3.1.10-
Institutions féminines majeures chez les Odjukru
On distingue deux institutions sociales féminines
majeures chez les Odjukru. Ce sont le dédiakpo et le wawrouoka.
3.1.10.1- Dédiakpo
Le dédiakpo est la fête initiatique qui consacre
la puberté de la jeune fille, généralement entre
l'âge de 14 ans et 16 ans. On le célèbre dès
l'apparition des premières menstrues de la jeune fille. L'apparition des
menstrues consacre la maturité physique et sociale de la jeune fille. La
maturité physique signifie qu'au plan biologique, la jeune fille a tous
les atouts pour concevoir un enfant. La maturité sociale veut dire que
la jeune fille peut être donnée en mariage. C'est cette
dernière maturité qui nous intéresse ici.
En effet, dans la tradition Odjukru, la famille
présente à la célébration du dédiakpo sa
jeune fille à la communauté villageoise pour signifier
implicitement qu'elle peut être donnée en mariage eu égard
à sa maturité.
Mais comment la famille est-elle informée ?
La jeune fille qui voit apparaître ses premières
menstrues va discrètement dévoiler la nouvelle à sa
mère. Dès cet instant, une fête est organisée sur
trois semaines.
· Les étapes de la fête
Durant la première semaine de la fête, la jeune
fille porte des pagnes kita et des bijoux en argent blanc, signe de
pureté. Au cours de la deuxième semaine, elle est vêtue de
pagne de couleur rouge, avec des parures en or, pour symboliser l'éclat,
la présence et la joie d'acquérir ce statut. Pendant la
troisième semaine, elle s'orne de colliers et se vêt de pagnes en
design bigarré pour traduire la fin de la cérémonie. Elle
retrouve sa place ordinaire de membre de la société.
Au cours des trois semaines, elle fait le tour du village pour
saluer les différentes familles. Initialement, la totalité du
coût financier de la fête était pris en charge par le
prétendant au mariage pendant les trois semaines. Cependant, avec les
transformations sociales, aujourd'hui, la fête se déroule le plus
souvent en une semaine et les dépenses sont supportées par les
parents. A des périodes reculées, la faible proportion des femmes
relativement à celle des hommes explique cette innovation.
Hormis l'aspect financier de la fête, la
réduction du temps de la célébration de trois semaines
à une semaine serait liée à la sexualité
précoce des jeunes filles qui ont des rapports sexuels avant la
célébration de leur dédiakpo. En principe, il n'est pas
permis à la jeune fille d'avoir ce type de rapport avant son initiation.
Il y a eu des cas où les jeunes filles ayant eu des
rapports illégaux ont été enceintes avant le
dédiakpo. Pour éviter donc l'humiliation à la famille, les
parents décident précipitamment de célébrer la
fête avant l'apparition de la grossesse.
Le dédiakpo est l'unique fête qui distingue la
jeune fille des autres ; il est l'équivalent du low. Les hommes n'y
jouent pas de rôle majeur ici. Leur rôle est celui de pourvoyeurs
de fonds (couvrir les charges financières de la fête). C'est une
fête en l'honneur de la jeune fille; seules les femmes, en l'occurrence
les femmes âgées, interviennent. Elles s'occupent du protocole et
de la façon qu'il convient à la jeune fille de se vêtir et
de se tenir. A cette occasion, on nourrit les femmes âgées de la
famille. Si la chance sourit à la jeune fille, elle peut suite au
dédiakpo contracter un mariage et être mère. Elle va donc
célébrer une autre fête, le wawrouoka.
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