Approche socio-anthropologique des institutions d'intégration des personnes à¢gées : le cas de l'êbeb chez les Odjukru (côte d?ivoire)( Télécharger le fichier original )par Fato Patrice KACOU Université Félix Houphouet Boigny de Cocody-Abidjan - Thèse Unique de Doctorat en Sociologie 2013 |
7.5- Nature des rapports avec les jeunesTableau 39 (TC): Qualité des rapports intergénérationnels
Source : enquête personnelle, 2010. Le pouvoir en pays Odjukru est gérontocratique aussi bien en famille qu'à la tête de la communauté. Les jeunes et les adultes doivent servir les aînés et les côtoyer pour s'enrichir de l'expérience de ces derniers. Ainsi, nous avons interrogé les personnes âgées sur la nature de leurs rapports avec les jeunes du village. Il ressort que 75% des personnes âgées entretiennent des rapports courtois avec les jeunes de leur milieu contre 19,1% qui disent être en conflit avec ces derniers. 5,9% d'entre elles n'ont pas de rapports avec les jeunes du village. En fait, pour préserver leur dignité, il y a des personnes âgées qui préfèrent anticiper sur un possible déportement de la jeunesse en n'ayant pas commerce avec elle. Lorsque nous comparons la qualité des rapports entre les personnes aînées et leurs enfants et entre elles et les jeunes de leur village, nous remarquons une nette différence au profit des rapports parents-enfants (84,9% d'entente et 2,4% de conflit) relativement aux rapports personnes âgées-jeunes du village (75% d'entente et 19,1% de conflit). Mais quels sont les noeuds de discorde entre les personnes âgées et les jeunes ? Selon le tableau ci-dessus, nous constatons que même les personnes âgées qui entretiennent des rapports cordiaux avec les jeunes et celles qui n'en ont pas du tout formulent à leur encontre des reproches. Trois reproches s'expriment dans des proportions très importantes. Ce sont le vol, la déviance sociale et la délinquance. · Vol Il représente une proportion de 33,5%. Il porte notamment sur le vol de poulets et des récoltes d'hévéa. En effet, des jeunes informés de l'état de santé de leur potentielle victime ou des heures de repos s'introduisent dans le poulailler ou les plantations d'hévéa pour opérer. · Déviance sociale Le pourcentage de déviance sociale s'élève à 30,2%. Les enquêtés déplorent les bagarres entre les jeunes, les actes de méchanceté et les crimes d'adultère. A Bouboury, les jeunes ont détrôné le chef du village, une personne âgée de 75 ans. Ils lui reprochaient sa passivité et son manque de charisme. · Délinquance Elle atteint une proportion de 22,7%. Elle concerne l'alcoolisme et la prise de drogue. A cela s'ajoutent la pratique des jeux de hasard et la débauche sexuelle. Il arrive que des jeunes sous l'effet de la drogue ou de l'alcool perturbent les assemblées villageoises ou qu'ils aient des prises de bec avec les aînés sociaux. De plus, des enquêtés se sont offusqués de ce que des jeunes s'adonnent aux pratiques fétichistes soit pour se protéger contre eux soit pour les desservir. Pour eux, vu les désagréments que peuvent causer les fétiches en cas de non respect des conditions d'usage, l'on ne devrait pas permettre qu'ils soient possédés par des jeunes. Pour confronter les propos, nous avons réuni pour un focus group des responsables de structures de jeunesse. Ils ont décrié à leur tour la gestion partiale des êbebu. En effet, selon les règles admises, les travaux du village sont affectés d'office aux mabêssê. Or, pour des intérêts pécuniaires, les êbebu attribuent à des membres d'autres générations des travaux tels que les préparatifs pour la réception d'invités de marque (personnalités d'Etat) devant prendre part aux cérémonies majeures (êbeb, low, angbandji). Ainsi donc, les jeunes ont menacé de ne pas transmettre la machette à leur cadet à la prochaine fête d'investiture des êbebu. Si dans l'ensemble on observe que la proportion des rapports harmonieux surclasse celle des rapports conflictuels, la proportion des rapports conflictuels entre les aînés sociaux et leurs enfants, leur famille et les générations cadettes est un indice précurseur d'un déclin des rapports de parenté et de famille. Comme nous l'avons dit plus haut, les jeunes Odjukru échappent au cadre traditionnel de socialisation au profit des cultures exotiques dites modernes206(*). Or, ces cultures aussi bien en Occident qu'en Afrique ont fait baisser les sens premiers de la famille qui reposent sur la solidarité, la fraternité et la convivialité. On ne peut donc pas les emprunter sans importer les germes des pathologies sociales qu'elles renferment. C'est ce que nous verrons avec l'analyse des conditions de vie des personnes aînées enquêtées. * 206Lire Séri Dedy, Gozé Tapé, et. Mariétou Koné, Kouamé NGuessan. |
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