3.1.7-
Fonctions sociales majeures des êbebu
Les bénéficiaires de l'êbeb concentrent
entre leurs mains la totalité du pouvoir politique. Ce sont les trois
pouvoirs reconnus dans les Constitutions de la plupart des Etats modernes
à savoir les pouvoirs: exécutif, législatif et
judicaire.
· Le pouvoir exécutif
L'administration du village et la gestion de toutes les
affaires incombent aux êbebu. Ils veillent au respect des normes et au
fonctionnement des générations et classes d'âge. Ce sont
les responsables fonciers, ils assurent la coopération inter-
villageoise. Rien ne s'entreprend dans le village sans leur autorisation.
· Le pouvoir législatif
Les êbebu ont la charge d'adapter les lois sociales et
d'en élaborer de nouvelles en fonction des exigences inhérentes
à l'évolution de la société.
· Le pouvoir judicaire
Ils exercent la fonction de magistrat. A ce titre, ils
règlent les différends qui opposent les membres de la
communauté entre eux. Ils doivent rendre la justice et dire la
vérité.
Jadis, l'exercice de ces trois fonctions a permis aux
êbebu de maintenir l'harmonie sociale et de réguler la gestion des
villages. Mais la problématique actuelle est la force des pouvoirs des
êbebu à s'imposer à toute la communauté. Car nous
avons constaté que des conflits de leadership opposent entre eux des
êbebu issus d'un même village. Cette situation s'observe notamment
dans les villages de Yassap I et d'Armébé.
3.1.8-
Prestiges sociaux liés à la dignité d'êbebu
Photo 8 : Distinctions du point de vue
vestimentaire et postural entre un êbebu et un non êbebu.
Débrimou, (enquête
personnelle, Décembre 2009).
Dans le système socio-politique Odjukru, le statut
d'êbebu accorde des privilèges aux personnes
âgées. Le signe extérieur de ce prestige, c'est d'abord la
distinction quotidienne des êbebu du commun des hommes. Ils ont
ensuite le droit, eux et leurs prédécesseurs (post-êbebu),
de porter des chapeaux même lors des séances publiques. Ils ne
descendent pas leur pagne de l'épaule. Les non êbebu sont
tenus de garder la tête nue et de ramener le pagne qu'ils portent au
niveau de la ceinture.
Toutes les séances de prise de décision, toutes
les rencontres dans le village sont présidées absolument par les
êbebu; ce sont eux qui ouvrent solennellement les séances
et les closent. Ils ne sont pas soumis à des cotisations et ne vont pas
en guerre. Or, en Côte d'Ivoire, la pension des retraités
affiliés à la CGRAE a été pendant longtemps soumise
à l'impôt. Dans certains villages, ils sont exemptés de
travaux champêtres. A Débrimou et dans d'autres villages par
contre, parallèlement à l'exercice du pouvoir, les
êbebu peuvent exercer des activités économiques.
Cette particularité est due à l'avènement de
l'école conventionnelle et à l'exode rural des jeunes.
Au plan économique, la communauté s'organisait
pour subvenir aux besoins des êbebu. C'est ainsi qu'à
Débrimou, il y avait une plantation d'hévéas dont les
bénéfices de la production étaient répartis entre
les êbebu et leurs prédécesseurs. Mais, les
récriminations d'une partie du village qui n'en jouissait pas ont fait
mettre fin à cet avantage.
Tous les êbebu jouissent pendant l'exercice de
leur pouvoir d'une immunité socio-culturelle. Ce qui implique que quelle
que soit la faute commise de façon collective ou individuelle, il n'y a
pas de sanction et d'abrégement du pouvoir.
Sous l'arbre à palabre, l'annonce de l'arrivée
d'un êbebu commande de facto aux non êbebu,
c'est-à-dire aux individus ayant célébré le
low ou l'angbandji, présents à la rencontre de
garder le silence jusqu'à ce que l'êbebu prenne place et
les autorise à poursuivre leur communication.
Dans la société traditionnelle Odjukru, lorsque
le chasseur venait à abattre un animal, il offrait, sans contrainte
aucune, le thorax (poitrine) de l'animal à un êbebu. Par
ce geste, le donateur demandait implicitement des prières de
bénédiction pour des récoltes abondantes et pour une vie
harmonieuse.
En outre, la distribution des dons au sein de la
communauté obéit à la double loi d'égalité
et de proportionnalité. La loi d'égalité s'applique entre
les post-êbebu et les êbebu. Ils ont du point de vue quantitatif la
même part. Les générations qui précèdent
celle des êbebu sont soumises entre elles à la
proportionnalité. Ainsi, d'une génération
aînée à une génération cadette, la part des
aînées est plus importante que la part des cadettes.
De plus, il y a une autre différenciation selon que les
dons sont en espèce ou en nature. La première concerne les dons
en espèce (argent). Lorsque ce type de don est fait, la distribution se
fait de façon égale à commencer par les milacme
jusqu'aux êbebu. La deuxième concerne les dons en nature.
Lorsqu'un don en nature (un animal) est fait, la distribution est soumise au
droit d'aînesse. Ainsi, les êbebu reçoivent moins
que leurs prédécesseurs (post-êbebu).
Lors des assemblées, les êbebu et leurs
prédécesseurs ont des places spéciales qui leur sont
réservées. Si les non êbebu veulent les saluer, ils doivent
d'abord ôter le chapeau de la tête quand elle est couverte. Dans le
même sens, la dignité des êbebu leur confère
de garder à l'épaule l'autre bout du pagne qui recouvre le corps,
lorsqu'ils doivent intervenir en public. Or, obligation est faite aux non
êbebu d'enlever du dessus de l'épaule le bout du pagne
qui les recouvre et de ramener le pagne autour des reins.
A la mort d'un êbebu, en plus des
privilèges réservés aux funérailles de
l'angbandji, les fils du quartier de l'êbebu
défunt font le tour du village le jour de son enterrement. Et l'on
exécute une danse guerrière appelée yaye. Le
septième jour après son enterrement, l'on danse dans la cour du
défunt l'êtêkprê. L'êbebu défunt
a droit à l'hommage du tambour parleur appelé
«attigbani». L'honneur rendu à la mémoire de
l'êbebu défunt rappelle dans la société
moderne les honneurs rendus aux grands hommes d'Etat disparus. Aussi, faut-il
ajouter que l'êbebu à la retraite
bénéficient à ses obsèques de la danse du fusil
appeléé agbo-êdje. Les êbebu, dans
la gestion des affaires du village ont directement sous leurs ordres et
à leur service les générations plus jeunes.
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