§2 : L'aperçu de la crise financière
actuelle
En général, la crise économique trouve
ses origines dans l'effondrement du système financier, comme ce qui se
passe à l'heure actuelle. Le premier signal est lancé le 17
juillet par un établissement financier américain, Bear Stream,
qui annonce alors la forte perte de valeur de ses fonds du fait des subprimes.
Toutefois, l'évènement majeur de cette crise qui fait basculer en
crise systémique est la faillite de la banque d'investissement «
lehman brother », le 14 septembre 2008.
A. Mécanisme et aspects de la crise
financière actuelle
La crise aurait pu se cantonner à la crise
financière et bancaire. C'est la crise du crédit qui fut le
vecteur de contagion entre la sphère financière et la
sphère réelle, celle de la production et de la consommation.
En effet, les entreprises ne réussissant pas à
obtenir les crédits nécessaires à leurs fonctionnements,
cherchent à faire baisser leurs coûts, surtout salariaux et
limitent leur investissement. Le chômage augmente et les entreprises,
anticipent une baisse de la consommation, donc de la demande, décident
de baisser leurs production, la récession s'installe.
La baisse du crédit à la consommation fait
baisser les achats à crédit et donc la demande va baisser.
19
1. Le concept de la crise financière 1
Les leçons de l'histoire récente
révèlent que toute crise financière apparait
généralement sous trois formes : la crise de spéculation,
la crise de crédit et la crise de liquidité. Lorsqu'elle
survient, elle peut prendre et enchaîner chacune des trois formes
successivement ou simultanément.
La première forme, et la plus ancienne est la
crise de spéculation. Elle repose sur
les actifs patrimoniaux (action, immobilier, ) qui peuvent
faire l'objet de bulle spéculative. Leur prix à
l'opposé d'un bien ou service industriel ou commercial ne dépend
pas de leurs coût de revient. Ce prix en fait dépend
fondamentalement de la confiance que l'on place dans les revenus futurs qu'il
peut engendrer et des anticipations que les autres font de cette confiances
pour que les informations ne soient pas bien partagées (entre le
prêteur et l'emprunteur, l'actionnaire et le management, ou entre les
acteurs de marchés eux-mêmes) et que le futur soit difficilement
probabilisable. Ces asymétries d'informations et cette incertitude
fondamentale favorisent le mimétisme des acteurs. Le sens des
marchés est alors donné par les autres, car il est le pur produit
de l'expression de l'opinion majoritaire qui se dégage alors. Ainsi,
peuvent se développer des bulles spéculatives fortes et durables.
Celles-ci peuvent crever soudainement, avec le retournement de l'opinion
majoritaire, dans un mouvement encore plus forte que celui qui a
caractérisé la phase précédente.
La deuxième forme, la crise de crédit,
trouve son origine dans les phases de cycle de production. Dans une
telle phase, les opérateurs du crédit (banques, et emprunteurs)
oublient progressivement la possibilité de survenance des crises et
finissent par anticiper une expansion sans limite. Dans cette phase euphorique
le niveau de levier (dette sur niveau de richesse ou de revenus pour les
ménages ou d'actif net pour l'entreprise) finit par s'accroître
déraisonnablement. La situation financière des agents
économiques s'avère très vulnérable lors du
retournement conjoncturel suivant. Bien souvent, pendant cette phase, diminuent
dangereusement leurs sensibilités au risque et ils acceptent, par le jeu
concurrentiel, des ménages qui ne couvriront pas le coût du risque
de crédit à venir. Aussi, lorsque revient la crise suivante, les
prêteurs (banques et marchés) reconsidèrent-ils brutalement
le niveau de risque en cours, et par un effet symétrique du
précèdent, inversent-fortement leur pratique
112ème rencontre du groupe de travail
des experts syndicaux de l'Afrique de l'ouest sur « les défis de
l'intégration régionale dans le contexte de la crise
économique actuelle : analyse et approches syndicales. » par LAWSON
BODY Boèvi Kouglo Département de politique économique et
sociale, CSI-Afrique.
20
d'octroi du crédit, jusqu'à provoquer un «
Crédit Crunch1 » qui va lui-même renforcer la
crise économique qui l'a suscitée.
La troisième forme de la crise est la crise de
liquidité. Lors de certains déroulements dramatiques des
crises financières, une défaillance contagieuse apparait, comme
dans la crise financière et bancaire que nous connaissons aujourd'hui.
Cette défiance induit pour certaine banque une course fatale de leurs
clients aux retraits des dépôts. Elle peut également
conduire à une raréfaction, voire une disparition, de l'intention
des banques de se prêter entre elles, de par la crainte de faillites
bancaires en chaine. Mais cette illiquidité du marché des
financements interbancaires sans intervention de la banque centrale en tant que
prêteurs en dernier ressort produit les faillites tant redoutées.
En outre, d'autres formes d'illiquidité peuvent se produire. Certains
marchés financiers, liquides hier, peuvent se révéler
soudainement illiquides.
En général, ces trois types de crises
s'entrelacent souvent et s'entraînent mutuellement dans une situation qui
devient alors très critique. La grande crise qui se fait jour en 2007
est la combinaison de ces trois formes.
? Une bulle spéculative immobiliere tout d'abord,
notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne.
? Une crise de crédit ensuite, due à une hausse
dangereuse du taux d'endettement des ménages dans ces mêmes pays,
et à un effet de levier très élevé des banques
d'investissement, entreprises en LBO2 et des hedge funds3
notamment.
? Une crise de liquidité enfin, des marchés de
produits de titrisation4 et du refinancement interbancaire.
1 Crédit Crunch (ou contraction du
crédit). C'est un freinage ou arrêt de l'octroi de nouveau
crédit par les banques, considérant que leur situation, ou celle
de leur clients, ne leurs permet pas de prendre de nouveau risque.
2 LBO (leveraged buy-out ou rachat avec
effet de levier) désigne rachat d'entreprise par endettement, les
bénéfices réalisés par l'entreprise acquise doivent
permettre de remboursés les emprunts.
3 Hedge Funds sont fonds d'investissement
non cotés à vocation spéculative.
4 La titrisation est une technique
financière consistant la conversion d'une créance (par exemple un
prêt) en un actif qui pourra être souscrit par un
investisseur.
21
1-1. Le mécanisme de la crise
financière
On prend par exemple la crise subprime aux Etats-Unis, la
première phase est liée à l'émission de titres
attachés à la dette immobilière des ménages
américains. Ceux-ci ont été émis par les
institutions financières pour couvrir les risques liés aux
emprunts à taux variables, qui représentaient 91,6% des
crédits immobiliers aux Etats-Unis en 2006. Des instruments financiers
« innovants » ont été popularisés depuis la fin
des années 90, notamment le prêt hypothécaire à taux
révisable avec un taux initial inferieur au marché au cour des
deux premières années. Au bout des deux ans, au moment où
s'applique le taux élevé, l'hypothèque pourrait être
refinancée grâce à la valeur du bien, permettant au
prêteur de prélever des frais supplémentaires. De ce fait,
ce type de prêt se retourne contre l'acheteur lorsque les prix
s'effondrent de façon systémique c'est le cas depuis deux ans.
D'autre prêts ont aussi ciblé des populations non
solvables comme les Alt-A surnommés « prêts pour menteur
» et parfois nommés Ninja (No job, No Income, No Assets), sans
apport, ni garantie.
La deuxième phase de cette crise débute en
septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, puis les sauvetages massifs
d'institution puissante et les rachats de Merryl Lunch par Bank of America.
Cette deuxième phase est caractérisée d'une phase de
crédit-1Crunch car les banques (qui détiennent des
mauvaises dettes) ont brutalement réduit les crédits. Ne
connaissant pas l'état des demandeurs de crédits (ce que les
économistes nomment une asymétrie d'information), les banques
cherchent à améliorer leur bilan en nettoyant leur portefeuille
client.
C'est une crise de liquidité qui implique que les
acteurs endettés ne peuvent plus avoir recours au crédit pour
payer et rééchelonner leurs dettes. Ceci a pour
conséquence visible, dans un premier temps, de faire chuter les
marchés immobiliers puis la demande solvable des ménages. Dans un
deuxième temps, ce sont les institutions les plus proches des
ménages qui font faillite (promoteurs, agents immobiliers, courtiers)
puis, dans un troisième temps, le risque de faillite touche les
institutions financières. Ainsi, c'est toute la société
qui ne croit plus à la valeur des dettes. Si la croissance était
portée par une illusion de la liquidité grâce à
l'endettement, la crise actuelle montre bien que, dans toute crise
systémique, la liquidité
12ième rencontre du Groupe de travail des expert s
syndicaux de l'Afrique de l'ouest sur : « les défis de
l'intégration régionale dans le contexte de la crise
économique actuel : analyse et approches syndicales » Abuja,
Nigeria 11 au 13 mai 2009.
22
n'existe plus lorsque le doute s'installe. Ceci explique les
injections massives de liquidités à court terme par la banque
centrale.
1-2. Les facteurs à l'origine de la crise
financière
L'analyse de l'environnement de la crise indique que la
conjonction de trois facteurs est à l'origine de la crise
financière globale : déséquilibre macroéconomique,
des dysfonctionnements microéconomiques et des pratiques
financières à haut risque.
Le premier facteur semble être l'instabilité
macroéconomique : cela découle de l'apparente réussite de
l'économie matérialisée par la libéralisation
globale des marchés financiers, l'intégration des
économies, l'action victorieuse des banquiers centraux dans la lutte
contre l'inflation. Cette instabilité est caractérisée par
:
? L'ampleur de la liquidité avec des facteurs
exogènes (la progression très rapide
des réserves de change de banque centrale) et
endogènes (expansion du crédit).
? Une baisse globale de l'inflation et sa volatilité ;
? Une baisse des taux d'intérêt à long terme
;
? Une expansion du crédit ;
Comme dysfonctionnements microéconomiques, on peut en
mentionner principalement deux : une exigence de rentabilité plus
élevée et un relâchement des conditions de prêts.
Ces facteurs ont été amplifiés par des
pratiques financières à haut risque. Il s'agit entre autres de
l'accroissement de la marcheisation des crédits risqués, la
sophistication et la complexité, les innovations financières et
allocation optimale des risques, la concentration des risques.
|