AVANT-PROPOS
La relation Médecin-Patient, surtout en unité
psychiatrique, est très souvent difficile et complexe. La
vulnérabilité du patient découlant de la consommation des
drogues peut fortement nuire à la qualité des rapports
intrinsèquement liés devant exister entre ces deux personnes, ce
qui peut susciter des questionnements et des incertitudes dans les choix
à retenir en vue d'administrer une thérapie adéquate au
patient concerné.
C'est dans ce contexte que, pour tenter d'apporter, tant soit
peu, des pistes de solutions dans la gestion des crises psychiatriques qui en
découlent lorsque le patient, drogué, se présente aux
urgences des structures médicales, le présent travail a
été réalisé.
Ce mémoire qui consacre l'issue d'une formation de
Diplôme Universitaire (D.U.) en Urgences psychiatriques rassemble des
faits et observations que nous avons retenus lors de nos différents
passages aux stages, non seulement, auprès des médecins
psychiatres faisant partie de certaines structures hospitalières de
l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris , à
savoir, Sainte-Anne, Georges Pompidou et Saint- Joseph, mais
aussi et surtout, les expériences acquises en faisant fonction, d'une
part, d'interne aux urgences médico-chirurgicales du CASH Nanterre et,
d'autre part, en qualité de praticien attaché au service de
médecine sociale CHAPSA du même hôpital, et ensuite à
l'unité d'addictologie de l'hôpital de Rambouillet.
Aussi, convient-il de mentionner les expériences et
expérimentations que nous avons pu effectuer au poste de consultation de
tabacologie, respectivement, au centre hospitalier de Saint-Denis et à
l'hôpital Delafontaine mais aussi à celui de toxicomanie à
l'hôpital Casanova section le Csapa le corbillon.
Ce travail retrace, donc, dans son premier chapitre, un
échantillon de la manière dont sont présentement pris en
charge les patients toxicomanes aux urgences psychiatriques de la région
Ile-de-France et tente de circonscrire, dans son second chapitre, des
recommandations dont les pouvoirs publiques devraient tenir compte à la
lumière des perspectives d'avenir dans le secteur de la gestion, en
urgence, des prises en charge psychiatriques des personnes droguées.
Enfin, ce travail n'a pas la prétention d'apporter des
solutions définitives à ce problème récurrent, mais
constitue un chantier qui pourra être complété, dans
l'avenir, par d'autres travaux postérieurs afin de tendre, toujours,
dans l'amélioration positive de la prise en charge efficace et
adéquate de cette catégorie des patients vulnérables.
REMERCIEMENTS
Je tiens, de prime abord, à remercier les infirmiers,
les infirmières et les médecins seniors, que j'ai pu rencontrer
lors de la réalisation de cette oeuvre scientifique. Leurs conseils
pratiques et théoriques, implications et simplicité m'ont
tellement émerveillé que j'en garderai une pensée
inoubliable.
J'adresse également mes profonds remerciements à
l'ensemble des professionnels opérant dans le milieu hospitalier, qui,
malgré leurs multiples occupations, ont pu consacrer leurs temps et
disponibilité à l'accueil des stagiaires que nous étions
et ce, dans un élan de convivialité, démontrant par ce
geste, leur ouverture d'esprit en vue de nous accueillir à l'issue de
notre stage, nos cours et formation dans les diverses structures
médicales au sein desquelles ils prestent leurs services. Qu'ils
trouvent ici l'expression de mon attachement à leurs êtres
respectifs qui ont su façonner et contribuer, chacun à leur
manière, à l'acquisition et à l'affermissement de mes
compétences dans le domaine médico-psychiatrique.
Je serai ingrat de ne pas avoir une pensée
particulière au corps professoral qui a participé, de
manière remarquable, à ma formation et, en particulier, aux
Docteurs PIERRE LANA et Mosconi ainsi qu'à tous les autres tuteurs qui
m'ont accueilli lors de l'accomplissement de mon stage dans les unités
médico-psychiatriques. La confiance qu'ils m'ont apportée m'a
incité à me dépasser lors de mes différents stages
si bien que j'ai pu, tant soit peu, parfaire ma formation en urgence
psychiatrique.
Par ailleurs, je m'en voudrai de ne pas remercier, de
façon tout à faire particulière, le Docteur RAPHAËL
GOUREVITCH, directeur du présent mémoire qui a accepté,
nonobstant ses innombrables occupations, de me conduire, pas à pas, dans
la réalisation de cette oeuvre scientifique.
Vos remarquables et avisés conseils ainsi que votre
sens élevé de critique scientifique ont enrichi, de
manière significative, le contenu du présent travail si bien que
j'en garderai tout au long de ma vie une pensée pieuse.
Enfin, que Madame Thullo Emmanuelle, la secrétaire du
coordonnateur de la formation, le Dr Gourevitch Raphaël, les membres des
équipes pédagogiques ainsi que tous les secrétaires des
hôpitaux au sein desquels j'ai eu à exercer mes stages trouvent,
ici, l'expression de ma profonde gratitude et remerciements pour les moments
partagés ensemble en vue de rendre concrète la réalisation
de ce travail.
INTRODUCTION
Au terme de ses études, tout récipiendaire est
appelé à réaliser une oeuvre scientifique devant couronner
son parcours dans le domaine où il est formé.
C'est dans cette optique que nous avons souhaité,
à l'instar de nos prédécesseurs, parfaire nos
connaissances en effectuant une formation continue dans le domaine des urgences
psychiatriques afin de pouvoir en acquérir des compétences
spécialisées et, par ce fait, compléter et
améliorer notre fonction de médecin généraliste.
Nos recherches effectuées auprès des services
d'accueil des urgences psychiatriques nous ont permis de comprendre les enjeux
de la prise en charge des usagers de drogues aussi bien en termes de demande de
soins qu'à la crise d'ordre psychiatrique qui les frappe lorsqu'ils
atteignent le seuil d'addiction.
Etant acteur actif dans la pathologie addictive, nous nous
sommes intéressés aux comorbidités psychiatriques
sous-jacentes aux prises de drogues. Aussi, avons-nous estimé utile de
procéder par une méthode d'observation de ces patients atypiques
si bien que nous nous sommes confronté assez souvent aux situations
où les patients exprimaient la crise psychiatrique alors même que
nous étions en consultation dans la salle d'attente ou dans le box y
dédié.
Par ailleurs, il sied de mentionner que les urgences de
l'hôpital sont encore et toujours la voie d'entrée de la plupart
de nos patients en phase aiguë de la maladie ou en état de crise.
Cependant, bien que la gamme des psychotropes ne cesse de s'élargir et
que les psychiatres augmentent en nombre, beaucoup de personnes aux prises avec
une maladie mentale se présentent aux urgences partout en France en
quête d'un traitement et de soins psychiatriques.
C'est ainsi que nous avons pu constater au cours de nos
descentes sur terrain que des modèles de prestation de soins au patient
psychiatrique aux urgences ont évolué tant sous l'angle
systémique que thérapeutique.
De nombreux programmes offrent la formation à d'autres
sites, notamment aux urgences psychiatriques d'un hôpital psychiatrique,
à une clinique de suivi de la situation de crise ou aux urgences d'un
hôpital général sans zone réservée aux
urgences psychiatriques.
Les résidents interviennent de concert avec divers
professionnels de la santé durant leur formation en psychiatrie
d'urgence, mais dans certains cas, l'équipe se compose seulement de
psychiatres (certains formés en psychiatrie d'urgence, d'autres pas) et
de travailleurs en intervention d'urgence ou de travailleurs sociaux.
Les établissements de santé affiliés
à une université ayant à leur disposition des ressources
additionnelles comptent des équipes interdisciplinaires formées
d'infirmières spécialisées en santé mentale pour
certaines, de psychologues, de préposés aux
bénéficiaires, de gardiens de sécurité et de
traducteurs. La plupart des répondants indiquent que leur programme
offre de la formation sur la sécurité et une gamme
complète de mesures de sécurité.
Il s'ensuit que la psychiatrie d'urgence se pratique, de nos
jours, dans divers milieux allant de l'hôpital -- général
ou psychiatrique -- à l'organisme communautaire, au centre de crise ou
à l'équipe d'intervention mobile.
Est-ce que cette multiplicité des structures proposant
des soins en urgence aux toxicomanes sont-elles mieux outillés en termes
de personnel qualifié pour prendre en charge de manière
efficiente ces spécificités de ces patients ? ; les habitudes de
consommation de différents produits psychoactifs à toutes les
catégories des usagers des drogues ? ; ces patients sont t-ils addictifs
ou malades Psychiatriques ? Ya-t-il une démarcation entre la notion de
base des interventions urgences aux pathologiques psychiatriques qui puissent
établir des connaissances pouvant diagnostiquer de façon claire
un vrai addictif à un patient purement psy avec consommation d'autres
produits dangereux ? N'est-il pas nécessaire d'uniformiser la formation
clinique et l'enseignement didactique au pays pour satisfaire au mieux les
besoins des personnes toxicomanes qui se présentent aux urgences ?
Autant des questions qui constituent la problématique
de notre étude que nous nous proposons d'aborder en deux points,
à savoir, d'une part, la prise en charge des patients toxicomanes aux
urgences et, d'autre part, les perspectives et recommandations à
observer pour une meilleure prise en charge de ces usagers des drogues.
CHAPITRE 1. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
TOXICOMANES AUX URGENCES.
De plus en plus, l'on s'accorde sur la nécessité
de procéder à l'évaluation du patient en détresse
psychologique dans un environnement sécuritaire pour lui et le personnel
soignant.
En théorie, le lieu parfait de l'évaluation de
la situation d'urgence serait un endroit de l'hôpital
réservé aux patients chez qui l'on décèle une
problématique de santé mentale au triage 5.
L'hôpital général a ceci d'avantageux que
l'urgentologue examinera d'abord le patient et pourra détecter les
problèmes médicaux aigus, le cas échéant. De plus,
l'hôpital est doté d'un laboratoire où les analyses
pourront être effectuées d'autant plus que les épreuves
diagnostiques et les médecins consultants sont facilement
accessibles.
L'urgentologue sera en mesure de prendre en charge ou
d'orienter les cas non urgents vers les ressources appropriées sans
qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'équipe de
psychiatrie.
En effet, alors que les urgences de l'hôpital
général jouissent du soutien d'une équipe médicale,
tel qu'il est mentionné ci-dessus, l'hôpital psychiatrique peut
compter sur une équipe des spécialistes aptes à prendre en
charge les urgences psychiatriques.
Le patient sera examiné par des professionnels
compétents, sachant l'évaluer et le traiter avec toute l'empathie
et l'efficacité requises. Quel que soit le milieu, l'équipe de
psychiatrie d'urgence devrait se composer de psychiatres, d'infirmières
psychiatriques, de cliniciens (en travail social et en psychologie, par
exemple) et de préposés en santé mentale avec accès
au service de sécurité 5.
Le lit en observation prolongée demeure la ressource
idéale pour le patient qui n'a pas forcément à être
hospitalisé, mais dont l'évaluation nécessite une certaine
période ou qui n'aura qu'à séjourner brièvement
à l'hôpital le temps d'apaiser la crise 5. La période
d'observation peut être bénéfique également au
patient intoxiqué, car ses symptômes s'atténueront au fil
de la disparition du toxidrome.
Il est essentiel que toute la gamme des mesures de
sécurité soit offerte dans le milieu où se déroule
l'évaluation du patient en situation d'urgence, que ce soit à
l'hôpital général ou à l'hôpital
psychiatrique.
Dans l'aménagement d'une unité d'urgences
psychiatriques, il est recommandé de prévoir une pièce
réservée à l'entretien avec le patient et à son
évaluation, dotée d'une alarme sonore, d'un système de
vidéosurveillance, d'un mobilier conçu pour cet usage (lourd ou
fixé au sol ou au mur), de portes impossibles à barricader et
d'où il est possible de voir le poste de soins infirmiers.
Outre le modèle classique de l'évaluation du
patient en situation d'urgence en milieu hospitalier, d'autres modes
d'évaluation sont à prendre en considération. De
nombreuses personnes atteintes d'une maladie mentale n'ont pas accès
à un médecin de famille ou ne sont pas fidèles à
leurs rendez-vous à la clinique communautaire.
Bien des hôpitaux dans les petites municipalités
ou en région rurale n'ont pas les ressources financières ou
humaines pour mettre en place un service d'urgences psychiatriques. D'autres
options existent, notamment l'équipe d'intervention mobile,
l'hébergement en centre de crise communautaire et l'unité de
santé mentale spécialisée du service de police qui
intervient dans les situations d'urgence en santé mentale 7,8.
L'exposition des résidents à ces autres
modèles varie selon le lieu du programme en question et la région
qu'il dessert. L'enseignement de base pourrait couvrir ces modes d'intervention
et le programme prévoir des stages au choix dans la mesure du
possible.
Aux termes des dispositions de la circulaire de la direction
des hôpitaux du 14 Mai 1991, les Urgences sont définies comme le
lieu de « l'accueil de tout patient arrivant à l'hôpital pour
des soins immédiats et dont la prise en charge n'a pas été
programmée, qu'il s'agisse d'une situation d'urgence lourde ou d'une
urgence ressentie ».
I.1.1. L'urgence
Le terme « urgence » vient du latin urgere qui signifie
« pousser, presser, dont on doit s'occuper sans retard 6 ». En effet,
dès le Ve siècle, il est employé dans le même sens
qu'aujourd'hui.
- Classification internationale des maladies de
l'Organisation Mondiale de la santé, dixième version (CIM-10)
;
Par ailleurs, selon le dictionnaire Larousse, le mot «
urgence » est défini, dans le langage courant, comme étant
le « caractère de ce qui est urgent » et la «
nécessité d'agir vite».
L'urgence exprime également une « situation
pathologique dans laquelle un diagnostic et un traitement doivent être
réalisés très rapidement ».
Selon la définition médicale du terme, on entend
par « urgence », « toute circonstance qui, par sa survenue ou sa
découverte, introduit ou laisse supposer un risque fonctionnel ou vital
si une action médicale n'est pas entreprise immédiatement.
L'appréciation de l'urgence est instantanée et appartient autant
à la victime qu'au soignant ».
Cette définition introduit les notions de ce que sont
l'urgence réelle, vitale, telle qu'elle est interprétée
par le soignant, et l'urgence ressentie, telle qu'elle est vécue par le
patient.
I.1.2. Les Urgences
Le dictionnaire définit aussi le terme « Urgences
» (au pluriel) désignant le « service hospitalier où
sont dirigés les blessés et les malades dont l'état
nécessite un traitement immédiat ». C'est ce qui correspond
au Service d'Accueil des Urgences (SAU).
I.1.3. Toxicomane
Selon le dictionnaire français Larousse, toxicomane
signifie « qui souffre de la toxicomanie ». La toxicomanie s'analyse,
donc, sous cet angle, comme une habitude de consommer de façon
régulière et importante des substances susceptibles d'engendrer
un état de dépendance psychique et/ou physique.
La dépendance psychique nous intéresse. En
effet, il existe plusieurs façons de décrire les troubles
psychiques, correspondant à différents courants de l'histoire de
la psychiatrie. A l'heure actuelle, deux classifications internationales des
diagnostics psychiatriques sont utilisées :
- Diagnostic Statistical Manual,
cinquième version (DSM-V), développé par l'Association
américaine de psychiatrie.
Elles proposent une description clinique de syndromes
(ensemble de symptômes) mais ne tiennent pas compte de l'origine des
symptômes, ni de la personnalité qui les accompagne.
Pour les troubles anxieux, les principaux syndromes
décrits dans ces classifications sont les suivants : attaque de panique,
trouble panique, trouble anxieux généralisé, troubles
phobiques, trouble obsessionnel compulsif.
I.1.4. Situations vécues
· Situation n°1
Je participe en consultation avec un senior tuteur de stage
pour l'avant-midi d'un week end, au box de consultation.
Alors que l'Interne de garde nous a déjà
transmis, à la salle ou au guichet de l'infirmier de l'accueil et
d'orientation, la situation clinique des patients ayant passé des nuits
d'observation, l'on se met à l'écoute du patient de 16 ans
amené aux urgences par le pompier sur appel de son père.
Dans sa plainte, le jeune homme aurait menacé sa
mère avec un couteau, épisode récurent, objectivement pas
des idées suicidaires, pas de propos incohérents, pas de
dénie. Le jeune homme reconnait le fait et demande de l'aide. En
poussant plus profondément au questionnement, l'on s'aperçoit que
le jeune homme tabagique 1 paquet pour 3 jours et que, par ailleurs, il affirme
être un consommateur occasionnel du cannabis sur un mode à deux ou
personnel. La prise de ce cannabis forme résine remontée à
l'aval de son agression. Il souligne, au demeurant, que le produit venait d'un
autre vendeur inhabituel à ses achats.
. LA CONSULTATION se solde avec accord signé de ses
deux parents étant en situation de divorce.
En l'orientant en zone de soins de son environnement
(secteur) pour être suivi par le psychiatre du réseau, la menace
de sa mère ne se fait qu'à la prise certainement du produit
psychoactif, lequel est coupé d'autres produits de synthèse sans
que le consommateur ne
s'en soit rendu compte. Car les achats sont informels ;
aucune notification claire et nette du produit; de sa composition; ni de la
teneur en THC.
Il s'en dégage, donc, un lien de causalité
entre la crise dite psychiatrique (comorbidité psychiatrique,) et celle
d'une consommation des produits illicites.
Par ailleurs, ainsi que le soulignent Benyamina et alls dans
la revue de praticien, le cannabis est devenu la drogue illicite la plus
utilisée en France. En effet, plus de 50% des jeunes de 18 ans l'ont
essayé.
L'ivresse cannabique apparait dans les minutes qui suivent la
consommation et dure environ 3 à 4heures. Elle se caractérise par
la présence, à la fois, des signes psychologiques et des signes
physiques. Ses effets psychologiques varient d'un individu à l'autre,
voire d'une consommation à l'autre chez le même individu.
L'effet du cannabis dépend, non seulement, de sa
composition, de la dose et du mode de consommation, mais aussi, en grande
partie, de l'humeur du consommateur, de ses attentes et du contexte.
Le tableau clinique est marqué brutalement par un
polymorphisme important où l'on trouve un état délirant de
mécanismes multiples (en général hallucinatoire ou
interprétatif), avec souvent des thèmes mystiques ou
persécutoires. L'humeur est plutôt exaltée et la
présence d'angoisse massive peut faire redouter un passage à
l'acte auto agressif et/ou heteroagressif. Telle a été la
situation du jeune patient évoqué ci-haut.
La littérature nous dit que ces épisodes
psychotiques régressent spontanément en quelques semaines.
Toutefois la persistance d'un vécu délirant fait évoquer
le diagnostic d'une entrée dans la schizophrénie et, donc, dans
la classification des cas, le codage est signé en diagnostic de sortie
d'un trouble schizophrénie.
De nouveau au guichet d'accueil, nous prenons connaissance de
la situation 2 du jour: j'en profite pour assister à l'entretien de
l'infirmier d'accueil et d'orientation sur accord du patient bien entendu en me
présentant sur ma casquette de stagiaire.
Il s'agit d'un patient, âgé d'une trentaine
d'années, de profession moniteur sportif, venant au SAU pour des
hallucinations auditives et sensations de dévalorisation (se
détester). Il est en manque de confiance en soi.
Cette situation s'est installée en lui depuis une
année à la suite (au décours) d'une lecture d'un ouvrage
à la recherche de spiritualité. Il nous dira que cet ouvrage lui
démontrait que lui était rien, tout ce qu'il fait sur terre est
vain et que lui n'était qu'un être zéro.
Dans la quête de solution à sa situation, il
tombera sur un autre ouvrage qui soulagera tant soi peu sa souffrance morale.
Malgré cela, il s'est installé en lui une recrudescence
permanente des idées de se dénigrer. Hormis toutes ces plaintes,
il est tabagique et usager des stupéfiants festifs de type cannabis et,
de fois, cocaïne et/ou héroïne.
Quant à son histoire familiale, il nous renseigne que
ses parents divorcés depuis qu'il était au collège. Il
aurait une grande soeur et un petit frère présents et proches de
lui. Il nous affirma qu'il avait consulté un psychiatre des urgences
sans trouver une solution adéquate à sa situation. Aussi, le
patient nomadise la recherche de soins alors que, dans ces
antécédents, il a eu un suivi auprès d'un psychiatre
libéral et que le rendez-vous projeté dans les deux mois qui
suivront ainsi que le compte-rendu de son passage aux urgences psychiatriques
qui précédait notre consultation, établissait un bilan bio
somatique et ne démontrait aucun problème d'ordre biologique ni
somatique. Au demeurant, je signale que la recherche des toxiques n'a pas
été réalisée sur ce patient.
Avec le senior, ce patient sera orienté au centre de
proximité pour la suite de la prise en charge psychiatrique.
L'accoutrement du coach sportif, ses barbes longues, genre prophétiques,
attirèrent mon attention si bien que je le situai parmi les patients
jouissant d'une comorbidité psychiatrique dont l'origine semble
être la consommation des stupéfiants.
L'entretien avec le patient, ainsi que l'indique MJ
GUEDJ1, est au centre de cette évaluation. En effet, comme
pour tout premier entretien, il est généralement souhaitable de
laisser le patient exprimer librement sa demande (modèle vécu
lors des consultations au CPOA), son contenu et son contexte. Les questions du
genre : « Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? » doivent être
explicitées.
Aussi, avons-nous remarqué que ce patient serait
passé par une autre consultation dans une autre urgence psychiatrique
à moins de 24heures et s'est présenté à nous pour
solliciter, de nouveau, une autre consultation au CPOA.
1 MJ GUEDJ : « les urgences psychiatriques
», édition 2008, P.38
Sept jours plus tard, de nouveau affecté en stage
dans un autre service des urgences psychiatriques au même poste, au box
de consultation, nous recevons, le senior et moi,
Dans ce cas, nous affirmons avec Mme GUEDJ qu'une erreur
fréquente est d'assimiler le contenu de la demande aux plaintes du
patient et ou de son entourage. Le cas échéant, notre patient est
venu seul à la recherche de solution à son problème de
santé mentale.
Ainsi que le note l'auteur précitée, cette
demande comporte aussi des attentes, souvent utiles dans la
hiérarchisation des troubles comorbides. À ce titre, une des
premières questions posées par le clinicien devrait être :
« qu'attendez-vous de cette consultation ? », ce qui a
été fait par le senior, secondairement, l'entretien est plus
directif et chaque hypothèse diagnostique soulevée par la
situation doit être explorée et, enfin, il faut rechercher
systématiquement les antécédents personnels et familiaux
ainsi que une comorbidité additive.
Dans ce cas clinique vécu, tous les
éléments rentrent en ligne de compte. Cependant, la notion de
consommation des stupéfiants n'y a pas trouvé sa place et n'a pu
être ni traitée ni discuter pour en dégager une
éventuelle orientation addictologique.
Nous faisons, donc, nôtres les affirmations de Mme
GUEDJ sur les conduites à tenir face aux patients poly-consommateurs des
stupéfiants. En effet, lorsque l'on se trouve en présence de ce
genre de patient, il est nécessaire, de prime abord, de tenir compte de
la souffrance et du respect dont le patient se sent l'objet car ils constituent
les socles de l'alliance thérapeutique ultérieure.
Il en découle qu'en premier lieu, l'on devra
évaluer les risques consécutifs à une intoxication, une
overdose et un sevrage et, en second lieu, évaluer la distance d'un
risque immédiat pour une demande de sevrage en urgence ou une demande de
prescription de traitement substitutif.
Par la suite, l'évaluation portera sur le risque de
l'automédication, l'abus, d'intoxication en cas de prescription
médicamenteuse immédiate, la perturbation du parcours de soins et
de la prise en charge actuelle, les possibilités de surveillance
médicale aux urgences et, enfin, il y a lieu de dépister les
troubles en rapport avec la pathologie psychiatrique.
· Situation n°2.
Monsieur x, patient, sans domicile fixe, âgé de
18 ans, amené par les pompiers pour tentative de suicide, certainement,
médicamenteuse.
Il se plaignait, selon ses dires, de douleurs abdominales
depuis plusieurs jours. En effet, alors qu'il venait d'être inscrit dans
un service de soins et d'accompagnement de personnes à usage des
produits illicites et, à peine entré dans le box de consultation,
ce patient, selon toute vraisemblance, sous l'emprise d'un état
alcoolique, insulte toutes les personnes aux alentours : pompiers, aide
soignants, infirmiers...
L'infirmier d'accueil et d'orientation tente, tout de
même, de procéder au recueil de données et lui pose une
série de questions sur les motifs de sa venue par l'intermédiaire
des pompiers aux urgences, ses antécédents et allergies ...
Ce patient, qui, au départ, s'est illustré par
des insultes, se tut et refusa de répondre au questionnement.
L'infirmier diplômé d'Etat lui explique qu'il va devoir prendre
ses constantes. Tremblotant, le patient réclame à manger et dit
qu'il a froid. Effectivement, il frissonne et il a la chair de poule. Il sembla
plus calme et coopératif. L'infirmier, diplômé d'Etat,
s'approcha de lui pour prélever les signes vitaux. Aussitôt, il
s'aperçut que son haleine alcoolique parfume le rayon de prise de signes
vitaux.
Il s'ensuit qu'au vu de ce patient, tous les symptômes
pré delirium tremens saute à mes yeux. A l'examen, le patient
lâchera la vérité en affirmant qu'il aurait consommé
du valium et 2.5 litres de l'alcool et sniffée du crack pour en finir
avec sa vie.
Ce patient, qui se retrouve en urgences psychiatriques, a
bénéficié d'un bilan biologique et somatique si bien que
le dégrisement s'est bien passé. Le delirium tremens est pris en
charge par deux équipes (urgence médicale et urgence
psychiatrique) qui ont la rémission du problème somatique. Une
orientation par l'équipe de psychiatrique tentera une hospitalisation,
sous contrainte, dans un centre médico-psychiatrique de proximité
de son secteur.
Pendant que l'équipe médicale s'occupait de
dégrisement, on nous apporta une jeune fille 19 ans, étudiante en
arts, dont les parents sont divorcés et résident à Lyon.
Elle est amenée aussi par les pompiers suite à un appel de la
gouvernante de la résidence estudiante, car elle est partie la voir pour
lui dire qu'elle n'allait pas bien sans pourtant autant lui signifier qu'elle
venait de consommer du cannabis et qu'aussitôt, elle a eu une crise
d'angoisse, une crise de panique.
2. GUEDJ, op.cit, P.39
Après l'avoir questionnée, je lui ai fait. Elle
ne voulait pas raconter son expérience de consommation du cannabis mais
commença par parler du décès d'un proche car elle est
issue d'une fratrie de deux enfants dans une famille en éclosion. Elle
me raconta que son frère ainé est mort au cours d'un accident de
trafic routier, que ses parents étaient en processus de divorce et que
chacun vit chez lui. Elle jugeait bon de quitter sa province natale pour venir
effectuer ses études des arts de scènes sur Paris.
La crise d'angoisse pour laquelle elle est admise aux urgences
psychiatriques surgit à sa seconde consommation du cannabis dans un seul
but de palier sinon d'oublier le quotidien de sa vie et, surtout, d'effacer
l'image de décès de son unique frère, mort il y a à
peine une année.
Après le bilan somatique standard et correction
hydrique parentérale, il s'avéra qu'elle n'avait aucune personne
de proximité à interpeller, les parents résidant à
Lyon. Ne pouvant faire déplacer les parents de Lyon à Paris, nous
tentâmes de leur téléphoner pour prendre une
décision finale d'orientation de soins mais les contacts
téléphoniques des deux parents étaient improductifs.
Face à cette situation, le médecin senior
décida de l'orienter vers le médecin scolaire pour le suivi.
Choix des situations.
J'ai choisi ces deux groupes de situations car on y retrouve
des éléments assez significatifs de consommation des produits
psychoactifs et que l' on rencontre fréquemment dans les services
d'Urgences psychiatriques et /ou les services urgences
médico-chirurgicales.
Dans la situation n°1, l'on y aperçoit un aspect
très récurent des services d'urgences : La moindre
méconnaissance des patients au profil des usagers des produits
psychoactifs fait qu'on rate la prise en charge de ces patients si on ne
cherche pas les toxiques urinaires. Une simple bandelette orientera à
moitié l'examinateur dans la prise de décisions, ce qui constitue
une approche nette psychiatrique et addicte.
Au demeurant, en raison de leur prévalence, la
dépendance et l'abus de cannabis doivent être recherchés
systématiquement, affirme Mme GUEDJ2 et plus
particulièrement chez les adolescents car, chez, les jeunes adultes se
pose le problème diagnostic différentiel entre le syndrome
dépressif et le syndrome amotivationnel.
Ce dernier comporte un déclin scolaire, une aboulie et
une anhedonie dont l'intensité peut en imposer pour une authentique
dépression si bien qu'en l'absence de demande explicite du patient, il
faut saisir l'opportunité offerte par la consultation d'urgence pour
dépister une dépendance ou un abus de cannabis. L'instauration
d'une dimension médicale dénuée de jugement moral permet
parfois d'ébaucher une alliance thérapeutique. Enfin si le
diagnostic différentiel est prioritaire, il ne faut pas négliger
le diagnostic comorbidité d'un trouble de l'humeur évoluant pour
son propre compte.
Dans la situation n°2, l'on rencontre un cas où la
communication entre le soignant et le soigné semble impossible au
départ, car le patient, en état d'ébriété,
n'est pas en mesure de comprendre la teneur du message envoyé par l'IDE.
Mais il finit par coopérer pour bénéficier des soins.
Il s'ensuit, donc, à notre avis, que la
précipitation de diagnostiquer conduit très souvent à des
erreurs de décision de prise en charge. Cependant, le calme ainsi que le
temps accordé et engagé pour chaque patient peut entrainer la
prise de bonnes décisions en faveur de ce dernier. D'où, il en
découlera une prise en charge complète et authentique.
Aussi, paraît-il intéressant qu'en tant que futur
prestataire des urgences
psychiatriques, il est impérieux de comprendre plus
précisément les causes de la crise psychiatrique fréquente
au SAU.
Voilà la manière que peut impacter la relation
soignante et soigné en psychiatrie en vue d'adapter la prise en charge
de ce dernier.
Il découle de ces deux cas cliniques (situations
vécues) en comparaison à la littérature scientifique et en
se fondant sur les cours dispensés par Dr DERVAUX, qu'il y a lieu de
retenir les leçons suivantes :
- Les troubles de la personnalité
arrivent assez fréquemment chez les patients avec addictions +++
Epidemiologic Catchment Area Study (ECA) en population
générale américaine
- 14% des sujets alcoolodépendants
- 15% des sujets dépendants au cannabis -
37% des sujets dépendants aux opiaçés -
43% des cocaïnomanes
Contre 3% en population générale
américaine [Regier et al 1990] et 0,7% dans une étude
européenne [Torgersen et al 2001].
A cet égard, Madame Guedj3 précise,
en revanche, que l'association d'un trouble de personnalité à un
autre trouble psychiatrique justifiant la consultation constitue l'une des
situations les plus fréquemment rencontrées en termes de
comorbidité.
Il s'ensuit que, quand le diagnostic d'un trouble de
personnalité est évoqué en urgence, il est pertinent de
privilégier le diagnostic comorbide par rapport au diagnostic
différentiel pour éviter de scotomise, un pan important de la
psychopathologie. Ce principe est d'ailleurs implicite dans les classifications
internationales où il est proposé de répertorier les
troubles de personnalité sur un axe indépendant.
CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE DE LA TOXICOMANIE 2.1. La
toxicomanie.
La toxicomanie est un phénomène
multidimensionnel de nature biopsychosociale4. Cette
problématique a tellement des conséquences pour le sujet
lui-même, entre autres, pour sa santé et pour ses proches, qu'on
pense aux difficultés conjugales. Ses conséquences se font
également sentir à l'égard de l'ensemble de la
société, notamment, par les comportements à risque, tels
que la conduite en état d'ébriété.
La consommation des substances psychoactives peut varier au
cours de la vie d'un sujet depuis l'abstinence à la dépendance,
en passant par divers modes de consommation socialement acceptés ou
abusifs.
Pour être considérée comme un trouble
mental, la consommation doit se manifester en un mode de consommation
pathologique répondant à certains critères.
Les critères de l'OMS (1992)5 et de l'APA
(1994)6 pour déterminer la présence d'un trouble
lié à une substance psychoactive se regroupent autour des
dimensions suivantes :
- importance de plus en plus marquée de la consommation
dans la vie du sujet; sentiment subjectif de perte de contrôle de la
consommation; apparition et maintien de comportements inadaptés ou
dangereux; abandon ou négligence d'activités sociales,
professionnelles ou récréatives dus à la consommation;
apparition d'indices de tolérance aux effets du produit ou de
symptômes de sevrage lors de périodes d'arrêt de la
consommation.
L'APA reconnaît deux types de troubles liés aux
substances psychoactives, à savoir les troubles d'abus ou de
dépendance. Ces troubles, répertoriés à l'axe I du
DSM-IV, sont décrits selon une classification par prototype.
Les troubles de la personnalité ont une
prévalence marquée dans la population
3. GUEDJ, op.cit, P.40
4. CORMIER, 1984
5. OMS, , 6 APA,
toxicomane.
Ainsi, comme l'indique le tableau 2, lorsque les
critères diagnostiques du DSM-III sont utilisés, la proportion de
sujets présentant au moins un trouble de la personnalité varie de
53% à 100% dans des échantillons présentant un trouble
lié aux substances psychoactives (Calsyn et Saxon, 1990; Craig, 1988;
Craig et Olson, 1990; Dougherty et Lesswing, 1989; Khantzian et Treece, 1985;
Koenigsberg, Kaplan, Gilmore et Cooper, 1985; Marsh, Stile, Stoughton et
Trout-Landen, 1988; Weiss, Mirin, Michael et Sollogub, 1986).
Les critères de l'OMS sont plus stricts que ceux de
l'APA et identifient moins fréquemment des troubles de la
personnalité (Hesselbrock, Stabenau, Hesselbrock, Mirkin et Meyer,
1982).
En utilisant ces critères, Glass et Jackson (1988)
soulignent que seulement 24% (en 1970-72) et 12% (en 1979-81) des patients d'un
hôpital de Londres présentaient une comorbidité
«alcoolisme»/troubles de la personnalité. Par contre, ces
sujets constituaient la plus grande proportion des patients présentant
un diagnostic double, soit 55% (en 1970-72) et 32% (en 1979-81).
Dans l'ensemble de la documentation, les troubles les plus
souvent identifiés en parallèle à la toxicomanie sont les
troubles de la personnalité antisociale, limite, narcissique et
dépendante. Toutefois, l'ensemble des troubles se retrouvent dans cette
population.
Il s'ensuit qu'on peut donc affirmer avec certitude que les
troubles de la personnalité apparaissent de façon commune et
diversifiée dans le tableau clinique des troubles liés aux
substances psychoactives.
Par ailleurs, le trouble de la personnalité antisociale
a reçu une attention particulière puisqu'il constitue le trouble
dont la prévalence est la plus élevée et qu'il est le seul
trouble de la personnalité évalué à l'aide du
Diagnostic Interview Schedule (DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff,
1981)7, une entrevue semi-structurée utilisée dans de
nombreuses études.
Comme l'indique le tableau 3, les taux de prévalence du
trouble de la personnalité antisociale, évalués selon les
critères du DSM-III ou du DSM-III-R dans des échantillons ou
sous-échantillons de sujets traités pour trouble lié
à l'alcool, varient de 10 % à 53 % (Dawes, Frank et Rost,1993;
Helzer et Pryzbeck, 1988, Hesselbrock, Meyer et Keener,1985; Ross, Glaser et
Stiasny, 1988).
Pour sa part, Craig (1988) cite sept études qui
indiquent un taux variant de 22 % à 50% lorsque le MMPI est
utilisé.
Dans la population générale, les données
de l'enquête épidémiologique multisite du Epidemiological
Catchment Area (Myers et coll., 1984) utilisant le DIS indiquent que 14 % des
personnes ayant un trouble lié à l'alcool ont aussi un trouble de
la personnalité antisociale de même que 18 % des personnes ayant
un trouble lié aux drogues illicites. La probabilité de
présenter un diagnostic de trouble de la personnalité antisociale
est multipliée par quatre chez les hommes et par douze chez les femmes
si un diagnostic de trouble lié à l'alcool est présent
(Helzer et Pryzbeck, 1988).
2.2. La survenue de la toxicomanie.
A cet égard, il importe de mentionner qu'un trouble de la
personnalité se développe
7 DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff, 1981
dans l'enfance ou l'adolescence et se maintient dans la vie
adulte alors que la toxicomanie apparaît souvent à l'âge
adulte.
En examinant l'histoire de vie d'un sujet, il est possible de
déterminer l'antériorité d'un trouble par rapport à
l'autre, c'est-à-dire, d'identifier quel trouble est apparu le premier.
Schuckit (1979)8 rappelle que, dans les cas de comorbidité,
il est important, pour l'élaboration du plan de traitement et pour
l'intervention, elle-même, d'identifier quel trouble est apparu en
premier. En d'autres termes, il faut identifier le trouble primaire.
Il importe de savoir, qu'un trouble de la personnalité
peut être primaire par rapport à une toxicomanie; une toxicomanie
peut être primaire par rapport au développement d'une
désorganisation de la personnalité imitant un trouble de la
personnalité ou les deux troubles peuvent apparaître de
façon simultanée dans le développement du sujet.
En effet, s'il s'avère que les signes de troubles de la
personnalité apparaissent présents avant la toxicomanie, l'on
doit examiner la manière dont la dépendance s'inscrit à
l'intérieur des manifestations du trouble de la personnalité. Une
hypothèse serait alors que la toxicomanie est un symptôme du
trouble de la personnalité.
Si tel est le cas, on peut s'attendre à une série
de rechutes tant que le trouble de la personnalité, qui est à
l'origine de la toxicomanie, ne sera pas traité (Brown,
1992)9.
En revanche, si la toxicomanie est apparue avant les premiers
signes de désorganisation de la personnalité, une
hypothèse serait alors que cette désorganisation est une
conséquence du développement d'un mode de consommation
pathologique.
Si tel est le cas, il est probable que les signes de
désorganisation disparaîtront ou diminueront de façon
significative avec l'arrêt de la consommation (Penick et coll.,1990).
Toutefois, il faut se rappeler que l'arrêt de
consommation n'est pas synonyme d'intégration sociale (Luthar, Glick,
Zigler et Rounsaville, 1993). C'est dans cette optique que l'axe V fut
intégré à l'évaluation multiaxiale du DSM-III et de
ces successeurs.
Le niveau de fonctionnement optimal manifesté par un
sujet avant l'apparition d'un trouble lié à une substance
psychoactive indique le niveau de fonctionnement auquel on peut s'attendre
suite à l'arrêt de la consommation.
Si le sujet présentait un fonctionnement carencé
avant le développement du trouble, alors une intervention axée
spécifiquement sur ces carences devra être envisagée.
Monti, Abrams, Kadden et Cooney (1988) ont
développé un programme d'apprentissage des habiletés
sociales spécifiquement conçu pour les besoins des sujets
présentant un trouble lié à une substance psychoactive.
De ce programme, il apparait que, si le trouble de la
personnalité et la toxicomanie furent tous deux partie intégrante
du développement du sujet, il sera alors d'autant plus difficile de
départager ce qui est une conséquence ou une manifestation de
l'un ou de l'autre dans les difficultés que présente le sujet.
L'intervention devra tenir compte de l'interaction quasi inextricable de ces
deux troubles.
La recherche d'une cause commune dans la socialisation ou dans
les caractéristiques psychologiques du sujet sera alors l'avenue
d'exploration vraisemblablement la plus profitable.
Une difficulté dans la régulation de l'humeur,
une identification à des normes sociales
8 Schuckit,....., 1979, P....
9 Brown,...., 1992, P....
déviantes ou même une vulnérabilité
biologique rendant un sujet particulièrement sensible au stress sont les
causes communes les plus souvent citées comme pouvant entraîner le
développement parallèle d'un t
A la seconde question ayant pour objet la fonction de la
consommation dans la vie du sujet, il faut rappeler qu'un grand nombre de
sujets ont recours à des substances psycho-actives afin de
«régler des problèmes».
Dans l'étude de cas de Southwick et Satel (1990)
précédemment mentionnée, le sujet C. consommait de
l'alcool ou de l'héroïne parce que cette consommation avait sur lui
un effet sédatif qui lui permettait d'éviter de réagir de
façon violente lorsqu'il était contrarié. C.
présentait un diagnostic de troubles de la personnalité
limite.
Dans le cas de Danny décrit par O'Malley, Kosten et
Renner (1990), la consommation de cocaïne lui permettait d'avoir
l'énergie et la confiance en lui, nécessaires à la
réalisation des objectifs exigeants qu'il s'était fixés.
Danny présentait un diagnostic de trouble de la personnalité
narcissique.
Dans ces deux cas, l'identification de la fonction de la
consommation a donné un point de départ à l'intervention
ainsi que des indices quant à la nature de l'interaction entre le
trouble de la personnalité sous-jacent et le trouble lié à
une substance psychoactive.
Par ailleurs, de nombreuses grilles d'auto-observation de la
consommation permettent aux cliniciens d'identifier la fonction de la
consommation chez un sujet (Sanchez-Craig, 1984, Marlatt et Gordon, 1985).
S'agissant de la troisième question qui explore les
pressions du milieu d'identification du sujet face à la consommation et
à l'abstinence, il faut garder en mémoire que si la toxicomanie
peut trouver sa source dans la vie intra-personnelle d'un sujet, celle-ci peut
également être renforcée par le milieu rouble de la
personnalité et de la toxicomanie (Sher et Trull, 1994), le social dans
lequel ce sujet est ancré.
En effet, dans certains milieux, la prise d'alcool ou de
produits illicites est un facteur d'identification et de statut.
Il en découle que, pour un sujet provenant d'un tel
milieu, prôner les vertus de l'abstinence peut entraîner une
confrontation du sujet avec ses pairs au sujet de la consommation.
Il devient alors important d'explorer les implications de la
consommation et de l'abstinence en relation à l'identité sociale
du sujet. Une référence à des groupes de soutien, tels les
Alcooliques anonymes ou autres, permettra aux sujets de tisser un nouveau
réseau social où la consommation ne sera pas un facteur
d'acceptation (Nace, 1990).
Finalement, un grand nombre de chercheurs s'entendent sur la
nécessité d'intervenir spécifiquement en regard du trouble
lié à une substance psychoactive dès que celui-ci est
identifié (Blume, 1989; Nace, 1990; O'Malley, Kosten et Renner, 1990;
Southwick et Satel, 1990), y compris les auteurs qui perçoivent la
toxicomanie comme le symptôme d'une carence sous-jacente de la
personnalité (Brown, 1992).
Un trouble lié à une substance psychoactive est,
en effet, un facteur qui complique le traitement des troubles concomitants
(O'Malley, Kosten et Renner, 1990).
D'ailleurs, certains auteurs considèrent qu'un
traitement axé sur la toxicomanie constitue une bonne préparation
au traitement d'un trouble de la personnalité.
Un trouble de la personnalité étant
égo-syntonique, en accord avec la personnalité, les sujets sont
souvent peu enclins ou trouvent difficile d'aborder la question de leur
personnalité puisque celle-ci ne leur apparaît pas comme
problématique.
Southwick et Satel (1990) estiment qu'aborder la consommation et
les problèmes qu'elle entraîne constitue un bon moyen d'avoir
accès au vécu émotionnel de ces sujets. Ces auteurs
ajoutent de plus que travailler un comportement que les sujets reconnaissent
eux-mêmes comme problématique permet de créer un lien
thérapeutique. Nace (1990), quant à lui, rappelle que certaines
caractéristiques de la plupart des programmes de traitement de la
toxicomanie correspondent aux premières étapes d'un traitement
pour trouble de la personnalité. Celui-ci mentionne la structure de
l'environnement de traitement, l'accent sur l'expression des émotions
plutôt que sur leur évitement de même que l'examen du mode
d'interaction interpersonnel.
Au surplus, si un traitement de la toxicomanie ne peut
être suffisant pour éliminer la présence d'un trouble de la
personnalité concomitant, l'inverse est également vrai. En effet,
un traitement pour trouble de la personnalité ne peut être
suffisant pour éliminer la présence d'une toxicomanie.
Afin de pallier cet état de fait, une meilleure
coordination des programmes axés vers le traitement de l'un ou de
l'autre de ces troubles ne peut être qu'encouragée.
Il en découle, donc, que la problématique de la
comorbidité trouble de la personnalité/toxicomanie comporte un
intérêt particulier.
En effet, les troubles de la personnalité sont
présents de façon fréquente et diversifiée dans le
profil de sujets ayant également un trouble lié à une
substance psychoactive.
Les positions suggérées au sujet du lien
unissant les troubles de l'axe I aux troubles de l'axe II s'appliquent
également au lien trouble de la personnalité/toxicomanie. L'une
ou l'autre de ces positions sont appropriées dans certains cas, alors
qu'elles ne le sont pas dans d'autres.
Toutefois, certaines questions peuvent aider les
évaluateurs ou les cliniciens dans l'identification du lien à
l'oeuvre chez un sujet cible : A titre illustratif, Quand la toxicomanie
est-elle apparue dans le développement du sujet? Quelle est la fonction
de la consommation dans la vie du sujet? Est-ce que la consommation s'inscrit
à l'intérieur des normes sociales du milieu d'identification de
l'individu? L'examen de ces questions permet aux chercheurs comme aux
intervenants de se situer quant à l'importance relative de la
toxicomanie et du trouble de la personnalité.
Par ailleurs, plusieurs auteurs recommandent une intervention
spécifique axée sur la toxicomanie dès qu'un tel trouble
est identifié. En effet, la toxicomanie complique le traitement des
troubles concomitants et une telle intervention constitue la première
étape du traitement d'un trouble de la personnalité.
De plus, il peut y avoir une contradiction dans les termes. La
crise semble parfois même être un mode de gestion. Ainsi, peut-on
lire dans un rapport français de 2006 que:
L'on peut, donc, en définitive, affirmer que
l'optimisation de l'efficacité des interventions auprès des
sujets présentant une comorbidité trouble de la
personnalité/toxicomanie dépend de la coordination des programmes
offrant des services spécifiques pour ces problématiques.
CHAPITRE 3 : LA CRISE PSYCHIATRIQUE DU PATIENT
TOXICOMANE
3.1. LA CRISE PSYCHIATRIQUE PROPREMENT DITE.
Étymologiquement parlant, le mot crise associait les
sens de « décision » et « jugement ». En grec,
« Krisis », la crise, est une décision, entre deux choix
possibles. Une crise suppose donc une prise de décision, une action pour
s'en sortir.
Il s'ensuit que la crise est une situation insolite
caractérisée par son instabilité, laquelle oblige à
adopter une gouvernance spécifique pour revenir au mode usuel de vie.
Par gestion de crise, on entend ce mode de gouvernance1.
La notion de crise a, ensuite par extension, décrit la
phase décisive d'une maladie (individuelle ou épidémique).
Puis, hors du champ médical, le terme « crise » s'est
étendu à l'idée de troubles, de situations de
déséquilibre profond, puis de désordres graves (dans les
domaines social, économique, politique, géopolitique, climatique,
etc.).
Ce concept qui vient du champ médical s'est à
nouveau rapproché du domaine de la santé pour décrire et
gérer des états critiques en matière de risque
pandémique, de maladies émergentes ou du système de prise
en charge sanitaire.
Il est également très attaché aux
domaines économiques et financiers, puis des ressources
écologiques dans une société mondialisée plus que
jamais dépendante de ressources finies, productrices de déchets
toxiques ou dangereux et d'un système où la valorisation d'un
capital est presque entièrement basée sur sa consommation en vue
d'entretenir un système de production qui n'a pas de régulation
politique forte et qui est une menace pour la santé des
écosystèmes et d'une partie de la population.
« "Gérer la crise" est d'un certain point de vue
une contradiction dans les termes. On ne gère pas le tourment, le
trouble ; on s'efforce d'éviter qu'il se produise, d'en minimiser les
effets ou de rétablir l'ordre »2.
3.2. Les grandes phases d'une gestion de
crise.
Anticiper et se préparer semble nécessaire pour
mieux réagir en cas de survenance de la crise. Le gestionnaire de risque
doit donc analyser, évaluer et hiérarchiser les risques
principaux, les enchaînements possibles de causes et conséquences,
et leur trouver des parades, des moyens d'adaptation et de restauration
La démarche d'analyse de risque commence par
l'identification des objectifs principaux de l'entité qui la
mène. Un risque est relatif. Il ne présente théoriquement
de gravité que s'il met en danger la réalisation d'un de ces
objectifs.
L'étape suivante est l'évaluation du couple -
probabilité d'occurrence / gravité potentielle.
Le gestionnaire de risque va chercher à parer les risques dont
la gravité couplée à la probabilité est la plus
élevée. Pour cela, une évaluation séparée
des deux grandeurs sera réalisée selon des critères
objectifs et/ou subjectifs. Ensuite, les deux grandeurs seront
multipliées pour obtenir une cotation.
Exemple : Le risque que ma femme me quitte (coté 4/5 en
termes de gravité) si je passe encore la soirée à regarder
le foot chez les copains présente une probabilité de 5/5. La
cotation globale est de 4*5 = 20 sur une échelle qui s'arrête
à 25 (5*5).
Une fois les risques classés par ordre
décroissant, le gestionnaire de risque va chercher les leviers d'actions
permettant d'y parer. Cette recherche sera menée en analysant les
différentes relations de cause à effet pouvant amener à la
réalisation du risque.
Ceci nécessite de disposer de moyens et outils de
veille et d'évaluation et donc de prévision, et si possible de
prévention. Des moyens partagés et une approche collaborative
permettraient d'en diminuer les coûts.
Anticipation.
Elle vise à anticiper sur la possible survenance
d'événements générateurs de crise, par la mise en
place de mesures adaptées. Ces mesures visent à réduire la
probabilité de survenance déterminée lors de l'analyse de
risque.
Prévision.
C'est la définition et la localisation du danger. Il
existe des dangers imprévisibles, mais la préparation à
gérer un danger est le moyen d'accélérer les
réponses et la résilience en cas de crise d'une autre nature. (Ex
: la préparation à une crise pandémique met en place des
outils, mécanismes et réflexes proches et, en partie, identiques
à ceux qui seraient nécessaires en cas de crise de type guerre
nucléaire ou attaque bio terroriste. Elle indique dans quelle limite de
temps le danger peut affecter la population et les aménagements.)
Protection.
L'objectif de la protection (ex : protection civile) est de
réduire la gravité de l'événement quand et s'il se
produit. Les mesures de protection sont étudiées et
pré-déployées à l'avance, mais ne prennent tout
leur importance que lorsque le risque s'est réalisé. Elles sont
conçues pour en limiter les impacts et les dégâts
collatéraux. Exemple : les bâtiments parasismiques.
Gestion de la crise.
Selon le type d'événement
générateur et les impacts et conséquences qu'il
crée, une crise plus ou moins grave peut survenir, dont la
résolution passe par un mode de gouvernance et un mode de communication
spécifiquement adaptés à la situation : la gestion de
crise et la communication de crise.
Lorsque l'événement affecte tout un pan
d'activités, la gestion de crise s'accompagne généralement
du déploiement d'un plan de continuité d'activités (qui
fait partie des mesures de protection).
Quel que soit le type d'événement auquel il faut
faire face, la gestion de crise présente certaines
caractéristiques permanentes.
A. Diagnostic, action et décision.
Elle exige une capacité de diagnostic, de bonne
réaction et donc de décision. La situation est avant tout une
situation d'urgence. Il est déterminant de percevoir rapidement la
gravité de la situation, les priorités induites et les
décisions les plus adaptées aux circonstances.
B. Organisation.
La gestion de crise requiert également de la part des
autorités responsables une capacité à organiser et
à rassembler les efforts des différents intervenants. Dans la
crise du Tsunami, les différents pays touchés ont leurs propres
institutions et divers systèmes
d'organisations. Le Préfet, en France, est au centre de
l'ensemble du dispositif. Il veille à l'unité et à la
cohérence des différentes interventions.
C. Communication.
La communication de crise est fondamentale. En communication
interne, il s'agit de permettre les actions et optimiser le temps de
réaction en communiquant. Le terme est utilisé, en communication
externe, pour alerter et informer et, également, pour conserver la
confiance des parties prenantes ou du public le cas échéant pour
l'avenir.
Son intérêt est économique et politique.
Retour d'expérience.
Bilan de la gestion de crise.
Gérer le risque, c'est agir sur deux domaines essentiels
que sont la prévention et
l'intervention. D'où l'importance de tirer un bilan de la
crise dans un souci de résilience.
Les outils de la gestion de crise.
Les principaux outils et moyens mobilisés sont :
- Le "plan de gestion de crise" : plan communal
de sauvegarde (PCS), plan ORSEC
(Organisation de la réponse de sécurité
civile), plan de secours spécialisé (PSS), ...
quand ils existent et ont été correctement
préparés ;
- Le Plan de communication de crise.
A cet égard, il convient de noter que, pour P. Collet,
spécialistes de ces questions à EDF pour
l'Industrie nucléaire 3, une bonne communication devrait
traduire « le
consensus entre les différents intervenants et, cela,
aussi bien sur ce qui conforte leurs
analyses réciproques que sur les "éléments
de divergence ».
-Les plans opérationnels de crise :
plans de prévention : sécurité (biens),
sûreté (personnes), sûreté de fonctionnement
(fiabilité) et plans de protection : plans de continuité
d'activités (métier de l'entreprise), plan de secours
(informatique).
En 2007, on voit apparaître un site Internet de
crowdsourcing, Ushahidi, qui permet aux individus de collaborer à la
gestion de la crise. Inventé pour répondre aux violences
post-électorales au Kenya en 2007-2008, il a depuis été
utilisé lors de catastrophes majeures telles
que le séisme de 2010 à Haïti, le
séisme de 2010 au Chili, une tempête de neige à Washington
DC,...
Les années 2000 voient apparaître un nouveau mode
de gestion de certaines crises (au sein des entreprises) : le « Management
de transition ».
Simulation de crise.
Les crises étant essentiellement imprévisibles
(ou presque!), il est important de tout faire pour être à
même, lorsque cela sera jugé nécessaire, d'agir le plus
rapidement et le plus efficacement possible.
A cet effet, des mises en situations sont organisées
afin de mettre en pratique les grandes étapes de la gestion de crise
listées précédemment. C'est ainsi que, dans le cadre
universitaire (voir l'École nationale supérieure des mines de
Nancy et d'Alès, l'Université Lille I5, l'INSEEC, l'Institut
National des Sciences Appliquées (INSA) de Rouen, en science politique
à l'Université Lyon ), pour former les futurs cadres, par le
biais de l'Institut National des Hautes études de sécurité
et de justice (INHESJ), établissement public de formation placé
sous tutelle du Premier Ministre, qui forme les futurs préfets et les
décideurs publics et privés, ou encore par celui de
sociétés de conseil et d'accompagnement aux entreprises, l'on
soumet alors aux participants un ou plusieurs cas de crises qu'il leur
conviendra de gérer au mieux pour minimiser leurs retombées
négatives.
Il convient de noter, au demeurant, que ces exercices peuvent
également s'effectuer dans un cadre plus formel, sous l'impulsion d'un
gouvernement ou d'une administration.
Gestion de crise et réseaux sociaux.
La gestion de crise s'appuyant sur les réseaux sociaux
ou suscitée par ces derniers semble être une des dimensions
émergentes du xxie siècle, de la « modernisation sociale des
entreprises »7 et, peut-être, du "métier" de gestionnaire de
crise8.
En effet, avec l'avènement du Web 2.0 et des
réseaux sociaux de grande étendue et potentiellement très
réactifs tels que Facebook ou Twitter, de nouvelles façons de
communiquer ont vu le jour.
Les réseaux sociaux et leurs solidarités ont
toujours contribué à la résolution ou à
l'atténuation de crises graves (Ex : 700 communes privées
d'électricité par - 25°C lors de la tempête de glace
de janvier 1989) bien qu'ils puissent aussi susciter des crises (dans le cas
des guerres notamment10 et migrations liées à des causes
géopolitiques).
Avec les NTIC, ils peuvent le faire plus rapidement, de
manière down-up (à l'initiative d'internautes et d'usagers de
téléphones mobiles par exemple) ou top-down (à
l'initiative de l'entité qui est en crise). Ils peuvent aussi être
utilisés par une organisation en crise pour communiquer sur la crise et
son évolution (de manière plus ou moins objective et transparente
selon les cas, deux paramètres qui peuvent influer sur la confiance que
les "récepteur" accorderont à l'information qu'ils recevront par
ces réseaux).
Ils permettent une communication multimédia,
latérale et en réseaux heuristiques, parfois très rapide,
éventuellement régulière voire quotidienne ou quasi
instantanée. Ils permettent aussi une communication avec des "feed
backs" plus rapides.
Les NTIC sont ainsi très prisées par certains
services de communication politique ou d'entreprises ou de collectivités
qui n'hésitent pas à les utiliser (ou à ne pas les
utiliser) pour éviter, limiter ou remédier à certaines
crises.
Après le développement des community managers11
des « community defenseurs » peuvent jouer un rôle en cas de
crise, avec une efficacité plus ou moins grande selon leurs
compétences dans le domaine concerné par la crise ; selon le
contenu informatif dont il disposent et selon leurs compétences en
communication dans ces réseaux (des règles implicites organisent
les communautés virtuelles et les réseaux sociaux dont certains
tolèrent ou imposent des textes courts, des photos, des citations de
sources, avec ou sans possibilité d'employer un ton familier, etc.).
Certaines crises peuvent rapidement dégrader ou
améliorer l'image des entités, des marques ou des personnes
concernées. Voilà pourquoi la communication de crise
intègre maintenant, dans certains cas, une dimension e-Réputation
et, donc , de veille (avec des outils complexes et payants (Mention ou
Alerti...) ou simples et gratuits tels que Google Alert ou Social Mention.
3.3. Pathologie duelle.
« Pathologie Duelle » implique l'apparition d'une
nouvelle pathologie résultant de l'interaction synergique entre les
maladies mentales et les addictions qui viennent se substituer aux concepts
moins précis de « double diagnostic », «
comorbidité », « cooccurrence », etc., et qui rendent
difficile la prise en charge globale des patients psychiatriques consommateurs
de drogues.
La Pathologie Duelle a besoin d'une nouvelle approche
psychopathologique pour décrire les caractéristiques
symptomatologiques et rechercher de nouveaux traitements efficaces et
efficients afin d'être utile du point de vue clinique et, en même
temps, être acceptée par la Psychiatrie Générale et
des Addictions, unique façon de pouvoir accomplir son introduction dans
les réseaux sanitaires de l'assistance publique.
D'un point de vue clinique, il est très important de
définir précisément les divers types de relation que l'on
peut trouver entre ces deux pathologies et qu'on peut résumer en ces
cinq possibilités :
1. Les deux troubles ont une étiopathogénie
indépendante.
2. La co-occurrence des deux troubles est due à des
causes iatrogènes.
3. L'apparition des troubles mentaux est due à un effet
psychotoxique direct de la drogue.
4. Les deux troubles présentent une
vulnérabilité psychobiologique partagée.
5. Les troubles mentaux facilitent l'apparition d'addictions
et on peut alors évoquer l'Hypothèse de l'Automédication,
à savoir que les drogues sont utilisées pour améliorer la
symptomatologie psychiatrique. A présent, de plus en plus,
l'Hypothèse de l'Automédication avance en gagnant des adeptes.
3.4. Situation vécue :
Nous avons été appelé aux urgences, entre
17 et 18h, pour admission, par les pompiers, d'un toxicomane âgé
de 48 ans, d'origine algérienne, vivant entre la France et
l'Algérie.
A son arrivée, ce patient était en autonomie
avant l'épisode aigu. Il avait une activité normale sans
restriction. Antécédents psychiatriques connues : toxicomanie
substituée par méthadone, plusieurs tentatives de suicide, notion
de schizophrénie, autres antécédents
médicaux : toxicomanie à l'héroïne
et hépatite c, le patient aurait ingéré du dafalgan
codéine (dose inconnue), au maximum 33 comprimés de Lexomil 6mg
(dose ingérée 198mg), d'alcool (quantité en litre
inconnue) et de l'héroïne, dira-t-il, quelques grammes en post
coma.
Ce patient est retrouvé dans la soirée par sa
famille dans le coma. Croyant à un arrêt cardiorespiratoire, la
famille appelle les secours à 21h20. A noter que la famille a
tenté d'entamer un massage cardiaque externe sur ce dernier.
A l'arrivée de la BSPP (La brigade de sapeurs-pompiers
de Paris), les paramètres vitaux sont les suivants ; pression
artérielle à 93/68 mm Hg, tachycardie à 110/min, spo2
à 89% en air ambiant, fréquence respiratoire à 14/min,
température à 36.6°c, glycémie capillaire à
1.3g/,le patient est en coma areactif Glasgow 3 avec des pupilles en myosis
serré bilatéral.
A l'arrivée du SAMU, les paramètres vitaux sont
les suivants : pression artérielle à 93/68mmHg ; tachycardie
à 104/min, spo2 à 97% sous oxygénothérapie à
9l/min, fréquence respiratoire à 9/min. L'examen clinique est
inchangé, mise à part la survenue d'une bradypnée à
9/min. La prise en charge initiale consiste en l'administration d'une ampoule
de NARCAN 200mg, avec une réponse à type d'augmentation de la
fréquence respiratoire à 15/ min et d'un réveil avec score
de Glasgow qui passe à 10.le narcan est poursuivi en IVSE à la
dose de 1mg/h .
Par ailleurs, sont découverts 2 tubes de Lexomil dans
les chaussettes du patient. D'ou la décision d'administrer une ampoule
d'ANEXATE, avec une réponse immédiate à type
d'augmentation du Glasgow à 13. L'anexate est poursuivi en IVSE à
la dose de 1mg/h
Le patient est transféré dans le service de
réanimation médicale et toxicologique pour la suite de la prise
en charge.
Chapitre 4. LE CAS PARTICULIER DES FEMMES ENCEINTES
TOXICOWOMEN.
4.1. La grossesse chez les usagères de substances
psychoactives (SPA) :
Cette catégorie des consommatrices des drogues
interpelle souvent les équipes soignantes sur les risques encourus par
le bébé et sur les capacités pour les parents à
« bien s'occuper de leur enfant » (Simmat-Durand, 2007 ;
Luttenbacher, 1998 ; Molénat, 2000).
Elle est rarement anticipée bien que la
sexualité et la parentalité soient des questions essentielles
à aborder précocement chez les patients usagers de substances
psychoactives (Molénat, 2000 ; Rosenblum, 2004).
Le désir d'enfant et la grossesse sont ainsi rarement
envisagés comme des moments privilégiés de la prise en
charge alors qu'ils peuvent être de leviers thérapeutiques
importants et faire « naître » des capacités à
prendre soin de soi en se projetant dans l'avenir (Molénat, 2000 ;
Pezzolo et al., 2006).
Il est, donc, nécessaire pour tout soignant d'apprendre
à profiter de tels moments pour progresser dans les projets de soins et
accompagner ces parents, non plus, en termes de « risques » qu'ils
représentent, mais surtout, en termes de « besoins » qu'ils
nécessitent (Reichert & Weil, 2007).
En effet, bien que le plan gouvernemental 2008-2011 de la
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
(MILDT) en ait fait une de ses priorités, la prise en charge des femmes
usagères enceintes reste souvent complexe en raison de l'absence de
structure de soins spécifiques, du manque de formation des
différents intervenants ou des représentations, des craintes et
méconnaissances des soignants (Mildt, 2008).
Dans un tel contexte, il est souvent difficile pour des
parents usagers de SPA de prendre soin d'eux ou de pouvoir
bénéficier de programmes de procréation
médicalement assistée (PMA).
Le Réseau maternité addiction (RMA) propose,
à partir d'un cas clinique, de témoigner d'une expérience
positive dans ce domaine et de présenter les principes d'un soin
transdisciplinaire informé et cohérent pouvant, en
lui-même, devenir structurant Femmes et usage de SPA : un repérage
insuffisant.
La France compte environ 70 000 usagers d'héroïne
et 100 000 personnes sous TSO auxquels se rajoutent des personnes
définies comme consommatrices régulières (10 usages ou
plus au cours des 30 derniers jours, ou fumeurs quotidiens).
En effet, en France, 11,8 millions de personnes consomment du
tabac, 9,7 millions, l'alcool ; 3,8 millions sont des psychotropes ; 1,2
million consomment du cannabis.
Exception faite de l'alcool, 1/3 de cette population sont des
femmes et quasiment toutes en âge de procréer (Ofdt).
Au vu de ces chiffres, il semble évident que les
professionnels de la naissance sont tous confrontés, dans leurs
pratiques quotidiennes, aux femmes enceintes ayant un usage de SPA,
forcément nocif, par le simple fait de la grossesse.
Malheureusement par méconnaissance, manque de
formation, sous-évaluation de l'importance de ces problématiques,
cloisonnement de l'offre des soins ou absence de structure de soin
spécialisée, beaucoup n'abordent pas cette problématique
avec les «patientes».
La grossesse est un moment unique pour favoriser le
repérage, l'évaluation et le soin. Elle constitue un moment
idéal et, quelquefois, unique pour favoriser le repérage des
usages de SPA.
Dans le cadre du RMA, près de 40 % des femmes
rencontrées n'avaient aucune prise en charge préalable de leurs
addictions.
Elle permet l'accès aux soins et aux actions de
réduction des risques :
- Lors de leur première rencontre avec le RMA, 11 % des
femmes avaient un usage d'héroïne ou de TSO « au noir »
et 60 % des femmes sous buprénorphine en avaient un usage
détourné (sniff, injection). Une rencontre précoce avec le
RMA a rapidement permis de proposer l'initialisation d'un TS O ou de
réaliser un « passage méthadone » à l'aide d'une
hospitalisation en maternité pour permettre une surveillance foetale
adéquate en pré- ou postnatal (Lejeune et al., 2006 ; Mac Carthy
et al., 2005).
- 30 % des femmes accompagnées par le RMA ont des
sérologies positives pour l'hépatite C. Un dépistage des
hépatites est systématiquement proposé par le
réseau. En cas de positivité, une première prise de
contact avec un hépatologue est proposée, dans l'idéal,
avant la naissance, pour favoriser un suivi et un traitement ultérieur.
De plus, une vaccination du nouveau-né pour l'hépatite B est
toujours envisagée à la naissance (Inpes, 2007).
- 40 % des femmes suivies présentent des
comorbidités psychiatriques comme des syndromes dépressifs, des
troubles anxieux, des troubles de l'humeur ou des troubles psychotiques. Cette
vulnérabilité est souvent secondaire à des parcours
chaotiques, des enfances « fracassées » faites de
séparation et de violences.
D'après l'enquête de Cassen et al.,
réalisée auprès de 171 mères toxicomanes, 40 % des
femmes interrogées ont subi dans leur enfance des violences psychiques,
30 % des violences physiques, 20 % ont subi des abus sexuels (Cassen et al.,
2004). Ces antécédents rendent complexe l'accès à
la parentalité et nécessitent souvent un accompagnement
spécifique.
Une rencontre avec le psychiatre et/ou la
pédopsychiatre référent permet d'évaluer et
éventuellement de traiter de façon adaptée ces pathologies
en collaboration avec la psychologue du réseau qui pourra proposer un
suivi psychothérapeutique (Pezzolo, 2006).
- Près de la moitié des femmes sont seules et ont
comme unique source de revenus des minima sociaux. Cette situation constitue
à l'évidence une difficulté supplémentaire du fait
de l'isolement affectif et à la précarité
financière. La question du logement est également, dans 30 % des
situations que nous rencontrons, un vrai problème.
Lorsque celui-ci est précaire ou inexistant, il est
évidemment difficile de structurer l'accompagnement post-natal. En lien
avec les associations ou les structures d'hébergement existantes, il est
souvent nécessaire de dépenser beaucoup d'énergie pour
inventer ou bricoler des solutions évitant la séparation de la
mère et de l'enfant après la naissance.
La grossesse est, à ce niveau aussi, un moment
important pour créer au plus tôt des liens avec des travailleurs
sociaux qui permettront la mise à jour des droits et l'assise sociale de
la nouvelle famille.
4.2. Situation vécue.
Nous sommes appellé aux urgences
gynecologie-obstretrique pour parturiente à terme sous méthadone
présentant une addiction sévère aux benzodiazepines. Les
éléments biographiques et mode de vie du patient
démontrent que la patiente est en concubinage et a
deux enfants des antécédents mariages, sans
activité, femme au foyer, hébergement propre, origine des revenus
: aides sociales. Son compagnon a quelques activités au noir. Elle est
ainée d'une fratrie de 4, père décédé (ne
l'a pas connu), mère vit à Saint-Denis.
Antécédents médicaux : addiction à
l'héroïne : arrêt il ya 7 ans, substitution par
méthadone depuis quelques années, épilepsie
première crise pendant la grossesse, 2 crises ensuite , chirurgie
dorsale suite à une agression en 1993.
Histoire addictologique tabac : première consommation
à l'âge de 18 ans , perte de contrôle à l'âge
de 20 ans, 10 cigarettes /jour, diminution à 3-4 cig/j durant la
grossesse, cannabis trouble non ressenti par la patiente occasionnelle de 18
à 22 ans, benzodiazepine: spécialité alprazolam 3mg/j
depuis 3ans, antécédents de crise épileptique de sevrage
;tremblements anxiété, troubles du sommeil , évoque de
troubles attentionnels, des troubles de mémoire, cocaine/crack :trouble
non ressenti par la patiente, prises festives régulières entre 18
et 22 ans ,opiacés actuellement consommatrice de mathadone 100mg/j ;
première consommation à l'âge de 18 ans ,perte de
contrôle à l'âge de 18 ans ,trouble ressenti par la patiente
,trouble évaluable par le clinicien, héroïne sniffé
de 18 à 25 ans, n'en a plus repris depuis substitution.
Histoire récente des troubles, durant la grossesse prenait
de 6cp à 1 plaquette de xanax/ jour et parfois plus (10),
méthadone habituellement à 70 ,mg/j augmentée à
100mg. Accouchement par voie basse, bébé transféré
en réa neonat à trousseau. Elle a fait une crise comitiale dans
le service l'après-midi de l'accouchement. Effets recherchés
:effet anxiolytique, sédatif ;signes spontanés de sevrage
:tremblements
Motivation à l'arrêt ou à la prise en
charge :prise de conscience globale. projet synthèse :arrêt
urbanyl introduction depakine chrono 500mg-1cp le matin, maintien de xanax0.5mg
:1-1-1 ;introduction de prozac 20mg-1/2cp le matin pendant 3 jours puis 1cp le
matin ,arrêt imovane, introduction de théralène 5mg-2cp au
coucher, diminution de la méthadone à 95 mg/j en prise le
matin.
CHAPITRE 5. PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
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