3.2 Le choix de l'input et l'output
Une des difficultés méthodologiques de la mesure
de l'efficience au sein des banques réside dans la mesure de leur
activité. Freixas et al (2008) distingue trois approches de mesure :
l'approche production, l'approche d'intermédiation et l'approche dite
moderne.
3.2.1 L'approche d'intermédiation
La banque est un intermédiaire financier entre les
déposants et les emprunteurs (Mishkin, 2013) .Le rôle de la banque
est de collecter les fonds pour les transformer en crédits. Les inputs
sont alors les dépôts collectés et les fonds
empruntés, et le volume de crédits accordés constitue le
principal output. Elle est développée par Searly et Lindly
(1977), dans cette optique, seuls les prêts (et plus
généralement l'ensemble des actifs) sont considérés
comme des outputs tandis que les dépôts (plus
généralement l'ensemble des capitaux empruntés) sont
intégrés dans la liste des inputs.
3.2.2 L'approche de production
Appelée aussi l'approche en volume, parce qu'elle tente
d'aborder la production bancaire à des indicateurs physiques. Cette
approche considère la banque comme une entreprise qui fournit des
services à leur clientèle (dépôts, prêts,
titres, hors bilan, etc.) et à partir des inputs comme le capital
financier, capital physique et le travail. Cette approche a été
développée dans les années 60 par Benston (1965), Bell et
Murphy (1968).Les tenants de
23
L'efficience technique des banques commerciales dans la Zone
CEMAC
cette approche optent pour de mesure physique de l'output
bancaire, c'est ainsi que dans l'analyse le nombre de compte est utilisé
comme unité de production bancaire (Dhafer et al.1999;Kablan, 2007).
3.2 .3 la nouvelle approche
Les théoriciens qui défendent cette approche,
intègrent les nouveaux éléments comme l'imperfection de
l'information dans l'activité des banques, la gestion des risques etc.
Selon Freixas et Rochet (2008), la part la plus innovante de cette approche a
été introduite par les travaux de Hughes et Mester (1994) ; elle
consiste à tenir compte de la qualité de l'actif bancaire et de
la probabilité de faillite dans l'estimation des coûts.
Pour cette analyse c'est l'approche de production qui sera
adopté. Bien qu'il existe des ambiguïtés en théorie
notamment en ce qui concerne la nature des inputs et outputs tel que les
dépôts par exemple. Est-il un input ou output ? (Fixler et al.
,1992).
Des éléments de réponse à cette
controverse se trouvent dans Hancock (1991), l'auteur propose un modèle
théorique ainsi qu'une application se reposant sur les produits
bancaires endogènes. Il propose en effet comment certains postes de
l'actif et passif seront définis inputs ou outputs de la banque. Ainsi
du coté de passif, le coût d'usage réel augmente avec les
intérêts créditeurs et les primes d'assurances sur les
dépôts et sur le ratio des réserves obligatoires. Il en
déduit une règle : si le coût d'usage est positif, l'actif
ou le passif correspondant est un input. S'il est négatif, alors il
s'agit d'un output.
Pour Ferrier et Lovell (1990), la préférence de
l'une de ces trois approches est liée à l'objectif de
l'étude menée. Etant donné que, l'approche production
prend en compte les charges et les frais généraux, cela est
capital dans le processus de prise de décision des dirigeants. Une de
raison de ce choix est l'importance des charges financières dans les
charges d'exploitation bancaires que la première approche ignore. La
plus grande disponibilité des données pour cette approche
constitue aussi une autre raison de son utilisation.
Figure 3: illustration des approches de
production et intermédiation
L'efficience technique des banques commerciales dans la Zone
CEMAC
Capital
Travai
Approche de production
Institutions bancaires
Prêts
Dépôts
Capital
Approche de l'intermédiation
Travail
Dépôts
banqu
Prêts
Autres
service
l'efficience
3.3 Les facteurs explicatifs de
24
Afin de déterminer l'impact des différents
facteurs pris en compte dans cette étude sur l'efficience du
système bancaire de la CEMAC, nous régressons les scores
d'efficience technique sur un ensemble de variables. La littérature
empirique distingue deux principales modélisations à savoir les
modèles censurés et la régression linéaire
utilisant les Moindres Carrés Ordinaires (MCO). Cependant, la variable
dépendante (l'efficience) prenant les valeurs dans l'intervalle] 0 1],
nous ne pouvons pas procéder à une régression par les MCO,
mais par des modèles censurés tels que le modèle de
poisson généralisé et censuré ou le modèle
Tobit censuré. Ces modèles sont particulièrement
recommandés lorsque les valeurs de la variable endogène
appartiennent à un intervalle précis. Le modèle de poisson
généralisé et censuré est conseillé lorsque
les valeurs de la variable dépendante sont des entiers naturels et le
modèle Tobit est utilisé lorsque la variable dépendante
est continue dans un intervalle et la probabilité pour cette la variable
prenne des valeurs nulles est positive. Etant donné que la variable
dépendante est continue dans l'intervalle] 0 1], le modèle Tobit
Censuré et le modèle de poisson généralisé
et censuré ne peuvent pas être utilisés. Les valeurs de la
variable dépendante n'étant pas des entiers naturels, l'usage du
modèle de poisson généralisé et censuré
n'est pas approprié (Greene, 1995). Pour lever cette entrave, nous
allons expliquer l'inefficience des banques, puisque les scores d'inefficience
prennent non seulement des valeurs nulles et/ou positives, elles sont continues
dans l'intervalle [0 1[. A cet égard, nous ferons usage d'un
modèle Tobit censuré. Le modèle Tobit appartient à
la famille des modèles à variable dépendante
limitée ou la variable dépendante est continue et observable que
sur un certain intervalle. Ce modèle se situe à mi-chemin entre
les modèles à variables qualitatives et le modèle de
régression linéaire où la variable endogène est
continue et observable. Ces modèles qualifiés de modèles
de régression censurées ou modèle de régression
tronquée. Le modèle Tobit censuré peut donc être
utilisé pour expliquer l'inefficience des banques de
L'efficience technique des banques commerciales dans la Zone
CEMAC
notre échantillon. Le choix de ce modèle Tobit
se justifie par le fait que les variables dépendantes qui sont des
indices d'inefficience (1-efficience) sont continues et prennent des valeurs
dans l'intervalle [0 1[.
En considérant que Yit représente le
niveau d'inefficience des banques de pays i, Le modèle théorique
est le suivant (Hoff, 2006):
? y? X ? ? ?
it it it
* *
y y si y ? 0
it it it
? ? ? ? avec ?? ? ?? ? ?
y it
où e N (0, a ),
et
i
0 sinon
O est un vecteur k x 1 des paramètres
à estimer;
X est le vecteur kx 1 des variables explicatives.
2
it
Dans la relation (1) X i est le vecteur des
variables explicatives, le vecteur des paramètres à estimer et Y
i * est une variable latente qui peut être considérée comme
le seuil à partir duquel les variables X i affectent
l'efficience d'une banque (Afonso et Aubyn, 2006). La variable
dépendante « inefficience » est continue et limitée
à zéro. En supposant que les erreurs sont normalement
distribuées, l'estimation du modèle Tobit censuré
ci-dessus passe par la maximisation du logarithme de la vraisemblance qui
s'écrit :
N N
? ? 1 ?
log ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
log 1
? ? ? ?
L X
? ? log
i 2 ??
i ? 1 i ?
1
( Y X ? )
i i
N
2
?
i?
1
2?
2
25
Où N le nombre d'observation et est l'écart
type.
? La spécification empirique du modèle
C'est à partir de l'analyse des bilans des banques,
nous avons retenu les variables qui nous paraissent correspondre au mieux
à la situation des systèmes bancaires de l'Union. La
littérature empirique associe souvent l'efficience des banques à
la détérioration de la qualité de leurs actifs, la
sous-capitalisation, la prise de risque excessive ainsi que la mauvaise
gestion. Dans le cadre de cette étude, l'efficience des banques dans la
Zone CEMAC est
26
L'efficience technique des banques commerciales dans la Zone
CEMAC
expliquée par des indicateurs utilisés dans les
études empiriques, par les analystes financiers ainsi que les agences de
notation. Ces mesures couvrent les différents aspects de
l'activité bancaire : le risque, la liquidité et la
rentabilité. Il s'agit de la qualité de l'actif (QA), le ratio de
solvabilité (SOLV), la liquidité (LIQ), la taille (ACTIF), la
structure de propriété (PRIV), les garanties (GAR) et
rentabilité (ROA).
Nous avons retenu quatre variables macroéconomiques.
Premièrement, il y a le taux de croissance du produit intérieur
brut réel par habitant (TC), traduisant la richesse de la
population, le taux d'inflation (TI), le taux d'escompte moyen réel
(TIAO) car il permet de déterminer la sensibilité de la variable
expliquée aux conditions de refinancement.
Le modèle spécifié d'inefficience technique
s'écrit comme suit:
INET ??? ? QA ?
? LIQ ? ? TAI ? ? GAR
? ? SOL ? ? ROA ? ?
HB ? ? TI ? ? TC
0 1 it 2 it 3 it 4 it 5
it 6 it 7 8 it 9 it
it
QA : Prêts performants / Crédits bruts
SOLV : Fonds propres réglementaires / Total Actif
ROA : Résultat net / total actif
TAI : Ln (Total Actif)
GAR : Total Garanties reçues / Total crédits
TC : Taux de croissance du PIB
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CEMAC
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