UNIVERSITE D'ABOMEY CALAVI (UAC)
FACULTE DES LETTRES, ARTS ET SCIENCES
HUMAINES
(FLASH)
ECOLE DOCTORALE PLURIDISCIPLINAIRE(EDP)
Espaces, cultures et Développement
FILIERE : SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE
OPTION : SOCIOLOGIE-ANTHROPOLOGIE DU
DEVELOPPEMENT
Année Académique 2010-2011
MEMOIRE DE DEA
Sujet:
Transition démocratique en Guinée:
Perceptions
de la diaspora vivant au Bénin.
Présenté par : Sous la direction de
:
BAVOGUI Pierre Pévé Pr.
NOUHOUAYI Albert
Professeur Emérite
1
- A la GRANDEUR DIVINE et à la Très Sainte Vierge
Marie pour toutes les grâces accordées à la
réalisation de ce travail ;
- A la mémoire de feueMamaValé BAVOGUI
;
- A ma famille pour son soutien.
2
La réalisation de ce travail à été
rendu possible grâce au concours des uns et des autres à qui
j'adresse mes remerciements. Parmi ces personnes, je veux nommer:
- Le Pr. Albert NOUHOUAYI qui a bien voulu faciliter la
réalisation de ce travail en assurant sa direction ;
- Dr. Dodji H. AMOUZOUVI qui a jeté toutes ses forces dans
la finalisation de ce travail; - LePr. Albert TINGBE-AZALOU pour sa
contribution à la réalisation de ce travail ;
- Mes professeurs de l'école doctorale et à mes
professeurs de l'université de Sonfonia-Conakry. Je veux nommer le Pr.
Amadou Bano BARRY, M. Campel CAMARA, M. Kaliva GUILAVOGUI, le Pr. Sylvain
ANIGNINKIN, le Pr. Honorat AGUESSY, le Pr. Moustapha DIABATE, le Pr.
Félix IROKO. Ce travail est le fruit de votre engagement à
construire une jeunesse africaine digne et responsable ;
- Mon grand-frère Koligna ZOUMANIGUI pour l'attention que
je bénéficie de lui ;
- Le Frère André Rémi KOUBLANOU,
supérieur provincial et tous les Frères de la province du
Sacré-Coeur du Sénégal pour leur soutien matériel,
moral et spirituel ;
- Au Frère Germain N'DOUR pour ses encouragements ;
- Fabrice KPOHOLO et la famille GOUTON pour les
démarches effectuées ici pour mon inscription pendant que
j'étais à Dakar;
- Mes frères et amis Dr. Abdoul Salam DIALLO,
Philippine SONON, Aimé SENON, Mescario d'ALMEIDA, Brigitte MOREMEM,
David PADONOU, Dr. Ibrahima BAKAYOKO, Sadou DIALLO, Ibrahima Major TRAORE, pour
leur collaboration ;
- M. Ismailou BALDE et mon frère Faya Doumbo KAMANO
dont le soutien a été déterminant pour la finalisation de
ce travail ;
- Jacques AGUIA-DAHO et tous les amis du Programme Initiatives
pour l'Excellence, je reste reconnaissant pour votre amitié ;
- Mr. Ibrahima YOULA, Consul Honoraire de la Guinée et
tous mes compatriotes vivant au Bénin pour m'avoir facilité ce
travail. Soyez éternellement remercié ;
- Nicole, Lucien et Blaise, qu'ils trouvent ici l'expression
de mes encouragements pour la poursuite de leurs études ;
- Le peuple béninois pour son hospitalité ;
- Tous ceux qui de prêt ou de loin, ont contribué au
succès de ce travail.
SOMMAIRE
3
RESUME 7
INTRODUCTION 8
I : CADRE THEORIQUE 11
II : CADRE PRATIQUE 41
III : DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU BENIN 49
IV : TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA
TRANSITION DEMOCRATIQUE EN GUINEE ..58
V : EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES AUX
POUVOIRS
MILITAIRES DE TRANSITION 72
VI: SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE 83
VII: NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE 88 VIII : LA
DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN : ELEMENTS
EMPIRIQUES 95 PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN
SOCIOLOGIE : DE LA DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA DEMOCRATIE AUX
VALEURS
EDUCATIVES
|
102
|
CONCLUSION
|
.104
|
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
|
106
|
WEBOGRAPHIE
|
108
|
ANNEXES
|
.111
|
TABLE DES MATIERES
|
.116
|
4
LISTE DES TABLEAUX
TableauI : Centres de documentation
parcourus et types d'informations recueillies
|
42
|
Tableau II :Répartition statistique
des informateurs....................................
|
44
|
Tableau III :Chronogramme des
activités de recherche....................................
|
....47
|
Tableau IV :Liste des candidats
retenus pour le 1er tour de l'élection
présidentielle........112
LISTE DES GRAPHIQUES, SCHEMAS ET PHOTOS
Graphique I: Répartition des
enquêtés selon les raisons de départ du
pays.....................51 Graphique II
:Répartition des enquêtés selon la
profession.........................................53 Graphique
III : Répartition des enquêtés selon les
conditions de retour.........................55 Graphique
IV:Répartition des enquêtés selon
l'appartenance politique........................68
Graphique V:Répartition des
enquêtes selon le groupe socioculturel............
|
.........70
|
Graphique VI : Appartenance des
enquêtés aux structures sociales guinéennes
|
96
|
Schéma I : Délimitation
thématique.........................................................
|
............21
|
Schéma II : Modèle
d'analyse
systémique..................................................................39
Schéma III :Modèle d'analyse
structuro-fonctionnaliste...............................................40
Photo I :Le Président de la
CRGB lisant un discours...................................................99
Photo II:Match de Gala pour l'unité
nationale..........................................................101
SIGLES ET ABREVIATIONS
AFP
AJGB AOF APD BAD BM CCF
: Agence France Presse
: Association des Jeunes Guinéens du Bénin
: Afrique Occidentale Française
: Aide Publique au Développement
: Banque Africaine de Développement
: Banque Mondial
: Centre Culturel Français
CEDEAO : Communauté Economique des Etat
de l'Afrique de l'Ouest
CENI CJFD CMRN CNDD
: Commission Electorale Nationale Indépendante
: Coordination de la Jeunesse Forestière pour le
Développement
: Comité Militaire de Redressement National
: Conseil national pour la Démocratie et le
Développement
CNT
CRGB DEA
CNOSCG : Conseil National des organisations de
la Société Civile Guinéenne
: Conseil National de Transition
: Communauté des ressortissants Guinéens du
Bénin
: Diplôme d'Etudes Approfondies
Dr : Docteur
EDP FLASH FMI FNLG IBW IDEA ONG OUA PAS PDG PEDN
PIB
PNUD
Pr.
5
: Ecole Doctorale Pluridisciplinaire
: Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
: Fond Monétaire International
: Front National de Libération de la Guinée
: Institutions de Brettons Woods
: Institut International pour la
Démocratie et l'Assistance Electorale
: Organisation Non Gouvernementale
: Organisation de l'Unité Africaine
: Programme d'Ajustement Structurel
: Parti Démocratique de Guinée
: Parti de l'Espoir et du Développement National
: Produit Intérieur Brut
: Pro ramme des Nations Unies our le Dévelo ement
: Professeur
RDA RD!G RDR
RF!
RPG
: Rassemblement Démocratique Africain
: Rassemblement pour le Développement
Intégré de la Guinée
: Rassemblement pour la Défense de la
République
: Radio France International
: Rassemblement du Peuple de Guinée
UA
UAC UE UFDG
SOBRAGU! : Société de Brasserie de
Guinée
: Union Africaine
: Université d'Abomey-Calavi
: Union Européenne
: Union des Forces Démocratiques de Guinée
UGLC-SC : Université General Lansana
Conté de Sonfonia-Conakry
6
URSS : Union des Républiques Socialistes
Soviétiques
7
RESUME
Cette étude met en exergue les mécanismes
liés au processus démocratique en cours en République de
Guinée. La recherche s'est évertuée à tester les
postulats qui stipulent que les discours des guinéens du Bénin
sont fonctions de leurs catégories socioprofessionnelles. Et qu'ils
estiment que les stratégies de certains acteurs politiques sont des
facteurs de ralentissement du processus démocratique. Mais aussi qu'ils
définissent différemment les conditions politiques et sociales
indispensables à la réussite de la démocratisation en
Guinée tout en développant des stratégies y
afférentes. La production des données qui s'est effectuée
sur une durée de six mois auprès d'un échantillon de cent
sept personnes composé non seulement d'étudiants, de
commerçants, de cadres, de réfugiés politiques, de
représentants de partis politiques, de ménagères et
d'artisans mais aussi de personnes ressources. Elle à été
rendue possible grâce à l'utilisation d'un certain nombre d'outils
dont le guide d'entretien individuel et de groupe et la grille de lecture. Les
données une fois collectées, dépouillées et
traitées, ont fait l'objet d'analyse systémique et
structuro-fonctionnaliste. De l'analyse des données empiriques, il se
dégage que: Les discours des guinéens du Bénin face
à la transition sont fondés sur leur appartenance politique et
socioculturelle. Les facteurs de ralentissement du processus
démocratique en cours en Guinée sont fondamentalement les
évènements politiques passés et les stratégies des
acteurs politiques Malgré la diversité des discours, ils
définissent la réconciliation nationale comme condition sociale
et politique indispensable à la réussite du processus
démocratique et développent des activités sociales allant
dans ce sens. Mots clés : Démocratie,
Diaspora, Stratégie.
ABSTRACT
This study highlights the mechanisms related to the ongoing
democratic process in the Republic of Guinea. The research was to test, on the
one hand, the assumptions which stipulate that the opinions of Guineans in
Benin are functions of their socio-professional categories and, on the other,
the stipulation that some political players resort to strategies to slow down
the democratic process. In addition, the study outlines different political and
social conditions that are necessary for the success of democracy in Guinea,
while it develops relevant strategies. Data were collected over a six-month
period working with a sample of one hundred and seven persons, which included
students, traders, executives, political refugees, representatives of political
parties, of housewives and craftsmen as well as key resource persons. The study
was conducted using a number of tools such as the individual interview and
group interview protocol and the survey assessment grid. Data once collected
and processed, were subjected to an empirical systemic
structural-functionalist. From the data, it emerged that: (a) the speeches of
Guineans living in Benin on the democratic transition are based on
socio-cultural and political affiliation; and (b) the Slowing downs of the
ongoing democratic process in Guinea are fundamentally rooted in past political
events as well obstruction strategies that some political players induce in.
However, despite the diversity of the speech uphold, there is a consensus that
national reconciliation is socially and politically indispensable to the
success of the democratic process; and those political actors strive towards
that goal.
Key words: democracy, Diaspora,
strategy.
8
INTRODUCTION
Au-delà de toutes les stigmatisations dont elle est
victime, la diaspora africaine a joué et continue de jouer un rôle
déterminant dans la vie politique du continent. Elle est restée
très active sur les plans économique, social et politique. C'est
ce rôle qui lui a valu d'être considérée comme la
sixième partie du continent après l'Afrique du Nord, l'Afrique du
Sud, l'Afrique Centrale, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est.
Dans les années 1900, c'est par elle que la prise de
conscience commença en Amérique à travers le Mouvement de
la Renaissance de Harlem conduit par le Docteur William Edouard Dubois et ses
compagnons. Puis le groupe Sons of Africa de Londres avant le vaste Mouvement
de la Négritude dans les années 30 au quartier Latin de Paris
conduit par Aimé Césaire, René Maran et Leopold
Sédar Senghor. Ces mouvements de diasporés qui se reconnaissaient
par leur appartenance à la race noire avaient pour vocation de lutter
contre la « discrimination de l'homme noir à travers le monde
».
Ces mouvements de prise de conscience se poursuivirent jusque
dans les années 60 au moment des indépendances africaines car, le
but principal était la liberté de l'homme noir dans le monde
entier y compris sur le sol africain. Depuis ces moments, la diaspora africaine
est restée une actrice principale de la vie politique et sociale de
l'Afrique. Ce qui sous-tend qu'elle garde un oeil vigilant sur les
problèmes qui se pose aux africains en Afrique et ailleurs.
Les réalités actuelles de l'Afrique
confrontée à l'implantation de la démocratie sous sa forme
occidentale ne sont pas en marge des préoccupations des populations
africaines diasporées. En effet, la démocratie se définie
comme un système de gestion politique caractérisé par la
liberté, le droit à l'expression, l'égalité des
citoyens. Elle se mesure principalement par l'accession au pouvoir des
responsables politiques à travers des élections libres,
équitables et transparentes. On constate que la démocratie est
devenue désormais un « label » que doit s'offrir chaque Etat
pour entrer dans le « concert des nations » contrairement à ce
que disait Jean Jacques ROUSSEAU dans son célèbre ouvrage :
« Du Contrat Social ». Pour lui, en Démocratie il
faut «peu ou point de luxe ».(ROUSSEAU, op. cit. : p. 106)
9
Dans les institutions sous régionales,
régionales et mondiales, on assiste à l'exclusion des
réunions, ces pays dits « non démocratiques » ou en
« transition démocratique » comme ce fut le cas de la
Guinée depuis l'accession au pouvoir en décembre 2008 de la junte
militaire dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara jusqu'au 21
Décembre 2010, date d'investiture du Professeur Alpha Condé
à la magistrature suprême en tant que premier président
démocratiquement élu de l'histoire depuis l'accession du pays
à l'indépendance le 02 Octobre 1958 ; soit 52 ans
après.
Le présent travail met un accent particulier sur la
transition politique amorcé en décembre 2008 avant de
s'appesantir sur les préoccupations politiques des ressortissants
guinéens vivant au Bénin face au processus de
démocratisation en cours dans leur pays. Il comprend huit chapitres
dont: I- Cadre théorique, II- cadre pratique, III- De la diaspora aux
diasporas guinéennes du Benin, IV- Typologie de discours des diasporas
guinéennes sur la transition démocratique en Guinée, V-
Evénements politiques des deux premiers régimes aux pouvoirs
militaires de transition, VI- Situation du dialogue politique, VII-
Nécessité d'une concertation nationale et VIII : la diaspora
guinéenne en action au Benin : éléments empiriques. Ainsi
que des perspectives pour une thèse de doctorat en sociologie
intitulées: De la démocratie aux valeurs marchandes a la
démocratie aux valeurs éducatives. Une conclusion met fin
à ce mémoire.
10
PREMIERE PARTIE :
DIASPORA GUINEENNE AU BENIN : UN
CHAMP D'ETUDE DE TRANSITION
DEMOCRATIQUE
11
I- CADRE THEORIQUE
1.1.Problématique
L'histoire politique de l'Afrique commence avec l'engagement
de ses « bras valides » déportés aux Amériques
en faveur du rétablissement de leurs droits. Les premières
manifestations de l'épanouissement politique du continent eurent donc
lieu loin des terres africaines. (OUEDRAOGO, 2010 : p. 3). Du groupe «
Sons of Africa » de 1776 à Londres aux mouvements de
libération nationale des « années 60 »en Afrique, en
passant par la renaissance de Harlem dans les années 1900 aux Etats Unis
et la négritude dans les « années 30 » à Paris,
la diaspora africaine a joué un rôle majeur dans
l'épanouissement politique du continent.
Les idées sur la fin du colonialisme,
l'égalité des races et l'unité des africains vont ainsi
émerger chez les peuples noirs. La participation des africains aux
guerres mondiales et la fréquentation de représentants de
mouvements panafricains, a largement influencél'émergence et le
dénouement des luttes pour les indépendances en Afrique.Des
mouvements sociaux eurent donc lieu dans plusieurs colonies et conduiront
à la naissance de groupements syndicaux et de partis politiques. Pour
OUEDRAOGO (op. cit. : p. 7), l'attaque de l'Ethiopie en 1935 par l'Italie,
toucha profondément la diaspora et sonna comme un appel à
l'unité du continent contre le colonialisme. A la fin de la seconde
guerre mondiale en 1945, le mythe de l'homme blanc s'effondra. Les conditions
étaient réunies pour lancer le mouvement nationaliste à
travers le monde. Le refus des injustices coloniales prendra la forme de
révoltes. De l'Algérie au Cameroun en passant par le Kenya, le
Mozambique, Madagascar, les luttes de libérations nationales ne
s'arrêtaient guère jusqu'à l'indépendance des
peuples noirs.
De nos jours, cette diaspora reste encore très active
dans le processus de développement du continent. Et comme le constate
bien VOKOUMA (2008 : En ligne), dans plusieurs pays africains, les transferts
de capitaux sont très élevés et participent à la
réduction de la pauvreté. Une étude conjointe de la Banque
Africaine de Développement (BAD) et du ministère français
de l'économie et des finances à révélé que
les fonds envoyés de la France vers le Maroc en 2000 atteignaient 4.074
millions d'euros, soit 9 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et 75
% de l'aide publique au développement (APD). Le Sénégal de
son coté, avait été destinataire de 1.254 millions
d'euros, soit 11 % du PIB tandis que le Mali avait reçu en cette
même année 456 millions d'euros soit 11 % du PIB et 80 % de l'APD
et les Comores,
12
72 millions d'euros, soit 24 % du PIB. Les montants
envoyés dans les ménages permettent à celles-ci d'avoir un
niveau de vie au dessus de la moyenne nationale. Ces fonds sont
imprévisibles en volume et la régularité du transfert
varie, contrairement à l'aide internationale prévisible et
budgétisée. Le manque de dispositions pour faciliter ces
transferts, peut entraîner la variation du volume des transferts et
perturber l'économie des pays bénéficiaire tout en
entraînant une forte précarité de vie dans plusieurs
familles. Soutenant cette idée, le président de la BAD Donald
Kaberuka, affirmait : « Le rôle de la diaspora devient de plus en
plus prépondérant au regard de l'importance et de la
stabilité de ses transferts de fonds. Il s'agit maintenant de l'engager
dans le développement de nos pays en levant les contraintes freinant le
transfert des fonds » (ibid.).
Pour MANGOUA, (2005 : En ligne), au delà de
l'investissement financier, la diaspora africaine regorge des ressources
humaines très qualifiées avec des compétences techniques
et professionnelles de haut niveau. Ces compétences seraient un atout
pour le continent dans sa lutte contre les fléaux comme le VIH/SIDA,
l'insécurité alimentaire, la dégradation de
l'environnement, l'analphabétisme. Même avec le
développement des nouvelles technologies, une mise en réseau des
médecins africains et ceux diasporés, pourrait par exemple,
contribuer à la résolution de problèmes médicaux
sur le continent.
De même, la diaspora africaine s'organise formellement
pour oeuvrer à travers les associations en collaboration avec les
compatriotes vivants au pays dans le but de réaliser des projets de
développement dans le pays d'origine. Ces interventions ont
données jour à des infrastructures scolaires, sanitaires et des
silos de stockage de céréale, d'agriculture irriguées, de
réseaux d'eau potable, des services d'assainissement, etc. Plusieurs
auteurs expliquent que les grandes mutations en cours dans le monde
contemporain font apparaitre que la nécessité de la
répartition des savoirs, des pouvoirs économiques, politiques et
militaires sera tributaire des migrations scientifiques et technologiques
(ASSOGBA, op. cit. :p. 6).
L'UA, pour sa part, conscient du rôle imminent de la
diaspora dans le développement de l'Afrique, a jugé
nécessaire, lors de la première conférence des
intellectuels africains et de la diaspora tenue à Dakar,de la proposer
comme la sixième région d'Afrique (UA, 2004 : p. 15).Elle a aussi
consacré les dispositions de l'article 21 de la charte africaine de la
jeunesse aux jeunes de la diaspora. Les objectifs principaux que se fixe l'UA
dans ce sens, sont entre autres : 1) faciliter le retour et l'insertion
socioprofessionnelle de la diaspora ; 2) Assurer la formation des
diasporés ; 3) Encourager les diasporés à s'investir dans
le développement de leur pays d'origine (UA, 2006 : p. 19). Cette
détermination de l'UA à assister la diaspora,
13
14
démontre combien les africains diasporés sont
susceptibles de favoriser le développement de leur pays d'origine.
Il apparait donc clairement que si l'Afrique mettait en valeur
les possibilités financières et humaines de ses populations
diasporées, elle trouverait sans doute la solution à ses
problèmes de développement et réduirait l'endettement
croissant dû aux financements extérieurs venants principalement
des pays du Nord. Interroger donc les dynamiques sociopolitiques de cette
diaspora, c'est mettre en éveil la conscience et les logiques de
celle-ci face aux problèmes engendrés par la
démocratisation en Afrique.
En effet, pour COQUERY-VIDROVITCH (1997 : p. 1), la
démocratie est née en Europe occidentale après plusieurs
années caractérisées par des révolutions car, la
monarchie de droit divin adoptait une idéologie différente de
celle démocratique. Cette démocratie serait entachée du
« péché originel d'eurocentrisme » et se trouverait
dans l'impossibilité d'être plaquée comme tel en Afrique.
Le « vieux continent » se doit de créer ses propres structures
politiques enracinées dans son histoire sous peine de se voir «
décervelé » comme le disait Joseph Ki-Zerbo. Car, les
sociétés africaines ne portent pas en elles les germes de
démocratie occidentale. L'histoire de l'humanité étant
caractérisée par les changements sociaux, il y a lieu de se
demander si l'absence d'une tradition démocratique incluse
nécessairement l'impossibilité d'une naissance tardive de
celle-ci. Les évènements politiques survenus dans les
années 1989-1990 en Europe de l'Est et en URSS ont produit des effets
sur les institutions politiques africaines les rendant de plus en plus
instables. Ainsi se pose de façon spectaculaire, le problème de
la démocratie dans le monde de façon générale et en
Afrique de façon particulière.
Il ressort de tout ce qui précède que la
diaspora constitue un potentiel important dans l'explication des
transformations sociales en Afrique et dans le processus de
développement du continent. On pourrait s'attendre alors à une
tendance active chez les diasporas au profit des nations respectives. Pour ce
qui relève de la Guinée, cette diaspora prend corps avec non
seulement les instabilités au plan politique mais aussi dans le cadre de
coopérations entre pays du sud. Ce qu'il revient de mettre en exergue
est l'évidence ou non d'une harmonie ou encore d'une synergie des
initiatives en faveur de la transition démocratique en Guinée.
S'il est évident que l'intention de tous les membres de la diaspora
guinéenne en Afrique notamment au Bénin est en faveur d'un
rétablissement normal de la situation sociopolitique, on pourrait
s'interroger sur une disparité et clivage dans la prise de position et
d'initiative en faveur de la transition démocratique : c'est la mise en
évidence d'un éventuel consensus au niveau de la diaspora.
Déjà, avec Bourdieu (2009 : En ligne), l'uniformisation des
points de vue dans un
groupe social ne saurait être évidente. Dans son
analyse des « champs », il détermine les positions sociales
des agents (acteurs) à partir des capitaux inégalement
distribués. Il s'agit des capitaux : économique, social,
politique, culturel et symbolique. La société apparait pour lui
comme un espace de lutte pour l'accumulation de ces capitaux étant
donné que ceux-ci orientent la position des agents dans l'espace social.
Au sein de l'espace social, il existe plusieurs champs plus ou moins autonomes
dont celui politique. A l'intérieur de chaque champ, des agents
dotés d'habitus se déploient pour l'accumulation de capitaux
spécifiques ainsi que la domination du champ. Les agents centraux sont
ceux qui possèdent plus de capital pertinent à l'intérieur
du champ. Pour Bourdieu, « le champ politique est le lieu où
s'engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s'y trouvent
engagés, des produits politiques (problèmes, programmes,
analyses...) entre lesquels les citoyens ordinaires, réduits au statut
de « consommateurs », doivent choisir, avec des chances de malentendu
d'autant plus grandes qu'ils sont plus éloignés du lieu de
production » (ibid.).
La logique spécifique du champ politique est qu'il vise
à donner sa vision du monde social comme étant fondée non
seulement sur des critères de vérité mais aussi et surtout
sur sa représentativité et bien sûr,sa capacité
à mobiliser ceux qui s'y reconnaissent.Il partage avec le champ des
sciences sociales, l'enjeu d'imposer sa vision du monde. Cette vision n'est pas
validée par sa vérité intrinsèque mais par
l'immensité de ceux qui l'adhèrent. Si dans le champ des sciences
sociales on oppose des « idées-vérité », dans le
champ politique ce sont des « idées-forces » qu'on oppose.
Dans les sociétés modernes, le champ politique est l'espace de
domination qui produit des rapports de sens, fondements de la dignité ou
de l'indignité sociale. Cette indignité provient d'une
impuissance à prendre part au jeu politique mais aussi de
l'incapacité à en changer les règles et à le
disqualifier. Ce champ apparaît comme celui de la domination
méconnu donc reconnu et reste le lieu par excellence du
théâtre de l'indignité politique et de la
l'infériorité sociale (ibid.). Cette approche analytique de
Bourdieu admet donc l»'inevitable» divergence dans la `'famille»
de la diaspora guinéenne au Bénin. La présente recherche
met en évidence un tel positionnement en appréciant l'opinion de
la diaspora guinéenne du Bénin au sujet de la transition
démocratique. Le problème de recherche ainsi mis en
évidence articule un `'consensus» sur la transition
démocratique et un défaut de consensus sur les mécanismes
pour y parvenir chez un même groupe social en l'occurrence la diaspora
guinéenne au Bénin.
15
Pour BOURDIEU, (1996 : p. 1) la politique démocratique
« est confrontée au choix entre l'arrogance du technocrate qui
prétend rendre tous les hommes heureux, même sans ou contre leur
volonté, et la docilité du démagogue, qui obéit
simplement à la demande, qu'elle se manifeste par des études de
marché, l'audimat ou des courbes de popularité». Bourdieu
estime qu'une politique démocratique doit se soustraire d'une telle
alternative puisque, quand il est question de démocratie, la
finalité s'impose indiscutablement à l'esprit comme: les
modalités d'accès économiques et culturelles à
l'opinion politique doivent être démocratisées, donc
à la disposition de tous. Pour lui, la formation (formation de base et
formation continue) joue un rôle déterminant dans cette
perspective dans la mesure où elle donne la certitude d'accéder
aux emplois et à certaines positions sociales mais, elle est aussi la
contrainte indispensable pour l'exercice réel des droits et
libertés civiques.
BOURDIEU pense que pour reconquérir la
démocratie il faut nécessairement rompre avec la « tyrannie
des experts style Banque mondiale ou FMI » qui, selon lui, imposent les
sentences du « nouveau Léviathan » c'est-à-dire les
marchés financiers, sans vouloir en négocier mais se contentent
de les expliquer. Pour lui, il n'est plus question de faire foi en l' «
inévitabilité historique » que les théoriciens du
libéralisme prônent. Mais il faut créer des formes
nouvelles d'une activité politique collective pouvant faire des constats
sur les nécessités économiques. Ces constats peuvent
concernés les activités des « experts » mais, il
s'agira de les « combattre », à défaut, de les «
neutraliser » (BOURDIEU, 1995 ; En ligne).
Tocqueville (
SKYMINDS.NET, 2010 ; En ligne) pour sa
part, croit que c'est l'égalisation des conditions sociales qui donne
naissance à la société démocratique. Il
considère la démocratie comme un Etat social et non comme une
simple forme de gouvernement. Si la plus grande passion des peuples
démocratiques est l'égalité, pour lui, la
démocratie égalise les conditions et non les situations
économiques et sociales puisqu'il existe des riches et des pauvres dans
un pays dit démocratique. Il distingue alors trois types
d'égalité:
y' l'égalité devant la loi : pas de
privilèges
y' l'égalité des chances : méritocratie
y' l'égalité de considération : tous les
honneurs sont accessibles à tous
Il affirme que c'est ce sentiment d'égalité qui
agit sur la société et transforme les relations entre les Hommes.
Cette passion de l'égalité est la source du changement social. Ce
qui entraîne un passage inévitable et lent à la
démocratie. Pour Tocqueville (ibid), « L'égalisation des
conditions entraîne le rapprochement des niveaux de vie, donc une
montée en puissance
16
des classes moyennes ». Pour lui, les dangers qui
guettent la démocratie sont l'individualisme et le despotisme. Il ne
confond pas l'individualisme et l'égoïsme :
«L'égoïsme est un amour passionnel et exagéré de
soi-même», tandis que l'individualisme est «un sentiment
réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler
de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart
avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être
ainsi créé une petite société à son usage,
il abandonne volontiers la grande société à
elle-même».Il affirme que si les citoyens s'attèlent à
chercher prioritairement l'égalité, ils risquent de perdre leur
liberté. (Ibid.)
Mais Tocqueville pense que le projet démocratique est
irréalisable puisque la nature elle-même produit les
inégalités; malgré cela, il exclut toute
possibilité de retour en arrière parce que selon lui, le projet
égalitaire est naturel et toute personne humaine en a droit. Il est donc
impossible d'achever le mouvement d'égalisation des conditions donc,la
démocratie ne peut être totalement « réelle ».
Par conséquent, les gouvernements doiventlui fixer des bornes pour
éviter qu'elle déshumanise l'homme en favorisant toute forme
d'inégalité.(MANENT, 1982 ; En ligne). Pour Tocqueville, «Il
est difficile d'être l'ami de la démocratie ; il est
nécessaire d'être l'ami de la démocratie ».«Il
est vrai que la démocratie est en un sens très réel
l'ennemie de la grandeur humaine ; mais les ennemis de la démocratie
sont des ennemis bien plus dangereux de cette grandeur ». «Pour bien
aimer la démocratie, il faut l'aimer modérément»
(ibid.)
L'objet essentiel de la recherche en sociologie est de
comprendre la conception que se font les acteurs du monde social. C'est
pourquoi il est nécessaire de se placer du point de vue des personnes
qui participent activement à un phénomène pour
l'expliquer. Les diasporas,apparaissant comme le prolongement de la
société civile du pays d'origine et représentant à
cet effet, les mouvements politiques, économiques, culturels et sociaux
du pays d'origine (ASSOGBA, op. cit. :p.4), méritent d'être
interrogées sur les problèmes politiques africains. Ainsi, dans
cette étude, l'analysese focalisesur la manièredont les
guinéens du Bénin, conçoivent la transition
démocratique en cours dans leur pays.
Engagée dans une course démocratique sous
l'influence de la communauté internationale, la Guinée semble
être au pied du mur du fait qu'elle n'arrive pas à finaliser sa
transition politique pour accéder au processus de consolidation
démocratique. Les élections législatives prévues en
juin 2011 n'ont pas encore eu lieu. L'atmosphère politique reste tendue
entre les acteurs de la majorité présidentielle et ceux de
l'opposition qui, durant un an ne se sont pas
17
mis d'accord sur la gestion des grands dossiers comme le
fichier électoral. La réconciliation annoncée depuis un an
est au ralenti. Malgré cet état de chose, les avis sont
divergents au sein de la diaspora guinéenne présente au
Bénin. Laquelle diaspora victime de l'instabilité politique dans
son ensemble, a immigrée au Bénin. Par conséquent,
interroger les dynamiques sociopolitiques de ces diasporés,
s'avère important dans la compréhension de cette transformation
politique.Ainsi, nous nous posons la question de savoir en quel terme
s'explique et s'illustre les clivages au sujet de la transition
démocratique en Guinée chez sa diaspora présente au
Bénin.
Hypothèses
Pour donner des réponses provisoires à cette
question de recherche, nous avons formulé les hypothèses
suivantes :
? Les guinéens vivant au Bénin produisent des
discours différents par rapport à la transition
démocratique en cours dans leur pays en fonction de leur
catégorie socioprofessionnelle;
? Pour les guinéens du Bénin, les
stratégies de certains acteurs politiques ont contribué au
ralentissement du processus de transition démocratique dans leur
pays;
? Les guinéens du Bénin définissent
différemment les conditions politiques et sociales sine qua non pour la
réussite de la transition démocratique dans leur pays et
développent des stratégies y afférentes.
1.2.Objectifs de recherche
Toute recherche s'assigne des objectifs qui constituent son
aboutissement final. Dans la présente étude, sont fixés un
objectif principal et des objectifs spécifiques.
1.2.1. Objectif principal
L'objectif principal de cette recherche est de comprendre et
d'expliquer l'intérêt que les guinéens vivant au
Bénin accordent aux enjeux liés au processus de transition
démocratique en cours dans leur pays. Cet objectif général
a permis de décrire trois objectifs spécifiques.
1.2.2. Objectifs spécifiques
18
? Faire la typologie des discours de la diaspora
guinéenne sur la transition politique en cours dans leur pays ;
? Appréhender les obstacles liés au processus de
transitiondémocratique en cours en Guinée selon la diaspora;
? Identifier les conditions indispensables à la
réussite de la transition démocratique selon la diaspora ainsi
que les stratégies y afférentes qu'elle développe.
19
1.3.Clarification conceptuelle
Cette étape traite des concepts sur lesquels repose la
compréhension de l'esprit du travail de la présente recherche. Il
s'agit des concepts de transition démocratique, de stratégie,
d'acteur et de discours.
o Transition démocratique
Pour le lexique de sociologie, la démocratie est
étymologiquement, le pouvoir du peuple et suppose la possibilité
pour les citoyens de designer leurs gouvernants et de se prononcer sur les
différents choix politiques. Cette représentativité ne
suffit pas car, la démocratie suppose aussi le respect des droits
civils, des droits politiques, des droits économiques et sociaux. (ALPE
et al, 2007 ; p. 71)
Dans le cadre de cette recherche, la démocratie est
définie comme un régime politique dans lequel les
gouvernés choisissent librement leurs gouvernants et participent aux
grandes prises de décisions par les urnes. Le passage de l'autoritarisme
à la démocratie peut être appelé transition
démocratique. Mais il y a lieu de se poser la question de savoir qu'est
ce que la transition démocratique ?
« Les transitions démocratiques sont les
périodes au cours desquelles un pays modifie ses structures politiques
pour passer d'un régime autoritaire à un régime
démocratique. » (Conac cité par BANGOURA et al, 2006 : p.
107) Mais pour DELCAMP (2005 ; En ligne), en transition démocratique, il
n'y a pas de « recette magique », mais une nécessité de
gestion satisfaisante et habile de certains problèmes d'ordres
théoriques et pratiques en tenant compte du passé et de la
réalité de chaque peuple. Pour lui, La transition
démocratique se déroule en deux phases différentes l'une
de l'autre :La transition politique, qui est le « passage d'un
régime à l'autre » et la consolidation de la
démocratiequi consiste à assurer une évolution et une
stabilité du processus démocratique amorcé dans la
transition politique.
Pendant la transition politique, les
anciennes règles du « jeu politique » disparaissent et on
assiste à la venue de nouveaux acteurs avec de nouvelles
stratégies. Cette transition dévient effective lorsque : «
un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage
libre et populaire, quand ce gouvernement dispose d'un pouvoir souverain pour
générer de nouvelles politiques publiques, et quand les pouvoirs
exécutif, législatif et judiciaire nés de la nouvelle
démocratie n'ont pas à partager le pouvoir avec d'autres corps de
droit. » (Juan J. LINZ, 1991 cité par DELCAMP, ibid.). Tandis que
le processus de consolidation, nécessite
désormais de nouvelles règles du jeu bien définies et
claires avec de
20
nouvelles tactiques de jeu. Ce jeu doit être ouvert et
permettre la manifestation de tous les intérêts politiques. Il
sera possible de gérer les conflits dans une démocratie mais les
conflits existerons au tant que le jeu reste ouvert.
Dans cette étude la transition démocratique est
définie comme un long processus qui permet à un Etat de passer de
l'autoritarisme à la démocratie. Sa toute première
étape est la transition politique dont la bonne gestion peut conduire
à la seconde étape qui est la consolidation démocratique.
Il faut souligner aussi que c'est pendant la transition politique que les
reformes de démocratisation sont engagées. Cette transition met
en jeu différents acteurs internes et externes de la vie politique.
o Acteur
Pour AKOUN et al (2006 : p. 3), l'acteur est un individu ou
un groupe d'individus qui réalisent des actions, jouent un rôle et
remplissent des fonctions selon des motivations ou à des fins
collectives ou personnelles. Dans le cadre de ce travail, l'acteur est toute
personne ou tout groupe de personnes qui réalisent ou accomplissent des
actions dans le cadre de la transition démocratique guinéenne.
Etant dans le domaine politique, on les appellera acteurs politiques en ce sens
que les actions qu'ils réalisent s'inscrivent dans le débat
politique démocratique en Guinée. Ces acteurs sont entre autres :
les partis politiques, les associations syndicales, la société
civile, les citoyens, la diaspora, la communauté-monde. Ces acteurs ont
chacun leur façon de concevoir les faits et d'en produire des discours
variables.
o Discours
Pour le dictionnaire de sociologie Le Robert Seuil (AKOUN et
al, op. cit. : p. 150), le discours est un terme didactique qui désigne
toute expression individuelle ou collective de nature écrite ou orale
pouvant faire l'objet de traitement ou d'analyse méthodique. Dans le
cadre de cette étude, le discours est considéré comme
toute opinion émanant des personnes interviewées et qui concerne
la transition démocratique guinéenne. Cette opinion peut
être collective ou individuelle mais à caractère oral.
Autrement dit, c'est le point de vue des personnes interrogées face
à la transition démocratique en cours en République de
Guinée. Mais ces discours s'inscrivent généralement dans
les directives des stratégies que définissent les acteurs.
21
o Stratégie
Le dictionnaire de Sociologie définit la
stratégie comme « un ensemble de moyens mis en oeuvre par un
individu ou des individus pour parvenir à leurs fins, dans un
système dont les règles implicites sont formées par la
combinaison de ces stratégies ». (AKOUN et al, op. cit. : p. 507).
Dans cette étude, la stratégie désigne les voies et moyens
mis en oeuvre par les différents acteurs politiques pour atteindre leurs
différents objectifs. Ces stratégies peuvent varier en fonctions
des acteurs et par conséquent peuvent être perçues
différemment par les autres acteurs ou les observateurs. On ne peut
comprendre ces stratégies qu'en partant des explications des acteurs
concernés.
1.4.Délimitation thématique
La présente étude s'inscrit dans le cadre de la
sociologie générale, le sujet de recherche, objet de cette
étude appartient à un domaine restreint qu'est la Sociologie de
la démocratie qui est une partie intégrante de la sociologie
politique (schéma ci-dessous). Ainsi, les concepts utilisés
prennent sens dans ce contexte.
Schéma I : Délimitation
thématique
Sociologie de la démocratie
Sociologie Générale
Sociologie Politique
Source :exploration documentaire 2011
Commentaire : La science sociologique est un tout
complexe dont les frontières des compartiments sont étanches. Il
s'avère donc dificile pour un chercheur de cerner à la fois tous
les apects liés à cette science d'où la
nécéssité de spécialisation dans tel ou tel
champ.
22
1.5.Justification du sujet
1.5.1. Raisons subjectives
La Guinée, autrement appelée la
République de Guinée ou la Guinée Conakry pour des raisons
de différenciation avec les autres Guinée (Guinée
Equatoriale, Nouvelle Guinée et Guinée Bissau qui fait
frontière avec elle), est un pays assez riche en ressources naturelles
de toutes sortes. A ce titre,elle est qualifiée de « scandale
géologique » à cause de l'immensité de ses ressources
naturelles, et de « château d'eau » de l'Afrique occidentale du
fait de l'abondance de ses cours d'eau (potentiel hydroélectrique). Le
Niger, troisième grand fleuve du continent et onzième du monde
par sa longueur (4.180 km) y prend sa source. Elle dispose la plus grande
réserve mondiale de bauxite et en est le deuxième producteur
mondial après l'Australie. On y rencontre aussi le fer, le diamant,
l'uranium, l'or, le manganèse, les forêts et tout récemment
le pétrole en basse côte1. Malgré l'existence de
toutes ces richesses, la majorité des guinéens vivent en dessous
du seuil de pauvreté et le pays se classe parmi les plus pauvres de la
planète. L'eau et l'électricité y manquent cruellement,
les prix des denrées de premières nécessités ne
font que grimper et la monnaie a perdu sa valeur. Etant né et grandi en
Guinée, jouissant des avantages de la nationalité
guinéenne et soucieux du développement de notre pays, nous avons
nourri l'ambition d'orienter nos travaux dans la recherche de la paix sociale
et du bien-être des populations guinéennes en faisant une analyse
sociologique de la transition démocratique en cours.
1.5.2. Raisons objectives
Le discours sur la gouvernance politique, surtout quant il
provient de milieux occidentaux semble, de plus en plus, porter sur la
nécessité d'instaurer la démocratie dans tous les Etats.
En effet, les institutions internationales et les grandes puissances ne
manquent plus d'utiliser tous les moyens à leur disposition y comprit la
technologie de guerre2 pour imposer la démocratie dans les
pays « réfractaires » à ce système politique.
Pour ces tenants de l'universalisme, seule la démocratie conduit au
bien-être économique et social et pour cela, il faut en imposer
l'usage à tous. Plusieurs pays africains se sont ainsi vus contraints de
faire recours à la démocratie occidentale. C'est le cas de la
Guinée, ancienne colonie française. Mais, pour les africanistes,
la
1 La basse côte ou la Guinée
Maritime, est l'une des quatre régions naturelles de la Guinée
après la Guinée Forestière, la Haute Guinée et la
Moyenne Guinée. C'est cette région qui abrite la capitale du pays
: Conakry, considérée comme une zone spéciale à
cause de son aspect cosmopolite dû à la présence de tous
les groupes socioculturels du pays.
2 Comme ce fut le cas en Libye où sous
prétexte d'une zone d'exclusion aérienne, la France, sous la
protection des nations unies et de l'OTAN, dirigea une opération
militaire destinée à éliminer physiquement Mouammar
Kadhafi qui fut tué le 20 octobre 2011dans sa ville natale de Syrte
après avoir résisté durant 8 mois.
23
démocratie occidentale n'est point adaptée aux
réalités du continent et elle y vient souvent sur fond de crise.
Ce qui fait qu'elle finit toujours par faire des victimes qui ne sont que les
pauvres citoyens assoiffés de justice et de liberté. Pour les
tenants de cette approche culturaliste, l'avènement de la
démocratie « exportée » de l'occident a
contribué à l'accroissement des problèmes sociaux en
Afrique. Pour cela, il faut faire recours à la culture et à
l'éducation pour corriger les errements de la démocratie afin de
parvenir à un développement. Dans cette perspective, le sujet
semble être d'un intérêt particulier, en ce sens qu'il
s'inscrit dans la problématique de la mise en oeuvre de la
démocratie en Afrique. Il importe donc d'analyser la situation
guinéenne afin de se situer sur les avantages et les
inconvénients de la démocratisation sur la vie des populations
guinéennes.
1.6.Présentation de la République de
Guinée
1.6.1. Des rivières du sud à la
Guinée
Plusieurs réflexions théoriques ont
été faites sur l'origine du mot « Guinée ». Mais
il est établi de nos jours que ce terme dérive du mot
berbère « AGUINAOUI » qui désignait les populations
noires situées plus au sud. Pour la première fois, ce mot fut
mentionné sur la carte d'un navigateur italien Giovani de CARRIGNON vers
les années 1320. Des années plus tard, il apparu dans «
chronica de Freites de Guinée » du navigateur portugais
Fanès de Zurara. C'est depuis cette date que ce nom est apparu sur
toutes les cartes marines pour désigner les côtes de l'Afrique,
allant de la Casamance au Gabon et par extension tous les produits venants de
ces localités. C'est seulement après la conquête du
territoire par la France dans la période de 1889-1893 que les
frontières furent délimitées et la colonie porta le nom de
« Les rivières du Sud ». Elle fut rattachée à
l'Afrique Occidentale Française (AOF). Les limites actuelles du
territoire de la Guinée furent fixées le 1er juillet
1912 grâce à un traité franco-anglais qui précisait
ses limites avec la colonie anglaise de Sierra Leone. (STAR-GUINEE, 2008 : En
ligne)
S'agissant du contact avec les Européens, il semble
que ce sont les portugais qui furent les premiers à aborder les
côtes guinéennes. Mais ils en seront plus tard éloigner par
les anglais et les français qui devinrent les principaux animateurs du
commerce des esclaves. Ce n'est qu'au début du XIXème
siècle que la France manifesta clairement ses intentions de
posséder la Guinée. C'est ainsi que les deux puissances rivales
trouvèrent un accord entre elles mais aussi avec les chefs locaux, elles
conclurent des traités et des conventions
24
permettant à la France d'occuper, à partir de
1875, les « Rivières du Sud ». (ibid) Mais il faut noter que
la pénétration coloniale s'était heurtée à
de fortes résistances des populations guinéennes en
général. La plus farouche résistance fut menée par
les troupes de l'Almamy Samory Touré pendant dix huit ans contre les
envahisseurs français. Cette résistance nationale fut affaiblie
par les contradictions entre certains groupes socioculturels. (BEAVOGUI, 2001 :
p. 102). Ce qui empêcha une résistance cohérente, forte et
unie pouvant regrouper le fouta djallon du Roi Alpha Yaya Diallo, le manding de
l'Amamy Samory Touré, la forêt de Kissi Kaba Keita et de
Zébéla Tokpa Pivi et la basse côte de Dinah Salifou Camara.
Après l'arrestation de Samory, la résistance se poursuivit
jusqu'au-delà de décembre 1908 mais grâce aux canons
français, le territoire des rivières du sud sera conquise
entièrement par la France. (BEAVOGUI, op. cit. p. 103). C'est par le
referendum du 28 septembre 1958 que la colonisation de la Guinée prendra
fin. L'indépendance fut proclamée le 02 Octobre 1958 sous la
direction du syndicaliste Ahmed Sékou Touré.
1.6.2. Géographie
La Guinée ou République de Guinée ou
encore Guinée-Conakry, est le neuvième pays à obtenir son
indépendance le 02 octobre 1958. C'est un pays côtier de l'Afrique
occidentale qui couvre une superficie de 245.857 Km2. Elle partage
plusieurs centaines de kilomètres de frontière avec les
paysvoisins dont: au Nord-Ouest la Guinée Bissau (386 Km), auNord le
Sénégal (330 Km), au Nord-Est le Mali (858 Km), àl'Est la
Côte d'Ivoire (610 Km), au Sud la Sierra Leone (652Km) et le
Libéria (563 Km). A l'Ouest, le pays s'ouvre à l'océan
Atlantique sur 320 Km de côte. C'est là que se situe le massif du
Fouta Djallon, considéré comme le « château d'eau de
l'Afrique de l'Ouest ». Le plus haut sommet du pays est le mont Nimba
(1752m). Vingt deux fleuves de la sous-région y prennent leur source
parmi lesquels le Niger et le Sénégal. (AFRISOP, 2011 : En
ligne)
Administrativement, la Guinée se subdivise en 8
régions administratives regroupant 33 préfectures, 305
Communautés rurales de développement (CRD) et 5 Communes dans la
zone spéciale de la capitale Conakry. Selon les statistiques du dernier
Recensement Général de la Population et de l'Habitat (RGPH), la
Guinée compterait de nos jours près de 11millions d'habitants
avec une forte concentration dans la capitale Conakry, dans la Région
forestière (N'Zérékoré, Gueckédou) et dans
les zones minières de la Haute Guinée (Siguiri,
Kérouané) et de la Basse côte (Fria, Boké). (CENI,
2011; p. 8). Cette population est en majorité jeune et se repartie comme
suit : - de 0 à 14 ans (44%) ; - 15 à 64 ans (52,4%) ; - plus de
65 ans (3,2%). La densité moyenne est de 40 hab./Km2. La
majorité des guinéens vivent en milieu
25
rural soit 70% et une minorité de 30% en milieu urbain.
Une partie importante de la population vivent à l'étranger pour
des raisons tant politiques qu'économiques (OMAR TOURE, 2011 : En
ligne). Voir la carte en page de couverture ou page de garde.
1.6.3. Groupes socioculturels
Selon une étude réalisée par
l'Université de Laval (UNIVERSITE DE LAVAL, 2011 ; En ligne),la
Guinée compte près d'une trentaine d'ethnies parlant chacune leur
langue. Sur la base des données du dernier recensement ethnique
effectué avant l'indépendance (1955), les peuls sont les plus
numériquement important (40 % en 1955), suivis des malinkés (35 %
en 1955), des Soussous (15 % en 1955), puis des Guerzés, des Kissiens,
des Tomas, des Landoumas, des Bagas, etc. En effet, en raison de l'existence de
«regroupements» ethniques, il est difficile de définir
l'appartenance ethnique d'un guinéen. Il existe des
«assimilés» (comme les Bagas et les Landoumans par rapport aux
Soussous), les «apparentés» ( les Toucouleurs et les Peuls) et
les sous-groupes ( les Kourankos, les Leles, etc., par rapport aux
Malinkés). Selon la même source, partant de ces regroupements
ethniques, les malinkés et leurs « assimilés », formant
de 30 % à 35 % de la population, constitueraient le groupe le plus
important; suivis par le groupe des Peuls et les Toucouleurs avec 30 %; ensuite
les Soussous et «assimilés», puis les «forestiers»
(les habitants de la Guinée forestière), avec 18 %. Les autres
petites ethnies, ne représentent que 2 % à 3 % de la population.
Les peuls, les malinkés et les soussous représentent les 3/4 de
la population totale. Les langues parlées par les guinéens sont
qualifiées de langues nigéro-congolaises comme le poular (32 %)
parlé par les Peuls, le maninka (24 %) parlé par les
Malinkés, le soussou (10 %), le guerzé (3,8 %), le kissi (3,5 %),
le toma (1,8 %), le dialonké (1,8 %), etc. Seuls les 15 % à 25 %
des guinéens maîtrisent le français qui est pourtant la
langue officielle du pays. Cette langue est presqu'inconnue dans les villages
reculés. Les langues les plus véhiculées sont le poular,
le malinké et le soussou. L'arabe est exclusivement
réservé aux adeptes du Coran. Au point de vue religieux, les
musulmans sont dominants en Guinée, avec près de 85 % d'adeptes
contre 5 % d'adeptes des religions traditionnelles animistes et 4 % de
chrétiens (dont 3 % de catholiques et 1 % de protestants
évangéliques).
1.6.4. Politique
26
Le paysage politique guinéen est de nos jours
occupé par près de 215 partis politique constitués
légalement. Mais depuis les premières élections
présidentielles 1993 jusqu'en 2006 les élections ont
été boycottées par la majorité des partis
politiques opposés au régime du General Lansana Conté.
Celui-ci, à la tête du CMRN, avait prit le pouvoir par un coup
d'Etat après le décès du père de
l'indépendance. Ce coup d'Etat du 03 Avril 1984 tournait la page de 26
années de règne du parti unique par l'instauration d'un
multipartisme intégral qui constituait un espoir pour les milliers
d'exilés guinéens. (CENI, 2011 : p. 8)
Au terme de plusieurs années de boycott suivi de la
suspension de la Guinée à des instances internationales. Ces
suspensions eurent pour conséquence la limitation de l'accès au
financement extérieur. Pour débloquer cette situation, le parti
au pouvoir engagea le dialogue avec les partis de l'opposition suite aux
évènements de janvier et février 2007. Ces
évènements avaient abouti à la nomination d'un premier
ministre, chef d'un gouvernement de consensus.Sous l'égide du
gouvernement de consensus, l'Assemblée Nationale adopta quatre projets
de lois essentiels au processus électoral :
? Loi portant amendement du Code Electoral avec comme point
saillant, l'implication de la Commission Electorale Nationale
Indépendante dans toutes les phases d'organisation des consultations
électorales et référendaires ;
? Loi portant statut des Partis politiques de l'opposition ;
? Loi L/2007/013/AN portant Création, Attributions,
Compositions, Organisation et Fonctionnement de la CENT ;
? Loi portant modalités de subventions publiques des
activités des partis politiques. (ibid.)
Ce qui ouvrait la voie à un processus électoral
soutenu par la communauté internationale avec la mise en place en
juillet 2007 d'un Projet d'Appui aux Elections Législatives (PAEL). Le
lancement du PAEL fut suivi par le lancement des activités de la CENT en
décembre 2007. L'UE promettait aussi la prise en charge du de
matériels et d'équipement de recensement biométrique pour
l'obtention d'un fichier électoral moderne et consensuelle. Ce qui
permit le lancement officiel en août 2008 des activités de
recensements d'électeurs qui, avec plusieurs interruptions, ne s'acheva
qu'en mai 2009 alors qu'elles n'étaient prévues que pour deux
mois. (CENT, op. cit. : p. 9). A l'annonce du décès du
président Conté le 23 décembre 2008, le Capitaine Moussa
Dadis Camara, à la tête du CNDD, s'empara du pouvoir en promettant
le
27
retour rapide à l'ordre constitutionnel. Quelques
après, le 04 janvier 2009, le CNDD confia l'organisation des
élections à la CENI avec pour partenaire le Ministère de
l'Administration du Territoire et des Affaires Politiques (MATAP). Cet
optimisme qui faisait croire à l'organisation des élections
législatives avant fin 2009, fut contré par la
détérioration de la situation sécuritaire et les
évènements du 28 septembre 2009. La communauté
internationale se constitua en Groupe International de Contact sur la
Guinée. (GIC-G) afin de suivre la situation sur la base des
éléments du communiqué de la CEDEAO en date du 10 janvier
2009 à savoir :
? La mise en place d'un Conseil National de Transition (CNT)
organe délibérant regroupant civils et militaires en vue de la
réalisation des objectifs de la Transition ;
? La mise en place d'un forum consultatif regroupant toutes
les composantes de la société guinéenne qui servira de
cadre au dialogue permettant aux guinéens d'oeuvrer au renforcement de
la cohésion nationale ;
? Le parachèvement du processus de transition à
travers l'organisation d'élections libres, régulières et
transparentes en 2009 ;
? La non participation des membres du CNDD ainsi que du
Premier Ministre de transition et des membres de son gouvernement aux Elections
à organiser en 2009. (ibid.)
Suite à des dissensions au sein de la junte face
à la poursuite des responsables des tueries du 28 septembre 2009, le
Capitaine Moussa Dadis Camara sera victime d'une tentative d'assassinat par son
aide de camp. Par la médiation du président burkinabè, la
déclaration de Ouagadougou signé le 15 janvier, désigne le
General Sékouba Konaté comme président intérimaire
de la Guinée. Cette déclaration prévoyait entre autres :
la création du CNT comme organe chargé de réviser le cadre
législatif, la nomination d'un Premier Ministre issu des forces vives,
la formation d'un gouvernement d'union nationale, la révision du fichier
électoral et l'organisation d'élections présidentielles
dans un délai de six mois.(CENI, op. cit. : pp. 9-10).
C'est donc dans le cadre de cette transition que la CENI est
devenue une institution de l république dotée d'une
personnalité juridique et jouissant d'une autonomie financière.
Malgré des difficultés et des défaillances techniques, la
CENI a pu relever le défi de l'organisation de ce premier scrutin de son
histoire dans des délais très courts. Le scrutin du 27 juin 2010
s'est construit autour d'un fichier électoral comptant 4 297 688
inscrits, dont 122 117 à l'étranger (diaspora). (CENI, Op. Cit. :
p. 10). Parmi les défaillances enregistrées ont peut noter : la
marginalisation de majeurs, difficultés pour les populations rurales
28
d'accéder aux CARLE, taux important d'erreurs de saisie
ou de traitement. Les opérations d'épuration des listes ont
révélé que 491 241 inscrits présentent des
anomalies qui en interdisaient le traitement, obligeant la CENI à
élaborer une procédure exceptionnelle pour leur permettre de
prendre part au vote avec leur récépissé
d'inscription.C'est dans ces circonstances que la CENI a rendu possible la
tenue effective du scrutin du 27 juin 2010. Ce scrutin est perçu comme
le plus ouvert de l'histoire du pays avec 24 candidats retenus sur la base de
l'appel à candidature lancé par la Cour Suprême le 13 mai
2010. Malgré le montant de la caution fixé à quatre cent
millions de francs guinéens (400.000.000 GNF) et qui semblait avoir
limité le droit à la candidature, n'était aucun obstacle
pour les candidats qui avaient massivement déposé leurs dossiers
de candidature. La validation des candidatures se faisait sur examen sanitaire
par un Collège de médecins assermentés constitué
à cet effet.(ibid).
Selon la commission électorale (CENI, op. cit. : p.
21), à la date du 12 Mai 2010, c'es-à-dire environs un moins
avant le scrutin, le fichier électoral présentait l'état
suivant :
Nombre total d'électeurs : 4.297.688
Electeurs correctement inscrits (biométriques):3.806.447
Electeurs présentant des « anomalies » : 491.241
Répartition des électeurs au niveau national: 3.684.330
Guinéens de l'étranger : 122. 117
Nombre de bureaux de vote : 8.296
Au terme des résultats du premier tour, le RPG et
l'UFDG fut admis à se présenter au deuxième tour du
scrutin qui eut lieu le 7 novembre 2010 malgré les tensions et les
violences enregistrées entre les militants des deux partis. Après
la totalisation des résultats et l'examen des réclamations du RPG
et de l'UFDG, la commission, par la voie de son président3,
proclama les résultats, comme suit :
? Nombre d'inscrits : 4 270 531
? Nombre de votants : 2 898 233
? Pourcentage : 67,87%
3 Suite à des malentendus entre les deux
partis concernant la présidence de la CENI et face au refus de l'Eglise
de laisser siéger Son Excellence Monseigneur Albert David Gomez
nommé par le président de la transition à la tête de
la CENI, c'est le Général malien SiakaToumani Sangaré qui
fut nommé par le président de la transition pour assurer la
présidence de la CENI. Cette nomination fut acceptée par les deux
candidats parce que n'étant pas guinéen, il était
supposé être neutre.
29
? Bulletins nuls : 89 594
? Suffrages exprimés : 2 808 639
Suffrages obtenus par candidat :
?
|
Mamadou Cellou Dalein Diallo:
|
1
|
333
|
666
|
Pourcentage : 47,48%
|
?
|
Professeur Alpha Condé:
|
1
|
474
|
973
|
Pourcentage : 52,52%
|
|
(CENT, op. cit. : p. 23-24)
Ces résultats furent transmis à la Cour
Suprême le jeudi 18 novembre 2010 accompagnés des requêtes
et réclamations reçues du RPG et de l'UFDG. Par arrêt
n°05/CS/CCA, en date du 2 décembre 2010, la Cour Suprême,
statua sur les contestations et confirma les résultats tels que
proclamés par la CENT et proclama les résultats définitifs
du scrutin du 7 novembre 2010. Le Professeur Alpha Condé, candidat du
RPG, fut proclamé président de la république. (ibid.)
1.7.Présentation et justification du cadre de
l'étude
Le sujet porte sur la transition démocratique en
république de Guinée mais les zones couvertes par cette
étude sont les communes de Porto-Novo, de Cotonou, d'Abomey-Calavi et de
Sèmè Kpodji.
? Le choix de la commune de Cotonou est dû à la
présence massive des guinéens issus de plusieurs
catégories dont: ceux ayant quitté le pays sous le coup de la
crise politique actuelle, les représentants de partis politiques
guinéens, les responsables des structures et associations de
ressortissants guinéens, les fonctionnaires guinéens en service
au Bénin, les commerçants, etc. Démographiquement, Cotonou
regroupe un ensemble humain très représentatif de la
société guinéenne. On y rencontre des hommes et des femmes
originaires des quatre régions naturelles de la Guinée, des
membres de la mouvance présidentielle et de l'opposition ce qui
constitue une assurance quant à la problématisation du sujet avec
l'évidence des écarts en fonction des provenances politiques et
sociales.
? Sèmè Kpodji, commune environnante de Cotonou,
est aussi une zone frontalière avec le Nigéria voisin
(arrondissement de sèmè kraké). Le coût de la vie y
est moins élevé que dans la capitale économique et les
activités économiques semblent y être
30
31
florissantes. Ce qui attire certains guinéens du
domaine informel notamment les artisans, les commerçants, les
conducteurs à s'y installer. La plupart d'entre eux sont issus des
groupes sociolinguistiques des deux candidats admis au second tour de
l'élection présidentielle en Guinée.
? Abomey-Calavi abrite le plus grand centre universitaire du
Bénin et par conséquent, on y trouve des étudiants venus
de divers horizons dont la Guinée. Le choix de cette commune s'explique
non seulement par la présence de ces étudiants guinéens
sur le campus universitaire d'Abomey-Calavi mais aussi par l'existence de
cafétariats gérés par des jeunes guinéens qui, pour
la plupart sont venus faire fortune au Bénin mais ne sont pas
enregistrés au consulat et ne sont membres d'aucune association de
ressortissants guinéens au Bénin.
? Porto-Novo, capitale politique de la République du
Bénin a été choisie du fait de la présence du doyen
de la communauté guinéenne, de quelques fonctionnaires
guinéens, des étudiants guinéens en cycle doctoral, de
quelques artisans et des femmes guinéennes mariées à des
béninois. On y rencontre plusieurs groupes sociolinguistiques de la
Guinée. Cette diversité est d'une importance dans la mesure
où elle permet de retenir des données constantes ou unités
sociologiques de comparaison sur la transition démocratique
guinéenne.
1.8.Quelques axes actuels de la discussion
L'Afrique de l'Ouest a connu trois principaux cycles
politiques dont le premier correspond juste à l'époque
d'après-indépendances au moment où existait la
démocratie multipartite. Mais les contradictions et les tensions du
système de parti de l'époque ont donné naissance a un
second cycle : c'est l'époque des partis uniques et des dictatures
militaires marquée par des interventions militaires au Togo en mai 1963,
au Nigeria en janvier 1966 et au Sénégal de 1966 à 1974.
Durant ce cycle, l'espace politique était qualifié d' «
artificiel » dans la mesure où les partis d'opposition n'existaient
pas dans certains cas tandis que dans d'autres ils étaient simplement
bannis. Le troisième cycle correspond à l'ère de la
démocratisation (1980-1990) qui s'est déroulée de
façon très irrégulière dans toute la sous
région. Dans certains pays, le processus s'est soldé par des
conférences nationales qui ont ouvert la voie à
l'émergence du `'pouvoir populaire». (International IDEA, 2007:
p.20)
De façon générale, le mouvement de
démocratisation en Afrique connait deux périodes dont la
première qualifiée de temps de la ferveur démocratique
commence en 1989 et s'achève en 1996 tandis que la seconde
période part de 1997 et se poursuit jusqu'à nos jours. Mais en
faisant une analyse du mouvement de démocratisation de cette seconde
période en Afrique noire francophone, on peut considérer deux
temps majeurs : la période de restructuration des espaces politiques
nationaux influencée discrètement par la France et le temps de la
consolidation des expériences nationales. (AKINDÈS, 2005 : p.
610).
Pour International IDEA, (2007: p.21), si au Bénin la
conférence nationale a été un modèle standard dans
toute l'Afrique de l'Ouest francophone, elle n'a pas connu les mêmes
succès au Togo. Dans certains pays, le processus de
démocratisation a été formel à travers des
programmes de transition politique élaboré par des militaires au
pouvoir en vue de transmettre le pouvoir aux civils comme au Nigéria et
au Ghana. Une troisième situation correspond à celle de la
Côte d'Ivoire, du Libéria, de la Sierra Leone, la
Guinée-Bissau où la démocratisation s'est soldée
par la guerre civile. Il y a eu de même de sérieuses menaces
d'instabilité dans plusieurs Etats comme au Sénégal avec
le mouvement séparatiste de la Casamance depuis 1982, la
rébellion touareg au Niger et au Mali, le problème du Delta du
Niger au Nigeria sont autant de menaces pour la « santé politique
» de l'Afrique Occidentale.
Les affirmations de cet auteur sont encore d'actualité
quant on sait que la crise Libyenne a permit à la rébellion
touaregs de se réarmer lourdement pour combattre l'armée
malienne. Mais l'auteur n'aborde pas dans son ouvrage la question du placage
démocratique comme facteur principal de la menace de la «
santé de politique » de l'Afrique. Pourtant, le véritable
problème demeure la transplantation de la démocratie occidentale
sur le sol africain.
Bathily, cité par International IDEA (2007 : p.21),
constate pour sa part, que le processus de démocratisation en Afrique
Occidentale à aboutit à un résultat plein de contrastes
frappants. Presque tous les Etats sont fragiles en ce sens qu'ils
présentent d'énormes signes d'instabilité politique
durable. Certains présentent encore des conflits non résolus
comme c'est le cas de la Côte d'Ivoire tandis que d'autres comme le
Liberia, la Sierra Leone et la Guinée-Bissau, même avec beaucoup
de difficultés, mais avec le soutien de la communauté
internationale, se sont engagés sur le chemin de la paix ; le Burkina
Faso, le Togo et la Gambie sont dirigés par des régimes
autocratiques qui s'accrochent au pouvoir et refusent aux autres partis
l'accès au pouvoir ; Il y a eu des progrès significatifs dans
d'autres Etats avec la réussite de l'épreuve des deux
élections démocratiques comme au Sénégal, au
Bénin et au
32
Ghana où des partis politiques de l'opposition ont
réussit à renverser des régimes politiques au pouvoir
grâce au processus de démocratisation. Depuis 1990, le
Bénin a connu des élections libres.
Le tableau de fragilité des Etats africains
dressé par cet auteur est aussi en rapport avec les
réalités mais ce qu'il faut ajouter est que le maintien en
fonction de ces régimes dits autocratiques peut s'expliquer soit par
leur ralliement à la cause occidentale en Afrique ou soit à leur
faible potentialité de menace contre les intérêts de
l'occident en Afrique. Car, les occidentaux opèrent des « coups bas
» contre ces dirigeants hostiles à leur idéologie et aident
ceux qui en sont favorables à se maintenir au pouvoir ou à
opérer la dévolution monarchique4 pour garantir leurs
intérêts.
En abordant l'aspect juridique des transitions
démocratiques africaines, DIOP(2006 : p. 110)affirme pour sa part que la
transition démocratique amorcée en Afrique noire francophone dans
les années 1990 a été un long processus de conquête
juridique qui visait à encadrer et à améliorer la pratique
politique. Cette transition a été caractérisée par
le renouveau du Droit qui a permis aux partis exclus depuis plusieurs
décennies, de rebondir sur la scène politique. Ces changements
ont entrainé la chute des régimes à parti unique au profit
du multipartisme et du renouveau démocratique. Cet auteur comme on peut
le constater, n'aborde la question démocratique que sur l'aspect
juridique. Or, en dehors du cadre juridique, d'autres domaines méritent
un sérieux examen. Car, la démocratie peut s'inscrire dans tous
les aspects de la vie sociale.
REDJEME, (2004 : p. 75) constate que depuis 1980 le continent
africain traverse une crise économique sans précédent. Et
c'est dans cette situation de crise que le « vent de
démocratisation » a commencé à souffler sur le
continent à partir des années 1990. Pour lui, les peuples
africains n'ont pas été mis au coeur de leur propre
développement et que c'est dans un cadre de misère
généralisé caractérisé par l'ignorance, la
famine et les maladies, que ces populations vont aux élections en
vendant leur destin aux « plus offrants ». Selon lui, en Afrique, en
lieu et place des élections démocratiques dont on parle toujours,
c'est en réalité le libre achat des consciences qui
s'effectue.C'est pour cette raison que la démocratie exportée par
l'occident en Afrique dans des situations de crise, peut être comparable
à une
4 Au Togo, Faure Gassingbé a
succédé à son père Eyadema et dirige le pays depuis
2005.
En République Démocratique du Congo, Joseph
Kabila a succédé à son père Laurent
Désiré Kabila à la mort de celui-ci en 2001
33
« thérapeutique faussement appliqué sur un
mal faussement diagnostiqué ». On constate dès lors que la
démocratie sponsorisée par l'occident ne résout pas les
questions d'injustice sociale et économique. Elle ne tient compte que
des intérêts de l'occident qui, avec moins d'un milliard
d'habitants, représente 15% de la population mondiale et a la mainmise
sur 85% de cette population (ibid). Le constat de cet auteur est accablant car,
il projette une lumière sur l'injustice que subissent les Etat africains
dans leurs rapports avec les puissances occidentales.
Cet auteur aborde aussi la question de la mondialisation
qu'il qualifie d' « entreprise néo-impérialiste » et
qui se manifeste en Afrique à travers les Institutions de Brettons Woods
(IBW) dont le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale
(BM) qui imposent aux Etats des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) qui
ont aboutit à des résultats très médiocres à
tous les niveaux : la régression de la croissance économique,
l'échange inégal dans le commerce international, l'accroissement
du chômage et de la pauvreté, l'augmentation de la
déscolarisation et de la mortalité infantile, l'Etat voué
au remboursement de la dette. Pour mieux réussir leur politique, les
puissances qui contrôlent l'économie africaine confient les
transitions démocratiques à une nouvelle classe de «
technocrates » qui ne sont que des anciens collaborateurs des institutions
financières et qui sont jugés moins nationalistes et plus «
pro-occidentaux » que leurs prédécesseurs. (REDJEME, op.
cit. : p. 75-76)
Pour Saby cité par REDJEME, (op. cit. : p. 76), «
la banque mondiale et le fond monétaire international ont
été les instruments de l'étranglement permanent de la plus
part des pays au niveau économique et par conséquent
démocratique, et du blocage du respect des droits de l'Homme
».Dès lors, les PAS imposés par ces institutions
internationales financières sont jugés «
antidémocratiques » et ne peuvent permettre la bonne gouvernance
qui doit pourtant être le fondement de toute gestion participative et
démocratique. L'auteur conclut par ces termes : « La
démocratisation en cours n'aura de portée heureuse pour les
peuples africains que si elle est une composante politique d'un autre
modèle de développement. Et réciproquement, cet autre
modèle sera bienfaisant pour les peuples que s'il est
démocratisé et s'il y a une socialisation du développement
».
Ainsi s'annonce la nécessité pour les peuples
africains de prendre leur destin en main et de promouvoir leur propre
développement. Cependant, la question des institutions
financières (FMI, BM) qu'aborde cet auteur en les qualifiant
d'être les instruments de l'étranglement de l'Afrique, est
contradictoire. Le monde est caractérisé par une lutte
perpétuelle où chacun défend ses intérêts. Il
appartient donc aux Etats africains de défendre les leurs au lieu de
pointer du doigt les autres.
34
Un autre aspect analysé par ICONZI et al, (2004 : p.
41), est la situation des libertés individuelles. Pour ces auteurs, dans
un pays où il n'y a pas de libertés individuelles, de
société civile active, d'évaluation des actions des
gouvernants par les gouvernés à travers des élections
démocratiques, on ne peut pas parler de développement. C'est la
démocratie qui permet aux opposants d'exprimer leurs positions en
apportant des changements à l'intérieur du système sans
pour autant le détruire. Ils estiment que les démocraties
arrivent à mieux gérer les conflits, à éviter les
catastrophes comme la famine, la ruine économique tandis que les
régîmes autoritaires sans opposition, ni critique, ni menace
dorment tranquillement et agissent avec impunité. La question des
libertés individuelles en démocratie fait couler beaucoup d'encre
et de salives et reste une problématique majeure du débat
démocratique. Si l'auteur pense que les démocraties gèrent
mieux les conflits, il faut ajouter qu'elles engendrent aussi autant de
conflits qu'elles ne les gèrent.
Pour Zacharie (2004), cité par ICONZI et al (op. cit.
: p. 40), si la pratique démocratique engendre le développement,
on ne doit pas en faire une exigence pour l'aide au développement. Cette
procédure constitue ainsi une sanction comme toute autre sanction
économique et reste inefficace. Pour ces auteurs, loin d'être un
« prêt-à-porter» la gouvernance démocratique est
un processus qui doit prendre en compte les valeurs, les traditions et le
niveau de développement, et ; par conséquent, doit éviter
toute précipitation au risque de provoquer une guerre civile. Parlant du
cas de l'Afrique, Assogba (2000) cité par ICONZI et al (op. cit. : p.
39), dira que la gouvernance démocratique ne peut entrainer un
véritable développement durable que si elle met en place des
mécanismes de « rattrapage » par rapport à
elle-même avant de se mettre à « rattraper » les
autres.
La conditionnalité démocratique de l'aide au
développement est une « arme économique » et
géostratégique de l'occident contre les pays du sud. Et lorsqu'un
régime refuse de s'y conformer, les puissances occidentales lui font l'
« embargo ». Or, dans la pratique, les relations internationales ne
sont pas démocratiques puisque des démocraties occidentales
soutiennent des régimes totalitaires et renversent les nouvelles
démocraties. Pour ces auteurs, la démocratie est un frein au
développement dans les pays pauvres où elle favorise le
désordre et la renonciation des dirigeants aux décisions
courageuses. Elle est même durable dans les pays riches que dans ceux
pauvres. Ils affirment que c'est sous les régimes dictatoriaux que les
croissances économiques les plus rapides se réalisent souvent.
Dire que la gouvernance démocratique est antérieure au
développement n'est pas évident tout
35
comme la révoquer à des peuples vivant dans la
misère en la considérant pour un luxe est une usurpation.
(Ibid.)
Selon des études réalisées par la BM en
2001c et 2002 e cité par ICONZI et al (op. cit. : p. 43), les
malversations économiques sont fréquentes dans les régimes
plus démocratiques que dans les régimes moins
démocratiques. Un rapport mondial sur le développement humain dit
ceci : « la gouvernance démocratique et le développement
partagent un dénominateur commun : ils constituent tous deux d'avantage
un voyage qu'une destination, une promesse qu'une liste exhaustive ».
Avant de conclure qu'aucune société n'est complètement
démocratique ni totalement développée et que l'important
est d'aller toujours en avant et non de reculer. (PNUD, 2002)
Des pays comme la Chine et l'Inde ont su imposer leur
modèle de développement inspiré de leur tradition.
Pourtant leur adhésion à l'idéologie démocratique
est très faible. L'Afrique ne peut-elle pas inventer son modèle
de développement inspiré de ses valeurs traditionnelles ?
Pour NOUHOUAYI5 (2010 : p. 3), la
démocratie est devenue une « manne populaire » que presque
tous les pays veulent s'offrir « aveuglement » à l'exception
de quelques pays « réfractaires » à cette
idéologie comme la Chine populaire, le Cuba et quelques pays arabes.
Certains comme la Grande Bretagne, la Finlande, la Norvège, le Danemark
et la Suède en ont adopté le style tout en « l'accommodant
» à leurs traditions.Avec des principes séduisants et des
promesses de Liberté, d'égalité, de droit à
l'expression et à l'émancipation, la démocratie suscite
l'espoir. Mais la réalisation de ces promesses se solde toujours par des
déceptions qui arrivent souvent lorsque les gouvernants sont incapables
de tenir leur promesse mais aussi lorsque les pays concernés sont
dotés de ressources économiques qui font l'objet de convoitises
des autres pays.Ces « aléas »dits intérieurs et
extérieurs peuvent disparaitre mais d'autres difficultés d'ordre
structurel affectent aussi le fonctionnement de la démocratie et
l'oblige à « se prendre en otage » par le payement d'un lourd
tribut, indispensable à son existence. Ces difficultés se posent
dans les consultations populaires, la vie des institutions et l'exercice de la
souveraineté nationale. (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 4). Pour lui, les
scrutins électoraux sont un indicateur de la gouvernance
démocratique. Mais le coût élevé des campagnes
électorales qui s'accompagnent aussi du libre achat des consciences et
de la corruption, « sapent » le développement des pays en voie
de développement. (ibid.)
5 Il s'agit du Professeur Emérite Albert
NOUHOUAYI, enseignant à l'Université d'Abomey-Calavi, chef de
filière Sociologie de l'Ecole Doctorale Pluridisciplinaire, directeur de
recherche de la présente étude.
36
37
38
Un autre aspect qu'il analyse est le partage du pouvoir entre
les différentes institutions dont l'exécutif, le
législatif, le judiciaire, l'information et de la communication. Il
estime que si chacune de ces structures doitavoir ses propres ressources
matérielles, humaines et financières, les pays pauvres resteront
toujours endettés. C'est dans cette optique qu'il soutient que toutes
les structures de la démocratie ne doivent pas être
installées à la fois car, elles constituent de véritables
« gruge-budget ». Il pose la question de savoir si un pays qui, pour
la cause démocratique installerait une seule institution en prenant soin
d'intégrer les autres ne peut-il pas amasser des ressources utiles pour
son développement ? (NOUHOUAYI, op. cit. : p. 6)
Parlant de la souveraineté nationale il soutient que
les pays africains s'imposent des contraintes au nom de la démocratie
dont la culture politique les manque. Pour lui, ces pays qui viennent de
s'engager dans « la course démocratique », veulent avancer
aussi vite que ceux qui en ont la culture politique depuis des siècles.
La souveraineté est ainsi compromise si un peuple s'impose des devoirs
auxquels sa mentalité ne correspond pas et si l'on ne fait pas des choix
en rapport avec ses intérêts. L'aspect apparent de la
démocratie est conformiste et non développementaliste.
(NOUHOUAYI, op. cit. : p. 7)
Il conclut que la démocratie est un mode de gestion
politique qui pèse très lourd sur l'économie des pays
pauvres. Or que son utilité devrait être sa capacité de
sortir ces pays du sous-développement. Pour lui, le pire est que
certains pays africains considérés de pauvres sont très
riches en ressources naturelles que leur gestion démocratique ne les
permet pas de transformer en biens et services utiles à la vie des
populations. Il propose donc que les pays qui adoptent la démocratie
n'en fasse pas un « menu intégral » mais « l'assaisonnent
au gout de leur culture » et cela en fonction de leurs moyens. Il affirme
cependant qu'en dehors de la démocratie, il existe plusieurs modes de
gestion politique et qu'on n'est pas donc obligé de vivre par la
démocratie si elle ne nous est pas utile. (NOUHOUAYI, op. cit. : p.
8)
Cet auteur a fait un apport édifiant à la
problématique de la démocratie mais n'a pas définit le
modèle de gestion politique qui, en défaut de la
démocratie, peut être meilleur pour les pays africains voulant se
passer de la démocratie.
En somme, il apparait que la démocratisation de
l'Afrique qui remonte à l'avènement des indépendances,
(International IDEA, op. cit. : p.20) n'a cependant pas apporté le
bonheur promit par les principes démocratiques. Si quelques pays ont
réussi un processus de démocratisation pacifique, le continent
dans son ensemble présente une santé politique très
fragile et déséquilibrée. Si les Etats africains se sont
engagés sur le chemin démocratique, il
faut dire que c'est par pure conformisme car, les enjeux
liés au jeu démocratique n'ont pas été
mesurés. Le véritable problème est que la
démocratie n'a pas pris en compte les réalités des peuples
concernés. Or, les réalités africaines sont
différentes de celles asiatiques, européennes et
américaines. Vouloir imposer à l'Afrique une démocratie
à l'universelle ne constitue qu'un obstacle dans sa marche vers le
développement. Partant de ces différents auteurs, la
démocratie se présente en Afrique comme un instrument de
l'occident qui a pour but de favoriser le pillage du continent noir. Un autre
aspect important est la revalorisation des traditions africaines. Ainsi, pour
aller vers un véritable développement, il serait
préférable pour les pays africains de revisiter leur passé
car, l'Afrique ancienne disposait des institutions politiques bien
structurées et stables. Ces institutions étaient de
véritables foyers de la démocratie. C'est le cas du
moligui6 chez les toma de la Guinée et du
Libéria.
Tout au long de ce travail, il s'agit de dévoiler le
caractère que révèle la démocratie en tant que
système de gestion politique dans son application en Afrique de
façon général et en Guinée de façon
particulière en se basant sur les opinions de la diaspora vivant au
Bénin. C'est aussi le lieu de marquer la nécessité de
faire recours aux valeurs endogènes ou éducatives de la
démocratie et non aux valeurs marchandes occidentales.
6 Institution politique traditionnelle du groupe
socioculturel Toma de la Guinée et du Libéria. Elle jouait le
rôle d'organe consultatif et était composé de
représentants des différents clans formant une royauté.
D'où la preuve de l'existence d'un véritable modèle de
démocratie dans les sociétés africaines
traditionnelles.
1.9.Modèles théoriques d'analyse
Ici sont exposées, les approches systémique et
structuro-fonctionnaliste censées expliquer le sujet de cette recherche.
Ces approches permettent de mieux saisir les dynamiques sociales de la diaspora
face à la transition en cours en Guinée. Mais l'analyse
systémique reste le modèle dominant par son aptitude à
mieux saisir les interactions entre les différents agents/acteurs du
champ politique guinéen.
L'analyse Systémique
Cette approche permet de comprendre que le système
politique démocratique guinéen s'inscrit dans un système
démocratique mondial (mondialisation) et présente
également des sous-systèmes en son sein (acteurs politiques
nationaux). Ainsi, le système politique doit faire face à des
contraintes et des demandes (inputs) venant soit des acteurs politiques
nationaux ou soit des organisations régionales ou mondiales. On parle
ainsi des inputs intra sociétaux et des inputs extra sociétaux.
Les inputs intra sociétaux proviennent des acteurs de la vie politique
nationale comme les citoyens, les syndicats, les partis politiques...Les inputs
extra sociétaux proviennent quant à eux des acteurs vivant hors
du pays comme les organismes internationaux, la diaspora... Ce qui laisse au
système une marge d'autonomie très restreinte et le contraint
à prendre des décisions et à agir (outputs). Ces
outputs engendrent des effets (rétroactions ou
feedbacks) venant des acteurs internes et externes. Ces effets peuvent
être positifs (stabilisateurs) ou négatifs
(déstabilisateurs). S'ils sont positifs, ils diminuent les exigences et
augmentent les soutiens en faveur du système politique. Mais s'ils sont
négatifs, les exigences augmentent envers le système politique.
(SARGET, 2005 : En ligne). Comme c'est le cas de la Guinée actuelle
où les exigences ne font qu'accroitre.
L'analyse systémique donne la possibilité de
partir du système politique guinéen et ses contraintes pour
comprendre les interactions entre les acteurs politiques du processus de
transition (ALPE et al, op. cit ; p.15). Pour les tenants de cette approche,
l'évolution de tout système politique est le produit de son
interaction avec les autres systèmes c'est-à-dire, de son
environnement. Mais cet environnement peut être décomposé
en différents systèmes sociaux internes comme externes et chaque
système étant décomposable en différents
sous-systèmes et le tout dans une interaction réciproque. Il
n'existe pas cependant de système dominant ou faible ce qui n'exclut pas
la domination d'un système sur les autres.
39
Schéma II :Modèle
d'analyse systémique
Diaspora
Système politique guinéen
Inputs externes
Inputs internes
Communauté internationale
Out put
Source : A partir de la synthèse des
données de terrain
Explication: Le système
politique guinéen reçoit des inputs (exigences ou soutiens)
internes en provenance des acteurs politiques nationaux et des inputs externes
provenant de la diaspora et de la communauté internationale. Le
système réagit à son tour en produisant des outputs
(actions et décisions) qui suscitent des effets à l'endroit des
acteurs internes et externes. Si ces outputs sont positifs, ils augmentent les
soutiens et stabilisent le système politique. Mais s'ils sont
négatifs, ils augmentent les exigences et déstabilisent le
système. Cependant, la diaspora conserve une position stratégique
dans la mesure où, en dépit de son statut externe, elle peut
aussi directement agir sur les acteurs internes avec qui elle garde un lien
très étroit. Cela ne signifie pas qu'elle domine les autres
systèmes car, dans une analyse systémique, il n'existe pas de
domination mais d'interdépendance..
40
Le Structuro-fonctionnalisme
Le structuro-fonctionnalisme est une théorie
sociologique de portée générale dont l'auteur principal
est le sociologue américain Talcott Parsons (1902-1979). On le distingue
des autres formes de fonctionnalisme par son ambition et sa démarche.
Cette théorie se caractérise par une orientation
systémique et l'établissement de l'interdépendance entre
les composantes d'une structure. (AKOUN et ANSART, 2006 : p. 228).
Schéma III :Modèle
d'analyse structuro-fonctionnaliste
ACCOMPAGNEMENT DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE
Diaspora politique
Diaspora commerciale et économique
DIASPORA GUINENNE DU BENIN
Maintien de l'équilibre du fonctionnement des
activités de la diaspora
Diaspora Sanitaire
Diaspora religieuse
Diaspora éducative
Diaspora familiale et artisanale
Source : A partir de la synthèse des données
de terrain
Selon cette approche, la diaspora dans son ensemble est une
structure sociale composée de sous-structures dépendantes les une
des autres. Cette interdépendance des sous-structures permet d'assurer
le maintient de l'équilibre des activités de la diaspora dans
l'accompagnement du processus démocratique en Guinée à
travers les échanges sociaux existant entre les composantes de la
diaspora. Ce qui équilibre le caractère trop statique de
l'analyse. Ce schéma montre que toutes les structures assurent des
fonctions grâces auxquelles les activités de la diaspora
s'ordonnent pour s'adapter à la situation politique en cours en
Guinée.
II- CADRE PRATIQUE
41
2.1.Nature de l'étude
La présente recherche est de nature qualitativeen ce
sens qu'elle est à la fois descriptive et compréhensive.
Descriptive parce qu'elle décrit le processus de transition
amorcé en Guinée et compréhensive parce qu'elle cherche
à recueillir des discours et des réactions autant politiques que
sociales permettant une approche compréhensive des préoccupations
politiques de la diaspora guinéenne vivant au Bénin. Cela
signifie qu'elle concerne directement l'individu en tant que sujet et acteur
ayant sa propre conception de la réalité par laquelle il est
concerné.
2.2.Démarche méthodologique de la
recherche
Pour mener à bien cette étude, la quête
des informations utiles a été faite à travers nombreuses
sources. Il est essentiellement identifié des sources documentaires et
orales.
2.3. Les sources de l'enquête 2.3.1. Sources
documentaires
Une recherche commence par une revue de la documentation, qui
fournit des résultats d'enquêtes et d'études sur le sujet
de la recherche et de données statistiques officielles. Dans le cadre de
cette recherche, l'exploration documentaire a porté sur la lecture des
ouvrages généraux et spécialisés, des
mémoires de fin d'étude supérieure, les données
électroniques (web sites), des articles, des contributions, des revues
et des rapports relatifs au présent thème. A ces ouvrages,
s'ajoutent les archives du consulat de la République de Guinée
à Cotonou.
La nature de ces informations et les différents
centres de documentation et bibliothèques parcourus sont indiqués
dans le tableau ci après :
42
Tableau I :Centres de documentation
parcourus et types d'informations recueillies
Centre
de documentation /bibliothèques
|
Nature des documents
|
Types d'informations
|
Centre Culturel
Français
|
Ouvrages généraux
Dictionnaires
Ouvrages sociologiques
|
-Connaissances générales sur la
sociologie politique
-Clarification des concepts clés
- approches et positions des auteurs sur la
démocratie
|
Bibliothèque personnelle
|
Ouvrages méthodologiques
Ouvrages politiques
|
- Méthodes et techniques de recherche en sciences
sociales
- Connaissances sur la vie politique guinéenne
|
Consulat honoraire de la République de
Guinée au Bénin
|
- Archives
|
- Données sur les guinéens vivant
au Bénin
|
Internet
|
- Rapports, Thèses, Articles
-Ouvrages spécifiques
|
- Les approches, les thèses, les
positions des auteurs sur la démocratisation en
Afrique
- Les données sur la transition démocratique en
Guinée
|
|
Source : Enquête de terrain,
2011-2012
Les différentes sources orales viennent
compléter et enrichir les informations recueillies par des documents.
2.3.2. Sources orales
Des personnes sont ciblées au cours de cette
étude. Elles ont été spécifiquement
identifiées par rapport à leurs connaissances et leurs
expériences politiques, leur appartenance ou affinité à la
diaspora guinéenne présente au Bénin. Il s'agit des
historiens, des sociologues, des analystes politiques. D'enrichissantes
informations ont été recueillies lors des entretiens menés
avec ces acteurs du monde universitaire et de la sagesse africaine sur la
question de la démocratie en Afrique de façon
générale et la transition démocratique en Guinée de
façon particulière.
43
2.4. Population cible et échantillonnage 2.4.1.
Population cible
L'étude porte sur la perception de la diaspora
guinéenne vivant au Bénin sur la transition démocratique
de leur pays. Ainsi, tous ceux qui sont d'origine guinéenne et vivants
sur le territoire béninois sont ciblés : commerçants,
cadres, étudiants, acteurs d'ONG, refugiés politiques. Leur choix
s'est reposé sur un seul critère principal à savoir :
o L'appartenance à la diaspora guinéenne
présente au Bénin ; les critères spécifiques
propres à chaque catégorie sont détaillés dans le
tableau suivant
Ainsi, la population de l'étude se présente comme
suit:
o Réfugiés politiques guinéens,
représentants au Bénin des partis de mouvance et d'opposition
guinéens afin de cerner les évènements politiques qui
secouent depuis lors la Guinée, de mettre en relief leur position
politique, et au-delà ce qui justifie leur présence au
Bénin et leurs opinions sur la situation de transition
démocratique que traverse la Guinée ;
o Cadres, étudiants et commerçants, afin de
saisir leurs opinions sur la situation politique de transition
démocratique que vit la Guinée ;
o Personnes ressources pour recueillir des connaissances sur
l'état de la démocratie en Afrique et la transition
démocratique en Guinée.
2.4.2. Echantillonnage
L'approche qualitative est empruntée dans le cadre de
ce travail. La constitution de l'échantillonnage dans ce cas s'est faite
à partir des informateurs privilégiés. Selon AMOUZOUVI
(2008 : p. 14), en rappelant les propos de Angers, « une technique
d'échantillonnage est l'ensemble des opérations permettant de
sélectionner un sous ensemble d'une population en vue de constituer un
échantillon ». Pour identifier la population cible, les techniques
de « choix raisonnés » et de « boule de neige » sont
celles utilisées. Ainsi, une prise de contact a été faite
avec le consulat honoraire de la Guinée au Bénin et le
Président de la Communauté des Ressortissants Guinéens du
Bénin afin d'obtenir une liste de contact de certains guinéens
sensés être mieux indiqués pour fournir des informations
sur le sujet. Pour éviter toute exclusion, une prise de contacts a
été faite avec ceux qui ne sont pas enregistrés ni au
Consulat ni auprès des responsables de la communauté mais qui
vivent au Bénin depuis
44
des années et qui sont susceptibles de se prononcer sur
le sujet de l'étude. Certains enquêtés ont servis
également de référents pour en avoir d'autres aptes
à fournir des informations utiles. Il a été en outre
opéré le procédé de saturation intervenue à
70 % et qui a consisté à fixer les quotas suite à une
saturation de l'information recherchée en fonction des hypothèses
formulées. Au total, 107 personnes ont été
interrogées.
Tableau II : répartition
statistique des informateurs
Groupes cibles
|
Nombre de personnes interrogées
(Quotas)
|
Critères de choix
|
Réfugiés politiques guinéens
|
15
|
Ils sont identifiés en fonction des crises politiques
qui ont occasionné leur arrivée au Bénin
|
Représentants de partis
politiques guinéens de mouvance et d'opposition
|
20
|
Leur identification tient compte de l'appartenance à
un parti politique guinéen représenté au
Bénin
|
Artisans et ménagères
guinéens
|
32
|
Ils sont identifiés en fonction de leur appartenance
à la diaspora guinéenne
|
Cadres guinéens
|
10
|
Ils sont identifiés en fonction deleur appartenance
au corps enseignant guinéen muté au Bénin
|
Commerçants guinéens
|
12
|
Leur identification tient compte des activités
commerciales qu'ils mènent au
Bénin
|
Etudiants guinéens
|
13
|
Ils sont repartis suivant leur origine socioculturelle
|
Personnes ressources
|
05
|
Ils sont identifiés suivant leur
capacité d'analyse de la situation politique guinéenne et
africaine
|
Total
|
107
|
|
Source: Pré-enquête
de terrain.2011
45
2.5.Techniques de collecte et traitement de
données
2.5.1. Techniques de collecte
Une seule technique ne pourra permettre de collecter les
informations nécessaires et suffisantes, de cerner l'ampleur de la
question.
L'analyse documentaire, l'entretien, le brainstorming, le
focus groupe, sont les techniques essentielles par lesquelles les
données utiles pour l'analyse sont collectées suite aux descentes
sur le terrain.
2.5.1.1.L'entretien
C'est une méthode de collecte d'information dans
laquelle l'enquêteur interroge en face à face le sujet. Les
entretiens individuels et de groupes qui sont menés auprès des
personnes informatrices du groupe cible ont permis de collecter leurs
appréciations sur la transition démocratique en Guinée et
de cerner par ailleurs les conditions sine qua non pour la
réconciliation nationale.
2.5.1.2.Le focus groupe et le
brainstorming
Ils constituent des techniques d'entretien de groupe, outils
d'animation. L'entretien de groupe a permis de fournir des informations
qualitatives au cours de la discussion ciblée au sein d'un groupe
nominal.La taille moyenne de ce dernier est relativement comprise entre (07) et
dix (10) personnes. Elles ont favorisé l'obtention auprès de
celles-ci, des informations relatives à la transition
démocratique en Guinée et les conditions socio politiques pour
une réconciliation nationale réussie.
2.5.2. Analyse des informations
Les données collectées ont été
transcrites, saisies et soumises à une analyse de contenu. C'est
l'analyse thématique qui est privilégiée dans cette
étude. Les analyses thématiques sont celles qui tentent de mettre
l'accent sur les représentations ou les jugements des interlocuteurs
à partir d'un examen de certains éléments du discours.
(GRAWITZ, 2000 : p. 606)
L'analyse des informations en recherche qualitative comporte
trois activités courantes : la condensation des données, leur
présentation, l'interprétation ou la vérification des
conclusions. (Van der Mayer, cité par Lessart, Goyeli Gabriel, Boutin
Gérald, 1997 : 70 et repris par GOUMOU 2010 : p. 26).
46
Pour ce travail, les informations collectées sur le
terrain ont été soumises à cette forme
d'analyse de contenu. Les opérationseffectuées
à cet effet sont :
- le soulignage des idées clés ;
- le regroupement des idées clés par
catégories thématiques :
- la mise en évidence des points de convergence et de
divergence ;
- et la rédaction descriptive des résultats.
2.6.Organisation de l'enquête sur le terrain
La collecte des données dans le cadre de l'exploitation
des outils ainsi que la transcription des dites donnéesa couvert douze
semaines et s'est effectué en trois phases
2.6.1. Identification des enquêtés
Elle a consisté à prendre contact avec le
terrain de la recherche, localiser les enquêtés et programmer les
entretiens. Un calendrier d'entretien a été élaboré
et arrêté avec des personnes susceptibles de faciliter les
enquêtes.
2.6.2. Déroulement des entretiens
A cette étape, les outils de recherche ont
été administré en fonction du calendrier définit.
Ces outils ont été administré aux membres de la diaspora
guinéenne du Bénin dont les responsables du bureau de la
Communauté des Ressortissants Guinéens du Bénin (CRGB)
résidants à Cotonou et Porto-Novo, les responsables du bureau de
l'Association des Jeunes Guinéens du Bénin (AJGB) dont nous
faisons partie et qui résident à Cotonou, Abomey-Calavi et
Porto-Novo, ainsi que les membres de ces structures. Les entretiens ont
terminé par ceux qui ne font partie d'aucune des structures
citées mais qui sont mieux indiqués pour répondre à
nos préoccupations.
2.6.3. Synthèse, compte rendu et réajustement
des données
A cette phase, deux entretiens d'encadrements du travail et
trois focus group furent réalisés. Il s'agit de présenter
aux enquêtés notamment les responsables des structures
citées plus haut, les résultats bruts de la recherche de terrain,
d'harmoniser les données afin de réajuster si nécessaire,
quelques informations. Cette étape a permis de les rassuré de la
bonne utilisation des informations recueillies, de les remercier et de garantir
leur disponibilité pour d'éventuelles informations
47
2.7.Chronogramme
Le processus ayant conduit à la production de ce travail
de recherche s'est déroulé en plusieurs étapes. Le tableau
suivant présente les étapes et la durée mobilisée
autour de leur réalisation. Au total,vingt cinq semaines et quatre jours
ont été consacrés à cette recherche.
Tableau III : Chronogramme des
activités de recherche
N°
|
Activités
|
Période
|
Observations
|
1
|
Choix du thème et formulation du sujet de
recherche
|
3 jours
|
Seule la recherche
documentaire se poursuivra jusqu'à
l'étape de la rédaction
|
2
|
Production du protocole de recherche
|
Trois semaines
|
3
|
Correction et validation du protocole
|
Trois semaines
|
4
|
Collecte et transcription des données de Terrain
|
Douze semaines
|
5
|
Dépouillement et traitement des données de
terrain
|
Une semaine
|
6
|
Rédaction du mémoire
|
Quatre semaines
|
7
|
Correction et relecture
|
Deux semaines
|
8
|
Dépôt
|
1 jour
|
Total
|
Vingt cinq semaines et quatre jours
|
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
48
DEUXIEME PARTIE :
DIVERSITE DES OPINIONS DE LA
DIASPORA SUR LA TRANSITION
DEMOCRATIQUE EN GUINEE
III- DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU
BENIN
49
Le concept de diaspora a évolué dans le temps
puisqu'au départ, il désignait l'ensemble des juifs vivant hors
d'Israël, leur terre natale. Mais au fil du temps, ce concept a eu
d'autres orientations et a fini par designer les membres d'une
communauté vivant à l'extérieur de leur communauté
d'origine. Pour donc designer les guinéens vivant à
l'extérieur de leur pays, on les appelle la diaspora guinéenne.
Mais les circonstances liées à la vie de ces guinéens nous
obligent à les appeler les diasporas guinéennes. C'est donc en
deux sections que se divise ce chapitre. La première section traite de
la diaspora et la seconde des diasporas guinéennes.
3.1.De la diaspora
Dans la rubrique Sociologie du dictionnaire numérique
de politique toupictionnaire (2011 : En ligne), le terme "Diaspora" (avec une
majuscule), désignait historiquement la dispersion des Juifsaprès
leur captivité à Babylone. De nos jours, il désigne la
dispersion à travers le monde des Juifs vivant hors du territoire
palestinien. Par extension, on entend par diaspora, la dispersion d'une
communauté ethnique ou d'un peuple à travers le monde. A
l'origine, ce mot ne désignait que la dispersion au sens proprement dit.
Mais de nos jours, il désigne aussi le résultat de cette
dispersion, autrement dit, l'ensemble des communautés d'un même
peuple qui sont dispersées dans plusieurs pays. .
Pour Michel Bruneau cité par WIKIPEDIA, 2011 (En
ligne), ce terme désigne tous les phénomènes qui
résultent des mouvements migratoires à l'intérieur de
plusieurs pays, et qui partent d'un foyer émetteur.Pour constituer une
diaspora, les communautés émigrées d'un peuple hors de ses
frontières doivent posséder trois caractéristiques
essentielles à savoir :
1- La conscience et la revendication d'une identité
ethnique ou nationale (l'attachement au pays d'origine avec des pratiques et
habitudes propres à ce pays);
2- L'existence de liens - vie associative par exemple - entre
les membres du groupe dispersé (organisation politique, religieuse,
culturelle ou économique) ;
3- L'existence de contacts réels ou idéologique
avec le pays d'origine (l'intégration d'un groupe diasporé est
loin d'assimilation dans le pays d'accueil). (ibid.)
Retenons qu'il est difficile de donner une définition
exacte au terme diaspora car, la définition adoptée peut
être plus ou moins restrictive en fonction des auteurs. Certains
50
considèrent la perte du territoire d'origine comme
préalable tandis que les autres insistent sur la dispersion dans
plusieurs pays.
Dans ce travail, nous entendons par diaspora guinéenne,
tous les guinéens vivant à l'extérieur de leur pays. Dans
ce contexte, le mot diaspora ne tient compte que du simple fait de vivre hors
de son pays. De ce fait, toute personne franchissant les frontières du
territoire national de la République de Guinée pour aller vivre
dans un autre pays, fait son entrée dans la diaspora guinéenne au
sens large du terme. Cependant, ceux qui quittent le pays pour des voyages
d'affaires, pour du tourisme, pour des missions diplomatiques de courte
durée, pour des séminaires de travail, bref, pour des
séjours très limités, ne peuvent être
considérés comme des diasporés. La diaspora ne
désigne ici que les citoyens guinéens qui ont
décidé de vivre dans un autre pays pour des raisons
différentes. La diversité de ces raisons de départ et des
conditions indispensables pour retourner au pays fera l'objet de la section
suivante.
3.2.Des diasporas guinéennes du Bénin
Potentiellement estimés à 1759 habitants,
répartis dans 824 ménages dont 1198 ayant 18 ans et plus, et 561
de moins de 18 ans. (CONSULAT HONORAIRE, 2008), les guinéens du
Bénin sont très diversifiés. Cette diversité se
fait sentir dans les raisons ayant entraînés leur départ du
pays, les activités qu'ils exercent au Bénin et surtout les
conditions indispensables à leur retour en Guinée. En analysant
cette situation, il est préférable de les considérer au
pluriel comme des diasporas et non comme une diaspora. Dans les lignes qui
suivent, une classification de cette pluralité diasporique a
été faite en fonction des raisons de départ, des
activités exercées au Bénin et des conditions de retour en
Guinée.
3.2.1. Les raisons de départ
En posant la question de savoir : pour quelles raisons
avez-vous quitté la Guinée nous avons obtenus de nos
enquêtés, des réponses variées
représentées par ce graphique qui suit:
51
Graphique 1: Répartition des
enquêtés selon les raisons de départ
30%
25%
20%
15%
10%
0%
5%
Difficultés économiques
(30)
28%
Etudes (21) Désir de
voyager (21)
Raisons de départ des
enquêtés
20% 20%
Mariage (17) Chômage (9) Instabilité
politique (5)
15%
8%
5%
Travail (4)
4%
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
En partant des réponses fournies par les
enquêtés, il a été retenu sept (07)
catégories de raisons ayant motivé les guinéens à
immigrer au Bénin. La première catégorie est celle des
enquêtés ayant quitté le pays pour des raisons de
difficultés économiques. C'est d'ailleurs la catégorie
dominante car, elle représente 28 % de la taille de
l'échantillon. Mais il faut retenir que la majorité de ces
enquêtés sont des personnes ayant des niveaux d'étude
primaire ou secondaire et qui ont opté pour l'apprentissage d'un
métier. D'autres parmi eux sont sans instruction. Ce qui explique que
dans la société guinéenne, les personnes sans instruction
ou ayant un niveau d'étude faible, sont plus confrontées aux
difficultés économiques et la plupart d'entre eux s'orientent
dans la recherche du matériel financier où qu'il soit. Une fois
hors du pays, beaucoup se mettent à la recherche de l'argent facile.
La seconde catégorie est celle des
enquêtés (20%) qui ont affirmé avoir quitté le pays
pour des raisons d'études supérieures. La presque totalité
d'entre eux sont des étudiants en cycle doctoral. Ce qui justifie le
manque cruel d'écoles doctorales en Guinée. Mais cela peut
s'expliquer d'une part par le manque de volonté politique et d'autre
part le non retour au pays des intellectuels guinéens formés
à l'étranger sous le régime Sékou Touré. Par
peur d'être des victimes du régime Sékou, ces
intellectuels, qui auraient dû être les promoteurs de grandes
écoles aptes à former les nouvelles générations
pour un développement national, sont
52
malheureusement restés hors du pays, au service
d'autres nations et au détriment de la jeunesse guinéenne.
Après l'obtention d'une maîtrise, pour suivre une formation de
troisième cycle, les jeunes guinéens sont dans l'obligation
d'aller vers d'autres pays avec tous les frais que cela engendre.
En dehors des programmes de bourses offerts par des organismes
internationaux, les bourses doctorales gouvernementales sont presque
inexistantes ou sont données par affinités si elles existent.
Beaucoup de jeunes guinéens sont ainsi contraints à se limiter au
niveau maîtrise même s'ils ont la volonté et la
capacité intellectuelle de faire de brillantes études doctorales.
19 % des enquêtés sont de cette catégorie au même
titre que ceux qui ont quitté le pays par simple désir de
s'aventurer et de découvrir d'autres cieux. Parmi ceux-là, il y a
principalement des artisans, des informaticiens et des commerçants. Ce
qui explique aussi la volonté manifeste de certains à
découvrir d'autres pays.
La catégorie suivante est celle des interviewés
qui sont au Bénin pour des raisons de mariage. Elles sont toutes des
femmes mais les circonstances de mariage sont aussi différentes car,
certaines vivent au Bénin avec leurs maris guinéens tandis que
d'autres se sont mariées à des béninois. On comprend ici
que les femmes guinéennes du Bénin sont arrivées soit par
mariage soit par des personnes proches. Elles représentent 15 % de
l'échantillon. La catégorie suivante est celle des
guinéens qui ont quittés le pays pour des raisons de
chômage (manque d'emploi). Ils représentent 8 % de la population
touchée. Ce qui explique aussi l'existence du chômage qui
contraint beaucoup de guinéens à immigrer.
Une autre catégorie est celle des répondants
qui, pour des raisons d'instabilité politique, se sont installés
au Bénin. Cela s'explique par les violences politiques dont fait l'objet
certaines personnes qui ne sont pas favorables au régime en place. Pour
éviter d'être la cible du pouvoir, ces personnes quittent le pays
pour aller vivre ailleurs. Ils représentent 5 % de la taille de l
échantillon. Enfin, il y a les guinéens arrivés au
Bénin pour des raisons de travail. Ce sont des fonctionnaires
guinéens travaillant au Bénin. Ce qui explique la
coopération bilatérale entre les deux pays. Ils
représentent 4 % de l'échantillon.
53
Encadré 1 : extraits
d'entretiens
`' J'ai quitté la guinée pour pouvoir
poursuivre des études de troisième cycle en Sciences
Mathématiques. La guinée ne dispose pas d'une formation de
troisième cycle en maths `'
`'Moi je me suis mariée à un béninois
c'est pourquoi je suis venu vivre dans son pays `'
`' Moi j'ai quitté la Guinée parce que
j'avais l'ambition de voyager et de découvrir d'autres
pays»
`'Après l'université, nous étions
confrontés au chômage. On passait notre temps dans les
hôpitaux pour chercher du travail et ça ne marchait pas. J'ai donc
décidé de quitter la Guinée dans l'espoir de trouver du
travail au Bénin»
`'Moi j'ai soutenu en 1987 et je n'avais pas de travail.
C'est ainsi que j'ai quitté la Guinée pour venir chercher du
travail au Bénin»
`'J'avais des difficultés économiques en
Guinée, mon frère et moi avons décidé de nous
rendre en Guinée équatoriale pour chercher de l'argent. C'est
ainsi que je lui ai rejoint au Bénin et nous cherchons comment trouver
le nécessaire pour le voyage en Guinée
équatoriale»
Source : Enquêtes de terrain
2011
3.2.2. Les activités exercées au
bénin
Le graphique suivant présente la répartition
professionnelle des personnes touchées
Graphique II :Répartition
des enquêtés selon la profession
25%
20%
15%
10%
0%
5%
18% 17%
Repartition professionnelle des
enquêtés
13% 12%
9%
6%
3%
1%
21%
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
54
Concernant la profession (graphique 2 ci-dessus), les
enquêtés sont repartis en plusieurs catégories
socioprofessionnelles dont les commerçants qui représentent 18%
de la taille de l'échantillon. Ce qui s'explique d'une part par le fait
que bon nombre de ceux qui quittent le pays même après avoir
terminé des études supérieures, deviennent des
commerçants ; d'autre part, ceux qui, même avec un capital de
commerce important, sentent leurs intérêts menacés,
immigrent vers d'autres pays où ils se sentent en sécurité
pour exercer leurs activités commerciales. La deuxième
catégorie concerne les artisans (teinturiers, coiffeurs, couturiers,
cordonniers, ébénistes) qui occupent les 17% de
l'échantillon. Les artisans bien qualifiés ont toujours la
certitude de trouver du travail partout où ils se rendent. Ils ont donc
peu de doute pour immigrer lorsqu'ils ont les possibilités de le faire.
La catégorie suivante est celle des ménagères qui
représentent 13% de la taille de l'échantillon. Ce qui explique
que la majorité des femmes qui arrivent à la suite de leurs
maris, restent souvent à la maison pour s'occuper des enfants et du
ménage.
Une autre catégorie est celle des
étudiants/doctorants représentant 12% de l'échantillon.
Quelques uns d'entre eux vivent avec leurs parents résidants tandis que
la majorité sont ceux qui sont venus poursuivre leur études en
deuxième ou en troisième cycle soit sur financement privé
soit bénéficiant de bourses d'institutions
étrangères. La catégorie suivante est celle des
enseignants qui, en fait, sont des fonctionnaires internationaux. Certains sont
arrivés suite à la coopération bilatérale entre le
Bénin et la Guinée et d'autres travaillent au compte des
institutions internationales. Ilsoccupent 9% de l'échantillon. Puis
arrive la catégorie du corps médical (6% de
l'échantillon), essentiellement composée de femmes
infirmières, aides-soignantes, médecin généraliste.
Certaines sont arrivées à la suite de leurs époux et
d'autres à la suite de leurs parents ou de personnes tierces.
Il y a ensuite des informaticiens et un ingénieur
agronome qui représentent respectivement 3% et 1% de l'effectif global.
Enfin, il y a une catégorie dénommée les autres
(marchands, gérants de cafétéria, vendeurs
d'atchiéké, vendeurs de riz, vendeur de carte de recharge,
vendeurs d'haricot). Cette catégorie des sans profession est la plus
dominante de la taille de l'échantillon (21%). La plupart d'entre eux
sont des jeunes qui ont abandonnés les études soit au niveau
primaire soit au niveau secondaire et qui, par la suite n'ont appris aucun
métier. Se trouvant ainsi livrés à eux-mêmes.
D'autres n'ont même pas été à l'école. Ils
exercent ainsi des activités différentes pour survivre et la
seule alternative pour eux, est de partir à l'étranger où
ils peuvent exercer n'importe quel travail pour survivre avec l'espoir de
retourner au pays pour faire du commerce une fois qu'ils ont un capital
économique
55
important. Ce qui s'annonce souvent difficile pour certains et
même impossible pour d'autres. Les contraignants à vivre
éternellement hors de chez eux.
3.2.3. Les conditions exigées pour le retour
Le graphique suivant présente les conditions de retour
évoquées par les personnes interrogées.
Graphique III :Conditions de retour
évoquées par les enquêtés
30%
25%
20%
15%
10%
0%
5%
27%
Conditions de retour des
enquêtés
19%
12% 12%
9% 8% 8%
4%
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
Toutes les personnes interrogées ont manifesté
le désir de retourner en Guinée. On comprend dès lors
qu'il s'agit de personnes qui sont rattachées à leur pays d'une
manière ou d'une autre. Mais quant aux conditions de retour en
Guinée, ils sont divisés. Cette diversité a permit de
faire une classification en huit catégories. La première
catégorie est celle des enquêtés qui conditionnent leur
retour à l'aisance financière. Autrement dit, qui disent ne
pouvoir retourner que s'ils auront des possibilités financières
suffisantes leur permettant de bien vivre en Guinée. La majorité
sont des personnes qui ont quitté la Guinée parce qu'ils avaient
des difficultés financières et sont arrivés au
Bénin dans l'espoir d'une vie meilleure. Il
56
serait donc difficile pour eux de retourner au pays sans
moyens financiers. Ils sont majoritaires par rapport aux autres
catégories (27 % de la taille de l'échantillon).
La deuxième catégorie est celle des
enquêtés qui conditionnent leur retour à la finition de
leur formation (19 % de l'échantillon). Ils sont des étudiants
venus suivre des formations universitaires dans divers domaines et qui,
n'attendent que la fin de leur cursus pour retourner au pays. Arrive ensuite la
catégorie des enquêtés qui posent comme conditions de
retour, la stabilité politique (12 % des enquêtés). Ici, on
retrouve principalement les refugiés politiques et des personnes ayant
quitté le pays pour de simple raisons de s'aventurer. Les
réfugiés politiques ne peuvent retourner que si la situation
politique qui a occasionnée leur départ leur ai favorable. Quant
aux aventuriers, la plupart d'entre eux sont souvent choqués par des
évènements politiques et des difficultés
économiques auxquelles sont confrontés leurs concitoyens. Ce qui
ne les encourage souvent pas à retourner au pays dans des situations
d'instabilité politique même si beaucoup d'entre eux sont
financièrement aisés. Au contraire, 12 % des interviewés
ont affirmés ne pouvoir retourner définitivement en
Guinée. Ce sont des femmes mariées à des béninois
et qui ont des enfants qu'elles ne peuvent pas abandonner pour rentrer au pays.
Elles peuvent y aller pour des séjours temporaires mais ne peuvent
rentrer définitivement qu'en cas de divorce. Une autre catégorie
qui représente 9 % de la taille de l'échantillon, ne pose aucune
condition pour retourner en Guinée. Parmi eux, on trouve des
fonctionnaires guinéens venus uniquement pour des raisons de travail et
qui retourneront dès la fin de leur contrat de travail. Il y a aussi des
aventuriers qui n'ont aucun intérêt pour la situation politique et
par conséquent, ne posent aucune conditions de retour.
Une autre catégorie d'enquêtés (8 % de
l'échantillon), exige que l'emploi soit garantie avant qu'ils ne
retournent. La plupart sont ceux qui, confrontés aux difficultés
du chômage, ont quitté la Guinée pour chercher du travail
et ne sont pas prêts à y retourner tant que les chances de trouver
un emploi sont incertaines. La catégorie qui suit est celle des femmes
guinéennes mariées à des guinéens et vivant au
Bénin (8 % de la population touchée). Elles posent pour
conditions de leur retour en Guinée, le retour de leur mari. Elles ne
peuvent rentrer en laissant leur mari avec qui elles ont des enfants qui ont
besoin d'un suivi lorsque le mari est au boulot. La catégorie la plus
minime (4 % de la population enquêtée), est celle des
enquêtés qui ne pensent retourner en Guinée qu'après
avoir découvert d'autres pays.
57
Encadré 2 : extraits
d'entretiens
`'Je souhaite retourner dans mon pays mais il faut la
réconciliation nationale et l'instauration d'un climat de
sécurité et de confiance nationale»
`' Je ne pose aucune condition pour rentrer dans mon pays. La
guinée c'est mon pays, c'est un devoir de rentré pour contribuer
à son développement dès que je termine ma
formation»
`'Oui, je veux retourner en Guinée. C'est mon voeu
le plus ardent de retourner apporter mon expertise à ma nation la seule
condition c'est la possibilité de travailler et d'avoir un emploi
décent pour subvenir à mes besoins»
`' Je veux vraiment rentrer en Guinée mais la seule
condition c'est l'argent. Si je trouve de l'argent aujourd'hui, même deux
millions de francs CFA, je vais partir dès 19h de ce soir. J'ai mes
parents et mes frères qui sont au pays. Si je retourne sans rien, mes
parents peuvent comprendre mais mes frères vont toujours s'attendre
à quelque chose de ma part. Ce qui fait que je ne peux pas rentrer pour
le moment»
Sources : Enquêtes de terrain
2011
58
IV- TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA
TRANSITION DEMOCRATIQUE EN GUINEE
Les discours de nos enquêtés sur la transition
démocratique en Guinée sont variés. Les aspects qui ont
retenus l'attention de cette étude sont principalement les atouts et
faiblesses des transitions militaires, le déroulement des
élections présidentielles ainsi que la gestion du pays par le
président élu.
4.1.Atouts et faiblesses des transitions militaires
Les transitions militaires sont des périodes de la
transition, périodes pendant les quelles les dirigeants politiques
étaient des officiers militaires de l'armée nationales. On
distingue deux périodes de transitions militaires : la première
dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara du 23 décembre 2008
au 15 janvier 2010 et la seconde dirigée par le General Sékouba
Konaté du 15 janvier 2010 au 21 décembre 2010. Ces
périodes ont été marquées par des
évènements politiques que les guinéens ne
perçoivent pas de la même manière. Les investigations ont
porté sur les atouts et faiblesses de ces deux périodes de
gestion militaire du pays.
4.1.1. Atouts des transitions militaires
4.1.1.1.Atouts de la présidence du Capitaine
Moussa Dadis Camara
Les discours des enquêtés sur la transition du
capitaine Dadis sont quelques fois contradictoires. Mais la majorité se
sont prononcés positivement quant aux atouts de sa présidence.
D'abord, concernant son arrivée au pouvoir après la mort du
président Conté, presque toutes les personnes interrogées
(96 % de l'échantillon) affirment l'avoir perçu comme un espoir.
Ce qui s'explique par le fait que les guinéens avaient perdu l'espoir
durant les dernières années de gestion du pays par le General
Lansana Conté. Ils étaient en majorité, dans l'attente de
la fin du règne du président Conté qui, vraisemblablement,
était fatigué par la maladie et s'éloignait du jour au
jour, des affaires du pays. Cet espoir des guinéens à
l'arrivée du Capitaine Camara, fut un soutien de poids de l'opinion
publique (input intra sociétal) pour les actions et décisions de
la junte militaire au pouvoir. Ce soutien donnait au Capitaine Camara une
légitimité intra sociétale et extra sociétale
puisque les leaders politiques avaient désormais l'espoir de concourir
à une élection juste et transparente. La communauté
international de son coté, après quelques moments de doute, avait
finalement prit
59
l'engagement d'accompagner la junte dans l'accomplissement du
processus de transition avec la création du groupe international de
contact pour la Guinée.
Encadré 3 : extraits
d'entretiens
`' J'étais très content à
l'arrivée au pouvoir du CNDD de Moussa Dadis Camara. Mais j'avais des
doutes parce que je ne fais pas confiance aux militaires. Mais puisqu'on
était fatigué de la gestion du General Lansana Conté,
ça ne pouvait qu'être un espoir de voir des hommes nouveaux
à la tête du pays»
`'J'étais content comme tout bon patriote qui pense
à l'avenir de la Guinée»
`'L'arrivée du CNDD était un soulagement et
un réconfort vis-à-vis de la situation politique et
économique du pays. Le CNDD était venu avec un objectif clair et
précis et il y avait plus de pratiques que de théories dans leurs
faits»
`'J'avais bonnement apprécié
l'arrivée du CNDD au pouvoir parce que je voyais en eux les sauveurs de
la Guinée»
Source : Enquêtes de terrain
2011
Au total, 81 % des personnes interrogées reconnaissent
que des actes positifs ont réellement été posés.
Parmi ces actes, il a été retenu principalement :
- Le goudronnage des rues de Conakry et de certaines villes de
l'intérieur du pays ;
- Le désenclavement des quartiers situés en
banlieue de Conakry ;
- La lutte contre la corruption ;
- La poursuite des débiteurs de l'Etat ;
- La révision des contrats miniers ;
- La lutte contre le narco trafic et le démentellement de
plusieurs réseaux de mafia ;
- La rénovation de l'aéroport international de
Conakry Gbessia ;
- La réduction de l'insécurité ;
- La mise à la retraite des Généraux de
l'armée ;
- La liberté de la presse ;
- La liberté politique ;
- La lutte contre l'ethnocentrisme et le favoritisme ;
- La reconstruction des casernes militaires ;
60
On s'est rendu compte que les guinéens du Bénin
en général, de diverses appartenances politiques et
socioculturelles, gardent un bon souvenir quant aux actes posés par le
Capitaine Moussa Dadis Camara. Mais celui-ci, suite à un incident,
transmettra le pouvoir au General Konaté pour « finaliser la
transition ».
4.1.1.2.Atouts de la présidence transitoire du
General Sékouba Konaté
Le General Sékouba Konaté fut mandaté par
les accords de Ouagadougou du 15 janvier 2010, d'organiser des élections
présidentielles dans un délai de six mois afin de transmettre le
pouvoir aux civils. 72% des enquêtés lui sont reconnaissant quant
à l'organisation des élections présidentielles et sa
volonté affichée de remettre le pouvoir aux civils. Mais la
majorité (44% de l'échantillon) de ceux qui ont qualifié
de positif le bilan de son règne, sont des membres de son groupe
socioculturel. Toutes les personnes interrogées qui en ont fait un bilan
négatif, sont du groupe socioculturel peul (28% de la taille de
l'échantillon). Ce qui n'est pas étonnant, car, en Guinée,
les peuls et les malinkés ont toujours des positions opposées.
Chacun apporte son soutien aux membres de son groupe socioculturel. En dehors
de ces positions socioculturelles, 28 % des enquêtés issus
d'autres groupes socioculturels ont reconnu l'oeuvre du General Sékouba
Konaté : celle d'avoir conduit la Guinée à des
élections présidentielles. Ce qui traduit la reconnaissance des
autres groupes socioculturels sur la conduite des élections par le
General Konaté.
Parmi les actes cités par les enquêtés il y
a:
- L'organisation des élections présidentielles ;
- La création des institutions de la transition ;
- La reprise de la coopération avec le monde diplomatique
;
- La liberté politique ;
- La mise en place du CNT ;
- La discipline au sein de l'armée ;
- Le maintien de la paix.
Cependant, il n'ya pas eu que des atouts de ces deux
présidences militaires. Il y a eu aussi l'enregistrement des
défaillances ou des faiblesses.
61
4.1.2. Faiblesses des transitions militaires
4.1.2.1.Faiblesses de la présidence du Capitaine
Moussa Dadis Camara
Si la majorité des guinéens du Bénin
reconnaissent les actes positifs posés par le Capitaine Dadis, il en est
de même pour les faiblesses et défaillances de son pouvoir. En
effet, la totalité (100%) des personnes interrogées n'ont pas
manqué de souligner les faiblesses du pouvoir du Capitaine Dadis Camara.
Il lui est principalement reproché de n'avoir pas respecté sa
parole selon laquelle, il ne sera pas candidat aux élections
présidentielles. Le flou sur sa candidature a occasionné les
évènements du 28 septembre 2009. D'autres faiblesses ont aussi
été mentionnées par les interviewés dont entre
autre ;
- Le désordre dans l'armée ;
- Le manque de diplomatie dans les relations
étrangères ;
- L'humiliation des hauts cadres et hommes d'affaires dans les
`'Dadis Show' ;'
- La confiance totale en ses compagnons d'armes ;
- Le manque de bons conseillers ;
- Consommation abusive des produits de la Société
de Brasserie de Guinée
(SOBRAGUI) entrainant l'accroissement de la dette
intérieure de l'Etat ;
- La non poursuite des audits ;
Ceux qui reprochent à Dadis de n'avoir pas mit de
l'ordre dans l'armée expliquent que s'il l'avait fait, les militaires
n'auraient pas tirés sur les civils massés au stade du 28
septembre. Le fait de lui reprocher aussi la confiance totale en ces compagnons
d'armes, s'explique par le fait que ceux-ci ont profité de sa confiance
pour le tromper et faciliter sa mise à l'écart. Ceux qui adoptent
une telle position sont pour la plupart des personnes originaires de la
même région que lui ou des membres du parti perdant du second tour
de la présidentielle parce qu'ils sont rassurés que si c'est
Dadis qui avait organisé les élections, leur candidat serait le
gagnant. Le General Sékouba Konaté qui a eu la charge de conduire
les élections présidentielles ne reste pas en marge de ces
critiques. Des faiblesses de son règne ont aussi été
dévoilées par les interviewés.
4.1.2.2.Faiblesses de la présidence transitoire du
General Sékouba Konaté
Les discours sont variés quant aux faiblesses et
défaillances de la présidence transitoire du General
Konaté. Mais la majorité des enquêtés (64% de la
taille de l'échantillon)
62
reconnaissent que le règne du General a
été marqué par des faiblesses tout comme celui de son
prédécesseur. Les autres (36% de la population touchée) ne
reprochent rien au General comme défaillances. Pour eux, sa mission
principale était d'organiser les élections et s'il l'a fait, on
ne peut rien lui reprocher. Cette position de ces enquêtés trouve
son justificatif dans l'appartenance socioculturelle et partisane car, les deux
tiers d'entre eux sont non seulement membres du même groupe socioculturel
que le General mais aussi des partisan du RPG, le parti gagnant dont le
candidat est du même groupe socioculturel que le General. Quant à
ceux qui ont reconnu les faiblesses de Sékouba Konaté, ils sont
pour la majorité des peuls et quelques malinkés. En effet, les
peuls accusent le General Sékouba d'avoir favorisé leur
adversaire du RPG c'est ce qui expliquent les déclarations de la plupart
d'entre eux. Déclaration selon laquelle, le General Sékouba n'a
posé aucun acte positif en Guinée. Les quelques malinkés
qui récriminent contre le General sont eux aussi des partisans d'autres
formations politique comme le parti de l'Espoir et du Développement
National (PEDN). Parmi les faits qui sont reprochés au General
Konaté il a été retenu :
- La dilapidation des ressources économiques ;
- Les grades pléthoriques dans l'armée nationale
;
- Les règlements de comptes dans l'armée ;
- La mise à l'écart du Capitaine Dadis Camara ;
- La partialité dans le processus électoral ;
- La signature des marchés de gré à
gré ;
- le blanchissement d'argent ;
- le retour du trafic de la drogue ;
- l'impunité et la corruption.
4.2.Déroulement des élections
présidentielles et gestion du pays par le président élu
4.2.1. Déroulement des élections
présidentielles
Se prononçant sur le déroulement des
élections présidentielles, 64 % des enquêtés ont
affirmé que les élections se sont déroulées de
façon transparente et équitable. Mais la majorité d'entre
eux sont non seulement du même groupe socioculturel mais aussi des
partisans du candidat élu. Une autre tendance moins forte que la
première (36 % de la taille de l'échantillon) soutien que les
élections n'ont pas été transparentes et qu'elles ont
été émaillées de fraudes massive. Les tenants de
cette tendance sont tous des partisans du candidat perdant
63
64
65
66
67
qui estiment que si les élections étaient
transparentes, c'est leur candidat qui serait donné vainqueur. Ils
soutiennent même que le premier tour des élections était
transparent et cela s'explique par le fait que leur candidat était
arrivé en tête du premier tour sur les 24 candidats en lice. Ces
deux tendances reconnaissent cependant que l'organisation des élections
à été une avancée significative pour le
système politique guinéen du fait que les militaires ont
concrétisé leur volonté de remettre le pouvoir aux civils.
Une autre question qui divise les enquêtés est celle de la
neutralité de l'armée et du gouvernement.
4.2.1.1.De la neutralité de l'armée et du
gouvernement de transition
A ce niveau, deux tendances s'affrontent avec une
légère différence que le déroulement des
élections. La première est celle des enquêtés qui
attestent la neutralité de l'armée et du gouvernement durant le
processus électoral. Ils représentent 60 % de la taille de
l'échantillon et sont majoritairement des partisans du RPG, le parti
gagnant de l'élection et issus du groupe socioculturel malinké.
La position de ces enquêtés s'explique non seulement par leur
appartenance au parti gagnant mais aussi par leur lien socioculturel avec le
président de la transition qui dirigeait aussi l'armée en tant
commandant en chef des forces armées et ministre de la défense
nationale. La seconde tendance est celle des interviewés qui remettent
en cause la neutralité de l'armée et du gouvernement (40 % des
personnes interrogées). Pour eux, l'armée et le gouvernement ont
été partial en soutenant le candidat du RPG au second tour de
l'élection présidentielle. Ils estiment que si l'armée et
le gouvernement étaient restés neutres, leur candidat aurait sans
doute été victorieux au second tour. Cette tendance s'explique
par l'appartenance de ses tenants au parti du candidat perdant. Cette affection
partisane s'accompagne aussi du lien socioculturel existant entre ces
enquêtés et le candidat perdant. Ces affections partisanes,
ponctuées par une logique de lien socioculturel, ont engendré des
violences électorales, violences sur lesquelles les
enquêtés ont des opinions divergentes.
4.2.1.2.Des violences électorales
Tous les interviewés ont regretté ces violences
même si leurs opinions sont divergentes quant à la
responsabilité de ces violences. Les tendances majeures qui s'affrontent
ici sont celle des interviewés qui accusent les leaders politiques et
celle des interviewés qui trouvent que ces violences étaient
normales. Pour les premiers (52 % de l'échantillon), ils accusent les
leaders politiques d'avoir tenu des propos divisionnistes et haineux envers
leurs
adversaires. Pour eux, si les peuls ont été
agressés à Siguiri, Kankan et Kissidougou, cela est de la
responsabilité du leader du RPG puisque ces villes étaient tenues
par ses partisans et lui-même étant originaire de la Haute
Guinée. De même, le leader de l'UFDG est tenu pour responsable
quant aux empoisonnements des militants du RPG à Conakry et à
l'agression des leurs vivants en Moyenne Guinée, sa région
naturelle d'origine. Ce qui s'explique par une logique de « fils de
terroir ». Autrement dit, les leaders politiques se sont opposés
à la victoire de leur adversaire dans leur région naturelle
d'origine et pour cela, il fallait faire la chasse aux partisans de
l'adversaire vivants chez soi. Cette logique de « fils de terroir »
avait donné un caractère communautariste au premier tour des
élections présidentielles mais aussi au second tour parce que les
candidats perdants s'étant alliés aux gagnants avaient
mobilisé leurs partisans qui, pour la plupart entretiennent des liens
socioculturels et par ricochet, des liens de terroir. La seconde tendance
majeure (24 % de l'échantillon), est celle des interviewés qui
pensent que ces violences étaient normales puisque dans tout
mécanisme de concurrence, il y a toujours des manifestations violentes.
Le sens donné au normal ici par ces enquêtés, renvoi
à la vision durkheimienne du terme. Si pour Durkheim le normal se
caractérise principalement par sa généralité et sa
régularité, pour les enquêtés, les violences
électorales sont normales parce qu'elles se produisent dans tous les
pays à vocation démocratique. Pour eux, ces violences sont les
« ingrédients » des élections
démocratiques7 en Afrique. Voici les propos d'un
enquêté :
Encadré 4: extrait
d'entretien
`'Moi je pense que c'est normal parce qu'avec deux
candidats d'ethnies majoritaires pour un seul poste, la violence était
inévitable. Quand deux hommes sont opposés pour la même
chose, il y aura la violence et c'est pareil dans tous les pays
africains»
Source :Enquêtés de terrain
2011
4.2.2. Gestion du pays par le président
élu
L'arrivée au pouvoir du Professeur Alpha Condé
à été perçu par la majorité des
enquêtés comme un espoir (68 % des personne interrogées).
Ils expliquent que le fait qu'il
7Jean Jacques ROUSSEAU dans le Contrat Social
reconnait aussi que les troubles et les violences politiques sont les
ingrédients de la démocratie.
soit le premier président démocratiquement
élu est une avancée pour la démocratie guinéenne.
Certains estiment que c'est une récompense de la patience du Pr.
Condé qui s'est opposé à tous les régimes
politiques guinéens depuis l'indépendance. Leur espoir
réside en la capacité du président élu à
résoudre les problèmes auxquels les populations guinéennes
sont confrontées. Tandis que pour d'autre ce fut une déception et
une surprise totale (32 % de la taille de l'échantillon). Ceux qui se
disent déçus et surpris expliquent ne pas comprendre la victoire
de Condé qui avait obtenu 18 % des voix au premier tour face à
son adversaire qui lui avait obtenu 44 % des voix sur les 24 candidats en lice.
Pour eux, si ce n'était de la tricherie électorale, Condé
ne pouvait pas remporter ce scrutin. Mais ces deux tendances on une connotation
socioculturelle et politique. Ceux qui soutiennent que ce fut un espoir sont en
majorité des malinkés, membres du RPG, le parti gagnant. Ceux qui
soutiennent le contraire sont tous des peuls, membres du parti perdant (l'UFDG)
et son candidat.
Un autre aspect qui divise les enquêtés est la
gestion du pays par le nouveau président élu. Pour la
première tendance (44 % des enquêtés), le pays est bien
géré par le nouveau président qui a posé des actes
importants dans divers domaines. Ils soutiennent que le président
élu à engagé des réformes économiques
importantes par la création du guichet unique et le recensement
biométrique des fonctionnaires permettant de rayer les fonctionnaires
fictifs, des réformes agricoles par la subvention de l'agriculture, des
réformes éducatives par la subvention accordée aux
universités pour accroitre leur capacité de formation, des
réformes sociales par le recrutement des jeunes à la fonction
publique, et la réforme de l'armée qui n'est plus dans la rue
comme auparavant. A ceux-ci s'ajoute la révision des contrats miniers.
La majorité des tenants de cette tendance sont majoritairement membres
du parti gagnant et membre du groupe socioculturel du président
élu. Certains sont aussi membres du parti et du groupe socioculturel du
candidat perdant mais estiment qu'il faut reconnaitre les actes posés
même si beaucoup reste à faire. Leur position s'explique par leur
niveau d'instruction élevé leur permettant de bien saisir les
faits en dehors de toute affection partisane et socioculturelle. Pour la
seconde tendance (32 % des interviewés), le pays est mal
géré et la politique menée par le président
élu est divisionniste et ethnocentrique. Pour ces enquêtés,
le président n'a d'yeux que pour son groupe ethnique et les membres de
son parti. Ils font état des discours provocateurs des hauts cadres de
l'Etat et de la marginalisation des leurs dans l'administration publique. Tous
les postes clés de l'armée et du gouvernement sont confiés
aux membres du groupe socioculturel du président. La position de ces
interviewés
s'explique par leur appartenance socioculturelle peul. Ils
sont aussi tous partisans de l'UFDG, le parti perdant de la
présidentielle.
Une autre tendance moins forte (16 % des interviewés)
explique que le président élu a bien la volonté de
travailler mais est confronté à d'énormes
difficultés qui sont le résultat de la mauvaise gestion du pays
depuis la prise du pouvoir en 1984. Ils soutiennent qu'en un an, on ne peut
résoudre le problème guinéen qui est vieux de plus de 20
ans. Pour ces enquêtés, il faudra attendre encore deux à
trois ans pour se prononcer sur la gestion du pays par le président
élu à qui l'opposition ne laisse pas la main libre. Pour les
tenants de cette tendance, le président élu n'a encore
posé aucun acte par rapport aux attentes majeures de la population dont
l'eau, l'électricité, l'allègement du panier de la
ménagère... Ces enquêtés sont issus de divers
groupes socioculturels et d'appartenance politique diverses. Leur position ne
peut être perçue comme partisane ou socioculturelle. Un autre
sujet qui fait l'objet de division est l'attaque perpétrée au
domicile du président élu, qualifié par ce dernier comme
une tentative d'assassinat et non comme un coup d'Etat.
4.3.La tentative d'assassinat contre la personne du
Président élu
Depuis son investiture, le nouveau président
s'était installé dans sa résidence privée
située au quartier Kipé. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, cette
résidence a fait l'objet d'une attaque à l'arme lourde. Les
combats entre la garde présidentielle et les assaillants ont duré
deux heures mais le président s'en ai sorti sain et sauf. Des
arrestations, des inculpations et des condamnations ont eu lieu. Face à
cette situation, les personnes interrogées sont partagées entre
deux tendances. La première tendance est celle des interviewés
(56 % de l'échantillon) qui condamnent cette tentative d'assassinat car,
pour eux, elle est belle et bien fondée. Pour eux, s'il ya eu des
arrestations, des inculpations et des condamnations, c'est parce que les
preuves existent. En faisant allusion aux gardes de corps tués et aux
images de cette agression, ils affirment qu'il faut être bête pour
monter une telle tentative contre soi même. Ces enquêtés
pour la plupart pensent que l'opposition n'ayant pas remporté le
scrutin, s'est servi de certains cadres de l'armée pour tenter
d'éliminer le président élu et s'emparer du pouvoir. Cette
tendance est partagée par les malinkés qui sont d'ailleurs
majoritaire ici mais aussi par d'autres groupes socioculturels comme les tomas,
les soussous, les konons et les kissis. Si la position des malinkés peut
s'expliquer par le lien socioculturel et politique, celle des autres groupes
socioculturels explique la façon dont le reste de la communauté
nationale perçoit cette tentative d'assassinat.
La seconde tendance est celle des interviewés (44 % des
personnes interrogées) qui soutiennent que cette tentative d'assassinat
n'est qu'un montage du camp présidentiel pour mettre hors d'état
de nuire les personnes jugées embarrassantes et dangereuses. Pour eux,
le retard du renfort qui n'est arrivé qu'après deux heures de
combats en est une preuve quand on sait que le plus grand camp militaire du
pays est situé à une quinzaine de minutes du domicile
privé du président sans compter les commissariats de police, les
postes de gendarmerie, les escadrons mobiles et les brigades anticriminelles
situés dans les zones environnantes du domicile présidentiel. La
position de ces enquêtés qui sont presque tous des peuls,
s'expliquent par l'accusation portée contre leur groupe socioculturel
quant à la responsabilité de cette tentative d'assassinat. La
majorité des personnes arrêtées, inculpées et
condamnées à des peines de prison, sont les leurs. Malgré
leur division, nos enquêtés ont des visions communes quant aux
changements qu'ils souhaitent pour le peuple de Guinée.
4.4.Les changements souhaités en Guinée
Bien que divisés sur plusieurs aspects de la
transition, les personnes interrogées (la totalité de
l'échantillon) partagent la même opinion quant aux changements
qu'ils souhaitent voir s'opérer dans la vie quotidienne des
guinéens. Les changements cités peuvent être
catégorisés en deux : ceux qui relèvent de la
compétence de l'Etat et ceux qui relèvent des masses
populaires.
4.4.1. Les changements relevant de la compétence de
l'Etat
· L'amélioration de l'approvisionnement en eau
potable et en électricité ;
· La création d'emploi ;
· La restructuration de l'armée ;
· L'indépendance de la justice ;
· La création d'un conseil constitutionnel pouvant
jouer le rôle de sénat ;
· Le renforcement du système éducatif ;
· La stabilisation du franc guinéen ;
· La construction des infrastructures scolaires,
routières et sanitaires ;
· La promotion de la culture ;
· La méritocratie : choisir les cadres en
fonction de leur mérite et non de leur appartenance socioculturelle ou
politique ;
68
? La promotion et le développement de l'agriculture.
4.4.2. Les changements relevant des masses populaires
? L'éducation politique pour permettre une meilleure
démocratie et éviter les violences politiques ;
? L'amour du travail bien fait car, pour eux, le
guinéen ne travaille pas bien et veut toujours obtenir un bon gain ;
? L'amour du prochain pour une meilleure intégration
nationale.
Ainsi, l'appartenance politique et l'appartenance
socioculturelle ont influencé la typologie du discours. Il est donc
nécessaire de présenter ces caractéristiques.
4.5.Appartenance politique des enquêtés
Graphique IV :Répartition des
enquêtés selon l'appartenance politique
Appartenance politique des
enquêtés
12%
8%
8%
4%
4%
32%
32%
RPG (34) UFDG (34) UFR (13) Aucun (9) PEDN (9) RDIG (4) RDR
(4)
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
Sur ce graphique consacré à la
répartition politique des enquêtés, les partis RPG et UFDG
sont statistiquement plus représentés soit 32% de la taille de
l'échantillon pour chacun de ces partis. Ces deux partis étaient
les concurrents du deuxième tour de l'élection
présidentielle guinéenne de 2010 et sont essentiellement
composés de deux groupes
69
socioculturels dominants (peul et malinké). La
totalité des interviewés appartenant au RPG sont des
malinkés tandis que ceux appartenant à l'UFDG sont
majoritairement des peuls mais aussi quelques malinkés. Ce qui prouve
que ces partis politiques sont constitués sur la base socioculturelle et
même régionale. Les conséquences de cette connotation
socioculturelle des partis politiques peuvent être les violences et les
affrontements ethniques pendant les compétitions électorales et
autres formes de participation politique. Des personnes apolitiques peuvent
être agressées à cause de leur appartenance socioculturelle
avec tel ou tel candidat car, dans cette logique, on confond le parti et le
groupe socioculturel de l'adversaire politique.
Le troisième parti statistiquement plus
représenté dans l'échantillon est l'UFR (12% de la taille
de l'échantillon). C'est ce parti qui est arrivé en
troisième position des résultats du scrutin présidentiel
du 27 juin 2010. Contrairement aux deux premiers partis (RPG et UFDG), les
personnes se réclamants de l'UFR sont issus de différents groupes
socioculturels dont les kissis, les malinkés, les peuls, les soussous et
les tomas,. Ce qui explique l'ouverture de ce parti dont le fondateur est toma
(Goyo Zoumanigui) mais la présidence est assurée par un soussou
(Sidya Touré). Ce caractère cosmopolite de l'UFR s'explique aussi
par sa politique d'intégration des cadres selon leur mérite et
l'intérêt accordée aux problèmes de la jeunesse du
parti. 8 % des enquêtés n'appartiennent à aucun parti
politique. Ce qui explique le manque d'intérêt de certains
guinéens de tous les groupes socioculturels vis-à-vis de la
politique surtout lorsqu'ils sont hors du pays. Cela peut aussi s'expliquer par
la préoccupation de ces enquêtés par la recherche du pain
quotidien mais aussi par la vie conjugale pour les femmes mariées
à des béninois.
Les enquêtés qui se réclament du PEDN
occupent 8 % de la taille de l'échantillon. Ils sont essentiellement des
malinkés comme le président-fondateur de ce parti (l'ex premier
ministre Lansana Kouyaté). Les deux derniers partis faiblement
représentés sont le RDIG de Jean Marc Telliano et le RDR de Papa
Koly Kourouma qui occupent chacun 4 % de la taille de l'échantillon. Les
interviewés qui se réclament de ces formations politiques
appartiennent soit au groupe socioculturel de candidat du parti ou soit
à la région forestière de la Guinée dont sont
originaires ces deux candidats.
70
4.6.Appartenance socioculturelle des
enquêtés
Graphique V : Répartition des
enquêtés selon le groupe socioculturel
5%
36%
5%
Groupes socioculturels des
enquêtés
4%
3% 3%
44%
Malinké (47) Peul (39) Toma (6) Konon (5) Kissi (4)
Kpèlè (3) Soussou
Source : Enquêtes de terrain
2011-2012
Ce graphique présente la répartition
socioculturelle des enquêtés. Les enquêtés du groupe
socioculturel malinké sont dominants soit 44% de la taille de
l'échantillon. Ensuite, arrive les enquêtés du groupe
socioculturel peul, qui, représentent 39% de la taille de
l'échantillon. Ces deux groupes socioculturels sont les plus dominants
en Guinée. Mais contrairement à cette étude où les
malinkés sont majoritaires, en Guinée, les peuls sont
statistiquement plus importants que les malinkés. (UNIVERSITE DE LAVAL,
op. cit.: En ligne) Les tomas occupent 6%, les konon 5%, les kissia 4%, les
kpèlè et les soussous occupent chacun 3%. Cette
répartition socioculturelle confirme la présence de chaque
région naturelle de la Guinée dans la taille de
l'échantillon (les soussous pour la Basse Guinée, les peulh pour
la Moyenne Guinée, les Malinkés pour la Haute Guinée, les
loma, kissia, kpèlè et konon pour la Guinée
Forestière).
71
TROSIEME PARTIE :
DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE EN
GUINEE : LES FACTEURS DE
RALENTISSEMENT SELON LA
DIASPORA
V- EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES
72
AUX POUVOIRS MILITAIRES DE TRANSITION
Plusieurs évènements politiques ont
été cités par les enquêtés comme étant
de l'ordre des évènements qui ont fragilisé le tissu
social guinéen. En fonction de la date des évènements, ils
ont été classés par régime politique. Le
présent chapitre est donc consacré aux évènements
politiques du premier régime, ceux du deuxième régime et
ceux des pouvoirs militaires de transition.
5.1.Les évènements politiques du premier
régime
Le premier régime politique guinéen fut celui de
Ahmed Sékou Touré, artisan de l'indépendance nationale et
premier président de la République populaire et
révolutionnaire de Guinée. Né en 1922 à Faranah, en
Haute Guinée, Sékou Touré est du groupe socioculturel
malinké, de la descendance de l'Almamy Samory Touré. Il a
dirigé la Guinée durant une période de 26 ans (de
l'indépendance en 1958 jusqu'à sa mort en 1984)8.
(FONDATION PANAFRICAINE SEKOU TOURE, 2008 ; En ligne) Quelques
évènements politiques rapportés par nos
enquêtés se sont produits pendant son règne. Il s'agit de
:
5.1.1. L'agression du 22 Novembre 1970
Du commun des interviewés, cette date reste
gravée dans les mémoires des uns et des autres pour avoir
été la première manifestation de force de Sékou
Touré envers ceux qu'il accusait d'être les « ennemis de la
révolution ». Dans une interview datée du 22 Novembre 2011,
41ème anniversaire de l'agression, Andrée
Touré, veuve du président Sékou Touré, raconte
brièvement cet évènement : « (...) Le 22 novembre
1970, une nuit du mois de ramadan, à 2 heures du matin, des mercenaires
avaient débarqué. Il y a eu plus de 360 tués à
Conakry. (...)Des cadavres sont restés (dans les rues) pendant deux
jours, qu'on ne pouvait pas ramasser à cause de la lutte.»
(GUINEE MEDIA, 2011 ; En ligne)
Selon certaines sources, cette agression dirigée par le
Portugal contre la Guinée, avait été planifié par
le gouverneur militaire portugais de Bissau(le Général Antonio de
Spinola) avant d'être soumis à l'aval de Lisbonne en 1969.
L'opération fut baptisée en portugais « marde verde »
qui signifie en français « mer verte » et sera conjointement
menée par
8 Il y a lieu de préciser ici que Ahmed
Sékou Touré est mort par suite d'une intervention cardiaque
à l'hopital Cleveland, aux Etats Unis d' Amérique contrairement
à ce que nous ont rapporté certaines personnes n'étant pas
guinéens et pensant qu'il aurait été fusillé
à l'aéroport de Conakry.
73
l'armée portugaise et le Front National de
Libération de la Guinée (FNLG). Le Portugal avait nié
toute implication dans cette agression mais la désertion de certains
militaires portugais (le Lieutenant Janeiro et ses hommes) avait permît
de rétablir les faits. Les membres du FNLG étaient des
guinéens opposés au régime de Sékou Touré.
Suite à cette agression, plusieurs personnes avaient été
arrêtées, torturées et exécutées en dehors de
toute procédure judiciaire. Des pendaisons eurent lieu au pont 08
novembre de Conakry et des morts furent enterrés dans des fosses
communes. (SOVOGUI, 2008 ; En ligne).
Cette réaction du gouvernement guinéen de
Sékou Touré fut l'objet de division au sein de la population et
même de nos jourselle divise encore les guinéens qu'ils soient
résidents ou membres de la diaspora. Certains la jugent juste tandis que
d'autres pensent qu'elle fut débordante et même non-fondée.
Pour preuve, plus de la moitié des enquêtés (52%) ont
cité cet évènement comme étant une manifestation de
la haine contre Sékou Touré et sa population. D'autres au
contraire (48%), tout en niant la véracité de l'agression,
mentionnent cet évènement comme une stratégie
utilisée par Sékou Touré pour mettre hors d'état de
nuire, ses opposants du FLNG. Mais il faut retenir que ceux qui adoptent une
telle position sont pour la plupart des personnes liées directement ou
indirectement aux personnes accusées d'être impliquées dans
l'agression et ayant été exécutées. D'une
manière ou d'une autre, le constat prouve que cette agression a
creusé un fossé entre les composantes de la structure sociale en
Guinée et continue d'animer les tensions entre les «
pro-Sékou » et les « anti-Sékou ».
5.1.2. Des détentions au camp boiro et à
l'intérieur du pays
Ces détentions concernent des personnes qui furent
arrêtées entre 1959 et 1984 et qui furent emprisonnées au
camp boiro ou dans des prisons à l'intérieur du pays par le
régime de Sékou Touré. Ces détentions pour la plus
part intervenaient à l'occasion des vagues d'arrestations souvent
appelées « complots », « mouvement », «
évènements », « affaires »... Certains de ces
détenus sont morts exécutés après avoir subi
plusieurs séances de tortures. D'autres sont restés portés
disparus et d'autres se sont en sortis miraculeusement à la mort de
Sékou Touré en 1984. Le souvenir de ces évènements
constitue un souvenir d'injustice pour certains enquêtés (88 % de
l'échantillon). Ils estiment que ce sont des guinéens furent
injustement emprisonnés et exécutés par le régime
de Sékou Touré. Pour ces enquêtés, justice doit
être rendu aux victimes disparus et à ceux vivants. Ils affirment
aussi que les lieux d'inhumation restés encore secret, doivent
être rendus publics pour permettre aux parents des victimes de se
recueillir sur leurs tombes. Pour eux, tant que les mémoires de ces
victimes ne
74
sont pas réhabilitées, la réconciliation
et l'unité nationale ne peuvent être possibles dans la mesure
où dans la tradition africaine, les morts exercent toujours un pouvoir
sur la vie des vivants. Leur mécontentement est donc source de
malédiction pour les nouvelles générations. Pour eux, la
réhabilitation de ces victimes doit donc être au coeur de la
réconciliation pour sa réussite.
5.1.3. Le complot peul
Le complot peul ou affaire Diallo Telli désigne une
vague d'arrestations dont les principales cibles étaient des peuls
à commencer par Diallo Telli, premier secrétaire
général de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), ex
ambassadeur de la Guinée aux nations unies et ministre de Ahmed
Sékou Touré. Accusé de comploter contre la
révolution, Diallo Telli fut arrêté et emprisonné au
camp boiro où il mourra dans des circonstances obscures. Au total, 90
personnes furent arrêtées. Siaka Touré, frère du
président Sékou Touré décrivait au prisonnier Telli
ce qu'il faut entendre par complot peul en ces termes : «Le
Président a l'impression que vous, les peuls, vous avez une haine contre
lui. [...]Après soixante années de colonisation, le
Président Sékou Touré a libéré la
Guinée grâce aux luttes du PDG. Dans son humanisme naturel, le
Président a intégré tous les cadres peuls qui
s'étaient opposés à la dignité de la Guinée
et leur a accordé des postes de gouverneurs, d'ambassadeurs et de
ministres. Mais n'étant pas originaire de la Guinée, vous voulez
la détruire et aller ailleurs. En tout cas, l'Histoire s'interroge sur
votre patriotisme. [...] Par un côté de ma famille, je peux me
réclamerpeuls. C'est pourquoi je vous vois dans cet état avec
beaucoup de peine. Mais mon travail m'oblige à obtenir de vous toute la
vérité sur ce complot. [...]. Tous les complots auxquels nous
avons eu à faire face jusqu'ici ont pris leur source à
Paris.» (DIALLO, 1983 ; p.2). Le constat prouve que les peuls continuent
de se souvenir de cet évènement et exigent que justice soit
rendue à leurs proches victimes pour la construction d'une
véritable identité nationale.
5.2.Les évènements politiques du
deuxième régime
Le deuxième régime est celui du General Lansana
Conté dont le règne a duré 24 ans (de 1984 à 2008).
Né en 1934 à Dubreka, en Basse Guinée, Lansana
Conté est issu du groupe socioculturel soussou. De son arrivée au
pouvoir en 1984 à sa mort en 2008, la Guinée à connu
différents évènements politiques qui, pour la plupart de
nos enquêtés, ont touché le peuple dans son ensemble car,
si le régime de Sékou Touré était jugé
être contre les peuls,
75
celui de Lansana Conté est perçu comme une
véritable source de division entre les groupes socioculturels du pays.
Cette attitude du régime avait contribué à accentuer les
pressions internes et externes sur l'Etat entrainant ainsi des décisions
et actions de l'Etat souvent contestées par le peuple. La recherche de
terrain au Bénin a permis de lister les évènements qui ont
marqué le peuple durant le règne de Lansana Conté.
5.2.1. De l'arrestation de l'équipe du Premier
Ministre Louis Lansana Béavogui
A la mort de Sékou Touré, la constitution
prévoyait que la transition soit assurée par le Premier Ministre
Louis Lansana Béavogui. Ce dernier conduisit du 26 Mars au 03 Avril
1984, le nouveau gouvernement de transition qui avait pour mission d'organiser
les élections. Mais, un groupe de militaires dénommé
Comité Militaire de Redressement National (CMRN) dirigé par les
Colonels Lansana Conté et Diarra Traoré, s'empare du pouvoir et
met aux arrêts toute l'équipe gouvernementale de Louis lansana
Béavogui avant de les emprisonner à Kindia, ville située
à 135 Km de Conakry. Environ 26 dignitaires de l'ancien régime
dont pour la plupart des membres du groupe socioculturel du défunt
président, furent exécutés. Les circonstances de la mort
de Lansana Béavogui sont confuses. Certains enquêtés
estiment qu'il est mort du diabète tandis que ses proches affirment
qu'il a rendu l'âme suite à des mauvais traitements le 19
Août 1985. Il a été constaté pendant les recherches
de terrain au Bénin, que cet évènement a provoqué
un mécontentement chez le groupe socioculturel toma dont Lansana
Béavogui était issu mais aussi du groupe socioculturel peul vu
que la femme de Lansana Béavogui, fille de Diallo Télly,
appartenait à ce groupe socioculturel. Cela a également
influencé les relations entre le groupe socioculturel du Colonel Lansana
Conté et celui du Président Ahmed Sékou Touré.
Voici un extrait du premier communiqué annonçant la prise du
pouvoir par le CMRN :
« [...] Peuple de Guinée, c'est dans une
grande ferveur que tu viens de conduire à sa dernière demeure
l'un de tes fils les plus prestigieux auquel l'Afrique et le monde entier ont
tenu à rendre un hommage mérité. [...] Aujourd'hui' alors
que tu n'as même pas séché tes larmes, une âpre lutte
pour sa succession s'est engagée parmi ses compagnons avides de pouvoir
et coupables de la corruption généralisée du gouvernement
et de ses institutions. Ton armée nationale, qui t'est demeurée
fidèle et qui a toujours partagé ton sort dans la discipline et
dans l'abnégation pendant ces vingt-six années d'un
pèlerinage douloureux, a donc décidé de prendre en charge
l'administration du pays afin de créer les bases d'une démocratie
véritable évitant à l'avenir toute dictature personnelle.
[...] »(WEBGUINEE,
76
2011 ; En ligne).Si ce communiqué N°1 du CMRN
annonçait la fin de toute dictature et le début d'une
véritable démocratie, les évènements qui suivront
en diront plus de détails.
5.2.2. De l'arrestation du Général Diarra
Traoré et compagnons
Après la mise à l'écart de
l'équipe Béavogui, le CMRN publia la liste de son gouvernement
avec à sa tête, les colonels Conté et Traoré
respectivement Président et Premier Ministre. Ces deux officiers du
régime Sékou Touré cohabitaient pendant quelques mois.
Mais le divorce sera consommé en juillet 1985 avec l'arrestation de
Diarra Traoré accusé de tentative de coup d'Etat lors d'un voyage
du Président Conté à Lomé. Le président
Conté rentre précipitamment à Conakry et fut nommé
General à sa descente d'avion. Cette nomination suscita bien des
inquiétudes quant à la véracité du putsch
manqué. Le General Diarra Traoré fut arrêté avec
plusieurs officiers de l'armée nationale (environs une quarantaine) pour
la plupart des malinkés, groupe socioculturel de Diarra Traoré et
de l'ancien Président. Ces officiers furent torturés,
humiliés et exécutés dans une procédure
extra-judiciaire. (WEBGUNEE, 2011 ; En ligne). Les enquêtés de
terrain ont révélé que le fossé déjà
creusé entre malinké et soussou par l'arrestation et
l'exécution des dignitaires de l'ancien régime, s'est
renforcé par celui du Colonel Diarra Traoré et compagnons.
5.2.3. De l'arrestation de l'opposant Alpha Condé
à l'exil de Dr Facinet Béavogui
Alpha Condé, le principal adversaire politique de
Lansana Conté ; s'est fait arrêté le 15 décembre
1998 dans un village (Piné) situé en Guinée
Forestière dans la préfecture de Lola, près de la
frontière avec la Côte d'Ivoire. Il était accusé de
tentative illégale d'emploi de la force armée, détention
et tentative de transfert frauduleux de devises, violence envers un agent de la
force publique et violation d'un règlement pris par
l'autorité.Les preuves de cette accusation étaient la
présence de Alpha Condé à la frontière, deux
témoignages de personnes affirmant être contactées par l'un
de ses proches et son agenda et bloc notes dans lesquels les autorités
auraient découvert le `'plan» avec 18 prétendus mercenaires
et trois coupables dont : Alpha Condé lui-même, Sékou
Souapi Kourouma et le defunt député Dr Facinet Béavogui.
(N'DIAYE, 2009; En ligne). Environs soixante membres du RPG
furent arrêtés et condamnés à des peines de prison
allant de quatre mois à cinq ans. Beaucoup d'entre eux avaient
été torturés pendant leur détention. (AMNESTY
INTERNATIONAL, 1999 : p. 2). Cette situation avait contraint des cadres du RPG
à vivre en exil. C'est le cas du Dr Facinet Béavogui qui
77
s'était exilé en Côte d'Ivoire où
il sera assassiné dans des circonstances non encore
élucidées. Il a aussi été constaté que cet
évènement a été une source de division entre le PUP
de lansana Conté et le RPG de Alpha Condé sans oublier les
parents forestiers de Facinet Béavogui qui demandent encore justice sur
les circonstances de la mort de l'ex député. On peut aussi se
poser la question de savoir est-ce que l'opposant Alpha Condé,
condamné à mort par contumace au temps de Sékou
Touré, emprisonné par Lansana Conté et devenu aujourd'hui
président ne procède t'il pas à des règlements de
comptes ?
5.2.4. De l'assassinat du Professeur Julien Pokpa
Onivogui et compagnons
Cet assassinat est communément appelé `'tueries
de cosa».Il designe une fusillade ayant entraîné des morts et
suivi d'une traque contre les membres influents de la communauté
forestière à Conakry. Réunis au sein d'une coordination,
ces cadres de la Guinée Forestière protestaient contre
l'installation de l'Ulimo9 qui violait, tuait et pillait les biens
des populations au vu et au su des responsables administratifs. La Coordination
de la Jeunesse Forestière pour le Développement (CJFD) avait donc
prit l'initiative de mener des démarches auprès de
l'autorité gouvernementale afin d'obtenir d'elle le départ de ce
groupe rebelle. L'impossibilité pour la CJFD d'avoir un interlocuteur
auprès du gouvernement, l'obligea à s'ériger en
dénonciateur des exactions de l'Ulimo contre la population
forestières de la Guinée mais aussi à critiquer le manque
de volonté du gouvernement à faire face à cette situation.
Le 30 novembre 2000, en réponse à cette pression intra
sociétale, plusieurs membres de la CJFD dont le Pr. Julien Pokpa
Onivogui10 , Dr Mathias Pokpa Béavogui, Opa Béavogui,
Nyankoye Koly Loua, Bernard Sandhi Kpogomou, ont été abattus
à cosa, un quartier situé en banlieue de la ville de Conakry.
(OBSERVATEUR GUINEE, 2006; En ligne). Les corps furent emportés par les
auteurs de ces tueries et ne seront remis à la CJFD par le gouvernement
que huit ans plus tard en Août 2008. Ce qui aujourd'hui constitue encore
un profond malaise au sein de la population forestière selon nos
interviewés originaires de cette localité de la Guinée qui
exigent que les auteurs soient punis et que leurs familles soient
dédommagées.
9 Une fraction du groupe rebelle LURD (Liberian
United for Recociliation and Democtay) dirigé par A. Kromah.
10 Ce Professeur de physique de l'université
de Conakry était le plus influent aux yeux du pouvoir ; Il a par
ailleurs inventé trois machines dont il disposait les brevets à
savoir : l'aspirateur de moustique, la machine à extrait de l'huile de
palme, la machine à extrait de jus de fruit dont il fut sollicité
par la SOBRAGUI pour une installation dans ses locaux.
5.3.Les évènements politiques des pouvoirs
militaires de transition
78
A la mort du Président Conté, des jeunes
officiers constitués en CNDD s'emparent du pouvoir quelques heures
seulement après l'annonce de la nouvelle du décès du chef
de l'Etat. La population affaiblie par la misère et la pauvreté,
s'active à les acclamer avec l'espoir de voir ses conditions de vie
s'améliorer. Des élections présidentielles transparentes
sont promises par cette junte dirigée par le Capitaine Moussa Dadis
Camara. Originaire de la Guinée Forestière, Dadis Camara est
né à Koulé en 1964. Il appartient au groupe socioculturel
guerzé. (BARKERE, 2008 ; En ligne). Quelques
évènements cités par nos interviewés se sont
déroulés pendant que Dadis Camara et Sékouba Konaté
étaient aux commandes du pays. Il a été retenu
principalement trois évènements qui sont décrits dans les
lignes qui suivent.
5.3.1. Du 28 septembre 2009
Suite au retard qu'accusait l'organisation des
élections présidentielles promises par la junte et des suspicions
d'une éventuelle candidature du Capitaine Dadis, les opposants
décidèrent d'organiser une marche de protestation en date du 28
septembre 2009, mais les autorités gouvernementales interdirent cette
manifestation du fait que le 28 septembre est commémoré comme
date anniversaire du référendum du 28 septembre 1958. C'est
à cette date que le peuple de Guinée avait choisi le chemin de la
liberté en votant `'NON» à la communauté
française proposé par la France à ses colonies. Cette date
est perçue par beaucoup d'observateurs nationaux et internationaux comme
la première réelle manifestation de l'unité des
guinéens sans laquelle le pays n'aurait pas accédé
à la souveraineté en 1958. Le sens de l'unité des
guinéens en cette date se résume par un appel du père de
l'indépendance qui, après la conférence territoriale du 14
septembre lançait à son peuple : « chers camarades, pas une
minute à perdre après cette conférence. Tous les hommes,
toutes les femmes doivent se mobiliser pour que la victoire soit totale et que
l'unité de la Guinée soit affirmée à la face du
monde... Chacun et chacune...Doit faire ce que la voix de l'Afrique dicte
à sa conscience, cette voix ne cesse de crier Indépendance,
Nationalité africaine, Citoyenneté africaine, liberté et
Dignité ».(KABA Lansiné, 2009 ; En ligne).
Malgré les appels de report lancé par des
religieux, les coordinations régionales et le gouvernement, la marche
eut lieu et se solda par une violence extrême et un bain de sang.
Plusieurs femmes furent violées avec près de 150 morts (RFI, 2009
; En ligne) Mais les enquêtés sont partagés quant à
la responsabilité de cet évènement.
79
Pour les uns (40 % des enquêtés), c'est la junte
militaire qui est responsable. Il ressort des entretiens que ceux qui
incriminent la junte et son chef sont pour la plupart des malinkés et
des peuls même si les malinkés restent dominants. Cela s'explique
par le fait le General Sékouba Konaté qui est aussi
malinké est soupçonné par les proches de Dadis Camara
comme étant l'acteur principal de l'écartement de ce dernier du
pouvoir à travers cet évènement tandis que les
malinkés s'opposent à cela et soutiennent. Pour les peuls qui
soutiennent cette opinion, on peut comprendre cela du moment où certains
parmi eux expliquent que la majorité des victimes était les
leurs. Et face à une telle situation on est tenté d'accuser le
pouvoir en place. S'agissant de ceux qui accusent l'opposition, ils sont
partagés entre tous les groupes socioculturels touchés
excepté les peuls. Les malinkés sont encore dominants (75 %)
parmi cette catégorie de répondants. Cela s'explique par le fait
que l'opinion nationale reconnaît quelque part les débordements
des manifestations d'opposants en Guinée. L'absence des peuls dans cette
catégorie est la preuve qu'ils étaient majoritairement
présents à cette marche et par conséquent, la
majorité des victimes étaient peuls.
Une autre catégorie d'enquêtés (28%) de
presque tous les partis représentés au Bénin, accusent
à la fois l'opposition et la junte. Ce qui peut se comprendre par le
fait que chaque acteur a assumé une responsabilité et donc une
fonction dans cet évènement. Car, s'il n'y avait personne dans le
stade, il n'y aurait pas eu de fusillades et de viols. Et même s'il y
avait des personnes à l'intérieur du stade, il n'y aurait pas eu
de morts ou de viols sans la venue des militaires de la garde
présidentielle.
Enfin, une dernière catégorie (16 %)
(essentiellement des peuls), indexe l'entourage du président Dadis (dont
le N°2 du CNDD), la France et ses alliés. Pour ces
interviewés, c'est un sale tour joué par certains proches de
Moussa Dadis Camara soutenu par la France afin de le discréditer aux
yeux de la population et faciliter son éloignement du pouvoir.. Cette
autre version se comprend bien d'une part par le fait que la France voyait ses
intérêts se réduire en Guinée sous la
présidence de Dadis Camara qui avait opté pour la
coopération Guinéo-Asiatique. Et d'autre part du fait que les
soupçons d'impartialité du président de la transition
accusé d'avoir donné le pouvoir à « son parent »
Alpha Condé (RPG) au détriment de Céllou Dalein Diallo
(UFDG). Après le 28 septembre, le divorce était consommé
entre le pouvoir et l'opposition. Les pressions internes et externes
s'activaient contre le régime de Moussa Dadis Camara qui, cherchait
à poser des actes pour prouver son innocence mais ces actions auront des
effets négatifs qui conduiront à une tentative d'assassinat
contre sa personne.
80
Il est proposé dans l'encadré suivant, quelques
opinions de certains enquêtés : Encadré
5: Extraits d'entretiens
`'C'est regrettable que tous ces gens soient morts ce jour
là hors qu'ils pouvaient êtres utiles à la nation. Moi
j'accuse les opposants d'être responsables de ces tueries parce que cette
date est sacrée pour la Guinée. Même si le régime
est mauvais, on ne doit pas manifester ce jour du 28 septembre».
`'De toutes les façons, j'ai condamné les
violences du 28 septembre 2009 parce que ça ne donne pas une bonne image
du pays. J'incrimine les partis politiques qui s'étaient
entêtés à aller au stade pendant que cela était
proscrit par le gouvernement. La marche n'était pas aussi pacifique en
ce sens que les marcheurs avaient saccagés des postes de police pour se
servir des armes»
`'C'est un évènement inoubliable dans
l'histoire de la Guinée et qui a contribué une fois de plus
à la déchirure de l'unité nationale puisque je peux dire
que les 90 % de ceux qui ont perdu la vie, qui ont été
violés et arrêtés appartiennent à l'ethnie peul. Les
seuls responsables de cet évènement, c'est le Capitaine et ses
troupes parce qu'il est le chef de l'exécutif et détenteur du
pouvoir absolu et en plus il commande l'armée»
`'C'est un montage de la France, et de ses complices pour
réduire le capitaine Dadis qui montait en popularité.Je regrette
les morts survenus mais cela était planifier en avance. Les responsables
sont les opposants, certains proches du capitaine Dadis dont son bras droit et
la mafia française à travers ses complices»
Source :Enquêtes de terrain 2011
5.3.2. De la tentative d'assassinat du Capitaine
Moussa Dadis Camara aux accords de Ouagadougou
Une commission onusienne d'enquête est envoyée
à Conakry pour établir la vérité sur les massacres
du 28 septembre 2009. Le chef de la junte, le ministre de la défense
nationale et d'autres cadres de l'armée se sont fait entendre par cette
commission. Arrive le tour de l'aide de camp du chef de la junte qui, sachant
qu'il est désigné par ses amis comme l'auteur de la
81
tuerie du 28 septembre, claque la porte pendant son audition
et refuse désormais de se faire entendre. Suite à des malentendus
avec son chef qui l'obligeait à répondre aux questions des
enquêteurs de l'ONU, il sort son arme et tire sur celui-ci. Blessé
par balle, Dadis Camara est évacué vers un hôpital
militaire de Rabat, au Maroc où il a reçu des soins intensifs
avant d'être embarqué à bord d'un avion à
destination de Ouagadougou. Des proches civils et militaires de l'aide de camp
sont arrêtés et torturés par certains membres de la junte.
Des règlements de compte se poursuivirent dans la capitale
guinéenne entre les militaires proches du chef de la junte et ceux de
l'aide de camp créant ainsi une panique au sein de la population
guinéenne. (SECK, 2009 ; En ligne). Mais un accord de sortie de crise
sera signé à Ouagadougou le 15 janvier 2010, prévoyant le
maintien en « convalescence » du chef de la junte et l'organisation
des élections présidentielles dans un délai de six mois.
(AFP, 2010 ; En ligne)
Il ressort des recherches de terrain que le maintien du chef
de la junte en exil a crée un mécontentement au sein de la
population forestière qui exigeait son retour en Guinée. Ces
mécontentements se sont fait ressentir dans l'armée nationale
où des règlements de comptes s'étaient
opérés entre ses partisans et ceux du nouveau président de
la transition. Les populations forestières exigent aussi que justice
soit faite sur la tentative d'assassinat contre Dadis Camara afin de prouver
à la face du peuple de Guinée les complices de l'aide de camp.
5.3.3. Des affrontements politico-ethniques pendant la
période électorale
Les dernières élections présidentielles
ont montré la fragilité du tissu social guinéen car, tout
au long des campagnes électorales, des violences se sont poursuivies
entre des militants de partis différents notamment ceux du RPG, de
l'UFDG et de l'UFR. Entre les deux tours, les violences prenaient de l'ampleur
suite à des discours ethnocentriques de la part des deux parties. A
Kankan, Siguiri et Kissidougou, des peuls furent attaqués par des
malinkés qui les accusaient de soutenir l'UFDG dans les fiefs du RPG.
Les enquêtés ont des positions différentes par rapport
à ces violences.
Pour les uns (52% de l'échantillon), ce sont les peuls
qui ont mené des campagnes ethniques en disant : « C'est notre tour
». Ces enquêtés soutiennent aussi que des boissons
rafraichissantes avaient été empoisonnées et vendues par
les peuls à Conakry. Cette tendance est soutenue par des
interviewés de la mouvance présidentielle mais aussi des
interviewés issus d'autres groupes socioculturels et d'appartenance
politique différente.
82
Pour les autres (38 % des interviewés), essentiellement
des peuls, c'est les malinkés qui avaient commencé à
violenter les peuls et le pouvoir est resté indifférent face
à ces violences. Pour eux, c'est le signe du soutien du président
de la transition au candidat du RPG puisque les militants de ce parti n'ont pas
été inquiétés pour avoir commis des violences
contre des peuls. Les uns accusent le président de l'UFDG de faire une
campagne ethnique et les autres accusent le candidat du RPG d'avoir
donné l'ordre à ses militants de piller les commerces des peuls.
Ces violences constituent un obstacle au dialogue entre les deux partis
politiques et entre les deux groupes socioculturels qui les forment parce que
chacun accuse l'autre d'être le commanditaire des violences et donc aucun
ne veut reconnaitre sa culpabilité dans ces violences.
83
VI- SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE
Depuis la prise de fonction du nouveau président le 21
décembre 2010, la tension reste vive entre pouvoir et opposition.
Celle-ci ne reconnait pas la victoire du président et accuse les
autorités de la transition de partialité et de soutien au
président élu11. Les tractations entre les deux
parties donnent l'impression que les campagnes électorales continuent :
l'interview de l'un suscite la réaction de l'autre. Dans ce chapitre,
sont abordé deux sections principales : l'état du dialogue
politique et les conséquences que cela entraine sur la tenue des
élections législatives.
6.1. L'état actuel du dialogue politique
Au moment des enquêtes de terrain, aucun dialogue
n'était engagé entre l'opposition et la majorité
présidentielle.Mais depuis le 15 novembre 2011, le président a
reçu des leaders de l'opposition et s'est excusé auprès
d'eux pour n'avoir pas entamé très tôt le dialogue. Tout en
promettant de les consulter désormais sur toutes les questions
d'intérêt national. (KONAN, 2011 ; En ligne). Le 22
décembre 2011, l'opposition avait accepté d'aller au dialogue
avec le pouvoir car, ses deux revendications à savoir : la
libération de tous les détenus suite à la manifestation du
27 septembre et l'arrêt de toutes les activités de la CENI avaient
été satisfaites. Trois semaines après, elle manifeste de
nouveau des doutes quant à la régularité des
élections et promet qu'elle fera de sorte que ces élections ne se
tiennent pas au lieu de les boycotter12.Face à l'état
du dialogue, les enquêtés sont divisés en trois tendances
:
La première tendance est celle des
enquêtés (48 % de la taille de l'échantillon) qui rejettent
la responsabilité sur le pouvoir et l'opposition. Ils estiment que les
deux parties ne veulent pas aller au dialogue et que cela exprime le
mépris qu'ils ont à l'égard du peuple car, pour eux, on ne
peut pas conditionner les affaires du pays à la réalisation
d'intérêts personnels. Pour ces enquêtés, le pouvoir
et l'opposition mettent l'intérêt personnel au dessus
11 Comme en témoigne cette
déclarations du président du PEDN, Lansana Kouyaté
aux sage de la Haute Guinée : « C'est Cellou Dalein Diallo
qui a remporté le premier et le second tour de la présidentielle.
Mais si Alpha Condé a réussi à voler les élections
sous la complicité de Jean Marie et de Sékouba Konaté
c'est parce que
je l'ai rejoint autrement ça aurait été
impossible », consultable à l'URL :
http://africatime.com/guinee/nouvelle.asp?no_nouvelle=647276&no_categorie=,
consulté le 20/01/12 à 00h 42
12 A cet effet, le leader de l'UFDG, Cellou
Dalein Diallo affirmait : "Si les conditions ne sont pas
réunies pour un scrutin propre, il ne sera pas question d'aller aux
élections. Mais il ne sera pas non plus question de rester à la
maison, mais de s'assurer qu'il n'y ait pas du tout d'élection". Pour
renchérir, Dr Faya Millimono, porte-parole du collectif
pour la Finalisation de la Transition, membre du bureau politique de la
Nouvelle Génération pour la République (NGR) affirme
à son tour : « Nous ne boycotterons pas les élections, elles
n'auront pas lieu », consultable à l'URL :
http://africatime.com/guinee/nouvelle.asp?no_nouvelle=647146&no_categorie=,
consulté le 20/01/12 à 00h 50
84
de l'intérêt du pays si non ils auraient
accepté de dialoguer pour le bien de la nation sans conditions
préalables. Ces enquêtés sont issus de toutes les
catégories socioculturelles interrogées. Leur position de
neutralité s'explique par les conditions posées par les deux
parties pour aller au dialogue et surtout le manque d'acte concret de la part
de l'opposition et de la majorité présidentielle. Depuis
l'élection de Alpha Condé, la classe politique est fortement
divisée et a du mal à aller à la table de
négociation. Ce qui explique en grande partie l'immensité de la
méfiance créée par le scrutin présidentiel de
2010.
Une seconde tendance accuse le pouvoir de n'avoir pas
prouvé sa volonté manifeste de dialoguer avec ses opposants. Pour
les tenants de cette tendance (36 % des personnes interrogées), le
manque de dialogue politique s'explique par le manque de volonté du
pouvoir et son incapacité à gérer les problèmes de
la société. Pour ces enquêtés, le pouvoir doit
être le premier à tendre la main à l'opposition puisque les
affaires sont tenues par lui. Dès que le pouvoir fera preuve de
volonté, l'opposition ne refusera pas de saisir l'occasion puisqu'elle
n'attend que cela. Cette position s'explique par l'appartenance politique de
ses tenants qui sont partisans de l'opposition et qui pensent que le
gouvernement ne fait rien pour satisfaire leurs exigences.
La troisième tendance est celle des
enquêtés (16 %) qui accusent l'opposition de n'avoir pas eu la
volonté de travailler avec le président élu. Pour eux, le
gouvernement est celui de tous les citoyens guinéens mais c'est
l'opposition qui ne veut pas le bien du pays. C'est ce qui explique les
conditions qu'elle pose pour tout dialogue. Si elle pose des conditions, c'est
parce que le pouvoir lui a tendu la main. Ces enquêtés qui
adoptent une telle position sont essentiellement de la mouvance
présidentielle. Pour eux, le président fait son mieux mais
l'opposition refuse de participer à un dialogue franc. Ce manque de
dialogue contribue à ralentir la marche du peuple de Guinée vers
le développement et se répercute sur la tenue des
élections législatives.
6.2.Les répercussions sur les élections
législatives 6.2.1. Le retard des élections
législatives
Les élections législatives prévues six
mois après l'investiture du président de la république
n'ont pas encore eu lieu. Mais les personnes interrogées n'ont pas la
même position quant à la responsabilité de ce retard. Pour
la majorité (52 % des enquêtés), ce retard est le reflet du
manque de volonté des acteurs politiques qui ne veulent pas discuter
ensemble des problèmes majeurs auxquels le pays est confronté.
Ils estiment que l'opposition souhaite
85
la tenue rapide des élections tandis que la
majorité présidentielle demande du temps pour la bonne
organisation du scrutin. Un autre aspect qui divise les deux parties est le
fichier électoral. La majorité présidentielle veut
procéder à une reprise du fichier tandis que l'opposition exige
une simple révision de ce fichier qui, selon elle, a d'ailleurs servi
à l'élection du président actuel et par ricochet
mérite d'être maintenu et révisé. Pour ces
enquêtés, pouvoir et opposition affichent la volonté de
garder la main mise sur les activités de la CENI. Ils pensent que la
seule solution à ce problème est le rétablissement du
dialogue entre les acteurs politiques. Ces enquêtés sont à
la fois des partisans de l'opposition et de la majorité
présidentielle qui ne tiennent pas compte de leur appartenance politique
ou socioculturelle. Ce qui traduit clairement leur volonté de voir
s'opérer en Guinée, un dialogue politique franc et sincère
pour le bien être du pays.
Cette lutte des acteurs politiques s'explique par le souci de
chaque leader politique d'être significativement représenté
au parlement afin d'influer sur les décisions politiques nationales.
L'opposition est convaincue que la reprise du fichier électoral est une
mascarade du pouvoir pour se donner la majorité à
l'Assemblée Nationale. Pour d'autres, essentiellement des peuls (24 %
des enquêtés), le retard de la tenue du scrutin est le reflet du
manque de volonté de la majorité présidentielle qui ne
cherche qu'a contrôler le parlement. Pour ces enquêtés, le
pouvoir est certain que les élections ne lui seront pas favorables et
donc il faut créer des obstacles pour retarder l'organisation des
élections. Cette position se justifie par l'appartenance politique de
ses tenants qui sont des partisans de l'opposition.
Une autre tendance moins forte (16 % des
enquêtés), soutient que le retard de la tenue du scrutin est
lié à des difficultés budgétaires et
organisationnelles. Ils évoquent le manque de moyens financiers pouvant
permettre d'organiser le scrutin. Ces enquêtés sont des
malinkés, leur position s'explique par leur appartenance socioculturelle
et politique. Etant membre du parti du président élu, ils
justifient le retard du scrutin par le manque de moyens financiers. Mais il y a
lieu de préciser que les élections passées ont
été financées par des partenaires étrangers du
gouvernement guinéen qui, apporteront leur soutien quant il s'agira
d'organiser des élections transparentes. La démocratie dont il
est question dans ces élections est sponsorisée par ces
partenaires étrangers qui ne ménagent aucun effort pour soutenir
de telles élections. Il est nécessaire que les élections
législatives se tiennent en Guinée au risque d'entrainer de
possibles conséquences sur la marche du pays vers la
démocratie.
86
6.2.2. Les conséquences possibles de l'insuffisance
de dialogue politique pour le pays
Le retard de la tenue du scrutin législatif
présente des dangers pour la démocratie guinéenne. Pour la
majorité des personnes interviewées (76 % de la taille de
l'échantillon), l'absence d'une Assemblée Nationale jouant le
rôle de contre-pouvoir favorise la dérive autoritaire et biaise la
marche démocratique du peuple de Guinée. Cela ne favorise pas
aussi les investissements étrangers car, les operateurs
économiques étrangers émettent des doutes face aux
régimes autoritaires dans lesquels régimes, leurs
intérêts ne sont pas garantis et où ils peuvent voir leur
contrat annulés d'un moment à l'autre. L'absence du parlement, ne
donne pas espoir pour un développement dans la mesure où les
députés sont censés être les connaisseurs et
défenseurs des problèmes de leurs collectivités. Ces
enquêtés, issus de tous les groupes socioculturels informateurs,
adoptent une position qui explique leur attachement à la
nécessité de l'existence d'un contre-pouvoir pour permettre au
pays de se développer avec l'aide des investisseurs étrangers.
C'est l'expression de leur désir de voir émerger une
Guinée nouvelle loin de toute dérive autoritaire ou
dictatoriale.
Une autre tendance est celle des enquêtés (24 %)
qui pensent que ce retard peut entrainer des violences ou des manifestations.
Les mécontentements se traduisent en Guinée par des
manifestations qui peuvent encore dégénérer en violences
politico-ethniques comme les événements du 28 septembre 2009.
Pour ces enquêtés, si les élections ne sont pas
organisées dans un bref délai, l'armée peut aussi saisir
l'occasion pour faire un coup d'Etat. La position de ses enquêtés
peut s'expliquer par la récente tentative d'assassinat que beaucoup
considèrent comme un règlement de compte de certains
mécontents des anciens régimes militaires qui soutiennent
l'opposition et qui n'approuvent pas la gestion du pays par le président
qu'ils accusent de les avoir mis à l'écart tout en refusant
d'organiser les élections législatives.
87
-
QUATRIEME PARTIE :
PRECEPTES POUR LA
REUSSITE DE LA TRANSITION
DEMOCRATIQUE EN GUINEE
ET QUELQUES ACTIONS DE LA
DIASPORA
VII- NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE
88
Toutes les personnes interrogées ont reconnu
l'existence du déséquilibre social dans la société
guinéenne. Hormis quelques uns, la majorité admet la
nécessité de la création d'une commission
vérité, justice et réconciliation chargée de
conduire les assises nationales pendant lesquelles les différents du
peuple seront résolus. Mais ils sont convaincus que la réussite
du travail de cette commission dépendra largement de plusieurs facteurs
qu'ils estiment indispensables à l'unité des guinéens.
7.1.Les conditions indispensables pour l'unité
nationale
Les facteurs pouvant conduire à l'identité
nationale guinéenne sont variés selon qu'il s'agit des
enquêtés de l'opposition ou des enquêtés de la
mouvance présidentielle.
7.1.1. Les exigences de l'opposition
Les conditions évoquées par cette catégorie
d'enquêtés sont entre autres :
- Une justice équitable pour tous les citoyens:
se sentant marginalisé et victime d'un système politique
qui maîtrise l'appareil judicaire pour ses intérêts, ces
enquêtés réclament plus de justice entre les
différentes composantes de la nation ;
- Jugement et condamnation des coupables
d'évènements politiques : pour eux, les coupables des
évènements politiques doivent être arrêtés,
jugés et condamnés. Ce n'est qu'après cela que la
commission de réconciliation peut être envisagée. Cette
position s'explique par la l'état de la douleur que ces
évènements ont causés dans le coeur des citoyens membres
de l'opposition ;
- Le patriotisme : pour ces
enquêtés, en Guinée, l'ethnocentrisme prime sur le
patriotisme. Ils considèrent que le pays ne peut pas avancer dans de
telles conditions. Ils accusent les cadres de jouer à la carte ethnique
au lieu de favoriser l'intérêt national. Pour eux, tous ceux qui
disent aimer la Guinée ne doivent pas favoriser une ethnie par rapport
à une autre mais doivent oeuvrer pour la construction de la nation
guinéenne, c'est-à-dire, mettre l'intérêt de la
patrie au dessus de tout ;
- Libération des prisonniers politiques :
Pour les enquêtés, les prisonniers politiques sont
principalement des personnes qui ont été arrêtées
pendant des manifestations de l'opposition et qui sont détenues dans les
prisons. Certains ont été jugés et condamnés
à des peines de prison ferme et d'autres à des peines de prison
par sursit. Sont aussi
89
designer comme prisonniers politiques, les personnes civiles
ou militaires qu'ils considèrent être innocentes et qui ont
été victimes des vagues d'arrestations qui ont suivi la tentative
d'assassinat contre la personne du président de la république.
Certains ont été jugés et d'autres sont détenus
sans jugements. La majorité des condamnés sont du groupe
socioculturel peul. Pour ces enquêtés, cela ne favorise en aucun
cas la réconciliation nationale tant souhaité par les
guinéens. Ils estiment donc que la libération de ces prisonniers
serait un véritable signe de la volonté du pouvoir à
réconcilier les fils et filles du pays ;
- Prendre soin des enfants des victimes des
évènements politiques : Il s'agit selon les
enquêtés, d'apporter un soutien aux personnes ayant perdu leurs
parents suite à des évènements politiques. Certains sont
morts en laissant derrière eux des enfants mineurs qui ne peuvent
satisfaire aucun de leur propre besoin. Les familles qui les approche ne
s'occupe pas d'eux convenablement qu'ils sont souvent tenus obligés
d'aller à la mendicité. Si l'Etat n'apporte pas son soutien
à ceux-ci, ils finiront par rester des enfants de la rue alors qu'ils
pouvaient bien être utiles à la nation. En les assurant le
logement, la nourriture, l'éducation et autres besoins financiers,
l'Etat aura sauvé ces enfants de toute tentative d'exercice de
métiers illégaux comme le trafic de stupéfiants pouvant
compromettre la quiétude sociale ;
- L'équilibre ethnique dans la gestion
administrative :Pour ces interviewés, il y a un
déséquilibre ethnique dans la gestion administrative car, les
postes stratégiques sont confiés aux membres du groupe
socioculturel du président élu. Toutes les personnes
soupçonnées ou connues d'être fideles à l'opposition
(surtout les peuls), sont marginalisées à cause de leur
appartenance socioculturelle. Pour eux, le président élu doit
refonder son gouvernement en intégrant toutes les composantes
socioculturelles du pays afin d'obtenir un gouvernement représentatifs
de tous les guinéens. Cet équilibre doit être maintenu dans
toutes les structures administratives pour permettre à chaque groupe
socioculturel de se sentir chez lui ;
- Répartition égale des ressources :
Pour ces enquêtés, les ressources du pays ne sont pas
destinées à une catégorie de personnes mais à
l'ensemble des citoyens du pays. Il faut donc créer des conditions de
répartition égale de ces ressources afin que tous les
contribuables bénéficient des richesses du pays sans aucune
distinction régionale, socioculturelle et partisane.
90
Ces enquêtés pensent que ce n'est qu'en faisant
preuve de bonne gouvernance que les guinéens et guinéennes feront
confiance à leurs dirigeants et a eux mêmes et par
conséquent, la réconciliation peut porter fruit car, la confiance
en l'autre est un facteur clé de toute réconciliation. La
mouvance de son côté pose des exigences face à l'opposition
qu'elle accuse de tous les maux.
7.1.2. Les exigences de la mouvance
présidentielle
Pour les enquêtés de la mouvance
présidentielle, c'est l'opposition qui ne veut pas aller à la
réconciliation. Pour cela, ils exigent:
- La conformité aux directives du
président élu : Pour eux, il n'ya pas deux
présidents élus mais un seul et unique. Ce qui signifie que c'est
le président élu qui commande et tous les autres doivent se plier
à ses ordres jusqu'à la fin de son quinquennat. L'opposition est
indiquée être la cause de tous les problèmes que la
transition traverse. Ils soutiennent que tous les citoyens guinéens
doivent suivre les directives du président élu afin de
bâtir une société harmonieuse ;
- Le dialogue et la participation de tous :
Ils sont convaincus que sans le dialogue et la participation effective
de tous les guinéens, la transition ne peut aboutir à son terme
et sera confrontées à des difficultés majeures qui
ralentiront son évolution. Pour cela, le dialogue et à la
participation de tous les guinéens au processus démocratique est
indispensable ;
- L'implication des sages et des religieux :
les sages et les religieux ont une grande renommée aux yeux des
populations et donc, il faut passer par eux pour faire participer certaines
personnes ne voulant pas prendre part à cette commission ou qui ne
veulent pas se livrer par doute de confidentialité des auditions ;
- L'amour du prochain : Cette règle
religieuse trouve sa place dans la morale. On ne doit pas faire du mal à
autrui mais il faut aimer son prochain comme soit même. Dans la pratique
religieuse, le prochain est toute personne que l'ont peut rencontrer où
que ce soit. Ce sont les pauvres, les enfants de la rue et tous ceux qui sont
dans le besoin. Pour la réussite du processus démocratique et de
la réconciliation, les guinéens doivent s'aimer mutuellement sans
tenir compte des différences religieuse, politique, régionale et
socioculturelle ;
- Eviter de se faire manipuler par les leaders
politiques : Les interviewés affirment que les leaders
politiques sont des manipulateurs des populations. La population doit
91
être vigilante pour éviter de se faire manipuler
par les politiciens qui ne les utilisent que pour détruire la
cohésion nationale ;
- Pardonner les évènements passés
: la réconciliation ne passe pas par le châtiment des
coupables mais par le pardon. Ceux qui ont subi les évènements et
ceux qui ont perdu des parents au cours de ses évènements,
doivent accepter de pardonner car, tous les guinéens sont à la
fois victimes et bourreaux si on doit dresser une liste de tous les
évènements politiques. Les uns ont fait du tord aux autres
à un moment donné de l'histoire et les autres en ont fait aux uns
à un autre moment. Qui faut-il accuser ? Qui faut-il oublier ? La seule
réponse, c'est de se pardonner car, tous les guinéens sont
responsables de ce qui s'est passé dans leur pays et il serait injuste
de pointer du doigt certains et d'oublier les autres ;
- Les partis politiques doivent sensibiliser leurs
partisans : tous les débordements sont la cause du manque de
sensibilisation des militants dans les situations politiques. Ce sont les
partis qui ont la charge d'éduquer leurs militants et sympathisants
à la citoyenneté électorale. En jouant aussi à
l'apaisement, les partis contribueront à la construction de la paix
sociale en Guinée ;
- Assise nationale : le président
à la responsabilité de faire assoir tous les guinéennes et
guinéens autour d'une table et leur expliquer que le pays appartient
à tout le monde et que nos différents ne seront résolus
que si l'on discute de nos problèmes et qu'on trouve ensemble des
solutions ;
- La démonopolisation du commerce :
tant que le commerce est monopolisé par les peuls, ceux-ci
seront toujours pointés du doigt par les autres groupes socioculturels
car, il y a toujours une logique de domination économique entre les
peuls et les malinkés. En démonopolisant le commerce, personne
n'accusera plus l'autre d'être la raison de son malaise économique
et les peuls ne seront plus accusés d'être les détenteurs
du pouvoir économique.13
13 Le médiateur de la république, le
General Facinet Touré, est souvent cité parmi ces personnes pour
avoir déclaré que : «Les peulhs ont le pouvoir
économique, ils doivent donner la chance aux autres ethnies de se
partager le pouvoir politique» consultable à l'URL
:
http://conakryinfos.com/fichiers/livre- 999.php?pseudo=rub4&langue=fr&code=calb829&num=53
, consulté le 10/12/12 à 3h 26
7.2.La commission vérité, justice et
réconciliation
92
La réconciliation est souhaitée par l'ensemble
des enquêtés. Si le retard de la constitution de cette commission
est perçu différemment, les critères qu'ils
définissent pour sa composition et son fonctionnement ne sont pas aussi
divergents.
7.2.1. Le retard de la constitution de la commission de
réconciliation
Le président de la république de Guinée,
le Pr. Alpha Condé, avait annoncé dès son investiture, le
21 décembre 2010, qu'il mettra en place une commission
vérité, justice et réconciliation à l'image de
celle sud-africaine pour réconcilier les filles et fils de la
Guinée. Mais après cette investiture, il a fallu attendre
plusieurs mois pour que les représentants provisoires de la commission
soient désignés. Les personnes interrogées ont des
opinions différentes sur cette situation.
Pour les uns (42 % de l'échantillon), c'est la preuve
du manque de volonté du pouvoir à réconcilier les
guinéens. Si le nouveau président avait réellement la
volonté de réconcilier son peuple, il ne pouvait attendre aussi
longtemps sans en faire une priorité. Ce qui apparait comme une
faiblesse du pouvoir qui jusque là n'a pas touché à
l'essentiel de la mission qui l'attend. Cette position s'explique par
l'appartenance politique de la majorité de ses tenants aux partis de
l'opposition qui ne peuvent qu'accuser leur adversaire politique qu'est le
président de la république, son gouvernement et son parti.
Pour les autres (35 % des enquêtés), c'est un
manque de volonté politique du pouvoir et de l'opposition en ce sens
qu'il n'existe pas de dialogue entre les deux parties. Il y a d'un
côté, l'intransigeance du président et de l'autre
côté, les actes de sabotages de l'opposition qui, malgré la
volonté du président de la faire participer à cette
commission, refuse de dialoguer dans ce sens en posant plusieurs conditions.
C'est donc l'atmosphère tendu de la situation politique qui explique le
retard de la constitution de cette commission. Pour faciliter la constitution
de cette commission, il est nécessaire que les guinéens
retrouvent un minimum d'apaisement face aux évènements
passés et gagnent la confiance des uns et des autres. Cette position
explique la neutralité de ses tenants malgré leur appartenance
politique et socioculturelle différente. La diversité politique
et socioculturelle de cette tendance explique sa pertinence et sa
crédibilité car, les enquêtés n'ont tenu compte ni
de leur lien avec l'opposition ni de leur lien avec le pouvoir pour les accuser
conjointement.
93
Pour la troisième tendance (19 % des
enquêtés), la population a des besoins urgents qu'il faut combler
avant de faire face à la constitution de la commission de
réconciliation. Ce qui fait appel à plus de patience et de
retenue de la part de l'opposition. La position de ces enquêtés
s'explique par les raisons de départ du pays de ses tenants qui sont
arrivés au Bénin pour la recherche d'une vie meilleure parce
qu'ils étaient confrontés à des difficultés
économiques.
7.2.2. Composition et critères de choix des
membres
Il ressort des recherches de terrain que la commission doit
être représentative de toutes les couches sociales du pays et de
toutes les ethnies pour permettre à chaque guinéen de s'y
retrouver et d'être rassuré que personne ne sera
défavorisé par rapport à l'autre. Le facteur essentiel de
sa réussite réside dans sa capacité de représenter
toutes les populations guinéennes. Ce qui sous entend sa
légitimité et son aspect consensuel. Ce consensus doit tenir
compte de plusieurs critères dont entre autre :
- Des personnes de confiance susceptibles de défendre
l'intérêt général;
- Des personnes connues et populaires ;
- Des personnes charismatiques et convaincantes ;
- Des personnes neutresqui n'ont pas été
impliquées dans les évènements politiques de
près ou de loin ;
- Des personnes de haute moralité qui ne peuvent pas
trahir l'intérêt national au profit
de celui individuel ;
- Des personnes qui ont la volonté de réconcilier
le peuple ;
- Des personnes ayant la connaissance des problèmes du
pays ;
- Des éducateurs ;
- Des personnes dynamiques et expérimentées en
négociation ;
- Des personnes apolitiques, c'est-à-dire, ceux qui ne
défendent pas des intérêts de
partis politiques, d'ethnie ou de région ;
- Des personnes résidant de façon permanente en
Guinée depuis les dernières années ;
- Des guinéens de l'étranger.
7.2.3. Les critères de fonctionnement
94
- Vérité : exposer les faits tels qu'ils se sont
passés, doit être le facteur fondamental de
fonctionnement de cette commission ;
- Ouverture : la commission doit s'ouvrir à toutes les
personnes désireuses d'être
entendu ou disposant de témoignages ;
- Discrétion sur le règlement de certains
différents ;
- Indépendante des autorités politiques et
administratives;
- Impartiale écoute de toutes les parties et
élaboration des propositions et
recommandations ;
- Inclusivité de la commission ;
- Autonomie financière.
95
VIII- LA DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN :
ELEMENTS
EMPIRIQUES
Au delà de ces discours concernant la transition
démocratique en Guinée, la diaspora guinéenne du
Bénin est loin d'être passive en raison des activités
qu'elle mène pour participer au rétablissement de la
quiétude sociale et de l'unité nationale en Guinée. Ces
activités sont coordonnées par des structures sociales mises en
place à cet effet.
8.1.Bref aperçu des structures sociales
existantes
Au Bénin, les structures sociales guinéennes
reconnues sont principalement le consulat honoraire et la CRGB. Il existe des
sous-structures à caractère régionale ou
socioculturelle.
- Le consulat honoraire
En effet, si les relations diplomatiques entre la
Guinée et le Bénin datent de l'indépendance, il faut dire
qu'elles se sont tardivement matérialisées quant à
l'existence d'une structure diplomatique guinéenne au Bénin.
C'est seulement en l'an 2000 que M. Ibrahima Youla prendra l'initiative
d'ouvrir un consulat honoraire de la Guinée au Bénin. Celle-ci se
donnera pour mission principale de protéger les intérêts
des guinéens vivant au Bénin et de faciliter leurs
démarches administratives. Avant cette date, toutes les
procédures administratives devraient être engagées à
l'ambassade de Guinée à Lagos (Nigeria). De nos jours, le
consulat est l'organe officiel intermédiaire reliant les guinéens
du Bénin à l'ambassade de Guinée à Abuja. Il
travaille en étroite liaison avec la CRGB qui l'organe au sein du quel
les guinéens du Bénin exercent leurs activités
associative.
- La CRGB
La communauté est plus ancienne que le consulat car,
elle date de 1975 et fut crée par des fonctionnaires guinéens
affectés au Bénin sous le régime de feu Ahmed Sékou
Touré. Elle consacre l'essentiel de ses activités non seulement
à la résolution des problèmes quotidiens que connait la
Guinée mais aussi aux problèmes qui affectent ses membres. De nos
jours, elle est composée de deux catégories de guinéens
diasporés : ceux venant du pays et ceux nés au Bénin. Ceux
venant du pays suite à des situations difficiles sont cependant plus
actifs dans les activités que ceux nés ici dans un milieu
parental ambiant. Elle regroupe des guinéens issus de toutes les
confessions religieuses, de toutes les formations politiques
représentées au Bénin et tous les groupes socioculturels
du pays. Elle compte environs 1200 membres contre 1750
96
97
habitants enregistrés au consulat. La communauté
demeure la super structure au sein de laquelle se créent des
sous-structures avec des pouvoirs d'action limitée.
- Les sous-structures
Il s'agit des structures associatives qui existent mais ne
sont pas reconnues comme telles par le consulat et les autorités
guinéennes. Elles sont pour la plus part des associations de groupements
ethniques ou régionaux. Leurs activités sont focalisées
uniquement au renforcement de la cohésion entre les membres d'un groupe
socioculturel ou d'une région. Elles manifestent de fortes
solidarités lorsqu'il est question de venir à la rescousse d'un
des leurs. La plupart d'entre elles sont rattachée à la structure
dominante qu'est la CRGB.
8.2.Appartenances des enquêtés aux
structures sociales existantes Graphique VI : Appartenance des
enquêtés aux structures sociales guinéennes
Apparténance à des structures
de représentation guinéenne
70%
65%
60%
50%
40%
30%
20%
15%
12%
10%
8%
0%
Consulat, CRGB et autres structures (69)
|
Consulat uniquement
(16)
|
Autres structures uniquement (13)
|
Aucune structure (9)
|
Source : Enquête de terrain 2011-2012
On constate sur ce graphique que plus de la moitié (65
%) des personnes interrogées sont membres de la CRGB et sont
enregistrées au consulat. Ces enquêtés sont issus de tous
les groupes socioculturels, de tous les partis politiques et de toutes les
catégories socioprofessionnelles de la présente étude. Ils
sont par ailleurs, ceux qui participent le plus activement au débat
politique inter-guinéen. Ce explique fortement l'implication de la
diaspora guinéenne du Bénin dans son ensemble aux situations
politico-économiques que
connait la Guinée. Malgré leur différence
politique, socioculturelle et socioprofessionnelle, leur structure commune
d'action est la CRGB. Ce qui démontre leur attachement aux valeurs
d'unité et les donne un positionnement social susceptible de rendre
leurs oeuvres fécondes dans le cadre de la réconciliation
nationale qu'ils prônent.
15 % des enquêtés sont simplement
enregistrés au consulat et ne sont pas membres ni de la CRGB ni d'aucune
structure. Ils sont pour la plus part des étudiants et des
commerçants. Cela peut s'expliquer par les occupations professionnelles
de ces enquêtés qui ne leur permettent pas de prendre part
à des activités des structures associative présentes ici.
Mais malgré leurs occupations, ils tiennent à faire acte de leur
présence au consulat qu'ils reconnaissent comme une structure
chargée d'assurer leur protection en toute circonstance. En se faisant
enregistrer au consulat, ils ont la certitude d'être sous « la
protection maternelle » de la Guinée qui leur tient à coeur.
Ils ne se livrent à aucune activité allant dans le sens du
débat politique dans leur pays. Ce qui s'explique par leur
méfiance vis-à-vis de la chose politique. Cette méfiance
tire son origine de l'instabilité politique que connait le pays et qui
fait douter les étudiants (dont la plus part sont sous la tutelle de
certains ministères) quant à leur devenir professionnelles une
fois de retour au pays.
12 % représentent la taille des enquêtés
qui n'appartiennent pas à la CRGB et ne sont pas enregistrés au
consulat mais sont membres de structure associative à caractère
régional. Ces enquêtés sont majoritairement des
ménagères qui sont soit mariées à des
guinéens vivants au Bénin ou soit à des béninois.
Ce qui explique quelque part l'attachement aux pratiques communautaristes au
sein de la communauté guinéenne du Bénin. Mais cela reste
souvent inaperçu puisque les interviewés qui sont membres de ces
structures ne participent pas aux actions qui concernent directement le
processus de transition démocratique en Guinée. Ces structures
dont il est question ici, ont une vocation plus sociale et économique
que politique dans la mesure où la plus part d'entre elles focalisent
leurs activités sur les tontines, assistance sociale de tous genres
(baptême, décès, mariage, naissance, maladie). Elles ne
sont que des formes d'entraide face aux difficultés quotidiennes
rencontrées au Bénin.
Enfin, 8 % des enquêtés ne font partie d'aucune
structure se réclamant de la diaspora guinéenne. Ils sont en
grande partie des ménagères, des commerçants et quelques
étudiants/doctorants. Ce qui explique le manque d'intérêt
de ces interviewés vis-à-vis de la vie associative à
l'étranger. Leur préoccupation majeure reste leurs
activités professionnelles respectives.
98
8.3.Typologie des actions ? Les actions de
plaidoyer
Il s'agit des actions qui visent à influencer les
décisions politiques. Elles constituent des lobbyings qui se manifestent
par la publication de mémorandums adressés aux autorités
publiques guinéennes. Ces actions de plaidoyer en faveur de la
stabilisation de la situation politique en cours se manifestent principalement
de trois manières :
- La procédure diplomatiques/consulaires. Dans ce cas,
la diaspora pour faire parvenir sa déclaration aux autorités
guinéennes, doit prendre contact avec le consulat honoraire de la
Guinée au Bénin qui, à son tour, rend compte à
l'Ambassade de la Guinée au Nigeria. C'est celle-ci qui prend la
décision finale concernant la publication de la dite déclaration.
Cependant, cette procédure semble favoriser la censure des textes qui ne
seront pas en faveur du système politique en place. S'il est vrai que la
plus part des personnes qui incarnent les représentations diplomatiques
et consulaires sont très souvent soucieuses de conserver leur poste, on
peut constater que celles-ci utilisent toutes les stratégies
nécessaires pour plaire aux autorités en place y compris le refus
de publier ces déclarations qui `'dérangent `' ;
- La procédure de tutelles béninoises. A ce
niveau, il s'agit pour la diaspora de passer directement par les
autorités béninoises en charge de l'intégration africaine
et des Mairies pour rendre publique ses intentions à travers des
manifestations couvertes par la presse internationale et les médias
guinéens. Cette procédure est souvent très peu soumise
à la censure mais elle subit des retards dus à la lenteur
administrative et à la méfiance de ces autorités de
tutelles. Celles-ci craignent souvent que ces déclarations n'engendrent
des crises diplomatiques entre les deux pays. Ce fut le cas des
démarches engagées pour protester contre les
évènements du 28 septembre 2009. Une copie de la demande
introduite auprès de la mairie de Cotonou en cette occasion figure en
annexe de cette production ;
- La procédure de la confrontation directe. Il s'agit
ici d'une voie verbale qui consiste à échanger directement avec
des personnalités guinéennes en mission ou en visite au
Bénin. La diaspora profite de la présence de ces derniers pour
les rencontrer et échanger avec eux sur les situations qui
prévalent dans le pays. On peut noter quelques rencontres avec des
personnalités de la transition en cours comme :
99
V' M. Mohamed Bamba Camara, conseiller du ministre des
guinéens de l'extérieur à la date du 04/04/2010 ;
V' Général Facinet Touré,
médiateur de la République en date du 27/02/2011 ; V' Mgr Albert
David Gomez, vice-président du CNT à la veille du premier tour
des élections présidentielles (scrutin du 27 juin 2010) ;
V' Général Sory Doumbouya, grand chancelier de
l'ordre national du mérite en date du 14/12/2011 ;
? Les actions de sensibilisations
Il s'agit des actions dirigées par la diaspora pour
susciter un changement de comportements chez les guinéens de
l'intérieur souvent confrontés à des crises
politico-ethniques qui favorisent leur division. La diaspora, après
s'être renseignée sur ce qui se passe au pays, procède
d'abord à la diffusion de l'information sur cette situation à
l'endroit de tous ses membres. Ainsi, pendant les assemblées
générales ou les réunions extra-ordinaires, des
stratégies communes sont envisagées pour lancer des appels
à l'unité et à la cohésion nationale. La nature de
ces stratégies varie selon la circonstance en cours. Il peut s'agir des
rencontres de prières entre les ressortissants des quatre régions
naturelles si elle fait face à une crise ethnique ; ou une rencontre des
représentants de partis politiques sanctionnée par un meeting
commun lorsqu'elle fait face à une crise politique.
Photo I : Le Président de la CRGB lisant
un discours
Source : Cliché Pierre Pévé BAVOGUI
du 02/10/2011
100
Sur cette photo figure le président de la CRGB lisant
un discours. A coté de lui se tient le responsable des guinéens
de Porto-Novo et juste derrière lui on voit le consul. Ce discours
intervenait juste à la sortie d'une rencontre de prière en faveur
de la paix en Guinée. Cette rencontre qui avait eu lieu dans les locaux
du consulat honoraire était co-organisée par ces deux structures.
Toutes les quatre régions naturelles étaient
représentées. Des guinéens étaient venus de partout
à travers le Bénin (Porto-Novo, Parakou, Bohicon, etc.) pour
lancer un appel à la paix et à l'unité nationale ;
? Les actions de médiation et
intermédiation
Ces actions sont engagées lorsqu'il s'agit
essentiellement de crises qui interviennent entre les acteurs politiques
internes ou externes. La diaspora, procède à l'instauration d'une
mission de médiation chargée de résoudre les
différents entre les acteurs nationaux concernés ou
d'intermédiation s'il est questions des acteurs membres de la diaspora
;
? Les autres actions
Il s'agit notamment des actions menéespour la
fraternité et les convivialités entre la diaspora et les
guinéens de l'intérieur. On peut noter ici les partenariats dans
le cadre de la promotion de la culture guinéenne au Bénin
à travers la commercialisation des habits artisanaux (lépi,
forêt sacré, étoffes traditionnels, etc.) et d'autres
objets culturels guinéens sur le sol béninois. Ces actions
culturelles se sont matérialisées par la création de
quatre centres de teintures dans la ville de Cotonou dont le centre Manda
Saran, celui du Lycée Koulibaly et les deux centres situés
à Akpakpa. Ces centres jouent un grand rôle dans l'emploi des
diasporés spécialisés dans la teinture (plus de 300
employés de la sous région). On peut également noter des
matchs de Gala organisé ici ou au pays et tout récemment la
création d'un centre académique de football dans la ville de
Kankan par l'Association des Jeunes Dévoués pour l'Emergence de
la Guinée (AJDEG) dont le lancement a eu lieu le 14 janvier 2012. Ces
actions sont largement diffusées par les médias au sein de la
population guinéenne.
101
Photo II: Match de Gala pour
l'unité nationale
Source : Cliché Pierre Pévé BAVOGUI
du 02/10/2011
Cette photo présente deux équipes
débutant un match Gala de football en faveur de la réconciliation
nationale et de la paix en Guinée. Ce match fut organisé dans le
cadre des festivités du 53ème anniversaire de
l'indépendance de la Guinée. Les guinéens venus de toutes
les villes du Bénin avaient pris part à cet
évènement organisé par le consulat en collaboration avec
la CRGB.
102
PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN SOCIOLOGIE
:
DE LA DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA
DEMOCRATIE AUX VALEURS EDUCATIVES
La problématique de la démocratie en Afrique
reste très controversée. Il ressort cependant des analyses de
cette étude que, pour une réussite du processus
démocratique en Guinée, il est nécessaire de passer d'une
démocratie marchande à une démocratie basée sur
l'éducation.
De la démocratie aux valeurs
marchandes
La démocratie telle qu'elle se présente en
Afrique de façon générale et en Guinée de
façon particulière est d'une valeur purement marchande. Le sens
de marchandise donnée ici à la démocratie s'explique par
son imposition aux peuples qui n'en ont aucune culture, c'est-à-dire,
aucun mode de vie parallèle. Le peuple de Guinée dans son
ensemble, est fortement ancré dans les valeurs ancestrales de la
royauté, de la chefferie et du droit d'aînesse. Ces valeurs sont
d'ailleurs communes à toutes les sociétés africaines. Avec
l'avènement de la démocratie, les guinéens se sont vus
privé de leurs valeurs traditionnelles au profit de celles
européennes et américaines dont ils sont
ignorants. Cette manière de vivre « démocratiquement
» n'a pas prit en compte leur manière de vivre anciennement. Or,
comme le dit l'autre, « vouloir poser la toiture d'une case sur une autre,
elle tombe dedans ou elle déborde ». Elle tombe dedans ou elle
déborde parce que tout simplement cette case sur laquelle on veut la
poser n'a pas les mêmes dimensions que celle pour laquelle la toiture a
été confectionnée au départ. Pour que cette case
soit convenablement couverte, on n'a pas besoin de transposer une autre toiture
qui n'est pas la sienne mais plutôt d'en confectionner une en fonction de
ses propres dimensions. Cet exemple de la toiture de la case illustre bien le
caractère marchand de la démocratie. Cette démocratie de
culture occidentale est imposée par les puissances occidentales aux
sociétés africaines dans le seul but de voir les
intérêts de ses promoteurs prospérer sur le continent
noir.
Pour parvenir à cette fin, ils apportent leur soutient
à des élites africaines dévouées à leur
cause même si ceux-ci sont incompétents et ne peuvent en rien
contribuer au développement de leur propre pays. Ainsi, la logique de la
démocratie marchande est qu'il faut garantir les intérêts
de son protecteur pour rester au pouvoir. Tout dirigeant qui ne se plie pas
à cette règle peut se voir renversé d'un moment à
l'autre.
103
Une démocratie aux valeurs
éducatives
Le moyen le plus efficace pour réussir le
développement en Guinée, serait de définir comme
priorité, la valorisation de l'éducation. Il faut entendre ici
par éducation les aspects scolaire et traditionnel de celle-ci.
L'éducation scolaire fait allusion à l'instruction qui a pour
garant l'Etat tandis que l'éducation traditionnelle quant à elle,
fait allusion aux formes traditionnelles d'éducation dont la famille est
le principal acteur. En effet, depuis l'indépendance, avec les
réformes scolaires contradictoires, on a eu l'impression que
l'éducation n'est pas une priorité nationale en Guinée.
Or, il n'y a pas de développement réussi sans une politique
axée sur l'éducation. Ce qui rend indissociable et
interdépendant l'éducation, la politique démocratique et
le développement. Faire donc de l'éducation une priorité
c'est opter pour le développement car, comme le disait Claude Assaba,
« l'éducation est la clef de tout développement »
(ASSABA, 2004 : p. 143) La démocratie, pour engendrer le
développement, exige des citoyens plus d'éducation, de
maîtrise de soi et de connaissances générales car, ces
citoyens sont appelés à prendre des décisions pour
l'évolution du pays. MOUGNIOTTE, 2002, cité par ASSABA, op. cit.
: p. 190, martèle : « Vanter la démocratie sans organiser
l'éducation est une duperie (...) La société globale ne
nourrira véritablement la volonté politique d'éducation
à la démocratie que dans la mesure où ses membres
eux-mêmes ont été formés aux valeurs de celle-ci.
Mais comment le seraient-ils si cette volonté politique a fait
défaut à l'éducation ? »
Cette démocratie éducative peut induire au
développement si elle trouve solution à trois inquiétudes
fondamentales à savoir la revalorisation de la fonction enseignante, la
formation des formateurs et la question des infrastructures scolaires dignes de
noms. Ainsi, s'ouvre une nouvelle problématique recherche : pourquoi et
comment passer de la démocratie à valeurs marchandes à la
démocratie à valeurs éducatives ? C'est à cette
préoccupation que seront consacrées de nouvelles recherches dans
le cadrede la thèse de doctorat en sociologie.
104
CONCLUSION
Cette production scientifique a porté sur une analyse
sociologique de la transition démocratique en Guinée à
partir de la perception politique et sociale de la diaspora vivant au
Bénin, précisément dans les communes d'Abomey-Calavi, de
Cotonou, de Porto Novo et de Sèmè Kpodji.
Les données produites dans la première partie de
la présentation des résultats renseignent sur la diversité
de la diaspora guinéenne du Bénin. Cette diversité
réside dans les motifs de leur départ de la Guinée, les
activités qu'ils exercent au Bénin et les conditions qu'ils
posent pour leur retour en Guinée. Cette diversité ne permet pas
de les nommer au singulier mais plutôt au pluriel. Le constat a
montré que les discours qu'ils produisent sur la transition
démocratique ne sont pas en rapport avec les travaux qu'ils exercent
c'est-à-dire, leurs activités professionnelles. La
diversité des discours est plutôt fonction de l'appartenance
politique et socioculturelle. Les positions des différents
enquêtés sont généralement le reflet de leur
appartenance à des partis politiques ou à des groupes
socioculturels surtout lorsqu'il s'agit des groupes socioculturels dominants :
peul et malinké. Ces deux groupes socioculturels constituant en grande
partie les partis politiques UFDG et RPG opposés au second tour de la
présidentielle de 2010. Ils sont les plus divisés quant à
leur conception de la chose politique. Cependant, malgré leur division,
ils aspirent tous à des changements de conditions de vie des populations
guinéennes. Ce qui explique leur attachement au développement de
leur pays.
La seconde partie rend compte de la transition
démocratique guinéenne, caractérisée par
l'insuffisance de dialogue entre les acteurs politiques de l'opposition et de
la majorité présidentielle. Aucun acteur n'éprouve la
volonté de collaborer avec l'autre qu'il considère d'ennemi au
lieu d'adversaire politique. Mais ce manque de volonté des acteurs est
le résultat du mécontentement causé par les
évènements politiques que le pays a connu depuis son accession
à la souveraineté nationale en 1958. Ces évènements
ont touché le peuple dans son ensemble et constituent un frein à
la marche démocratique parce qu'aucun dialogue n'a été
engagé avec les victimes et les parents des disparus. Chaque
communauté se sentant victime se replie sur elle-même et par
conséquent, se distancie de la vie de la communauté nationale.
Depuis l'élection du nouveau président, aucun consensus n'a
été trouvé sur l'organisation du scrutin législatif
qui marquera la fin de la transition politique et le début de la
consolidation démocratique. Même si les acteurs se rejettent la
responsabilité de ce retard, il faut retenir que
105
cela constitue un danger pour le pouvoir en place car, il y a
des risques de renversement du régime par la force. Il serait donc
préférable que chaque acteur manifeste la volonté de
trouver un consensus pour la tenue des élections législatives et
sur les modalités d'apaisement des victimes d'évènements
politiques. Ce n'est que par ce tribut que le pays peut retrouver son
équilibre pour la marche démocratique et l'écartement de
toute tentative de prise de pouvoir par la force.
La dernière partie présente les conditions de la
réussite démocratique en Guinée notamment la
réconciliation nationale. La réconciliation reste une
priorité pour la diaspora guinéenne du Bénin malgré
sa diversité tant soit politique, socioculturel et professionnelle. Et
pour mener à bien cette réconciliation il sera nécessaire
de constituer une commission vérité et réconciliation qui
prenne en compte toutes les diversités nationales avec des personnes
compétentes, expérimentées et connues pour leur
probité morale. Le patriotisme, la justice sociale, la
méritocratie, le pardon, l'amour du prochain, le dialogue et la
participation de toutes les couches sociales sont les conditions clairement
définies par les guinéens du Bénin comme indispensables
à l'unité nationale. Et pour finir, la contribution de la
diaspora à la réussite de la transition démocratique
à fait l'objet du dernier chapitre. Il s'agit des actions de plaidoyer,
de sensibilisation, de médiation et d'intermédiation et d'autres
actions à caractère sportif, convivial, culturel, etc. Ces
actions sont menées et coordonnées par le consulat et la CRGB.
En termes de perspectives de recherche, une analyse
sociologique de la démocratie révèle que
l'éducation est indispensable pour la réussite
démocratique en Guinée. On ne peut pas prétendre à
un développement dans un pays où les citoyens ne sont pas
éduqués et formés. A cet effet, l'éducation doit
être une priorité pour l'Etat guinéen car, comme le dit
Claude Assaba, « Une éducation sous perfusion ne peut pas favoriser
le développement» (ASSABA, op. cit. : p. 192). Dans ce contexte
politique, comment passer de la démocratie à valeurs marchandes
à la démocratie à valeurs éducatives ? Se pose
ainsi une nouvelle problématique axée sur l'approche
éducative de la démocratie occidentale confrontée aux
réalités endogènes de l'Afrique. Cette
problématique fera l'objet d'une recherche approfondie dans le cadre de
la thèse.
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consulté le 29 /09/11 à 15h 25
29- WIKIPEDIA, 2011, Diaspora ; consultable à
l'URL :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Diaspora,
consulté le 27/07/11 à 13 h 43
111
ANNEXES
112
TABLEAU 4: Liste des 24 candidats retenus par la
cours suprême par ordre de délibération :
N°
|
PARTIS
|
CANDIDATS
|
1
|
UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée)
|
CellouDalein Diallo
|
2
|
UFR (Union des Forces Républicaines)
|
Sidya Touré
|
3
|
PNR (Parti National pour le Renouveau)
|
Boubacar Barry
|
4
|
PEDN (Parti de l'Espoir pour le Développement National)
|
Lansana Kouyaté
|
5
|
UDG (Union Démocratique de Guinée)
|
Mamadou Sylla
|
6
|
PLUS (Parti Libéral pour l'Unité et la
Solidarité)
|
Dr Ousmane Kaba
|
7
|
NGR (Nouvelle Génération pour la
République)
|
Ibrahima Abe Sylla
|
8
|
RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée)
|
Alpha Condé
|
9
|
FUDEC (Front Uni pour la Démocratie et le Changement)
|
LoucenyFall
|
10
|
GPT (Guinée Pour Tous)
|
Kassory Fofana
|
11
|
PUDIG (Parti de l'Union pour le Développement
Intégré de la Guinée)
|
Joseph Bangoura
|
12
|
PUP (Parti de l'Unité et du Progrès)
|
Aboubacar Somparé
|
13
|
PR (Parti Républicain)
|
Alpha Ibrahima Keira
|
14
|
CDP (Convention Démocratique Panafricaine)
|
Mme Saran Daraba
|
15
|
RDIG (Rassemblement pour le Développement
Intégré de la Guinée)
|
Jean Marc Telliano
|
16
|
PDU (Parti pour le Développement et l'Unité)
|
M'Bemba Traoré
|
17
|
RDR (Rassemblement pour la Défense de la
République)
|
Papa KolyKourouma
|
18
|
RGUD (Rassemblement Guinéen pour l'Unité et le
Développement)
|
Abraham Bouré
|
19
|
ADPG (Avenir Démocratique Prospérité de
Guinée)
|
Boubacar Bah
|
20
|
RGP (Rassemblement pour une Guinée Prospère)
|
El hadj Bouna Keita
|
21
|
GECI (Génération Citoyenne)
|
Fodé Mohamed Soumah
|
22
|
UFD (Union des Forces Démocratiques)
|
Mamadou Bah Baadiko
|
23
|
PTS (Parti du Travail et de la Solidarité)
|
Mamadou Diawara
|
24
|
UPR (Union pour le Progrès et le Renouveau)
|
Bah Ousmane
|
Source :CENI, 2010 : En ligne
113
Outil destiné aux membres de la diaspora
guinéenne vivant au Bénin
I- RAISONS DE DEPART DU PAYS SELON LA DIASPORA
1- Raisons de départ du pays et itinéraire
suivi
2- Nombres d'années au Bénin
II- PERSPECTIVES DE RETOUR SELON LA DIASPORA
1- La diaspora et la situation politique, sociale et
économique du Bénin
2- Les conditions indispensables pour un éventuel retour
définitif en Guinée
III- ATOUTS DES TRANSITIONS MILITAIRES SELON LA
DIASPORA
1- Dites ce que vous avez ressenti à l'arrivée au
pouvoir du Conseil National pour la Démocratie et le
Développement (CNDD)
2- Evoquez les actes posés par cette junte militaire
dirigée par le Capitaine Moussa Dadis Camara
3- Evoquez les actes posés par la présidence
transitoire du Général Sékouba Konaté
IV- FAIBLESSES DES TRANSITIONS MILITAIRES SELON LA
DIASPORA
1- Citez les défaillances de la junte militaire
dirigée par le Capitaine Dadis Camara
2- Citez les défaillances de la présidence
transitoire du Général Sékouba Konaté
3- Que dites vous de la neutralité de l'armée et
du gouvernement dans le processus électoral ?
4- Dites ce que vous pensez des violences qui ont
accompagné le processus électoral
5- Dites ce que vous pensez des évènements du 28
septembre 2009
6- Citez les 4 évènements qui ont fragilisé
le tissu social en Guinée depuis l'indépendance
V- OPINION DE LA DIASPORA VIVANT AU BENIN SUR LA
TRANSITION DEMOCRATIQUE GUINEENNE
1- Dites ce que vous pensez sur le déroulement des
dernières élections présidentielles en Guinée
2- Dites ce que vous avez ressenti à l'annonce de la
victoire du Professeur Alpha Condé
3- Exprimez votre opinion sur la gestion du pays par le Pr Alpha
Condé depuis son élection
4-
114
Dites ce qui explique le retard de l'organisation des
élections législatives
5- Dites les conséquences qui peuvent en
découler
6- Dites ce qui explique le manque de dialogue politique entre
l'opposition et la majorité présidentielle
7- Exprimez votre opinion sur la véracité de la
récente tentative d'assassinat contre la personne du Président
Condé
8- Quels sont les changements que vous souhaité en
Guinée ?
VI- CONDITIONS PREALABLES A L'UNITE NATIONALE SELON
LA
DIASPORA
1- Au regard des évènements tragiques qui ont
rendus fragile le tissu social guinéen depuis l'indépendance,
citez 3 conditions indispensables à l'unité nationale
2- Définissez 4 critères auxquels doivent
répondre les personnes qui seront membres de la commission
vérité et réconciliation annoncée par le
Président Condé
3- Décrivez 3 critères de fonctionnement de la
commission vérité et réconciliation
4- A votre avis, qu'est ce qui explique le retard de la
constitution de cette commission vérité et réconciliation
pourtant annoncée dès la prise de fonction du Président
Alpha Condé ?
5- Proposez 2 solutions pour mettre fin aux clivages
ethniques et régionaux que vivent les guinéens
VII- CONDITIONS PREALABLES A LA CONSOLIDATION
DEMOCRATIQUE
SELON LA DIASPORA
1- Dites ce que vous pensez de la légitimité de
la constitution actuelle adoptée par le Conseil National de la
Transition et signé par le Président de la transition, le
Général Konate
2- Dites comment vous souhaitez que la future constitution
soit adoptée
3- Citez 3 acteurs qui doivent engager cette
procédure
4- Définissez les conditions indispensables au
dialogue politique en Guinée
5- Définissez les rôles des différents
acteurs pour faciliter l'organisation des prochaines législatives
6- Enumérez 4 conditions indispensables à la
réussite de la transition démocratique en Guinée
VIII- PROFILS SOCIOLOGIQUES
115
Nom et Prénoms (facultatif):
Age :
Niveau d'étude :
Statut matrimonial :
Sexe :
Profession :
Appartenance politique :
Groupe socioculturel :
Religion :
Lieu de résidence au Bénin:
Représentation Guinéenne de tutelle :
rz r
~_
COMMUNAUTE DES RESSORTISSA l'9 Gu11v ENS AU fET`TN-
Cotonou, le 09 Octobre 2009
Réf : n°005-2009/CRGB/BE/P
A
Monsieur le Maire de la ville de Cotonou-Bénin
OBJET : Demande de marche de soutien aux Forces vives de
la Guinée-Conakry
Monsieur,
Nous venons très respectueusement auprès de votre
haute personnalité, vous demander de nous accorder une journée de
marche dans cette semaine.
En effet, cette marche permettra à la Communauté
des Ressortissants Guinéens résidant au Bénin, de marcher
à travers la ville de Cotonou pour affirmer son indignation face
à la situation politique qui prévaut dans notre pays. Nous
voulons ainsi, solliciter les autorités béninoises et celles
internationales afin de condamner les actes de tueries qui se sont
passés au stade du 28 septembre 2009 à Conakry. Nous souhaitons
que les auteurs soient traduits devant la cours internationale de justice de la
Haye.
Veuillez agréer, monsieur le Maire, l'expression de nos
sentiments distingués.
Le Secrétaire. Général
|
Le Vice Président,
|
|
|
MAMOUDÔU CISSE
|
TOURE ALPHA OUMAR
|
Siègj. `ocial : C/94 Jcnquet 01 BP 2878 Cotonou
Tél. (229) 95 40 48 18 / 95 06 07 90
117
TABLE DES MATIERES
RESUME
|
7
|
INTRODUCTION
|
.8
|
I- CADRE THEORIQUE
|
.11
|
1.1.Problématique
|
11
|
1.2.Hypothèses
|
...17
|
1.3.Objectifs de recherche
|
17
|
1.3.1. Objectif principal
|
.17
|
1.4.Objectifs
spécifiques.........................................................
|
.............................17
|
1.5.Clarification conceptuelle
|
19
|
o Transition démocratique
|
19
|
o Acteur
|
20
|
o Discours
|
20
|
o Stratégie
|
21
|
|
1.6.Délimitation thématique
|
21
|
1.7.Justification du sujet
|
22
|
1.7.1. Raisons subjectives
|
22
|
1.7.2. Raisons objectives
|
22
|
1.8.Présentation de la République de Guinée
|
23
|
1.8.1. Des rivières du sud à la Guinée
|
23
|
1.8.2. Géographie
|
24
|
1.8.3. Groupes socioculturels
|
25
|
1.8.4. Politique
|
.26
|
1.9.Présentation et justification du cadre de
l'étude 29
1.10. Quelques axes actuels de la discussion 30
1.11. Modèles théoriques d'analyse ..38
L'analyse Systémique ..38
Le Structuro-fonctionnalisme 40
II- CADRE PRATIQUE 41
2.1.Nature de l'étude 41
2.2.Démarche méthodologique de la recherche
41
118
2.3.Les sources de l'enquête 41
2.3.1. Sources documentaires 41
2.3.2. Sources orales ..42
2.4.Population cible et échantillonnage 43
2.4.1. Population cible 43
2.4.2. Echantillonnage 43
2.5.Techniques de collecte et traitement de données
45
2.5.1. Techniques de collecte 45
2.5.1.1.L'entretien 45
2.5.1.2.Le focus groupe et le brainstorming 45
2.5.2. Analyse des informations ..45
2.6.Organisation de l'enquête sur le terrain 46
2.6.1. Identification des enquêtés 46
2.6.2. Déroulement des entretiens 46
2.6.3. Synthèse, compte rendu et réajustement
des données 46
2.7.Chronogramme 47
III- DE LA DIASPORA AUX DIASPORAS GUINEENNES DU BENIN 49
3.1.De la diaspora 49
3.2.Des diasporas guinéennes du Bénin 50
3.2.1. Les raisons de départ 50
3.2.2. Les activités exercées au bénin
53
3.2.3. Les conditions exigées pour le retour 55
IV- TYPOLOGIE DE DISCOURS DES DIASPORAS GUINEENNES SUR LA
TRANSITION
DEMOCRATIQUE EN GUINEE ..58
4.1.Atouts et faiblesses des transitions militaires 58
4.1.1. Atouts des transitions militaires 58
4.1.1.1.Atouts de la présidence du Capitaine Moussa
Dadis Camara 58
4.1.1.2.Atouts de la présidence transitoire du General
Sékouba Konaté 60
4.1.2. Faiblesses des transitions militaires .61
4.1.2.1.Faiblesses de la présidence du Capitaine Moussa
Dadis Camara 61
119
4.1.2.2.Faiblesses de la présidence transitoire du General
Sékouba Konaté
|
61
|
4.2.Déroulement des élections
présidentielles et gestion du pays par le président élu
|
62
|
4.2.1. Déroulement des élections
présidentielles
|
62
|
4.2.1.1.De la neutralité de l'armée et du
gouvernement de transition
|
63
|
4.2.1.2.Des violences électorales
|
.63
|
4.2.2. Gestion du pays par le président élu
|
64
|
4.3.La tentative d'assassinat contre la personne du
Président élu
|
66
|
4.4.Les changements souhaités en Guinée
|
.67
|
4.4.1. Les changements relevant de la compétence de
l'Etat 67
4.4.2. Les changements relevant des masses populaires 68
4.5.Appartenance politique des enquêtés 68
4.6.Appartenance socioculturelle des enquêtés
70
V- EVENEMENTS POLITIQUES DES DEUX PREMIERS REGIMES AUX
POUVOIRS
MILITAIRES DE TRANSITION 72
5.1.Les évènements politiques du premier
régime
|
72
|
5.1.1. L'agression du 22 Novembre 1970
|
.72
|
5.1.2. Des détentions au camp boiro et à
l'intérieur du pays
|
73
|
5.1.3. Le complot peul
|
74
|
5.2.Les évènements politiques du deuxième
régime
|
74
|
5.2.1. De l'arrestation de l'équipe du Premier Ministre
Louis Lansana Béavogui
|
75
|
5.2.2. De l'arrestation du Général Diarra
Traoré et compagnons
|
.76
|
5.2.3. De l'arrestation de l'opposant Alpha Condé à
l'exil de Dr Facinet Béavogui
|
76
|
5.2.4. De l'assassinat du Professeur Julien Pokpa Onivogui et
compagnons
|
77
|
5.3.Les évènements politiques des pouvoirs
militaires de transition
|
78
|
5.3.1. Du 28 septembre 2009
|
.78
|
5.3.2. De la tentative d'assassinat du Capitaine Moussa Dadis
Camara aux accords de
Ouagadougou 80
5.3.3. Des affrontements politico-ethniques pendant la
période électorale 81
VI- SITUATION DU DIALOGUE POLITIQUE .83
6.1.L'état actuel du dialogue politique 83
6.2.Les répercussions sur les élections
législatives 84
120
6.2.1. Le retard des élections législatives
84
6.2.2. Les conséquences possibles de l'insuffisance de
dialogue politique pour le pays ...86
VII- NECESSITE D'UNE CONCERTATION NATIONALE 88
7.1.Les conditions indispensables pour l'unité nationale
88
7.1.1. Les exigences de l'opposition .88
7.1.2. Les exigences de la mouvance présidentielle 90
7.2.La commission vérité, justice et
réconciliation 92
7.2.1. Le retard de la constitution de la commission de
réconciliation .92
7.2.2. Composition et critères de choix des membres 93
7.2.3. Les critères de fonctionnement 94
VIII- LA DIASPORA GUINEENNE EN ACTION AU BENIN : ELEMENTS
EMPIRIQUES .95
8.4. Bref aperçu des structures sociales existantes 95
- Le consulat honoraire 95
- La CRGB 95
- Les sous-structures 96
8.5. Appartenances des enquêtés aux structures
sociales existantes 96
8.6.Typologie des actions 98
· Les actions de plaidoyer 98
· Les actions de sensibilisations 99
· Les actions de médiation et intermédiation
100
· Les autres actions 100
PERSPECTIVES POUR UNE THESE DE DOCTORAT EN SOCIOLOGIE : DE LA
DEMOCRATIE AUX VALEURS MARCHANDES A LA DEMOCRATIE AUX VALEURS
EDUCATIVES 102
8.1.De la démocratie aux valeurs marchandes .102
8.2.Une démocratie aux valeurs éducatives 103
Conclusion 104
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 107
WEBOGRAPHIE .108
ANNEXES 111
TABLE DES MATIERES 117
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