c. Etats, sport et soft power
L'organisation des compétitions sportives est une
occasion en or. « C'est un message totalement géopolitique.
Nous sommes une grande puissance parce que nous arrivons à
réaliser un grand évènement sportif. Cela relève du
soft power, cette capacité à afficher sa puissance par des moyens
autres que militaires » dit-il Loïc Ravenel. Il n'est pas
inutile de rappeler ce qu'est le soft power. Le soft power, c'est la
manifestation d'une forme d'incitation, de séduction ou encore
d'influence sur le choix des problèmes politiques apparaissant comme
prioritaires avec comme impératifs la crédibilité et la
89 ALEGI Peter, BOLSMANN CHRIS, South Africa and
the global game: football, apartheid and bay ond, coll sport in the global
society. Contemporary perspectives, éd, Abinbgdon, 2013, Pp 144-145
90 CUBIZOLLES Sylvain, Le football en Afrique du
sud : vécu d'un township du cap occidental, éd Karthala,
Paris, 2010, Pp 196-197
91 ALEGI Peter et BOLSMANN CHRIS, Op Cit, Pp.
145-147
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légitimité. La réussite d'un grand
évènement sportif séduit justement et
conféré à la ville, au pays organisateur le statut de
puissance au moins symbolique.
Malgré les couts exorbitants de ces
méga-événements sportif et les risques que cela peut
comporter, l'appétit des États ne semble guère
diminué. Pourquoi donc les Etats veulent toujours organiser les
événements sportifs? L'expérience prouve que les
pays postulants n'ont aucune certitude que les ressources notamment en argent,
temps et personnel investies lors de l'organisation soient
récupérées. Les retombées économiques
directes, telles que la venue des visiteurs extérieurs semble suffisant
pour justifier cet engouement, d'autant que les expériences
passées ont prouvé que le succès financier n'était
pas toujours au rendez-vous. Le Gabon par exemple sait quelque chose avec la
récente coupe d'Afrique des Nations de football 2017, et la Grèce
aux Jeux Olympiques de 2004 ont connu des déficits.
L'ancien maire de Montréal, Gérald Tremblay
semble avoir la réponse lorsqu'il déclarait, malgré le
déficit de 3,5 millions de dollars des Championnats du monde des sports
aquatiques en 2005 que Montréal a accueilli, « Cela valait la
peine, un déficit de l'ordre de 4 millions de dollars canadiens ne
représente que 0,1% du budget annuel de 4 milliards pour
Montréal. Les mondiaux apporteront également une
visibilité incroyable pour la ville, une vitrine importante sur le monde
».92
Bien évidemment, les compétitions sportives ne
sont pas du sport mais bien plus que du sport. Depuis des décennies, les
Etats ont compris que le sport était une vitrine, un moyen de rayonner,
d'affirmer sa puissance au moins du point de vue symbolique ou même
d'exister sur la carte du monde. Souvent dans un contexte où le ciel des
relations avec l'extérieur ou locale est sombre, l'organisation des
compétitions sportives devient un des remparts pour faire changer la
vision des choses.
L'exemple d'une Russie critiquée au sein de l'Europe
ainsi qu'aux Etats-Unis à cause de la Crimée, complaisance avec
la Corée du Nord ou encore à propos de la question ukrainienne,
les conséquences d'une telle politique ne tarderont pas à se
voir. Les sanctions européennes et américaines, l'annulation du
G8 à Sotchi ont pâli l'image de l'État. Là où
la politique traditionnelle Russe n'a pas pu soigner l'image du pays ou du
moins n'en a même pas eu la volonté,
92Radio-Canada-ca, 31 juillet 2005, 15h50
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le sport, par les résultats des athlètes et
l'organisation des grands rendez-vous a pu le faire malgré le
caractère imparfait. Le mondial de football organisé dans ce pays
a certes eu un impact sportif, mais aussi culturel, diplomatique et
économique.93
Carole Gomez, chercheuse à l'Institut des Relations
Internationales et Stratégiques (IRIS) ajoutera que « Moscou
utilise le sport dans sa stratégie politique lui permettant ainsi de
s'affirmer de nouveau sur la scène internationale grâce à
l'accueil des grandes compétitions sportives... ». Une telle
politique apporte généralement les bons résultats en
termes d'attraction. Rappelons également que l'enjeu n'est pas que dans
la recherche du prestige ; Sotchi 2014 a été une occasion pour
Moscou de rendre à cette partie du pays sa souveraineté
territoriale. Ces jeux ont été une occasion de contrôler
son territoire sur le Caucase, notamment l'Abkhazie, et faire l'étalage
de sa réussite économique pour renouveler son influence aux Etats
voisins de la Mer Noire.
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