5.3- A la rencontre des secrets
de longévité
Nous avons rencontré des personnes âgées
avec qui nous avons conversé notamment sur les secrets de la
longévité et les transformations sociales observées. Nous
comptons un supercentenaire et un nonagénaire.
Photo 13 : Tata
Agnimel, Ndjruman-odjogba, Doyen d'âge 102 ans.
Débrimou, (enquête personnelle,
Décembre 2009).
Nênici Tata Agnimel a 102 ans, père de six
enfants, il appartient à la classe d'âge des Ndjruman-odjogba, la
classe d'âge la plus âgée. Il est lui-même le doyen
d'âge du village de Débrimou. Il est marié et son
épouse membre de la classe d'âge des Abrahman-odjogba a 87 ans.
Cet ex cultivateur affirme la rareté et le
caractère divin de la longévité. Il tire sa satisfaction
des pouvoirs spirituels et religieux que lui confère son âge. Pour
lui, les ennemis de la longévité ont pour nom: le vol, le
mensonge, l'insalubrité. Son ambition actuelle est que sa vie se
prolonge jusqu'à l'inauguration de la nouvelle Eglise Catholique du
village en construction.
Il refuse la vie dans un hospice fort de son attachement
à sa famille et à son village. Son alimentation de base se
compose de l'attiéké et du poisson, ajouté à cela
la consommation d'alcool et de tabac.
Il ne se fait conter aucune cérémonie
d'angbandji. Il y assiste lui-même. Car il faut le rappeler, lors de ces
cérémonies, on fait souvent des dons aux êbebu et aux
post-êbebu. Il est donc présent pour avoir sa part de manne. Nous
avons été témoins ce 19 décembre 2009 de cinq
cérémonies d'Angbandji auxquelles il a pris part de 9 heures
à 18 heures temps universel.
Photo 14 : Lakpikine Agori Essis Jean,
Abrahman-kata, 87 ans, doyen d'âge d'Armébé.
Armébé, (enquête personnelle,
Août 2009).
Lakpikine Agori Essis Jean a 87 ans, il est membre de la
classe d'âge des Abrahman-kata. Il détient le titre de doyen
d'âge du village d'Armébé. Dans la génération
des Abrahman, ils sont deux à être en vie. Cependant, en raison du
mauvais état de santé du second, nous n'avons pas pu lui rendre
visite.
En sa qualité de doyen et eu égard à ses
connaissances, c'est vers lui que les autorités villageoises nous ont
orienté pour connaître l'histoire de l'êbeb, dont son
village en est l'inventeur et nous relater l'histoire de la provenance du
peuple Odjukru. A en croire ses propos, sa principale difficulté est
l'enflure du pied gauche qui est de nature à limiter ses
déplacements.
Sur la nature de ses rapports avec ses cadets êbebu, il
se sent respecté dans la mesure où il est consulté et
qu'il est considéré comme une personne de
référence. Il conseille aux jeunes de se détourner du
vol.
La deuxième partie, fondements anthropologiques de la
société Odjukru et sa vision du grand âge a
été déclinée en trois chapitres. On note que dans
la société Odjukru, il y a trois institutions sociales majeures
à savoir: le low, l'angbandji et l'êbeb qui ont pour fonction
d'assurer l'intégration sociale des membres. Le low est le niveau
primaire de socialisation et d'attribution d'identité collective
à une classe d'âge. L'angbandji est l'institution
intermédiaire qui confirme les vertus de savoir-être et de
savoir-faire acquis au cours du low. Ces vertus sont manifestes par la
possession de capitaux social, culturel et symbolique. Et l'êbeb qui est
l'institution la plus prestigieuse qui confère aux personnes
âgées le pouvoir politique. La fonction d'êbebu
elle-même ouvre la voie à l'appartenance à quatre
échelles honorifiques d'âge avancé.
Au niveau structurel, on constate que la société
Odjukru est régulée par les aînés sociaux. Au plan
idéologique, l'êbeb en tant que pouvoir gérontocratique est
légitimé par une légende qui contribue à anoblir le
grand âge et au plan symbolique, il y a des images ou
éléments matériels dont l'usage et le sens promeuvent le
grand âge.
Le régime gérontocratique Odjukru est
lui-même lié aux représentations sociales de la vieillesse
et de la longévité. Ces représentations sociales sont
dialectiques en ce sens qu'à la vieillesse rayonnante on associe la
longévité récompense et à la vieillesse
pathologique on fait correspondre la longévité punition. Ces
perceptions de la vieillesse et de la longévité
déterminent les rapports sociaux et influencent les conduites sociales.
C'est donc un ensemble de mécanismes sociaux qui
constituent des énergies vitales à un moment où
biologiquement les fonctions des organes du corps humains connaissent un
relâchement.
Selon le rapport au monde des Odjukru, il y a plusieurs
facteurs dont, l'observance contribue à élever la
probabilité pour les individus de connaître une longue
durée de vie. S'il est difficile d'établir entre ces facteurs une
classification rigide et hiérarchisée, on peut dire que les
facteurs social et métaphysico-religieux font l'objet d'une attention
particulière et sont évoqués de façon
récurrente.
Cependant en raison des trajectoires de vie spécifique,
on a une hétérogénéité de situation à
l'intérieur des strates sociales de personnes âgées. C'est
ce que nous laisse entrevoir l'analyse et l'interprétation des
données sur les caractéristiques socio-démographiques et
les conditions de vie des personnes âgées.
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