. Plus précisément, l'Observatoire du
Tourisme en 2011 confirme que le participant à une manifestation,
dépense en moyenne de 350 euros par jour.
Notons qu'en termes de structures d'expositions, le territoire
national dispose de 120 centres de congrès qui représentent
une surface brute de 2millions de m2, dont une quinzaine de
Palais des Congrès de plus de 4000 places. Ces derniers se situent
à Paris, dans les principales métropoles régionales et
dans les resorts touristiques à forte notoriété tel que
Disneyland Paris.
Ainsi, la richesse principale du pays est constituée
par l'étendue de sa gamme d'équipements dans le secteur du
Tourisme d'affaires, qui permettent de répondre à un grand nombre
de demandes.
36
Le développement des infrastructures ferroviaires
constitue également un atout important. Des villes comme Lille ou
Marseille ont ainsi bénéficié dans le domaine du Tourisme
d'affaires de l'impulsion liée à la mise en place de l'Eurostar
pour l'une, et de la ligne TGV Méditerranée pour l'autre. Nous
avons constaté, lors du salon Heavent Meeting en mars dernier, que leurs
perspectives d'évolution restent très prometteuses. Cependant,
certaines faiblesses structurelles et institutionnelles de l'offre
française freinent le développement du marché du Tourisme
d'affaires, à savoir sa concentration géographique, le
vieillissement des établissements d'accueil et son mode de
gouvernance.
1. LES RÉGIONS PRINCIPALES DU TOURISME D'AFFAIRES
Nous notons en premier lieu que seuls deux aéroports
régionaux sont de portées internationales. Or, les
infrastructures de transports développées et
l'accessibilité des sites sont essentielles pour attirer la
clientèle d'affaires étrangères. Cependant, en France,
seules les villes de Paris et Nice sont équipées
d'aéroports internationaux qui peuvent concurrencer les aéroports
de Francfort, Munich, Berlin, Rome, Barcelone, Londres. Aussi parle t'on d'une
offre « mono Céphale ». Effectivement, elle est
concentrée sur un « centre nerveux »constitué par
Paris, alors que l'offre de l'Allemagne, par exemple, est
"polycéphale" avec plusieurs grandes villes et plusieurs
aéroports internationaux. Par ailleurs, la concentration de l'offre du
tourisme d'affaires se répartit sur trois régions (citées
ci-dessous) et ne pousse pas le prescripteur à découvrir de
nouvelles destinations nationales.
En effet, trois grandes régions se partagent environ 40%
de l'offre :
? Paris Ile France (1/5ème de
l'offre) : le tourisme d'affaires représente 40% de l'activité
hôtelière et 25 à 30% du chiffre d'affaires global de la
région (plus de 300 millions d'euros en 2010). La capitale
bénéficie d'une structure d'espaces évènementiels
de 700000 M2, 780 000 chambres et reçoit plus de 3000 manifestations.
Cependant, l'enquête menée par Coach Omnium auprès des PCOS
britanniques en 2010, établit que l'hôtellerie parisienne
n'apparaît pas assez haut de gamme, en comparaison de Londres.
? La région PACA propose une offre
composée de10 Palais des Congrès dont Cannes, Marseille et Nice
(hors Monaco), des hôtels avec des salles équipées et
accueille 34 millions de séjours soit 220 millions de nuitées. A
ce jour, la durée moyenne de séjour « s'estime »
à 2,5 jours par participant. (Source CRT Paca 2011)
? Le Rhône Alpes se positionne en
3ème région française avec 30 centres de
congrès et d'expositions. 40% des participants viennent de la
région. 44% est de provenance nationale.
15% de la clientèle est internationale. La durée
moyenne des manifestations est de 1 à 2 jours. Cependant, dans son
interview Olivier Petit, associé d'In Extenso/Deloitte, (parue sur le
site Voyages d'Affaires, spécialiste du voyages et du tourisme
d'affaires, le 22/02/2013), nous expose que les performances de Paris et de la
Côte d'Azur sont en croissance alors que les autres régions
souffrent. Mais quelles en sont les raisons ?
En premier lieu, O. Petit nous apprend que Paris et la
Côte d'Azur bénéficient d'une hôtellerie haut de
gamme qui tire l'activité vers le haut. Sa démonstration repose
sur l'attractivité de la capitale qui « bénéficie
d'une dynamique économique retrouvée aux USA » car sa
clientèle internationale d'affaires
37
se tourne vers le très haut de gamme, voir même
le luxe. Par ailleurs, Paris profite d'un grand nombre de salons qui saturent
l'occupation d'espaces 150 jours par an. Par conséquence son
activité se révèle soutenue et constante.
Parallèlement, la Côte d'Azur présente des similitudes, car
le tourisme d'affaires est en croissance (selon les résultats
d'hôtellerie 2012). Cependant son activité s'avère moins
intense et moins régulière tout au long de l'année. En
effet, la Côte d'Azur fonctionne par à-coups, tout en essayant de
mixer sa forte saisonnalité à des mois "creux". A contrario,
l'économie des autres grandes villes de province repose essentiellement
sur la clientèle d'affaires européenne et française qui
remplit les établissements en coeur de semaine et laisse des fins de
semaines difficiles à gérer. Selon O. Petit, cet état de
fait correspond à la réduction des dépenses des
entreprises « en matière événementielle avec une
moindre participation aux salons et foires et moins de séminaires
organisés ». Afin d'étayer cette approche, nous
présentons ci-dessous, le tableau des résultats hôteliers
cumulés par zone géographique. Ce graphique avalise la
corrélation d'activités entre la Côte d'Azur et Paris, et
les difficultés rencontrées par les autres régions.
|
Résultats cumulés par zone
géographique en 2012
Paris Côte d'Azur
|
Régions
|
|
|
RevPAR Var.
|
Var.
|
RevPAR Var.
|
Var.
|
RevPAR Var.
|
Var.
|
Catégories
|
2012 12/11
|
12/08
|
2012 12/11
|
12/08
|
2012 12/11
|
12/08
|
Luxe
|
424 € 6,0%
|
4,6%
|
248 € 6,0%
|
1,4%
|
158 € -4,3%
|
-1,9%
|
Haut de gamme
|
146 € 3,5%
|
4,7%
|
114 € 6,2%
|
-5,1%
|
77 € -2,4%
|
-7,2%
|
Milieu de gamme
|
88 € 5,4%
|
11,5%
|
68 € 5,1%
|
7,4%
|
57 € -3,2%
|
-1,5%
|
Économique
|
71 € 4,6%
|
11,5%
|
nd nd
|
nd
|
39 € -1,7%
|
-1,3%
|
Super-économique
|
nd nd
|
nd
|
nd nd
|
nd
|
27 € -2,3%
|
5,4%
|
(Source KPMG-Deloitte)
Nous constatons que les résultats en augmentation sur
2012 démontrent de la suprématie de la capitale. Ils confirment
également la Côte d'Azur en position de second gagnant, alors que
les autres régions régressent.
Nous venons d'exposer que la concentration géographique
de l'offre française pose une problématique de
développement. Nous allons nous attacher au deuxième frein
lié au vieillissement de nos structures. En effet, les rapports "New
Deal"(2003), des députés Charié (2006) et Plasait (2007),
nous alertent, depuis près d'une décennie, sur l'érosion
structurelle d'une offre, au coeur d'un marché porteur, face à
une concurrence dynamique.
2. UNE OFFRE STRUCTURELLE MAL ADAPTÉE ET
VIEILLISSANTE
Selon le rapport New Deal de la Direction du Tourisme, il
existe un réel décalage entre l'offre hôtelière/
palais des congrès, et la demande des prescripteurs, en termes de
quantité et de qualité.
En effet, les insuffisantes capacités d'accueil de
certaines salles ou centres de congrès de province vont à
l'encontre des attentes de la clientèle affaires, à savoir
l'organisation d'événements de plus grande envergure. Ceci,
malgré des fréquences d'organisation qui deviennent moins
importantes.
38
Il apparait que les centres de congrès français
sont de plus petites tailles que certains concurrents européens tels
l'Allemagne. Par ailleurs, la gestion de leur exploitation répond
majoritairement, à des collectivités locales sous formes
juridiques diverses : association 1901, SEM etc. Cependant,
certaines villes confient l'exploitation de leurs Palais des
Congrès (exemple Nice) à des groupes privés, sous contrat
« d'affermage ». Ces prestataires orientent leurs stratégies
vers des objectifs de rentabilité, qui ne s'avèrent pas toujours
en phase avec les politiques des villes. Par conséquent, quelque soit le
type de gestion, la rénovation et la modernisation des structures
requièrent une patience sur plusieurs années afin d'obtenir un
financement par étapes. De ce fait, les structures vieillissent trop
longtemps avant que "leurs exploitants" entreprennent les travaux
nécessaires à leur compétitivité. En
parallèle, la plupart des villes de congrès françaises se
trouvent confrontées aujourd'hui à deux difficultés
supplémentaires :
? d'une part, le nombre de chambres d'hôtels, toutes
catégories confondues, s'avère insuffisant par rapport à
la capacité du centre de congrès ou la taille de
l'événement,
? et d'autre part, le manque d'établissements de
capacité supérieure à150 chambres, dans les
catégories 4 et 5 étoiles.
De ce fait, nous sommes confrontés à la mauvaise
adaptation des capacités des hébergements mais également
à leur vieillissement malgré la mise en place de la nouvelle
norme 5* en 2009. Malheureusement, cette dernière réglementation
n'a pas incité un grand nombre d'établissements à passer
vers le haut de gamme, ni même généré des travaux de
modernisation. Cependant, l'internationalisation des marchés s'oriente
de plus en plus vers une hôtellerie haut de gamme moderne 4* et 5* et
vers des hôtels de grandes capacités. Force est de constater que
les gouvernances des villes ne peuvent interférer dans les
décisions de rénovations et de modernisations, à effectuer
par les groupes privés.
Nous venons d'établir la problématique
d'adaptation structurelle de l'offre française. Nous souhaitons
approfondir l'offre française au modèle espagnol.
3. COMPARATIF DE L'OFFRE : ESPAGNE ET FRANCE
Nous avons décrit, dans notre introduction, la
dépendance du tourisme d'affaires de l'organisation
générale du tourisme. Aussi, si ce marché profite de ces
atouts, il en subit néanmoins les faiblesses. Afin de poursuivre notre
analyse, nous comparerons le système français au modèle
espagnol, selon un rapport ministériel. En effet, le ministère
français de l'Économie et de l'Industrie à
commandité en 2011, au cabinet KPMG, une étude (source :
publication le 01/12/12). Cette dernière porte sur une analyse
comparative des « centres de profit des industries touristiques des deux
pays ». Sachons que « la feuille de route » proposée par
son Ministère (source Le Tourisme n°8 de mai 2012) n'a pas
suscité l'adhésion de tous en termes de développement et
d'évaluation de la concurrence. Cependant, nous allons en utiliser
quelques données et aboutir aux forces et faiblesses de l'industrie
touristique française.
La France reste la première destination en termes
d'entrées touristiques, cependant l'Espagne représente la
première destination européenne et la deuxième mondiale
après les USA, en termes de
39
recettes. L'étude sur le modèle espagnol
démontre que ce pays ne se situe plus en simple concurrent mais
représente un modèle de développement qui marche.
La réussite principale de l'Espagne provient
essentiellement d'un choix de stratégies d'organisations et de
promotions, bien différentes de la France :
? La promotion touristique en Espagne est réalisée
par Turespaña.
? Le Low Cost, sans altérer les dépenses,
fidélise le client, puisque 55% des arrivées sont
internationales. ? L'hébergement marchand est dominé par
l'hôtellerie alors que la France se distingue par les campings (48% des
lits disponibles).
Cependant la clef de la réussite de l'Espagne
réside dans sa gouvernance .Selon cette étude, les principaux
atouts de l'Espagne portent sur l'importante promotion du pays à
l'étranger et à la « gouvernance du tourisme
structurée autour des acteurs privés ».
Le tableau, ci-dessous synthétise la comparaison des
atouts et des faiblesses de l'Espagne et de la France. (Source rapport KPMG
2011).
Tableau comparatif France Espagne
Stratégies
|
Atouts
|
Avantages concurrentiels
|
France
|
Espagne
|
France
|
Espagne
|
Hôtellerie
|
Structuration de l'offre
|
Hôtels loisirs, opérateurs, tarifs,
gouvernance
|
++
|
++
|
Hébergements touristiques
|
Grands opérateurs, diversité de l'offre
|
Offre en développement mais récente
|
+++
|
-
|
Restauration
|
Image
|
Promotion
|
++
|
++
|
Palais des congrès
|
Offre diverse, Paris
|
Investissement, promotion, gouvernance
|
++
|
+++
|
|
Promotion
|
Budget limité, marque récente
|
Investissements, marque
forte, publicités
|
+
|
+++
|
Gouvernance
|
Peu de transparence, Lisibilité
des compétences faible
|
Implication forte des entreprises
|
-
|
+++
|
(Source : KPMG THL)
Légende : +++ structuration/ organisation très
performante ++/+ structuration/ organisation performante - faible organisation/
peu d'investissements
40
L'Espagne présente des atouts, comparativement
supérieurs à la France en termes :
> d'investissements, promotion et de gouvernance des Palais
des Congrès
> des stratégies de promotion d'une marque forte et de
publicités
> et de gouvernance par l'implication des entreprises
A contrario, nous constatons l'insuffisance de la promotion
française liée à la création récente d'une
marque et la limitation budgétaire. Nous notons également le
manque de « transparence » et de la " lisibilité des
compétences" de la gouvernance. De plus, la conclusion
présentée par les auteurs, nous porte à
réfléchir. En effet, la stratégie touristique espagnole de
2020 à été élaborée par le « Consejo de
Turismo ». Ce conseil est composé de personnalités du monde
des entreprises, des techniciens « reconnus » et les institutionnels.
Nous constatons ainsi une démarche dite participative afin de garantir
l'adhésion du secteur privé et des communautés
autonomes.
En France, la complexité et la confuse
répartition des compétences n'aboutissent pas à une forte
implication des acteurs privés. En conséquence, malgré les
efforts déployés pour attirer la clientèle d'affaires, la
France doit continuer à améliorer son offre, en se concentrant
sur un point essentiel à savoir améliorer « les relations de
gouvernance public-privé » pour :
> optimiser l'implication des acteurs du privé,
> favoriser le développement de ces « territoires
»,
> et améliorer ses infrastructures d'accueil dans les
villes de congrès.
En conclusion, la gouvernance des institutions publiques
apparait comme illégitime pour les acteurs du privé et freine la
croissance du marché. Aussi, ces déficiences d'ordre
institutionnel nuisent à la bonne relation des secteurs
public-privé. Par ailleurs, le vieillissement de nos structures ne
facilite pas à la dynamique du développement de notre secteur
d'activités.
Nous avons dépeint les freins structurels et
organisationnels de la proposition touristique française.
Nous continuons notre exposé et abordons à
présent le tourisme d'affaires en Région PACA deuxième
berceau du tourisme d'affaires. Puis nous décrirons l'offre
niçoise, nichée dans le système français pour
aboutir à un diagnostic qui positionnera l'offre de Nice par rapport aux
attentes des prescripteurs.
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