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Le travail des enfants dans l'agriculture, mythe ou réalité ? : une étude de cas dans les exploitations cotonnières au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par Christhel Sonia Jesugnon Padonou
Université Catholique de Louvain, Belgique - Master complémentaire en développement, environnement et sociétés 2013
  

Disponible en mode multipage

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TRAVAIL DE FIN D'ETUDES EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME DE MASTER COMPLEMENTAIRE EN

DEVELOPPEMENT, ENVIRONNEMENT ET SOCIETES

Thème : Le travail des enfants dans l'agriculture, mythe ou réalité ? : Une étude de cas dans les exploitations cotonnières au Bénin

Présenté et soutenu, le 02/09/2013, par :

Christhel Sonia J. PADONOU HOUNNOU

Membres du jury :

- Promoteur : Professeur Phillipe LEBAILLY, Université de Liège-Gembloux Agrobiotech

- Lecteur : Déborah DELGADO PUGLEY, Université Catholique de Louvain (UCL)

Année académique 2012-2013

DECLARATION DE DEONTOLOGIE

« Je déclare sur l'honneur que ce mémoire a été écrit de ma plume, sans avoir sollicité d'aide extérieure illicite, qu'il n'est pas la reprise d'un travail présenté dans une autre institution pour évaluation, et qu'il n'a jamais été publié, en tout ou en partie. Toutes les informations (idées, phrases, graphes, cartes, tableaux,...) empruntées ou faisant référence à des sources primaires ou secondaires sont référencées adéquatement selon la méthode universitaire en vigueur.

Je déclare avoir pris connaissance et adhérer au code de déontologie pour les étudiants en matière d'emprunts, de citations et d'exploitation de sources diverses et savoir que le plagiat constitue une faute grave. »

DEDICACE

Je dédie ce travail à

· La gloire du seigneur Jésus-Christ, pour ton amour, ta miséricorde, et pour ton esprit qui m'éclaire tous les jours de ma vie ;

· La sainte vierge Marie, pour ta protection et ta médiation ;

· Mon époux, Léon HOUNNOU, pour ton amour, ta confiance et ton soutien ;

· Mon père Eugène PADONOU et ma mère Albertine NOUATIN, pour vos éternels sacrifices pour le bonheur de vos enfants ;

· Mes frères et soeurs, pour votre soutien indéfectible et votre amour.

REMERCIEMENTS

A tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce travail, j'exprime ma profonde gratitude à travers les présentes lignes. Mes remerciements vont en particulier :

§ Au Promoteur de mon mémoire, Professeur Phillipe LEBAILLY qui, malgré ses lourdes responsabilités professionnelles, a su m'accompagner dans la réalisation du présent travail ;

§ A mon lecteur, Déborah DELGADO, pour avoir lu et corrigé ce travail;

§ A monsieur Fabio BERTI, qui n'a ménagé aucun effort, pour la lecture et la correction de ce mémoire ;

§ A tous les enseignants et responsables à divers niveaux du Master complémentaire en Développement,Environnement et Sociétés pour leur implication effective et soutenue dans ma formation ;

§ A la SNV-Bénin, notamment à l'équipe du projet PROCOTONpour leur inestimable contribution à mes travaux empiriques;

§ A mon père Eugène PADONOU, pour son précieux soutien ;

§ A mes collègues de la promotion 2012-2013 du master complémentaire en Développement, Environnement et Sociétés, principalement à Gertrude, Aubin, Christophe, Félicien et Eric, pour la solidarité entretenue tout au long de ma formation ;

§ A Claude-Gervais ASSOGBA pour son soutien indéfectible ;

§ A mes parents, amis et conjoint pour le sacrifice et les privations consentis du fait de mon éloignement ;

§ A tous ceux qui m'ont soutenue de diverses manières, et qui n'ont pas été nommément cités, je vous dis un grand merci.

SIGLES ET ABREVIATIONS

AFD

:

Agence Française de Développement

AIC

:

Association Interprofessionnelle de Coton

BIT

:

Bureau International du Travail

CARDER

:

Centres Agricoles Régionaux pour le Développement Rural

CCIC

:

Comité Consultatif International du Coton

C.f

:

Confer

CFA

:

Communauté Financière Africaine

CFDT

:

Compagnie Française du Développement des Fibres et Textiles

CIDE

:

Convention Internationale des Droits de l'Enfant

CmiA

:

Cotton made in Africa

CNUCED

:

Conférence de Nations Unies sur le Commerce et le Développement

CSAO

:

Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest

CTB

:

Coopération Technique Belge

CV

:

Charges Variables

EFPC

:

Exploitations Familiales de Producteurs de Coton

ENTE

:

Enquête Nationale sur le Travail des Enfants

FCFA

:

Franc de la Communauté Financière Africaine

h

:

Heure

ha

:

Hectare

H/j

:

Homme jour

ibid

:

Ibidem

ICAC

:

International Cotton AdvisoryCommittee

id

:

Idem

IITA

:

Institut Internationale d'Agriculture Tropicale

IPEC

:

Programme international pour l'abolition du travail des enfants

INSAE

:

Institut National de la Statistique et de l'Analyse Économique

kg

:

Kilogramme

Km2

:

Kilomètre carré

MB

:

Marge Brute

NB

:

Nota Bene

N.d.

:

Non défini

OCDE

:

Organisation de Coopération et de Développement Economiques

OIT

:

Organisation International du travail

ONG

:

Organisation Non Gouvernementale

PAS

:

Programmes d'Ajustement Structurel

PB

:

Produit Brut

PIB

:

Produit Intérieur Brut

PROCOTON

:

Programme d'appui aux Organisations des Producteurs de Coton

PSRSA

:

Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole

RUP

:

Responsable d'Unité de Production

SATEC

:

Société d'Aide Technique et de Coopération

SCN

:

Système de Comptabilité Nationale

SITEX

:

Société des Industries Textiles du Bénin

SNV

:

Stichting Nederlandse Vrijwilligers (Organisation Néerlandaise de

Développement)

SONAPRA

:

Société Nationale pour la Promotion Agricole

SPSS

:

Statistical Package of Social Sciences

STCP

:

Sustainable Tree Crops Program

SVC

:

Save the Children

uc

:

Unité de Consommation

UNICEF

:

Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

UP

:

Unité de Production

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Répartition des zones de production cotonnières au Bénin 36

Tableau 2: Importance socioéconomique de la filière coton au Bénin 38

Tableau 3: Quelques statistiques sur le travail des enfants au Bénin 42

Tableau 4: Répartition par sexe et par secteurs d'activité des enfants astreints aux travaux à abolir au Bénin 44

Tableau 5: Typologie des enfants travailleurs dans les exploitations de cacao en Afrique de l'ouest 47

Tableau 6: Zones d'étude pour l'enquête de référence du PROCOTON 61

Tableau 7: Communes et villages d'étude 62

Tableau 8: Répartition de l'échantillon selon les villages d'étude 69

Tableau 9: Genre, statut et situation matrimoniale des RUP dans les exploitations cotonnières 76

Tableau 10: Ethnies présentes dans la zone d'étude 77

Tableau 11: Origine des responsables d'unités de production cotonnière 77

Tableau 12: Répartition de l'âge des responsables d'unités de production 78

Tableau 13: Niveau de scolarisation des RUP selon leur statut 79

Tableau 14: Superficies cultivées par les responsables d'unités de production 81

Tableau 15: Assolements pratiqués dans les zones cotonnières 83

Tableau 16: Calendrier cultural du cotonnier 85

Tableau 17: Répartition du temps de travail des enfants au sein des exploitations cotonnières au cours de l'année 2009 88

Tableau 18: Répartition par sexe et par âge des enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières 89

Tableau 19: Moyenne de temps alloué (%) à la formation pour les enfants travailleurs 89

Tableau 20: Temps alloué à la formation par les enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières 90

Tableau 21:Temps alloué au travail productif par les enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières 92

LISTE DES GRAPHIQUES

Graphique 1: Evolution de la production du coton graine au Bénin 2

Graphique 2: Nombre de pays producteurs de coton fibre par continent pour la campagne agricole 2007/2008 32

Graphique 3: Répartition de la main d'oeuvre salariée dans les opérations culturales du coton au Mali pour la campagne 2003-2004 38

Graphique 4: Répartition d'enfants travailleurs par secteur d'activités dans le monde et au Bénin 41

Graphique 5: Niveau d'instruction des RUP 78

Graphique 6: Mode d'accès à la terre au niveau des exploitations cotonnières 79

Graphique 7: Répartition du temps de travail au sein d'un ménage 84

Graphique 8: Liens de parenté des enfants travailleurs avec le chef de ménage 93

Graphique 9: Répartition du nombre d'enfants travailleurs en fonction du revenu des ménages 96

Graphique 10: Nature des crises au sein des exploitations cotonnières 97

Graphique 11: Nature des recours effectués par les exploitations cotonnières face aux crises 98

LISTE DES FIGURES

Figure 1: Acteurs et maillons de la filière coton au Bénin 2

Figure 2: Typologie du travail des enfants 43

Figure 3: Cadre analytique 57

Figure 4: Nuage sémantique de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise 101

LISTE DES PHOTOS

Photo 1: Sarclobuttage/Guidage de boeufs de trait dans un champ de coton 93

Photo 2: Démariage dans un champ de coton 93

Photo 3: Activité de récolte du coton 94

LISTE DES ENCADRES

Encadré 1: Critères caractérisant l'exploitation des enfants 2

Encadré 2: Liste des tâches considérées comme travail des enfants 42

Encadré 3: Typologie des enfants travailleurs 44

Encadré 4: Déterminants de l'offre et de la demande du travail des enfants 50

Encadré 5: Autres Déterminants sociaux du travail des enfants 100

RESUME

Au niveau mondial, des méthodes alternatives (biologique, équitable et bioéquitable...) de production de coton ont été développées, en réponse aux limites environnementales et sociales présentées par la cotonculture conventionnelle. L'élimination du travail des enfants fait partie des exigences de ces modes alternatifs de production. Elle figure aussi dans plusieurs textes et conventions ratifiés par le Bénin, pays producteur de coton. Dans la perspective de contribuer au respect de cette exigence, cette étude a réalisé un état des lieux du travail des enfantsdans les exploitations cotonnières, et essayé de comprendre les déterminants du travail des enfants, tout en proposant des solutions pour son atténuation.

A cet effet, une étude de cas a été faite au niveau de six zones cotonnières du Bénin couvertes par le Programme de Renforcement des Organisations de producteurs de coton (PROCOTON), dans le cadre de l'enquête sur la « la situation de référence du revenu des exploitations familiales producteurs de coton » réalisée en 2009. Treize villages ont été retenus. L'échantillon de l'étude a porté sur 189 ménages producteurs de coton et 550 enfants travailleurs sur un totalde 921 enfants âgés de 5 à 17 ans issus des exploitations cotonnières.

Les résultats sur l'état des lieux du travail des enfants, ont révélé que sur l'ensemble de la zone d'étude, 64,2% de filles travaillent contre 35,8% de garçons. Le travail des enfants est non rémunéré et s'effectue dans le cadre familial.Les principales tâches effectuées par les enfants sont jugées socialement peu pénibles, mais le deviennent lorsqu'une considération est portée aux risques et dangers présentés par les activités agricoles sur leur santé. Par ailleurs, au cours d'une année, en moyenne 20% du temps des enfants est utilisé pour le travail productif. Ce dernier semble ainsi, ne pas empiéter sur la formation/scolarisation, les loisirs et les autres occupations de l'enfant.

Par rapport aux déterminants du travail des enfants, le niveau de vie des ménages semble ne pas à lui seul expliquer l'utilisation du travail des enfants dans la présente étude. En effet, une dépendance très faible, a été révélée par le test de corrélation effectué entre le nombre d'enfants travailleurs et cette variable. Par contre, la perception de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise,semble être un facteur très déterminant du travail des enfants.

La prévention et la punition des abus et déviances en matière du travail des enfants, semblent être les meilleures solutions, plutôt qu'une élimination complète du travail des enfants comme promue par la communauté internationale. 

Mots clés : Travail des enfants ; Exploitations cotonnières ; Niveau de vie des ménages ; Perceptions sociales et culturelles de l'enfant et du travail

ABSTRACT

Alternative systems of cotton production (organic and fair) have been developed worldwide, in response to environmental and social limits set by conventional cotton farming. Child labor elimination is one of the requirements of these alternative modes of production. It's also appeared in several texts and conventions ratified by Benin, a cotton producing country. In order to contribute to the fulfillment of this requirement, this study has made an inventory of child labor in the cotton farms, and tried to understand its determinants, while providing sustainable and realistic solutions for its mitigation.

For this purpose, a case study was done at six cotton-growing areas of Benin covered by PROCOTON, a capacities building program for cotton producers' organizations.

Thirteen villages were selected. The sample for the study included 189 households producing cotton and 550 child workers out of a total of 921 children aged 5 to 17 years from the cotton farms.

The results of an inventory of child labor, revealed that of the entire study area, 64.2% of girls work against 35.8% of boys. Child labor is unpaid and takes place within the family. The main tasks performed by children are considered socially little painful, but could become when, one considersthe risks and hazards posed by agricultural activities on their health. Moreover, during a year, on average, 20% of children's time is used for productive work. So it seems that, child labor does not encroach on training / schooling, recreation and other occupations of the child.

For child labor determinants, the standard of living of households seems not to explain, alone the use of child labor in this study. Indeed, a very weak dependence was revealed by the correlation test performed between the number of child laborers and this variable. On the other side, the perception of the child in traditional Beninese society, seems to be a very important determinant of child labor.

Prevention and punishment of abuse and deviance in child labor seems to be the best solution, rather than a complete elimination of child labor as promoted by the international community.

Keywords: Child labor, cotton farms, Households living standard, social and cultural perceptions of child andlabor

SOMMAIRE

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS 4

SIGLES ET ABREVIATIONS 5

LISTE DES TABLEAUX 6

LISTE DES GRAPHIQUES 6

LISTE DES FIGURES 7

LISTE DES PHOTOS 7

LISTE DES ENCADRES 7

RESUME 8

ABSTRACT 9

SOMMAIRE 10

PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION GENERALE ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 13

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE 13

1.1. Introduction 13

1.2. Problématique et questions de recherche 14

1.3. Objectifs et intérêts de l'étude 17

1.4. Hypothèses de recherche 18

CHAPITRE 2 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 20

2.1. Cadre conceptuel 20

2.1.1. Le concept Enfant 20

2.1.2. Le Travail des enfants 21

2.1.3. Main d'oeuvre infantile 25

2.1.4. Le concept de niveau de vie des ménages 26

2.1.5. Le concept d'exploitation agricole 26

2.2. Revue de littérature 27

2.2.1. Revue de littérature sur la filière coton au Bénin 27

2.2.1.1. Bref aperçu du secteur agricole au Bénin 27

2.2.1.2. Le cotonnier et ses zones de production au Bénin 28

2.2.1.3. Description de la filière coton au Bénin 31

2.2.2. Revue de littérature sur le travail des enfants 36

2.2.2.1. La situation du travail des enfants au Bénin : quelques statistiques 36

2.2.2.2. Les secteurs d'activités des enfants travailleurs au Bénin 37

2.2.2.3. Caractérisation du travail des enfants et typologie des enfants travailleurs 39

2.2.2.4. La perception et la fonction du travail des enfants dans les sociétés africaines 44

2.2.2.5. Les différents points de vue sur le travail des enfants 45

2.2.2.6. Les causes du travail des enfants 47

2.2.2.7. Les conséquences du travail des enfants 49

2.3. Cadre théorique de l'étude 51

2.3.1. Approche en termes de bien - être des ménages 51

2.3.2. Approche en terme de normes sociales 53

DEUXIEME PARTIE : ZONES D'ETUDE ET CADRE METHODOLOGIQUE 55

CHAPITRE 3 : ZONES D'ETUDE ET METHODOLOGIE 55

3.1. Présentation de la zone d'étude 55

3.1.1. Zones d'étude 55

3.1.2. Caractéristiques physiques et humains de la zone d'étude 59

3.1.3. Justification du choix de la zone d'étude 60

3.2. Méthodologie de l'étude 61

3.2.1. Sources et méthodes de collecte de données 61

3.2.2. Echantillonnage 63

3.2.3. Méthodes de Traitement et d'analyse des données 64

3.2.3.1. Mesure du travail des enfants 65

3.2.3.2. Mesure du niveau de vie des ménages 65

3.2.3.3. Mesure des perceptions sociales et culturelles 69

3.2.3.4. Mesure des effets du travail des enfants 69

3.3. Limites de l'étude 69

TROISIEME PARTIE : RESULTATS, ANALYSES ET DISCUSSIONS 71

CHAPITRE 4 : ETAT DES LIEUX DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES EXPLOITATIONS COTONNIERES 71

4.1. Caractéristiques des exploitations cotonnières 71

4.1.1. Caractéristiques démographiques des exploitations cotonnières 71

4.1.1.1. Genre, statut et situation matrimoniale des responsables d'unités de productions (RUP) 71

4.1.1.2. Origine et ethnies des RUP 72

4.1.1.3. Âge des responsables d'unités de production cotonnière 73

4.1.1.4. Taille des exploitations cotonnières 73

4.1.2. Caractéristiques socioéconomiques des RUP 74

4.1.2.1. Niveau d'instruction des RUP en fonction de leur statut 74

4.1.2.2. Généralités sur la production agricole au niveau des exploitations cotonnières 75

4.2. Le travail des enfants dans les exploitations cotonnières 82

4.2.1. Caractéristiques des enfants travailleurs 82

4.2.1.1. Répartition par sexe et par âge des enfants travailleurs 84

4.2.1.2. Part de temps alloué à la formation par les enfants travailleurs 84

4.2.2. Types d'activités et principales tâches effectuées par les enfants dans les exploitations cotonnières 85

4.2.3. Conditions de travail des enfants dans les exploitations cotonnières 86

4.2.3.1. Lieux et horaires de travail des enfants 86

4.2.3.2. Types de rémunération et charges de travail des enfants 87

4.2.4. Effets du travail des enfants sur leur santé 88

4.2.5. Effets du travail des enfants sur leur scolarisation 89

4.2.6. Liens de parenté entre les enfants travailleurs et le chef de ménage 90

4.3. Conclusion partielle 90

CHAPITRE 5 : FACTEURS DETERMINANTS DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES EXPLOITATIONS COTONNIERES 92

5.1. Facteurs de bien-être du ménage 92

5.1.1. Liens entre le travail des enfants et le revenu des ménages 92

5.1.2. Lien entre le travail des enfants et les Capitaux détenus par les ménages 93

5.1.3. Le niveau de vulnérabilité des ménages et son impact sur les enfants 94

5.1.4. Test de l'hypothèse 1 95

5.2. Facteurs socioculturels déterminant le travail des enfants 96

5.2.1. La perception de l'enfant dans l'organisation sociale traditionnelle béninoise 96

5.2.2. La socialisation de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise 98

5.2.3. Test de l'hypothèse 2 100

5.3. Conclusion partielle 100

QUATRIEME PARTIE : CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS 102

CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS 102

6.1. Conclusion 102

6.2. Suggestions 103

6.3. Implications futures 104

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 105

ANNEXES 108

PREMIERE PARTIE : INTRODUCTION GENERALE ET REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

1.1. Introduction

Le coton est une culture qui revêt une importance économique et sociale importantes pour de nombreux pays ouest africains (OCDE, 2006 : 17). Le Bénin est l'un des pays producteurs et exportateurs de coton en Afrique de l'Ouest où la filière cotonnière représente la première filière économique.« Sur le plan macroéconomique, elle représente 45% des rentrées fiscales ; 80% des recettes d'exportations ; 13% de la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) national en termes de valeur ajoutée » (Stratégied'opérationnalisation et déclinaison en plans d'investissements sectoriels de la vision Bénin 2025, 2008 : 16). « Le coton compte également pour 60% du tissu industriel du pays à travers des usines d'égrenage, des unités textiles... Ces différentes usines et unités emploient près de 3500 personnes. Les revenus issus du coton contribuent également en milieu rural à la construction d'infrastructures sociocommunautaires. En outre, la production moyenne annuelle de coton graine estimée à 350 000 tonnes représente environ 70 milliards de francs CFA destinés à plus de 325 000 exploitants agricoles. Ces revenus monétaires nourrissent en moyenne 3 millions de personnes au Bénin» (Agbachi Ale, 2008 : 92).

En 2004, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) a estimé à 191 millions le nombre d'enfants entre 5 et14 ans travaillantdans le monde dont plus des deux tiers, soit 69 % dans l'agriculture et 25 % d'enfants localisés en Afrique subsaharienne (CSAO/OCDE, 2009 : 7).

Les Statistiques de l'Enquête Nationale sur le Travail des Enfants (ENTE) au Bénin indiquent que 65% d'enfants travaillent dans le secteur agricole (BIT/INSAE, 2009 : 22).

Comme le mentionne l'OIT (2012 :1), les violences et les conditions inacceptables subies par les enfants, ont fait du travail des enfants ces dernières années, une préoccupation majeure non seulement pour les `'pays développés'' mais aussi pour les `'pays en développement''. En effet, beaucoup de pays importateurs de coton exigent de plus en plus la transparence et la traçabilité au niveau de la filière ainsi qu'une filière cotonnière plus équitable qui implique la suppression du travail des enfants.Ainsi, à moyen et à long terme, le Bénin gagnerait à respecter les normes en matière de suppression du travail des enfants dans le secteur de l'agriculture en général et celui du coton en particulier.

Toutefois « tous les enfants travailleurs ne sont pas exploités...» (Aguilar Molinaet al., 2001 : 7). « De plus en Afrique, le travail des enfants n'est pas forcément nuisible aux enfants, comme le perçoivent les abolitionnistes. Il est plutôt perçu comme une forme de valorisation sociale très importante.Cette perception découle en fait de la structure des systèmes de production familiale et agricole qui met les enfants autravail pour suppléer un tant soit peu à une main d'oeuvre chère qui devient de plus en plus rare » (CSAO/OCDE, 2009 : 7).

La présente étude a fait un état des lieux du travail des enfants dans les exploitations cotonnières au Bénin. Elle a essayé de comprendre les déterminants du travail des enfants et propose des solutions pour son atténuation.

Cette étude trouve son intérêt dans le développement de la production équitable de coton au Bénin afin que ce dernier puisse se positionner convenablement sur les nouveaux marchés de niche de cette filière. Elle vise également à comprendre le concept de travail des enfants dans le contexte béninois afin de trouver des solutions durables et réalistes pour son atténuation.

Le présent document est subdivisé en quatre (4) grandes parties. La première partie comprend deux chapitres qui présentent l'introduction générale et la revue bibliographique. La deuxième partieprésente la zone d'étude et le cadre méthodologique de l'étude. La troisièmepartie présente les résultats et les grandes conclusions tirées desanalyses. La dernière partie présente les conclusions et suggestions issues de l'étude.

1.2. Problématique et questions de recherche

En Afrique de l'Ouest, la production cotonnière était passée de 100 000 à 1 000 000 de tonnes de fibres de coton entre 1960 et 2005 et représentait près de 5 % de la production mondiale (OCDE, 2006 : 17). Mais entre 2005 et 2010, cette zone a connu une forte diminution des superficies emblavées, avec une chute spectaculaire de la production de coton1(*). Durant la campagne cotonnière 2001-2002, les superficies emblavées de 357.000 ha sont passées en 2009-2010 à 149 000 ha au Bénin (CCIC/ICAC, 2012, cité par UE et Groupe des Etats ACP: 64). Cependant, la production cotonnière suscite encore un engouement auprès des acteurs de la filière dans de nombreux pays, à cause de son importance socio-économique. « Au Burkina-Faso, le coton est considéré comme la locomotive de l'agriculture » (ENDA, 2005 : 14). A l'instar du Burkina-Faso et d'autres pays, le coton est encore d'une importance assez capitale pour l'économie béninoise.

A part son rôle socio-économique, « la production de coton en Afrique de l'Ouest bénéficie d'un avantage comparatif naturel en matière de rapport prix/qualité. Cet avantage comparatif qu'ont les pays ouest africains est lié à l'utilisation d'une main d'oeuvre familiale faiblement ou presque pas rémunérée en comparaison aux pays développés producteurs de coton »2(*) (OCDE, op.cit.). « Au Bénin, la plupart du coton est produit avec de la main d'oeuvre familiale composée d'hommes, de femmes et d'enfants en fonction des circonstances et des caractéristiques de l'exploitation familiale » (Ton et al., 2004 : 10) .

Malgré cet avantage comparatif reconnu dont disposent les producteurs ouest africains, leurs revenus et marges bénéficiaires ne cessent de diminuer. Cette situation est hautement favorisée par les politiques de subventions des pays du Nord qui concourent à la chute des cours mondiaux du coton (ENDA, 2005 : 7). Ainsi, « sur la saison 2001-2002, l'estimation des élasticités montre qu'une augmentation de 1 % des subventions accordées par les USA et l'Union européenne a entraîné une baisse de 3,8 % des cours mondiaux du coton » (Adjovi et al., 2003).

De plus, la hausse du prix du pétrole ces dernières années a entraîné l'augmentation du coût des intrants agricoles (ces coûts ont augmentéde plus de 50% entre 2005 et 2008, malgré les subventions aux intrants pratiquées dans de nombreuses filières (CCIC/ICAC, 2012 : 17). Tous ces facteurs ont entraîné la dégradation du prix payé au producteur de coton (le prix au producteur est passé de 200 FCFA le Kg en 1996 à moins de 155 FCFA le kg en 2007) et la chute des emblavements en Afrique de l'Ouest et du Centre en général et au Bénin en particulier. Au Bénin, entre la campagne cotonnière 2003-2004 et celle de 2007-2008, la production du coton a chuté de 63% (USDA, cité par Stratégied'opérationnalisation et déclinaison en plans d'investissements sectoriels de la vision Bénin 2025, 2008 : 16). Pour faire face à la baisse de leurs revenus, les cotonculteurs ont tendance à délaisser la culture du coton et à la substituer avec d'autres cultures qui nécessitent moins d'intrants agricoles (Stratégied'opérationnalisation et déclinaison en plans d'investissements sectoriels de la vision Bénin 2025, 2008 : 14).

Les producteurs qui n'ont pas d'autres alternatives à la culture du coton essaient de maintenir le niveau de leurs revenus en réduisant leurs charges de production. En Afrique, l'agriculture est encore manuelle3(*) et nécessite l'utilisation importante de main d'oeuvre pour les différentes opérations culturales. A cet effet, la main d'oeuvre constitue l'une des charges de production les plus importantes. Une réduction du coût de cette dernière entrainera une baisse considérable des charges de production. La main d'oeuvre moins chère est alors recherchée et utilisée. « ... child labor costing less than adult labor ; it's used to save costs » ( Global March Against Child Labor, 2012 : 11). Les agriculteurs recourent alors à la main d'oeuvre des femmes et surtout celle infantile. « Around 60 percent of all child labourers - 129 million girls and boys - work in agriculture. More than two-thirds of them are unpaid family members. The agricultural sector has the highest incidence of both unpaid child labor and early entry into the workforce, which often occurs between the ages of five and seven»4(*)

«  Le travail des enfants est une `'aberration économique'' et une violation des droits humains... » (Aguilar Molinaet al., 2001 : 7).

Le Bénin est conscient des enjeux liés au travail des enfants, en témoignent sa ratification à plusieurs conventions de l'OIT contre le travail des enfants (la convention n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi (1973) et la convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants (1999). Malgré cette détermination, le travail des enfants y est encore un sujet d'actualité notamment dans le domaine agricole (BIT/INSAE, 2009 : 13)

Par ailleurs, la perception dans les sociétés africaines et la place de l'enfant dans sa famille confèrent une fonction économique et sociale au travail des enfants. Tingbé-Azalou (sd : 4) remarque que le travail des enfants vu sous l'angle de la socialisation en Afrique est une réalité plutôt complexe qui met en jeu des phénomènes socioculturels importants.

Au Bénin, peu d'études ont été réalisées sur le travail des enfants dans la filière coton, malgré l'importance de cette dernière pour le pays. Comment comprendre et éradiquer le travail des enfants si des études ne sont pas effectuées dans le domaine ?

C'est dans cette perspective que s'inscrit la présente étude intitulée : « Le travail des enfants dans l'agriculture, mythe ou réalité ? Une étude de cas dans les exploitations cotonnières au Bénin»

La question centrale de recherche à laquelle cette étude se propose de répondre est la suivante :Quels sont les déterminants du travail des enfants dans les exploitations cotonnières au Bénin ?

Plusieurs questions connexes découlent de cette question centrale : elles se déclinent dans les points suivants :

- Quelles sont les formes et les conditions de travail des enfants dans les exploitations cotonnières ?

- Quelles sont les effets positifs et négatifs que pourraient avoir le travail des enfants dans les exploitations cotonnières ?

1.3. Objectifs et intérêts de l'étude

L'objectif général de cette étude est de contribuer à la compréhension du travail des enfants dans le secteur agricoleau Bénin.

De façon spécifique, la présente étude se propose de :

- OS1- Identifier et Analyser les facteurs qui expliquent le travail des enfants dans les exploitations cotonnières ;

- OS2- Analyser les effets du travail des enfants dans les exploitations cotonnières.

L'intérêt de la présente étude

F La présente étude est importante en ce sens qu'elle permettra aux acteurs de la lutte contre le travail des enfants au Bénin de disposer d'informations sur le phénomène du travail des enfants dans la production cotonnière en vue d'y remédier efficacement.

F « Ces dernières années, les consommateurs sont de plus en plus exigeants sur la `'qualité'' du coton qu'ils veulent plus `'propre'' et `'social''. A cet effet, plusieurs industries textiles sont demandeuses de cotons équitable et biologique. Ces filières représentent une opportunité pour le coton africain. Elles assurent aux producteurs un revenu convenable5(*) et permettent une valorisation du caractère durable (très peu consommateur de carbone et d'intrants chimiques) de la production du coton africain »6(*). Le présent travail permettra au Bénin de mieux cerner les contours du travail des enfants dans les champs de coton en vue d'y remédier efficacement. Le pays pourra de ce fait se positionner convenablement sur ces branches du marché mondial.

F L'utilisation de la main d'oeuvre infantile en agriculture prive sans doute une partie des jeunes et adultes en âge de travailler d'emplois. La suppression progressive du travail des enfants pourrait contribuer un tant soit peu à la réduction du taux de chômage au Bénin.

F De façon personnelle, la présente étude m'offre l'opportunité d'appliquer de manière approfondie les nouvelles connaissances que j'ai acquises lors de la formation en Master complémentaire en Développement, Environnement et Sociétés. Ces connaissances qui sont révélées par les travaux empiriques me seront sans aucun doute d'une grande utilité dans mon parcours professionnel actuel et futur.

1.4. Hypothèses de recherche

Tremblay et Perrier (2006) définissent une hypothèse comme « une supposition qui est faite en réponse à une question de recherche ».

Deux hypothèses de recherche sous-tendent la présente recherche :

Hypothèse 1 :Le travail des enfants dans les exploitations cotonnières est lié au niveau de vie du ménage.

La pertinence de cette hypothèse réside dans le fait que la main d'oeuvre familiale et infantile est faiblement rémunérée. Les exploitations agricoles font recours à la main d'oeuvre infantile pour diminuer leurs coûts de production afin de maintenir leur niveau de revenus face à la baisse des cours mondiaux de coton et à la cherté des intrants agricoles. Plus une famille est pauvre, plus elle fera recours à ce type de main d'oeuvre.

Hypothèse 2 : Le travail des enfants dans les exploitations cotonnières est lié aux perceptions sociales et culturelles.

Le travail des enfants est perçu dans les sociétés africaines comme une forme de socialisation et de préparation de l'enfant à la vie adulte. En effet, l'organisation sociale du travail prédisposerait l'utilisation du travail des enfants dans les exploitations agricoles.

CHAPITRE 2 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

Le deuxième chapitre de cette étude aborde en premier lieu, les notions et concepts nécessaires à la compréhension du travaildes enfants. Ensuite, il aborde le cadre théorique de l'étude. Enfin dans ce chapitre, il sera aussi question du cadre contextuel de l'étude en lien avec le cadre conceptuel.

2.1. Cadre conceptuel

La définition des concepts clés abordés implicitement ou explicitement par le sujet de recherche s'avère importante pour une meilleure compréhension de l'étude.

2.1.1. Le concept Enfant

Selon le Dictionnaire de l'Académie française, étymologiquement, le mot enfant vient du latin « infans » et signifiait chez les Romains, « celui qui ne parle pas »7(*).

Du point de vue biologique, « l'enfant désigne une personne qui n'a pas encore atteint l'âge reproductif »8(*) .

Sur le plan légal, plusieurs définitions de l'enfant existent dans la littérature :

v Selon le Dictionnaire pratique du droit humanitaire, «l'enfant est un individu qui ne dispose pas d'une personnalité juridique individuelle. Il est protégé par sa famille ou, en cas de défaillance de sa famille, par la société. L'enfant est une personne qui a des besoins spécifiques pour pouvoir se développer normalement sur les plans physique et mental.».

v Par ailleurs, dans l'article 1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, «Un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation applicable. »9(*).

v Au niveau de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant, « l'enfant est défini comme tout être humain âgé de moins de 18 ans ».

D'après l'analyse de toutes ces définitions, l'enfant est perçu comme un être en devenir qui nécessite une attention particulière et qui a besoin d'être protégé. Ainsi l'enfant a des besoins, dispose de droits mais aussi de devoirs dans le contexte africain. En effet, « dans la société africaine, l'enfant a des responsabilités envers sa famille, la société, l'Etat... Il doit oeuvrer pour la cohésion familiale et doit assistance à ses parents en cas de besoin »10(*).

Dans la présente étude, la définition de l'enfant qui est retenue est celle de la charte africaine puisque le présent travail s'inscrit dans le contexte socioculturel africain. Cependant dans le cadre du travail des enfants, les statistiques disponibles font état de 5ans d'âge pour l'âge minimum de mise au travail des enfants.

Ainsi, dans la suite du travail, l'enfant est tout être humain âgé de 5 à 17 ans qui a non seulement le droit d'être protégé mais aussi qui a des devoirs vis-à-vis de sa famille et de la société en général.

2.1.2. Le Travail des enfants

Le travail des enfants n'est pas un phénomène nouveau. Il est un phénomène« mondial » et n'est ni circonscrit au continent africain ni aux pays dits en voie de développement en général. « Le travail des enfants touche en effet tous les continents : en Asie et dans le Pacifique, on note 122,3 millions d'enfants de 5 à 14 ans qui travaillent dans plusieurs secteurs d'activités. En Amérique latine et aux Caraïbes, on en dénombre 5,7 millions » (CSAO/ OCDE, 2009 : 8).

Le travail des enfants existait depuis le moyen-âgeet s'est accru au XIXème siècle pendant la révolution industrielle. Ainsi « les enfants travaillaient dans les manufactures et filatures anglaises. Au Maroc, les enfants confectionnaient des tapis ; Aux Etats-Unis, des enfants étaient exploités dans des ateliers de confection ; En Tanzanie, les enfants ramassaient du café... » (UNICEF, 1997 : 17).

A cette époque, le travail des enfants était jugé plutôt bénéfique. Certains homme politiques défendaient le caractère moral du travail des enfants par le fait qu'il permet à ces derniers de s'occuper et d'éviter par voie de fait qu'ils ne deviennent des cas sociaux (d'HOOP, 2001 :17).

Le travail des enfants est une expression assez complexe à définir. Le travail des enfants est perçu différemment selon les cultures, les circonstances et les secteurs d'activité. A cet effet, une définition universalisable du travail des enfants n'existe pas encore (CSAO/ OCDE, 2009 : 9). Cette complexité de l'expression travail des enfants est également soulignée par

Melebeck (2001 : 70) qui dit que « le travail des enfants va du travail destructeur et des pires formes d'exploitation esclavagiste jusqu'au travail bénéfique et formateur qui renforce ou favorise le développement de l'enfant sans compromettre sa scolarité, ses loisirs et son repos... ».

Ainsi, certains types de travaux sont bénéfiques pour les enfants tandis que certains sont destructeurs.

Cette même différentiation entre `'travail bénéfique'' et `'travail destructeur'' est faite dans un rapport de l'UNICEF11(*) par rapport au travail des enfants. Une définition du travail des enfants doit alors intégrer ce paramètre.

« Le travail est bénéfique pour l'enfant lorsqu'il renforce ou favorise son développement physique, mental, spirituel, moral ou social sans compromettre sa scolarité, ses loisirs et son repos. Il est par contre destructeur ou synonyme d'exploitation lorsque nuisible au développement de l'enfant. Le travail des enfants se situe ainsi entre ces deux extrémités » (UNICEF, 1997 : 25). Déjà en 1986, l'UNICEF a établi 9 critères qui transforment le travail des enfants en exploitation lorsque les paramètres contenus dans l'encadré 1 sont impliqués.

Encadré 1: Critères caractérisant l'exploitation des enfants

Encadré 1 : Critères impliquant l'exploitation des enfants

v Un travail à plein temps à un âge trop précoce ;

v Trop d'heures consacrées au travail ;

v Des travaux qui exercent des contraintes physiques, sociales et psychologiques excessives ;

v Un travail et une vie dans la rue, dans des conditions peu salubres et dangereuses ;

v Une rémunération insuffisante ;

v L'imposition d'une responsabilité excessive ;

v Un emploi qui entrave l'accès à l'éducation ;

v Des atteintes à la dignité et au respect de soi des enfants, comme l'esclavage ou la servitude et l'exploitation sexuelle ;

v Un travail qui ne facilite pas l'épanouissement social et psychologique complet.

Source : (UNICEF, 1986 : 3-4 cité par UNICEF, 1997 : 25)

Cette même différentiation est faite par le Bureau International du Travail pour la définition du travail des enfants. « Cette définition exclut du travail des enfants toute forme de travaux ne nuisant pas à la santé, au développement physique, ou n'entravant pas la scolarité des enfants et adolescents qui y participent » (BIT, 2002 cité par BIT, 2004 : 16). Cette définition rejoint la notion de travail bénéfique précédemment explicitée.

Selon le BIT (op.cit), sont classées dans ces formes de travaux bénéfiques « les activités ménagères ou familiales, exercées dans lesentreprises familiales ou les activités exercées en dehors des heures scolaires etpendant les vacances en vue de gagner de l'argent de poche puisqu'elles contribuent au développement des enfants et au bien-être de leur famille ».

Le BIT (op.cit) définit alors « le travail des enfants comme l'ensemble des activités qui privent les enfants deleur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et nuisent à leur développementphysique et psychologique. Sont considérés comme travail des enfants toutes formes de travaux susceptibles de nuire à la santé et au développement physique, mental, moral ou social desenfants; et decompromettre leur éducation (en les privant de toute scolarisation;en les contraignant à abandonner prématurément l'école; ou en les obligeant à cumuler des activités scolaire et professionnelle, cette dernièreétant trop longue et lourde pour eux ».

« La définition du travail des enfants acceptée et généralement utilisée est celle contenue dans les conventions 138 et 182 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT). Elle implique :

a) Toutes activités économiques exercées par des enfants âgés de moins de 11 ans ;

b) Toutes activités économiques qui impliquent des enfants dont l'âge est compris entre 12 et 14 ans à l'exclusion des « travaux légers » ;

c) Toutes activités économiques effectuées dans des conditions dangereuses par des enfants dont l'âge est compris entre 15 et 17 ans ;

d) « Les pires formes » de travail des enfants effectués avant l'âge de 18 ans ».

(CSAO/OCDE, 2009 : 11).

L'article 32 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE), stipule que « l'enfant a le droit d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ».

Cet article oblige les Etats parties à faire respecter ce droit de l'enfant relatif au travail des enfants et à prendre des dispositions pour l'application de cet article :

§ Fixation de l'âge minimum d'admission à l'emploi ;

§ Fixation des horaires de travail et des conditions d'emploi ;

§ Prise de peines et de sanctions pour les contrevenants à cet article.

L'article 15 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant reprend la même définition que celle contenue dans la CIDE. Mais elle ajoute au niveau des dispositions des Etats parties un quatrième point qui est de «  favoriser la diffusion à tous les secteurs de la communauté d'informations sur les risques que comporte l'emploi d'une main d'oeuvre infantile » ;

Par ailleurs, les critères qui permettent de définir et de catégoriser le travail des enfants selon les différentes définitions peuvent se résumer en sept (7) points :

La durée du travail : le nombre d'heures par jour consacrées par l'enfant au travail ;

La pénibilité du travail : cette pénibilité se définit en fonction de la charge du travail en fonction de l'âge de l'enfant ;

Les conditions et environnement de travail : ce critère implique le lieu où s'exerce le travail ainsi que sa dangerosité sur la santé morale et physique de l'enfant ;

La rémunération du travail : ce critère concerne le travail salarié (en espèces ou en nature) et le travail non rémunéré;

L'accès à l'éducation : ce critère est utilisé lorsque le travail des enfants empêche la scolarisation et le maintien de l'enfant à l'école ;

L'âge minimum de travail : dans plusieurs pays, une catégorisation est faite par rapport au type de travail que peut exercer un enfant en fonction de son âge ;

Le cadre de travail : ce critère est utilisé pour différencier le travail de l'enfant dans le cadre familial ou un autre cadre (chez des patrons, hors du cadre familial, en émigration...)

L'analyse de ces différentes définitions montre que le travail des enfants est considéré sous deux angles: le travail qui favorise le développement de l'enfant d'une part, et celui qui compromet son développement et son bien-être et les pires formes de travail d'autre part.

Ainsi, dans cette étude la notion de `'travail des enfants'' implique le travail qui a des effets et impacts négatifs sur le bien-être des enfants.

2.1.3. Main d'oeuvre infantile

Selon le dictionnaire de la langue française, la main d'oeuvre est définie comme « tout travail effectué par un ouvrier, le plus souvent en rapport avec sa valeur, son prix. En anglais, c'est le `'labour force'' »12(*)

Selon (STCP et IITA, 2002 : 23), « La main d'oeuvre infantile peut être décrite comme tout travail qui n'est pas conforme aux principes définis dans les conventions et les recommandations, notamment lorsque l'âge de l'enfant est inférieur au minimum, pour une occupation ou un type de travail donné ou si l'enfant travaille à une occupation qui, autrement ne serait pas dangereuse, mais le devient pour les adolescents dans les conditions en questions ». Ainsi même si l'enfant exerce une tâche moralement, socialement et légalement acceptée, dans certaines conditions telles qu'un volume horaire élevé par semaine par exemple, cette tâche peut être qualifiée de main d'oeuvre infantile.

« Cette définition marque une distinction entre le travail économique des enfants et la main d'oeuvre infantile. Elle définit le travail économique comme toutes activités que les enfants accomplissent au sein ou en dehors du foyer en échange d'un salaire, d'un revenu ou d'un profit familial, y compris le travail familial non rémunéré » (STCP et IITA, op.cit.).

La main d'oeuvre infantile fait apparaitre alors la notion de l'âge minimal de l'enfant, de la dangerosité du travail et des conditions spécifiques dans lesquelles ce travail s'effectue. Elle pourrait alors être assimilée à la notion d' `'exploitation abusive de l'enfant''

Les critères énoncés précédemment au niveau du travail destructeur sont également repris au niveau de la définition de la main d'oeuvre infantile. Par souci de clarté, pour la présente étude, le concept main d'oeuvre infantile est assimilé au travail destructeur de l'enfant. Ainsi, il n'y aura pas de distinction entre ces deux concepts. Le travail des enfants est synonyme de main d'oeuvre infantile dans la suite du présent document.

2.1.4. Le concept de niveau de vie des ménages

Le concept niveau de vie est défini comme « la quantité de biens et services dont peut disposer un individu, un ménage ou un groupe social, en fonction de ses ressources »13(*).

« Le niveau de vie d'un ménage est mesuré par le revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (uc). Il est donc le même pour tous les individus d'un même ménage »14(*).

« La notion de niveau de viediffère de celle de «  qualité de vie ». Cette dernière prend en compte non seulement le niveau de vie matériel, mais aussi le niveau immatériel/humain qui englobe des facteurs comme les loisirs, la sécurité, les ressources culturelles, la santé mentale, etc »15(*).

A la lumière des différentes définitions, le concept de niveau de vie prend en compte uniquement le niveau de revenus ainsi que le niveau de consommation du ménage. Ainsi, pour une analyse plus complète, c'est plutôt la notion de qualité de vie qui est selon moi, la plus adaptée car elle intègre plusieurs facteurs non moins importants pour la caractérisation d'un ménage.

Mais compte tenu du temps qui est imparti à la présente recherche, c'est le concept niveau de vie qui sera utilisée.

2.1.5. Le concept d'exploitation agricole

Dans le contexte européen en général et français en particulier, « l'exploitation agricole est définie comme une unité de production remplissant les trois critères suivants :

v produire des spéculations agricoles ;

v avoir une gestion courante indépendante ;

v atteindre un certain seuil en superficie, en production ou en nombre d'animaux »16(*).

« La définition du concept exploitation agricole dans le contexte africain est différent de par sa complexitéde celle du contexte européen (Gastellu, 1980 ; Benoit-Cattin et Faye, 1982 ; Ancey, 1975 cité par Mbétid-Bessaneet al., 2006 : 556). En effet, la notion d'exploitation agricole en Afrique peut varier d'un pays à un autre et même d'une région à une autre dans un même pays. Toutefois le consensus semble être fait sur la définition de Gastellu et Dubois (1997) qui proposent de substituer le concept d'exploitation agricole à celui de « communauté économique ». Selon ces auteurs, la communauté économique regroupe un ensemble de personnes qui se coordonnent pour assurer trois fonctions économiques : la production, la consommation, et l'accumulation. Ces fonctions bien distinctes assurées par les exploitations agricoles en Afrique ont été précédemment identifiées par Tchayanov dans les secteurs informels de l'économie paysanne de la société russe. La communauté de production est perçue comme le groupe de personnes qui contribuent à la création et à la fourniture du produit ; la communauté de consommation est perçue comme le groupe de personnes qui participent à la destruction d'une partie du produit en vue de la reconstitution de la force de travail ; et la communauté d'accumulation est perçue comme le groupe de personnes qui mettent en commun le surplus obtenu après la consommation » (Mbétid-Bessane et al., 2006 : 557).

Dans le cas de la présente étude, seule l'unité de production sera abordée au niveau des exploitations cotonnières. Les exploitations cotonnières sont composées de plusieurs unités de production. Par ailleurs, l'exploitation cotonnière est assimilée au ménage dans cette étude.

2.2. Revue de littérature

2.2.1. Revue de littérature sur la filière coton au Bénin

2.2.1.1. Bref aperçu du secteur agricole au Bénin

Le Bénin est un pays de l'Afrique de l'Ouest qui s'étend sur une superficie de 115.762 km2 avec une population d'un peu moins de 9 millions d'habitants. Il est limité au Nord par le Niger et le Burkina-Faso, au Sud par l'océan Atlantique à l'est par le Nigéria et à l'ouest par le Togo. Il forme un couloir vers les pays de l'hinterland17(*). Le Bénin fait partie des pays les plus pauvres du monde avec un revenu annuel par habitant de 700 dollars US en 2008(PSRSA, 2010 :1).

Au Bénin, le secteur agricole est le premier pourvoyeur d'emplois et constitue la principale source de créations de la richesse économique nationale. Plus de 60% des actifs masculins et 35,9% des actifs féminins réellementoccupés exercent une profession agricole (INSAE, 2002 cité par PSRSA, 2010 : 9). « L'agriculture béninoise contribue à la formation du PIB pour plus de 30%. Les acticités de productions végétales, animales, halieutiques et forestières se développent dans huit (8) zones agro écologiques dont dispose le pays. La taille moyenne des exploitations familiales est = 1,7 ha pour 7 personnes. Environ 5 % des exploitations du sud et 20% de celles du nord disposent d'exploitations dont la taille est = 5ha » (Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche et Ministère du Développement, de l'Economie et des Finances du Bénin, 2006, cité par PSRSA, 2010 : 2)

La production végétale du pays concerne les cultures vivrières et les cultures de rente. Parmi les cultures de rente, le coton est la plus dominante. Le graphe 1 ci-dessous présente l'évolution de la production du coton au Bénin. Malgré la tendance à la baisse que connaît cette culture ces dernières années, elle reste la première culture d'exportation du Bénin.

Graphique 1: Evolution de la production du coton graine au Bénin

Source : USDA, cité dans le document de Stratégied'opérationnalisation et déclinaison en plans d'investissements sectoriels de la vision Bénin 2025, 2008 : 16.

2.2.1.2. Le cotonnier et ses zones de productionau Bénin

v Le cotonnier

Le coton est une fibre naturelle et plus particulièrement végétale issue d'une plante arbustive, le cotonnier. Son genre est Gossypium avec plusieurs espèces cultivées : Les variétés cultivées appartiennent essentiellement aux espèces Gossypium hirsutum et Gossypium barbadense18(*), accessoirement à G. arboreum et à G. herbaceum. Le cotonnier fait partie de la famille des Malvacées et pousse dans les régions tropicales et subtropicales arides. Toutefois, le développement de méthodes culturales adaptées a permis l'extension de sa culture à l'intérieur d'une bande allant de 47° de latitude nord (Ukraine) à 32° de latitude sud (Australie). Au cours de la campagne agricole 2007/2008, l'Organisation des Nations Unies a répertorié 65 pays qui cultivaient du coton dont la répartition par continent est présentée dans le graphe 2 (infocom/CNUCED, Sd)19(*).

Graphique 2: Nombre de pays producteurs de coton fibre par continent pour la campagne agricole 2007/2008

Source: Graphique réalisé à partir des données du Secrétariat de la CNUCED20(*)

d'après les données statistiques du CCIC.

L'analyse du graphique 2 montre que le nombre de pays producteurs de coton est plus élevé en Afrique et en Asie que dans les autres continents. Ce constat est justifié en raison de l'écologie de la plante qui nécessite des températures comprises entre 12°C et 15°C pour sa germination. Aussi, pour les phases de fructification et de maturation, le cotonnier nécessite des régions très ensoleillées21(*).

Le cotonnier est généralement exploité comme une plante annuelle et est utilisé pour ses fibres et ses graines oléagineuses. Les tourteaux issus de la trituration des graines sont utilisés dans l'alimentation du bétail En outre, les graines de coton servent à la productiond'une huile alimentaire qui se classe au cinquième rang mondial quant aux quantités utilisées, avec environ 5% de la consommation mondiale d'huiles végétales (infocom/CNUCED, Sd).

Photo 1 : Cotonnier avec du coton-grainePhoto 2 : Graines de coton recouvertes de linter

v Zones de production du coton au Bénin

Les conditions climatiques du Bénin se prêtent bien à la culture du coton. Avec une température moyenne autour de 28°C et des précipitations annuelles variant entre 900 et 1300mm, la production du coton en culture pluviale y est rendue possible. Seule la partie sud proche de l'océan Atlantique n'est pas propice à cette culture en raison du taux élevé de l'humidité relative de l'air (Franke 1976, Mémento de l'Agronome cité par Lawson, 2008). Le cotonnier est cultivé par environ un tiers des paysans au Bénin et occupe environ 20 % de la superficiecultivéeau niveau des exploitations agricoles.L'espèce Gossypiumhirsutum est la plus cultivée. Le Bénin dispose de huit (8) zones agroécologiques dont cinq (5) sont des zones de production cotonnière (Voir Annexe1).Il s'agit de la :

§ Zone cotonnière du Nord ;

§ Zone vivrière du sud du Borgou ;

§ Zone de l'Ouest Atacora ;

§ Zone cotonnière du Centre Bénin

§ Zone des terres de barre.

Le tableau 1 présente les communes et les systèmes culturaux des différentes zones de production cotonnière au Bénin.

Tableau 1: Répartition des zones de production cotonnières au Bénin

Zones

Communes

Systèmes culturaux (à base de)

Zone cotonnière du Nord 

Ségbana, Gogounou, Banikoara, Kandi et Kérou

Sorgho, maïs et igname

Zone vivrière du Sud du Borgou 

N'Dali, Nikki, Kalalé, Sinendé, Péhunco,

Bembèrèkè et Kouandé

Igname

Zone de l'Ouest de l'Atacora 

Cobly, Ouaké, Boukoumbé,

Tanguiéta, Natitingou, Djougou, Toucoutouna et Copargo

Mil, sorgho et igname

Zone cotonnière du Centre du Bénin 

Bassila, Parakou, Tchaourou, Bantè,

Savè, Savalou, Kétou, Djidja, Dassa et Aplahoué

Céréales, tubercules et légumineuses.

Zone des terres de barre

Abomey-Calavi, Allada, Kpomassè, Tori-Bossito, Zè, Djakotomè, Dogbo, Klouékanmè, Houéyogbé, Toviklin, Adjarra, Ifangni, Missrété,Avrankou, Porto-Novo, Sakété, Abomey, Agbangnizoun, Bohicon, Covè, Za-kpota, etZagnanado.

Maïs en tête de rotation, manioc, et

surtout l'arachide.

Source : Ton et al., (2004 : 6)

Les trois premières zones,qualifiées de zones Nord, à elles seules rassemblent 86% de la production nationale de coton et sont composées des départements de l'Atacora (18%), Alibori (41%), Borgou (21%) et Donga (5%). Les deux dernières zonesrassemblent 14% de la production nationale et sont composées des départements des Collines, Zou, Mono, Couffo, Ouémé et plateau (Ton, et al., 2004 :6 ).

2.2.1.3. Description de la filière coton au Bénin

v Historique de la production de coton

La culture du coton a été introduite au Bénin depuis les années 1960, année d'indépendance du pays. Son introduction forcée en milieu rural comme culture de rente par les pouvoirs publics d'alors ne fut pas sans résistance. Toutefois, une grande majorité de producteurs y ont adhéré par la suite (Agbachi Ale, 2008 : 89).

La production du coton au Bénin a évolué en dents de scie depuis 1960 jusqu'en 1986, année pendant laquelle, la culture du coton a commencé par prendre un réel essor.

§ « De 1960 à 1972 : Avec l'appui technique (encadrement technique, introduction de nouvelles variétés...) de la Compagnie Française du Développement des Fibres et Textiles (CFDT) pour le Borgou22(*) et la Société d'Aide Technique et de Coopération (SATEC) pour le Zou23(*) à travers les projets de développement, la production de coton a été impulsée au Bénin ;

§ De 1972 à 1977 : Suite à un coup d'état militaire dans le pays le 26 0ctobre 1972, où un régime marxiste-léniniste prit le pouvoir il fut demandé à la CFDT de quitter le Bénin, puisque la culture du coton était perçue comme un symbole du colonialisme. Cette situation entraina une chute considérable de la production.

§ De 1978 à 1986 : Reprise hésitante, puis relance rapide de la production cotonnière grâce à l'appui de la Banque mondiale et de l'Agence Française de Développement à travers le financement de grands projets de développement rural intégré du Borgou et du Zou.

§ Au début des années 1986, la filière a été prise en charge par l'Etat à travers la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA). Cependant, dans cette même période, suite à la crise de la dette et des Programmes d'Ajustements Structurels (PAS), plusieurs rôles, jadis assurés par l'Etat ont été délégués au secteur privé et aux organisations paysannes. En outre, l'histoire de la production cotonnière au Bénin n'est pas linéaire. Elle est jalonnée de crises, dont l'actuelle en 2012 est la reprise en main de la filière coton et la suspension de l'accord24(*) qui le liait à l'Association Interprofessionnelle de Coton (AIC).» (Akinde, 2012 : 97)

v Importance de la filière coton

A l'instar de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, la filière cotonnière est économiquement et socialement stratégique pour le Bénin comme le montre le tableau 2 ci-après.

Tableau 2:Importance socioéconomique de la filière coton au Bénin

Contribution du coton

Importance macroéconomique

Tissu industriel local

60%

Formation du PIB en termes de valeur ajoutée

13%

Recettes intérieures

45%

Recettes d'exportation

80%

Importance socioéconomique

Contribution au revenu monétaire des producteurs (surtout au Nord)

2/3 voire ¾

Génération d'emplois directs et indirects

Environ 320 hommes-jours agricole/tonne de coton fibre produite

3500 emplois au niveau des usines de transformation

Construction d'infrastructures sociocommunautaires...

Source :Tableau construit à partir des données du Ministère de l'économie et des finances, Bénin (2010 : 11-13)

L'analyse du tableau montre que la filière coton est l'une qui emploie le plus de main d'oeuvre aussi bien salariée que familiale dans le secteur agricole au Bénin.

v Différents maillons et acteurs directs de la filière

« Deux grandes catégories d'activités sont conduites au sein de la filière coton au Bénin. Il s'agit de la :

§ la production du coton graine par les producteurs qui sont de petits exploitants agricoles ;

§ la transformation du coton graine en coton fibre et graines par les usines d'égrenages (20 au total) d'une part et la trituration des graines par des huileries qui en extraient de l'huile alimentaire et des tourteaux pour l'alimentation animale.

A l'issue de cette transformation, 95% du coton fibre est exporté et 5% sont destinés aux filatures locales. L'huile et les tourteaux sont utilisés sur le plan local et dans une moindre mesure au plan régional. Ces différents maillons de la filière sont soutenus par différentes organisations et structures publiques et privées à travers l'encadrement technique, l'approvisionnement en intrants et la commercialisation du coton. Il s'agit entre autres de la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA), des Centres Agricoles Régionaux pour le Développement Rural (CARDER), de l'Association Interprofessionnelle du Coton (AIC)25(*) » (Ahohounkpanzon et Zakari Allou, 2010 :1).

La figure 1 ci-après présente les principaux maillons de la filière coton au Bénin ainsi qu'une présentation sommaire des acteurs de chaque maillon.

Figure 1: Acteurs et maillons de la filière coton au Bénin

Source : Adapté de Ahohounkpanzon et Zakari Allou (2010 :1)

Les secteurs de la production et de la transformation sont ceux qui emploient le plus de main d'oeuvre dans la filière coton au Bénin comme le montre le tableau 1.

La main d'oeuvre familiale et salariée est utilisée majoritairement au niveau de la production. « Au Mali, la production cotonnière est surtout axée sur la main d'oeuvre familiale » (Nubukpo et Kéita, 2005). A l'instar du Mali, les principales zones cotonnières de l'Afrique de l'Ouest et du centre dont le Bénin utilisent ce type de main d'oeuvre.

v Utilisation de la main d'oeuvre dans le secteur cotonnier

« L'utilisation de la main d'oeuvre infantile dans l'agriculture découle généralement de la structure des systèmes de production familiale et agricole qui met les enfants au travail précocement pour faire face à la forte demande en main-d'oeuvre » (CSAO/OCDE, 2009 : 7)

Au Bénin, la production du coton se fait en grande partie avec l'aide de la main d'oeuvre familiale. Cette main d'oeuvre est constituée des hommes, des femmes, des enfants. Les hommes s'occupent des opérations culturales qui nécessitent l'utilisation de matériels agricoles (labour à charrue, la fertilisation à base d'engrais synthétiques, les traitements phytosanitaires). Les femmes et les enfants quant à eux participent aux opérations du semis, au sarclage et à la récolte. Pour les opérations dont la pénibilité est élevée, la main d'oeuvre salariée composée de travailleurs temporaires migrants ou non est utilisée (Ton et al., 2004: 10-11).

Une étude menée au Mali sur la part de la main d'oeuvre salariée dans les opérations culturales au niveau de la production de coton révèle que les producteurs y font recours pour la récolte et le sarclage en grande partie. Les autres activités culturales sont plutôt du ressort de la main d'oeuvre familiale comme le montre la figure 2 (Nubukpo et Kéita, 2005 : 2005).

Une étude conduite en 2009 dans les zones cotonnières au Bénin fait état de l'utilisation de plusieurs types de main d'oeuvre dans les exploitations cotonnières: la main d'oeuvre salariée qui peut être permanente, saisonnière ou journalière ; la main d'oeuvre familiale et les travailleurs issus des groupements d'entraide et de solidarité (utilisés occasionnellement et en très faible proportion). L'allocation de ces différents types de mains d'oeuvre varie en fonction de la taille de l'exploitation ; des types d'outils utilisés pour les opérations culturales (traction animale ou manuelle) ; du type de rémunération et de la charge des exploitations, c'est-à-dire le ratio entre le nombre d'actifs et le nombre d'inactifs de l'exploitation (Yerima et Affo, 2009 : 10)

Graphique 3: Répartition de la main d'oeuvre salariée dans les opérations culturales du coton au Mali pour la campagne 2003-2004

Source : Graphique réalisé à partir des données du MAEP/CAMFPGP cité par Nubukpo et Kéita (2005 : 14)

2.2.2. Revue de littérature sur le travail des enfants

2.2.2.1. La situation du travail des enfants au Bénin : quelques statistiques26(*)

Le tableau 3 présente quelques données sur le travail des enfants au Bénin. Ces données sont issues de l'enquête nationale sur le travail des enfants réalisées au Bénin en 2008.

Au total, 1.952.227 enfants âgés de 5 à 17 ans ont été recensés lors de l'enquête. Sur cet effectif, 664.537 enfants sont occupés économiquement, soit 34% des enfants âgés de 5 à 17 ans.

Tableau 3: Quelques statistiques sur le travail des enfants au Bénin

Milieu de résidence (%)

Sexe

Typologie des enfants

Volume horaire (moyen) par semaine

Statut des enfants travailleurs*

-Urbain : 18,7%

(N=124.244)

-Rural : 81,3%

(N=540.293)

-Masculin : 53,5%

-Féminin : 46,5%

-Enfants astreints à un travail à abolir : 90,1%

(N=598.521)

-Enfants exerçant des travaux légers : 9,9%

(N=66.016)

Garçons : 16h

Filles : 19h

-Travailleurs familiaux non rémunérés : 83%

-Travailleurs indépendants : 6%

-Apprentis/Stagiaires : 7%

-Travailleurs rémunérés : 4%

-Enfants effectuant des travaux dangereux : 69,3%

(N=460.297)

-Enfants effectuant des travaux non dangereux : 30,7%

(N=204.240)

N= effectif ; % : Pourcentage ; * : ces statistiques sur le statut du travail concernent l'ensemble des enfants effectuant des travaux à abolir dont l'effectif est de 598.521 enfants.

Source :BIT/INSAE (2009 :61) Effectif total des enfants occupés économiquement âgés de 5 à 17 ans: 664537 enfants. Ainsi les statistiques données concernent cet effectif.

2.2.2.2. Les secteurs d'activités des enfants travailleurs au Bénin

« De par le monde, 215 millions d'enfants travaillent dont 115 millions impliqués dans des travaux dangereux » (ILO, 2010 : 6-7).

Dans le monde et au Bénin, le secteur agricole est celui où plus d'enfants travailleurs sont trouvés comparativement aux autres secteurs d'activités. Respectivement 60% et 64,5% d'enfants âgés de 5 à 17 ans travaillent dans l'agriculture dans le monde et au Bénin (Cf. graphique 4). Ces statistiques montrent l'ampleur du travail des enfants dans le secteur agricole au Bénin. Cette situation s'explique par le fait que l'agriculture y est faiblement ou presque pas mécanisée avec l'utilisation d'outils aratoires comme la houe, la daba... » (BIT/INSAE, 2009 : 22)

Graphique 4: Répartition d'enfants travailleurs par secteur d'activités dans le monde et au Bénin

Source : Graphe réalisé à partir des données de ILO (2010 : 10) pour les statistiques du monde et du BIT/INSAE (2009 : 22) pour les statistiques du Bénin

Au Bénin, le travail des enfants dans l'agriculture est un phénomène plus rural qu'urbain (81,3% d'enfants en milieu rural contre 18,7% en milieu urbain). Par ailleurs, les enfants de sexe masculin sont plus impliqués dans l'agriculture (73, 6%) que les enfants de sexe féminin (56, 3%). Le secteur agricole est suivi de loin par le commerce ou les services de restauration. Dans ce secteur dominé par la main d'oeuvre féminine, les filles sont plus astreintes à des travaux interdits27(*) que les garçons (27,3% contre 13,3%). Ces deux secteurs (agricole et services) regroupent plus de quatre cinquième des enfants astreints à un travail à abolir (BIT/INSAE, 2009 : 31), Voire tableau 4.

Tableau 4: Répartition par sexe et par secteurs d'activité des enfants astreints aux travaux à abolir au Bénin

 

Agriculture

Services

Autres

Total

Garçons

73,6%

13,3%

13,1%

100%

Filles

56,3%

27,3%

16,4%

100%

N= 598. 521 enfants (astreints à des travaux à abolir)

Source : BIT/INSAE, 2009 :87

2.2.2.3. Caractérisation du travail des enfants et typologie des enfants travailleurs

v Caractérisation du travail des enfants

Dansla littérature plusieurs caractérisations sont faites du travail des enfants. Ces caractérisations sont faites généralement en fonction de l'âge minimum de mise au travail et les conditions de travail des enfants. Ainsi le BIT propose une caractérisation du travail des enfants présentée dans la figure 2 ci-dessous. Les cases blanches correspondent aux formes de travail acceptablespour les enfants et les cases bleues aux formes de travail à abolir.

Figure 2: Typologie du travail des enfants

18ans

15ans

 
 
 
 
 

12ans

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Travail dangereux

Travail exclu de la législation sur l'âge minimum

Travail léger

Travail non dangereux

Formes intrinsèquement condamnables detravail des enfants

Source : OIT (2002) cité par BIT (2004 : 17)

L'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail est fixé par la législation nationale de chaque pays. La convention n° 138 de l'OIT fixe à 15 ans l'âge minimum pour les pays développés maisun enfant peut devenir un apprenti ou suivre une formationprofessionnelle à un plus jeune âge (14 ans), notamment dans les pays en voie de développement. Au Bénin, l'âge minimum pour le travail est fixé à 14 ans28(*).

Pour les travaux légers, l'âge peut être fixé à 12 ou 13 ans.

La figure présente 5 catégories de travail des enfants :

§ Le travail exclu de la législation sur l'âge minimum : regroupe les travaux ménagers, le travail dans l'entreprise familiale, le travail effectué dans le cadre de l'éducation

§ Le travail léger et le travail non dangereuxdoivent être sans danger pour la santé et le développement de l'enfant et ne doit pas l'empêcher d'aller à l'école ou de « bénéficier de sa formation ».

§ Le travail dangereux concerne :

o les travaux qui s'effectuent sous terre, sous l'eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés ;

o les travaux rares avec des machines, du matériel ou des outils dangereux, ou qui impliquent de porter ou de manipuler de lourdes charges ;

o les travaux qui s'effectuent dans un milieu malsain, pouvant par exemple exposer les enfants à des substances, des agents, ou des procédés, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé ;

o et les travaux qui s'effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l'enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de l'employeur.

§ Les formes intrinsèquement condamnables de travail des enfants : elles concernent le travail forcé, la servitude, le recrutement forcé dans les conflits armés, la prostitution et la pornographie, la traite et l'esclavage et toutes autres activités illicites.

Le Bénin n'a pas encore défini une liste exhaustive des types de travaux pouvant être qualifiés de dangereux pour les enfants.

L'encadré 2 suivant présente une liste de quelques tâches, qui lorsqu'effectuées régulièrement par les enfants sontconsidérées comme `'travail des enfants'' dans les exploitations de cacao.

Encadré 2: Liste des tâches considérées comme travail des enfants

Encadré 2 : Liste des tâches considérées comme `'travail des enfants'' incluant les travaux destructeurs et bénéfiques

Préparation des parcelles

Entretien des mauvaises herbes et plants de cacao

Épandage de pesticides et d'engrais

Récolte

Collecte et cassage des cabosses de cacao

Fermentation, transport

Séchage des fèves de cacao

Et autres activités liées à l'exploitation

Source : ICCA, 2002 cité par CSAO/OCDE, 2009 : 22

Parmi ces activités, la Côte d'ivoire, premier pays producteur de cacao dresse par arrêté ministériel une liste exhaustive des travaux déclarés dangereux dans la cacaoculture:

v Le traitement chimique des pépinières de cacao

v L'épandage de produits et engrais chimiques

v Le brûlage des champs

v L'abattage des arbres ;

v Le port de charges lourdes (Aka, 2009 : 39)

v Typologie des enfants travailleurs

Dans le cadre d'une étude intitulée `' travail des enfants dans les plantations ouest-africaines'', ICCA, 2002 (cité par CSAO/CAD, 2009 : 22) distingue trois catégories majeures d'enfants travailleurs en Afrique de l'Ouest selon le cadre, le milieu de travail ainsi que le type de rémunération de l'enfant synthétisées dans le tableau ci-après

Tableau 5: Typologie des enfants travailleurs dans les exploitations de cacao en Afrique de l'ouest

Catégorie

Cadre de travail

Milieu de travail

Type de rémunération

Travail en famille

Liens de parenté très proches du chef d'exploitation

Exploitation familiale

Travail rémunéré ou non

Travail en famille d'accueil

Liens de parenté élargie avec le chef d'exploitation

Exploitation d'un membre de la communauté ou d'un village

Travail rémunéré ou non

Travail salarié

Aucun lien de parenté avec le chef d'exploitation

Exploitation quelconque

Travail rémunéré

Source : Tableau réalisé et adapté à partir des données de ICCA, 2002 cité par CSAO/CAD, 2009 : 22)

· La 18ème conférence internationale des statisticiens du travail a consacré une « définition statistique du travail des enfants qui englobe les enfants de 5 à 17 ans qui, au cours de la période de référence, ont exécuté toute activité relevant du domaine de la production générale du Système de Comptabilité Nationale (SCN)29(*). Cette définition donne lieu à une typologie des enfants travailleurs (Voir encadré 3).

Encadré 3: Typologie des enfants travailleurs

Encadré 3 : Typologie des enfants travailleurs selon le Système de Comptabilité Nationale

Les enfants occupés économiquement : Les enfants occupés économiquement sont :

v ceux qui s'engagent dans toute activité qui couvrent l'ensemble de la production marchande et certains types de production non marchande (principalement la production de biens et de services pour compte propre) ;

v Ceux qui travaillent dans le secteur formel ou informel ;

v Ceux qui effectuent des tâches dans le cadre familial ou à l'extérieur ;

v Ceux qui effectuent des tâches rémunérées (en espèce ou en nature) ou non rémunérées.

Cet ensemble comprend deux sous-ensembles : les enfants astreints au travail et les enfants effectuant des travaux dangereux

§ Les enfants astreints au travail : effectuent des tâches sous leurs pires formes. Ils sont :

- Ceux qui accomplissent un travail sans avoir atteint l'âge minimum spécifié pour ce travail ; - Ceux qui travaillent pendant de longues heures par semaine ;

Sont exclus de cette catégorie tous les enfants qui ne sont employés que quelques heures par semaine à des travaux légers autorisés et ceux ayant dépassé l'âge minimum dont le travail n'est pas répertorié comme étant «dangereux» ou parmi les autres pires formes de travail des enfants.

§ Les enfants exécutant des travaux dangereux : ce sont ceux qui exécutent des activités ou toute autre occupation qui, de par leur nature ou type occasionnent directement ou indirectement des effets dommageables pour la sécurité, la santé et le développement moral de l'enfant.

Source : BIT, (2010 : 6)

2.2.2.4.La perception et la fonction du travail des enfants dans les sociétés africaines

Selon Rodgers et standing, (1981 cité par Lachaud, 2003 : 3), les « normesculturelles » revêtent et jouent un rôle importantdans les sociétés africaines.

Ainsi, le travail des enfants y est moulé dans des réalités sociales et culturelles complexes. Le travail des enfants est perçu dans les sociétés traditionnelles africaines comme une forme de socialisation et d'éducation de l'enfant. Il le prépare à sa vie de future adulte (Tingbé-Azalou, sd : 4 ; Lachaud,op.cit ; Diallo, 2008 : 2). Cette perception du travail des enfants peut être assimilée à celle du moyen-âge dans les sociétés occidentales où les enfants participaient à divers activités agricoles, ou du ménage lorsque leurs capacités physiques le leur permettent (Alexandre et Lett, 1998 ; Manier, 1999 cités par Bahri et Gendreau, 2002 : 497).

« L'héritage culturel des Africains est constitué d'une société à tendance gérontocratique où les aînés et les cadets ont des fonctions bien différentes.... Dans ce processus, les enfants doivent travailler sur les terres des aînés ou des parents, pour le compte de ceux-ci. En contrepartie, ils auront différentes formes d'assurance : l'obtention de femmes à épouser, de logement et de terres à cultiver pour leur propre compte, etc » (Koulibaly, 1997 cité par Diallo, 2008 : 3). De fait, l'organisation sociale des exploitations familiales en milieu rural favorise très tôt l'entrée des enfants sur le marché du travail (Lachaud, 2003 : 3-4).

Cependant, cet aspect traditionnel du travail des enfants est de plus en plus galvaudé. En effet, loin d'être une forme de socialisation et d'éducation, le travail des enfants assure dans le contexte africain actuel une fonction purement économique et monétaire, allant jusqu'à l'exploitation des enfants (Bahri et Gendreau, op.cit.).

Le phénomène « vidomégon » au Bénin en est une illustration parfaite. Il consiste à déplacer l'enfant de chez ses parents biologiques et à le placer chez l'un de ses parents proches ou éloignés dans le cercle familial élargi. Jadis, la pratique de « vidomégon » était une forme de socialisation, d'éducation et de protection de l'enfant. Elle était également une forme de resserrement des liens sociaux entre les membres de la grande famille. Mais depuis plusieurs décennies, plusieurs facteurs sociaux et économiques (économie du marché ; avènement des familles nucléaires...) entraîne une marchandisation et l'exploitation économique pure et simple de l'enfant placé. Ce dernier est de plus en plus victime de formes de violences et de maltraitances de tout genre, de la traite et soumis illégalement et précocement au travail (Hounyoton, 2009).

Le phénomène des enfants talibés est une autre forme de détournement de l'éducation et de la socialisation des enfants au Sénégal. Destiné à faire acquérir à l'enfant le sens de l'humilité et celui de la vie religieuse, l'éducation religieuse des enfants s'est transformée en activité lucrative où les enfants sont envoyés mendier dans les rues pendant plus de 10heures par jour (Barboza, 2006 : 5-6).

2.2.2.5. Les différents points de vue sur le travail des enfants

v L'indifférence ou le laisser-faire

Ce point de vue de statut quo ou du laisser-faire est relatif aux courants de pensée qui dénient l'existence du travail des enfants ou qui le conçoivent comme un phénomène structurel lié à la pauvreté qui ne peut être éradiqué tant que cette dernière existera (Unicef, 1997 : 20).

Mais, le développement actuel sur le travail des enfants, ces dernières décennies, ne laisse plus personne indifférent. Les débats actuels reconnaissent l'existence du travail des enfants et les différents acteurs sont partagés entre abolitionnisme et réglementation.

v Le point de vue des abolitionnistes

« Le discours sur l'interdiction complète du travail des enfants, qualifié également de `'militantisme'' est porté par de nombreux acteurs dont les institutions internationales et agences onusiennes avec l'OIT comme chef de file ; les gouvernements conservateurs et progressistes, du Nord comme du Sud ; des organisations patronales mais aussi de travailleurs, comme la Confédération syndicale internationale (principale organisation syndicale mondiale), ainsi qu'une large frange de l'opinion publique et de la société civile.

Dans ce discours, l'enfant travailleur est perçu comme une victime à protéger absolument et le travail des enfants à éliminer sous toutes ses formes » (Leroy, 2009 : 22).

Ce point de vue fait consensus et rallie bon nombre d'acteurs. Cependant, certains discours reconnaissent le travail des enfants et prônent sa réglementation et non une suppression complète. Ce sont les « non abolitionnistes » ou les « régulationnistes »

v Le point de vue des partisans de la réglementation du travail des enfants

De plus en plus, des discours s'élèvent pour contester le point de vue abolitionniste du travail des enfants. Ce courant de pensée prône plutôt une réglementation du travail des enfants. Bourdillon(2009 : 38), dans son article intitulé `'enfants et travail : examen des conceptions et débats actuels rejoint ce courant: « je rejoins ceux qui soutiennent que les enfants ont droit aux bénéfices résultant du travail approprié à leur âge (qu'il soit payé ou non) et que lorsqu'ils sont empêchés de travailler, et surtout de gagner de l'argent, les enfants vulnérables sont souvent lésés davantage que protégés ». Comme Bourdillon, les partisans de la réglementation du travail des enfants se basent sur les arguments précédemment déclinés et perçoivent l'élimination complète du travail des enfants comme irréaliste.L'une des plus importantes ONG de défense des droits de l'enfant Save the Children (SVC),souligne que « retirer les enfants du travail sans penser à l'impact que cela aura sur leur survie et leur développement n'est pas dans leur intérêt supérieur » (SVC, 2003 cité par Leroy, 2009 :29 ).

Cette vision du travail des enfants n'est pas nouvelle. Elle était portée par plusieurs auteurs dont Karl Marx. Il prône « la combinaison de l'enseignement lié au travail productif et l'école dans l'idéologie socialiste déjà dans les années 1875. Karl Marx perçoit les enseignements liés au travail productif (le travail dans les usines ; le travail manuel des enfants... ) comme un des moyens puissants pour la transformation de la société». Il montre également que « la journée scolaire unilatérale est improductive en ce sens qu'il augmente le travail des instituteurs et serait complètement nuisible pour la santé et l'énergie des enfants »30(*)

Les partisans de ce discours sont généralement composés de mouvements d'enfants travailleurs31(*), d'Organisations Non Gouvernementales actifs de terrain, de syndicats locaux, des chercheurs et des leaders sociaux.

« En 2006, les mouvements d'enfants et d'adolescents travailleurs d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine posent un geste d'une grande portée symbolique, en s'opposant à la journée mondiale de l'OIT contre le travail des enfants (12 juin) et proclament par ailleurs le 9 décembre, journée mondiale pour la dignité des enfants et jeunes travailleurs » (Leroy, 2009 : 29).

2.2.2.6. Les causes du travail des enfants

Plusieurs facteurs tant économiques que sociaux sont mis en avant pour expliquer le travail des enfants. La pauvreté des ménages est le premier facteur souvent cité dans la littérature comme déterminant du travail des enfants.

Une étude de ILO (2010), menée sur le travail des enfants en agriculture fait état de trois (3) principales causesdu travail des enfants :

v « Pervasive poverty in rural areas and low visibility of child labour in agriculture »:la pauvreté est l'une des causes les plus importantes du travail des enfants. En effet, dans les situations de pauvreté et d'analphabétisme des parents, notamment dans les zones rurales, les enfants travaillentpour leur survie et participent à la création des revenus du ménage. Par ailleurs, l'invisibilité du travail des enfants serait également un facteur expliquant le travail des enfants.

v « Limited access to quality educationin rural areas »:le manque d'infrastructures scolaires et d'enseignement de qualité adaptés aux besoins des communautés agricoles serait également à l'origine du travail des enfants. En effet, Les calendriers agricoles souvent saisonniers, sont incompatibles avec les calendriers scolaires. Les migrations saisonnières pour causes de travail agricole, ne favorisent pas non plus la présence régulière et assidue des enfants à l'école.

v « Life-cycle impact »:Le travail des enfantsdiminue leurs chances d'accéder à un travail décent, une fois adulte. Comme leurs parents, les anciens enfants travailleurs comptent sur leurs propres enfants pour des dépenses du ménage. Le cercle vicieux de la pauvreté, de l'analphabétisme et du travail des enfants est ainsi perpétué.

Une étude32(*) menée par l'Institut International d'Agriculture Tropicale dans 4 pays producteurs de cacao (Cameroun, Côte d'Ivoire, Ghana et Nigeria) en 2002 a identifié une série de facteurs explicatifs du travail des enfants dans les plantations de cacao:

v la pauvreté très importante aussi bien dans les zones de provenance des enfants travailleurs que dans les sites de production ;

v la faiblesse des revenus ;

v le système foncier complexe et les pratiques de métayage ;

v la faiblediversification des productions agricoleset l'absence de moyens d'existence alternatifs ;

v les pratiques séculaires en matière de mobilité et d'utilisation des enfants dans les plantations souvent d'origine familiale,

v la configuration et l'éclatement des familles.

Une autre étude menée sur le travail des enfants dans la filière vanille dans la région de Sava à Madagascar en 201133(*) a identifié 3 principaux facteurs déterminant le travail des enfants. Il s'agit de :

v la pauvreté des ménages

v l'absence de centres de formations pour la filière : la `'formation sur le tas'' est la seule disponible pour que la génération future puisse prendre la relève et la continuité de la filière vanille. Ainsi, les ménages de la région de Sava ne trouvent pas d'autres solutions que d'envoyer leurs enfants travailler.

v la maîtrise des coûts de production : dans une filière de plus en plus concurrentielle, les entreprises mandataires recourent à la main d'oeuvre infantile qui est deux à trois fois moins chère que celle des adultes pour réduire leurs charges de production.

Au Bénin, l'enquête nationale sur le travail des enfants réalisée en 200834(*) a identifié cinq facteurs de risque pour un enfant d'être occupés. Les risques du travail des enfants sont élevés lorsque :

v l'enfant réside en milieu rural;

v l'enfant n'est ni l'enfant ni le petit enfant du chef de ménage;

v l'enfant vit dans un ménage dirigé par un homme;

v l'enfant vit dans un ménage dont le chef n'a aucun niveau d'instruction et

v l'enfant vit dans un ménage pauvre.

L'analyse des études de cas présentées révèlent la multiplicité et la complexité des facteurs explicatifs du travail des enfants. Le facteur qui revient dans toutes les études est la pauvreté des ménages et d'autres facteurs économiques et sociaux.

Loin d'être exhaustif, l'encadré 4 suivant présente une liste des déterminants de l'offre et de la demande du travail des enfants.

Encadré 4: Déterminants de l'offre et de la demande du travail des enfants

Supplyfactors

Demandfactors

Need to supplement household income to meet basic needs

Cheap labour, as children are often unpaid or their wages are lower than adults

Limited schools in rural areas, and commute to school considered dangerous do girl

Insufficient labour supply at peak times, particularly in agriculture (e.g. for weeding, harvesting)

Perceived irrelevance of education

Quotas or piece work based on family work units that put pressure on parents/guardians to involve children

Limited access to financial services and children's labour used to repay debts

Low productivity of small farms and rural enterprises operating at very small margins

The need to cope with shocks such as failed harvests, death of livestock or the illness or loss of breadwinners

Requirement on some plantations that children work in order for them to live with their families

Children's participation in agriculture, considered a way of life and necessary to pass on skills and knowledge; low awareness of the hazards of agricultural work

Perception that children's fingers are nimble and ideal for some agricultural tasks (flowers and horticulture)

Substitution of adults in domestic chores and labour when parents are working

Children, particularly girls, considered to be more docile workers

Source : ILO (2010 : 2)

2.2.2.7. Les conséquences du travail des enfants

v Conséquences du travail des enfants sur leur santé

L'agriculture est un secteur qui présente des risques assez élevés. Les enfants, sont les plus exposés à ces risques (IPEC, 2006 cité par ILO, 2010 : 2). Les conséquences du travail des enfants sur leur santé sont nombreuses et variées :

§ Contamination des enfants par des produits chimiques qui à long terme peuvent être source de certaines maladies telles que le cancer, les malformations ou problèmes de fertilité. Un test effectué dans le cadre d'une étude sur la filière coton par la Coopération Technique Belge (CTB) fait état de l'affectation des capacités de coordination, de l'équilibre et des facultés de concentration de 899 enfants habitant des régions cotonnières en Inde (CTB, 2011 : 11).

§ Les blessures musculo-squelettiquesdues au port de lourdes, à l'utilisation d'outils agricoles tranchants... ;

§ Les maladies respiratoires et cutanées causées par l'exposition des enfants aux irritants contenus dans les cultures, à l'exposition à des niveaux élevés de poussières organiques... (OIT, 2012 : 48-50)

v Conséquences sur la scolarisation des enfants : l'un des facteurs qui milite en faveur de la suppression du travail des enfants, est sans douteson impact négatif sur la scolarisation des enfants. Plusieurs études font état de la déscolarisation et de l'absentéisme des enfants qui travaillent. L'enquête nationale sur le travail des enfants(BIT/INSAE, 2009 : 37).

v Hormis ces conséquences, l'étude réalisée dans la filière vanille àMadagascar montre que le travail des enfants tire à la baisse le niveau du salaire moyen de la filière. Par ailleurs, cette même étude montre que la suppression du travail des enfants pourrait entraîner non seulement la baisse des revenus des ménages, mais aussi celle des entreprises impliquées dans la filière (OIT, 2012 : 49).


2.2.2.8. Le cadre légal et juridique en matière de travail des enfants au Bénin

Ces dernières décennies ont vu naître plusieurs conventions qui visent à faire reconnaître et à appliquer les droits des enfants. Le Bénin a ratifié plusieurs conventions et textes internationaux et régionaux en matière du travail des enfants.

v Textes juridiques internationaux et régionaux

§ La Convention relative aux droits de l'enfant;

§ La Convention n°29 concernant le travail forcé ou obligatoire ;

§ La Convention n°105 concernant l'abolition du travail forcé ;

§ La Convention n°138 concernant l'âge minimum d'admission au travail ;

§ La Recommandation n°146 sur l'âge minimum d'admission au travail ;

§ La Convention n°182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants ;

§ La Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

En outre, le Bénin dispose également de plusieurs décrets et textes nationaux qui vont dans le sens de la réglementation du travail des enfants.

2.3. Cadre théorique de l'étude

Lorsqu'on parle de théories en matière de déterminants du travail des enfants, deux auteurs reviennent souvent. Il s'agit de Basu et Van (1998) qui expliquent le travail des enfants à travers l'approche de bien-être des ménages. Dans cette approche, la pauvreté est l'unique facteur qui explique le travail des enfants.

2.3.1. Approche en termes de bien - être des ménages

Cette approche explique le travail des enfants par le bien-être de leurs ménages. Elle analyse le travail des enfants sur la base du revenu de leurs parents et à travers l'état de pauvreté des ménages. Pour ces auteurs, le travail des enfants est un problème de pauvreté des parents qui se voient contraints de faire travailler leurs enfants pour des raisons de survie. Ce qui revient à dire qu'une augmentation des salaires des parents entrainerait le retrait des enfants du marché du travail (Fouedjio, 2008 ; Diallo et Koné, Sd :2-3).

Le modèle théorique de Basu et Van repose sur deux hypothèses appelées axiomes :

v L'axiome de luxe : il stipule qu' « une famille fera travailler les enfants lorsque son revenu devient relativement faible avec la suppression du travail des enfants » (Basu et Van, 1998 : 416). Ainsi, le travail des enfants est utilisé pour le financement du bien-être du ménage. Les loisirs sont perçus dans cette approche comme un bien de  « luxe » que ne peuvent se procurer les ménages que lorsqu'ils disposent d'un revenu supérieur au seuil critique de subsistance.

Cette hypothèse de pauvreté des ménages a été vérifiée par l'étude menée sur le travail des enfants dans la filière vanille précédemment citée, ainsi que celle réalisée par l'IITA dans les plantations de cacao.

v L'axiome de substitution : il implique que « les adultes sont remplaçables par les enfants sur le marché du travail dans une entreprise » (Basu et Van, 1998 : 416). Ces auteurs identifient deux catégories d'équilibre possibles sur le marché du travail. Il s'agit du :

§ « bon équilibre » qui prévaut lorsque les enfants ne travaillent pas. En effet, les salaires des parents atteignant un niveau suffisamment élevé, ils n'ont plus besoin de recourir au travail de leurs enfants. Par ailleurs, les industries, ayant atteint également un niveau élevé de développement ne feront plus recours à la main d'oeuvre infantile ;

§ « mauvais équilibre » : dans ce cas, les enfants sont fortement présents sur le marché du travail, en raison des niveaux de salaires très bas des parents. Ainsi, la main d'oeuvre infantile entre en concurrence avec celle des adultes. Le résultat de cette situation est une baisse des niveaux de salaire sur le marché du travail. En outre, lorsque le « mauvais équilibre » prévaut, une suppression du travail infantile, rétablirait le « bon équilibre » toutes choses étant égales par ailleurs (Basu et Van, op.cit) 

Les résultats de plusieurs études empiriques ont confirmé l'hypothèse de Basu et Van,relative à l'existence d'un lien entre la pauvreté des ménages et le travail des enfants en agriculture.

Les études précédemment citées, menées par l'IITA dans les plantations de cacao et par l'OIT dans la filière vanille, ont identifié la pauvreté des ménages et la faiblesse des revenus, comme étant le premier facteur déterminant le travail des enfants.

Cependant, certaines études empiriques font état de la non linéarité entre pauvreté des ménages et travail des enfants. Les études de Rajan (2000) au Pérouet de Canagarajah et Coulombe (1997)au Ghana infirment cette hypothèse.

2.3.2. Approche en terme de normes sociales

En dehors de l'approche du bien-être des ménages, le travail des enfants est également expliqué par les normes sociales (Hirschman cité par Basu et Van, 1998 : 39). La relation entre les normes sociales et culturelles et le travail des enfants a été discutée en 1981 par Rodgers et Standing. L'hypothèse de ces auteurs repose sur le fait que faire travailler un enfant implique un coût ou un stigmate social pour les parents. Si plusieurs enfants sont mis au travail, alors ce coût social est faible. Dans le cas contraire, le coût social est assez élevé. Le travail des enfants est alors socialement désapprouvé (Diallo, sd : 2). La lecture de la perception du travail des enfants dans le monde occidental pourrait s'apparenter à ce dernier cas.

Dans plusieurs sociétés africaines, le coût social du travail des enfants est très faible. Le travail des enfants est socialement accepté et même justifiée. Il est une forme de socialisation et d'éducation importante, notamment dans le monde rural.

Le soutien des enfants aux parents/aînés les forme à la vie adulte, et constitue également un gage pour leur héritage et pour leur vie familiale future. Dans ce processus, les cadets ont le devoir de travailler pour le compte des aînés, afin de garantir leur statut social (obtention de femmes à épouser ; terres à cultiver...) à l'âge adulte. Ainsi, chaque enfant qui compte recourir au soutien familial a intérêt à apporter son soutien à ses parents (Bommier, 1995 cité par Diallo, Sd : 2).

En outre, Long (1984) cité parMackintosh (1979), suggère que l'analyse de la main d'oeuvre familiale doit tenir compte des définitions culturelles du `'travail'' et son estimation sociale (Affodégnon, 2005).

Des travaux empiriques ont confirmé cette hypothèse. L'étude menée par l'IITA dans les plantations de cacao a révélé que, le travail des enfants n'est pas expliqué uniquement par un push économique, mais également par les pratiques séculaires en matière de mobilité et d'utilisation des enfants dans les plantations d'origine familiale.

Le schéma suivant présente un résumé du cadre analytique de ce travail.

Figure 3: Cadre analytique

Exploitations cotonnières

Travail des enfants

Travaux bénéfiques

Travaux destructeurs

Déterminants du travail des enfants

Pauvreté des ménages

Normes sociales

Approche hypothético-déductive

Etude de cas dans les exploitations cotonnières au Bénin

Utilisation de données secondaires

DEUXIEME PARTIE : ZONES D'ETUDE ET CADRE METHODOLOGIQUE

CHAPITRE 3 : ZONES D'ETUDE ET METHODOLOGIE

Ce chapitre présente la zoned'étude d'une part, et retrace la méthodologie suivie pour aboutir aux objectifs fixés d'autre part.

3.1. Présentation de la zone d'étude

3.1.1. Zones d'étude

L'étude de casa été réalisée au niveau des zones cotonnières du Bénin couvertes par le PROCOTON35(*)(Programme de Renforcement des Organisations de producteurs de coton). Plus spécifiquement, ces zones concernent celles qui ont été sélectionnées dans le cadre de l'enquête sur« la situation de référence du revenu des exploitations familiales producteurs de coton  (EFPC)» en 2009. Il s'agit non seulement des communes d'intervention du PROCOTON, mais aussi de communes témoins qui ne sont pas couvertes par le PROCOTON.

Les cinq zones cotonnières du Bénin36(*) précédemment décritespar Ton et al.,( 2004) ont été reclassées eu égard aux nouvelles évolutions des assolements et de la spécialisation dans la production cotonnière pendant la période de l'enquête de référence. En effet, la zone vivrière du sud Borgou a été découpée en deux et la Donga rattachée à l'une d'elle. La zone de l'extrême Nord-Bénin (qui n'était pas prise en compte dans la classification précédente de Ton et al, 2004) a été fusionnée à la zone cotonnière du Nord. Ainsi, sept zones ont été retenues, dont six prises en compte par l'enquête de référence.Le tableau 6 présente les communes d'intervention et celles témoins de l'enquête de référence avec leurs poids respectifs dans la production cotonnière au plan national.

Tableau 6: Zones d'étude pour l'enquête de référence du PROCOTON

Zones agroécologiques

Communes d'intervention du PROCOTON

Poids dans la production cotonnière

Communes témoins

Poids dans la production cotonnière

1.Zone cotonnière du Nord spécialisée Alibori et Est Atacora

Banikoara*

Kandi*

Gogounou

64,4%

Kérou* ; Ségbana ;

Malanville

14,8%

2.Zone à coton et vivrier du Borgou et de l'Atacora

Kouandé*

Sinendé*

Bembèrèkè

7,1%

Pehunco ; Kalalé*

Nikki

7,2%

3.Zone Atacora Ouest

Cobli*

1,1%

Matéri* ;Bounkoumbé

Tanguiéta ;Toucountouna

Natitingou

2,6%

4.Zone vivrière Borgou, Donga

Djougou*

0,4%

N'dali* ; Parakou ;Bassila

Ouaké ; Copargo ;Ouèssè

Bantè

0,4%

5.Zone cotonnière du centre (Collines)

Dassa*

0,2%

Savalou ; Savè ; Glazoué*

0,6%

6.Zones des terres de barre (Zone sud)

Djidja*

Aplahoué*

0,6%

Zagnanando ; Covè ; Kétou ; Za-Kpota

0,3%

* : Zones sélectionnées par l'enquête de référence

Source :SNV (2010 : 4). Rapport de l'enquête de référence PROCOTON (rapport PROCOTON), 2010 ;

Ainsi, quatorze communes avaient été retenues dans le cadre de l'enquête de référence, dont neuf appartiennent aux communes d'interventions du PROCOTON et les cinq autres représentent les communes témoins. Quatorze villages ont été choisis à raison d'un par commune.

Aucun producteur de coton n'a été enregistré dans le village Monso, dans la commune de Glazoué. Le nombre de communes et de villages retenus pour la présente étude passe alors à treize (13). Le tableau 7 présente les villages d'études, ainsi que le poids du travail des enfants au niveau des départements auxquels appartiennent lesdits villages.

Tableau 7: Communes et villages d'étude

Département

Communes d'étude

Villages d'études

Pourcentage d'enfants de 5 à 17 ans occupés économiquement37(*)

Alibori

Banikoara

Goumonri

24,1%

Kandi

Angaradébou

Atacora

Cobli

Namoutchaga

15,8%

Kouandé

Makrou-Gourou

Kérou

Bakoussarou

Matéri

Yédékanhoun

Borgou

Sinendé

Fô Bouko

68,4%

N'dali

Tamarou

Kalalé

Bouka

Donga

Djougou

Koua

76,1%

Collines

Dassa

Tognon

70,2%

Zou

Djidja

Koekoekanmè

30,2%

Couffo

Aplahoué

Séhonouhoué

41,1%

Source : SNV (2010). Rapport PROCOTON, 2010.

La carte 1 présente les zones agroécologiques du Bénin avec une matérialisation des communes et villages d'étude.

Carte 1: Zones agroécologiques cotonnières du Bénin avec une matérialisation des communes et villages d'étude

3.1.2. Caractéristiques physiques et humains de la zone d'étude38(*)

v Zone cotonnière du Nord

Cette zone est caractérisée par un climat de type soudano-sahélien avec une pluviométrie moyenne comprise entre 700-900 mm/an. L'économie de cette zone est essentiellement agricole comme sur l'ensemble du pays. La culture cotonnière y a connu une expansion spectaculaire ces dernières décennies, avec pour corollaire, une accentuation de la pression foncière. En effet, la zone cotonnière du Nord regorge d'espaces protégés (parcs, forêts sacrés...), limitant ainsi une agriculture extensive.

La population est faiblement peuplée, en témoigne sa densité qui est de l'ordre de 10-20 habitants/km². Toutes les communes de cette aire géographique sont dans l'aire culturelle Bariba- Gando-Peuhl.

v Zone à coton et vivrier du Borgou et de l'Alibori

Le climat est soudanien avec une pluviométrie allant de 900 à 1100 mm/an. La culture du coton, par ses arrières-effets améliore la fertilité des sols pour les autres cultures des assolements, notamment pour le maïs.

La densité de la population est de 16habitants/km2. L'aire culturelle est la même que celle de la zone cotonnière du Nord.

v Zone Atacora-Ouest

La zone Atacora dispose d'un climat soudanien, avec la présence d'un microclimat qualifié d'atacorien dû à une chaîne de montagne située au sud. Sa pluviométrie atteint 1000-1200 mm/an. Plusieurs facteurs naturels et écologiques empêchent la culture du coton à grande échelle. En effet, la zone de l'Atacora Ouest est constituée en grande partie de pentes naturellement infertiles, les terrains plats, étant densément peuplés.

La zone a connu plusieurs vagues de migrations, ce qui a favorisé un brassage ethnique important dans le pays otamari, composé de Berba (Wama, Natemba, Gourmantché, etc.).

v Zone vivrière Borgou, Donga

De climat soudanien avec une pluviométrie de 1000-1200 mm/an, la zone vivrière du sud Borgou et de la Donga, est faiblement impliquée dans la production du coton (0,8% de la production nationale). Les assolements y sont plutôt basés sur les cultures vivrières. La commune de Djougou, faisant partie de notre zone d'étude contribue à près de la moitié de la production de cette zone.

La zone est à faible densité de population (10-20 habitants au km²) et caractérisée par une diversité ethnique et culturelle importante.

v Zone cotonnière du centre

Le climat y est soudano guinéen avec une pluviométrie variant entre 1100 et 1300 mm/an avec une forte irrégularité dans la distribution des précipitations. Ancienne zone de production intensive, la culture cotonnière y est en régression et remplacée par d'autres cultures vivrières. Toutefois, la zone cotonnière du centre Bénin continue de contribuer à la production nationale de coton à hauteur de 0,8%, avec la commune de Dassa qui contribue pour 0,2%.

La population y est densément peuplée (100 habitants au Km2) en comparaison aux zones précédentes. La zone cotonnière du centre Bénin est composée essentiellement de peuples Mahi, Nago et Idatcha.

v Zone des terres de barre

La zone Sud dispose d'un climat de type guinéen, avec une pluviométrie variant entre 800 et 1300mm/an. La culture du coton est marginale dans cette zone (0,9% de la production nationale) et est présente dans quelques communes comme Djidja et Aplahoué qui contribuent respectivement à la production nationale à hauteur de 0,4% et 0,2%.

La population est densément peuplée et dépasse les 250 habitants au km². L'aire ethnique et culturelle est diversifié et se compose des peuples Adja, Fon, Holli,Yorouba, etc.

3.1.3. Justification du choix de la zone d'étude

Le choix de la zone d'étude est motivé par trois critères principaux :

v La production de coton : la production cotonnière est rencontrée dans les systèmes de production des zones choisies. Le poids de cette production varie d'une région à une autre. Etant donné que la présente étude vise à faire un état des lieux du travail des enfants dans les champs de coton, toutes les zones de production cotonnière ont été systématiquement prises nonobstant le poids faible de cette production

v La présence d'enfants travailleurs: les zones couvertes par le projet PROCOTON sont également des zones où sont rencontrés des enfants occupés économiquement. L'enquête nationale réalisée au Bénin sur le travail des enfants en 2008 fait état de 16% à 76% d'enfants économiquement occupés dans les zones choisies pour la présente étude.

v La disponibilité de données sur les producteurs de coton : le troisième critère qui motive le choix de cette zone d'étude est la disponibilité de statistiques sur les exploitations familiales de coton ainsi que sur les actifs qu'elles utilisent. Ces données sont issues principalement de l'enquête sur la situation de référence des exploitations productrices de coton évoquée précédemment.

3.2. Méthodologie de l'étude

3.2.1. Sources et méthodes de collecte de données

La collecte des données se fera en deux phases séquentielles à savoir : la revue documentaire et l'exploitation de données secondaires.

v Revue documentaire

La revue de littérature existante sur ce sujet de recherche a été faite. Elle a permis de faire le point des recherches antérieures sur le travail des enfants dans le secteur agricole et dans le secteur cotonnier en particulier. Cette phase de la recherche a duré tout le temps de l'étude. Elle s'est faite à travers les ressources des bibliothèques, l'internet et l'achat d'ouvrages.

v Exploitation de données secondaires

Les statistiques utilisées dans cette étude sont toutes des données secondaires.

§ Les données principales qui sont utilisées pour l'étude de cas, proviennent de l'enquête sur la situation de référence des exploitations familiales productrices de coton, réalisée dans les principales zones cotonnières du Bénin, par le Programme de Renforcement des Organisations de producteurs de coton (PROCOTON). Ce programme est mis en oeuvre par l'organisation Néerlandaise de développement (SNV), portfolio du Bénin. Cette enquête a été réalisée du 26 Août au 14 septembre 2009. L'objectif de cette enquête était d'établir la situation de référence des exploitations familiales productrices de coton avant l'intervention du PROCOTON. Ainsi, c'est une enquête, dont les résultats permettront d'évaluer convenablement les résultats et effets qu'atteindra le PROCOTON au terme de l'intervention.

§ Les données recueillies par cette enquête concernent essentiellement : le contexte général de la production cotonnière au Bénin ; l'environnement sociale et économique des exploitations de la zone cotonnière ; les profils des exploitants, leur statut dans le ménage, leur capacité de contrôle de la main d'oeuvre familiale et les revenus des exploitations.

§ Les données et résultats concernant les profils des exploitants, l'organisation de la main d'oeuvre et les revenus des exploitations, ainsi que le niveau de bien-être du ménage ont été les plus utilisés dans le cadre de la présente étude. Ces données sont extraites non seulement de la base de données, mais aussi du rapport définitif issu du traitement des données recueillies lors de l'enquête.

§ Pour l'analyse du travail des enfants en fonction des normes sociales, les données concernant l'enquête sur la situation de référence réalisée par le PROCOTON, ne prennent pas en compte ces facteurs. Ainsi, les données secondaires issues d'une étude réalisée sur la socialisation du travail des enfants au Bénin réalisée en 2009 : «  l'univers traditionnel béninois et les moyens de socialisation d'un enfant »39(*) et du témoignage d'un enfant burkinabé (Yempabou) qui a travaillé dans les champs de coton dans la commune de Banikoara sont utilisées. Ce témoignage40(*) a été présenté dans un article électronique en 2013

§ Les autres statistiques secondaires utilisées dans le présent rapport, proviennent de rapports de travail ou d'étude menées sur le travail des enfants par le Bureau international du travail, notamment le rapport de l'enquête nationale sur le travail des enfants au Bénin menée en 2008.

3.2.2. Echantillonnage

Le choix des exploitations est entièrement raisonné. Il est celui retenu par l'enquête de référence. Au total, 420 ménages ont été enquêtés, à raison de 30 ménages par village » (SNV, 2010 : 32). Parmi les 420 ménages, les exploitations cotonnières ont été extraites. Elles sont au nombre sont au nombre de cent quatre-vingt-neuf (189).

Par ailleurs, le questionnaire de l'enquête de référence a également porté sur chaque membre de ménage, responsable d'une unité de production. Qualifiés de Responsables d'Unités de Production (RUP),les RUP, sont composés des chefs de ménage et des aides familiaux (les). Les aides familiaux sont constitués des épouses, belles-filles, filles et de jeunes enfants non mariés, ainsi que des élèves ou d'autres jeunes en formation professionnelle vivant sous l'autorité du chef de ménage. Bien qu'en étant sous l'autorité du chef de ménage, les aides familiaux disposent d'une certaine autonomie d'action quant au développement d'activités productives dont ils gèrent la mise en oeuvre et les produits. Au total 1448 unités de production (UP) ont été enquêtées. Parmi cet effectif, 306 unités produisent du coton. Ainsi notre échantillonnage portera sur 189 ménages comportant 306 unités productrices de coton.

En outre, 921 enfants âgés de 5 à 17 ans sont issus des différentes exploitations cotonnières. La mesure du travail des enfants se fera avec cet échantillon. Le tableau 8 présente la répartition de l'échantillon suivant les villages retenus.

Tableau 8: Répartition de l'échantillon selon les villages d'étude

Zones

Communes

Villages

Effectifs

Ménage

UP

1.Zone cotonnière du Nord spécialisée Alibori et Est Atacora

Banikoara

Goumonri

27

42

Kandi

Angaradébou

30

81

Kérou

Bakoussarou

21

32

2.Zone à coton et vivrier du Borgou et de l'Atacora

Kouandé

Makrou-Gourou

13

22

Sinendé

Fô Bouko

5

7

Kalalé

Bouka

10

14

3.Zone Atacora Ouest

Cobli

Namoutchaga

13

17

Matéri

Yédékanhoun

27

28

4.Zone vivrière Borgou, Donga

Djougou

Koua

4

3

N'Dali

Tamarou

1

1

5.Zone cotonnière du centre (Collines)

Dassa

Tognon

7

7

6.Zones des terres de barre (Zone sud)

Djidja

Koekoekanmè

11

19

Aplahoué

Séhonouhoué

20

33

Total

13

13

189

306

Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009

3.2.3. Méthodes de Traitement et d'analyse des données

Pour l'analyse des données, un traitement statistique concernant les exploitations cotonnières a été réalisé à l'aide du logiciel Excel 2010et du logiciel Statistical Package of Social Sciences (SPSS version 16). La saisie des textes est faite à l'aide du logiciel word 2010.

Deux approches sont utilisées pour le présent travail : l'approche quantitative et qualitative. Ces deux approches seront utilisées de façon complémentaire.L'approche quantitative a consisté en l'utilisation de statistique descriptive et des tests de corrélation pour identifier et analyser les facteurs déterminants du travail des enfants. L'approche qualitative quant à elle, a été utilisée pour mieux expliquer les facteurs d'ordre sociologique, culturels et dans l'interprétation des résultats d'une part, et pour l'analyse des effets du travail des enfants dans les exploitations cotonnières d'autre part.

3.2.3.1. Mesure du travail des enfants

A partir de ma revue de littérature et de la clarification des concepts, il y a travail des enfants lorsque les conditions suivantes sont remplies :

§ L'âge de l'enfant : l'enfant travailleur a un âge compris entre 05 et 17 ans ;

§ Le sexe de l'enfant : l'enfant peut être une fille ou un garçon ;

§ La situation de scolarisation : l'enfant travailleur peut être scolarisé, ou non ;

§ La présence de la production cotonnière: l'enfant travaille dans une exploitation qui produit du coton ;

§ Le cadre de travail : l'enfant travaille dans le cadre familial ou non ;

§ Le type de rémunération : l'enfant est rémunéré ou non ;

§ Le volume horaire : l'enfant travaille pour une durée supérieure à 4 heures dans l'exploitation.

3.2.3.2. Mesure du niveau de vie des ménages

Le niveau de vie des ménages est mesuré à travers deux indicateurs principaux : le revenu et le bien-être des ménages.

La méthode de mesure retenue pour l'évaluation de ces différents indicateurs est celle utilisée lors de l'enquête PROCOTON.

v Le revenu des ménages

Le revenu des ménages est mesuré à partir du revenu de l'exploitation agricole qui regroupe les diverses activités productives des unités de production du ménage. Dans le cas des exploitations cotonnières, le coton n'est pas cultivé en monoculture, mais en rotationavec d'autres cultures vivrières. Ainsi, le revenu des ménages ne peut être reflété uniquement par le revenu de la production de coton. Pour cela, c'est le revenu total de l'exploitation agricole qui est pris en compte.

Le revenu d'une activité productive s'évalue à travers les paramètres suivants :

§ Le produit brut (PB): c'est la valeur totale de la production physique de la campagne.

« La production physique de la campagne est évaluée par l'exploitant en unités locales entenant compte des diverses destinations (consommation, vente, dons, semences, alimentationanimale, transfert à une activité de transformation interne à l'unité de production ou pour leconjoint, rémunération en nature des journaliers et tâcherons) ; La somme des recettes issues de la production vendue et de la production non vendue41(*) représente le produit brut » (SNV, 2010 /Rapport PROCOTON: 34).

§ Les charges variables (CV) : elles comprennent toutes les charges encourues par l'exploitant agricole pour son exploitation, hormis les charges fixes issues de l'amortissement des matériels et machines agricoles.

« Ces charges regroupent le coût d'achat des divers intrants (semences ; produits phytosanitaires ; engrais...), ainsi que les prestations obtenues detiers comme les locations d'attelage, les charges de main d'oeuvre, etc.Ces charges sont des dépenses ou des transferts en nature dont la valeur est évaluée au prix moyen ouà la valeur de substitution » (id).

§ La Marge Brute (MB) est le solde entre produit brut et charges variables.

« Compte tenu, de la faiblesse des charges fixes pour la majorité des activités (pour la plupart manuelle), c'est cette marge qui sera considérée comme le revenu de l'activité. Elle est exprimée en FCFA42(*) » (ibid).

NB : le calcul des charges n'inclut pas le travail familial. La non inclusion du travail familial représente une importante insuffisance pour le calcul des revenus d'une exploitation. En effet, les exploitations agricoles des pays sous-développés utilisent majoritairement ce type de main d'oeuvre. Mais du fait que ce sont les données secondaires qui sont utilisées, je ne peux m'en tenir qu'aux méthodes de calcul utilisées par l'enquête.

Les revenus calculés concernent la campagne agricole 2008-2009.

Dans le cadre de la présente étude, une classification des ménages en ménages pauvres ou riches n'a pas été faite. Ainsi, les revenus des ménages sont simplement classés du plus élevé au plus bas. Les liens potentiels existants entre le niveau des revenus et le niveau du travail des enfants sont évalués à travers un test de corrélation bivariée.

« Le coefficient de corrélation r, est une mesure d'association (d'interdépendance) entre deux variables métriques, quelle que soit l'unité utilisée pour chaque variable. r est compris entre -1 et +1. Plus le coefficient est proche de 1 en valeur absolue, plus les valeurs sont dites corrélées

-Si r est proche de +1 : les deux variables varient dans le même sens ;

-Si r est proche de -1 : les deux variables varient en sens inverse

Et plus r est proche de 0, moins les variables sont corrélées. 0 signifie l'absence de corrélation entre les deux variables » (Klarsfeld et al., 2001 : 1).

v L'indicateur de l'évolution du bien-être des ménages est mesuré à partir de l'accumulation de biens durables, la situation alimentaire et de la capacité à surmonter les crises. L'indicateur d'insécurité alimentaire ne sera pas utilisé dans le cadre de la présente étude.

§ « Biens durables accumulés par les producteurs : ils sont constitués de capitaux productifs et de capitaux domestiques : La détention de capitaux contribue à l'évaluation du bien-être des producteurs. L'accumulation, la paupérisation ou la liquidation de ces capitaux, sont le reflet du bien-être du ménage. En effet, plus les capitaux sont liquidés, plus le niveau de bien- être du producteur est bas. Alors qu'une accumulation des capitaux, au-delà des stricts besoins de consommation témoigne du bien-être de l'exploitant » (SNV, 2010 : 37).

« Les capitaux productifs sont des facteurs de production, regroupant par exemple les bâtiments d'élevage ou à but commercial, des équipements de transformation et de transport, des animaux d'élevage et des plantations...  Les capitaux domestiques quant à eux, concernent les logements, certains équipements domestiques comme les radios, télévisions, téléphones et générateurs, des vêtements et de la vaisselle à caractère durable et pouvant être si nécessaire mis en gage, etc...Ces capitaux sont recensés par un inventaire de fin de campagne. Leur valeur d'achat et la valeur de revente potentielle estimée par l'exploitant sont relevées. La valeur résiduelle après amortissement sur une durée de vie standard est également calculée et est préférée si les évaluations des producteurs paraissent trop optimistes» (id).

NB : « Le revenu annuel est en général corrélé avec le niveau des capitaux accumulés. Cet indicateur complète le revenu pour l'évaluation du niveau de vie du ménage. En effet, les revenus sont plus sujets à des facteurs conjoncturels, liés à la nature même de l'agriculture qui est pluviale, donc déterminée par les aléas climatiques. La valeur des capitaux a été exprimée en Fcfa lors de l'enquête. Cette valeur a été évaluée pour la terre, les équipements productifs, les plantations pérennes et les animaux d'élevage» (ibid).

Dans le cas de la présente étude, une somme de ces différentes valeurs est faite pour avoir le niveau de capital détenu par chaque ménage. Ensuite, un test de corrélation sera également effectué entre le niveau de capital et le nombre d'enfants travailleurs.

§ Indicateurs de vulnérabilité

« La fréquence, la nature et la gestion des crises sont aussi des indicateurs de vulnérabilité.

Les plus vulnérables citent aussi plus souvent des situations comme étant des crises, alors que des évènements similaires passent inaperçus aux yeux de producteurs nantis » (ibid : 38). Les types de recours utilisés pour juguler les crises ont été utilisés pour établir une classification du niveau de vulnérabilité des ménages. Les recours vont de la mobilisation de l'épargne en espèces et en nature, au retrait des enfants de l'école et leur mise au travail.

Dans le cas de la présente étude, ces différents recours sont utilisés pour caractériser les ménages les plus vulnérables, étant donné que les plus nantis ont une épargne en espèces, leur permettant de prendre en charge beaucoup de dépenses. Ce qui n'est pas le cas des ménages vulnérables, qui épuisent rapidement leur épargne et vont jusqu'à sacrifier les chances d'évolution de leurs enfants.

§ Indicateurs d'insécurité alimentaire

« L'indicateur d'insécurité alimentaire a été évalué à travers le niveau de satisfaction en quantité et en qualité vis-à-vis de la consommation alimentaire et la durée des périodes de soudure se traduisant par une réduction des quantités ou du nombre de repas ou tout au moins de la qualité des sauces. Les responsables de cuisine ont été interrogées à cet effet » (id).

Compte tenu du temps imparti à la présente recherche, cet indicateur de consommation des ménages n'est pas utilisé.

3.2.3.3. Mesure des perceptions sociales et culturelles

La littérature présentée précédemment dans mon étude, montre que le travail des enfants se justifie également par des facteurs sociaux et culturels.

La méthodequalitative est utilisée pour l'analyse des perceptions sociales et culturelles du travail des enfants. Les outils utilisés sont des analyses de contenu, ainsi que des encadrés

3.2.3.4. Mesure des effets du travail des enfants

§ Les effets du travail des enfants sont analysés en fonction de la nature des travaux qu'ils effectuent dans l'exploitation, ainsi que le temps qu'ils passent au travail. Ces indicateurs permettent d'évaluer les effets du travail des enfants sur leur santé.

§ Ces effets sont également analysés au regard de la période pendant laquelle s'effectuent les travaux des enfants. Si cette période coïncide avec celle de l'année académique, elle a certainement des répercussions sur la scolarisation des enfants.

Ces différents effets sont analysés de façon qualitative à l'aide de la littérature.

3.3. Limites de l'étude

§ La présente étude est basée essentiellement sur la revue de littérature et les données issues d'une enquête dont les objectifs n'étaient pas ceux de ma recherche. Ainsi les résultats issus de cette étude souffrent sans doute de certaines incertitudes et d'imprécisions que des études de terrain plus ciblées pourraient corriger ;

§ La non définition par le Bénin d'une liste de travaux dangereux en fonction de ses réalités propres, rend la caractérisation du travail des enfants faite dans l'étude perfectible.

Toutefois, les résultats de mon étude permettront de jeter les bases et les pistes de recherche ultérieures en matière de travail des enfants dans la filière coton au Bénin.

TROISIEME PARTIE : RESULTATS, ANALYSES ET DISCUSSIONS

Cette troisième partie du rapport présente les résultats de l'étude, les analyses et interprétations qui en découlent. Elle comporte deux (2) chapitres. Au niveau de chaque chapitre, les résultats et la vérification des hypothèses seront présentés d'une part, et les analyses et discussions d'autre part.

CHAPITRE 4 : ETAT DES LIEUX DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES EXPLOITATIONS COTONNIERES

4.1. Caractéristiques des exploitations cotonnières

4.1.1. Caractéristiques démographiques des exploitations cotonnières

4.1.1.1. Genre, statut et situation matrimoniale des responsables d'unités de productions (RUP)

Les exploitations cotonnières identifiées sont composées majoritairement de RUP masculins (75%) contre 25% de RUP féminins. 88% des responsables d'unités de production sont mariés (Cf. tableau 9). Dans l'ensemble, les ménages sont dirigés par les hommes (54%), mais les aides familiaux sont à dominance féminine. En effet, les femmes ont représenté 53 % de la main d'oeuvre agricole au Bénin en 2007 (Brücke le pont et CRISTO, 2010 : 9). Cette proportion, toujours en hausse, s'explique par le fait que les femmes ont le devoir de participer à la création des revenus du ménage. Toutefois, les femmes cultivent de plus en plus leurs propres parcelles en vue de l'acquisition d'une certaine autonomie économique (Brücke le pont et CRISTO, op.cit ; FAO, 2010 :8). Par ailleurs, « cette féminisation de l'agriculture dans les tranches d'âge les plus actives, est également imputable aux mouvements migratoires. En effet, bon nombre d'actifs masculins quittent les villages, vers la recherche de conditions meilleures » (SNV, 2010 : 51).

Tableau 9: Genre, statut et situation matrimoniale des RUP dans les exploitations cotonnières

Genre

Statut

Situation matrimoniale

Sexe

Effectif

%

Statut

Effectif

Total

Statut

%

Homme

230

75

Chef de ménage

Masculin

162

166

Marié

88

Féminin

4

Femme

76

25

Aides familiaux

Masculin

56

126

Célibataire

10

Féminin

70

Total

306

100

Elève ou apprentis

Masculin

12

14

Veuve

1

Féminin

2

Divorcé

1

Total

306

Source : Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009

4.1.1.2. Origine et ethnies des RUP

Les ethnies dominantes au niveau des zones cotonnières sont le Bariba (26%), le Mokolé (19%), l'Adja (11%) et le Gourmantché (10%). Les autres ethnies représentent moins de 10% au niveau de la zone (Voir tableau 10). Les ethnies Idatcha, Yom, Haoussa, Zerma sont également identifiées dans la zone, mais en très faible proportion.

Tableau 10: Ethnies présentes dans la zone d'étude

Bariba

Mokolé

Adja

Gourmantché

Peulh

Gando

Fon

Autres

Total

26%

19%

11%

10%

8%

6%

6%

14%

100%

Source : Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009

Quant à l'origine des RUP, 71% sont des autochtones, c'est-à-dire qu'ils font partie des premiers occupants. Les autres proviennent de migrations récentes ou lointaines comme le montre le tableau 11 suivant.

Tableau 11: Origine des RUP

Origine

Total

Pourcentage (%)

Autochtones

Migrants

Nd

71

26

3

100

Nd : Non défini ; Source : Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009

4.1.1.3. Âge des responsables d'unités de production cotonnière

Le coton est produit par des RUP dont l'âge moyen est de 40 ans, sur l'ensemble de la zone d'étude. La même tendance est observée au niveau de chaque zone cotonnière considérée individuellement. L'âge minimum des RUP est de 16 ans. Ce qui témoigne que les enfants âgés de 16 à 17 ans, sont également considérés comme des responsables d'unité de production. Le tableau 12 présente la répartition des âges des RUP selon les zones cotonnières.

Tableau 12: Répartition de l'âge des RUP

Zones cotonnières

Effectif

Minimum

Maximum

Moyenne

Zone cotonnière Alibori

155

17

88

39

(ó=13,82)

Zone coton vivrier Borgou-sud Atacora

43

16

87

39

(ó=12,93)

Zone Atacora ouest

45

18

68

44

(ó=12,86)

Zone vivrière à igname

4

45

56

51

(ó=5,06)

Zone Sud et centre collines

7

37

50

44

(ó=5,08)

Zone sud

52

20

80

40

(ó=13,46)

Ensemble

306

16

88

40

(ó=13,38)

Source : Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 ; ( ) : Ecart-types

4.1.1.4. Taille des exploitations cotonnières

La taille moyenne des ménages est de 10 membres. Les enfants à charge sont en moyenne de 5,06 (ó=4,235). Le ménage moyen se compose d'un chefde ménage (le plus souvent masculin, voire tableau 9), d'épouses, d'enfants directs, de neveux et nièces du chef de ménage, de belles-filles et de petits enfants.

Les enfants de 5 à 17 ans d'âge identifiés dans les exploitations cotonnières sont composés de 56% de filles et de 44% de garçons sur un effectif de 921 enfants.

4.1.2. Caractéristiques socioéconomiques des RUP

4.1.2.1. Niveau d'instruction des RUP en fonction de leur statut

L'analyse des données relatives au niveau de scolarisation, montre que 72,2% des RUP n'ont jamais fréquenté une école. 9,8% ont un niveau d'études primaires, tandisque 8,2% ont atteint la fin des études primaires. Seulement, 9,8 des RUP ont atteint le niveau secondaire. Dans l'ensemble de l'effectif des RUP, le niveau de scolarisation est assez bas. Ce qui témoigne de l'insuffisance des infrastructures scolaires en milieu rural, comparativement au milieu urbain.« Cependant, tous les villages disposent au moins d'une école primaire. En outre, ce taux de scolarisation assez bas pourrait se justifier par la déscolarisation précoce des élèves, provenant des villages pauvres et enclavés43(*). Par exemple, cinq (5) et un (1) élèves sont envoyés au cours secondaire respectivement à Koekoekanmè et Bakoussarou contre 45 dans le village de Goumori » (SNV, 2010 : 65). Le tableau 13 présente le niveau de scolarisation selon le statut des RUP.

Tableau 13: Niveau de scolarisation des RUP selon leur statut

Niveau de scolarisation

Statut du responsable d'unité de production (effectif)

Chef de ménage

Aides familiaux

Elèves/apprentis

Total

Aucun

111

106

4

221

Niveau primaire

17

11

2

30

Fin d'études primaires

19

6

0

25

Collège

17

3

7

27

Lycée

2

0

1

3

Total

166

126

14

306

Source : Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

Le graphique 5 présente l'état de scolarisation sur l'ensemble des RUP.

Graphique 5: Niveau d'instruction des RUP

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête

de référence PROCOTON, 2009 

4.1.2.2. Généralités sur la production agricole au niveau des exploitations cotonnières

v Modes d'accès à la terre par les RUP

Sur l'ensemble des exploitations cotonnières, le mode d'accès à la terre dominant est l'héritage (55,8%) suivi du prêt (19,1%) et du don (15,2%). La location et l'achat des terres représentent respectivement 3,9% et 2,9% des modes d'acquisition du foncier. Les prêts peuvent être à durée déterminée ou indéterminée, mais sans contrepartie financière. La grande majorité des responsables d'unités de production sont des autochtones. D'où le mode d'accès dominant à la terre est l'héritage. Le graphique 6 présente les modes d'acquisition de la terre au niveau des exploitations cotonnières.

Graphique 6: Mode d'accès à la terre au niveau des exploitations cotonnières

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquêtede référence PROCOTON, 2009 ; N.d. non défini 

v Superficies cultivées et assolements pratiquées au niveau des exploitations cotonnières

La moyenne des superficies totales cultivées pour la campagne agricole 2008-2009 est de 5,74 ha. Au niveau des superficies cultivées en coton, elles varient de 0,20 ha à 35 ha. La moyenne observée est de 1,90 ha (C.f. tableau 14). « Les exploitations ayant de grandes emblavures de coton, se rencontrent dans la zone cotonnière Alibori (Angaradébou, Goumori, Bakoussarou). En effet, dans cette zone, la culture attelée est utilisée pour certaines opérations culturales comme le labour et le sarclo-buttage. Ceci permet aux exploitants de cultiver de grandes superficies » (SNV, 2010 : 18).

Par ailleurs, les superficies moyennes emblavées par les chefs de ménage sont plus élevées que celles des autres responsables d'unités de production.

Tableau 14: Superficies cultivées par les responsables d'unités de production

Superficie (ha)

Minimum

Maximum

Moyenne

Ecart-type

Superficie totale

0,25

89

5,74

7,597

Superficie en coton

0,20

35

1,90

2,759

Superficie en coton (chefs de ménage)

0,24

35

2,63

3,463

Superficie en coton (aides familiaux)

0,20

5

1,02

0,885

Superficie en coton élèves/apprentis

0,20

2

1,43

2,137

Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

Dans l'ensemble des villages, les céréales occupent une place importante dans les assolements (42,2%). La culture cotonnière vient en deuxième position avec 14,1% des superficies cultivées. « Considérant la situation au niveau de chaque village, le coton occupe une place importante dans les villages de Goumori, Angaradébou, Yedekanhoun, Namoutchaga, Bakoussarou et Makrou Gourou. Moins de 8% des superficies ont été allouées au coton au niveau des autres villages » (SNV, 2010 : 83). Cette situation trouve son explication dans les multiples problèmes de la filière coton au Bénin, ayant obligé un bon nombre de cotonculteurs à abandonner cette culture et à rechercher d'autres alternatives. Au nombre de ces difficultés, on peut citer :

§ « La stagnation de la productivité physique du coton, attribuable à la baisse de la fertilité des sols ;

§ La résistance des ravageurs aux pesticides, qui a entraîné une augmentation des charges liées à l'achat des pesticides ;

§ La baisse des prix du coton et l'entrée en masse sur les marchés mondiaux de nouveaux gros producteurs telles que la Chine et l'Inde ;

§ La promotion de la diversification des productions agricoles, notamment les vivriers marchands et l'anacarde ;

§ les difficultés dans l'organisation de la filière (gestion des dettes des producteurs et des modes d'applicationdu principe de caution solidaire...) » (SNV, op.cit : 2).

Le tableau 15 présente les types d'assolements pratiqués dans les exploitations cotonnières.

Tableau 15: Assolements pratiqués dans les zones cotonnières

Cultures

Villages

Superficies allouées (%)

Coton

Céréales

Légumineuses

Tubercules

Arachide

Cultures maraichères

Cultures pérennes

Jachère

Total

Koekoekanme

6,2

27,9

13,5

7,5

11,9

1,9

7,3

23,8

100

Tognon

4,3

40,2

18,8

16,6

10,8

3,6

4,0

1,6

100

Tamarou

0,4

31,5

12,7

21,5

0,9

0,5

17,0

15,6

100

Bouka

5,6

35,3

6,6

12,5

24,3

0,4

4,7

10,5

100

Fô Bouko

6,4

47,8

18,1

15,9

2,1

0,1

7,5

2,1

100

Koua

1,8

36,8

4,7

17,6

31,8

0,8

4,9

1,7

100

Makrou Gourou

14,7

35,9

5,8

16,1

1,0

0,0

18,8

7,7

100

Bakoussatou

16,0

58,0

4,4

9,3

1,4

3,3

0,2

7,4

100

Namoutchaga

16,6

55,9

19,2

3,4

1,4

2,2

0,0

1,3

100

Yedekanhoun

25,1

54,0

10,8

3,4

0,9

2,0

0,8

2,9

100

Angaradebou

33,4

52,6

4,1

0,2

9,3

0,1

0,4

0,0

100

Goumori

30,1

35,9

3,4

1,5

4,5

0,3

0,6

23,7

100

Sehonouhoué

7,5

54,4

25,5

1,7

1,2

1,4

7,4

0,9

100

Tous villages

14,1

42,2

10,2

8,6

7,9

1,3

5,5

10,2

100

Source : SNV (2010b). Enquête de référence PROCOTON, 2009. Annexe 1-Données par village (p.3)

L'analyse du tableau montre la place importante qu'occupe la production vivrière au sein des exploitations. En effet, les spéculations vivrières marchandes sont utilisées par les agriculteurs comme sources de revenus alternatives au coton.La diversification agricole encouragée par le pays, ainsi que l'augmentation de la valeur marchande des spéculations vivrières justifient en partie cette situation (SNV, 2010 : 86 ; PSRSA, 2010 : 53)

v Liste des opérations culturales et calendrier cultural du cotonnier

Plusieurs opérations culturales sont nécessaires à la production de coton comme le montre le tableau 16. « Dans les systèmes de culture en milieu contrôlé, la production du coton est conduite sur la base des besoins en temps réel de la plante » (Bourland, 1992 cité par Lawson, 2008). Mais au Bénin, où la culture du coton est pluviale, la conduite de la production est basée sur les saisons des pluies. Les périodes de semis sont fixées au mois de juin (plus tôt au Nord :1er juin et un peu plus tard au sud) (Lawson, op.cit). Ainsi, les travaux champêtres pour la production du coton vont du mois de juin au mois de décembre avec des variabilités selon les différentes zones agroécologiques. La grande partie de la période de culture de coton, notamment la période avant récolte, ne coïncide pas avec le calendrier scolaire au Bénin. En effet, l'année scolaire au Bénin va du mois d'octobre au mois de juin, après les examens nationaux (Certificat d'études primaires, le Brevet d'études du premier cycle...)Mais la période de récolte du coton quant à elle, coïncide avec le calendrier scolaire.

Par ailleurs, la plus grande partie des opérations culturales se fait manuellement, à l'exception du labour et du sarclobuttage, qui sont effectuées par certains producteurs (18%) à l'aide de la culture attelée (SNV, 2010 : 18).

Somme toute, pour l'atteinte d'un niveau de productivité satisfaisante, la culture du coton requiert un accès, un contrôle suffisant et une allocation judicieuse des facteurs de production (équipements : attelages ; main d'oeuvre...)

Activités

Temps

Alloué44(*)

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Approvisionnement

en intrants

1 H/J

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Arrachage des anciennes tiges de cotonniers

5

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Défrichement

5

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Labour

15

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sarclo-buttage

10

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Semis

4

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Démariage

4

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Epandage d'engrais

2

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sarclage

10

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Traitements phytosanitaires

1

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Récolte

40

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Transport de la récolte du champ

10

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Attachage des balles de coton

1

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Source : Calendrier réalisé sur la base de données de l'enquête Procoton et de Lawson, 2008

Nettoyage des lieux de stockage

 

1

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Tableau 16: Calendrier cultural du cotonnier

L'analyse du temps alloué aux opérations culturales montre qu'en moyenne 109 H/J de travail sont nécessaires pour la culture d'un hectare de coton, contre 56H/J pour le maïs.

« L'équivalent adulte servant de standard est un homme adulte en situation de travail. Les femmes non impliquées dans une activité reproductive (allaitement, grossesse) et âgées de 15 à 50 ans sont également considérées comme un équivalent-adulte. Les enfants et les personnes âgées sont comptés pour moins d'un équivalent adulte » (SNV, 2010 : 36).

La production de coton utilise plus le facteur travail que d'autres cultures de l'exploitation. Le labour, le sarclage et surtout la récolte apparaissent comme les opérations les plus pénibles et consommatrices de temps au regard du nombre d'actifs qu'elles peuvent consommer.

v Organisation du travail agricole et allocation de la main d'oeuvre au niveau des exploitations cotonnières

Le temps de travail des membres du ménage dont l'âge est supérieur à 5 ans est réparti entre quatre (4) catégories d'occupations :

§ Les activités sociales et culturelles, puisles loisirs : ils regroupent les jeux, les cérémonies coutumières, les réunions communautaires... ;

§ Les activités de formation : elles consistent à la scolarisation ou aux formations professionnelles

§ Les tâches domestiques : elles comprennent la collecte de l'eau, du bois et toutes autres activités du ménage ;

§ Le travail sur les unités de production : il concerne exclusivement les travaux au champ. Ce travail productif concerne non seulement la production cotonnière, mais aussi les autres spéculations pratiquées dans l'exploitation.

Le graphique 7 montre l'allocation du temps de travail de 9,3 personnes (les enfants de moins de 5 ans ne sont pas pris en compte) dans un ménage moyen de 10,3 membres pendant une année.

Graphique 7: Répartition du temps de travail au sein d'un ménage pendant une année

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête

de référence PROCOTON, 2009 

L'analyse du graphique montre que les actifs du ménage allouent 37% de leur temps de travail à la production. Les activités sociales et de loisirs occupent également une part importante dans le ménage. Les personnes âgées allouent une grande partie de leur temps aux activités sociales, et les enfants quant à eux, pour les loisirs. Viennent ensuite les activités domestiques et les activités de formation.

Quant à l'organisation de la main d'oeuvre, elle varie d'un village à un autre.La main d'oeuvre familiale et la main d'oeuvre salariée sont utilisées. La main d'oeuvre familiale est beaucoup plus mobilisée à Aplahoué (100%) et Kandi (90%), comparativement aux communes de Dassa, N'Dali, Djidja, Glazoué et Banikoara, où c'est la main d'oeuvre salariée qui est majoritairement utilisée.

4.2. Le travail des enfants dans les exploitations cotonnières

4.2.1. Caractéristiques des enfants travailleurs

L'effectif total des enfants âgés de 5 à 17 ans est de 921 dont 515 filles (56%) et 406 garçons (44%).La répartition du temps de travail des enfants selon les différentes catégories d'occupation révèle que 56% de ce temps est destiné à la formation, 88,7% aux activités sociales, 70,9% aux tâches domestiques et 59,7% au travail productif. Le tableau 17 présente l'effectif des enfants impliqués (ou non) dans les différents types de travaux au cours de l'année 2009 selon les différentes zones cotonnières.

Tableau 17: Répartition du travail des enfants au sein des exploitations cotonnières au cours de l'année 2009

Zones cotonnières

Formation

Travail social

Travail domestique

Travail productif

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Non

Zone cotonnière Alibori/ Zone 1

(N= 380)

161

219

313

67

248

132

214

166

Zone coton vivrier Borgou et sud Atacora/Zone2

(N=155)

88

67

140

15

104

51

103

52

Zone Ouest Atacora/Zone 3

(N=170)

127

43

161

9

133

37

93

77

Zone vivrière Donga et Borgou/Zone 4

(N=31)

22

9

29

2

26

5

16

15

Zone collines/Zone 5(N= 25)

23

2

25

0

21

4

11

14

Zone sud/Zone 6(N=160)

94

66

149

11

121

39

113

47

Total (N=921)

515

406

817

104

653

268

550*

371

Total (%) sur l'ensemble de l'effectif des enfants (N=921)

56%

44%

88,7%

11,3%

70,9%

29,1%

59,7%

40,3%

N= effectif.Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

NB : Tous les résultats présentés sur le travail productif des enfants concernent uniquement les travaux réalisés sur les champs du chef de ménage. Les travaux réalisés sur les parcelles réservées aux aides familiaux ne sont pas pris en compte, par souci de clarté et de concision.

* : Comme il a été précisé dans la clarification des concepts, seul le travail productif sera concerné par le reste des résultats. Ainsi l'effectif des enfants travailleurs est de 550 enfants, soit 60% de l'effectif total des enfants issus des exploitations cotonnières ;

4.2.1.1. Répartition par sexe et par âgedes enfants travailleurs

Sur l'ensemble de la zone d'étude, la proportion de filles effectuant un travail productif est supérieure à celle des garçons. En effet, 64,2% de filles ont effectué des travaux productifs contre 35,8% de garçons

En outre, l'analyse du tableau montre que les enfants de la tranche d'âge 5-11ans, sont plus impliqués dans les travaux que les autres tranches d'âge (Voir Tableau 18).

En outre, l'âge moyen d'un enfant travailleur est de 11,37 ans (ó= 3,33).

Tableau 18: Répartition par sexe et par âge des enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières

Âge des enfants

Filles

Garçons

Total (%)

N

%

N

%

5-11 ans

169

30,7

106

19,3

50

12-13 ans

75

13,6

31

5,7

19,3

14-17 ans

109

19,8

60

10,9

30,7

Total

353

64,2

197

35,8

100

N : effectif ; Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

4.2.1.2. Part de temps alloué à la formation par les enfants travailleurs

Les enfants travailleurs se voient allouer par leurs parents, en moyenne 30,91% de leur temps pour la formation (scolarisation et apprentissage de métiers), 13,10% pour les travaux domestiques, 19,32% pour le travail social et 21,30% pour les travaux de production(C.f.tableau 19).

Les filles et les garçons consacrent respectivementen moyenne, 31,28% et 30,23% de leur temps à la formation. Ces résultats se justifient par les mesures de gratuité de l'école pour les filles enregistrées au Bénin ces dernières années.

Tableau 19: Moyenne de temps alloué (%) à la formation et aux autres activités par les enfants travailleurs

N

Types de travaux

Minimum

Maximum

Moyenne45(*)

Ecart-type

550

Formation

0

83

30,91

24,57

550

Domestique

0

60

13,10

11,34

550

Social

0

93

19,32

15,10

550

Productif

1

97

21,30

17,30

Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

Par ailleurs, sur l'ensemble de la zone d'étude, 33,5% d'enfants ne font aucune formation. 46,7% des enfants y consacrent 50% de leur temps de travail alors que d'autres enfants (20,1%) se voient attribuer plus de 50% de temps de formation au cours d'une année (Cf. tableau 20).

Tableau 20: Temps alloué à la formation par les enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières

Temps de travail alloué à la formation

0

1-25%

26-50%

51-75%

>75%

Total

Effectif

183

29

228

101

9

550

Fréquence (%)

33,2

5,3

41,4

18,4

1,7

100

Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

Somme toute, le temps de travail des enfants au sein des exploitations cotonnières, est partagé entre les travaux de formation et les autres types d'activités de l'exploitation.

4.2.2. Types d'activités et principales tâches effectuées par les enfants dans les exploitations cotonnières

Les enfants effectuant un travail productif représentent 59,8% de l'effectif total des enfants issus des exploitations cotonnières. Ils travaillent comme des aides familiales au sein des exploitations. Toutes les zones cotonnières identifiées sont concernées par l'utilisation du travail de leurs enfants. Les principales tâches effectuées par les enfants sont le semis, le démariage, le guidage d'animaux de trait, le sarclage et la récolte, non seulement pour la culture cotonnière, mais aussi pour les autres cultures pratiquées dans les assolements.

§ Le semis : il consiste à mettre sous terre dans des poquets, les graines de coton (ou de toutes autres spéculations). Les poquets sont réalisés à l'aide du talon des pieds ou avec un bâton ;

§ Le démariage : lors de la levée des graines, le nombre de tiges ne doit pas excéder deux ou trois. Ainsi, le démariage consiste à arracher à la main, le surplus de tiges levées par poquet ;

§ Le guidage d'animaux de trait :deux personnes sont nécessaires pour l'utilisation de la culture attelée. En effet, une personne (adulte) reste à l'arrière et tient la charrue, et la seconde reste à l'avant pour le guidage des animaux de trait à travers les sillons ;

§ Le sarclage : il consiste à enlever les mauvaises herbes et adventices des champs. Le sarclage s'effectue manuellement avec la houe ;

§ La récolte du coton et des autres spéculations de l'exploitation : elle s'effectue manuellement.

Ces activités manuelles jugées généralement faciles, et ne nécessitant pas d'efforts physiques, sont réservées aux femmes et aux enfants au niveau des exploitations. Les autres activités jugées plus pénibles et dangereuses sont effectuées par les adultes. Cependant, l'enfant dont l'âge est compris entre 15 et 17 ans, est considéré comme un équivalent adulte. Son travail sur l'exploitation compte pour le travail d'un adulte. Dès lors, les tâches exercées par les adultes (ayant au moins 18 ans) peuvent également être exécutées par ces enfants

4.2.3. Conditions de travail des enfants dans les exploitations cotonnières

4.2.3.1. Lieux et horaires de travail des enfants

Toutes les activités effectuées par les enfants dans les exploitations cotonnières se font au champ. Ce sont des activités diurnes qui commencent généralement à l'aube (7h du matin) et se terminent le soir aux environs de 16h. Une pause-déjeuner est prise par toute l'équipe de travail sur le temps de midi, lorsque le soleil est au zénith. Le guidage des animaux de trait pour le labour ou le sarclobuttage à la culture attelée, peut durer 5jours pour la culture d'un hectare de coton. Le temps de semis, varie également selon les superficies cultivées par le chef de ménage. Il en est de même pour les activités de démariage et de récolte. De ce fait, plus les superficies cultivées sont élevées, plus le nombre de jours de travail augmente pour les enfants.

4.2.3.2. Types de rémunération et charges de travail des enfants

Le travail des enfants n'est pas rémunéré, ni en nature, ni en espèces. Il est plutôt considéré socialement dans la zone d'étude, comme une aide logique que les enfants doivent apporter à leurs parents.

Sur le plan de l'effort physique, les activités exercées par les enfants, n'en demandent pas énormément. Toutefois, ce sont des activités qui durent de longues heures et requièrent l'adoption de positions présentant des risques ergonomiques(troubles musculo-squelettiques). Le guidage des animaux de trait et la récoltes'effectuent en position debout. Cette dernière activité requiert des allers-retours pour décharger les sacs remplis de fibres au lieu de collecte.Les activités de semis, de démariage et de sarclage se font dans une position mi- accroupie. La charge de travail des enfants n'est pas très élevée quand on considère l'utilisation de l'effort physique, mais le devient au regard du temps de travail et des positions adoptées.

Par ailleurs, 6,2% d'enfants, consacrent 51 à 70% de leur temps au travail productif au cours d'une année, dans les exploitations cotonnières. 67, 3% d'enfants consacrent 1 à 20% de leur temps au travail productif (Voir tableau 21). L'analyse de ce tableau révèle qu'une faible proportion d'enfants alloue tout leur temps au travail productif. Ainsi au cours d'une année, en moyenne 20% du temps des enfants est utilisé pour le travail productif. Le travail productif, semble ainsi, ne pas empiéter sur la formation, les loisirs et les autres occupations de l'enfant.

Tableau 21:Temps alloué au travail productif par les enfants travailleurs dans les exploitations cotonnières

Temps alloué au travail productif (en une année)

Enfants travailleurs (Fréquence)

Pourcentage

(%)

[1-10%]

196

35,7

[11-20%]

174

31,6

[21-30%]

80

14,5

[31-40%]

32

5,8

[41-50%]

34

6,2

[51-60%]

12

2,2

[61-70%]

10

1,8

> 70%

12

2,2

Total

550

100

Source :Tableau réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

4.2.4.Effets du travail des enfants sur leur santé

« Le travail agricole, qu'il soit journalier ou temporaire, a des effets sur la santé des travailleurs (adultes et enfants). En effet, les activités agricoles durent de longues heures et nécessitent des postures, pouvant occasionner des troubles musculo-squelettique. En outre, le contact avec les animaux, ou des végétaux allergènes sont source d'infections, de parasitoses, d'allergies et d'autres maux... De plus, les distances parcourues pour accéder aux champs peuvent être très longues. L'exposition aux pesticides et engrais chimiques, sont également source d'intoxication et présentent des risques cancérigènes à long terme  » (BIT, 2011 : 5).

Dans les exploitations cotonnières, les enfants effectuent des tâches jugées peu pénibles. Cependant, ces derniers sont exposés aux dangers et risques précédemment cités. Ils le sont davantage, en comparaison aux adultes, lorsqu'on considère leur état d'esprit, leurs conditions physiques et psychologiques. Ainsi, quelle que soit la durée du travail, les enfants travailleurs sont sujets à court ou à long terme à des effets néfastes sur leur croissance et leur développement. (BIT, 2011 : 8).

Par ailleurs, l'existence de ces risques et effets reste peu connue de la grande majorité des agriculteurs en milieu rural. Une meilleure connaissance de ces risques, pourraient inverser la tendance du travail des enfants. Les photos 1, 2 et 3 montrent quelques activités effectuées par les enfants dans les champs de coton.

Photo 1: Sarclobuttage/Guidage de boeufs de trait dans un champ de coton

Photo 2: Démariage dans un champ de coton

Source : http://www.erails.net/images/cote-divoire/cnra/cnra/file/ftech%20coton.pdf

Source : http://www.erails.net/images/cote-divoire/cnra/cnra/file/ftech%20coton.pdf

Source : http://www.cotton-made-in-africa.com/fr/le-coton-africain.html

Source : http://www.thiriez.org

Photo 3: Activité de récolte du coton

4.2.5. Effets du travail des enfants sur leur scolarisation

L'année scolaire commence au début du mois d'Octobre et s'achève à la mi- Juin, lorsqu'il n'y a aucune crise. Ce calendrier scolaire est ponctué de congés : les congés de fête au mois de Décembre ; les congés de détente au mois de Février et les congés de Pâques aux mois de Mars, d'Avril ou de Mai (en fonction de la date de la fête de Pâques).

Selon le calendrier cultural du coton, les activités de semis, de démariage et de sarclage ont lieu dans les mois de Juin et Juillet. Cette période ne coïncide pas avec le calendrier scolaire. Ainsi, l'utilisation des enfants pour les travaux champêtres dans cette période, n'a pas à priori, d'effets directs sur leur scolarisation. Néanmoins, ces travaux pourraient affecter la scolarisation des enfants, si ces derniers y consacrent trop de temps. En effet, la fatigue et les blessures... que pourraient occasionner ces activités, auront sans doute des conséquences à moyen et à long terme sur leur santé, et par conséquent sur leur scolarisation.

Quant aux activités de guidage de boeufs de trait, elles sont liées aux activités de labour et de sarclobuttage. Les enfants ne sont généralement pas impliqués dans les activités de labour.

Les activités de sarclobuttage s'effectuent dans les mois de Mai et Juin. Les mois de Mai et de Juin, correspondent souvent aux périodes d'examens et essais blancs. Pour les élèves qui ne sont pas candidats aux différents examens nationaux, cette période s'assimile à une période de repos et de révision pour les derniers devoirs/ou le calcul des moyennes scolaires. De ce fait, cette activité semble ne pas avoir de répercussions immédiates sur la scolarisation des enfants.

Quant aux activités de récolte, elles ont lieu à partir du mois d'Octobre, jusqu'au mois de Janvier. Contrairement aux autres activités, la récolte du coton pourrait avoir de répercussions sur la scolarisation des enfants. En effet, elle coïncide avec le début de l'année scolaire et nécessite beaucoup de main d'oeuvre. La rareté et la cherté de la main d'oeuvre pourrait occasionner la déscolarisation temporaire ou définitive des enfants.

4.2.6. Liens de parenté entre les enfants travailleurs et le chef de ménage

La grande partie des enfants travailleurs ont un lien direct avec le chef de ménage. 85,4% sont les enfants du chef de ménage. Les autres sont des neveux/nièces (6,2%), d'autres sont les petits fils, ou encore les frères et soeurs du chef de ménage. 0,9% d'enfants sont sans liens directs de parenté avec le chef de ménage (Voir graphique 8).

Graphique 8: Liens de parenté des enfants travailleurs avec le chef de ménage

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

4.3. Conclusion partielle

Les responsables d'unités de production cotonnière sont en grande majorité des hommes, dont la moyenne d'âge est située dans la quarantaine. Les ethnies dominantes au niveau de la zone cotonnière sont le « Bariba », le « Mokolé » et l' « Adja ». La taille moyenne des exploitations est de 10 membres, avec un effectif de 5 personnes à charge. Près de 70% des responsables d'unités de production n'ont jamais été à l'école.

Par ailleurs, le travail des enfants est une réalité dans les exploitations cotonnières au Bénin.

Les enfants âgés de 5 à 17 ans, travaillent dans le cadre familial pour apporter de l'aide à leurs parents. Aussi, à 15 ans, l'enfant se voit attribuer des tâches d'adulte, étant donné qu'il est considéré comme tel. Les tâches assignées aux enfants sont jugées faciles par les parents et la société, mais elles deviennent éreintantes, lorsqu'elles sont analysées par rapport au temps et aux positions de travail.

Cependant, l'ampleur du travail des enfants, n'est pas assez grande, puisque la majorité consacre moins de 30% de leur temps au travail sur les exploitations cotonnières. Le reste est partagé entre leurs loisirs, formation et au niveau des tâches domestiques.

CHAPITRE 5 : FACTEURS DETERMINANTS DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES EXPLOITATIONS COTONNIERES

Le travail des enfants, est expliqué par plusieurs facteurs, dont la pauvreté est généralement citée en premier. Dans ce chapitre, il s'agit d'identifier et d'analyser les raisons qui emmènent les parents à faire travailler les enfants.

5.1. Facteurs de bien-être du ménage

5.1.1. Liens entre le travail des enfants et le revenu des ménages

Le test de corrélation entre le revenu des ménages et le nombre d'enfants travailleurs montre que le coefficient de corrélation r = 0,234 et « p value » est< 0,0546(*).

Ainsi, r est différent de 0 et significatif au seuil de 5%. Les variables « revenu des ménages » et « nombre d'enfants travailleurs » sont corrélées, mais faiblement comme le montre le graphique 9 ci-dessous.

L'analyse de ce graphique montre dans l'ensemble que les enfants travailleurs sont concentrés au niveau des ménages dont les revenus sont compris entre 0 et 4.000.000 FCFA. Au-delà du niveau de revenu de 4.000.000 FCFA, le nombre d'enfants travailleurs est faible.

Cependant, le graphique montre également que certains ménages dont le niveau de revenu est très élevé (> 8.000.000 FCFA) ont 10 à 12 enfants qui travaillent.

Ainsi, le niveau de revenu du ménage ne pourrait à lui seul expliquer l'utilisation du travail des enfants dans la présente étude.

Graphique 9: Répartition du nombre d'enfants travailleurs en fonction du revenu des ménages

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

 

5.1.2. Lien entre le travail des enfants et les capitaux détenus par les ménages

Le test de corrélation effectué entre les variables « nombre d'enfants travailleurs » et les « capitaux détenus par les ménages » montre que le coefficient de corrélation r = 0,089 et n'est pas significatif.

Les capitaux détenus par les ménages sont positivement corrélés avec leurs revenus. Ainsi, les résultats attendus du test de corrélation devraient être identiques à ceux obtenus au niveau des revenus. Mais tel n'est pas le cas. En effet, le coefficient r = 0, 09, est plutôt proche de 0 (Voir, annexe 2). Ce qui indique un manque de corrélation entre le nombre d'enfants travailleurs et les capitaux détenus par les ménages. De plus, le test n'est pas significatif. Ces résultats obtenus pourraient être imputés aux limites du modèle de corrélation. En effet, selon Bourbonnais (2011 : 13), « le modèle de corrélation ne permet de déterminer que des corrélations linéaires entre variables. Ainsi, deux variables en totale dépendance peuvent avoir un coefficient de corrélation nul ».

Ces résultats pourraient également se justifier par la taille de l'échantillon et les limites de cette étude précédemment élucidées.

5.1.3. Le niveau de vulnérabilité des ménages et son impact sur les enfants

Les exploitations cotonnières ont été sujettes à plusieurs crises lointaines47(*) ou récentes. Ces crises concernent entre autres, des maladies ou accidents, qui entraînent une immobilisation temporaire ou durable des membres des ménages. 42,8% des exploitations ont cité cette catégorie de crises. Les décès d'ascendants, ou de descendants ainsi que d'autres parents proches des chefs de ménages font partie également des crises rencontrées par 23,8% des exploitations. Les autres crises, non moins importantes concernent les pertes de récolte et de cheptel, des cérémonies engendrant des dépenses financières (C.f. graphique 10)

Graphique 10: Nature des crises au sein des exploitations cotonnières

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

La gestion de ces différentes crises entraîne des recours. Ces derniers sont fonction de l'intensité de la crise. Les recours vont de l'emprunt et de l'utilisation de l'épargne à la vente sur pied des récoltes. Dans l'échantillon considéré pour la présente étude, aucun recours n'implique la déscolarisation, ni l'envoi en domesticité des enfants. Les ménages producteurs cherchent plutôt d'autres alternatives qui ne nuisent pas à « l'avenir » de leurs dépendants enfants comme le montre le graphique 11.

Graphique 11: Nature des recours effectués par les exploitations cotonnières face aux crises

Source :Graphique réalisé à partir de la base de données de l'enquête de référence PROCOTON, 2009 

L'analyse des résultats obtenus implique que les ménages enquêtés ne sont pas si vulnérables, au point se sacrifier les chances de réussite de leurs enfants. Toutefois, ces résultats n'excluent pas l'existence de ce type de recours48(*). Un échantillon plus grand pourrait faire ressortir des ménages, qui seraient contraints d'envoyer leurs enfants en domesticité ou de vendre leur force de travail pour la gestion des crises.

5.1.4. Test de l'hypothèse 1

Dans les exploitations cotonnières identifiées, les enfants allouent en moyenne 20% de leur temps au travail productif. La formation et les loisirs occupent également une place importante dans la vie des enfants et représentent respectivement 30,9% et 19,3% du temps de travail des enfants en une année.

Par ailleurs, l'analyse du revenu des ménages et le nombre d'enfants travailleurs, révèle une corrélation faible. De plus, l'analyse effectuée entre les capitaux détenus par les ménages et le nombre d'enfants travailleurs montre qu'il n'y a pas de corrélation apparente entre ces deux variables.

Ainsi, il peut être conclu que l'axiome de luxe de Basu et Van semble ne pas être vérifié pour la présente étude de cas. Ces résultats corroborent avec ceux obtenus par Rajan (2000) au Pérou et Canagarajah et Coulombe (1997) au Ghana.

En outre, les enfants travaillent dans le cadre familial avec leurs parents. Les enfants n'entrent pas en compétition avec les adultes sur le marché du travail. Ils les aidentplutôt pour des tâches jugées faciles et peu contraignantes. Ceci témoigne de la prise en compte de la condition physiologique et physique de l'enfant. Si l'exploitation cotonnière est considérée comme une entreprise, l'hypothèse de substitution de Basu et Van semble ne pas être vérifiée.

La mesure du niveau de vie des ménages, a porté également sur le niveau de vulnérabilité des ménages. En effet, aucun ménage, n'a recours au travail des enfants pour gérer des crises. Des solutions alternatives sont plutôt trouvées pour la gestion des crises.

L'hypothèse 1 est infirmée. Toutefois, compte tenu des limites de cette étude, ces résultats méritent d'être vérifiés par des études ultérieures plus complètes et spécifiques sur le travail des enfants dans les exploitations cotonnières.

5.2. Facteurs socioculturels déterminant le travail des enfants

5.2.1. La perception de l'enfant dans l'organisation sociale traditionnelle béninoise

L'enfant occupe une place importante dans la société traditionnelle au Bénin. Il est perçu comme l'héritier et le garant des valeurs sociales et culturelles comme le montre la figure 4 ci-dessous.

Figure 4: Nuage sémantique de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise

ENFANT

Précieuse valeur ajoutée

Relève de la communauté

Force économique et sociale

Privilège pour le père

Garant de la sécuritéde la femme

Garant du bonheur et de la survie des parents et de la communauté

Vecteur de développement des communautés

Créateur de liens sociaux

Ciment du couple

1ère richesse du monde

Source : Figure réalisée sur la base des travaux de Hounyonto (2009)

L'analyse du nuage sémantique de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise témoigne de l'intérêt et de la valeur accordés à l'enfant tant par sa famille, que par sa communauté toute entière. En outre, l'identité de l'enfant se construit dans un cadre social et communautaire.

Cette place qu'occupe l'enfant, explique son implication active dans l'organisation sociale traditionnelle au Bénin.

« Dans la société traditionnelle béninoise, l'enfant est un sujet de droits et de liberté. Ces droits non écrits, mais gravés dans le subconscient de chaque membre de la communauté sont reconnus, respectés, garantis et protégés. Au nombre de ces droits, on peut citer« le droit à la vie ; le droit à une alimentation ; le droit à une famille ; le droit au logement, le droit au champ ou à la fortune représentant le droit à la propriété pour l'enfant mais également le droit à l'héritage, le droit aux mânes protecteurs qui est l'équivalent de nos jours du droit d'être protégé notamment conte le mal, la maltraitance, les abus et l'exploitation ; le droit à une éducation ;  le droit à un nom et à une identité, le droit à la parole et le droit à la participation communautaire» (Hounyonto, 2009).

« Cependant, les droits de l'enfant impliquent également des devoirs envers sa famille et sa communauté. Contrairement aux droits, les devoirs des enfants envers leurs parents, sont nettement énumérés montrant leur prééminence dans la société traditionnelle béninoise voire africaine. En effet, le droit à la participation communautaire « oblige » entre autre l'enfant à apporter son aide à sa famille, dans ses différentes tâches quotidiennes à savoir les travaux domestiques et champêtres...Ainsi, dès que son âge le permet, l'enfant a le devoir de mettre ses forces et capacités physiques et intellectuelles à la disposition de sa communauté d'appartenance. Il est également le garant de la tradition à travers la préservation des valeurs culturelles, des normes et de la coutume. Un proverbe fon béninois l'illustre pleinement : « Vid?k?n ?n zokun nã tchio ». Ce qui se traduit littéralement en français par « Lorsque l'enfant est là, le feu ne s'éteindra jamais ». Le feu dont on parle se résume aux valeurs culturelles, sociales et collectives.

Le non-respect de ses différents devoirs par l'enfant, implique une négation ou un refus de garantir ses droits (précédemment cités)par la collectivité » (Hounyonto, op.cit)

L'analyse de toutes ses représentations sociales de l'enfant, explique et justifie l'utilisation du travail des enfants dans la société traditionnelle béninoise. Le travail des enfants dans le cadre des exploitations cotonnières doit donc être perçu comme une valeur sociale et non une exploitation économique. En effet, le temps consacré par les enfants au travail productif en dit long. Ce dernier n'empiète pas sur les loisirs de l'enfant, ni sur sa formation. Les tâches jugées socialement dangereuses et très pénibles sont effectuées par les adultes, dans un souci de respect de la vie et de la condition fragile de l'enfant.

5.2.2. La socialisation de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise

Le travail des enfants dans les exploitations cotonnières au Bénin, peut être donc perçu comme une forme de socialisation. « Cette éducation de l'enfant se fait en fonction de son développement physique et de son âge. L'initiation très précoce de l'enfant au travail, est perçue dans la tradition comme une initiation aux valeurs de l'effort. L'enfant se voit ainsi formé à l'acquisition du goût du travail, devant lui permettre de se préparer à ses responsabilités futures dans sa communauté » (Hounyonto, 2009). Kouton (2005 : 994) cité par (Agoli-Agbo, Sd.), avait déjà abondé dans le même sens. Selon lui,  « le travail des enfants constitue un outil de socialisation et de formation. En effet, l'enfant qui ne boude pas les travaux champêtres et ou domestiques pour aider ses parents est considéré comme « bien éduqué » ; il sera capable d'affronter les difficultés de la vie entres autres en exerçant très tôt des activités à caractères économiques. « Il est bien dégourdi et pourra se débrouiller seul face à certaines difficultés ». C'est presque des valeurs qu'on transmet à l'enfant. Par contre, l'enfant paresseux qui n'aime pas aider ses parents devient très vite un pestiféré, personne n'aime le prendre avec lui et on lui prédit même un avenir sombre. Fille ou garçon, il aura du mal à s'insérer dans le tissu social. Ainsi la culture africaine est donc assez favorable au travail des enfants, mais pas sous sa forme d'exploitation ».

Par conséquent, l'initiation au travail des enfants exclut toute forme d'abus et de déviances, pouvant porter atteinte aux capacités physiques de l'enfant et à ses droits.

La faible utilisation des enfants dans les exploitations cotonnières, pourrait être assimilée à leur initiation au goût du travail. En effet, les enfants sont impliqués dans les travaux productifs quel que soit le niveau de revenu et des capitaux des ménages.

Par ailleurs, d'autres représentations sociales sont faites du travail des enfants, non seulement au Bénin, mais aussi dans les pays avoisinants. C'est le cas d'un village du Burkina-Faso dont les jeunes enfants en âge de travailler, émigrent pour travailler comme manoeuvre agricole au Bénin. Plusieurs facteurs présentés par l'encadré justifient cette situation.

Encadré 5: Autres déterminants sociaux du travail des enfants

Banikoara, est l'une des communes qui contribue majoritairement à la production nationale de coton au Bénin. Gnoulla Yempabou est un jeune enfant d'origine burkinabè, venu y travailler à l'âge de 16 ans, comme manoeuvre agricole. Ce dernier participe au recrutement d'autres manoeuvres pour son « patron » au Burkina-faso (dans un village situé à 30Km de Banikoara),pour la prochaine saison cotonnière. Gnoulla estime que ''De toutes les façons, il est bien plus facile d'être ouvrier agricole au Bénin qu'au Burkina Faso où la terre est très dure à travailler' »

''Tout ce qui intéresserait les enfants burkinabè, ce sont les 60.000 FCFA (environ 105 dollars US) qu'ils vont pouvoir ramener chez eux à la fin de la saison, et les honneurs qu'ils vont tirer de leur séjour au Bénin'', affirme Orou Mahamé Douné, chef de l'arrondissement de Soroko, frontalier du Burkina Faso.

Pour le jeune Burkinabè, dit-il, ''séjourner au Bénin est une fierté, un honneur. Le jeune qui séjourne au Bénin est jugé plus valeureux que celui qui n'a jamais connu ce pays. Le premier a plus de chance d'avoir une femme que le second. Il plaît aux filles et la communauté lui confie plus de responsabilités.

Source : Boko, M. (2013). DROITS-BENIN: Une ONG veut arracher 400 enfants des champs de coton. [Article en ligne], URL : http://www.ips.org/fr/droits-benin-une-ong-veut-arracher-400-enfants-des-champs-de-coton/, consulté le 18 Mai 2013.

L'analyse de cet encadré, montre que le travail des enfants peut être également déterminé par une quête d'honneur et d'affirmation sociale.

5.2.3. Test de l'hypothèse 2

La perception de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise semble être un facteur très déterminant du travail des enfants. La place et les rôles dévolus à l'enfant dans l'organisation sociale du travail en témoignent largement. Par ailleurs, la recherche d'une certaine affirmation sociale pourrait déterminer également le travail des enfants.

Il ressort de ces différentes analyses que l'hypothèse 2 est confirmée.

En outre, d'autres facteurs, cités dans le rapport de l'enquête nationale sur le travail des enfants au Bénin, pourraient favoriser le travail des enfants. Il s'agit du :

§ milieu de résidence de l'enfant : l'enfant qui réside en milieu rural a plus de chances de travailler que celui qui réside en milieu urbain ;

§ lien de parenté de l'enfant et du chef de ménage : lorsque l'enfant n'a pas de filiation directe avec le chef de ménage, il est susceptible d'être mis au travail;

§ du sexe du chef de ménage : lorsque l'enfant vit dans un ménage dirigé par un homme, la probabilité que l'enfant travaille est élevée;

§ du niveau d'instruction du chef de ménage : lorsque le chef de ménage n'a aucun niveau d'instruction, il a tendance à faire travailler ses enfants.

La présente étude, n'a pas pu vérifier ces hypothèses. Toutefois, ces hypothèses pourraient être utilisées par d'autres recherches ultérieures complètes sur le travail des enfants.

5.3. Conclusion partielle

Le travail des enfants semble plus lié aux normes sociales et culturelles qu'au niveau de vie des ménages. En effet, l'enfant représente une source de richesse pour sa famille et sa communauté, et ne saurait être exploité, uniquement à des fins économiques. Ainsi, le travail des enfants est socialement accepté et encouragé dans la société traditionnelle béninoise et africaine. Cependant, ces résultats concernant les facteurs déterminants du travail des enfants dans les exploitations cotonnières méritent d'être confirmés par des études ultérieures et spécifiques, avec un échantillon plus représentatif.

QUATRIEME PARTIE : CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS

CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS ET SUGGESTIONS

6.1. Conclusion

Cette étude a permis d'avoir des informations sur le travail des enfants dans les exploitations cotonnières au Bénin. L'objectif de cette étude a été de faire un état des lieux du travail des enfants dans les exploitations cotonnières, tout en essayant d'identifier les facteurs le déterminant.

Malgré l'utilisation de données secondaires et des limites présentées par cette étude, plusieurs conclusions peuvent en être tirées. Les conclusions afférentes à l'étude de cas sont les suivantes:

v Le travail des enfants n'est pas un mythe dans les exploitations cotonnières au Bénin. Il existe, mais reste de faible ampleur, comparativement à d'autres productions où les enfants sont présents à toutes les étapes. En effet, les enfants consacrent en moyenne 20% de leur temps au travail productif pendant une année, le reste étant consacré à leur formation, aux tâches domestiques et aux loisirs. Les enfants exercent les activités de semis, de sarclage, de démariage, de guidage des boeufs de trait et de récolte.

v Ces travaux jugés peu pénibles, et donc adaptées aux conditions des enfants du point de vue social, présentent toutefois des risques sur la santé des enfants. L'exposition des enfants aux produits chimiques, les postures et d'autres facteurs présentent des risques importants pour la croissance et le développement des enfants. Ces risques encourus tant par les adultes, que par les enfants sont peu connus.

v Sur le plan de la scolarisation, le calendrier cultural coïncide avec le calendrier scolaire, uniquement lors des activités de récolte. Toutefois, les enfants consacrent plus de temps à leur formation qu'aux autres activités pendant une année. Ainsi le travail des enfants semble ne pas influer significativement sur la scolarisation des enfants.

v Le travail des enfants semble plus lié aux normes sociales et culturelles qu'au niveau de vie des ménages. La corrélation entre le nombre d'enfants travailleurs et les revenus de ménages est en effet très faible. Il en est de même pour les capitaux détenus par les ménages. En outre, le recours n'est pas fait au travail des enfants pour la gestion des crises qui surviennent dans les exploitations. Par ailleurs, l'enfant est « sacré » dans la société béninoise. Il peut donc être conclu que les enfants ne sont pas exploités. L'utilisation de leur main d'oeuvre, loin d'être justifiée systématiquement par des raisons économiques, pourrait plutôt trouver son explication dans les perceptions sociales et culturelles de l'enfant et du travail dans la société béninoise.

Par ailleurs, l'élimination complète du travail des enfants, au sens des normes internationales, paraît plutôt « utopiques » à court et à moyen terme.Cependant des mesures doivent être prises pour prévenir et punir les abus en matière de travail des enfants.

6.2. Suggestions

Au terme du présent travail, il convient que les normes sociales et culturelles soient prises en compte lors d'une étude relative au travail des enfants au Bénin. Il n'y a pas de solutions toutes faites pour prévenir et éliminer les abus en matière de travail des enfants. Cependant, plusieurs actions méritent d'être menées par les différents acteurs concernés par cette situation. A cet effet, nous suggérons ce qui suit :

v A l'endroit du ministère de la famille et de l'enfant et du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin :

§ Définir une liste des travaux dangereux pour les enfants dans toutes les branches d'activités au Bénin ;

§ Punir les abus liés au travail des enfants tant en milieu rural qu'urbain

§ Limiter le temps de travail des enfants à un niveau maximum, afin de réduire leur exposition aux dangers et risques que présentent les activités agricoles

v A l'endroit de l'IPEC (Programme international pour l'abolition du travail des enfants) et de l'Unicef (Fonds des Nations Unies pour l'Enfance) :

§ Informer et sensibiliser la population sur les dangers et risques liés au travail agricole et particulièrement pour les enfants ;

v A l'endroit des services publics en charge de la vulgarisation agricole au sein des CARDER (Centres Agricoles Régionaux pour le Développement Rural)

§ Promouvoir et vulgariser la petite mécanisation, afin de réduire la pénibilité et le temps de travail tant pour les enfants que pour les adultes ;

§ Promouvoir et vulgariser la méthode de guidage des boeufs de trait par l'arrière49(*) (recommandée par l'initiative CmiA (Coton made in Africa) au niveau de tous les agriculteurs.

Nous espérons que les résultats de la présente étude, bien qu'étant perfectibles,donneront des pistes de recherche pour les études ultérieures en matière de travail des enfants.

6.3. Implications futures

La présente étude a analysé le niveau de vie des ménages, en tenant compte uniquement de leurs niveaux de revenus, des capitaux et de vulnérabilité. L'indicateur d'insécurité alimentaire n'a pas été pris en compte. Cet indicateur mérite d'être pris en compte par des recherches ultérieures. Aussi, d'autres facteurs tels que le niveau d'instruction, le sexe du chef de ménage et le milieu de résidence de l'enfant pourraient être également pris en compte par d'autres études afin de rendre plus complet le présent travail.

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ANNEXES

Annexe 1 : Carte du Bénin présentant les zones agroécologiques avec une matérialisation des zones cotonnières

Zones de production cotonnière

Zones de production cotonnière

Zones de production cotonnière

Zones de production cotonnière

Zones de production cotonnière

Zones de production cotonnière

Source : Matérialisation des zones cotonnières à partir de (Ton et al., 2005 :6)

Carte de zones agroécologiques : Ministère de l'agriculture et des pêches , Global DCW, ESRI 2002, VAM data.

Annexe 2 : Résultats du test de corrélation entre le nombre d'enfants travailleurs et le revenu des ménages

 
 
 

NBRENFAN

MBTOTAL

NBRENFAN

Pearson Correlation

1

,234*

Sig. (2-tailed)

 

,043

N

75

75

MBTOTAL

Pearson Correlation

,234*

1

Sig. (2-tailed)

,043

 

N

550

550

*. Correlation is significant at the 0.05 level (2-tailed).

Résultats du test de corrélation entre le nombre d'enfants travailleurs et le niveau de capitaux des ménages.

 
 
 

NBRENFAN

CAPTOT

NBRENFAN

Pearson Correlation

1

,089

Sig. (2-tailed)

 

,448

N

75

75

CAPTOT

Pearson Correlation

,089

1

Sig. (2-tailed)

,448

 

N

550

550

* 1 Dans plusieurs pays africains, la production de coton est repartie après 2010. Cette hausse est en partie liée à la remontée des coûts de la fibre de coton sur le marché mondial. Mais le Bénin, n'a pas su tirer pleinement profit de cette situation, à cause de la mal organisation de la filière cotonnière et d'autres problèmes concernant la baisse de la fertilité des sols et des rendements de coton (CCIC/ICAC, 2012cité par UE et Groupe des Etats ACP: 17 ; 51)

* 2 Toutefois, cette qualité intrinsèque reconnue au coton africain devient de plus en plus relative actuellement. En effet, les exigences des industries textiles ne cessent d'évoluer. La contamination du coton par des débris végétaux et des emballages en polypropylène en sont pour beaucoup ( www.Cottonacp.org du 03/07/2013 ; SNV, 2010 : 10). Les pays africains producteurs de coton doivent intégrer cette nouvelle donne, pour se maintenir sur le marché cotonnier)

* 3 L'agriculture manuelle est mise en opposition à l'agriculture mécanisée pratiquée dans les pays développés. Toutefois, la culture attelée est utilisée dans les grandes zones cotonnières au Bénin, mais toujours avec un besoin de main d'oeuvre pour diriger les animaux de trait.

* 4 http://www.fao.org/docrep/015/i2490e/i2490e01b.pdf du 03/07/2013.

* 5La situation actuelle du coton fait état d'une augmentation des prix du coton conventionnel sur le marché mondial. Toutefois, le coton équitable et biologique sont encore crédités et prisés par les consommateurs (CTB, 2011)

* 6 Source : AFD (sd). Développer la filière de coton équitable et bio-équitable en Afrique de l'ouest et du centre, [En ligne], URL : http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/ELEMENTS_COMMUNS/infos-projets/Telechargements/Coton-equitable-AfriquedelOuest.pdfdu 08/07/2013

* 7 Source : http://atilf.atilf.fr/academie9.htmdu 08/07/2013

* 8 Source : http://fr.cyberdodo.com/dossiers/definition-de-l'enfant/2.htmldu 08/07/2013

* 9 Source : http://www2.ohchr.org/french/law/pdf/crc.pdfdu 08/07/2013

* 10 Source : http://www.unifr.ch/socsem/cours/compte_rendu/conventions.pdfdu 10/07/2013

* 11 Source : UNICEF (1997). « La situation des enfants dans le monde 1997 ». [En ligne] ; URL : http://www.unicef.org/french/sow97/sowc97f2.pdfdu 10/07/2013120p.

* 12Source : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/ du 15/05/2013

* 13Source : http://www.cuy.be/ecocredagri/lexique/lexique_n.htmdu 15/05/2013

* 14Source : http://public.iutenligne.net/economie/Simonnet/Lexique.htmdu 16/05/2013

* 15 Source : Wikipédia publiée sous licence CC-BY-SA 3.0. du 16/05/2013

* 16Source : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/exploitation-agricole.htm du 16/05/2013

* 17 Source : http://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/benin consulté le 7 Mars 2013

* 18 Le Gossypium barbadense représente environ 5% de la production de coton tandisque l'espèce hirsutum est la plus cultivée (90%) (CNUCED, 2013; Berti, 2011)

* 19 URL : http://r0.unctad.org/infocomm/francais/coton/descript.htmdu 15/03/2013

* 20 idem

* 21 Source : http://www.bj.refer.org/benin_ct/edu/isysphyt/francais/util/fcultur/ficoton.htmdu 15/03/2013

* 22 : Actuellement le département du Borgou est scindé en deux : Borgou et Alibori

* 23 Le Département du Zou est également scindé en deux : Zou et Collines

* 24 Accord de 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l'organisation des consultations pour l'approvisionnement en intrants agricoles

* 25Depuis 2012, l'AIC a été dessaisie de ses rôles dans le secteur cotonnier au Bénin par le gouvernement béninois

* 26 Statistiques concernant les enfants occupés économiquement âgés de 5 à 17 ans recensés lors de l'enquête nationale sur le travail des enfants menée en 2008

* 27 Voire figure 2 ci-dessous

* 28 Le présent mémoire vise à faire un état des lieux du travail des enfants. Ainsi, j'ai choisi de dépasser l'âge minimum requis pour travailler au Bénin qui est de 14 ans, afin de prendre de façon globale tous les enfants de moins de 18ans.

* 29Le Système de comptabilité nationale (SCN) est un ensemble de recommandations standard approuvé au plan international concernant la méthode de compilation des mesures de l'activité économique en conformité avec des conventions comptables précises basées sur des principes économiques.

* 30 Source : Le concept du travail: de la théorie marxiste à la pédagogie Freinet, p.11. URL : http://www.icem-freinet.fr/archives/d-neduc/d-neduc-222/11-15.pdfdu 17/07/2013

* 31Les mouvements d'enfants se sont constitués en un mouvement international en 1996 à Kundapur. La déclaration de Kundapur est déclinée en 10 points dont l'une d'elles est : « Nous sommes contre l'exploitation de notre travail, mais nous sommes pour le travail digne, avec des horaires adaptés pour notre éducation et nos loisirs »

* 32 Source : IITA (2002 cité par CSAO/OCDE, 2009 : 23).

* 33 Source : OIT (2012 : 35)

* 34 Source : BIT/INSAE (2009). Enquête nationale sur le travail des enfants au Bénin - 2008, rapport final, 154p.

* 35L'objectif du PROCOTON est de contribuer à la sécurisation et à l'amélioration durable et équitable des revenus des exploitations familiales cotonnières d'une part, et d'améliorer la gouvernance de la filière coton par le truchement des organisations des producteurs de coton d'autre part. Le PROCOTON est financé par l'Ambassade du Royaume des Pays Bas au Bénin et est mis en oeuvre par l'Organisation Néerlandaise de Développement au Bénin (SNV Bénin)

* 36 Voir « zones de production de coton » dans la première partie du rapport.

* 37 Sources : Données de l'Enquête nationale sur le travail des enfants au Bénin-2008

* 38 Source : toute la littérature développée dans cette partie est tirée du rapport Procoton, 2010 et du site web  http://www.decentralisation-benin.org/spip.php?article289du 17/07/2013

* 39 Source : HOUNYOTON, H. (2009). La protection de l'enfant vidomegon au Bénin : mythe ou réalité ? Mémoire pour l'obtention du Master 2 Recherche« Histoire, Droit, Droits de l'Homme » Université catholique de Lyon / UPMF Grenoble - Master 2 recherche 2009. Paragraphe 2.

* 40 Source : BOKO, M. (2013). DROITS-BENIN: Une ONG veut arracher 400 enfants des champs de coton. [En ligne]. URL : http://www.ips.org/fr/droits-benin-une-ong-veut-arracher-400-enfants-des-champs-de-coton/ consulté le 10 Juin 2013.

* 41 La production non vendue est évaluée au prix moyen de l'année (enregistré en entretiens de groupe au début de l'enquête)

* 42 1 euro = 655,957 FCFA

* 43 « Certains villages comme Bakoussarou et KoeKoe kanmè ont une population très dispersée dans le terroir villageois, ce qui facilite l'accès aux champs et terres fertiles mais rend plus difficile celui à l'eau potable, à l'école et à l'information » (SNV, 2010 : 42)

* 44 Temps alloué exprimé en Homme jours par hectare

* 45 Seul le temps de travail effectué sur l'unité de production du chef de ménage a été pris en compte. Certains enfants, disposant de leurs propres unités de production y consacrent également du temps (15,37%).

* 46 : Voir les résultats du modèle en annexe 2

* 4785% des crises concernent les années 2006, 2007, 2008 et 2009. 15% concernent les années 2002, 2003, 2004 et 2005

* 48 Dans la base de données de l'enquête de référence, certains ménages (non producteurs de coton), donc non pris en compte par notre analyse ont eu recours à la vente de la force de travail de leurs enfants.

* 49 L'initiative CmiA (Cotton made in Africa), promeut actuellement pour ses adhérents, une formation à la culture attelée pour une maitrise du guidage des boeufs de trait par l'arrière. Ce mode de travail permettrait d'économiser le travail du guide (souvent un enfant non scolarisé).






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon