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Collectes de fonds humanitaires (fundraising) : comment élaborer une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.


par Guillaume Dubus
Université Jean Moulin Lyon 3 - IAE Lyon - Master 2 Management et Communication 2019
  

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6. Les frontières du dicible

Les valeurs d'éthique et les devoirs déontologiques liés à la profession sont fièrement affichés par les organisations humanitaires. Ces principes ont été imaginés récemment par les humanitaires eux-mêmes et fixent désormais un cadre moral accepté et respecté par tous les acteurs. Dans cette partie, nous évoquerons les chartes qui contiennent des règles fixant les frontières du dicible mais servant aussi à renforcer la confiance et à générer des dons. Nous présenterons ensuite l'obligation de neutralité, qui sert de fondement à tout le travail humanitaire, comme une nécessité pratique à bien des égards. Enfin, nous critiquerons la surenchère permanente dans la présentation des chiffres et des statistiques, dans l'espoir d'avoir une portée plus grande.

6.1 L'éthique et la déontologie

L'éthique et la déontologie se sont progressivement inscrites comme des valeurs fondamentales de la communication humanitaire. Présent dans l'imaginaire de tous les acteurs du milieu, comme dans celui du public, ces principes font office de garde-fou dans le discours humanitaire et tracent les frontières du dicible.

Jusqu'au milieu des années 80, la communication humanitaire utilisait sans restriction des images indécentes pour montrer la misère et provoquer un choc du public. Pour Anne Fouchard, « l'exhibition, voire l'esthétisation de la souffrance, visant à susciter un choc émotionnel, manquent de respect à la personne photographiée, comme à celle qui reçoit l'image. L'émotion bascule vite de la compassion à la pitié en jouant sur la culpabilité93 ». Pour faire face aux nombreuses critiques que cela suscitait, les acteurs humanitaires ont réfléchi à la création de chartes de déontologie visant à respecter la dignité des personnes représentées. Aujourd'hui, ces chartes sont devenues des principes moraux que les ONG utilisent dans leur communication. Pour Yves Poirmeur, professeur de science politique, cela a été « un moyen de rassurer les donateurs et les bailleurs de fonds94 ». Face à plusieurs scandales comme celui de l'ARC, les associations ont fortement communiqué sur ces chartes afin de retrouver la confiance de leurs sympathisants.

De plus, avec cette volonté de transparence, les organisations humanitaires se sont regroupées à travers des « dispositifs crédogènes95 » comme Dons en confiance ou encore Association reconnue d'utilité publique. Ces labels ont émergé dans l'intérêt collectif de tout le secteur et ont permis de renforcer encore plus la confiance chez les donateurs. Selon une étude intitulée Baromètre de la Confiance, réalisée par TNS Sofres en septembre 2015, le label Don en confiance peut jouer un rôle d'incitation au don et de renforcement de la confiance pour 40 % des Français96.

À travers la certification de reconnaissance d'utilité publique, l'État apporte sa caution aux associations recevant de l'argent du public. La mise en place d'une loi permettant la défiscalisation des dons a imposé des contrôles financiers stricts de la part des institutions étatiques; un gage de plus de la transparence financière des ONG.

93 Fouchard, La communication des ONG humanitaires, p.139

94 Yves Poirmeur, La communication des ONG humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.103

95 Karpik L., L'économie des singularités (Paris, Gallimard, 2007), p.105 Cité par Poirmeur

96 « Baromètre de la confiance - Vague 8 - TNS Sofres pour le Comité de la Charte », (consulté le 18 mai 2019), https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2015.10.21-barometreconfiancedons.pdf

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PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire

Pour Anne Fouchard, « le succès de l'humanitaire dépend de la confiance qu'il inspire au public en général et au donateur en particulier97 ». Cependant, même si l'éthique est au coeur de la conduite d'une ONG et par ricochet du discours qu'elle propose, pour Pascal Dauvin, les ONG ajustent la contrainte éthique comme cela les arrange car elles sont confrontées au dilemme de la « rentabilité économique contre celui de la vertu98 », les enjeux sectoriels devenant parfois plus importants que les enjeux d'information ou de témoignage. Yves Poirmeur note qu'il serait bénéfique pour certaines associations méconnues d'outrepasser les règles déontologiques afin de se démarquer : « les transgressions des règles peuvent se révéler payantes, surtout pour les organisations nouvelles ou marginales99. »

Mais dans ce cas, quelle limite se fixer?

6.2 La neutralité

La neutralité est l'autre grande position défendue par les humanitaires qui impacte le discours. Mais étrangement, cette neutralité découle moins d'un principe que de nécessités pratiques. D'un point de vue opérationnel, être publiquement neutre est une nécessité pour avoir accès aux victimes sans être affilié aux parties prenantes des conflits. En évitant de prendre parti, les OSI ne froissent personne, ce qui leur permet d'obtenir les autorisations nécessaires pour exercer dans un pays et de garantir la sécurité des équipes sur le terrain. Pascal Dauvin pointe ce risque éventuel : « parler des crises en dénonçant les responsables peut être dangereux pour les expatriés et pour les programmes qui risquent d'être interrompus100. »

Le positionnement neutre répond aussi à des contraintes économiques car beaucoup de programmes sont financés par des bailleurs institutionnels, liés soit aux États, soit à l'Union Européenne, soit aux organisations internationales. Prendre position contre ces institutions serait déloyal et risqué pour la pérennité des financements dans le cas où elles auraient une autre lecture de la crise. La neutralité devient alors une facilité pour faire face à cette contrainte et s'abstenir de contester ses partenaires.

Enfin, en refusant tout positionnement politique et en revendiquant des valeurs apolitiques, les ONG se maintiennent à distance des États et se montrent comme faisant partie de la société civile. Cette dépolitisation permet de s'adresser au plus grand nombre en évitant de critiquer des idées politiques opposées ou de heurter le conservatisme de leurs sympathisants. De plus, parmi ces derniers, certains se méfient des politiques et sont fatigués par leurs discours. Il est donc plus pertinent de leur délivrer un message concret orienté vers l'action pour les séduire, plutôt qu'un point de vue politique. La neutralité est ici une nouvelle fois une question de convenance.

97 Fouchard, La communication des ONG humanitaires, p.132

98 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.24

99 Poirmeur, La communication des ONG humanitaires, p.104

100 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.28-29

PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire

6.3 La surenchère des chiffres

La concurrence impose une surenchère des chiffres. David Rieff, analyste politique et grand reporter américain, l'explique : « pour que l'on prête attention à une crise, le langage utilisé doit être apocalyptique. On doit surévaluer le nombre de morts, de réfugiés et de dégâts causés. Agir autrement risquerait de ne pas mobiliser le minimum d'aide nécessaire101. » Le problème avec ce genre de pratique, c'est qu'à chaque nouvelle crise, les ONG placent la barre toujours plus haute. Urs Boegli, ancien chef du service de presse du CICR, témoigne en ce sens et va plus loin : « les chiffres choquants augmentent naturellement vos chances de passer au journal télévisé du soir102. » Les discours catastrophistes sont en effet les plus repris, et donc les plus audibles. Ce sont finalement les mêmes leviers qui ont les mêmes effets, dans le domaine de la télévision comme dans celui de l'humanitaire.

En fixant les limites du dicible et en établissant des règles déontologiques qui garantissent que la communication n'entache pas leur mandat moral, les ONG ont renforcé la confiance de leurs sympathisants et peuvent communiquer librement à l'intérieur des règles qu'elles se sont fixées.

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101 David Rieff, « Quand les acteurs humanitaires pratiquent la surenchère... », Grotius International, 30 novembre 2011, (consulté le 26 mars 2019), https://grotius.fr/quand-les-acteurs-humanitaires-pratiquent-la-surenchere.../

102 Urs Boegli, « Les relations entre organismes humanitaires et médias : quelques réflexions - CICR », Revue internationale de la Croix-Rouge, 28 mai 1998, (consulté le 25 mars 2019), https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/misc/5fzg67.htm

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PARTIE II - Approche économique et sociologique du don

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe