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La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques relatifs à  une « espèce emblématique ».

( Télécharger le fichier original )
par Audrey Dupont
Université Aix-Marseille - Master Pro Anthropologie et Métiers du développement durable 2014
  

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IV.3.2. Comité de la ZCO et les autres associations environnementales locales

L'association de la ZCO, créée officiellement en 2007, constitue un relai entre les acteurs institutionnels et les habitants de la zone puisque, d'après les informations disponibles son site internet, ses objectifs principaux sont les suivants :

73 Par « courtiers locaux du développement », nous entendons « les acteurs sociaux implantés dans une arène locale qui servent d'intermédiaires pour drainer (vers l'espace social correspondant à cette arène) des ressources extérieures relevant de ce que l'on appelle communément « l'aide au développement » (Olivier de Sardan, 1995 : 211).

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DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

« Favoriser la communication et la sensibilisation de l'ensemble des parties prenantes, et notamment des socioprofessionnels dont l'activité peut avoir un impact sur le bien ,
·

Favoriser des actions de communication et de sensibilisation en direction du grand public ,
·

Promouvoir des actions et expériences de développement local durable ,
· Participer à la réflexion sur la gestion concertée des biens en série ».

Selon la présidente de l'association, il s'agit d'un « groupe à vocation participative pour une gestion de l'environnement » qui a la vocation de représenter « toutes les communautés sans distinction. La ZCO a ce rôle là, de dénoncer les incohérences, les injustices et faire entendre le point de vue de tous les calédoniens qui ne peuvent pas forcement s'exprimer, qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer etc. » (Moindou, 2014). La ZCO représente donc la « population locale » en parlant en son nom auprès des Provinces, des organismes internationaux, des collectivités territoriales.

De plus, elle est composée de personnes d'origine sociale et culturelle très diverse, issus de corps de métier différents mais qui sont souvent liés à l'environnement ou aux politiques publiques74. De ce fait, ces membres se sont rassemblés autour d'un intérêt commun, la protection environnementale de la région. Ils ont accepté de partager leurs connaissances et ont également acquis certaines compétences relevant de la « logique-projet » : réunions du Comité Administratif, concertation des acteurs régionaux etc. De même, ils ont appris à préparer des actions et des événements pour favoriser la sensibilisation du grand public, à éditer un journal, à gérer un site internet etc. Les propos d'une pêcheuse professionnelle, habitant en tribu et membre de l'association, sont particulièrement révélateurs des activités auxquelles elle participe :

« La ZCO c'est la reconnaissance administrative de la population. Nous on a participé à la rédaction du Plan de Gestion et à sa mise en place. Chaque membre est bénévole [...] En 2010-2011, on a édité notre premier livre puis un deuxième numéro juste après. On travaille aussi sur le code de l'environnement, on le connait bien.

J'aime bien parce que j'apprends tout le temps des choses et puis c'est une ambiance conviviale. [...] Je vais aux réunions parce que c'est important. Sauf si je ne peux vraiment pas, si je ne trouve pas d'occasion pour y aller en voiture ».

De même, un retraité de Bourail engagé dans la ZCO ajoute :

L'entrée à la ZCO s'est fait pour moi par la présidente, on se connaît depuis très longtemps. C'est un partage de connaissances, il y a beaucoup de personnes pour renseigner sur les choses, sur la mer parce que nous on connaît moins finalement, on est de la chaîne.

74 Le Conseil Administratif est constitué d'un « collège » des agriculteurs / éleveurs, des pêcheurs, des coutumiers qui rassemble des professionnels de ces domaines liés à l'environnement, mais aussi d'un collège des ONG, de la société civile et des opérateurs touristiques.

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DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

Par exemple, il y a beaucoup de kanak qui ont des croyances autour de la mer, ce sont qui nous apprennent tout cela. Moi, je n'en ai pas vraiment des croyances sur la nature, je vis dedans, c'est tout ».

Concernant la protection du dugong, l'association remplit une mission d'information, de communication et de sensibilisation auprès de la population locale (« grand public ») autour des lois et des menaces pesant sur l'espèce, comme l'atteste le témoignage du retraité de Bourail : « Nous, on fait de la sensibilisation sur le dugong surtout mais on manque de moyens pour mettre en oeuvre de grandes choses ». Par conséquent, si la ZCO joue un rôle de médiateur et de traducteur entre les divers groupes socioprofessionnels, les acteurs institutionnels de la conservation et la population,75 ses membres sont également des « diffuseurs » de connaissances acquises personnellement dans la vie quotidienne ou d'ordre scientifique, juridique et administrative auprès de la population.

Seulement, sa représentativité a des limites puisqu'elle n'est pas la seule association environnementale locale ou rassemblement d'individu autour d'enjeux de conservation présente de cette région. Ces organisations ont vocation à consolider les mesures de protection ordonnées par les Provinces ou à combler les manques de ces politiques, comme le soutient le fondateur d'une de ces associations : « c'est nous qui faisons le sale boulot que les institutions ne font pas. Sur les questions politiques, ce sont les petites mains de la Province, qui mettent en place de vraies actions concrètes » (Bourail, 2014). Tous ces acteurs sont attachés à une zone géographique maritime ou terrestre bien précise, plus ou moins vaste, sur laquelle ils essaient de faire valoir leurs influences et leurs légitimités. Ils mettent en avant des causes « environnementales » différentes qui, soit se recouvrent, soit sont sources de conflits.

Si ces acteurs possèdent des légitimités différentes dans ce domaine, il n'en reste pas moins qu'ils sont présents et composent le paysage « surchargé » de la « protection environnementale » de la région. Cela signifie aussi que la ZCO n'est pas le seul organisme à diffuser et à développer des savoirs autres que les « savoirs traditionnels locaux » auprès de la population locale. Sur le terrain, nous avons constaté que les interactions entre les uns et les autres sont complexes et relèvent parfois d'animosités personnelles, sous couverts de distinctions ethniques. Pour comprendre toutes ces interactions, nous vous incitons à vous référer au tableau des stratégies d'acteurs qui les rend plus lisibles (Annexe V du mémoire). La Zone Côtière Ouest, plus qu'une zone inscrite au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, est donc un espace où les revendications identitaires, territoriales et environnementales se mélangent et se confrontent les unes aux autres, rendant difficile toute entreprise de convergence des efforts orchestrée par un agent extérieur.

Ainsi, les associations locales environnementales comme la ZCO se positionnent comme des interlocuteurs privilégiés avec les collectivités territoriales, les autres acteurs environnementaux et institutionnels. Pour se faire, les personnes engagées dans ces organismes, et a fortiori les membres de la ZCO, ont dû maîtriser un nouveau langage pour être crédible et audible, de nouvelles pratiques d'organisation plus ou moins uniformisées pour mettre en place des actions effectives, ainsi que des connaissances

75 Des catégories qui appartiennent toutes à des systèmes culturels différents.

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poussées sur le cadre législatif dans la Province Sud. Ils possèdent donc certains savoirs et savoir-faire qui sont différents que ceux hérités des traditions locales et qui ne sont pas nécessairement partagés par le reste de la population. En d'autres termes, ils ont suivi le modèle « projet » et de la concertation, qui semble partagé par les organismes de la gestion environnementale.

De même, ils sont garants de la diffusion sur le terrain des connaissances scientifiques (souvent invoquées par les politiques publiques comme justification et base de l'action), à des fins de sensibilisation auprès des principaux acteurs concernés par les textes de loi mais aussi auprès de l'opinion publique, qu'ils cherchent à rallier à leur cause. Ceci ne semble pas être un objectif facile à atteindre d'après les propos d'un des fondateurs d'une des associations :

« Mais il ne faut pas se leurrer, la plupart de la population est rétrograde et ne se sent pas concernée par environnement. Il y a 80 % de la population qui ne font rien, ne font aucun effort. Pourtant, les gens de la brousse, ils ne sont pas contre la protection de l'environnement, ils aiment bien faire leur coup de pêche de temps en temps et voir les poissons dans le lagon. Et si l'on perd notre nature, on perd aussi notre culture. La mer, c'est une valeur commune qui est largement partagée, c'est une manière d'être océanien ».

Cette personne a absorbé le discours conservationniste actuel qui tend à articuler protection de la nature avec préservation de la culture ; et ce de la même manière que les coutumiers impliqués dans le Comité de gestion de l'aire marine protégée de Hyabe/Lé-Jao à Pouébo. Seulement, dans ce contexte, les leviers utilisés par les politiques de conservation sont différents et ainsi, les thèmes de la participation de la population locale et de la prise en compte des savoirs populaires ne possèdent pas la même importance qu'en Province Nord. Tel est notre constat après nous être intéressée à la place des savoirs traditionnels de la tribu de Kélé (dont certains habitants sont membres de la ZCO) dans la gestion de l'espace maritime et à leur prise en compte par les politiques publiques.

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