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Prise en charge des toxicomanes aux urgences medicales


par Gaspard MUZAMA FUNZI
Université Paris V - DU Urgences psychiatriques 2016
  

Disponible en mode multipage

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AVANT-PROPOS

La relation Médecin-Patient, surtout en unité psychiatrique, est très souvent difficile et complexe. La vulnérabilité du patient découlant de la consommation des drogues peut fortement nuire à la qualité des rapports intrinsèquement liés devant exister entre ces deux personnes, ce qui peut susciter des questionnements et des incertitudes dans les choix à retenir en vue d'administrer une thérapie adéquate au patient concerné.

C'est dans ce contexte que, pour tenter d'apporter, tant soit peu, des pistes de solutions dans la gestion des crises psychiatriques qui en découlent lorsque le patient, drogué, se présente aux urgences des structures médicales, le présent travail a été réalisé.

Ce mémoire qui consacre l'issue d'une formation de Diplôme Universitaire (D.U.) en Urgences psychiatriques rassemble des faits et observations que nous avons retenus lors de nos différents passages aux stages, non seulement, auprès des médecins psychiatres faisant partie de certaines structures hospitalières de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris , à

savoir, Sainte-Anne, Georges Pompidou et Saint- Joseph, mais aussi et surtout, les
expériences acquises en faisant fonction, d'une part, d'interne aux urgences médico-chirurgicales du CASH Nanterre et, d'autre part, en qualité de praticien attaché au service de médecine sociale CHAPSA du même hôpital, et ensuite à l'unité d'addictologie de l'hôpital de Rambouillet.

Aussi, convient-il de mentionner les expériences et expérimentations que nous avons pu effectuer au poste de consultation de tabacologie, respectivement, au centre hospitalier de Saint-Denis et à l'hôpital Delafontaine mais aussi à celui de toxicomanie à l'hôpital Casanova section le Csapa le corbillon.

Ce travail retrace, donc, dans son premier chapitre, un échantillon de la manière dont sont présentement pris en charge les patients toxicomanes aux urgences psychiatriques de la région Ile-de-France et tente de circonscrire, dans son second chapitre, des recommandations dont les pouvoirs publiques devraient tenir compte à la lumière des perspectives d'avenir dans le secteur de la gestion, en urgence, des prises en charge psychiatriques des personnes droguées.

Enfin, ce travail n'a pas la prétention d'apporter des solutions définitives à ce problème récurrent, mais constitue un chantier qui pourra être complété, dans l'avenir, par d'autres travaux postérieurs afin de tendre, toujours, dans l'amélioration positive de la prise en charge efficace et adéquate de cette catégorie des patients vulnérables.

REMERCIEMENTS

Je tiens, de prime abord, à remercier les infirmiers, les infirmières et les médecins seniors, que j'ai pu rencontrer lors de la réalisation de cette oeuvre scientifique. Leurs conseils pratiques et théoriques, implications et simplicité m'ont tellement émerveillé que j'en garderai une pensée inoubliable.

J'adresse également mes profonds remerciements à l'ensemble des professionnels opérant dans le milieu hospitalier, qui, malgré leurs multiples occupations, ont pu consacrer leurs temps et disponibilité à l'accueil des stagiaires que nous étions et ce, dans un élan de convivialité, démontrant par ce geste, leur ouverture d'esprit en vue de nous accueillir à l'issue de notre stage, nos cours et formation dans les diverses structures médicales au sein desquelles ils prestent leurs services. Qu'ils trouvent ici l'expression de mon attachement à leurs êtres respectifs qui ont su façonner et contribuer, chacun à leur manière, à l'acquisition et à l'affermissement de mes compétences dans le domaine médico-psychiatrique.

Je serai ingrat de ne pas avoir une pensée particulière au corps professoral qui a participé, de manière remarquable, à ma formation et, en particulier, aux Docteurs PIERRE LANA et Mosconi ainsi qu'à tous les autres tuteurs qui m'ont accueilli lors de l'accomplissement de mon stage dans les unités médico-psychiatriques. La confiance qu'ils m'ont apportée m'a incité à me dépasser lors de mes différents stages si bien que j'ai pu, tant soit peu, parfaire ma formation en urgence psychiatrique.

Par ailleurs, je m'en voudrai de ne pas remercier, de façon tout à faire particulière, le Docteur RAPHAËL GOUREVITCH, directeur du présent mémoire qui a accepté, nonobstant ses innombrables occupations, de me conduire, pas à pas, dans la réalisation de cette oeuvre scientifique.

Vos remarquables et avisés conseils ainsi que votre sens élevé de critique scientifique ont enrichi, de manière significative, le contenu du présent travail si bien que j'en garderai tout au long de ma vie une pensée pieuse.

Enfin, que Madame Thullo Emmanuelle, la secrétaire du coordonnateur de la formation, le Dr Gourevitch Raphaël, les membres des équipes pédagogiques ainsi que tous les secrétaires des hôpitaux au sein desquels j'ai eu à exercer mes stages trouvent, ici, l'expression de ma profonde gratitude et remerciements pour les moments partagés ensemble en vue de rendre concrète la réalisation de ce travail.

INTRODUCTION

Au terme de ses études, tout récipiendaire est appelé à réaliser une oeuvre scientifique devant couronner son parcours dans le domaine où il est formé.

C'est dans cette optique que nous avons souhaité, à l'instar de nos prédécesseurs, parfaire nos connaissances en effectuant une formation continue dans le domaine des urgences psychiatriques afin de pouvoir en acquérir des compétences spécialisées et, par ce fait, compléter et améliorer notre fonction de médecin généraliste.

Nos recherches effectuées auprès des services d'accueil des urgences psychiatriques nous ont permis de comprendre les enjeux de la prise en charge des usagers de drogues aussi bien en termes de demande de soins qu'à la crise d'ordre psychiatrique qui les frappe lorsqu'ils atteignent le seuil d'addiction.

Etant acteur actif dans la pathologie addictive, nous nous sommes intéressés aux comorbidités psychiatriques sous-jacentes aux prises de drogues. Aussi, avons-nous estimé utile de procéder par une méthode d'observation de ces patients atypiques si bien que nous nous sommes confronté assez souvent aux situations où les patients exprimaient la crise psychiatrique alors même que nous étions en consultation dans la salle d'attente ou dans le box y dédié.

Par ailleurs, il sied de mentionner que les urgences de l'hôpital sont encore et toujours la voie d'entrée de la plupart de nos patients en phase aiguë de la maladie ou en état de crise. Cependant, bien que la gamme des psychotropes ne cesse de s'élargir et que les psychiatres augmentent en nombre, beaucoup de personnes aux prises avec une maladie mentale se présentent aux urgences partout en France en quête d'un traitement et de soins psychiatriques.

C'est ainsi que nous avons pu constater au cours de nos descentes sur terrain que des modèles de prestation de soins au patient psychiatrique aux urgences ont évolué tant sous l'angle systémique que thérapeutique.

De nombreux programmes offrent la formation à d'autres sites, notamment aux urgences psychiatriques d'un hôpital psychiatrique, à une clinique de suivi de la situation de crise ou aux urgences d'un hôpital général sans zone réservée aux urgences psychiatriques.

Les résidents interviennent de concert avec divers professionnels de la santé durant leur formation en psychiatrie d'urgence, mais dans certains cas, l'équipe se compose seulement de psychiatres (certains formés en psychiatrie d'urgence, d'autres pas) et de travailleurs en intervention d'urgence ou de travailleurs sociaux.

Les établissements de santé affiliés à une université ayant à leur disposition des ressources additionnelles comptent des équipes interdisciplinaires formées d'infirmières spécialisées en santé mentale pour certaines, de psychologues, de préposés aux bénéficiaires, de gardiens de sécurité et de traducteurs. La plupart des répondants indiquent que leur programme offre de la formation sur la sécurité et une gamme complète de mesures de sécurité.

Il s'ensuit que la psychiatrie d'urgence se pratique, de nos jours, dans divers milieux allant de l'hôpital -- général ou psychiatrique -- à l'organisme communautaire, au centre de crise ou à l'équipe d'intervention mobile.

Est-ce que cette multiplicité des structures proposant des soins en urgence aux toxicomanes sont-elles mieux outillés en termes de personnel qualifié pour prendre en charge de manière efficiente ces spécificités de ces patients ? ; les habitudes de consommation de différents produits psychoactifs à toutes les catégories des usagers des drogues ? ; ces patients sont t-ils addictifs ou malades Psychiatriques ? Ya-t-il une démarcation entre la notion de base des interventions urgences aux pathologiques psychiatriques qui puissent établir des connaissances pouvant diagnostiquer de façon claire un vrai addictif à un patient purement psy avec consommation d'autres produits dangereux ? N'est-il pas nécessaire d'uniformiser la formation clinique et l'enseignement didactique au pays pour satisfaire au mieux les besoins des personnes toxicomanes qui se présentent aux urgences ?

Autant des questions qui constituent la problématique de notre étude que nous nous proposons d'aborder en deux points, à savoir, d'une part, la prise en charge des patients toxicomanes aux urgences et, d'autre part, les perspectives et recommandations à observer pour une meilleure prise en charge de ces usagers des drogues.

CHAPITRE 1. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS TOXICOMANES AUX URGENCES.

De plus en plus, l'on s'accorde sur la nécessité de procéder à l'évaluation du patient en détresse psychologique dans un environnement sécuritaire pour lui et le personnel soignant.

En théorie, le lieu parfait de l'évaluation de la situation d'urgence serait un endroit de l'hôpital réservé aux patients chez qui l'on décèle une problématique de santé mentale au triage 5.

L'hôpital général a ceci d'avantageux que l'urgentologue examinera d'abord le patient et pourra détecter les problèmes médicaux aigus, le cas échéant. De plus, l'hôpital est doté d'un laboratoire où les analyses pourront être effectuées d'autant plus que les épreuves diagnostiques et les médecins consultants sont facilement accessibles.

L'urgentologue sera en mesure de prendre en charge ou d'orienter les cas non urgents vers les ressources appropriées sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'équipe de psychiatrie.

En effet, alors que les urgences de l'hôpital général jouissent du soutien d'une équipe médicale, tel qu'il est mentionné ci-dessus, l'hôpital psychiatrique peut compter sur une équipe des spécialistes aptes à prendre en charge les urgences psychiatriques.

Le patient sera examiné par des professionnels compétents, sachant l'évaluer et le traiter avec toute l'empathie et l'efficacité requises. Quel que soit le milieu, l'équipe de psychiatrie d'urgence devrait se composer de psychiatres, d'infirmières psychiatriques, de cliniciens (en travail social et en psychologie, par exemple) et de préposés en santé mentale avec accès au service de sécurité 5.

Le lit en observation prolongée demeure la ressource idéale pour le patient qui n'a pas forcément à être hospitalisé, mais dont l'évaluation nécessite une certaine période ou qui n'aura qu'à séjourner brièvement à l'hôpital le temps d'apaiser la crise 5. La période d'observation peut être bénéfique également au patient intoxiqué, car ses symptômes s'atténueront au fil de la disparition du toxidrome.

Il est essentiel que toute la gamme des mesures de sécurité soit offerte dans le milieu où se déroule l'évaluation du patient en situation d'urgence, que ce soit à l'hôpital général ou à l'hôpital psychiatrique.

Dans l'aménagement d'une unité d'urgences psychiatriques, il est recommandé de prévoir une pièce réservée à l'entretien avec le patient et à son évaluation, dotée d'une alarme sonore, d'un système de vidéosurveillance, d'un mobilier conçu pour cet usage (lourd ou fixé au sol ou au mur), de portes impossibles à barricader et d'où il est possible de voir le poste de soins infirmiers.

Outre le modèle classique de l'évaluation du patient en situation d'urgence en milieu hospitalier, d'autres modes d'évaluation sont à prendre en considération. De nombreuses personnes atteintes d'une maladie mentale n'ont pas accès à un médecin de famille ou ne sont pas fidèles à leurs rendez-vous à la clinique communautaire.

Bien des hôpitaux dans les petites municipalités ou en région rurale n'ont pas les ressources financières ou humaines pour mettre en place un service d'urgences psychiatriques. D'autres options existent, notamment l'équipe d'intervention mobile, l'hébergement en centre de crise communautaire et l'unité de santé mentale spécialisée du service de police qui intervient dans les situations d'urgence en santé mentale 7,8.

L'exposition des résidents à ces autres modèles varie selon le lieu du programme en question et la région qu'il dessert. L'enseignement de base pourrait couvrir ces modes d'intervention et le programme prévoir des stages au choix dans la mesure du possible.

Aux termes des dispositions de la circulaire de la direction des hôpitaux du 14 Mai 1991, les Urgences sont définies comme le lieu de « l'accueil de tout patient arrivant à l'hôpital pour des soins immédiats et dont la prise en charge n'a pas été programmée, qu'il s'agisse d'une situation d'urgence lourde ou d'une urgence ressentie ».

I.1.1. L'urgence

Le terme « urgence » vient du latin urgere qui signifie « pousser, presser, dont on doit s'occuper sans retard 6 ». En effet, dès le Ve siècle, il est employé dans le même sens qu'aujourd'hui.

- Classification internationale des maladies de l'Organisation Mondiale de la santé, dixième version (CIM-10) ;

Par ailleurs, selon le dictionnaire Larousse, le mot « urgence » est défini, dans le langage courant, comme étant le « caractère de ce qui est urgent » et la « nécessité d'agir vite».

L'urgence exprime également une « situation pathologique dans laquelle un diagnostic et un traitement doivent être réalisés très rapidement ».

Selon la définition médicale du terme, on entend par « urgence », « toute circonstance qui, par sa survenue ou sa découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital si une action médicale n'est pas entreprise immédiatement. L'appréciation de l'urgence est instantanée et appartient autant à la victime qu'au soignant ».

Cette définition introduit les notions de ce que sont l'urgence réelle, vitale, telle qu'elle est interprétée par le soignant, et l'urgence ressentie, telle qu'elle est vécue par le patient.

I.1.2. Les Urgences

Le dictionnaire définit aussi le terme « Urgences » (au pluriel) désignant le « service hospitalier où sont dirigés les blessés et les malades dont l'état nécessite un traitement immédiat ». C'est ce qui correspond au Service d'Accueil des Urgences (SAU).

I.1.3. Toxicomane

Selon le dictionnaire français Larousse, toxicomane signifie « qui souffre de la toxicomanie ». La toxicomanie s'analyse, donc, sous cet angle, comme une habitude de consommer de façon régulière et importante des substances susceptibles d'engendrer un état de dépendance psychique et/ou physique.

La dépendance psychique nous intéresse. En effet, il existe plusieurs façons de décrire les troubles psychiques, correspondant à différents courants de l'histoire de la psychiatrie. A l'heure actuelle, deux classifications internationales des diagnostics psychiatriques sont utilisées :

- Diagnostic Statistical Manual, cinquième version (DSM-V), développé par l'Association américaine de psychiatrie.

Elles proposent une description clinique de syndromes (ensemble de symptômes) mais ne tiennent pas compte de l'origine des symptômes, ni de la personnalité qui les accompagne.

Pour les troubles anxieux, les principaux syndromes décrits dans ces classifications sont les suivants : attaque de panique, trouble panique, trouble anxieux généralisé, troubles phobiques, trouble obsessionnel compulsif.

I.1.4. Situations vécues

· Situation n°1

Je participe en consultation avec un senior tuteur de stage pour l'avant-midi d'un week end, au box de consultation.

Alors que l'Interne de garde nous a déjà transmis, à la salle ou au guichet de l'infirmier de l'accueil et d'orientation, la situation clinique des patients ayant passé des nuits d'observation, l'on se met à l'écoute du patient de 16 ans amené aux urgences par le pompier sur appel de son père.

Dans sa plainte, le jeune homme aurait menacé sa mère avec un couteau, épisode récurent, objectivement pas des idées suicidaires, pas de propos incohérents, pas de dénie. Le jeune homme reconnait le fait et demande de l'aide. En poussant plus profondément au questionnement, l'on s'aperçoit que le jeune homme tabagique 1 paquet pour 3 jours et que, par ailleurs, il affirme être un consommateur occasionnel du cannabis sur un mode à deux ou personnel. La prise de ce cannabis forme résine remontée à l'aval de son agression. Il souligne, au demeurant, que le produit venait d'un autre vendeur inhabituel à ses achats.

. LA CONSULTATION se solde avec accord signé de ses deux parents étant en situation de divorce.

En l'orientant en zone de soins de son environnement (secteur) pour être suivi par le psychiatre du réseau, la menace de sa mère ne se fait qu'à la prise certainement du produit psychoactif, lequel est coupé d'autres produits de synthèse sans que le consommateur ne

s'en soit rendu compte. Car les achats sont informels ; aucune notification claire et nette du produit; de sa composition; ni de la teneur en THC.

Il s'en dégage, donc, un lien de causalité entre la crise dite psychiatrique (comorbidité psychiatrique,) et celle d'une consommation des produits illicites.

Par ailleurs, ainsi que le soulignent Benyamina et alls dans la revue de praticien, le cannabis est devenu la drogue illicite la plus utilisée en France. En effet, plus de 50% des jeunes de 18 ans l'ont essayé.

L'ivresse cannabique apparait dans les minutes qui suivent la consommation et dure environ 3 à 4heures. Elle se caractérise par la présence, à la fois, des signes psychologiques et des signes physiques. Ses effets psychologiques varient d'un individu à l'autre, voire d'une consommation à l'autre chez le même individu.

L'effet du cannabis dépend, non seulement, de sa composition, de la dose et du mode de consommation, mais aussi, en grande partie, de l'humeur du consommateur, de ses attentes et du contexte.

Le tableau clinique est marqué brutalement par un polymorphisme important où l'on trouve un état délirant de mécanismes multiples (en général hallucinatoire ou interprétatif), avec souvent des thèmes mystiques ou persécutoires. L'humeur est plutôt exaltée et la présence d'angoisse massive peut faire redouter un passage à l'acte auto agressif et/ou heteroagressif. Telle a été la situation du jeune patient évoqué ci-haut.

La littérature nous dit que ces épisodes psychotiques régressent spontanément en quelques semaines. Toutefois la persistance d'un vécu délirant fait évoquer le diagnostic d'une entrée dans la schizophrénie et, donc, dans la classification des cas, le codage est signé en diagnostic de sortie d'un trouble schizophrénie.

De nouveau au guichet d'accueil, nous prenons connaissance de la situation 2 du jour: j'en profite pour assister à l'entretien de l'infirmier d'accueil et d'orientation sur accord du patient bien entendu en me présentant sur ma casquette de stagiaire.

Il s'agit d'un patient, âgé d'une trentaine d'années, de profession moniteur sportif, venant au SAU pour des hallucinations auditives et sensations de dévalorisation (se détester). Il est en manque de confiance en soi.

Cette situation s'est installée en lui depuis une année à la suite (au décours) d'une lecture d'un ouvrage à la recherche de spiritualité. Il nous dira que cet ouvrage lui démontrait que lui était rien, tout ce qu'il fait sur terre est vain et que lui n'était qu'un être zéro.

Dans la quête de solution à sa situation, il tombera sur un autre ouvrage qui soulagera tant soi peu sa souffrance morale. Malgré cela, il s'est installé en lui une recrudescence permanente des idées de se dénigrer. Hormis toutes ces plaintes, il est tabagique et usager des stupéfiants festifs de type cannabis et, de fois, cocaïne et/ou héroïne.

Quant à son histoire familiale, il nous renseigne que ses parents divorcés depuis qu'il était au collège. Il aurait une grande soeur et un petit frère présents et proches de lui. Il nous affirma qu'il avait consulté un psychiatre des urgences sans trouver une solution adéquate à sa situation. Aussi, le patient nomadise la recherche de soins alors que, dans ces antécédents, il a eu un suivi auprès d'un psychiatre libéral et que le rendez-vous projeté dans les deux mois qui suivront ainsi que le compte-rendu de son passage aux urgences psychiatriques qui précédait notre consultation, établissait un bilan bio somatique et ne démontrait aucun problème d'ordre biologique ni somatique. Au demeurant, je signale que la recherche des toxiques n'a pas été réalisée sur ce patient.

Avec le senior, ce patient sera orienté au centre de proximité pour la suite de la prise en charge psychiatrique. L'accoutrement du coach sportif, ses barbes longues, genre prophétiques, attirèrent mon attention si bien que je le situai parmi les patients jouissant d'une comorbidité psychiatrique dont l'origine semble être la consommation des stupéfiants.

L'entretien avec le patient, ainsi que l'indique MJ GUEDJ1, est au centre de cette évaluation. En effet, comme pour tout premier entretien, il est généralement souhaitable de laisser le patient exprimer librement sa demande (modèle vécu lors des consultations au CPOA), son contenu et son contexte. Les questions du genre : « Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? » doivent être explicitées.

Aussi, avons-nous remarqué que ce patient serait passé par une autre consultation dans une autre urgence psychiatrique à moins de 24heures et s'est présenté à nous pour solliciter, de nouveau, une autre consultation au CPOA.

1 MJ GUEDJ : « les urgences psychiatriques », édition 2008, P.38

Sept jours plus tard, de nouveau affecté en stage dans un autre service des urgences psychiatriques au même poste, au box de consultation, nous recevons, le senior et moi,

Dans ce cas, nous affirmons avec Mme GUEDJ qu'une erreur fréquente est d'assimiler le contenu de la demande aux plaintes du patient et ou de son entourage. Le cas échéant, notre patient est venu seul à la recherche de solution à son problème de santé mentale.

Ainsi que le note l'auteur précitée, cette demande comporte aussi des attentes, souvent utiles dans la hiérarchisation des troubles comorbides. À ce titre, une des premières questions posées par le clinicien devrait être : « qu'attendez-vous de cette consultation ? », ce qui a été fait par le senior, secondairement, l'entretien est plus directif et chaque hypothèse diagnostique soulevée par la situation doit être explorée et, enfin, il faut rechercher systématiquement les antécédents personnels et familiaux ainsi que une comorbidité additive.

Dans ce cas clinique vécu, tous les éléments rentrent en ligne de compte. Cependant, la notion de consommation des stupéfiants n'y a pas trouvé sa place et n'a pu être ni traitée ni discuter pour en dégager une éventuelle orientation addictologique.

Nous faisons, donc, nôtres les affirmations de Mme GUEDJ sur les conduites à tenir face aux patients poly-consommateurs des stupéfiants. En effet, lorsque l'on se trouve en présence de ce genre de patient, il est nécessaire, de prime abord, de tenir compte de la souffrance et du respect dont le patient se sent l'objet car ils constituent les socles de l'alliance thérapeutique ultérieure.

Il en découle qu'en premier lieu, l'on devra évaluer les risques consécutifs à une intoxication, une overdose et un sevrage et, en second lieu, évaluer la distance d'un risque immédiat pour une demande de sevrage en urgence ou une demande de prescription de traitement substitutif.

Par la suite, l'évaluation portera sur le risque de l'automédication, l'abus, d'intoxication en cas de prescription médicamenteuse immédiate, la perturbation du parcours de soins et de la prise en charge actuelle, les possibilités de surveillance médicale aux urgences et, enfin, il y a lieu de dépister les troubles en rapport avec la pathologie psychiatrique.

· Situation n°2.

Monsieur x, patient, sans domicile fixe, âgé de 18 ans, amené par les pompiers pour tentative de suicide, certainement, médicamenteuse.

Il se plaignait, selon ses dires, de douleurs abdominales depuis plusieurs jours. En effet, alors qu'il venait d'être inscrit dans un service de soins et d'accompagnement de personnes à usage des produits illicites et, à peine entré dans le box de consultation, ce patient, selon toute vraisemblance, sous l'emprise d'un état alcoolique, insulte toutes les personnes aux alentours : pompiers, aide soignants, infirmiers...

L'infirmier d'accueil et d'orientation tente, tout de même, de procéder au recueil de données et lui pose une série de questions sur les motifs de sa venue par l'intermédiaire des pompiers aux urgences, ses antécédents et allergies ...

Ce patient, qui, au départ, s'est illustré par des insultes, se tut et refusa de répondre au questionnement. L'infirmier diplômé d'Etat lui explique qu'il va devoir prendre ses constantes. Tremblotant, le patient réclame à manger et dit qu'il a froid. Effectivement, il frissonne et il a la chair de poule. Il sembla plus calme et coopératif. L'infirmier, diplômé d'Etat, s'approcha de lui pour prélever les signes vitaux. Aussitôt, il s'aperçut que son haleine alcoolique parfume le rayon de prise de signes vitaux.

Il s'ensuit qu'au vu de ce patient, tous les symptômes pré delirium tremens saute à mes yeux. A l'examen, le patient lâchera la vérité en affirmant qu'il aurait consommé du valium et 2.5 litres de l'alcool et sniffée du crack pour en finir avec sa vie.

Ce patient, qui se retrouve en urgences psychiatriques, a bénéficié d'un bilan biologique et somatique si bien que le dégrisement s'est bien passé. Le delirium tremens est pris en charge par deux équipes (urgence médicale et urgence psychiatrique) qui ont la rémission du problème somatique. Une orientation par l'équipe de psychiatrique tentera une hospitalisation, sous contrainte, dans un centre médico-psychiatrique de proximité de son secteur.

Pendant que l'équipe médicale s'occupait de dégrisement, on nous apporta une jeune fille 19 ans, étudiante en arts, dont les parents sont divorcés et résident à Lyon. Elle est amenée aussi par les pompiers suite à un appel de la gouvernante de la résidence estudiante, car elle est partie la voir pour lui dire qu'elle n'allait pas bien sans pourtant autant lui signifier qu'elle venait de consommer du cannabis et qu'aussitôt, elle a eu une crise d'angoisse, une crise de panique.

2. GUEDJ, op.cit, P.39

Après l'avoir questionnée, je lui ai fait. Elle ne voulait pas raconter son expérience de consommation du cannabis mais commença par parler du décès d'un proche car elle est issue d'une fratrie de deux enfants dans une famille en éclosion. Elle me raconta que son frère ainé est mort au cours d'un accident de trafic routier, que ses parents étaient en processus de divorce et que chacun vit chez lui. Elle jugeait bon de quitter sa province natale pour venir effectuer ses études des arts de scènes sur Paris.

La crise d'angoisse pour laquelle elle est admise aux urgences psychiatriques surgit à sa seconde consommation du cannabis dans un seul but de palier sinon d'oublier le quotidien de sa vie et, surtout, d'effacer l'image de décès de son unique frère, mort il y a à peine une année.

Après le bilan somatique standard et correction hydrique parentérale, il s'avéra qu'elle n'avait aucune personne de proximité à interpeller, les parents résidant à Lyon. Ne pouvant faire déplacer les parents de Lyon à Paris, nous tentâmes de leur téléphoner pour prendre une décision finale d'orientation de soins mais les contacts téléphoniques des deux parents étaient improductifs.

Face à cette situation, le médecin senior décida de l'orienter vers le médecin scolaire pour le suivi.

Choix des situations.

J'ai choisi ces deux groupes de situations car on y retrouve des éléments assez significatifs de consommation des produits psychoactifs et que l' on rencontre fréquemment dans les services d'Urgences psychiatriques et /ou les services urgences médico-chirurgicales.

Dans la situation n°1, l'on y aperçoit un aspect très récurent des services d'urgences : La moindre méconnaissance des patients au profil des usagers des produits psychoactifs fait qu'on rate la prise en charge de ces patients si on ne cherche pas les toxiques urinaires. Une simple bandelette orientera à moitié l'examinateur dans la prise de décisions, ce qui constitue une approche nette psychiatrique et addicte.

Au demeurant, en raison de leur prévalence, la dépendance et l'abus de cannabis doivent être recherchés systématiquement, affirme Mme GUEDJ2 et plus particulièrement chez les adolescents car, chez, les jeunes adultes se pose le problème diagnostic différentiel entre le syndrome dépressif et le syndrome amotivationnel.

Ce dernier comporte un déclin scolaire, une aboulie et une anhedonie dont l'intensité peut en imposer pour une authentique dépression si bien qu'en l'absence de demande explicite du patient, il faut saisir l'opportunité offerte par la consultation d'urgence pour dépister une dépendance ou un abus de cannabis. L'instauration d'une dimension médicale dénuée de jugement moral permet parfois d'ébaucher une alliance thérapeutique. Enfin si le diagnostic différentiel est prioritaire, il ne faut pas négliger le diagnostic comorbidité d'un trouble de l'humeur évoluant pour son propre compte.

Dans la situation n°2, l'on rencontre un cas où la communication entre le soignant et le soigné semble impossible au départ, car le patient, en état d'ébriété, n'est pas en mesure de comprendre la teneur du message envoyé par l'IDE. Mais il finit par coopérer pour bénéficier des soins.

Il s'ensuit, donc, à notre avis, que la précipitation de diagnostiquer conduit très souvent à des erreurs de décision de prise en charge. Cependant, le calme ainsi que le temps accordé et engagé pour chaque patient peut entrainer la prise de bonnes décisions en faveur de ce dernier. D'où, il en découlera une prise en charge complète et authentique.

Aussi, paraît-il intéressant qu'en tant que futur prestataire des urgences

psychiatriques, il est impérieux de comprendre plus précisément les causes de la crise psychiatrique fréquente au SAU.

Voilà la manière que peut impacter la relation soignante et soigné en psychiatrie en vue d'adapter la prise en charge de ce dernier.

Il découle de ces deux cas cliniques (situations vécues) en comparaison à la littérature scientifique et en se fondant sur les cours dispensés par Dr DERVAUX, qu'il y a lieu de retenir les leçons suivantes :

- Les troubles de la personnalité arrivent assez fréquemment chez les patients avec addictions +++

Epidemiologic Catchment Area Study (ECA) en population générale américaine

- 14% des sujets alcoolodépendants - 15% des sujets dépendants au cannabis - 37% des sujets dépendants aux opiaçés - 43% des cocaïnomanes

Contre 3% en population générale américaine [Regier et al 1990] et 0,7% dans une étude européenne [Torgersen et al 2001].

A cet égard, Madame Guedj3 précise, en revanche, que l'association d'un trouble de personnalité à un autre trouble psychiatrique justifiant la consultation constitue l'une des situations les plus fréquemment rencontrées en termes de comorbidité.

Il s'ensuit que, quand le diagnostic d'un trouble de personnalité est évoqué en urgence, il est pertinent de privilégier le diagnostic comorbide par rapport au diagnostic différentiel pour éviter de scotomise, un pan important de la psychopathologie. Ce principe est d'ailleurs implicite dans les classifications internationales où il est proposé de répertorier les troubles de personnalité sur un axe indépendant.

CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE DE LA TOXICOMANIE 2.1. La toxicomanie.

La toxicomanie est un phénomène multidimensionnel de nature biopsychosociale4. Cette problématique a tellement des conséquences pour le sujet lui-même, entre autres, pour sa santé et pour ses proches, qu'on pense aux difficultés conjugales. Ses conséquences se font également sentir à l'égard de l'ensemble de la société, notamment, par les comportements à risque, tels que la conduite en état d'ébriété.

La consommation des substances psychoactives peut varier au cours de la vie d'un sujet depuis l'abstinence à la dépendance, en passant par divers modes de consommation socialement acceptés ou abusifs.

Pour être considérée comme un trouble mental, la consommation doit se manifester en un mode de consommation pathologique répondant à certains critères.

Les critères de l'OMS (1992)5 et de l'APA (1994)6 pour déterminer la présence d'un trouble lié à une substance psychoactive se regroupent autour des dimensions suivantes :

- importance de plus en plus marquée de la consommation dans la vie du sujet; sentiment subjectif de perte de contrôle de la consommation; apparition et maintien de comportements inadaptés ou dangereux; abandon ou négligence d'activités sociales, professionnelles ou récréatives dus à la consommation; apparition d'indices de tolérance aux effets du produit ou de symptômes de sevrage lors de périodes d'arrêt de la consommation.

L'APA reconnaît deux types de troubles liés aux substances psychoactives, à savoir les troubles d'abus ou de dépendance. Ces troubles, répertoriés à l'axe I du DSM-IV, sont décrits selon une classification par prototype.

Les troubles de la personnalité ont une prévalence marquée dans la population

3. GUEDJ, op.cit, P.40

4. CORMIER, 1984

5. OMS, ,
6 APA,

toxicomane.

Ainsi, comme l'indique le tableau 2, lorsque les critères diagnostiques du DSM-III sont utilisés, la proportion de sujets présentant au moins un trouble de la personnalité varie de 53% à 100% dans des échantillons présentant un trouble lié aux substances psychoactives (Calsyn et Saxon, 1990; Craig, 1988; Craig et Olson, 1990; Dougherty et Lesswing, 1989; Khantzian et Treece, 1985; Koenigsberg, Kaplan, Gilmore et Cooper, 1985; Marsh, Stile, Stoughton et Trout-Landen, 1988; Weiss, Mirin, Michael et Sollogub, 1986).

Les critères de l'OMS sont plus stricts que ceux de l'APA et identifient moins fréquemment des troubles de la personnalité (Hesselbrock, Stabenau, Hesselbrock, Mirkin et Meyer, 1982).

En utilisant ces critères, Glass et Jackson (1988) soulignent que seulement 24% (en 1970-72) et 12% (en 1979-81) des patients d'un hôpital de Londres présentaient une comorbidité «alcoolisme»/troubles de la personnalité. Par contre, ces sujets constituaient la plus grande proportion des patients présentant un diagnostic double, soit 55% (en 1970-72) et 32% (en 1979-81).

Dans l'ensemble de la documentation, les troubles les plus souvent identifiés en parallèle à la toxicomanie sont les troubles de la personnalité antisociale, limite, narcissique et dépendante. Toutefois, l'ensemble des troubles se retrouvent dans cette population.

Il s'ensuit qu'on peut donc affirmer avec certitude que les troubles de la personnalité apparaissent de façon commune et diversifiée dans le tableau clinique des troubles liés aux substances psychoactives.

Par ailleurs, le trouble de la personnalité antisociale a reçu une attention particulière puisqu'il constitue le trouble dont la prévalence est la plus élevée et qu'il est le seul trouble de la personnalité évalué à l'aide du Diagnostic Interview Schedule (DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff, 1981)7, une entrevue semi-structurée utilisée dans de nombreuses études.

Comme l'indique le tableau 3, les taux de prévalence du trouble de la personnalité antisociale, évalués selon les critères du DSM-III ou du DSM-III-R dans des échantillons ou sous-échantillons de sujets traités pour trouble lié à l'alcool, varient de 10 % à 53 % (Dawes, Frank et Rost,1993; Helzer et Pryzbeck, 1988, Hesselbrock, Meyer et Keener,1985; Ross, Glaser et Stiasny, 1988).

Pour sa part, Craig (1988) cite sept études qui indiquent un taux variant de 22 % à 50% lorsque le MMPI est utilisé.

Dans la population générale, les données de l'enquête épidémiologique multisite du Epidemiological Catchment Area (Myers et coll., 1984) utilisant le DIS indiquent que 14 % des personnes ayant un trouble lié à l'alcool ont aussi un trouble de la personnalité antisociale de même que 18 % des personnes ayant un trouble lié aux drogues illicites. La probabilité de présenter un diagnostic de trouble de la personnalité antisociale est multipliée par quatre chez les hommes et par douze chez les femmes si un diagnostic de trouble lié à l'alcool est présent (Helzer et Pryzbeck, 1988).

2.2. La survenue de la toxicomanie.

A cet égard, il importe de mentionner qu'un trouble de la personnalité se développe

7 DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff, 1981

dans l'enfance ou l'adolescence et se maintient dans la vie adulte alors que la toxicomanie apparaît souvent à l'âge adulte.

En examinant l'histoire de vie d'un sujet, il est possible de déterminer l'antériorité d'un trouble par rapport à l'autre, c'est-à-dire, d'identifier quel trouble est apparu le premier. Schuckit (1979)8 rappelle que, dans les cas de comorbidité, il est important, pour l'élaboration du plan de traitement et pour l'intervention, elle-même, d'identifier quel trouble est apparu en premier. En d'autres termes, il faut identifier le trouble primaire.

Il importe de savoir, qu'un trouble de la personnalité peut être primaire par rapport à une toxicomanie; une toxicomanie peut être primaire par rapport au développement d'une désorganisation de la personnalité imitant un trouble de la personnalité ou les deux troubles peuvent apparaître de façon simultanée dans le développement du sujet.

En effet, s'il s'avère que les signes de troubles de la personnalité apparaissent présents avant la toxicomanie, l'on doit examiner la manière dont la dépendance s'inscrit à l'intérieur des manifestations du trouble de la personnalité. Une hypothèse serait alors que la toxicomanie est un symptôme du trouble de la personnalité.

Si tel est le cas, on peut s'attendre à une série de rechutes tant que le trouble de la personnalité, qui est à l'origine de la toxicomanie, ne sera pas traité (Brown, 1992)9.

En revanche, si la toxicomanie est apparue avant les premiers signes de désorganisation de la personnalité, une hypothèse serait alors que cette désorganisation est une conséquence du développement d'un mode de consommation pathologique.

Si tel est le cas, il est probable que les signes de désorganisation disparaîtront ou diminueront de façon significative avec l'arrêt de la consommation (Penick et coll.,1990).

Toutefois, il faut se rappeler que l'arrêt de consommation n'est pas synonyme d'intégration sociale (Luthar, Glick, Zigler et Rounsaville, 1993). C'est dans cette optique que l'axe V fut intégré à l'évaluation multiaxiale du DSM-III et de ces successeurs.

Le niveau de fonctionnement optimal manifesté par un sujet avant l'apparition d'un trouble lié à une substance psychoactive indique le niveau de fonctionnement auquel on peut s'attendre suite à l'arrêt de la consommation.

Si le sujet présentait un fonctionnement carencé avant le développement du trouble, alors une intervention axée spécifiquement sur ces carences devra être envisagée.

Monti, Abrams, Kadden et Cooney (1988) ont développé un programme d'apprentissage des habiletés sociales spécifiquement conçu pour les besoins des sujets présentant un trouble lié à une substance psychoactive.

De ce programme, il apparait que, si le trouble de la personnalité et la toxicomanie furent tous deux partie intégrante du développement du sujet, il sera alors d'autant plus difficile de départager ce qui est une conséquence ou une manifestation de l'un ou de l'autre dans les difficultés que présente le sujet. L'intervention devra tenir compte de l'interaction quasi inextricable de ces deux troubles.

La recherche d'une cause commune dans la socialisation ou dans les caractéristiques psychologiques du sujet sera alors l'avenue d'exploration vraisemblablement la plus profitable.

Une difficulté dans la régulation de l'humeur, une identification à des normes sociales

8 Schuckit,....., 1979, P....

9 Brown,...., 1992, P....

déviantes ou même une vulnérabilité biologique rendant un sujet particulièrement sensible au stress sont les causes communes les plus souvent citées comme pouvant entraîner le développement parallèle d'un t

A la seconde question ayant pour objet la fonction de la consommation dans la vie du sujet, il faut rappeler qu'un grand nombre de sujets ont recours à des substances psycho-actives afin de «régler des problèmes».

Dans l'étude de cas de Southwick et Satel (1990) précédemment mentionnée, le sujet C. consommait de l'alcool ou de l'héroïne parce que cette consommation avait sur lui un effet sédatif qui lui permettait d'éviter de réagir de façon violente lorsqu'il était contrarié. C. présentait un diagnostic de troubles de la personnalité limite.

Dans le cas de Danny décrit par O'Malley, Kosten et Renner (1990), la consommation de cocaïne lui permettait d'avoir l'énergie et la confiance en lui, nécessaires à la réalisation des objectifs exigeants qu'il s'était fixés. Danny présentait un diagnostic de trouble de la personnalité narcissique.

Dans ces deux cas, l'identification de la fonction de la consommation a donné un point de départ à l'intervention ainsi que des indices quant à la nature de l'interaction entre le trouble de la personnalité sous-jacent et le trouble lié à une substance psychoactive.

Par ailleurs, de nombreuses grilles d'auto-observation de la consommation permettent aux cliniciens d'identifier la fonction de la consommation chez un sujet (Sanchez-Craig, 1984, Marlatt et Gordon, 1985).

S'agissant de la troisième question qui explore les pressions du milieu d'identification du sujet face à la consommation et à l'abstinence, il faut garder en mémoire que si la toxicomanie peut trouver sa source dans la vie intra-personnelle d'un sujet, celle-ci peut également être renforcée par le milieu rouble de la personnalité et de la toxicomanie (Sher et Trull, 1994), le social dans lequel ce sujet est ancré.

En effet, dans certains milieux, la prise d'alcool ou de produits illicites est un facteur d'identification et de statut.

Il en découle que, pour un sujet provenant d'un tel milieu, prôner les vertus de l'abstinence peut entraîner une confrontation du sujet avec ses pairs au sujet de la consommation.

Il devient alors important d'explorer les implications de la consommation et de l'abstinence en relation à l'identité sociale du sujet. Une référence à des groupes de soutien, tels les Alcooliques anonymes ou autres, permettra aux sujets de tisser un nouveau réseau social où la consommation ne sera pas un facteur d'acceptation (Nace, 1990).

Finalement, un grand nombre de chercheurs s'entendent sur la nécessité d'intervenir spécifiquement en regard du trouble lié à une substance psychoactive dès que celui-ci est identifié (Blume, 1989; Nace, 1990; O'Malley, Kosten et Renner, 1990; Southwick et Satel, 1990), y compris les auteurs qui perçoivent la toxicomanie comme le symptôme d'une carence sous-jacente de la personnalité (Brown, 1992).

Un trouble lié à une substance psychoactive est, en effet, un facteur qui complique le traitement des troubles concomitants (O'Malley, Kosten et Renner, 1990).

D'ailleurs, certains auteurs considèrent qu'un traitement axé sur la toxicomanie constitue une bonne préparation au traitement d'un trouble de la personnalité.

Un trouble de la personnalité étant égo-syntonique, en accord avec la personnalité, les sujets sont souvent peu enclins ou trouvent difficile d'aborder la question de leur personnalité puisque celle-ci ne leur apparaît pas comme problématique.

Southwick et Satel (1990) estiment qu'aborder la consommation et les problèmes qu'elle entraîne constitue un bon moyen d'avoir accès au vécu émotionnel de ces sujets. Ces auteurs ajoutent de plus que travailler un comportement que les sujets reconnaissent eux-mêmes comme problématique permet de créer un lien thérapeutique. Nace (1990), quant à lui, rappelle que certaines caractéristiques de la plupart des programmes de traitement de la toxicomanie correspondent aux premières étapes d'un traitement pour trouble de la personnalité. Celui-ci mentionne la structure de l'environnement de traitement, l'accent sur l'expression des émotions plutôt que sur leur évitement de même que l'examen du mode d'interaction interpersonnel.

Au surplus, si un traitement de la toxicomanie ne peut être suffisant pour éliminer la présence d'un trouble de la personnalité concomitant, l'inverse est également vrai. En effet, un traitement pour trouble de la personnalité ne peut être suffisant pour éliminer la présence d'une toxicomanie.

Afin de pallier cet état de fait, une meilleure coordination des programmes axés vers le traitement de l'un ou de l'autre de ces troubles ne peut être qu'encouragée.

Il en découle, donc, que la problématique de la comorbidité trouble de la personnalité/toxicomanie comporte un intérêt particulier.

En effet, les troubles de la personnalité sont présents de façon fréquente et diversifiée dans le profil de sujets ayant également un trouble lié à une substance psychoactive.

Les positions suggérées au sujet du lien unissant les troubles de l'axe I aux troubles de l'axe II s'appliquent également au lien trouble de la personnalité/toxicomanie. L'une ou l'autre de ces positions sont appropriées dans certains cas, alors qu'elles ne le sont pas dans d'autres.

Toutefois, certaines questions peuvent aider les évaluateurs ou les cliniciens dans l'identification du lien à l'oeuvre chez un sujet cible : A titre illustratif, Quand la toxicomanie est-elle apparue dans le développement du sujet? Quelle est la fonction de la consommation dans la vie du sujet? Est-ce que la consommation s'inscrit à l'intérieur des normes sociales du milieu d'identification de l'individu? L'examen de ces questions permet aux chercheurs comme aux intervenants de se situer quant à l'importance relative de la toxicomanie et du trouble de la personnalité.

Par ailleurs, plusieurs auteurs recommandent une intervention spécifique axée sur la toxicomanie dès qu'un tel trouble est identifié. En effet, la toxicomanie complique le traitement des troubles concomitants et une telle intervention constitue la première étape du traitement d'un trouble de la personnalité.

De plus, il peut y avoir une contradiction dans les termes. La crise semble parfois même être un mode de gestion. Ainsi, peut-on lire dans un rapport français de 2006 que:

L'on peut, donc, en définitive, affirmer que l'optimisation de l'efficacité des interventions auprès des sujets présentant une comorbidité trouble de la personnalité/toxicomanie dépend de la coordination des programmes offrant des services spécifiques pour ces problématiques.

CHAPITRE 3 : LA CRISE PSYCHIATRIQUE DU PATIENT TOXICOMANE

3.1. LA CRISE PSYCHIATRIQUE PROPREMENT DITE.

Étymologiquement parlant, le mot crise associait les sens de « décision » et « jugement ». En grec, « Krisis », la crise, est une décision, entre deux choix possibles. Une crise suppose donc une prise de décision, une action pour s'en sortir.

Il s'ensuit que la crise est une situation insolite caractérisée par son instabilité, laquelle oblige à adopter une gouvernance spécifique pour revenir au mode usuel de vie. Par gestion de crise, on entend ce mode de gouvernance1.

La notion de crise a, ensuite par extension, décrit la phase décisive d'une maladie (individuelle ou épidémique). Puis, hors du champ médical, le terme « crise » s'est étendu à l'idée de troubles, de situations de déséquilibre profond, puis de désordres graves (dans les domaines social, économique, politique, géopolitique, climatique, etc.).

Ce concept qui vient du champ médical s'est à nouveau rapproché du domaine de la santé pour décrire et gérer des états critiques en matière de risque pandémique, de maladies émergentes ou du système de prise en charge sanitaire.

Il est également très attaché aux domaines économiques et financiers, puis des ressources écologiques dans une société mondialisée plus que jamais dépendante de ressources finies, productrices de déchets toxiques ou dangereux et d'un système où la valorisation d'un capital est presque entièrement basée sur sa consommation en vue d'entretenir un système de production qui n'a pas de régulation politique forte et qui est une menace pour la santé des écosystèmes et d'une partie de la population.

« "Gérer la crise" est d'un certain point de vue une contradiction dans les termes. On ne gère pas le tourment, le trouble ; on s'efforce d'éviter qu'il se produise, d'en minimiser les effets ou de rétablir l'ordre »2.

3.2. Les grandes phases d'une gestion de crise.

Anticiper et se préparer semble nécessaire pour mieux réagir en cas de survenance de la crise. Le gestionnaire de risque doit donc analyser, évaluer et hiérarchiser les risques principaux, les enchaînements possibles de causes et conséquences, et leur trouver des parades, des moyens d'adaptation et de restauration

La démarche d'analyse de risque commence par l'identification des objectifs principaux de l'entité qui la mène. Un risque est relatif. Il ne présente théoriquement de gravité que s'il met en danger la réalisation d'un de ces objectifs.

L'étape suivante est l'évaluation du couple - probabilité d'occurrence / gravité potentielle. Le gestionnaire de risque va chercher à parer les risques dont la gravité couplée à la probabilité est la plus élevée. Pour cela, une évaluation séparée des deux grandeurs sera réalisée selon des critères objectifs et/ou subjectifs. Ensuite, les deux grandeurs seront multipliées pour obtenir une cotation.

Exemple : Le risque que ma femme me quitte (coté 4/5 en termes de gravité) si je passe encore la soirée à regarder le foot chez les copains présente une probabilité de 5/5. La cotation globale est de 4*5 = 20 sur une échelle qui s'arrête à 25 (5*5).

Une fois les risques classés par ordre décroissant, le gestionnaire de risque va chercher les leviers d'actions permettant d'y parer. Cette recherche sera menée en analysant les différentes relations de cause à effet pouvant amener à la réalisation du risque.

Ceci nécessite de disposer de moyens et outils de veille et d'évaluation et donc de prévision, et si possible de prévention. Des moyens partagés et une approche collaborative permettraient d'en diminuer les coûts.

Anticipation.

Elle vise à anticiper sur la possible survenance d'événements générateurs de crise, par la mise en place de mesures adaptées. Ces mesures visent à réduire la probabilité de survenance déterminée lors de l'analyse de risque.

Prévision.

C'est la définition et la localisation du danger. Il existe des dangers imprévisibles, mais la préparation à gérer un danger est le moyen d'accélérer les réponses et la résilience en cas de crise d'une autre nature. (Ex : la préparation à une crise pandémique met en place des outils, mécanismes et réflexes proches et, en partie, identiques à ceux qui seraient nécessaires en cas de crise de type guerre nucléaire ou attaque bio terroriste. Elle indique dans quelle limite de temps le danger peut affecter la population et les aménagements.)

Protection.

L'objectif de la protection (ex : protection civile) est de réduire la gravité de l'événement quand et s'il se produit. Les mesures de protection sont étudiées et pré-déployées à l'avance, mais ne prennent tout leur importance que lorsque le risque s'est réalisé. Elles sont conçues pour en limiter les impacts et les dégâts collatéraux. Exemple : les bâtiments parasismiques.

Gestion de la crise.

Selon le type d'événement générateur et les impacts et conséquences qu'il crée, une crise plus ou moins grave peut survenir, dont la résolution passe par un mode de gouvernance et un mode de communication spécifiquement adaptés à la situation : la gestion de crise et la communication de crise.

Lorsque l'événement affecte tout un pan d'activités, la gestion de crise s'accompagne généralement du déploiement d'un plan de continuité d'activités (qui fait partie des mesures de protection).

Quel que soit le type d'événement auquel il faut faire face, la gestion de crise présente certaines caractéristiques permanentes.

A. Diagnostic, action et décision.

Elle exige une capacité de diagnostic, de bonne réaction et donc de décision. La situation est avant tout une situation d'urgence. Il est déterminant de percevoir rapidement la gravité de la situation, les priorités induites et les décisions les plus adaptées aux circonstances.

B. Organisation.

La gestion de crise requiert également de la part des autorités responsables une capacité à organiser et à rassembler les efforts des différents intervenants. Dans la crise du Tsunami, les différents pays touchés ont leurs propres institutions et divers systèmes

d'organisations. Le Préfet, en France, est au centre de l'ensemble du dispositif. Il veille à l'unité et à la cohérence des différentes interventions.

C. Communication.

La communication de crise est fondamentale. En communication interne, il s'agit de permettre les actions et optimiser le temps de réaction en communiquant. Le terme est utilisé, en communication externe, pour alerter et informer et, également, pour conserver la confiance des parties prenantes ou du public le cas échéant pour l'avenir.

Son intérêt est économique et politique.

Retour d'expérience.

Bilan de la gestion de crise.

Gérer le risque, c'est agir sur deux domaines essentiels que sont la prévention et

l'intervention. D'où l'importance de tirer un bilan de la crise dans un souci de résilience.

Les outils de la gestion de crise.

Les principaux outils et moyens mobilisés sont :

- Le "plan de gestion de crise" : plan communal de sauvegarde (PCS), plan ORSEC

(Organisation de la réponse de sécurité civile), plan de secours spécialisé (PSS), ...

quand ils existent et ont été correctement préparés ;

- Le Plan de communication de crise.

A cet égard, il convient de noter que, pour P. Collet, spécialistes de ces questions à EDF pour

l'Industrie nucléaire 3, une bonne communication devrait traduire « le

consensus entre les différents intervenants et, cela, aussi bien sur ce qui conforte leurs

analyses réciproques que sur les "éléments de divergence ».

-Les plans opérationnels de crise : plans de prévention : sécurité (biens), sûreté (personnes), sûreté de fonctionnement (fiabilité) et plans de protection : plans de continuité d'activités (métier de l'entreprise), plan de secours (informatique).

En 2007, on voit apparaître un site Internet de crowdsourcing, Ushahidi, qui permet aux individus de collaborer à la gestion de la crise. Inventé pour répondre aux violences post-électorales au Kenya en 2007-2008, il a depuis été utilisé lors de catastrophes majeures telles

que le séisme de 2010 à Haïti, le séisme de 2010 au Chili, une tempête de neige à Washington DC,...

Les années 2000 voient apparaître un nouveau mode de gestion de certaines crises (au sein des entreprises) : le « Management de transition ».

Simulation de crise.

Les crises étant essentiellement imprévisibles (ou presque!), il est important de tout faire pour être à même, lorsque cela sera jugé nécessaire, d'agir le plus rapidement et le plus efficacement possible.

A cet effet, des mises en situations sont organisées afin de mettre en pratique les grandes étapes de la gestion de crise listées précédemment. C'est ainsi que, dans le cadre universitaire (voir l'École nationale supérieure des mines de Nancy et d'Alès, l'Université Lille I5, l'INSEEC, l'Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Rouen, en science politique à l'Université Lyon ), pour former les futurs cadres, par le biais de l'Institut National des Hautes études de sécurité et de justice (INHESJ), établissement public de formation placé sous tutelle du Premier Ministre, qui forme les futurs préfets et les décideurs publics et privés, ou encore par celui de sociétés de conseil et d'accompagnement aux entreprises, l'on soumet alors aux participants un ou plusieurs cas de crises qu'il leur conviendra de gérer au mieux pour minimiser leurs retombées négatives.

Il convient de noter, au demeurant, que ces exercices peuvent également s'effectuer dans un cadre plus formel, sous l'impulsion d'un gouvernement ou d'une administration.

Gestion de crise et réseaux sociaux.

La gestion de crise s'appuyant sur les réseaux sociaux ou suscitée par ces derniers semble être une des dimensions émergentes du xxie siècle, de la « modernisation sociale des entreprises »7 et, peut-être, du "métier" de gestionnaire de crise8.

En effet, avec l'avènement du Web 2.0 et des réseaux sociaux de grande étendue et potentiellement très réactifs tels que Facebook ou Twitter, de nouvelles façons de communiquer ont vu le jour.

Les réseaux sociaux et leurs solidarités ont toujours contribué à la résolution ou à l'atténuation de crises graves (Ex : 700 communes privées d'électricité par - 25°C lors de la tempête de glace de janvier 1989) bien qu'ils puissent aussi susciter des crises (dans le cas des guerres notamment10 et migrations liées à des causes géopolitiques).

Avec les NTIC, ils peuvent le faire plus rapidement, de manière down-up (à l'initiative d'internautes et d'usagers de téléphones mobiles par exemple) ou top-down (à l'initiative de l'entité qui est en crise). Ils peuvent aussi être utilisés par une organisation en crise pour communiquer sur la crise et son évolution (de manière plus ou moins objective et transparente selon les cas, deux paramètres qui peuvent influer sur la confiance que les "récepteur" accorderont à l'information qu'ils recevront par ces réseaux).

Ils permettent une communication multimédia, latérale et en réseaux heuristiques, parfois très rapide, éventuellement régulière voire quotidienne ou quasi instantanée. Ils permettent aussi une communication avec des "feed backs" plus rapides.

Les NTIC sont ainsi très prisées par certains services de communication politique ou d'entreprises ou de collectivités qui n'hésitent pas à les utiliser (ou à ne pas les utiliser) pour éviter, limiter ou remédier à certaines crises.

Après le développement des community managers11 des « community defenseurs » peuvent jouer un rôle en cas de crise, avec une efficacité plus ou moins grande selon leurs compétences dans le domaine concerné par la crise ; selon le contenu informatif dont il disposent et selon leurs compétences en communication dans ces réseaux (des règles implicites organisent les communautés virtuelles et les réseaux sociaux dont certains tolèrent ou imposent des textes courts, des photos, des citations de sources, avec ou sans possibilité d'employer un ton familier, etc.).

Certaines crises peuvent rapidement dégrader ou améliorer l'image des entités, des marques ou des personnes concernées. Voilà pourquoi la communication de crise intègre maintenant, dans certains cas, une dimension e-Réputation et, donc , de veille (avec des outils complexes et payants (Mention ou Alerti...) ou simples et gratuits tels que Google Alert ou Social Mention.

3.3. Pathologie duelle.

« Pathologie Duelle » implique l'apparition d'une nouvelle pathologie résultant de l'interaction synergique entre les maladies mentales et les addictions qui viennent se substituer aux concepts moins précis de « double diagnostic », « comorbidité », « cooccurrence », etc., et qui rendent difficile la prise en charge globale des patients psychiatriques consommateurs de drogues.

La Pathologie Duelle a besoin d'une nouvelle approche psychopathologique pour décrire les caractéristiques symptomatologiques et rechercher de nouveaux traitements efficaces et efficients afin d'être utile du point de vue clinique et, en même temps, être acceptée par la Psychiatrie Générale et des Addictions, unique façon de pouvoir accomplir son introduction dans les réseaux sanitaires de l'assistance publique.

D'un point de vue clinique, il est très important de définir précisément les divers types de relation que l'on peut trouver entre ces deux pathologies et qu'on peut résumer en ces cinq possibilités :

1. Les deux troubles ont une étiopathogénie indépendante.

2. La co-occurrence des deux troubles est due à des causes iatrogènes.

3. L'apparition des troubles mentaux est due à un effet psychotoxique direct de la drogue.

4. Les deux troubles présentent une vulnérabilité psychobiologique partagée.

5. Les troubles mentaux facilitent l'apparition d'addictions et on peut alors évoquer l'Hypothèse de l'Automédication, à savoir que les drogues sont utilisées pour améliorer la symptomatologie psychiatrique. A présent, de plus en plus, l'Hypothèse de l'Automédication avance en gagnant des adeptes.

3.4. Situation vécue :

Nous avons été appelé aux urgences, entre 17 et 18h, pour admission, par les pompiers, d'un toxicomane âgé de 48 ans, d'origine algérienne, vivant entre la France et l'Algérie.

A son arrivée, ce patient était en autonomie avant l'épisode aigu. Il avait une activité normale sans restriction. Antécédents psychiatriques connues : toxicomanie substituée par méthadone, plusieurs tentatives de suicide, notion de schizophrénie, autres antécédents

médicaux : toxicomanie à l'héroïne et hépatite c, le patient aurait ingéré du dafalgan codéine (dose inconnue), au maximum 33 comprimés de Lexomil 6mg (dose ingérée 198mg), d'alcool (quantité en litre inconnue) et de l'héroïne, dira-t-il, quelques grammes en post coma.

Ce patient est retrouvé dans la soirée par sa famille dans le coma. Croyant à un arrêt cardiorespiratoire, la famille appelle les secours à 21h20. A noter que la famille a tenté d'entamer un massage cardiaque externe sur ce dernier.

A l'arrivée de la BSPP (La brigade de sapeurs-pompiers de Paris), les paramètres vitaux sont les suivants ; pression artérielle à 93/68 mm Hg, tachycardie à 110/min, spo2 à 89% en air ambiant, fréquence respiratoire à 14/min, température à 36.6°c, glycémie capillaire à 1.3g/,le patient est en coma areactif Glasgow 3 avec des pupilles en myosis serré bilatéral.

A l'arrivée du SAMU, les paramètres vitaux sont les suivants : pression artérielle à 93/68mmHg ; tachycardie à 104/min, spo2 à 97% sous oxygénothérapie à 9l/min, fréquence respiratoire à 9/min. L'examen clinique est inchangé, mise à part la survenue d'une bradypnée à 9/min. La prise en charge initiale consiste en l'administration d'une ampoule de NARCAN 200mg, avec une réponse à type d'augmentation de la fréquence respiratoire à 15/ min et d'un réveil avec score de Glasgow qui passe à 10.le narcan est poursuivi en IVSE à la dose de 1mg/h .

Par ailleurs, sont découverts 2 tubes de Lexomil dans les chaussettes du patient. D'ou la décision d'administrer une ampoule d'ANEXATE, avec une réponse immédiate à type d'augmentation du Glasgow à 13. L'anexate est poursuivi en IVSE à la dose de 1mg/h

Le patient est transféré dans le service de réanimation médicale et toxicologique pour la suite de la prise en charge.

Chapitre 4. LE CAS PARTICULIER DES FEMMES ENCEINTES TOXICOWOMEN.

4.1. La grossesse chez les usagères de substances psychoactives (SPA) :

Cette catégorie des consommatrices des drogues interpelle souvent les équipes soignantes sur les risques encourus par le bébé et sur les capacités pour les parents à « bien s'occuper de leur enfant » (Simmat-Durand, 2007 ; Luttenbacher, 1998 ; Molénat, 2000).

Elle est rarement anticipée bien que la sexualité et la parentalité soient des questions essentielles à aborder précocement chez les patients usagers de substances psychoactives (Molénat, 2000 ; Rosenblum, 2004).

Le désir d'enfant et la grossesse sont ainsi rarement envisagés comme des moments privilégiés de la prise en charge alors qu'ils peuvent être de leviers thérapeutiques importants et faire « naître » des capacités à prendre soin de soi en se projetant dans l'avenir (Molénat, 2000 ; Pezzolo et al., 2006).

Il est, donc, nécessaire pour tout soignant d'apprendre à profiter de tels moments pour progresser dans les projets de soins et accompagner ces parents, non plus, en termes de « risques » qu'ils représentent, mais surtout, en termes de « besoins » qu'ils nécessitent (Reichert & Weil, 2007).

En effet, bien que le plan gouvernemental 2008-2011 de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) en ait fait une de ses priorités, la prise en charge des femmes usagères enceintes reste souvent complexe en raison de l'absence de structure de soins spécifiques, du manque de formation des différents intervenants ou des représentations, des craintes et méconnaissances des soignants (Mildt, 2008).

Dans un tel contexte, il est souvent difficile pour des parents usagers de SPA de prendre soin d'eux ou de pouvoir bénéficier de programmes de procréation médicalement assistée (PMA).

Le Réseau maternité addiction (RMA) propose, à partir d'un cas clinique, de témoigner d'une expérience positive dans ce domaine et de présenter les principes d'un soin transdisciplinaire informé et cohérent pouvant, en lui-même, devenir structurant Femmes et usage de SPA : un repérage insuffisant.

La France compte environ 70 000 usagers d'héroïne et 100 000 personnes sous TSO auxquels se rajoutent des personnes définies comme consommatrices régulières (10 usages ou plus au cours des 30 derniers jours, ou fumeurs quotidiens).

En effet, en France, 11,8 millions de personnes consomment du tabac, 9,7 millions, l'alcool ; 3,8 millions sont des psychotropes ; 1,2 million consomment du cannabis.

Exception faite de l'alcool, 1/3 de cette population sont des femmes et quasiment toutes en âge de procréer (Ofdt).

Au vu de ces chiffres, il semble évident que les professionnels de la naissance sont tous confrontés, dans leurs pratiques quotidiennes, aux femmes enceintes ayant un usage de SPA, forcément nocif, par le simple fait de la grossesse.

Malheureusement par méconnaissance, manque de formation, sous-évaluation de l'importance de ces problématiques, cloisonnement de l'offre des soins ou absence de structure de soin spécialisée, beaucoup n'abordent pas cette problématique avec les «patientes».

La grossesse est un moment unique pour favoriser le repérage, l'évaluation et le soin. Elle constitue un moment idéal et, quelquefois, unique pour favoriser le repérage des usages de SPA.

Dans le cadre du RMA, près de 40 % des femmes rencontrées n'avaient aucune prise en charge préalable de leurs addictions.

Elle permet l'accès aux soins et aux actions de réduction des risques :

- Lors de leur première rencontre avec le RMA, 11 % des femmes avaient un usage d'héroïne ou de TSO « au noir » et 60 % des femmes sous buprénorphine en avaient un usage détourné (sniff, injection). Une rencontre précoce avec le RMA a rapidement permis de proposer l'initialisation d'un TS O ou de réaliser un « passage méthadone » à l'aide d'une hospitalisation en maternité pour permettre une surveillance foetale adéquate en pré- ou postnatal (Lejeune et al., 2006 ; Mac Carthy et al., 2005).

- 30 % des femmes accompagnées par le RMA ont des sérologies positives pour l'hépatite C. Un dépistage des hépatites est systématiquement proposé par le réseau. En cas de positivité, une première prise de contact avec un hépatologue est proposée, dans l'idéal, avant la naissance, pour favoriser un suivi et un traitement ultérieur. De plus, une vaccination du nouveau-né pour l'hépatite B est toujours envisagée à la naissance (Inpes, 2007).

- 40 % des femmes suivies présentent des comorbidités psychiatriques comme des syndromes dépressifs, des troubles anxieux, des troubles de l'humeur ou des troubles psychotiques. Cette vulnérabilité est souvent secondaire à des parcours chaotiques, des enfances « fracassées » faites de séparation et de violences.

D'après l'enquête de Cassen et al., réalisée auprès de 171 mères toxicomanes, 40 % des femmes interrogées ont subi dans leur enfance des violences psychiques, 30 % des violences physiques, 20 % ont subi des abus sexuels (Cassen et al., 2004). Ces antécédents rendent complexe l'accès à la parentalité et nécessitent souvent un accompagnement spécifique.

Une rencontre avec le psychiatre et/ou la pédopsychiatre référent permet d'évaluer et éventuellement de traiter de façon adaptée ces pathologies en collaboration avec la psychologue du réseau qui pourra proposer un suivi psychothérapeutique (Pezzolo, 2006).

- Près de la moitié des femmes sont seules et ont comme unique source de revenus des minima sociaux. Cette situation constitue à l'évidence une difficulté supplémentaire du fait de l'isolement affectif et à la précarité financière. La question du logement est également, dans 30 % des situations que nous rencontrons, un vrai problème.

Lorsque celui-ci est précaire ou inexistant, il est évidemment difficile de structurer l'accompagnement post-natal. En lien avec les associations ou les structures d'hébergement existantes, il est souvent nécessaire de dépenser beaucoup d'énergie pour inventer ou bricoler des solutions évitant la séparation de la mère et de l'enfant après la naissance.

La grossesse est, à ce niveau aussi, un moment important pour créer au plus tôt des liens avec des travailleurs sociaux qui permettront la mise à jour des droits et l'assise sociale de la nouvelle famille.

4.2. Situation vécue.

Nous sommes appellé aux urgences gynecologie-obstretrique pour parturiente à terme sous méthadone présentant une addiction sévère aux benzodiazepines. Les éléments biographiques et mode de vie du patient démontrent que la patiente est en concubinage et a

deux enfants des antécédents mariages, sans activité, femme au foyer, hébergement propre, origine des revenus : aides sociales. Son compagnon a quelques activités au noir. Elle est ainée d'une fratrie de 4, père décédé (ne l'a pas connu), mère vit à Saint-Denis.

Antécédents médicaux : addiction à l'héroïne : arrêt il ya 7 ans, substitution par méthadone depuis quelques années, épilepsie première crise pendant la grossesse, 2 crises ensuite , chirurgie dorsale suite à une agression en 1993.

Histoire addictologique tabac : première consommation à l'âge de 18 ans , perte de contrôle à l'âge de 20 ans, 10 cigarettes /jour, diminution à 3-4 cig/j durant la grossesse, cannabis trouble non ressenti par la patiente occasionnelle de 18 à 22 ans, benzodiazepine: spécialité alprazolam 3mg/j depuis 3ans, antécédents de crise épileptique de sevrage ;tremblements anxiété, troubles du sommeil , évoque de troubles attentionnels, des troubles de mémoire, cocaine/crack :trouble non ressenti par la patiente, prises festives régulières entre 18 et 22 ans ,opiacés actuellement consommatrice de mathadone 100mg/j ; première consommation à l'âge de 18 ans ,perte de contrôle à l'âge de 18 ans ,trouble ressenti par la patiente ,trouble évaluable par le clinicien, héroïne sniffé de 18 à 25 ans, n'en a plus repris depuis substitution.

Histoire récente des troubles, durant la grossesse prenait de 6cp à 1 plaquette de xanax/ jour et parfois plus (10), méthadone habituellement à 70 ,mg/j augmentée à 100mg. Accouchement par voie basse, bébé transféré en réa neonat à trousseau. Elle a fait une crise comitiale dans le service l'après-midi de l'accouchement. Effets recherchés :effet anxiolytique, sédatif ;signes spontanés de sevrage :tremblements

Motivation à l'arrêt ou à la prise en charge :prise de conscience globale. projet synthèse :arrêt urbanyl introduction depakine chrono 500mg-1cp le matin, maintien de xanax0.5mg :1-1-1 ;introduction de prozac 20mg-1/2cp le matin pendant 3 jours puis 1cp le matin ,arrêt imovane, introduction de théralène 5mg-2cp au coucher, diminution de la méthadone à 95 mg/j en prise le matin.

CHAPITRE 5. PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore