MÉMOIRE DE RECHERCHE
Collectes de fonds humanitaires (Fundraising):
comment élaborer une stratégie de communication digitale
adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.
Rédigé par Guillaume DUBUS
Septembre 2019
MASTER MANAGEMENT ET COMMUNICATION
GUILLAUME DUBUS
MÉMOIRE DE RECHERCHE
Collectes de fonds humanitaires (Fundraising) : comment
élaborer une stratégie de communication digitale
adaptée aux nouveaux profils de donateurs particuliers.
Soutenu publiquement le 5 septembre 2019 à 9h30 à
l'Université Jean Moulin Lyon 3
Tutrice académique : Marie-Élizabeth
Cossalter (iaelyon) Tuteur en entreprise : Guillaume
Decoudin (UNHCR)
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier les personnes qui ont contribué de
près ou de loin à la rédaction de ce mémoire.
Tout d'abord je voudrais exprimer ma reconnaissance à
Mme Marie-Elisabeth Cossalter, directrice de ce mémoire
et responsable pédagogique du master Management et Communication de
l'iaelyon, pour m'avoir guidé tout au long de ma réflexion et
aidé à définir une problématique captivante et
utile pour le développement de ma carrière. Je tiens à
saluer sa disponibilité mais aussi sa franchise qui m'ont permis de
nourrir ma réflexion et de mûrir mon sujet.
Je remercie ensuite mes deux tuteurs de stage
Ségolène Lavernhe et Guillaume
Decoudin, travaillant tous deux au sein du service Partenariats
Secteur Privé (PSP) de l'UNHCR, le Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés. À travers leurs conseils et le partage
de leur point de vue, ils ont été une ressource précieuse
pour alimenter mon étude et enrichir ma recherche documentaire.
J'aimerais associer à ces remerciements tous les
membres du service PSP et plus largement du HCR France pour m'avoir
intégré dans leur équipe et transmis leurs connaissances,
lors des nombreux projets que nous avons réalisés pendant cette
année passée ensemble. Je remercie particulièrement
Charlotte Pinet, directrice du développement pour sa confiance ainsi
qu'Estelle Morange et Fadma Moumtaz pour les entretiens qu'elles m'ont
accordés et qui m'ont permis de peaufiner mon analyse.
Enfin je remercie les personnes de mon entourage pour leur
patience, leurs encouragements et leurs conseils avisés.
AVANT-PROPOS
Dans ce mémoire, nous faisons le choix d'utiliser un
vocabulaire spécifique qui ne doit pas, dans certains cas, être
pris au sens strict. Par exemple, nous utilisons le terme
générosité comme le font la plupart des
études, pour désigner d'une part, le « fait d'effectuer un
don librement consenti, gratuit et désintéressé, [et
d'autre part] le produit de ce don », réel et quantifiable. Il ne
fait en aucun cas « référence à un jugement de valeur
d'ordre moral [...][et ne s'attarde] ni sur les déterminants
psychologiques ou sociologiques, ni sur la dimension subjective de cette notion
» 1.
De la même façon, les mots ONG,
OS!, AS!, associations, organisations,
structures sont utilisés à tour de rôle sans
rationalité particulière, bien que nous soyons conscients des
différences significatives que ces termes comportent. Il y a dans ce
choix la volonté de fluidifier la lecture en variant le vocabulaire pour
éviter les répétitions de mots.
Certaines idées sont rappelées volontairement
dans plusieurs parties afin d'insister sur certains propos mais aussi permettre
une bonne compréhension, même lors d'une une lecture transversale
ou d'une partie seulement de cette étude.
1 « Panorama national des générosités
», p.3, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/rapport_generosite4.pdf
SOMMAIRE
LEXIQUE, SIGLES ET ACRONYMES 5
INTRODUCTION 7
PRÉAMBULE - Chapitre 1 État des lieux du secteur de
l'humanitaire en France 9
1. Définitions et origines 9
2. Dépasser la dichotomie entre urgence et
développement et appréhender l'avenir 10
3. Les différents acteurs de l'humanitaire
11
3.1 Les entités structurées 11
3.2 Les entités individuelles 12
4. Les raisons de l'engagement 14
PRÉAMBULE - Chapitre 2 Contexte de la problématique
17
PARTIE I - État de l'art de la communication humanitaire
19
1. Origines et enjeux 19
2. Les différents objectifs 20
2.1 Informer, sensibiliser, conscientiser 20
2.2 Témoigner 23
2.3 Faire du plaidoyer 24
2.4 Collecter 25
2.5 Mobiliser 26
2.6 Les limites à appréhender 27
3. La professionnalisation de la communication
humanitaire 29
3.1 Des nouveaux outils et des nouveaux acteurs 29
3.2 Communication versus marketing 30
3.3. Une professionnalisation qui nourrit la
professionnalisation 31
4. Les coproducteurs du discours humanitaire
32
5. Les composantes de la communication humanitaire
34
5.1 Le marketing social 34
5.2 Des images pour créer l'émotion 37
5.3 Une communication centrée sur la figure victimaire
37
5.4 Une communication qui s'appuie sur les droits fondamentaux
39
5.5 L'utilisation d'influenceurs 40
5.6 Une rhétorique basée sur des modèles
40
6. Les frontières du dicible 42
6.1 L'éthique et la déontologie 42
6.2 La neutralité 43
6.3 La surenchère des chiffres 44
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
45
1. Approches définitionnelles 45
2. Origines et évolutions 47
2.1 Un principe ancré dans les religions 47
2.2 Un marché structuré qui draine des sommes
colossales 48
2.3 Le régime fiscal incitatif comme moteur du don 49
2.4 Une tendance à la baisse inédite 49
2.5 Un secteur qui évolue à travers de nouveaux
canaux d'acquisition 50
3. Approche marketing du fundraising 51
3.1 Des techniques marketing qui optimisent la conversion 51
3.2 Une temporalité propre au secteur 52
4. Les différents types de dons humanitaires
53
4.1 Don en nature 54
4.2 Don de temps 55
4.3 Don financier 56
4.4 Don de la main à la main 56
4.5 Legs et autres libéralités (donations,
assurances-vie) 56
4.6 Parrainage 57
4.7 Partenariat humanitaire 58
5. Les causes soutenues 62
6. La typologie des donateurs 63
6.1 Aperçu des profils de donateurs grâce aux
statistiques globales 63
6.2 Focus personae 66
7. Les motivations des donateurs 69
7.1 La confiance 69
7.2 L'appartenance à une communauté 69
7.3 Le statut et la classe sociale 70
7.4 Des motivations propres à chacun 70
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale 73
1. Un contexte propice à la digitalisation
73
2. Les pratiques digitales des Français
75
3. Les pratiques digitales des donateurs français
77
4. Les formes émergentes de communication
humanitaire et de collecte digitale 79
4.1 L'utilisation d'influenceurs, de micro-influenceurs et du
crowdfunding 79
4.2 Les réseaux sociaux, nouvel eldorado ? 83
4.3 L'utilisation de la réalité virtuelle 93
4.4 La genèse des crypto-monnaies et des technologies de
blockchain 97
4.5 L'utopie du don gratuit 99
4.6 Les native Advertising 101
4.7 La générosité embarquée 101
4.8 Les courses solidaires 103
4.9 Rapprocher les crises lointaines 106
4.10 L'apparition du matching fund public-privé 107
5. Les pratiques publicitaires innovantes adaptables
à l'univers caritatif 109
5.1 Des publicités en temps réel et
contextualisées 109
5.2 Des formats courts, enrichis et interactifs 111
5.3 La réalité augmentée 112
5.4 Les chatbots au service de la conversion et de la relation
client 113
5.5 L'avènement de l'intelligence artificielle 114
CONCLUSION - Préconisations: la recette d'une
communication digitale engageante 115
BIBLIOGRAPHIE 119
LEXIQUE, SIGLES ET ACRONYMES
LEXIQUE, SIGLES ET ACRONYMES
ACF Action contre la Faim
AFD Agence Française de
Développement
AFF Association Française des
Fundraisers
AR Augmented reality ou réalité
augmentée en français
ARC Association pour la recherche sur
le cancer
ASI Association de
solidarité internationale
B2B ou BtoB Business to
business, en français communication entre professionnels
B2C ou BtoC Business to client,
en français communication entre professionnels et clients
BMGF Fondation Bill-et-Melinda-Gates CARE
Cooperative for Assistance and Relief Everywhere
CDCS Centre de crise du ministère de
l'Europe et des Affaires étrangères
CERPHI Centre d'Étude et de Recherche sur
la Philanthropie
CICR ou ICRC Comité
international de la Croix-Rouge
CRM Customer Relationship Management en anglais
ou Gestion de la relation client en français
CRS Catholic Relief Service
CSG Contribution sociale
généralisée
CTA Call to Action en anglais ou bouton
d'appel à l'action en français
DCO Dynamic creative optimization DGFIP
Direction générale des Finances publiques
ECHO Protection civile et opérations
d'aide humanitaire européennes
Empowerment Parfois traduit en français
par autonomisation, ce terme définit l'octroi davantage de pouvoir
à des individus ou à des groupes pour agir sur les conditions
sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils
sont confrontés
Fundraiser Professionnel du marketing
en charge de la collecte de fonds au sein d'une organisation
Fundraising Levée ou collecte de
fonds utilisant des méthodes de marketing direct
HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés
HI Handicap International - Humanité
&
5
Inclusion
IA Intelligence artificielle, AI en
anglais pour Artificial Intelligence
IFI Impôt sur la fortune
immobilière
IRC International Rescue Committee
ISF Impôt de solidarité sur la
fortune
MDM Médecins du Monde
MSF Médecins Sans Frontières
NTIC Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication ODD Objectifs de développement durable
OMD Objectifs du millénaire pour le
développement
ONU Organisation de Nations Unies OSBL
Organismes sans but lucratif
OSI Organisation de
solidarité internationale
OXFAM Oxford Committee for Famine Relief
PACA Provence-Alpes-Côte d'Azur
PAF Paysage audiovisuel français
PME Petite ou moyenne entreprise (moins de 249
salariés - CA < 50 millions d'euros)
PUI Première Urgence International
RDC République démocratique du
Congo
RGPD Règlement général sur
la protection des données
ROI Return on invest, retour
sur investissement en français
RSE Responsabilité sociétale
des entreprises
SEA Search Engine Advertising, désigne
le référencement payant sur Internet
SEO Search Engine Optimization
ou référencement naturel en français. Ensemble de
techniques visant à optimiser la visibilité d'un contenu dans un
moteur de recherche
SI Solidarité International
TPE Très petite entreprise ou
microentreprise (moins de 10 salariés - CA < 2 millions
d'euros)
UNHCR United Nations High Commissionner for
Refugees
VR Virtual reality ou réalité
virtuelle en français
WWF World Wildlife Fund
6
7
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Les organisations humanitaires évoluent dans un
contexte où les subventions publiques et institutionnelles sont de plus
en plus limitées alors que les besoins humanitaires grandissent et que
les frais de fonctionnement des structures augmentent. Pour pouvoir
réaliser leurs objectifs et se donner les moyens de leur ambition, ces
organisations, qui ressemblent de plus en plus à de véritables
entreprises, doivent diversifier leurs ressources financières. La
collecte de fonds auprès des particuliers et des partenaires
privés se présente comme une opportunité mais la
concurrence est réelle et les organisations contraintes d'utiliser le
pouvoir de la communication et les astuces du marketing pour se rendre visible
et se démarquer.
En faisant appel à la générosité
des donateurs, les associations peuvent financer de manière autonome et
flexible les projets de leur choix, ce qui leur permet de s'affranchir des
contributions institutionnelles ou des bailleurs publics et leur offre une plus
grande liberté d'action et de parole.
Pour mon stage de master 2, réalisé dans le
cadre du programme Management et Communication de l'iaelyon, j'ai eu l'occasion
d'intégrer le service Partenariats avec le Secteur Privé (PSP) du
HCR France, dédié spécialement à la
thématique du fundraising et qui oeuvre à la fois sur des
problématiques de communication et de marketing pour collecter des fonds
auprès des Français.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés (UNHCR) a été créée en 1950,
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour venir en aide aux populations
déplacées. Elle est aujourd'hui présente dans 134 pays
pour conduire et coordonner l'action internationale pour la protection des
personnes déracinées à travers le monde. Mandatée
par la communauté internationale pour garantir la protection des
réfugiés, des déplacés internes, des apatrides, des
demandeurs d'asile et des rapatriés, l'organisation agit dans l'urgence
mais aussi pour la recherche de solutions durables. L'UNHCR s'appuie sur des
contributions volontaires de la part des États et d'institutions
internationales ainsi que de la générosité des
particuliers, des grands donateurs et des entreprises privées pour
mettre en oeuvre ses programmes de protection, venir en aide aux plus
vulnérables mais aussi sensibiliser le grand public sur l'importance et
le devoir de soutenir ces personnes déracinées.
« Nous vivons une époque d'une extraordinaire
complexité où les violences se multiplient, les conflits n'en
finissent plus de durer et des dizaines de millions de personnes sont en fuite,
ou déracinées de force [...]. Leur résilience nous inspire
et nous rappelle que toutes les contributions, grandes ou petites, peuvent
avoir un impact. À ceux qui continuent de faire preuve de compassion et
d'empathie et d'incarner les vraies valeurs de l'humanité, je souhaite
dire combien je suis touché par votre solidarité, votre
générosité et votre hospitalité [...]. Ensemble,
nous avons une puissance que nul ne saurait mesurer. »2
Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour
les réfugiés - 2018
2 « À l'occasion du Ramadan, le chef du HCR appelle
à « une action fondée sur la compassion » »,
UNHCR, 16 mai 2018, (consulté le 22 août 2019),
https://www.unhcr.org/fr-fr/news/stories/2018/5/5afae3eda/loccasion-ramadan-chef-hcr-appelle-action-fondee-compassion.html
INTRODUCTION
À travers ces mots, Filippo Grandi, Haut-Commissaire de
l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), rappelle la
nécessité d'une action collective à l'égard des
réfugiés et l'importance des contributions de chacun. Un appel
à la générosité qui va dans le sens de la
stratégie de financement de l'UNHCR qui s'oriente désormais vers
le développement des partenariats du secteur privé et des dons
individuels. En effet, l'organisation onusienne a récolté en 2018
un total de 422,7 millions de dollars américains auprès des
donateurs du secteur privé, sur un budget total de 8,22 milliards de
US$. Des contributions qui n'étaient que de 70 millions de US$ en 2010
et qui ont pour objectif de doubler d'ici 2025 : « Une étape
importante a ainsi été franchie en direction de l'objectif du
HCR, qui est de collecter 1 milliard de dollars auprès de partenaires du
secteur privé d'ici 2025. »3
Pour garder une cohérence avec mon stage, j'ai choisi
d'orienter mon mémoire de fin d'études sur le sujet des collectes
de fonds humanitaires et plus spécifiquement sur le rôle
joué parla communication digitale pour susciter la
générosité du public. Dans ce cadre, nous tenterons de
répondre à la problématique suivante : Collectes
de fonds humanitaires (Fundraising) : comment élaborer une
stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux profils
de donateurs particuliers.
Pour ce faire, nous définirons en préambule ce
qu'est l'humanitaire en rappelant ses origines, ses acteurs et en
détaillant les enjeux actuels auxquels le secteur est confronté.
Nous exposerons aussi dans un chapitre dédié, le choix de cette
problématique ainsi que le contexte dans lequel elle s'inscrit. Notre
réflexion s'articulera ensuite en trois parties. Nous ferons une
première revue documentaire pour comprendre comment s'organise et se
structure la communication humanitaire. Dans une seconde synthèse
documentaire, nous explorerons les multiples formes de don et les
différents profils de donateurs avant d'analyser, à travers une
approche socio-économique, les moteurs de la
générosité et les motivations liées à cet
élan philanthropique. Enfin, dans une troisième partie, nous
ferons une veille sur les innovations dans le domaine du fundraising, un
secteur qui est amené à évoluer pour s'adapter aux
nouveaux profils de donateurs et aux nouveaux usages, notamment
numériques. Afin d'avoir un panorama complet des possibilités,
nous listerons les innovations marketing qui se pratiquent dans d'autres
secteurs et qui seraient adaptables au domaine humanitaire. Nous conclurons sur
des préconisations qui regrouperons, sous forme de points-clés,
les bonnes pratiques pour concevoir une communication engageante.
8
3 « Rapport Global 2018 UNHCR » (UNHCR), p.44,
(consulté le 22 août 2019),
http://reporting.unhcr.org/sites/default/files/gr2018/pdf/GR2018_French_Full_lowres.pdf
9
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
En préambule de ce mémoire dont le propos est
centré sur la communication humanitaire, il convient de
s'intéresser au domaine dans lequel il s'inscrit, à savoir
l'humanitaire. Dans cette entrée en matière qui se veut
succincte, nous partirons des origines du mouvement avant de détailler
les enjeux actuels, d'en définir les acteurs et de déterminer les
moteurs qui font aujourd'hui avancer des organisations décrites parfois
comme des « entreprises de charité ». Nous évoquerons
les raisons qui motivent les différentes parties prenantes, qu'elles
soient bénévoles, volontaires, salariés, donateurs,
entreprises privées car c'est grâce à leur engagement que
l'action humanitaire existe et participe à rendre ce monde meilleur.
1. Définitions et origines
Dans l'étymologie du mot humanitaire, dont la
première mention est relevée en 1835 sous la plume de Lamartine,
nous retrouvons l'humanité et par extension l'homme. Ces deux termes
sont au coeur de l'action humanitaire, c'est pourquoi les définitions
s'en inspirent. Le Larousse propose une définition
générale : « [l'humanitaire] s'intéresse au bien de
l'humanité [et] cherche à améliorer la condition de
l'homme4. » Au-delà d'une définition
dépourvue de son contexte, nous pouvons nous intéresser à
l'approche de Rony Brauman, médecin et ancien président de MSF,
qui en décrit le sens initial dans un ouvrage sur ses origines : «
L'humanitaire est une disposition d'esprit philanthropique, une attitude de
confiance en l'humanité considérée comme un
tout5. » Utilisé premièrement comme qualificatif,
le mot humanitaire a évolué vers une forme d'action et
décrit désormais un dispositif régit par un ensemble de
normes et d'obligations. Le site spécialisé Solidaire-info le
définit comme une action qui utilise des moyens pacifiques et qui
cherche, au nom de la solidarité, à « préserver la
vie dans le respect de la dignité et à restaurer l'homme dans sa
capacité de choix6 ». Cette démarche s'adresse
principalement aux populations vulnérables en offrant des services
gratuits pour tous, sans aucune discrimination.
Puisant ses origines dans les confréries religieuses
puis autour du Mouvement international de la Croix-Rouge, l'humanitaire moderne
apparaît au XXème siècle avec la naissance de
plusieurs organisations qui souhaitent venir en aide aux victimes des deux
guerres mondiales. Des noms aujourd'hui évocateurs, comme Save The
Children ou Oxford Committee for Famine Relief (OXFAM), voient le jour en
Grande Bretagne ainsi qu'aux USA avec les naissances d'International Rescue
Committee (IRC), de Catholic Relief Service (CRS) ou encore de
Cooperative for Assistance and Relief Everywhere (CARE)... Au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, la priorité des États est de maintenir
la paix. Dans ce sens, ils créent l'Organisation des Nations Unies en
1945 pour assurer plusieurs mandats dont ceux de faire respecter les droits de
l'homme et le droit international humanitaire. Ce dernier, qui régit
toute l'action humanitaire, s'appuie fortement sur les Conventions de
Genève pour fixer un cadre à la guerre et des règles de
protection des civils (comprenant aussi les membres du personnel sanitaire
ou
4 Éditions Larousse, « Définitions:
humanitaire - Dictionnaire de français Larousse », (consulté
le 4 avril 2019),
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/humanitaire/40620
5 Rony Brauman, « Chapitre premier. Aux origines
», Que sais-je? 3e éd. (1 novembre 2018): p.7-28,
(consulté le 6 mai 2019),
http://www.cairn.info/la-medecine-humanitaire--9782130809234-page-7.htm
6 « Humanitaire, Développement, Urgence »,
solidaire-info, (consulté le 28 mars 2019),
https://www.solidaire-info.org/domaines/humanitaire-developpement-urgence
10
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
d'organisations humanitaires) et de ceux qui ne prennent plus
part aux combats (les blessés, les malades, les prisonniers de guerre).
La première Convention de Genève de 1864 est
considérée comme l'acte de naissance du droit international
humanitaire contemporain. Tournée vers le traitement des victimes de
guerre, elle a permis de « transformer les dispositions d'esprit
bienveillantes, jusqu'alors laissées à la discrétion des
chefs militaires, en un traité diplomatique devant être
appliqué en tout temps et tout lieu7 ».
Dans les années 70, l'humanitaire se développe
fortement avec l'apparition des organisations « sans-frontiéristes
», à l'image de Médecins Sans Frontières (MSF) ou de
Médecins du Monde (MDM). En décidant de rompre avec les
organisations internationales traditionnelles liées aux Nations Unies ou
à la Croix Rouge pour lesquelles ils travaillent, les « French
doctors » créent leurs propres structures qu'ils souhaitent
indépendantes des États (non gouvernementales) et de leurs
financements. En plus des actions purement opérationnelles, ils
cherchent à s'appuyer sur l'opinion publique pour pouvoir prendre
à témoin et interpeller, une nouvelle approche qui a
bouleversé la manière de communiquer et donné un nouveau
rôle à la communication humanitaire.
2. Dépasser la dichotomie entre urgence et
développement et appréhender l'avenir
D'une manière globale, les missions humanitaires
peuvent être regroupées en deux grandes catégories:
l'urgence et le développement.
L'urgence se déclenche à la suite d'une crise,
d'un conflit ou d'une catastrophe naturelle. La notion de temps est cruciale
car il s'agit d'intervenir le plus rapidement possible pour apporter une aide
vitale qui comprend des soins médicaux, des biens de première
nécessité, de l'eau et de la nourriture, une protection... Il
s'agit de porter secours et assistance aux personnes en difficulté
à travers des actions qui sont prévues sur le court ou moyen
terme.
Le développement s'organise davantage sur du long terme
et vise à apporter des solutions durables aux populations locales afin
qu'elles puissent améliorer leur condition de vie de manière
autonome, en particulier lorsque les structures humanitaires ont terminé
leur mission. L'idée est de redonner le pouvoir aux individus pour
qu'ils agissent sur leur condition et qu'ils trouvent des solutions
d'amélioration par eux-mêmes. L'accroissement des dispositions de
cash assistance, qui consistent à donner de l'argent liquide ou
des cartes de débit directement aux bénéficiaires,
soutiennent cette idée et limitent l'assistanat. Cette approche est
très en vogue dans le milieu humanitaire, qui rassemble ces pratiques
sous le terme empowerment, parfois traduit en français par
autonomisation.
Ces deux dimensions étaient jusque-là
séparées mais de plus en plus d'organisations envisagent leur
travail avec une vision globale et préfèrent ne pas faire de
distinction. Cette perception de l'humanitaire est particulièrement
salutaire pour les missions d'urgence qui se poursuivent sur le long terme avec
une démarche de développement.
Dans une société où il essuie de
nombreuses critiques au sujet de ses dérives ou de sa capacité
à rendre le monde meilleur, l'humanitaire doit évoluer et se
fixer de nouveaux caps. Après avoir suivi les huit Objectifs du
millénaire pour le développement, proposés par l'ONU
et adoptés par 193 pays en 2000, l'ensemble des acteurs a
désormais pour ambition les dix-sept Objectifs de
développement durable qui « donnent la marche à suivre
pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous ».
7 Brauman, « Chapitre premier. Aux
origines»
11
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
Lutte contre la pauvreté, éradication de la
faim, santé, éducation, égalité entre les sexes,
consommation responsable (...), ces objectifs représentent les grands
enjeux humanitaires auxquels le monde est confronté et sur lesquels il
faut oeuvrer à l'horizon 2030 « pour assurer la paix et la
prospérité pour les peuples et la planète
»8. Pour y parvenir, les organisations ont besoin de
financements qu'elles obtiennent en se démarquant de la concurrence.
Comment ? C'est un des challenges actuels du secteur, auquel nous tenterons
d'apporter des réponses dans ce mémoire.
3. Les différents acteurs de l'humanitaire
Parmi les nombreux acteurs qui composent la sphère
humanitaire, nous pouvons distinguer les entités structurées, qui
regroupent les ONG, différents types d'institutions, d'organisations et
de fondations. Ces structures fonctionnent elles-mêmes grâce
à l'implication d'entités individuelles, composées de
personnes ayant différents statuts : salariés,
bénévoles, volontaires, adhérents ou simples donateurs.
3.1 Les entités structurées
Les programmes humanitaires se sont énormément
développés depuis la Seconde Guerre mondiale avec la
multiplication des conflits et des catastrophes naturelles dues au changement
climatique. Par la même occasion, le nombre d'acteurs a fortement
augmenté. Ils se distinguent suivant leur statut dont voici une liste
non exhaustive :
§ les Organisations non-gouvernementales comprenant les
Associations ou Organisations de solidarité internationale (MSF - MDM -
HI). Une étude récente, réalisée par Coordination
Sud, en dénombre 413 environ en France9 ;
§ les institutions gouvernementales (Centre de crise et
de soutien du MEAE - AFD) ;
§ les organisations internationales et
intergouvernementales (ONU - UNHCR - ECHO - OCDE);
§ les fondations d'entreprise ou les fonds de dotation
(Bill-et-Melinda-Gates - Sanofi Espoir -Chanel).
Le sigle ONG, qui réfère à une
Organisation non gouvernementale, ne relève d'aucun statut juridique
légal, c'est pourquoi il n'existe aucune définition juridique
qualifiant ce type de structure. Néanmoins répertorié dans
l'article 71 de la charte des Nations Unies10, ce terme
désigne la plupart des organisations humanitaires, régies en
France sous le statut d'association de loi 1901 ou de fondation
d'utilité publique. Selon le site Solidaire-info, il s'agit d'une «
appellation attribuée selon certains critères : l'origine
privée de sa constitution, le but non lucratif de ses actions,
l'indépendance financière, la neutralité politique et la
notion d'intérêt public11 ». L'abréviation
ONG est très utilisée dans l'humanitaire, plus par
commodité de langage que par réelle convention, même si les
professionnels du secteur préfèrent de plus en plus utiliser les
dénominations Association de solidarité internationale (AS!)
ou Organisation de solidarité internationale (OS!). Dans
ce mémoire, nous utiliserons à tour de rôle ces
différents acronymes sans pour autant respecter une réelle
convention de langage.
8 « ONU - Objectifs de développement durable »,
Nations Unies, (consulté le 6 mai 2019),
https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
9 « Etude-Argent-ASI-2012-2016-vf_BD-1.pdf », p.16,
(consulté le 11 avril 2019),
https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/Etude-Argent-ASI-2012-2016-vf_BD-1.pdf
10 « Charte des Nations Unies - Chapitre X », Nations
Unies, 17 juin 2015, (consulté le 13 avril 2019),
https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-x/index.html
11 « Associations et ONG | Solidaire »,
(consulté le 13 avril 2019),
https://www.solidaire-info.org/acteurs/associations-et-ong
12
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
Les fondations d'entreprise prennent une part de plus en plus
grande dans le financement des programmes, bien que la France soit toujours en
queue de peloton en Europe: « On observe dans la majorité des pays
européens, un boom du secteur des fonds et fondations depuis deux
à trois décennies12. » L'Europe compte
aujourd'hui 130 000 fondations13, encouragées par des
évolutions fiscales qui incitent les entreprises à investir dans
des causes collectives, à vocation sociale. Cette forme de
mécénat est alors utilisée comme un outil de communication
au même titre que la RSE (Responsabilité Sociétale des
Entreprises) et contribue à améliorer l'image des entreprises en
montrant publiquement leur engagement philanthropique. Certaines organisations
humanitaires, à l'instar de HI (Handicap International), ont leur propre
fondation, ce qui leur offre des possibilités juridiques
supplémentaires par rapport à leur statut associatif. Sur leur
site Internet, la fondation HI Vivre Debout en détaille les objectifs
qui sont, d'une part liés à la veille du secteur et de l'autre
à l'analyse géopolitique, à l'innovation pour inventer les
solutions humanitaires de demain et à la formation de professionnels sur
le terrain.
Ces familles peuvent se subdiviser en plusieurs
catégories pour classifier plus précisément chacune
d'entre elles. Dans ce mémoire, nous nous focaliserons sur les ONG
humanitaires et de plaidoyer mais il est utile de préciser qu'il existe
aussi des ONG de protection de l'environnement, des ONG de défense des
animaux... Toutes ces entités structurées composent les maillons
d'une chaîne comprenant d'un côté des bailleurs de fonds qui
financent des programmes et de l'autre, leurs partenaires d'exécution
chargés de les mettre en oeuvre. Les organisations citées
précédemment peuvent avoir différents rôles en
fonction des programmes, tantôt financeur, tantôt opérateur
exécutif. Certaines missions sont entièrement financées en
fonds propres par une seule organisation alors que parfois des tâches
sont sous-traitées à des partenaires, divers montages sont
possibles.
3.2 Les entités individuelles
Les entités structurées, dont nous avons
parlé précédemment, fonctionnent grâce à
l'implication d'entités individuelles ayant différents statuts.
Ci-dessous une proposition de catégories conforme à la plupart
des cas mais qui pourrait être vue différemment.
Les salariés permanents:
Ils travaillent au siège et assurent le support des
équipes sur le terrain. Tous les métiers habituels sont
représentés, du comptable au responsable des
ressources humaines en passant par le chargé de communication, auxquels
s'ajoutent les fonctions spécifiques comme responsable de programmes,
fundraiser, directeur médical...
12 « Panorama de la philanthropie en Europe », p.29,
(consulté le 6 avril 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/philanthropie_en_europe_2015.pdf
13 « Panorama de la philanthropie en Europe », p.2
13
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
Les volontaires:
Les volontaires perçoivent une indemnité de
subsistance, plus ou moins conséquente en fonction des
structures et des missions, destinée à couvrir
leurs frais et subvenir à leurs besoins. Nous pouvons citer dans ce
groupe les professionnels locaux qui constituent une grande partie des
équipes de terrain. Les organisations internationales s'appuient sur
leurs compétences, leur connaissance du tissu local et leur
proximité culturelle avec les bénéficiaires pour mener
à bien leurs missions. Même si certains enchaînent les
mandats d'une région à l'autre, devenant de véritables
professionnels de l'humanitaire, une majorité continue d'exercer le
même métier qu'ils faisaient avant qu'une crise n'éclate et
n'ébranle les dispositifs en place. C'est le cas du personnel
médical d'un hôpital par exemple, qui continue de pratiquer comme
avant mais désormais sous contrat avec une ONG. Lorsque le
système de santé d'un pays est mis à mal, les
organisations humanitaires prennent le relais des États pour relancer et
financer les structures comme les hôpitaux, les centres de santé
ou les maternités. Travailler avec des employés locaux
présente de nombreux avantages car ils connaissent bien la
problématique, parlent la même langue que les
bénéficiaires, ont une proximité avec les autorités
locales, coûtent moins cher qu'un expatrié et nécessitent
des procédures administratives simplifiées (...).
Au-delà de ces facilités pratiques, il y a de
nos jours une vraie volonté de la part des ONG de travailler avec des
équipes locales, d'une part car cette trajectoire s'inscrit totalement
dans la démarche d'empowerment que nous avons
évoquée précédemment, et d'autre part, car cela
participe indirectement à relancer l'économie locale (approche de
développement).
Les expatriés:
Le personnel international est une autre catégorie de
travailleurs envoyé sur le terrain par les ONG
pour lancer les missions et en assurer les postes clés.
Ils restent généralement dans le pays pour une durée
déterminée avant de faire une passation aux ressources humaines
locales même si bien souvent les postes de management tels que chef de
mission, coordinateur ou ceux liés à la finance restent
occupés par des expatriés. Selon ce principe, les internationaux
forment le personnel local à des techniques particulières ou aux
bonnes pratiques afin qu'il puisse les appliquer sur le long terme.
Cette volonté de formation fait partie intégrante des missions et
participe une nouvelle fois à l'autonomisation des communautés.
À noter que ce personnel international bénéficie soit d'un
contrat de volontaire, percevant une indemnité, soit d'un contrat
officiel respectant le droit du travail du pays où celui du siège
l'ONG.
Les adhérents, les donateurs ou les militants:
Ils soutiennent l'association et ses activités par une
cotisation annuelle, des dons financiers, des legs
ou des actes en faveur de la cause. Leur contribution
financière est essentielle pour la pérennité des
programmes et la survie des associations, c'est pourquoi ils
bénéficient d'une attention particulière afin qu'ils
maintiennent leur soutien. La communication est un des outils qui permet de
tisser un lien durable avec ces sympathisants.
Les bénévoles:
Ils participent aux actions des ONG en donnant leur temps et leur
compétence gratuitement. Ils
représentent un vivier de ressources humaines
impliqué et désintéressé qui participe au bon
fonctionnement des associations mais leur contribution a besoin d'être
encadrée pour rester en phase avec la stratégie globale.
14
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France 4. Les raisons de l'engagement
Mais alors qu'est-ce qui pousse ces individus à se
lancer dans l'humanitaire?
Pour étayer cette partie, nous nous baserons
premièrement sur les résultats d'entretiens
réalisés par Émilie Comba, sous la direction de Patrick
Gonin, dans lesquels elle interroge des volontaires d'ONG rentrés de
mission14. Pour contrebalancer ces récits relatifs aux
volontaires, nous prendrons en compte le point de vue de Jacques
Bérès, 78 ans, membre fondateur de MSF et toujours chirurgien de
guerre. Dans une interview réalisée par Michel Pomarède
pour le magazine LSD, La série documentaire sur France
Culture15, il livre un témoignage personnel sur les raisons
de son engagement.
Il est difficile de faire un état des lieux complet de
toutes les motivations qui animent les humanitaires, d'autant que ce
mémoire n'en a pas la vocation. Mais en croisant les réponses des
différents entretiens, nous pouvons donner quelques pistes et montrer
que les raisons sont multiples et personnelles à chacun.
Autrefois assimilé à une revendication politique
ou militante, l'engagement est aujourd'hui motivé par une
démarche plus personnelle doublée d'un intérêt
professionnel. Émilie Comba note que les volontaires interrogés
cherchent en premier lieu à se découvrir et à apprendre
à se connaître. Certains veulent se tester et atteindre leur
limite alors que d'autres parlent d'un rejet de la société de
consommation et de la volonté de fuir leur routine. Si l'humanitaire est
un moyen de donner un sens à sa vie, il permet aussi de mener une vie
plus intense. L'action humanitaire est addictive car elle procure de
l'adrénaline, ceux qui y ont goûté ont du mal à
décrocher. Jacques Bérès utilise un terme évocateur
« C'est une drogue dure l'humanitaire, je fais ça depuis 50 ans.
»
D'un point de vue professionnel, servir comme volontaire est
un atout pour le CV, notamment pour ceux qui visent une carrière
à l'international. Quant à ceux qui souhaitent continuer dans le
secteur humanitaire, c'est un bon moyen pour intégrer tous types de
poste, développer son réseau et faire preuve d'un engagement
désintéressé. Dans un texte sur la professionnalisation de
la communication humanitaire, Jean-Baptiste Legavre montre, à partir
d'entretiens réalisés auprès de dix communicants
humanitaires, que l'expertise propre au milieu est indispensable pour pouvoir y
travailler, c'est pourquoi de nombreux communicants sont experts du secteur
avant d'être communicants. Il note aussi qu'une expérience terrain
donne plus de crédibilité.16
L'appartenance à la communauté est une
motivation importante car elle permet de rencontrer sans cesse de nouvelles
personnes et d'agrandir son cercle. Émilie Comba évoque la vie en
communauté sur le terrain qui peut être « une source
d'énergie tout comme devenir un facteur de conflit ». À leur
retour de mission, les humanitaires gardent cet esprit communautaire et
continuent de se fréquenter pour conserver ces liens forts qu'ils ont
tissés.
Conforme aux attentes de la génération Y, les
jeunes expriment dans les entretiens leur envie de donner du sens à leur
travail afin que celui-ci contribue à leur épanouissement. Dans
leur quête,
14 Emilie Comba, « Une expérience
humaine, sociale et initiatique : récits de volontaires en ONG,
rentrés de mission » (Mémoire, Université de
Poitiers, 2010)
15 Michel Pomarède, « Où va
l'humanitaire ? », LSD, La série documentaire,
(consulté le 6 mai 2019),
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/ou-va-lhumanitaire-44-action-contre-la-faim-largent-est-vraiment-le-nerf-de-la-guerre
16 Jean-Baptiste Legavre, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.34
PRÉAMBULE - Chapitre 1 : État des lieux du secteur
de l'humanitaire en France
l'humanitaire permet de se réaliser à travers
son travail. Jacques Bérès évoque aussi cet aspect «
On reçoit au moins autant qu'on donne. On donne des soins et on
reçoit une valorisation de soi-même, de l'amour, du respect des
gens ».
Les entretiens font ressortir une autre forme de motivation
d'ordre relationnel : la moitié des personnes interrogées par
Émilie Comba évoquent la volonté d'aider, d'être
utile. Jacques Bérès soutient cette idée « j'aime les
gens, on est quelque part tous frère. J'aime aider les gens et
grâce à ma formation de chirurgien, j'ai la prétention de
pouvoir sauver quelques vies, c'est formidable ». Il poursuit en
mentionnant « la fraternité, c'est d'être avec ces gens
bombardés, blessés, massacrés au moment où
ça leur arrive. C'est très fort ». Un acte qui est donc plus
tourné vers l'autre avec la volonté d'améliorer le sort
des plus démunis.
S'engager dans l'humanitaire, c'est prendre un rôle dans
la société pour devenir acteur du changement. Bien que les
motivations initiales soient altruistes avec l'objectif d'aider l'être
humain, les bénéfices personnels et professionnels qui en
découlent ajoutent une dimension supplémentaire qui crée
le déclic et explique pourquoi tant de personnes souhaitent
intégrer ces mouvements solidaires.
Face aux nouveaux défis et à l'augmentation des
besoins, le secteur humanitaire s'est fortement structuré et
professionnalisé ces cinquante dernières années,
nécessitant des ressources financières et humaines importantes et
une gestion comparable au secteur privé. Au-delà de ce
développement continu, le sens même de l'action humanitaire s'est
transformé car elle évolue désormais dans un environnement
concurrentiel où l'exposition médiatique et la communication sont
devenues stratégiques. Pour Denis Maillard, « l'humanitaire n'est
pas seulement une action mais aussi un discours sur cette action et les
acteurs17 ». En support à l'engagement philanthropique
des parties prenantes, la communication tient un rôle déterminant
et fait partie intégrante de la réussite humanitaire.
15
17 Denis Maillard, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.60
16
17
PRÉAMBULE - Chapitre 2 : Contexte de la
problématique
PRÉAMBULE - Chapitre 2 : Contexte de la
problématique
Comme nous l'avons vu dans le chapitre
précédent, l'humanitaire s'est fortement développé
depuis les années 70 pour répondre à l'augmentation des
crises internationales et aux conséquences qu'elles provoquent sur les
populations qui en sont victimes. Cet essor a nécessité une
professionnalisation du secteur entrainant de profonds changements structurels
et stratégiques. La nécessité de croitre pour exister dans
un domaine devenu concurrentiel et de s'impliquer dans des projets de plus en
plus coûteux a poussé les organisations de solidarité
internationale à se mettre dans une recherche constante de financement
pour ne pas dépendre exclusivement des fonds étatiques ou des
aides publiques internationales dont les subventions ont tendance à
baisser.
Pour cette raison, elles sont nombreuses à avoir
misé sur la collecte de fonds auprès des particuliers ou des
entreprises pour diversifier leurs sources de financement et avoir une plus
grande liberté d'action. La communication est alors devenue un levier
essentiel pour sensibiliser un public à une cause et convaincre
d'éventuels donateurs. Mais comment les persuader de la
nécessité de donner? C'est toute la mission des services de
fundraising qui, depuis leur création, oeuvrent pour adapter les
messages car il ne s'agit plus uniquement de communiquer pour informer sur les
enjeux parfois complexes des causes défendues mais de sensibiliser pour
convaincre d'agir. Si la collecte de fonds a toujours existé, notamment
par le biais des oeuvres religieuses, le fundraising est une pratique plus
moderne apparue à la fin des années 70, lorsque des techniques de
vente par correspondance ont été appliquées à la
philanthropie. L'Association Française des Fundraisers (AFF)
définit le fundraising comme « la réflexion
stratégique et l'articulation des moyens mis en oeuvre pour
développer les ressources des organisations oeuvrant pour des causes
d'intérêt général18 ».
Au-delà d'une rhétorique spécifique, des
techniques empruntées au marketing direct ont été mises en
place afin de personnaliser les messages, créer des cycles de
communication, utiliser de nouveaux canaux de diffusion et orienter la
stratégie sur la performance. Portées par des résultats
financiers encourageants, les structures se sont organisées pour
intégrer la collecte dans leur stratégie globale de communication
et imaginer des campagnes spécifiques de collecte de fonds. Certaines
ont même créé un service dédié,
séparé de la communication « institutionnelle » qui se
concentre pour sa part davantage sur l'information publique et sur une
volonté de faire du plaidoyer.
Les formes de communication ont évolué en France
depuis l'utilisation des techniques de fundraising. Les messages trash
dont le but était de créer un choc ont été
laissés de côté au profit d'un style emprunté au
storytelling, basé sur une structure narrative consistant à
raconter une histoire à des fins de communication. Différentes
formes de récits sont utilisées, notamment les success-story,
dans lesquelles sont présentées des histoires de
bénéficiaires qui ont amélioré leur condition de
vie ou celles de victimes qui s'en sont sorties. Le storytelling peut
prendre d'autres formes, par exemple, pour présenter le
témoignage d'un membre d'une équipe médicale sur le
terrain qui explique sa mission, ses difficultés, son engagement.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus de présenter les victimes coincées
dans leur fatalité en montrant par exemple la souffrance physique d'un
enfant famélique, la peau sur les os et le regard vide, ni même de
la suggérer comme ce fut le cas d'une campagne d'ACF de 2002
intitulée La faim tue toutes les 4 secondes, montrant un enfant
seul dans une pièce vide devant une gamelle vide.
18 « Qu'est-ce que le Fundraising? », Association
Française des Fundraisers, 7 juin 2017, (consulté le 22 juin
2019),
https://www.fundraisers.fr/fundraising
18
PRÉAMBULE - Chapitre 2 : Contexte de la
problématique
Désormais centrées sur le respect de la
dignité des personnes, les campagnes de collecte peuvent être
positives et lorsqu'elles ne le sont pas, ont vocation à susciter
l'émotion et l'empathie d'une manière moins directe et moins
violente qu'avant. Cette évolution montre que la communication
humanitaire est aussi culturelle, elle se transforme en fonction du temps et du
contexte (social, économique, politique) et doit s'adapter au public
visé. C'est pourquoi, les organisations présentes à
l'international, disposent d'un service de collecte propre à chaque pays
qui s'attache à ajuster les campagnes à un « marché
» donné.
Il est aussi important de considérer la collecte de
fonds d'un point de vue économique car le contexte n'est pas au beau
fixe pour les professionnels du secteur. Selon le baromètre de France
générosités, publié en avril 2019, les dons aux
associations enregistrent en 2018 une chute historique de plus de 4 %
19. Alors que les mesures fiscales françaises étaient
jusque-là un moteur d'incitation au don, les responsables associatifs
pointent du doigt les nouvelles réformes fiscales comme responsables de
cette baisse. Même si les associations ont fait des efforts
considérables pour expliquer à leurs donateurs que le
prélèvement à la source ne modifierait pas leur
réduction fiscale, force est de constater que ces réformes ont eu
un impact significatif sur la collecte globale en 2018.
En réaction, les services marketing
dédiés à la collecte de fonds ne baissent pas les bras et
se concentrent sur les canaux en progression permettant de séduire de
nouveaux donateurs: le digital, la collecte de rue en face-à-face, les
micro-dons, l'arrondi, les cagnottes, le crowdfunding... Autant de leviers
innovants pour lesquels il faut inventer de nouvelles formes de
communication.
C'est dans ce contexte que j'ai souhaité travailler sur
la générosité des donateurs particuliers français
afin de comprendre les mécanismes qui ont permis de collecter un total
de 4,7 milliards d'euros en 2017 20. Ce mémoire est
orienté sur la communication humanitaire destinée à la
collecte de fonds et plus précisément, sur l'élaboration
d'une stratégie de communication digitale adaptée aux nouveaux
profils de donateurs particuliers. À travers une revue
documentaire, nous dresserons un état de l'art de la communication
humanitaire pour en définir les objectifs et les
spécificités. Dans un second temps, nous ferons un diagnostic du
don pour lister les différentes formes existantes, comprendre qui sont
les donateurs et ce qui les motive. Cet audit nous permettra de mieux
connaître les pratiques et nous donnera des clés pour justifier un
plan de communication contenant des préconisations adaptées aux
cibles et à leurs attentes. Tout au long de notre réflexion, nous
analyserons des outils digitaux de collecte comme des campagnes d'appel au don,
afin de voir concrètement comment les organisations de solidarité
internationale communiquent sur ce sujet. Nous ferons une veille sur les
innovations numériques du secteur ainsi que celles utilisées dans
d'autres domaines afin de pouvoir définir, en conclusion, une recette
théorique contenant tous les ingrédients à utiliser pour
créer des campagnes digitales engageantes. L'objectif étant
d'élaborer un message convaincant pour les donateurs, diffusé sur
les médias et les canaux numériques les plus adaptés.
19 « Baisse de la générosité en 2018
», francegenerosites, 9 avril 2019, (consulté le 1 mai 2019),
http://www.francegenerosites.org/baisse-de-generosite-2018/
20 Cécile Bazin, Marie Duros, et Jacques Malet,
« La générosité des Français 2018 »,
Recherches & Solidarité, no 23ème édition
(novembre 2018): p.12,
http://www.francegenerosites.org/wp-content/uploads/2018/11/Etude-sur-la-g%C3%A9n%C3%A9rosit%C3%A9-Recherches-et-solidarit%C3%A9s-26-novembre-2018.pdf
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Dans cet état de l'art de la communication humanitaire,
nous étudierons à partir d'une revue documentaire, comment s'est
construite la communication humanitaire depuis ses fondements jusqu'à
ses objectifs actuels. Nous expliquerons pourquoi le secteur s'est fortement
professionnalisé, notamment avec le développement du marketing
social et du fundraising, et en quoi ces changements ont affecté le
message. Nous analyserons les composantes du discours, coproduit par des
humanitaires, des journalistes et des communicants pour montrer qu'il
s'articule bien souvent autour d'une victime anonyme et conforme à un
modèle occidental. Enfin, nous aborderons les notions d'éthique,
de déontologie et de neutralité qui régissent aujourd'hui
le secteur et tracent naturellement les frontières du dicible.
1. Origines et enjeux
Afin de comprendre comment se construit la communication
humanitaire, il convient d'en comprendre les enjeux multiples qui n'ont
cessé d'évoluer depuis la création des structures
humanitaires modernes au début des années 70 et l'apparition des
ONG « sans-frontiéristes ». Celles-ci ont bouleversé la
manière de communiquer et lui ont donné un nouveau rôle,
orienté sur la médiatisation des actions et sur l'interpellation
de l'opinion publique et des décideurs.
Dès le début, la fonction de communiquer, au
sens de porter un message, est ancrée dans l'ADN de ces ONG même
si initialement, ce devoir hautement symbolique de témoigner
était confié soit aux dirigeants des ONG (fondateur ou
Secrétaire général), soit aux responsables de mission ou
aux médecins revenant du terrain. Seule leur parole et leur regard
étaient considérés comme légitimes pour faire
connaître au monde la réalité de la situation et rapporter
ce qu'ils avaient vécu sur place. Mais au fil du temps, le besoin
d'être visible dans un secteur devenu concurrentiel a contraint les
structures à se professionnaliser et à développer la
communication au même titre que toutes les autres composantes du secteur,
entrainant de profondes modifications du discours. Communiquer est alors devenu
un pilier central de toute l'action humanitaire car il ne s'agit plus seulement
d'agir mais de montrer qu'on agit.
Pour garantir leur liberté d'action et leur
indépendance financière, conditions fondamentales des
organisations non gouvernementales, les structures ont très vite fait
appel à la générosité du public et sollicité
des dons pour absorber leur frais de fonctionnement toujours plus importants et
financer les projets sur le terrain.
La communication humanitaire remplit aujourd'hui la double
fonction d'information publique et de collecte de fonds. C'est un domaine
sensible que tout le monde souhaite maîtriser car elle est au centre de
jeux de pouvoir, côtoie les médias, les journalistes, ou encore
fabrique la notoriété. Communiquer est parfois un acte politique
qui peut influencer les décideurs ou l'opinion publique et constitue
« un repère qui situe engagement et politique dans l'espace
public21 ».
19
21 Pascal Dauvin, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.159
20
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
2. Les différents objectifs
La communication humanitaire repose sur différents
objectifs ayant chacun ses codes et une manière d'articuler le discours.
Dans cette sous-partie, nous détaillerons ces objectifs qui ont pour but
d'informer, de sensibiliser, de témoigner, de faire du plaidoyer mais
aussi de collecter et de mobiliser. Nous verrons en profondeur et à
travers des exemples comment sont construits certains de ces messages.
2.1 Informer, sensibiliser, conscientiser
Chaque structure humanitaire organise sa communication autour
d'un service dédié à l'information publique. Celui-ci
utilise de nombreux vecteurs pour transmettre son message, qu'il s'agisse de
campagnes de presse, de conférences, d'évènements, de
spots publicitaires radios ou télévisés, de remises de
rapports aux pouvoirs publics ou encore par l'intermédiaire d'un(e)
porte-parole.
Pour Rony Brauman, « les motifs de prise de parole des
ONG sont multiples et manifestent la variété des objectifs :
informer, sensibiliser, dénoncer, éduquer22 ».
Ces notions sont des graines qui vont générer, au fil du temps ou
de la répétition, une prise de conscience susceptible de faire
germer plus tard l'engagement. Il est donc important de penser la communication
humanitaire en plusieurs étapes, avec un objectif d'information dans un
premier temps, de sensibilisation ensuite avant d'espérer convertir un
prospect en donateur.
Dans un dossier sur la communication d'action et
d'utilité sociétales, Françoise Bernard, professeure et
directrice du Centre de Recherche sur les pratiques de Communication et de
Médiation (CREPCOM), décrit les différentes étapes
de ce qu'elle nomme la communication engageante : « Il s'agit dans un
premier temps, d'informer, de sensibiliser, dans le but d'agir sur les
représentations qu'ont les gens de telle ou telle question de
société. Ce temps est en fait conçu comme une étape
préparatoire pour un objectif plus ambitieux: changer des comportements
individuels et collectifs23. » Ce schéma semble
être devenu une norme depuis que les ONG appellent à la
générosité du public.
Lorsqu'un émetteur cherche à transmettre un
message à un public, il peut opter pour différentes formes de
communication qui ne dépendent pas seulement des canaux utilisés
mais aussi de son intention d'influencer sa cible. Dans un article sur la
pédagogie sociale, Francis Tilman, enseignant, chercheur et formateur,
nous explique la différence entre les messages d'information, de
sensibilisation et de conscientisation qui se distinguent par « le niveau
d'intention d'abord, la nature des renseignements communiqués ensuite et
le degré d'implication du destinataire, allant de la simple
réception à l'engagement24 ». Ces
différences sont explicitées ci-après.
2.1.1 Le message d'information
Dans un message d'information, Francis Tilman démontre que
« la volonté d'influence est minimale,
l'émetteur livre des données plus ou moins
détaillées, plus ou moins mises en perspective. À la base
de son acte, il y a simplement le souci de se faire comprendre afin que le
receveur soit capable de s'approprier l'information ». D'un point de vue
technique, un message d'information se compose de
22 Rony Brauman, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), 149.
23 Françoise Bernard, « Organiser la
communication d'action et d'utilité sociétales. Le paradigme de
la communication engageante », Communication et organisation, 2006,
(consulté le 13 avril 2019),
https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.3374
24 Francis Tilman, « Le Grain asbl », Le
Grain, 21 novembre 2005, (consulté le 13 avril 2019),
http://www.legrainasbl.org/index.php?option=com_content&view=article&id=117:information-sensibilisation-conscientisation-quelle-communication-pour-lemancipation-&catid=54:analyses
21
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
données et d'une grille d'analyse. Les données
sont factuelles, descriptives et reflètent parfois un point de vue ou
une position. Le receveur peut avoir différentes lectures du message en
fonction de sa culture personnelle et de l'analyse qu'il en fait. Dans tous les
cas, son implication reste faible car le but du message est la simple «
réception intellectuelle » 25.
Les organisations humanitaires rédigent de nombreux
articles d'information sur leur site Internet, ce qui leur permet d'assurer un
suivi régulier des situations sans pour autant inciter le lecteur
à agir. C'est le cas du HCR qui publie en avril 2019 une
actualité sur les réfugiés et les migrants
Vénézuéliens qui risquent leur vie pour chercher de l'aide
en Colombie26. Dans le style d'un article journalistique, le texte
se concentre sur les faits, donne de nombreux chiffres « plus de 2,7
millions de Vénézuéliens, réfugiés ou
migrants, ont quitté le pays depuis 2015 », « Même si la
plupart des quelque 45 000 Vénézuéliens qui passent chaque
jour en Colombie retournent dans leur pays, ils sont jusqu'à 5 000
à demeurer en Colombie ou à poursuivre leur voyage en quête
de sécurité ». Le texte raconte une histoire en s'appuyant
sur des témoignages et rappelle l'action apportée par le HCR :
« Jose Luis Jimenez s'est déjà introduit en Colombie depuis
le Venezuela en prenant le risque de rencontres avec des bandits et des groupes
armés mais cette semaine, la traversée est devenue encore plus
dangereuse. » « Jose Luis comptait parmi les milliers de
Vénézuéliens affamés qui faisaient la queue pour
recevoir un repas chaud dans une cuisine communautaire soutenue par le HCR
».
Pour le HCR qui se positionne comme un organe de
référence pour toutes les thématiques concernant les
réfugiés, c'est un moyen de montrer l'action continue et de se
placer comme un média de référence, capable de collecter,
de synthétiser et de diffuser de l'information. Par cette
démarche, l'organisation améliore sa notoriété et
assoie sa crédibilité.
2.1.2 Le message de sensibilisation
Un message de sensibilisation transmet aussi des données
et une grille d'analyse auxquelles s'ajoutent
l'intention de l'émetteur ainsi que le partage d'un
problème. La différence avec un message d'information est donc
l'ajout d'une problématique. Pour Francis Tilman « qui dit
sensibilisation, dit problème ». Lorsque l'on cherche à
sensibiliser une personne, on veut qu'elle « découvre le
problème et qu'elle le comprenne. [...] Les données sont autant
des éléments d'information que des éléments de
démonstration »27. La notion de prise de conscience est
importante car en sensibilisant, on recherche la modification ou l'adaptation
d'un comportement ou d'une attitude face à une situation
donnée28.
Dans ce type de message, il s'agit aussi d'interpeller sur des
questions éthiques et politiques ce qui provoque une « ouverture
intellectuelle sur des enjeux et sur les responsabilités qui en
découlent29 ». Ces éléments de
responsabilité s'ajoutent au problème et accentuent l'implication
du receveur qui va y trouver une bonne raison de chercher à le
résoudre.
25 Tilman, « Le Grain asbl »
26 William Spindler, « Les
Vénézuéliens risquent leur vie pour chercher de l'aide en
Colombie », UNHCR, 5 avril 2019, (consulté le 14 avril 2019),
https://www.unhcr.org/fr-fr/news/stories/2019/4/5cab1102a/venezueliens-risquent-vie-chercher-laide-colombie.html
27 Tilman, « Le Grain asbl »
28 « Différence Entre Communication, Sensibilisation
Et Formation », Scribd, (consulté le 14 avril 2019),
https://fr.scribd.com/document/382982881/Difference-Entre-Communication-Sensibilisation-Et-Formation
29 Tilman, « Le Grain asbl »
22
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Pour résumer, il y a donc bien à terme une
recherche d'engagement du receveur même si « la réception du
message est encore laissée au bon accueil du public30 ».
Le message de sensibilisation vise l'adhésion du public-cible afin qu'il
trouve un intérêt à agir, cependant il n'a pas l'objectif
de résultats immédiats, il se contente simplement de bien faire
comprendre l'enjeu et la problématique. Dans sa forme, le message de
sensibilisation requiert plus d'espace que le message d'information car il
s'agit de développer une problématique plus
détaillée qu'une simple explication de faits. De plus, le
registre utilisé est différent : Tilman décrit le
sensibilisateur comme un traducteur capable de transmettre un message complexe
en utilisant un champ lexical adapté au public visé.
Pour illustrer ces propos, prenons l'exemple de la campagne
Stop Bombing de Handicap International31. Dans un
site Internet dédié, l'ONG rappelle premièrement les faits
« Chaque jour, 90 civils sont victimes des armes explosives ».
Très vite le problème est posé : « [Les armes
explosives sont] utilisées massivement en zones urbaines au cours des
derniers conflits armés, elles tuent et blessent des milliers de civils
en Syrie, au Yémen, en Palestine. Victimes des bombardements, les
populations fuient leur pays d'origine et arrivent en nombre dans les camps de
réfugiés et sur les côtes européennes ». Des
informations précises sont ensuite données afin de comprendre
plus profondément la problématique avant d'expliciter clairement
les notions éthiques et politiques « Il est urgent de
protéger les civils. Les parties prenantes à un conflit doivent
être contraintes à respecter les règles du droit de la
guerre ». Enfin l'objectif est donné « 1 million de signatures
» avec un message qui incite à l'engagement « Vous aussi
rejoignez le combat contre les bombardements de civils ! ».
Certaines campagnes de sensibilisation sont difficiles
à étiqueter car elles ont un objectif global. En effet, certaines
sont imaginées comme des opérations de collecte de fonds et
proposent parfois des liens directs vers un formulaire de don. Plus
subtilement, cette incitation peut se faire graduellement suivant un plan
média bien ficelé. L'appel au don peut par exemple être
proposé dans une seconde phase dite de retargeting qui va
cibler des personnes qui se sont intéressées ou qui ont
cliqué sur les premiers contenus dont l'objectif était la
sensibilisation pure.
Il est intéressant de souligner que les campagnes de
sensibilisation permettent de varier les sujets en sortant des crises pour
mettre davantage la cause en avant. Mais pour Pascal Dauvin,
enseignant-chercheur en science politique à l'Université de
Versailles Saint-Quentin, ce type de message répond d'abord à une
logique : « les ONG ont renoncé à dénoncer les
pouvoirs iniques. À la place, elles proposent des campagnes de
sensibilisation qui ne gênent ni l'action sur le terrain, ni les
recherches de fonds32 ». Il dénonce aussi le travail de
lobbying sur la sensibilisation de la part des agences de communication qui
« cherchent à convaincre que l'investissement dans la cause
peut-être économiquement rentable. Les ONG y sont sensibles, la
générosité ayant ses limites dans un contexte de plus en
plus concurrentiel33 ».
L'appétence des ONG pour ce type de campagne n'est donc
pas seulement relative à leur performance.
30 Tilman, « Le Grain asbl »
31 « Bombarder des civils, ce n'est pas la guerre, c'est un
crime ! Signez la pétition ! », Handicap International,
(consulté le 14 avril 2019),
http://focus.handicap-international.fr/bombardements-civils
32 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.28
33 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.167
23
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
2.1.3 Le message de conscientisation
Francis Tilman détaille les mécanismes
liés au message de conscientisation qu'il expose comme une forme de
message plus poussé vers l'engagement du receveur : « La
conscientisation [...] vise à faire trouver les réponses par les
publics eux-mêmes et à les engager dans des actions qu'ils auront
eux-mêmes définies au terme d'une réflexion
approfondie34. » Un message de conscientisation recherche la
participation des destinataires dès l'analyse jusqu'à la
recherche de solutions appropriées. Cette forme de message est
utilisée par certaines organisations lorsqu'elles invitent leurs
sympathisants à participer à la réflexion et au
débat. C'est un des buts des conférences-débats ou des
tables-rondes qui permettent d'impliquer fortement les participants afin qu'ils
s'approprient le problème et qu'ils proposent leurs solutions.
2.2 Témoigner
En plus d'informer et de sensibiliser, la communication
humanitaire moderne s'appuie sur d'autres formes de rhétorique afin de
« porter dans l'espace public un témoignage sur les situations de
conflit35 ». La notion de témoignage est admise par
l'ensemble des acteurs comme « une obligation morale36 »,
c'est pourquoi certaines organisations, à l'image de MDM, ont inscrit
cette fonction comme un des axes principaux de leur mandat « soigner et
témoigner37 ». Cette forme de discours donne aux
travailleurs sur le terrain, perçus comme témoins
privilégiés, l'opportunité de relater les faits et de
révéler les violences que subissent les populations locales. Le
fait que le message vienne du terrain suffit à attester la
véracité des propos car, bien que fabriqué par les ONG, il
a l'avantage de paraître spontané et authentique, et par
conséquent plus légitime.
Le témoignage se focalise sur la narration et
l'émotion pour montrer ce qu'il se passe et utilise un angle
différent suivant les sujets, du simple constat à l'indignation.
Les thèmes de prise de parole sont divers, dénonçant par
exemple les conditions dans les camps de réfugiés, la situation
sanitaire, le manque d'accès aux soins de santé, les cas de
malnutrition, les conditions d'accès à l'eau potable, les dangers
auxquels font face les populations...
Le témoignage peut aussi remonter des aspects positifs
du terrain. C'est le cas lorsque l'action accomplie par une organisation est
mise en avant ou qu'un bénéficiaire témoigne de
l'amélioration de sa condition de vie. Quant à la forme, elle
évolue au fil du temps en s'adaptant aux évolutions
technologiques passant du format papier au digital à travers le blog, la
photo, la vidéo, l'interview, la story...
34 Tilman, « Le Grain asbl »
35 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.8
36 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.8
37 « Médecins Du Monde - Notre organisation »,
(consulté le 19 avril 2019),
https://www.medecinsdumonde.org/fr/qui-sommes-nous/notre-organisation
24
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
L'extrait suivant, tiré du blog de l'UNICEF, montre que
le témoignage emploie un registre qui lui est propre:
« Jean-Pierre est un collaborateur de l'UNICEF et actif
dans la communication sociale. Il a été envoyé à
Beni avec la première équipe d'intervention de l'UNICEF quelques
heures après l'annonce d'un nouveau foyer d'Ebola : «Les premiers
jours n'étaient pas faciles. Nous n'avions pas encore
déterminé l'ampleur de la crise et nous manquions de moyens de
réponse matériels, humains et financiers. Mais l'UNICEF a
rapidement mobilisé des équipes et les moyens nécessaires
afin de répondre aux besoins»38. »
Par ces quelques mots, le cadre est donné et le lecteur
impliqué dans l'histoire sans que beaucoup de détails descriptifs
ne soient utilisés. Un fait raconté par quelqu'un qui l'a
vécu déclenche dans l'esprit du lecteur des images de la
situation, ce qui génère par réaction une émotion
forte. De plus, le passage d'un style rédactionnel descriptif utilisant
la troisième personne, à un discours rapporté de
témoignage, utilisant le je ou le nous, écrit
avec une typographie différente permet de relancer la narration et
d'accrocher le lecteur.
Le témoignage humanitaire est un format qui doit
être envisagé au sens large car en plus de rapporter des faits, il
permet de dénoncer, de s'indigner ou d'accuser. Pour Pascal Dauvin, une
des grandes vocations de la communication humanitaire est la
dénonciation des injustices. Il précise que la communication
n'est plus dans ce cas « le lieu des rhétoriques frappées
d'indignité (celles qui font pleurer), mais celui de la sensibilisation
qui valorise l'engagement en se focalisant sur la cause39 ».
Selon cette idée, l'utilisation du témoignage est donc propice
pour les messages de sensibilisation que nous avons détaillés
ci-dessus, ou ceux d'appel à l'action que nous évoquerons
ci-après.
2.3 Faire du plaidoyer
Dans cette dynamique, le plaidoyer, dont certaines ONG comme
Greenpeace ont fait leur spécialité, pousse le message plus loin
vers un dessein plus politique, visant des décideurs ou la
défense d'une cause. Le terme plaidoyer, traduit en anglais par
advocacy, vient du latin advocare qui signifie « parler au
nom de » ou « appeler auprès de » et désigne un
ensemble d'activités comprenant l'organisation, le lobbying et la
conduite de campagnes. L'UNICEF donne une définition simple et
universelle dans son manuel de plaidoyer:
« Le travail de plaidoyer est un processus mûrement
réfléchi, reposant sur des données probantes,
destiné à influencer directement ou indirectement les
décideurs, les parties prenantes et toutes les personnes
concernées afin qu'ils soutiennent et mettent en oeuvre des actions
contribuant au respect des droits des femmes et des enfants40
.»
38 Yves Willemot, « Témoignage de terrain
- Blog de l'UNICEF «Je suis fier de pouvoir aider à
l'éradication d'Ebola dans mon pays» », UNICEF Connect, 16
août 2018, (consulté le 6 avril 2019),
https://blogs.unicef.org/fr/blog/je-suis-fier-de-pouvoir-aider-leradication-debola-dans-mon-pays/
39 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.164
40 « Manuel de plaidoyer de l'UNICEF » (UNICEF, 2010),
p.3, (consulté le 6 avril 2019),
https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/manuel_plaidoyer.pdf
25
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
En refusant le silence, les ONG montrent en premier lieu
qu'elles sont actives et font, par la même occasion, pression sur les
gouvernements qui ne peuvent pas ignorer les faits et qui sont contraints
d'agir pour conserver une bonne image vis-à-vis de l'opinion
publique.
Le registre du discours de plaidoyer s'approche des pratiques
utilisées par les lobbys et utilise notamment une argumentation
basée sur l'expérience, l'expertise et sur des faits
avérés pour initier des changements de politiques41.
Généralement, un fastidieux travail de collecte d'informations et
de recherche permet de synthétiser les données dans un rapport
qui sert ensuite de référence pour exposer la
problématique et justifier les propos vis à vis des
décideurs. En se basant sur des données statistiques
réelles, établies à partir d'enquêtes qualitatives
et quantitatives, le discours du plaidoyer est très argumenté et
difficile à contredire, c'est toute sa force car l'objectif visé
est de convaincre.
Pour donner un exemple concret de plaidoyer, nous pouvons
évoquer une campagne de l'UNICEF expliquant cette pratique. Une
initiative visant à diffuser les résultats d'une enquête
sur les familles vietnamiennes à travers divers outils de communication,
a permis d'attirer l'attention du public et de l'État au moment
où il élaborait des politiques sur l'égalité des
sexes et la prévention de la violence domestique. « Les
données obtenues et leur analyse ont fourni une base de
référence [...] et les données de l'enquête peuvent
être utilisées comme base scientifique et pratique pour
élaborer des politiques d'aide aux familles42. »
2.4 Collecter
Pour beaucoup d'experts, à l'image de Pascal Dauvin, la
communication humanitaire a une autre ambition. Il est sans équivoque
sur ce point : « au-delà du simple témoignage, il s'agit
aussi de solliciter des dons et de produire de la visibilité
institutionnelle43. » Cette idée nous fait basculer vers
l'autre raison d'être de cette discipline qui est de financer les
associations et les programmes sur le terrain. D'après cet
enseignant-chercheur, « communiquer, c'est assurer les rentrées de
fonds nécessaires pour couvrir les frais de structure, les actions
menées sur le terrain et les investissements à venir en termes de
collecte44 ». Nous verrons au cours de ce mémoire qu'une
communication efficace de collecte, active autant des leviers d'information et
de sensibilisation que d'appel au don avant d'espérer convertir un
prospect en donateur ponctuel puis en donateur régulier.
Faisons un petit aparté pour comprendre les
différents modèles financiers sur lesquels s'appuient les
structures humanitaires. Certaines utilisent uniquement des fonds publics en
répondant à des appels à projet comme ceux d'ECHO, du
Centre de crise et de soutien du MEAE ou du HCR (...). D'autres comme HI, MDM
ou ACF cherchent un équilibre entre des fonds provenant de bailleurs
publics et privés, et enfin les dernières comme MSF fonctionnent
presque exclusivement avec de l'argent provenant du privé, via la
collecte auprès des particuliers, des entreprises ou des fondations. La
collecte de fonds privés est vitale pour les associations qui
recherchent l'indépendance financière, ce qui se traduit pour
beaucoup en indépendance politique.
41 Voir sur ce sujet le Manuel du plaidoyer de
l'UNICEF qui décrit tous les outils pour élaborer un message de
plaidoyer. Consultable sur
https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/manuel_plaidoyer.pdf
42 « Manuel de plaidoyer de l'UNICEF », p.23
43 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.9
44 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.8
26
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire MSF l'inscrit clairement sur son site Internet :
« La garantie de l'autonomie et de l'indépendance
de l'association s'enracinent dans son financement, assuré par la
générosité de ses donateurs privés. En France, en
2016, 97,7 % des ressources de MSF étaient d'origine
privée45. »
Ce type de fonctionnement, qui dépend presque
exclusivement des donateurs, pousse naturellement les organisations à
orienter leur communication vers l'appel au don. Certaines se structurent
autour de deux services distincts alors que d'autres ont opté pour un
service commun de communication et de collecte en restant vigilant pour ne pas
orienter leur discours uniquement vers le fundraising.
D'un autre côté, des associations comme
Première Urgence International (PUI) ont un ratio inverse à MSF.
Dans son rapport financier 2017, elle compte 77 942 K€ de subventions
d'exploitation publiques et seulement 7 % de subventions privées sur un
total de 85 879 millions d'euros. Quant aux produits de collecte faisant appel
à la générosité du public, ils ne
représentent que 95 K€, soit 0,11 % 46.
En considérant cette répartition
financière, la stratégie de communication de PUI s'oriente
plutôt vers une recherche de notoriété : « Les fonds
alloués à la direction de la communication et des partenariats
[de PUI], en charge de la collecte de fonds privés
s'élèvent à 136 K€, principalement destinés
à améliorer la notoriété de
l'association47. »
De la répartition des ressources financières
dépend les objectifs de communication. Les ASI dépendant
fortement des dons privés individuels cherchent à diffuser leur
message le plus largement possible auprès du grand public afin de
toucher d'éventuels donateurs, alors que celles financées par des
bailleurs, qu'ils soient publics ou privés, orientent leur communication
de manière plus ciblée, comme dans le cadre d'une communication
BtoB.
Montrer au public ou aux différents bailleurs les
actions menées, permet d'exister sur l'échiquier humanitaire.
Comme n'importe quelles structures du secteur privé, les ASI travaillent
leur image autour d'une marque qu'elles doivent faire connaître afin de
se démarquer. Cette condition permet ensuite de séduire des
prospects et de fidéliser les donateurs ainsi que les bailleurs publics
et privés potentiels.
2.5 Mobiliser
Au-delà des aspects financiers, la communication
humanitaire permet de mobiliser en interne comme en externe. Pour bien
comprendre, il faut se pencher sur le fonctionnement structurel des
organisations humanitaires qui s'appuient sur différents réseaux:
les sympathisants, les adhérents, les bénévoles, les
volontaires et les salariés. Autant de ressources humaines
engagées, à qui il faut savoir parler pour cultiver leur
dévouement. Comme pour n'importe quelle entreprise privée, la
communication interne joue un rôle significatif pour motiver le personnel
et toute personne oeuvrant pour la cause de l'association. Les formes sont
multiples et doivent être adaptées à chaque cible :
l'organisation d'évènements, de journées portes ouvertes,
l'abonnement aux revues de l'association, l'invitation à des
réunions, la participation à des votes liés à
l'organisation, l'offre de goodies...
45 « Médecins Sans Frontières »,
(consulté le 8 avril 2019),
https://www.msf.fr/decouvrir-msf/qui-sommes-nous
46 « Rapport d'activités 2017 - Première
Urgence International », p.32, (consulté le 8 avril 2019),
https://www.premiere-urgence.org/wp-content/uploads/2018/09/RA2017_web_BD.pdf
47 « Rapport d'activités 2017 - Première
Urgence International », p.32
27
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
2.6 Les limites à appréhender
Dans ces types de messages distincts, faisant appel à
différents niveaux d'implication, la manière dont sont transmises
les données varie suivant le canal choisi et la représentation
que chacun s'en fait. Par exemple, l'information n'est pas traitée de la
même manière si elle transmise dans un email, par la
télévision, dans un article ou encore sur un réseau
social. Le choix du canal de transmission est capital pour toucher sa cible,
cependant Francis Tilman relativise car, bien que les formes de communication
varient, l'intention du spécialiste reste la « préoccupation
de livrer une information accessible et compréhensible48
».
Dans son ouvrage La souffrance à distance, le
sociologue Luc Boltanski théorise sur la manière dont sont
reçus les messages et propose trois formes de représentation de
la souffrance qu'il appelle des « topiques ». Ces modes d'engagements
moraux du spectateur sont résumés dans un article de Dominique
Cardon qui identifie :
« l'indignation (dans laquelle le spectateur ne s'attarde
ni sur le sort de la victime ni sur ses propres émotions, afin
d'organiser, à partir de preuves et d'un principe de justice
universalisable, le procès du persécuteur), le sentiment (dans
laquelle le spectateur sympathise avec le bienfaiteur en retenant le malheureux
dans son propre coeur) et le sublime (dans laquelle un spectateur
émancipé des impératifs moraux et politiques sympathise
avec le peintre qui lui présente la situation du malheureux dans toute
son horreur)49. »
Cet éclairage permet de comprendre les
différentes réactions qu'un propos peut susciter chez le receveur
et donne des pistes de réflexion à prendre en compte lors de la
rédaction d'un message.
Mais alors jusqu'où peut-on aller?
Les questions éthiques tiennent une place importante
dans la communication humanitaire, nous y reviendrons plus tard. Il est
nécessaire de se questionner sur les limites des messages car
malgré la volonté d'impliquer toujours plus, le but visé
peut s'inverser. Si l'exposition est trop forte, la sollicitation trop directe,
le message ou les images trop choquantes, la cible pourrait rejeter le
problème, faire abstraction ou simplement ne plus se sentir
concernée. Un dosage maîtrisé de sollicitation, une
variété dans les messages et une segmentation fine des
destinataires sont parmi les facteurs clés d'une communication qui
répond à l'objectif.
48 Tilman, « Le Grain asbl »
49 Dominique Cardon, « La souffrance à
distance (Luc Boltanski) », Réseaux. Communication -
Technologie - Société 12, no 65 (1994): p.123-26,
(consulté le 10 mai 2019),
https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1994_num_12_65_2515
28
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Pour conclure, nous pouvons souligner que ces
différents genres constituent le coeur de la communication humanitaire.
Bien qu'ayant une finalité et des publics divers, celle-ci a plusieurs
vocations regroupées en deux grands thèmes : celle d'informer de
manière plus ou moins engagée et plus ou moins engageante, et
celle de générer des dons. Elle s'appuie à la fois sur des
rhétoriques liées à l'émotion et à
l'indignation, mais utilise aussi la sensibilisation sur une cause pour
susciter l'engagement.
Pour toucher leur cible, les communicants utilisent
différentes formes comme le témoignage terrain et jouent sur
l'objectivité du discours pour le rendre crédible, en utilisant
des faits établis, des lois irréfutables ou des statistiques
officielles. Les agences internationales de l'ONU ou les organisations
internationales comme l'OCDE font alors office de sources fiables et procurent,
à travers des rapports pointus, de la matière première aux
ONG. Ces dernières y puisent leurs arguments pour créer des
messages dont le style s'apparente plus à du journalisme qu'à de
la communication institutionnelle ou corporate classique.
En variant les formes de communication, elles montrent
qu'elles sont actives sur différents « fronts » et
réussissent à toucher une audience plus large, chacun
étant sensible à un type de message particulier. La
variété permet enfin de s'adresser plus fréquemment
à une cible en évitant la lassitude d'un message
répétitif d'une communication à l'autre.
29
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
3. La professionnalisation de la communication
humanitaire
La professionnalisation de la communication humanitaire
est-elle compatible avec l'altruisme, la générosité
spontanée, et le principe même d'humanité ? Cette vaste
question, qui concerne l'ensemble du secteur, pourrait faire l'objet d'un
mémoire en soi. En partant du postulat qu'elle s'est structurée
pour faire face aux enjeux cruciaux qu'elle représente, nous nous
focaliserons dans un premier temps sur les raisons du changement et sur les
nouveaux professionnels qui l'animent. Nous expliquerons ensuite comment le
fundraising et ses techniques empruntées au marketing ont ajouté
une nouvelle dimension à la communication, en n'omettant pas d'expliquer
comment les services ont intégré cette nouvelle discipline. Nous
terminerons en nous demandant si ce ne sont finalement pas les
conséquences de cette professionnalisation qui continuent de la
nourrir.
3.1 Des nouveaux outils et des nouveaux acteurs
Comme cela s'est passé dans d'autres domaines, les
avancées techniques puis l'arrivée des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTIC) ont transformé la
communication humanitaire et accéléré la
professionnalisation du secteur. Sans faire une liste complète des
outils, nous pouvons déjà citer l'introduction de la
télévision dans les foyers, qui a été un des
premiers progrès majeurs, faisant passer le discours humanitaire de
l'écrit à l'image. Par la suite, avec l'arrivée
d'Internet, de la digitalisation et du marketing social, la possibilité
d'une information instantanée et personnalisée n'a fait
qu'accentuer cette professionnalisation. De nouvelles méthodes, issues
du marketing, telles que le traitement informatique des fichiers, le couponing,
le mailing, les produits-partage, le sponsoring, le
télé-marketing, le street-marketing, la segmentation des bases de
données; ou issues de la communication, telles que les
évènements, les campagnes de presse, les journaux internes, les
sites Internet, les e-mails, les vidéos, les infographies, les
bannières, les réseaux sociaux (...), ont nécessité
la création de nouveaux métiers pour pouvoir gérer ces
outils.
Alors que certaines associations ont
préféré intégrer ces compétences en interne,
en engageant des experts pour s'occuper de leur communication, d'autres acteurs
spécialisés, comme des agences de communication, ont pris un
rôle de plus en plus important au sein de la communication humanitaire,
répondant à un besoin croissant de collecter.
Nous pouvons regrouper ces agences en trois familles :
§ Les grands groupes de communication, qui ont
commencé à s'intéresser aux ONG depuis le milieu des
années 70 sans pour autant les considérer comme client.
D'après un article de Georges Dupuy, publié dans l'Express en
2001, ces sociétés ont souhaité proposer leur service
gratuitement aux ONG afin de se donner bonne conscience et travailler leur
propre image50. Une pratique qui est toujours utilisée
aujourd'hui avec ce qu'on appelle le pro bono, où les agences
habituellement rompues au marketing commercial, « redonnent du sens »
à leur activité en s'impliquant dans des initiatives
d'intérêt général à titre gracieux.
§ Un autre groupe rassemble les agences
spécialisées dans l'humanitaire qui ont été
créées à la fin des années 80 par d'anciens membres
d'ONG, répondant à un besoin de plus en plus spécifique et
nécessitant l'implication d'experts à la fois de la communication
mais aussi de l'humanitaire.
50 Georges Dupuy, « Le prix de l'humanitaire
»,
LExpress.fr, 13
décembre 2001, (consulté le 14 mars 2019),
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/le-prix-de-l-humanitaire_492071.html
30
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
§ Enfin dans les années 2000, les grandes agences
généralistes ont créé des départements
non-profit saisissant ainsi l'opportunité de construire une
relation commerciale avec les organisations humanitaires, même si parfois
elles garantissent des tarifs préférentiels. Lorsque c'est le
cas, il faut rester vigilant pour que cet avantage financier ne se
répercute pas sur la qualité des prestations ou qu'il
réduise la marge de manoeuvre des associations qui pourraient ne pas
bénéficier des mêmes exigences qu'un client payant le prix
fort.
A cela s'ajoutent les agences ayant une
spécialité graphique, audiovisuelle ou
évènementielle qui peuvent être sollicitées au coup
par coup.
3.2 Communication versus marketing
En plus des raisons liées aux innovations, la
professionnalisation de la communication humanitaire s'est imposée avec
l'arrivée du fundraising. Cette nouvelle discipline a été
un tournant pour ces organisations qui ont adopté les mêmes
techniques marketing que les entreprises commerciales. Antoine Vaccaro,
président du Centre d'étude et de recherche sur la philanthropie,
parle de « transposition des règles du marketing industriel et
commercial à celui des causes humanitaires51 ».
D'après son propos, la collecte de fonds est devenue un axe
stratégique, indispensable au fonctionnement des organisations et le
donateur, un consommateur dont l'ONG satisfait les attentes morales. Petit
à petit, les objectifs de la communication humanitaire se sont donc
recentrés sur la recherche de fonds « La communication s'est alors
retrouvée dans l'ombre du marketing52 ». L'utilisation
de nouvelles ressources engendrant des sommes considérables a
nécessité une gestion financière adéquate et
poussé à l'emploi de professionnels.
La professionnalisation s'est aussi
accélérée au moment où les organisations
humanitaires ont eu besoin de rendre visible leur marque dans un contexte
compétitif. Rony Brauman fait le constat de cette recherche de
notoriété : « les ONG doivent être visibles et
audibles pour exister [...]. Il faut se montrer, séduire,
émouvoir, attirer53. » Pascal Dauvin confirme « il
est nécessaire de faire connaître sa
54
marque (ses actions, son positionnement idéologique, son
mode de fonctionnement) ».
Les organisations humanitaires ont dû s'adapter à
ce nouveau paradigme qui a nécessité des changements
stratégiques et une mutation du secteur. Certaines l'ont fait plus
facilement et plus rapidement que d'autres, mettant une pression
supplémentaire sur leurs concurrents, sommés pour rester dans le
jeu, de recourir aux mêmes armes.
En pratique, certaines structures ont
préféré séparer la communication (liée au
plaidoyer ou à la noble fonction de témoignage) et la
communication qui s'adresse aux donateurs (dont le but est la collecte de
fonds). D'autres, à l'instar de MDM, ont, dans un souci organisationnel
ou de diminution des coûts, rassemblé ces deux disciplines au sein
d'un même service, évitant ainsi les conflits inter-service.
Isabelle Finkelstein, ancienne directrice de la communication et du marketing
de MDM le confirme et propose une définition de ces deux disciplines :
« La communication dénonce la réalité du monde alors
que le marketing propose des représentations arrangées pour
susciter la générosité du public55. »
51 Antoine Vaccaro cité par Dauvin, La
communication des ONG humanitaires, p.16
52 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.13-14
53 Brauman, La communication des ONG
humanitaires, p.149
54 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.8
55 Isabelle Finkelstein, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.53
31
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Pour Rony Brauman, les ONG voient dans l'information publique
« la seule raison légitime de la communication, alors que la
médiatisation à des fins d'auto-publicité est mal
considérée parmi les humanitaires qui la relèguent au rang
dédaigné d'activité boutiquière56
». N'étant ni au coeur de la raison d'être des ONG qui est de
soigner, ni aussi « noble que le témoignage, les rhétoriques
liées au don » sont, d'après Pascal Dauvin,
considérées comme « putassières
»57.
Les deux domaines utilisent des registres distincts : d'une
part, l'indignation pour la communication qui cherche à dénoncer
tout en préservant l'image de la marque. Créer de la
notoriété et rendre visible l'association étant la
finalité recherchée. De l'autre, l'émotion pour le
marketing qui joue sur les sentiments pour stimuler le don. Les
réfugiés, les catastrophes naturelles et les urgences
étant les thèmes les plus porteurs.
Séparer la communication de la collecte de fonds peut
servir de garde-fou. Il paraît important pour les structures humanitaires
de trouver un équilibre entre les contraintes de rentabilité et
le devoir d'informer. Quand cette dernière fonction est confiée
au service communication, appelé aussi information publique, le service
fundraising peut se focaliser plus librement sur ses objectifs de
rentabilité et de retour sur investissement. L'emploi de techniques
marketing, issues du monde marchand, pour décrypter le comportement des
membres de la base de données et déterminer ce qui fonctionne le
mieux, est plus facilement accepté par la communauté.
Les fundraisers peuvent choisir les sujets les plus porteurs
tout en veillant à ne pas lasser leurs donateurs. Le risque d'attrition,
à savoir la perte d'un donateur, oblige à une certaine
diversité des contenus et évite les excès, tout comme
l'éthique que nous développerons plus tard. Pour varier les
sujets et éviter de solliciter constamment les donateurs avec des appels
au don, les services de collecte s'attachent aussi à donner de
l'information, notamment à travers une newsletter ou des mini-sites
dédiés ou encore en créant un journal des donateurs. Comme
nous l'avons vu, proposer une gradation de l'information à travers
différents types de message est un facteur clé qui permet de
mieux convertir.
3.3. Une professionnalisation qui nourrit la
professionnalisation
Aujourd'hui, le fonctionnement structuré des services
de communication, organisés autour de professionnels a fait ses preuves
au profit d'une diffusion plus étendue et de collectes plus rentables.
Nous l'avons vu, les recettes croissantes de dons récoltés ont
accéléré la professionnalisation des « entreprises
humanitaires58 » et on peut se demander si ce n'est pas cette
professionnalisation elle-même qui nourrit aujourd'hui la
nécessité de communiquer sur la cause, à défaut
d'un pur objectif d'information, de témoignage ou de
dénonciation. À ce propos, Pascal Dauvin note que les
communicants « réussissent à convaincre les responsables des
ONG de l'intérêt de développer leur
activité59 ». Il mentionne aussi que « le
succès non démenti du discours des ONG a nourri son
institutionnalisation et l'émergence d'un corps professionnel capables
de justifier la nécessité de communiquer sur la
cause60 ». En d'autres termes, les professionnels participent
eux-mêmes à créer le besoin de communiquer sur les causes
et en apportant une réponse à ce besoin, trouvent le moyen de
justifier leur poste auprès de leur hiérarchie et de
négocier de futurs budgets.
56 Brauman, La communication des ONG
humanitaires, 150.
57 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.14
58 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.9
59 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.14
60 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.9-10
32
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Nous terminerons cette sous-partie en rappelant que dès
leur déploiement, les services dédiés à la collecte
des ONG humanitaires ont dû se structurer pour pouvoir solliciter les
donateurs de façon plus efficace. Il a fallu changer d'échelle en
recrutant des personnes qualifiées et en investissant dans des outils
performants qui tirent pleinement parti des nouveaux moyens de communication.
Des méthodes de marketing direct à l'exploitation de la puissance
des bases de données, le fundraising a poursuivi son évolution
à travers le numérique qui a ouvert de nouveaux canaux
d'acquisition et a bouleversé la discipline.
4. Les coproducteurs du discours humanitaire
Le passage d'une communication engagée à une
communication professionnalisée a suscité des débats
surtout lorsqu'elle a commencé à être utilisée pour
générer des dons. La collecte de fonds renvoie une mauvaise
image, c'est pourquoi ce « sale boulot» pour reprendre l'expression
de Pascal Dauvin, est souvent sous-traité aux agences. Dans ce cas, la
volonté d'externaliser le travail n'est donc pas seulement liée
aux compétences qu'elles pourraient apporter mais bien à un
problème interne lié à l'éthique, nous y
reviendrons plus tard. Ce qui nous intéresse ici, c'est la relation
entretenue par les différents acteurs qui in fine participe
à la création du discours humanitaire.
Nous avons évoqué les agences de communication
qui tiennent un rôle central dans la communication humanitaire mais
d'après Christophe Ayad, grand reporter au service international de
Libération, les organisations humanitaires cultivent une
relation ambiguë avec un autre acteur majeur : les médias. Dans un
article intitulé Journalistes et humanitaires : sous-entendus,
malentendus, il détaille plus précisément le rapport
et les similarités qui les lient : leurs parcours d'études, leurs
valeurs, leurs références culturelles. Comme nous c'est le cas
aussi entre les agences, certains passent d'un milieu à l'autre pendant
leur carrière, d'autres se côtoient dans les mêmes cercles
et ceux qui ont eu une expérience commune sur le terrain continuent de
se fréquenter à la fin de leur mission. Ces liens
dépassent largement la relation habituelle entre une source et un
média.
Sur le terrain, les correspondants utilisent les
capacités logistiques des ONG pour accéder à des zones de
conflit. Ces dernières sont des sources privilégiées pour
les journalistes car elles sont bien intégrées dans le tissu
local et connaissent parfaitement la situation du moment. Pascal Dauvin
confirme que les grands reporters ou les correspondants locaux tissent un
système de relations privilégiées avec les chefs de
mission des ONG. Pour lui, cela a une incidence sur le discours humanitaire qui
n'est pas fabriqué en autarcie : « il est le résultat de
collaborations à la fois confiantes et méfiantes entre
journalistes et ONG et entre ONG et agences de communication61.
» Denis Maillard, auteur et philosophe politique, parle de « lien
consubstantiel de l'humanitaire et de la communication62 » pour
expliquer pourquoi l'ONG a autant besoin du journaliste que le journaliste de
l'ONG.
C'est vrai sur le terrain, mais en France aussi les relations
sont constantes : les journalistes sollicitent fréquemment les ONG pour
leur expertise, leurs données statistiques ou leur réserve
inépuisable d'histoires, qu'il s'agisse de témoignages de
l'équipe ou de success-stories à propos des
bénéficiaires.
61 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.17
62 Maillard, La communication des ONG
humanitaires, p.69
33
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Ce terme est défini dans le Larousse par le «
Récit ou analyse, à la fois chronologique et synthétique,
de la réussite d'une personne, [...] d'une
opération63. » De leur côté, les
communicants envoient des dossiers et des communiqués de presse
anglés à une sélection de journalistes
stratégiquement choisis.
De cette collaboration, les ONG tirent aussi leur
bénéfice car elles cherchent à soigner leur image et
à être visibles. Pour Pascal Dauvin, « le discours
humanitaire est le résultat d'une offensive des communicants en
direction des journalistes64 ». Parmi les pratiques
humanitaires, il n'est d'ailleurs pas rare que des ONG proposent, organisent et
financent le déplacement de journalistes sur le terrain. Ces derniers le
font parfois sur leur temps libre pour développer leurs contacts et
s'imprégner de la réalité du terrain. À leur
retour, ils écrivent pour l'association ou vendent à des
rédactions des reportages dans lesquels sont mentionnées les
activités de l'association. Est-ce un hasard pour les purs besoins de
l'article? Est-ce une manière pour les journalistes de rendre la
pareille aux ONG ou est-ce un prérequis formulé par les
associations?
Les voyages de presse officiels sont des pratiques quasi
similaires qui sont aussi soumises au questionnement. Certaines ONG les ont
d'ailleurs bannis de leur pratique. Il s'agit d'organiser le déplacement
pour emmener une délégation de journalistes sur un terrain. C'est
souvent le cas pour les crises d'urgence, lorsque les ONG sont
déjà en place et qu'elles mettent à disposition leur
logistique. En retour, il est fort probable que les journalistes
écrivent des articles citant l'ONG. Pour les associations, quoi de mieux
qu'une publication dans la presse pour mettre en avant leurs activités
et leur marque à moindre coût. Mais dans ce cas, il est
intéressant de se demander où se trouve la limite entre la
commande, le publireportage et le journalisme.
Si cette relation gagnant-gagnant apporte de nombreux
bénéfices, elle peut aussi créer une dépendance
nuisible si une des parties manipule l'autre pour servir son propre
intérêt. Hormis ce risque, nous pouvons affirmer que la relation
ambiguë entre humanitaires et journalistes tout comme celle entre
humanitaires et agences de communication a une influence directe sur le
discours produit. C'est pourquoi Pascal Dauvin parle de « coproducteurs du
discours humanitaire65 ».
Il est intéressant de considérer l'espace
médiatique pour comprendre ce qui définit les
énoncés humanitaires. L'humanitaire intéresse les
médias car il correspond aux attentes du public et tout média
s'attache à satisfaire les attentes de son audience. Ainsi,
d'après Pascal Dauvin, « dans cette logique de marché, la
presse écrite ou télévisée traite l'humanitaire
selon des angles ajustés à ses cibles, en privilégiant
l'analyse et souvent l'émotion66 ». Dans une certaine
limite, il y a donc une volonté d'adapter le message pour qu'il «
plaise » ou qu'il soit compris par une audience donnée.
Le choix des sujets couverts par une rédaction est par
conséquent affecté par cette même logique. Dans un rapport
intitulé Souffrir en silence, l'ONG CARE dresse le bilan des
crises oubliées en 2016. Un article de Damien Roustel paru en janvier
2017 sur le site de l'Humanité en fait le résumé
et évoque la crise alimentaire en Érythrée comme la moins
citée dans les médias avec seulement 91 articles sur 250 000
analysés, bien que cette crise ait affecté plus de 2 millions de
personnes. D'autres, comme au Burundi ou la situation autour du lac Tchad, ont
pratiquement été inexistantes du paysage médiatique
cristallisé à cette époque par le conflit syrien, irakien
et la crise européenne des réfugiés.
63 Éditions Larousse, «
Définitions : success-story, success-stories - Dictionnaire de
français Larousse », (consulté le 29 juillet 2019),
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/success-story_success-stories/75166
64 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.19
65 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.16-17
66 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.19
34
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Selon CARE, « ce manque de visibilité dans les
médias porte préjudice aux victimes car l'attention des
médias influence la levée de fonds nécessaires pour
répondre aux urgences. Être informé invite à
s'engager et à faire un don, c'est «l'effet CNN»67
».
Le choix des médias quant aux sujets qu'ils traitent a
donc une influence directe sur les bénéficiaires des aides
humanitaires car les programmes bénéficiant d'une couverture
médiatique plus large, seront mieux financés que les autres.
D'un autre côté, les ONG, qui comptent sur les
médias pour relayer leurs informations, ajustent leur communication en
fonction de la demande médiatique. Ainsi, si l'attention est
centrée sur telle crise ou sur telle région du globe, les
organisations humanitaires s'emploient elles aussi à communiquer sur les
mêmes thématiques.
5. Les composantes de la communication humanitaire
Dans cette partie, nous examinerons le message en profondeur.
Après avoir expliqué quel rôle tient le marketing dans la
communication humanitaire, nous décomposerons à titre d'exemple
un journal des donateurs pour comprendre comment ce genre d'outils parvient
à créer des émotions et à renforcer la confiance
des donateurs. Nous détaillerons ensuite les différentes
composantes qui structurent la majorité des communications et qui en
font des outils convaincants : l'utilisation d'images, de victimes,
d'influenceurs ou encore l'évocation des droits fondamentaux. Enfin nous
expliquerons pourquoi le discours s'appuie sur des modèles qui ont pour
conséquence d'uniformiser le message.
5.1 Le marketing social
Le marketing peut être défini comme «
l'ensemble des actions ayant pour objectifs d'étudier et d'influencer
les besoins et comportements des consommateurs68 ». Par
extension, le marketing social désigne des actions marketing ayant pour
but de promouvoir des causes sociales ou d'intérêt
général. L'humanitaire se situe en plein dans ce champ et en
utilise pleinement les rouages.
L'enjeu du marketing social est de comprendre qui sont les
sympathisants, quels sont les objections et les blocages au soutien d'une cause
et comment les dépasser. Ces freins peuvent être de nature
technique dans le cas d'un mauvais fonctionnement des plateformes de soutien,
ou liés au message et à sa compréhension (la communication
tient alors un rôle déterminant). De plus, les convictions des
sympathisants peuvent être un obstacle à leur appui car certains
sont réfractaires à certaines causes. La segmentation de la base
de données permet dans ce cas d'adresser le bon message aux bonnes
personnes. Cette technique appelée marketing direct est très
utilisée dans l'humanitaire et a fortement développé la
collecte de fonds. D'après une définition, « le marketing
direct est une démarche marketing qui consiste à collecter et
à exploiter systématiquement dans une base de données des
informations individuelles sur une cible et à gérer une
transaction personnalisée69 ». Le marketing direct
touche directement la cible et cherche à obtenir un résultat
immédiat et mesurable.
67 Damien Roustel, « Humanitaire. Retour sur ces
crises les plus oubliées et négligées en 2016 »,
L'Humanité, 20 janvier 2017, (consulté
le 22 avril 2019),
https://www.humanite.fr/humanitaire-retour-sur-ces-crises-les-plus-oubliees-et-negligees-en-2016-630792
68 B Bathelot, « Définition : Marketing
» Définitions marketing », 25 septembre 2017, (consulté
le 27 mars 2019),
https://www.definitions-marketing.com/definition/marketing/
69 Pierre Desmet, « Marketing fondamental »,
in Aunege, (consulté le 10 mai 2019),
http://ressources.aunege.fr/nuxeo/site/esupversions/83e876d5-3c45-45cb-a888-2af03045ca8e/co/L8_4_2_marketing_direct.html
35
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Grâce aux études statistiques marketing, il est
facile de connaître les caractéristiques sociales, les
préférences politiques et religieuses des donateurs ou des
prospects et d'utiliser le canal le plus adapté pour communiquer avec
lui. Nous étudierons le sociotype des donateurs dans le second audit
dédié au don.
Un des principes fondamentaux du marketing est la promesse qui
est faite de la satisfaction des besoins exprimés par le client. Dans un
texte sur le marketing social et le fundraising, Antoine Vaccaro,
président du CerPhi, explique que dans le cas spécifique du
marketing social, cette promesse est difficile à vérifier pour le
client - le donateur - car il n'est pas bénéficiaire du service
délivré par l'ONG. En échange de sa participation, «
le donateur reçoit une contrepartie : sa satisfaction
morale70 ». Mais il doit être en mesure de
vérifier que la promesse est bien tenue.
La communication tient aussi cette fonction de mettre en forme
des outils dans le but de rendre des comptes. C'est le cas des rapports
annuels, du journal des donateurs, des pages dédiées sur des
sites Internet ou des publications sur les réseaux sociaux... Chaque
somme dépensée doit être justifiée et
présentée aux donateurs qui exigent une transparence totale sur
la manière dont sont utilisés les fonds.
En plus d'informer les donateurs sur les actions
menées, le journal des donateurs a aussi la vocation de cultiver un
sentiment de confiance en rapportant des résultats concrets. Pour
comprendre comment se construit cet outil, nous pouvons analyser la revue
AGIR de l'organisation UNICEF, trimestriel adapté au digital
depuis septembre 2012 71. Sa ligne éditoriale utilise trois
registres :
§ Tout d'abord, un discours éditorial rappelant
les valeurs de l'organisation. Dans son introduction, la présidente de
l'UNICEF France, rappelle les missions globales de l'organisation qui sont de
« pointer du doigt les inégalités qui mettent en danger la
vie des enfants [et] opérer sur le terrain pour l'accès des plus
vulnérables aux droits fondamentaux que sont la santé, la
nutrition, l'éducation et la protection ».
§ Ensuite, le discours est orienté vers les
victimes, mettant en scène des enfants à travers le
storytelling. Ceci permet d'ajouter de la compassion et de
l'émotion : « Il y a quelques mois encore, Oumar, 12 ans, vivait
heureux avec sa famille, dans le sud-ouest du Niger [...] Il a dû
abandonner l'école et partir pour la capitale trouver du travail
».
§ Un discours d'expertise apporte des informations
concrètes, des chiffres, des statistiques, ce qui permet de replacer la
mission dans un contexte : « 306 millions d'enfants de 5 à 17 ans,
selon le dernier rapport du Bureau International du Travail (BIT), sont
"employés économiquement" pour survivre et faire vivre leurs
familles. » Ces chiffres nourrissent aussi des schémas comme «
Comprendre : la vaccination ».
§ Enfin, la réponse apportée par l'UNICEF
grâce aux dons est mise en avant tout au long du document, notamment dans
les paragraphes « Que fait l'UNICEF ? » ou « Actions sur le
terrain ». Pour convaincre les donateurs connectés, la revue est
enrichie de contenus multimédias, de QR codes et d'une
application iPad qui donnent la possibilité d'en savoir plus. «
Nous avons souhaité enrichir le journal d'un dispositif digital simple,
interactif et incitatif pour ouvrir à un nouveau mode de communication :
plus direct, plus proche et plus impliquant !72 ».
70 Antoine Vaccaro, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.85
71 « UNICEF-France_Journal-AGIR-01(1).pdf »,
(consulté le 28 mars 2019),
https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/UNICEF-France_Journal-AGIR-01(1).pdf
72 « Agir, le nouveau journal des donateurs de l'UNICEF
France ! », UNICEF France, 20 septembre 2012, (consulté le 23
juillet 2019),
https://www.unicef.fr/article/agir-le-nouveau-journal-des-donateurs-de-l-unicef-france
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Intéressons-nous maintenant à la personne qui
écrit le journal des donateurs. Dans cet exemple, Corinne T. (nom
volontairement omis dans ce mémoire), est une journaliste qui a
écrit pour Libération, Marie Claire,
Télérama, L'Express. En utilisant le style
rédactionnel d'une journaliste, l'organisation conforte son lecteur dans
une tonalité qui lui est familière, articulée autour de
faits, propres au style journalistique. De plus, le fait que le document soit
écrit par une personne externe, qui plus est, soumise à un devoir
déontologique lié à sa profession, apporte de la
crédibilité aux informations données.
Jouer le jeu de la transparence peut être une
stratégie payante pour les organisations afin de susciter la confiance.
Le digital facilite la collecte et la diffusion de données du terrain
(nombre de bénéficiaires aidés, part du budget
dépensé...) mais l'affichage systématique des comptes au
public, sous la pression permanente des bailleurs et des donateurs, est devenu
une norme compliquée à gérer pour les organisations. Dans
le sillage des plus importantes, toutes les ONG ont dû s'aligner et
montrer patte blanche pour ne pas avoir l'air de cacher quelque chose. Cette
obligation a aussi accéléré la professionnalisation des
associations qui ont dû se donner les capacités d'avoir une
traçabilité, une gestion financière et un
reporting transparent. Pour cela, elles ont revu leurs processus et
embauché une armée de personnes qualifiées,
chargées de s'en occuper.
Rendre des comptes aux donateurs permet aussi de garder une
communication active avec eux en vue de motiver le prochain don. La
fidélisation est un élément essentiel de la relation
donateurs car il s'agit avant tout de créer un attachement fort et
continu entre un donateur et une cause.
Il est intéressant de noter le lien que la
communication humanitaire crée à travers ces outils. Pour Anne
Fouchard, journaliste et ancienne directrice de la communication de l'UNICEF
France, elle tient « une position unique entre le
bénéficiaire et le donateur » mais elle poursuit en
soulignant : « à partir de cette posture avantageuse, beaucoup de
rédacteurs et de fabricants de mailings ont cédé à
la tentation de raconter de belles histoires »73. Elle
décrit les campagnes humanitaires comme des produits de communication
qu'il faut savoir utiliser avec parcimonie au risque « d'être
contre-productif et de desservir la cause74 ».
Tout l'art des rédacteurs est de continuer à
capter l'attention du lecteur en utilisant le bon dosage d'information et
d'émotion. En effet les lecteurs, sollicités de toutes parts et
rompus aux publicités commerciales, savent désormais
décoder les messages et n'hésitent pas à rompre les liens
s'ils se sentent manipulés. L'esprit éthique prend alors tout son
sens car il empêche théoriquement tout débordement, nous y
reviendrons.
36
73 Anne Fouchard, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.134
74 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.143
37
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
5.2 Des images pour créer l'émotion
La multiplication des images dans notre vie quotidienne
apportée par la télévision, Internet ou encore la
publicité a transformé la façon de communiquer. Il est
désormais indispensable d'associer une image à un message pour le
rendre plus riche, plus percutant et plus facile à comprendre. Montrer
ce qui est dit, est devenu une norme car cela apporte en premier lieu de la
crédibilité à l'information : les gens croient ce qu'ils
voient.
Ensuite, et c'est un élément essentiel, l'image
crée de l'émotion chez le receveur, ce qui a un impact plus fort
en termes de communication. Cette émotion qui peut se traduire par
divers sentiments (compassion, envie, rejet...), déclenche une sorte de
dépendance chez l'homme qu'il va chercher à retrouver. Une
audience va donc naître du besoin de l'homme de ressentir des
émotions. Les médias l'ont bien compris et exploitent ce
créneau : la presse papier utilise abondamment des images pour illustrer
son propos ; la presse digitale en fait de même avec l'apport de supports
audiovisuels ; le concept de la télévision est entièrement
basé sur l'image; quant à la radio, elle est désormais
filmée et diffusée en direct sur Internet.
L'humanitaire n'échappe pas à cette logique mais
encore faut-il définir un cadre pour déterminer ce qui peut
être montré, nous y reviendrons plus tard.
5.3 Une communication centrée sur la figure victimaire
La plupart des communications humanitaires actuelles sont
centrées autour d'une victime. Dans cette sous-partie, nous expliquerons
les raisons d'un tel choix et la manière dont elle est mise en
scène pour que les humanitaires y aient un rôle à jouer.
5.3.1 Une mise en scène arrangeante
Dans un texte sur la communication humanitaire, Denis Maillard
démontre que le discours humanitaire s'articule autour de trois
registres : « un discours politique qui rappelle les valeurs et les
principes de l'action humanitaire ; un discours d'expertise qui vient restituer
l'action dans son environnement géopolitique ou médical; un
discours compassionnel qui met en scène l'action à travers les
victimes.» Il ajoute qu'il n'y a pas de communication humanitaire «
sans émotion, sans victime et sans compassion »75. Ce
choix de présenter l'action humanitaire autour d'une victime constitue
aujourd'hui un axe majeur de la communication humanitaire et
particulièrement de la collecte de fonds car cela présente
plusieurs avantages :
§ Premièrement, centrer le message autour de la
victime permet de proposer un récit illustré de cas particuliers
qui va utiliser du vocabulaire affectif pour créer de l'empathie et de
la compassion chez le receveur.
§ Ensuite, dans une logique où la communication
doit être vulgarisée pour être comprise, montrer des
victimes est plus facile et plus efficace que de montrer la complexité
d'un conflit ou les causes d'une injustice. Il est en effet plus simple
d'expliquer ce que vit une personne que le contexte et les raisons qui ont
provoqué la situation. Pascal Dauvin insiste sur l'importance de la
victime dans les énoncés humanitaires et démontre que
« l'impossibilité d'ajuster le message à tous les profils
recommande d'axer les stratégies de collecte sur le plus petit
dénominateur commun : des victimes universelles, innocentes et ne
laissant aucune prise aux jugements politiques76 ». Il y a donc
dans ce choix une question de commodité pour s'adresser au plus grand
nombre.
75 Maillard, La communication des ONG
humanitaires, p.69
76 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.163-64
38
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
§ Enfin, cela permet de se détourner des causes
politiques des problèmes et de faire l'impasse sur l'origine des
conflits, leur légitimité ou les raisons structurelles des
crises. Pascal Dauvin explique que souvent, le message est centré autour
d'une victime sans s'attarder « ni sur les conditions qui créent
l'injustice, ni sur la pertinence politique de l'action qui suit
l'indignation77 ». En prenant cet angle, les ONG évitent
de pointer du doigt les responsables, ce qui pourrait avoir des
conséquences en termes de sécurité vis à vis de
leur équipe sur place, et une implication sur les autorisations
nécessaires pour pouvoir travailler légalement sur le terrain.
5.3.2 Montrer une victime acceptable et conforme à
l'esprit occidental
La victime est présentée comme une «
individualité souffrante, un personnage générique de
l'humanité. Elle est donnée à voir comme une figure pure,
délestée de ce qui pourrait heurter: les variables sociales
(l'ethnie, la religion, la classe sociale) ou une quelconque
responsabilité dans le malheur ». Pascal Dauvin, l'auteur de ce
propos, poursuit : « l'efficacité de cette mise en scène
tient à la capacité de véhiculer une sémantique de
la douleur familière et accessible au public occidental
»78. Le constat de ce maître de conférence nous
indique que pour avoir un effet positif sur ce qu'elle véhicule, il faut
que la victime soit conforme à l'esprit commun et qu'elle ne choque
personne pour être acceptée. Le message doit être
suffisamment émouvant pour interpeller mais pas trop choquant pour ne
pas repousser le lecteur. Le risque, c'est que ce type de discours crée,
chez les personnes vulnérables, un sentiment de peur, de crainte voire
d'angoisse par mimétisme émotionnel avec la victime.
5.3.3 La concurrence des victimes
Il est surprenant de constater que les victimes n'ont pas
toutes la même résonnance. Dans une perspective de marché,
Denis Maillard évoque « la concurrence des victimes79
» alors qu'Anne Fouchard les classe, dans un texte sur l'Éthique et
communication, selon une échelle de popularité:
«[...] les pures, celles de catastrophes naturelles qui
n'y peuvent rien, les innocentes, l'enfant au milieu d'un groupe de sauvages
irresponsables, celles qui ont quelque chose à se reprocher, l'Afghan,
le Palestinien ou le malade du sida, et les désespérantes, les
civils de RDC, les Tchétchènes, dans les guerres auxquelles on ne
comprend rien80. »
D'un point de vue de fundraiser, les victimes et les
différentes crises qui y sont associées n'ont donc pas toutes le
même écho. Leur choix va générer différents
sentiments chez les receveurs, ce qui va avoir un impact direct sur leur
générosité. Dès lors, les « entreprises de
charité », pour reprendre un terme utilisé par Bernard
Kouchner, sont confrontées à un enjeu majeur : le choix des
causes à promouvoir. Communiquer sur telle cause parce qu'elle est
porteuse ou sur tel sujet parce qu'il est de leur devoir d'informer. Ce dilemme
pourrait pousser les communicants à ne parler que des sujets qui
apportent des résultats en termes de collecte. C'est en tout cas un
risque qu'il faut envisager pour ne pas être tenté de favoriser
une cause juste parce qu'elle apporterait un meilleur retour sur
investissement.
77 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.170
78 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.21-22
79 Maillard, La communication des ONG
humanitaires, p.67
80 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.139
39
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
5.3.4 Médiatiser la victime et son sauveur
Nous pouvons pousser la réflexion autour de la victime
avec Denis Maillard car selon lui, « donner à voir la victime
permet de se donner à voir en train de la secourir81 ».
Dans un premier temps, les ONG, dans leur volonté de témoigner,
montraient des victimes ignorées ou oubliées. L'objectif
était plus politique que lié à la communication. Mais au
fur et à mesure que le domaine s'est professionnalisé et que les
médias se sont structurés, l'acte politique initial s'est
transformé en un « positionnement de marque nécessitant une
narration particulière82 ». Donner à voir est
devenu un acte médiatique qui a permis aux organisations de se
positionner comme sauveur ou du moins comme une entité active qui tente
de changer la réalité.
De plus, la médiatisation en tant que vecteur de
l'information tient un rôle déterminant. Dans son ouvrage
intitulé La souffrance à distance, Luc Boltanski raconte
l'histoire du Bon Samaritain pour montrer que c'est seulement en
étant informé d'une situation, qu'un sauveur potentiel peut
agir:
« Ce qui est à portée de vue est
également à portée de main et c'est
précisément cette conjonction entre la possibilité de
connaître et la possibilité d'agir qui définit une
situation caractérisée par le fait qu'elle propose un
engagement83. »
Autrement dit, l'engagement devient possible à partir
du moment où une personne est confrontée à une situation,
soit parce qu'elle se déroule devant lui, soit parce qu'elle en a pris
connaissance. L'importance de la médiatisation des actions humanitaires
prend alors tout son sens car c'est le seul moyen de présenter aux
citoyens ce qui se passe à distance et de déclencher un acte
d'engagement.
5.4 Une communication qui s'appuie sur les droits fondamentaux
Dans un contexte délicat, où les communicants
pèsent chacun de leurs mots par peur d'écorner l'image de leur
association, il y a un autre thème sur lequel la communication
humanitaire s'appuie : les droits fondamentaux comme les droits de l'homme,
véritable pilier moral commun à tous. Référer
à cette valeur universelle irréfutable est pratique pour
plusieurs raisons :
§ elle permet, d'une part de s'adresser au plus grand
nombre en utilisant des arguments compris et acceptés par tous;
§ d'autre part, c'est une thématique refuge dont
on peut parler simplement sans prendre de risques. Au niveau rhétorique,
les arguments vont s'axer sur la morale, le devoir, le civisme que chaque
être humain est censé porter;
§ enfin, elle met les États et la
communauté internationale devant leurs responsabilités, ce qui
donne un certain écho à l'heure où les institutions comme
les Nations Unies font de moins en moins autorité et sont de plus en
plus critiquées pour leur inertie ou leur inaction.
D'autres thématiques sont aussi utilisées pour
être audibles, c'est le cas des valeurs démocratiques, du droit
humanitaire, de la Convention relative aux droits des enfants, du droit des
réfugiés ou encore de la Convention de Genève dont nous
avons parlé en préambule.
81 Maillard, La communication des ONG
humanitaires, p.66
82 Maillard, La communication des ONG
humanitaires, p.67
83 Luc Boltanski, La souffrance à
distance: morale humanitaire, médias et politique, Nouv.
éd., Folio essais 488 (Paris: Gallimard, 2007), p.30
40
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
5.5 L'utilisation d'influenceurs
La communication humanitaire fait souvent appel à des
célébrités pour augmenter la visibilité de
l'association, gagner en notoriété, conquérir de nouveaux
publics et avoir une chance d'être citée dans la presse. Avoir une
personne connue comme porte-parole, appelée parfois ambassadeur(rice) de
bonne volonté, décuple la portée du message et facilite
son adhésion par ses fans.
L'UNHCR par exemple utilise le potentiel de ces influenceurs
depuis de nombreuses années. Parmi les stars les plus connues, figurent
Angelina Jolie, Cate Blanchett ou encore Ben Stiller. Tous ont une
portée mondiale, ce qui a un impact direct sur les retombées
médiatiques ou sur l'effet buzz que cela peut engendrer. Lorsque Cate
Blanchett a pris la parole devant le conseil de sécurité de l'ONU
en 2018 pour défendre la cause des réfugiés rohingyas,
l'information a été reprise par de nombreux organes de presse et
la magie des réseaux sociaux a opéré pour
démultiplier les sources de diffusion du message.
Bien que l'utilisation d'influenceurs stars existe
déjà dans le domaine, cette pratique s'ouvre aujourd'hui
grâce aux possibilités apportées par le digital. De
nouveaux influenceurs ou micro-influenceurs émergent sur les
réseaux sociaux et les résultats constatés permettent de
croire en son fort potentiel. Se référer à la Partie
III, sous-partie 4, Les formes émergentes de communication humanitaire
et de collecte digitale pour plus de détails sur cette pratique.
5.6 Une rhétorique basée sur des
modèles
Comme nous l'avons expliqué, les différents
acteurs de la communication humanitaire circulent d'un espace à un
autre. Ce fort turn-over des professionnels au sein des agences, des
ONG et des organes de presse contribue à l'uniformité des
messages car les acteurs « transportent des modèles qui finissent
par aller de soi84 ». Le discours centré sur la victime
en est un parfait exemple : les communicants reproduisent d'une structure
à l'autre les mêmes messages qu'ils ont appris et fabriquent un
message standardisé auquel la cible est accoutumée. Ce choix a
pour conséquence d'appauvrir le propos et de freiner toute
évolution.
L'uniformisation du message a aussi une autre cause.
D'après Pascal Dauvin, dans les années 90, les communicants
plaidaient plus « la défense de la cause que l'orthodoxie
professionnelle de la communication85 », cependant, la
génération suivante a eu une approche différente : «
Ce qui les différencie de leurs aînés, c'est le titre
universitaire. Ils sont socialisés à la communication par le
biais de leur formation, ils se conforment plus aux règles et aux
réflexions éthiques codifiées par la
profession86 .» En plus d'une formation universitaire
standardisée où ils ont appris des méthodes de
communication applicables au secteur marchand, l'engagement initial des
humanitaires « sans-frontiéristes » et leur volonté
profonde d'informer et de témoigner ne sont plus l'aspiration
première des professionnels de la communication humanitaire, qui
exercent désormais ce métier comme ils le feraient pour une
société commerciale.
Pour nuancer cette idée, il est important de prendre en
compte l'avis de Jean-Baptiste Legavre, professeur en sciences de l'information
et de la communication, qui a réalisé des entretiens sur le
parcours de plusieurs travailleurs humanitaires.
84 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.21
85 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.15
86 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.15
41
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Dans un chapitre sur les ressources sectorielles, il indique
que le diplôme est une ressource mais ne suffit pas pour intégrer
le monde humanitaire. Il faut aussi « des socialisations
antérieures qui peuvent rendre possible une entrée dans la
carrière de la communication humanitaire87 ». Pour lui,
l'humanitaire est un domaine particulier au même titre que la
communication sportive, culturelle ou financière. Avant la
maîtrise technique de la communication acquise grâce au
diplôme (faire un communiqué de presse, un plan de communication),
il faut démontrer qu'on connaît le secteur et justifier d'une
expérience terrain pour asseoir sa crédibilité (lire
à ce propos le chapitre Les raisons de l'engagement). Ce
prérequis a des conséquences sur le recrutement car il diminue
considérablement le nombre de candidats potentiels. Ainsi, et nous en
venons à notre propos, la communication humanitaire est devenue un
métier de niche qui fonctionne en circuit fermé, où les
communicants appliquent les mêmes recettes et reproduisent les
mêmes schémas qu'ils ont appris dans leur poste
précédent. C'est une autre raison qui explique pourquoi les
énoncés sont souvent similaires, pour ne pas dire
standardisés, d'une campagne à une autre.
L'application de modèles digestes pour le public et
approuvés par la direction est parfois arrangeante face à la
complexité du sujet ou aux contraintes des supports. L'enjeu pour le
communicant est de refuser la facilité de la simplification du message.
En faisant des raccourcis sur une cause et son effet, en simplifiant l'origine
d'un mal ou en ne mettant en lumière qu'une seule facette du
problème, le communicant s'éloigne de la vérité. Or
parfois, les supports tels que les réseaux sociaux, les annonces SEA ou
les emails, contraignent les rédacteurs à donner une information
condensée dans un nombre de caractères limités. C'est
ainsi que des aberrations peuvent apparaître. Anne Fouchard donne un
exemple auquel elle a été confrontée : « Ces enfants
vont mourir de la rougeole sans votre aide88 .» Pour
éviter les simplifications parfois trompeuses, elle préconise :
« l'abandon des fables pour partager la complexité du réel
peut être une attitude éthique payante89. »
Enfin, le discours humanitaire reste statique car les acteurs
humanitaires ne vont généralement pas à l'encontre de
l'esprit consensuel et s'attachent à présenter une information
claire sur la situation. Prendre le risque d'être incompris par leurs
soutiens ou les surprendre en leur délivrant un message contradictoire
avec celui qu'ils pourraient entendre d'autres structures, n'est pas une bonne
stratégie car elle risquerait de créer de la méfiance et
ou de l'incompréhension. À ce propos, Pascal Dauvin avance que
« les ONG peuvent prendre des risques dans leur discours mais le
contre-pouvoir s'exerce toujours dans une arène sans danger pour le don
et l'action90 ». Rony Brauman, lui, dénonce le fait de
« laisser passivement un discours dominant orienter le sens du discours
humanitaire91 ».
La communication humanitaire, qu'elle ait pour objectif
d'informer, de sensibiliser, d'engager, de dénoncer, de convaincre reste
bien souvent dans un spectre bien défini, convenable pour tous. Elle
engage de « façon neutre sans désigner le
méchant92 » car les responsables des atrocités
sont, d'une manière générale, exclus du récit.
87 Legavre, La communication des ONG
humanitaires, p.34
88 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.140
89 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.145
90 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.160
91 Brauman, La communication des ONG
humanitaires, p.156
92 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.165
42
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
6. Les frontières du dicible
Les valeurs d'éthique et les devoirs
déontologiques liés à la profession sont fièrement
affichés par les organisations humanitaires. Ces principes ont
été imaginés récemment par les humanitaires
eux-mêmes et fixent désormais un cadre moral accepté et
respecté par tous les acteurs. Dans cette partie, nous évoquerons
les chartes qui contiennent des règles fixant les frontières du
dicible mais servant aussi à renforcer la confiance et à
générer des dons. Nous présenterons ensuite l'obligation
de neutralité, qui sert de fondement à tout le travail
humanitaire, comme une nécessité pratique à bien des
égards. Enfin, nous critiquerons la surenchère permanente dans la
présentation des chiffres et des statistiques, dans l'espoir d'avoir une
portée plus grande.
6.1 L'éthique et la déontologie
L'éthique et la déontologie se sont
progressivement inscrites comme des valeurs fondamentales de la communication
humanitaire. Présent dans l'imaginaire de tous les acteurs du milieu,
comme dans celui du public, ces principes font office de garde-fou dans le
discours humanitaire et tracent les frontières du dicible.
Jusqu'au milieu des années 80, la communication
humanitaire utilisait sans restriction des images indécentes pour
montrer la misère et provoquer un choc du public. Pour Anne Fouchard,
« l'exhibition, voire l'esthétisation de la souffrance, visant
à susciter un choc émotionnel, manquent de respect à la
personne photographiée, comme à celle qui reçoit l'image.
L'émotion bascule vite de la compassion à la pitié en
jouant sur la culpabilité93 ». Pour faire face aux
nombreuses critiques que cela suscitait, les acteurs humanitaires ont
réfléchi à la création de chartes de
déontologie visant à respecter la dignité des personnes
représentées. Aujourd'hui, ces chartes sont devenues des
principes moraux que les ONG utilisent dans leur communication. Pour Yves
Poirmeur, professeur de science politique, cela a été « un
moyen de rassurer les donateurs et les bailleurs de fonds94 ».
Face à plusieurs scandales comme celui de l'ARC, les associations ont
fortement communiqué sur ces chartes afin de retrouver la confiance de
leurs sympathisants.
De plus, avec cette volonté de transparence, les
organisations humanitaires se sont regroupées à travers des
« dispositifs crédogènes95 » comme Dons
en confiance ou encore Association reconnue d'utilité
publique. Ces labels ont émergé dans l'intérêt
collectif de tout le secteur et ont permis de renforcer encore plus la
confiance chez les donateurs. Selon une étude intitulée
Baromètre de la Confiance, réalisée par TNS
Sofres en septembre 2015, le label Don en confiance peut jouer un
rôle d'incitation au don et de renforcement de la confiance pour 40 % des
Français96.
À travers la certification de reconnaissance
d'utilité publique, l'État apporte sa caution aux associations
recevant de l'argent du public. La mise en place d'une loi permettant la
défiscalisation des dons a imposé des contrôles financiers
stricts de la part des institutions étatiques; un gage de plus de la
transparence financière des ONG.
93 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.139
94 Yves Poirmeur, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.103
95 Karpik L., L'économie des
singularités (Paris, Gallimard, 2007), p.105 Cité par
Poirmeur
96 « Baromètre de la confiance - Vague 8 - TNS Sofres
pour le Comité de la Charte », (consulté le 18 mai 2019),
https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2015.10.21-barometreconfiancedons.pdf
43
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
Pour Anne Fouchard, « le succès de l'humanitaire
dépend de la confiance qu'il inspire au public en général
et au donateur en particulier97 ». Cependant, même si
l'éthique est au coeur de la conduite d'une ONG et par ricochet du
discours qu'elle propose, pour Pascal Dauvin, les ONG ajustent la contrainte
éthique comme cela les arrange car elles sont confrontées au
dilemme de la « rentabilité économique contre celui de la
vertu98 », les enjeux sectoriels devenant parfois plus
importants que les enjeux d'information ou de témoignage. Yves Poirmeur
note qu'il serait bénéfique pour certaines associations
méconnues d'outrepasser les règles déontologiques afin de
se démarquer : « les transgressions des règles peuvent se
révéler payantes, surtout pour les organisations nouvelles ou
marginales99. »
Mais dans ce cas, quelle limite se fixer?
6.2 La neutralité
La neutralité est l'autre grande position
défendue par les humanitaires qui impacte le discours. Mais
étrangement, cette neutralité découle moins d'un principe
que de nécessités pratiques. D'un point de vue
opérationnel, être publiquement neutre est une
nécessité pour avoir accès aux victimes sans être
affilié aux parties prenantes des conflits. En évitant de prendre
parti, les OSI ne froissent personne, ce qui leur permet d'obtenir les
autorisations nécessaires pour exercer dans un pays et de garantir la
sécurité des équipes sur le terrain. Pascal Dauvin pointe
ce risque éventuel : « parler des crises en dénonçant
les responsables peut être dangereux pour les expatriés et pour
les programmes qui risquent d'être interrompus100. »
Le positionnement neutre répond aussi à des
contraintes économiques car beaucoup de programmes sont financés
par des bailleurs institutionnels, liés soit aux États, soit
à l'Union Européenne, soit aux organisations internationales.
Prendre position contre ces institutions serait déloyal et risqué
pour la pérennité des financements dans le cas où elles
auraient une autre lecture de la crise. La neutralité devient alors une
facilité pour faire face à cette contrainte et s'abstenir de
contester ses partenaires.
Enfin, en refusant tout positionnement politique et en
revendiquant des valeurs apolitiques, les ONG se maintiennent à distance
des États et se montrent comme faisant partie de la
société civile. Cette dépolitisation permet de s'adresser
au plus grand nombre en évitant de critiquer des idées politiques
opposées ou de heurter le conservatisme de leurs sympathisants. De plus,
parmi ces derniers, certains se méfient des politiques et sont
fatigués par leurs discours. Il est donc plus pertinent de leur
délivrer un message concret orienté vers l'action pour les
séduire, plutôt qu'un point de vue politique. La neutralité
est ici une nouvelle fois une question de convenance.
97 Fouchard, La communication des ONG
humanitaires, p.132
98 Dauvin, La communication des ONG
humanitaires, p.24
99 Poirmeur, La communication des ONG
humanitaires, p.104
100 Dauvin, La communication des ONG humanitaires,
p.28-29
PARTIE I - État de l'art de la communication
humanitaire
6.3 La surenchère des chiffres
La concurrence impose une surenchère des chiffres.
David Rieff, analyste politique et grand reporter américain, l'explique
: « pour que l'on prête attention à une crise, le langage
utilisé doit être apocalyptique. On doit surévaluer le
nombre de morts, de réfugiés et de dégâts
causés. Agir autrement risquerait de ne pas mobiliser le minimum d'aide
nécessaire101. » Le problème avec ce genre de
pratique, c'est qu'à chaque nouvelle crise, les ONG placent la barre
toujours plus haute. Urs Boegli, ancien chef du service de presse du CICR,
témoigne en ce sens et va plus loin : « les chiffres choquants
augmentent naturellement vos chances de passer au journal
télévisé du soir102. » Les discours
catastrophistes sont en effet les plus repris, et donc les plus audibles. Ce
sont finalement les mêmes leviers qui ont les mêmes effets, dans le
domaine de la télévision comme dans celui de l'humanitaire.
En fixant les limites du dicible et en établissant des
règles déontologiques qui garantissent que la communication
n'entache pas leur mandat moral, les ONG ont renforcé la confiance de
leurs sympathisants et peuvent communiquer librement à
l'intérieur des règles qu'elles se sont fixées.
44
101 David Rieff, « Quand les acteurs humanitaires
pratiquent la surenchère... », Grotius International, 30 novembre
2011, (consulté le 26 mars 2019),
https://grotius.fr/quand-les-acteurs-humanitaires-pratiquent-la-surenchere.../
102 Urs Boegli, « Les relations entre organismes
humanitaires et médias : quelques réflexions - CICR »,
Revue internationale de la Croix-Rouge, 28 mai 1998, (consulté
le 25 mars 2019),
https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/misc/5fzg67.htm
45
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
PARTIE II - Approche économique et sociologique
du don
Grâce aux technologies de l'information et de la
communication, l'être humain est exposé en permanence aux
actualités du monde de manière quasi-instantanée. En
étant informé du dernier tsunami, du dernier déplacement
de population ou de la dernière famine, il est difficile pour le commun
des mortels de faire abstraction et d'ignorer les difficultés que
certaines populations traversent. Nous l'avons vu, le fait de connaître
une situation est l'une des premières conditions de l'engagement et les
émotions déclenchées se traduisent par une volonté
d'aider son prochain. En agissant, le donateur cherche de manière
symbolique à restaurer l'égalité entre les hommes mais
cherche aussi à assouvir des besoins personnels, notamment celui de se
déculpabiliser afin de repousser le problème hors de sa zone.
Dans cet audit, nous verrons que la
générosité a de nombreux visages : certains
préfèrent donner leur temps ou leur compétence, d'autres
participent au financement de projets concrets ou parfois donnent sans se
préoccuper de la finalité. Dans un premier temps, nous nous
intéresserons à la manière dont les auteurs
décrivent le don pour en comprendre les significations profondes avant
de nous attarder sur plusieurs définitions antinomiques pour montrer les
ambivalences de cette pratique millénaire. Nous nous appuierons sur des
données chiffrées pour rappeler l'état de santé du
secteur après avoir fait une chronologie des pratiques de
charité, initialement développées grâce aux
religions et modernisées grâce aux techniques de fundraising. Dans
une volonté de dresser un état des lieux du don le plus exhaustif
possible, il nous a semblé utile de lister les différents types
de dons humanitaires existants avant d'esquisser une typologie des donateurs,
des causes qu'ils soutiennent et des raisons qui les motivent. L'analyse
portera sur une double appréhension, celle du donateur d'un
côté et de ses caractéristiques sociologiques, et celle des
associations de l'autre et de leur effort d'incitation communicationnelle.
1. Approches définitionnelles
L'Homme a un besoin naturel de donner pour se sentir humain,
c'est une pensée qui a été théorisée par
Gérald Berthoud, professeur d'anthropologie culturelle et sociale,
co-fondateur de la Revue du MAUSS : « Le don n'est autre que la
vie, comme la condition nécessaire d'une participation effective au
monde103. » À travers son geste, le donateur recherche
l'appartenance à l'humanité, entendu ici dans le sens de la
communauté humaine, mais vise aussi la reconnaissance des autres qui
quelque part lui procure une certaine estime de lui-même.
Dans sa forme initiale, le don peut être vu comme une
pierre angulaire des relations sociales et des échanges car il a la
vertu de créer du lien. Dans ce sens, Jacques T.Godbout et Alain
Caillé proposent dans L'esprit du don, de qualifier le don
comme « toute prestation de bien ou de service effectuée, sans
garantie de retour, en vue de créer, nourrir ou recréer le lien
social entre les personnes104 ». Cet acte est donc une
manière de reconnaître l'existence de l'autre et son
importance.
103 Sandrine Chastang, « Toutes les manières de rater
un don humanitaire », Revue du MAUSS 31, no 1 (2008):
p.76
104 Jacques Godbout et Alain Caillé, L' esprit du
don, Nachdr., Sciences humaines et sociales 86 (Paris: La
Découverte Poche, 2010), p.32
46
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
À cela, Sandrine Chastang, auteure de l'article
Toutes les manières de rater un don humanitaire, suppose un
geste finalement moins naturel : « Il n'y a pas de
générosité pure, dégagée de plaisir
égoïste ou d'attente de retour105. » Une vision
moins enthousiaste qu'elle précise en amont:
« Celui qui reçoit est dans l'obligation de rendre
toujours plus [...] le don est violent car il rend l'autre redevable et
crée une dette qui doit être acquittée106.
» Au-delà d'une approche qui caractérise un acte
désintéressé, le don exprime dans son aspect fondamental,
une démarche moins anodine qu'elle n'y paraît.
D'autres analyses partagent aussi ce point de vue,
désigné sous la triple logique « donner, recevoir, rendre
» et la considère comme « les règles de
l'échange social »107. Ce cheminement intègre la
notion de « contre-don » qui induit cette obligation de rendre ou de
donner à son tour. La seule manière pour celui qui reçoit
de garder son estime et sa dignité est de rembourser, mais au final,
cette responsabilité morale écrase encore plus les personnes qui
n'en ont pas les capacités. C'est le cas dans l'humanitaire, où
des victimes lointaines reçoivent des dons anonymes qu'elles ne pourront
jamais restituer.
Toutefois, cette notion doit être abordée de
manière globale car rendre ne veut pas forcément dire rembourser
directement. Celui qui reçoit peut s'acquitter de sa dette comme il le
souhaite, c'est peut-être une des raisons pour laquelle des personnes
démunies sont aussi très généreuses. Au final, le
retour de générosité crée un système
circulaire qui participe à l'économie du don.
Naturellement, chacun est libre de respecter ce
précepte et de donner sans contrepartie. D'ailleurs, selon une
étude de l'Observatoire de la générosité et du
mécénat, « aller au-delà de ce qui est exigible [est
une manière d'] affirmer son existence autonome et [d'] infirmer la
suprématie des règles de l'échange108
».
Le don crée donc de la réciprocité entre
les hommes mais établit aussi des hiérarchies en plaçant,
de fait, le généreux donateur au-dessus de celui qui
reçoit. Faire un don, c'est une façon de manifester sa
supériorité vis à vis du receveur contraint d'accepter sa
subordination. Marcel Mauss, célèbre anthropologue et sociologue,
évoque cet aspect dans son Essai surle don à travers ce
qu'il appelle « le don de rivalité », où les hommes se
mettaient au défi de donner leurs richesses pour affirmer leur puissance
et éventuellement faire perdre la face à ceux qui ne pouvaient
pas rendre. Ce simple geste de charité peut donc avoir des aspects
négatifs sur le receveur et créer une situation d'humiliation et
de domination.
D'aucuns voient dans cette position de pouvoir des restes d'un
comportement colonial des occidentaux. Un courant de la sociologie francophone
décrit d'ailleurs la philanthropie comme un « mécanisme de
domination employé par l'élite économique pour servir ses
intérêts et influencer les pouvoirs publics109 ».
À ce propos, il apparaît que le terme charité soit
de moins en moins utilisé par la profession dans la mesure où il
exacerbe cette relation dissymétrique entre un donateur et un
récipiendaire, au lieu de restaurer l'égalité entre les
hommes.
105 Chastang, « Toutes les manières de rater un don
humanitaire », p.78
106 Chastang, « Toutes les manières de rater un don
humanitaire », p.77
107 Norbert Alter, « Théorie du don et sociologie du
monde du travail », Revue du MAUSS no 20, no 2 (2002):
p.263-85, (consulté le 15 mai 2019),
http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2002-2-page-263.htm
108 « Motivations et valeurs associées au don
» (SORGEM pour l'Observatoire de la générosité et du
mécénat, 2001), p.12, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
109 Arthur Gautier et Laurence de Nervaux, « La France qui
donne - Etat de la recherche sur le don en France », Chaire
Philanthropie de l'ESSEC, Observatoire de la Fondation de France,
décembre 2015, p.16, (consulté le 29 avril 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/la_france_qui_donne_dec_2015_0.pdf
47
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
D'un point de vue lexical, les diverses traductions du mot don
contribuent à expliquer ses multiples sens : en anglais, on utilise le
mot gift, qui pourrait se traduire par cadeau alors qu'en allemand, ce
même mot désigne le poison. En français, l'expression
cadeau empoisonné raisonne comme une synthèse qui ne doit rien au
hasard. Plus pragmatique, le Centre national de ressources textuelles et
lexicales (CNRTL) donne la définition suivante du don : « Action de
donner, de céder gratuitement et volontairement la
propriété d'une chose110. » L'approche
étymologique du mot don révèle un acte symbolique : en
Grec, le terme sumbolon est un objet partagé entre deux
personnes comme signe de reconnaissance. Nous retrouvons donc bien dans le sens
propre de ce mot, une dimension de mise en lien qui permet de joindre, de
rassembler.
Enfin, pour les donateurs, le mot don est jugé trop
« fort, inadéquat et pompeux », les termes aide ou
solidarité lui sont préférés, c'est ce qui
ressort d'une étude qualitative de la Fondation de France basée
sur 30 interviews auprès de donateurs et non-donateurs111.
Nous remarquons qu'il existe une variété de
définitions et de significations diamétralement opposées
pour qualifier le don, tout est donc question de point de vue. À la fois
destiné à l'autre mais aussi à soi,
désintéressé mais prépondérant, « le
don est fondamentalement ambivalent112 ».
2. Origines et évolutions
Si les sciences sociales se sont fortement
intéressées aux motivations des acteurs bénévoles
et aux raisons de leur engagement dans les associations, cet
intérêt est en revanche beaucoup moins fort en ce qui concerne les
dons d'argent dont les pratiques ont plutôt été
explorées par les instituts de sondage ou par les professionnels et les
spécialistes de l'action humanitaire eux-mêmes. Ces
réflexions, qui portent principalement sur le marketing social,
s'appuient sur des enquêtes quantitatives pour connaître les
pratiques des donateurs sans s'attarder sur les véritables motifs qui
font agir et sur les raisons de donner.
Dans cet partie, notre observation s'appuiera par
conséquent davantage sur des études quantitatives même si
un effort a été fait pour les mettre en perspective avec des
sources qualitatives. Nous ferons dans un premier temps un éclairage sur
les origines religieuses du don avant d'annoncer les sommes colossales
récoltées aujourd'hui. Puis nous aborderons le régime
fiscal spécifique de notre pays pour montrer qu'il est un formidable
levier de générosité malgré les récentes
réformes. Enfin nous montrerons comment le secteur explore de nouveaux
canaux pour renouveler son bassin de donateurs et contrer les baisses
constatées.
2.1 Un principe ancré dans les religions
Les collectes ont toujours existé dans les
différentes sociétés, notamment par l'intermédiaire
des quêtes religieuses. Qu'elles aient pour but de récolter
l'aumône ou des biens en nature, ces pratiques traditionnelles ont fait
leur preuve depuis la nuit des temps et continuent de mobiliser de nombreux
donateurs. Selon certains dogmes, donner aux autres, aux pauvres, aux
malheureux, fait partie des devoirs fondamentaux.
110 « DON : Définition de DON »,
(consulté le 29 avril 2019),
http://www.cnrtl.fr/definition/don
111 « Motivations et valeurs associées au don »,
(consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
112 Chastang, « Toutes les manières de rater un don
humanitaire»
48
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Dans la religion juive, la tsédaka est une
forme d'aumône où il s'agit de « rendre à l'autre ce
qui lui est dû ». Le radical du mot signifie d'ailleurs justice
en hébreu. Dans l'islam, la sadaqa est « un acte de
foi et un chemin de purification »113. La charité
chrétienne, la dâna bouddhiste, le Takuhatsu
dans le bouddhisme japonais (...), à chaque religion son obole pour
aider son prochain. Même si le don s'est développé sur le
terreau des croyances, ces pratiques sont quelque part ancrées dans les
sociétés et font partie des cultures, c'est pourquoi ce geste est
porteur de sens même dans l'esprit des personnes athées.
2.2 Un marché structuré qui draine des sommes
colossales
Au-delà des cultes, la générosité
des français est considérable bien que nous observions un
changement de tendance et une diversification des canaux et des modes de
collecte. Si nous prenons en compte uniquement les formes numéraires de
don, laissant de côté le travail bénévole et les
dons en nature, le volume total des dons a été estimé en
2015 à 7,5 milliards d'euros au niveau national,
114.
incluant les contributions individuelles pour 61 % et celles des
entreprises pour 39 % Un chiffre
cohérent avec une autre étude plus
récente de Recherches & Solidarité qui évalue à
plus de 4,7 milliards d'euros, les dons provenant uniquement des
particuliers115 (dont 60 % sont déclarés à
l'administration soit 2,6 M€). En prenant comme baromètre
uniquement ces dons déclarés, cela représente une
croissance de plus de 70 % en dix ans116, même si nous verrons
que dernièrement la courbe s'est inversée. Le réseau
mondial d'ONG Ifp-Fip donne une image de ce que cela représente au
niveau international, même si cela peut être soumis au débat
: « Si les ONG formaient un pays, celles-
5ème
ci constitueraient la économie mondiale117.
»
Ces sommes considérables représentent un enjeu
de taille pour les acteurs humanitaires contraints d'adopter des modes de
fonctionnement issus du monde marchand et d'évoluer dans un secteur
concurrentiel avec les mêmes enjeux que pour les entreprises
privées. À ce propos, le terme Charity Business fait
désormais partie du vocabulaire lié à l'économie du
don : Bernard Kouchner publiait dès 1986 un livre portant ce nom pour
dénoncer un milieu qui draine des sommes colossales et qui devient un
produit de consommation de masse. Les journalistes l'utilisent pour
décrire « les entreprises humanitaires118 » qui
s'éloignent du but non lucratif initial : la réalisatrice Sophie
Bonnet traite ce sujet dans son documentaire Charity Business : les
dérives de l'humanitaire. Quant au président du CerPhi,
Antoine Vaccaro, il décrit ce qu'il appelle le marché du don
comprenant « une offre (les ONG), une demande (des donateurs
disposés à acquérir par leur don, la satisfaction morale
de participer à une action philanthropique), et un produit (les actions
sociales, humanitaires, de recherche)119 ».
113 « Tous les chemins mènent au don : pourquoi les
grandes religions nous invitent à donner », Réussir sa vie :
des pistes de réflexion pour construire son projet de vie, 6
décembre 2017, (consulté le 21 mai 2019),
https://www.reussirmavie.net/Tous-les-chemins-menent-au-don-pourquoi-les-grandes-religions-nous-invitent-a-donner_a2737.html
114 « Panorama national des
générosités » (Fondation de France / Observatoire de
la philanthropie, avril 2018), p.51, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/rapport_generosite4.pdf
115 Bazin, Duros, et Malet, « La
générosité des Français 2018 », p.17
116 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.8
117 « La stratégie social media des ONG »,
Ruche&Pollen, 15 juin 2017, (consulté le 9 juillet 2019),
https://ruche-pollen.com/blog-social-media/communication-des-ong-sur-les-reseaux-sociaux
118 Dauvin, La communication des ONG humanitaires, p.9
Extrait de Juhem P., « La légitimation de la cause humanitaire
», L'humanitaire en discours, Mots, n°65, mars 2001, p.9-26.
119 Antoine Vaccaro, La communication des ONG humanitaires
(Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.92
49
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
2.3 Le régime fiscal incitatif comme moteur du don
En France, les associations à but non lucratif sont les
principales destinataires des dons des particuliers, viennent ensuite les
fondations et les organismes publics. Depuis 2003, les pratiques liées
à la philanthropie se sont fortement développées suite
à la promulgation d'une loi fiscale dite Aillagon qui permet
aux donateurs de défiscaliser une partie de leur don. Cette incitation
fiscale permet de réduire de 66 % le montant du don dans la limite de 20
% du revenu imposable. Ce taux peut même atteindre 75 % pour un don
à certains types d'associations, dont celles reconnues
d'intérêt général présentant un
caractère humanitaire (dans la limite de 537 € par an en 2019,
au-delà, la réduction de 66 % est appliquée). En
matière de communication, ces avantages fiscaux sont fortement mis en
avant pour inciter au don. En plus d'un affichage visible sur les
différentes plateformes de communication, ces taux sont
intégrés directement dans les modules digitaux de don afin de
calculer en temps réel la réduction fiscale dont pourra
bénéficier le donateur. Sur le site Internet de l'ONG CARE
France, après sélection de la somme 200 € pour un don
ponctuel, la mention « Votre don vous coûte 50,00 €
après réduction fiscale » apparaît. Cette tactique
marketing interactive et incitative a un effet immédiat sur l'acte de
don.
Mais si le système fiscal français était
jusque-là un moteur d'incitation au don, les réformes
récentes semblent avoir des conséquences sur les collectes.
D'après les responsables associatifs, l'augmentation de la CSG a
pénalisé les retraités, le remplacement de l'ISF par l'IFI
a découragé les grands donateurs et enfin, le
prélèvement à la source, instauré en janvier 2019,
a ajouté une incompréhension sur la manière dont seraient
défiscalisés les dons120. La journalise Isabelle Rey
Lefebvre écrit dans Le Monde que ces réformes «
assèchent la générosité des Français ».
D'après elle, le nombre d'assujettis à l'IFI a fondu de 350 000
à 150 000 foyers, ce qui représente « une perte de donateurs
potentiels qui pouvaient, jusqu'en 2017, réduire leur imposition de 75 %
du montant de leurs dons, dans la limite de 50 000 euros, mais ne voient plus
l'intérêt de le faire121 ». Résultat, une
perte pour les associations estimée entre 130 et 150 millions
d'euros.
D'après le Baromètre des comportements
donateurs face aux changements fiscaux, réalisé par Kantar
Public en août 2018 : « 20 % des donateurs retraités
confiaient avoir l'intention de réduire leurs dons [du fait de la hausse
de la CSG]122. » Des chiffres confirmés dans une
infographie du Monde qui prédit aussi que 28 % des personnes
imposables vont modifier leurs dons après la mise en place du
prélèvement à la source en 2019. Bien que l'impact
réel de ce nouveau mode de prélèvement de l'impôt ne
soit pas encore mesurable au moment de la rédaction de ce
mémoire, Nicolas Duvoux, sociologue à l'Université
Paris-VIII, dénonce « un accident industriel pour les associations,
que le gouvernement n'avait peut-être pas anticipé
».123
2.4 Une tendance à la baisse inédite
D'après une étude publiée en avril 2018
par l'Observatoire de la philanthropie, l'évolution du montant
cumulé des dons est très significative depuis le début du
siècle, bien que le nombre de donateurs ne progresse pas de
manière analogue : « le total des dons déduits a
été multiplié par 2,5 passant de
120 Mathieu Castagnet, « La baisse des dons a bien eu
lieu », La Croix, 8 avril 2019, (consulté le 1 mai 2019),
https://www.la-croix.com/Economie/France/baisse-dons-bien-lieu-2019-04-08-1201014241
121 Isabelle Rey-Lefebvre, « Les associations et fondations
caritatives victimes d'une chute historique des dons », Le Monde,
9 janvier 2019, (consulté le 17 mai 2019),
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/01/09/les-associations-et-fondations-caritatives-victimes-d-une-chute-historique-des-dons_5406484_3224.html
122 « Baisse de la générosité en 2018
», francegenerosites, 9 avril 2019, (consulté le 1 mai 2019),
http://www.francegenerosites.org/baisse-de-generosite-2018/
123 Rey- Lefebvre, « Les associations et fondations
caritatives victimes d'une chute historique des dons»
50
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
1,137 milliard en 2003 à 2,620 milliards en 2015.
» Il est à noter que dans le même temps, le nombre de foyers
donateurs n'a progressé que de 35 %, passant de 4,254 à 5,759
millions.124
Mais malgré cette nette progression, la tendance semble
s'inverser : « Entre 2017 et 2018, le montant des dons reçus par
les associations et fondations françaises a baissé en moyenne de
- 4,2 %. Une baisse
125
significative après une progression constante des dons
entre 2013 et 2017 .» Dans un article publié
par La Croix, Mathieu Castagnet évoque «
un recul inédit depuis plus de 20 ans » et cite Jacques Malet,
président du réseau d'experts Recherches & Solidarités
: « C'est du jamais vu depuis au moins 1995, lorsque les grandes
grèves avaient totalement perturbé les collectes de fin
d'année126. » Depuis plus de 20 ans, les dons avaient
chaque année enregistré une progression du montant global
collecté ou du moins une stabilisation, même si parfois le nombre
de donateurs avait lui diminué, comme l'évoquent d'autres
statistiques publiées en novembre 2018. D'après cette
dernière source, le montant moyen des dons déclarés avait
atteint la barre des 500 € en 2017, indiquant une augmentation de 23 %
entre 2013 et 2017.127
Nous l'avons vu, certains mettent en cause les récentes
réformes fiscales pour expliquer cette tendance à la baisse. Mais
parmi ces chiffres, qui sont interprétables de différentes
manières, il est possible de trouver des points positifs car, s'il y a
bien eu une baisse du montant total collecté en 2018, le nombre de dons
s'est maintenu, porté par les donateurs réguliers qui cumulent 92
% des dons reçus128. Dans un contexte difficile, les
donateurs français montrent qu'ils restent fidèles et
attachés aux associations, c'est ce que conclut Pierre Siquier,
président de France générosités : « On voit
que le nombre de dons ne fléchit pas. Cela montre la
fidélité des donateurs. Ils ont parfois donné moins, mais
ils ont continué à donner129. »
2.5 Un secteur qui évolue à travers de nouveaux
canaux d'acquisition
Aujourd'hui, malgré une baisse significative, nous
pouvons avancer que le secteur se porte plutôt bien, mais les enjeux se
complexifient et imposent une adaptation permanente. Outre la multiplication
des acteurs humanitaires, tout individu peut désormais facilement lever
des fonds auprès de son entourage, via les réseaux sociaux ou les
plateformes de financement participatif dit crowdfunding, pour
soutenir une cause. D'après une étude de Kantar pour France
générosités, 10 % des Français déclarent
donner de l'argent par le biais du crowdfunding (hors cagnottes
lancées directement par des associations ou fondations faisant appel
à ce canal)130.
À travers le digital, les réseaux sociaux et ces
nouvelles formes de don, des donateurs plus jeunes s'engagent et compensent la
diminution récente des contributions. Mais le comportement du donateur
change, il se montre de plus en plus actif dans son acte et devient une sorte
de relais ou de partenaire pour les ONG. D'autres modes de récolte
prometteurs comme les produits partage ou encore les options de
générosité embarquée comme les arrondis
représentent de nouveaux vecteurs de générosité
même si leur recette reste relativement modeste. Nous détaillerons
plus spécifiquement ces pratiques innovantes dans la Partie III,
sous-partie 4 Les formes émergentes de communication humanitaire et de
collecte digitale.
124 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.25
125 « Baisse de la générosité en 2018
»,
http://www.francegenerosites.org/baisse-de-generosite-2018/
126 Castagnet, « La baisse des dons a bien eu lieu »
127 Bazin, Duros, et Malet, « La
générosité des Français 2018 », p.6
128 Kantar, « Le portrait robot du donateur du futur
», (Government & Nonprofit, octobre 2018), (consulté le 17 mai
2019),
https://www.slideshare.net/Sofres/20180928-campagnedonner
129 Castagnet, « La baisse des dons a bien eu lieu »
130 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
51
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
3. Approche marketing du fundraising
Bien que le don soit en théorie naturel chez l'homme,
en pratique il se réalise suite à une demande. Certains dons sont
bien sûr spontanés mais bien souvent ils sont sollicités.
« Si on ne demande pas, on n'obtient pas », c'est une des
premières choses entendues lorsque j'ai intégré le service
dédié au développement et à la collecte du HCR
France. Structurés et disposant de budgets dédiés, ces
services sont en charge de provoquer cette demande. Ils utilisent des
techniques de fundraising qui pour rappel, se définit comme « la
réflexion stratégique et l'articulation des moyens mis en oeuvre
pour développer les ressources des organisations oeuvrant pour des
causes d'intérêt général131 ». Plus
spécifiquement, cette discipline consiste à « se servir des
données statistiques collectives et individuelles et du marketing direct
pour déterminer ce qui pousse les gens à donner132
». L'objectif pour les structures est de récolter de l'argent pour
garantir leur autonomie financière et pouvoir se détacher des
bailleurs étatiques et ainsi porter plus librement leur voix dans
l'espace public.
Nous essaierons de comprendre dans cette partie comment se
structure l'économie du don puis, à travers trois exemples, nous
expliquerons comment les techniques marketing aident les fundraisers à
optimiser la conversion. Enfin nous montrerons que le don fonctionne suivant
une temporalité qui lui est propre mais qu'il existe des moyens pour la
faire évoluer.
3.1 Des techniques marketing qui optimisent la conversion
La relation avec un donateur se fait au prix d'intenses
sollicitations généralement réparties en plusieurs temps.
Antoine Vaccaro intègre dans ce qu'il nomme « l'économie du
don » un modèle qui repose sur la trilogie : prospection,
fidélisation, succession.
§ La prospection est la conquête de nouveaux
donateurs en vue de constituer une base de données. § La
fidélisation est l'entretien de la relation avec les donateurs à
travers une communication continue, orientée vers la proximité,
l'information, le remerciement, la relance et la récompense.
§ Enfin la succession, à travers le legs par
exemple, est la dernière étape de ce processus, celle
qui sollicite même au-delà de la vie.
En adoptant une approche marketing de la collecte, les
fundraisers recherchent la performance à tous les niveaux et rivalisent
d'ingéniosité pour convertir davantage leur cible. Nous ne ferons
pas ici la liste infinie des techniques marketing utilisées par les
services de collecte, nous nous contenterons de faire un focus sur trois
tactiques incontournables permettant d'inciter au don.
La première est l'utilisation des équivalences
affichées dans les formulaires de don sous la forme : « avec telle
somme, nous pouvons faire telle action ». En matérialisant de
manière tangible et non symbolique à quoi va servir le don, les
fundraisers encouragent l'acte et les donateurs peuvent se projeter en
imaginant une utilisation concrète de leur argent.
Nous pouvons prendre en exemple le site de MSF, qui affiche
les équivalences suivantes de manière interactive : « 50
€, soit les gilets de sauvetage pour secourir 3 bébés en
Méditerranée - 100 €, soit les sachets d'aliments
thérapeutiques pour soigner 4 enfants malnutris - 150 €, soit 1 kit
d'accouchement - 500 €, soit 1 kit de diagnostic méningite
contenant 25 tests133. »
131 « Qu'est-ce que le Fundraising? », Association
Française des Fundraisers, 7 juin 2017, (consulté le 22 juin
2019),
https://www.fundraisers.fr/fundraising
132 Sylvain Lefèvre, La communication des ONG
humanitaires (Paris: Ed. Pepper: L'Harmattan, 2010), p.117
133 « Soutenez notre association », (consulté le
18 juin 2019),
https://soutenir.msf.fr/b/mon-don
52
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Avec le digital, des moyens existent pour adapter en temps
réel l'équivalence en fonction du profil du donateur et de son
historique. C'est le cas pour les formulaires en ligne tout comme les annonces
publicitaires de recherche (SEA), capables de proposer des équivalences
personnalisées.
La personnalisation du message est un autre
élément clé pour encourager le don. Il s'agit de faire
oublier au donateur le caractère standardisé et mécanique
de la sollicitation et de lui montrer que le message lui est adressé
directement. Plusieurs moyens sont utilisés pour donner cette illusion,
notamment l'utilisation du prénom, du nom voire de l'historique des
précédents dons : « lors du dernier appel concernant telle
crise, nous avions pu compter sur votre soutien... ». En procédant
ainsi, « la puissance des multinationales humanitaires s'évapore et
est remplacée par les signes de l'authenticité et de la
simplicité134 ».
Enfin la segmentation des bases de données et
l'utilisation de logiciels de gestion puissants (CRM) sont devenues
nécessaires en vue d'une relation donateurs de qualité. Cela
permet de délivrer un message différent à ses
sympathisants en fonction de leur profil ou de ne le délivrer
qu'à une partie d'entre eux. Cela évite aussi la
sur-sollicitation en fournissant les bons messages aux bonnes personnes, ce qui
contribue davantage à personnaliser la relation avec les donateurs.
3.2 Une temporalité propre au secteur
La collecte de fonds fonctionne suivant une temporalité
et s'articule autour de moments forts. Les moments où les donateurs sont
les plus actifs sont communs pour toutes les organisations et se concentrent
sur la fin de l'année car c'était jusque-là
l'échéance pour faire un don défiscalisé et pouvoir
prétendre à une réduction d'impôt pour
l'année en cours. C'est aussi une période où la
générosité est plus forte car dans les pays occidentaux,
les fêtes de fin d'année sont culturellement associées
à un
4ème
mouvement de générosité. Au total, ce sont
40 % des dons qui sont faits sur le trimestre dont la
moitié (21 %) en décembre135.
Des efforts sont faits par les ONG pour tenter de mobiliser
leurs sympathisants sur une temporalité plus large en créant des
moments forts tout au long de l'année en fonction du calendrier :
journées mondiales, fêtes des mères, ramadan, anniversaires
d'une structure ou d'une convention... De plus, avec la
généralisation du prélèvement de l'impôt
à la source de manière mensuelle, il paraît moins
justifié d'imposer une pression forte aux donateurs en fin
d'année avec des arguments de défiscalisation. L'idée est
d'engager le donateur en continue sur l'année en lui proposant la juste
dose de sollicitation pour ne pas le lasser. Aux fundraisers de faire preuve
d'imagination pour trouver les moyens d'envisager une nouvelle
saisonnalité des collectes.
En considérant une vision plus théorique de la
temporalité, nous remarquons qu'il n'y a pas que les crises urgentes qui
nécessitent une mobilisation rapide, les dons en général
appellent à une réaction immédiate. Dans une étude
de l'Observatoire de la générosité et du
mécénat, le don est présenté à la fois comme
maintenance et comme urgence:
« Le don comme maintenance a trait au soutien, il s'agit
de maintenir la possibilité d'une assistance. L'aide est une
béquille. Elle permet de ne pas perdre de terrain sur un mal qui
constitue une menace permanente. On ne peut pas arrêter de donner.
»
134 Lefèvre, La communication des ONG
humanitaires, p.123
135 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
53
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
D'un autre côté:
« L'urgence du don se présente soit comme solution
ponctuelle à un problème particulier, soit comme sollicitation
à une occasion spécifique. Les causes, elles, sont permanentes.
Il s'agit surtout de créer une opportunité et
»136
le passage à l'acte de don.
Les appels à don concernant les catastrophes naturelles
ou les urgences sont fortement liés à cette dernière
temporalité. Il s'agit de mobiliser le plus rapidement possible en
utilisant des arguments liés au temps : « le temps presse, le
compte à rebours a commencé, il faut agir vite... ».
L'urgence émotionnelle que cela implique ne fait
pourtant pas l'unanimité car cela crée de la méfiance dans
la façon dont sont affectés les dons. Selon un sondage de TNS
Sofres, parmi ceux qui font habituellement confiance aux associations et aux
fondations, près du tiers exprime sa défiance dans ce
contexte137.
Le temps présent est aussi un élément
utilisé dans les communications humanitaires car les progrès
auxquels nous assistons sont censés relever le seuil de ce qui est
tolérable en termes de souffrance et d'injustice. Il est fréquent
de voir les formulations suivantes : « De nos jours, il est
intolérable de laisser des enfants mourir de faim » ou « En
2019, nous laissons toujours des enfants mourir de faim ». De plus, il est
courant de voir des boutons d'appel à l'action (CTA) porter la mention :
« Faites un don maintenant », une manière de décourager
les donateurs de repousser leur geste.
4. Les différents types de dons
humanitaires
Si pour l'ethnologue et sociologue Gérald Berthoud,
« le don n'est autre que la vie138 », il en existe de
nombreuses formes, chacune ayant sa nature et sa portée symbolique.
N'ayant pas l'ambition de faire une liste complète de toutes les
possibilités, nous nous concentrerons ici sur les principales formes
pratiquées dans l'humanitaire afin de dresser un panorama de la collecte
de ce secteur particulier. Pour chacune, nous donnerons une brève
explication qui nous permettra d'en comprendre les spécificités
même si dans ce mémoire, nous nous focaliserons
particulièrement sur les dons numéraires (faits en monnaie) par
les particuliers. Par souci de complétude, nous irons au-delà des
formes purement digitales, en évoquant notamment les possibilités
philanthropiques pour les entreprises, à travers le
mécénat et d'autres formes de partenariats. Cette liste, qui se
veut la plus exhaustive possible est une preuve de la diversité de la
philanthropie.
Comme le montre le schéma ci-après,
proposé par la Fondation de France, les dons peuvent être
classés dans deux familles : ceux des particuliers et ceux des
entreprises. Dans ces familles, nous distinguons les dons déductibles
des impôts et ceux qui ne le sont pas, à l'intérieur
desquels les dons sont classés suivant leur nature.
136 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, p.7-8, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
137 « Baromètre de la confiance - Vague 8 - TNS
Sofres pour le Comité de la Charte»
138 Gérald Berthoud, « Penser l'universalité
du don. À quelles conditions ? », Revue du MAUSS no 23,
no 1 (2004): p.71, (consulté le 22 juin 2019),
http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-353.htm
54
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Schéma - Les grands types de dons en
France139
4.1 Don en nature
Les dons en nature existent depuis toujours et font partie
intégrante des actions liées à l'aide d'urgence et
à l'assistance aux populations vulnérables. Bien qu'ils soient un
moteur pour certaines organisations, leur utilité est
controversée car ils ne correspondent pas toujours au besoin réel
des populations mais à une idée supposée du besoin. Les
quantités de denrées ou de matériels
récoltés sont pesés mais sont rarement valorisés en
numéraire par les associations, c'est pourquoi il n'existe pas de
comptage global. Les dons en nature comprennent:
Don de nourriture : l'aide alimentaire est une forme
très répandue de solidarité mais son utilisation dans le
cadre de programmes d'urgence internationaux est loin de faire
l'unanimité car la cause est souvent due à un problème de
distribution à l'intérieur du pays et non à un manque
réel de nourriture. De plus, distribuer de la nourriture est un exercice
périlleux qui impose de nombreuses précautions pour être
bénéfique.
Pour le donateur, cet acte s'apparente plus à un geste
spontané de compassion qu'à une action réfléchie,
au sens où c'est l'opportunité qui va créer le don. C'est
le cas par exemple des Banques Alimentaires qui créent une occasion de
donner en se plaçant à la sortie des supermarchés pour
collecter de la nourriture. À titre indicatif, les Banques Alimentaires
ont estimé à 39,5 millions d'euros le montant de leurs collectes
en nature en 2015, d'après une étude de l'Observatoire de la
philanthropie140.
139 « Panorama national des générosités
» , avril 2018
140 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.39
55
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Don de médicaments : il peut s'avérer
utile tant les inégalités d'accès aux médicaments
sont grandes entre les pays du Nord et ceux du Sud. Or celui-ci demande une
expertise pour que leur distribution ait un impact positif, tout le monde ne
peut pas s'improviser pharmacien.
Don de matériels : fournir du matériel
informatique par exemple, pose aussi des questions bien que l'accès aux
technologies soit devenu un enjeu de développement. En effet, les pays
du tiers-monde n'ont pas besoin de récupérer du matériel
obsolète dont les Occidentaux souhaitent se débarrasser. Cela
pose des problèmes environnementaux car ils représentent bien
souvent des déchets parfois toxiques qui polluent davantage les
localités.
Don de vêtements : outre le fait qu'ils sont
une alternative à la déchetterie, les dons de vêtements
alimentent, selon un article de Sandrine Chastang intitulé Toutes
les manières de rater un don humanitaire, « un réseau
commercial loin d'être philanthropique [...][car ils] sont soit
jetés, soit revendus ».141 Ce type de don, tout comme le
précédent, part d'une bonne intention mais doit s'inscrire avant
tout dans une optique de développement durable pour être
positif.
Don de sang, d'organes et autres : difficiles
à classer, ces dons biologiques sont fortement ancrés dans notre
société et reposent sur des valeurs fortes. Les collectes sont
majoritairement gérées par des institutions liées à
l'État comme c'est le cas pour l'Établissement français du
sang (EFS). L'incitation au don via des campagnes de communication ont un
réel impact sur les volumes de collecte.
4.2 Don de temps
Donner son temps, c'est donner de soi, certains le
considère comme « le vrai don142 ». Cette forme de
générosité, qui s'exprime à travers le
bénévolat ou le militantisme, est perçue comme un acte
authentique, un mode noble d'engagement. Les motivations des
bénévoles sont variées : d'après Dan
Ferrand-Bechmann, professeure à l'Université Paris 8 et
présidente de l'Association française de sociologie, elles sont
souvent « de l'ordre du plaisir, de la recherche de l'éthique et du
sens mais aussi du lien social, de quêtes de nouvelles
sociabilités et de reconnaissance ainsi que de pouvoirs143
».
Le bénévolat demeure le premier poste de
générosité en France. Selon une enquête de
Recherches & Solidarités réalisée auprès de 3
156 Français, 13 millions de personnes ont donné de leur temps en
2016 144. Diverses mesures plus positives annoncent un nombre bien
plus élevé de bénévoles dans le pays mais pour
contraster ce chiffre, nous nous baserons sur une étude de Viviane
Tchernonog qui dresse un état des lieux des associations
françaises en 2018. Celle-ci se base sur un échantillon de 7 421
questionnaires exploitables, pour estimer à 31 millions les
participations bénévoles en 2017. Un comptage différent
pour lequel il est précisé que « le nombre de participations
bénévoles ne permet pas de mesurer le nombre de
bénévoles, puisqu'un bénévole peut être actif
dans plusieurs associations145 ».
141 Chastang, « Toutes les manières de rater un don
humanitaire », p.63
142 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, p.16, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
143 Dan Ferrand-Bechmann, « Le bénévolat,
approche sociologique », juillet 2008, p.5,
http://dan.ferrand.bechmann.free.fr/IMG/pdf/juris_e_benevolatjui08.pdf
144 Cécile Bazin et Jacques Malet, « La France
bénévole 2017 » (Recherches & Solidarité, juin
2017), p.2, (consulté le 18 mai 2019),
https://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/la_france_benevole_2017.pdf
145 Viviane Tchernonog, « Les associations : état des
lieux et évolutions - vers quel secteur associatif demain ? »,
Poids, ressources, bénévolat, emploi salarié, profil des
dirigeants, octobre 2018, p.7, (consulté le 18 mai 2019),
https://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/tchernonog_associations_fcc_2018.pdf
56
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
4.3 Don financier
En opposition à la valorisation de la
disponibilité des militants et des bénévoles, les dons
d'argent sont assimilés à un degré minimal d'engagement.
Dans un article sur la sociologie du don caritatif, Ariane Epee, ATER en
science politique à l'IEP de Lille, cite Gilles Lipovetsky pour
expliquer que ce type de don n'implique aucun engagement personnel durable :
« on veut bien aider les autres mais sans trop s'engager, sans trop donner
de soi-même. La générosité, oui, à condition
qu'elle soit facile et distante, qu'elle ne s'accompagne d'aucun renoncement
majeur. » Selon elle, l'accroissement des dons d'argent n'est pas un signe
d'un regain de l'engagement associatif, ni du souci que les hommes ont envers
leur prochain : « Dans la société moderne, l'augmentation
des contributions financières à l'action caritative
»146
et humanitaire est en fait un corollaire de la
dépréciation du don de soi. Le « don de soi »
faisant
ici référence au bénévolat.
Pour autant, même s'il paraît moins gratifiant que
le don de temps, le don d'argent est un geste valorisé et important pour
les personnes qui le font comme pour celles qui en bénéficient.
Il exprime « un refus de l'égoïsme et un dépassement de
son propre intérêt ». Dans le cas d'un don d'argent à
une association, il s'agit d'un acte actif qui a un but précis et qui
traduit « la poursuite d'une fin rationalisée » (l'envoi
d'abris pour les victimes d'un tsunami par exemple). Le fait qu'il s'inscrive
dans « une finalité délibérée », lui
donne plus de force que le don de la main à la main.147
4.4 Don de la main à la main
Le don de la main à la main n'est pas quantifiable et
s'apparente plus à un geste, en opposition à l'acte qui
définit le don aux associations. Il part d'une réaction affective
spontanée ou fait suite à une sollicitation individuelle. Ce don
est immédiat dans sa temporalité et apporte une réponse
directe à ce qui est demandé, comme par exemple le don d'une
pièce ou d'un ticket restaurant à un mendiant dans la rue.
4.5 Legs et autres libéralités (donations,
assurances-vie)
Composantes essentielles du budget de nombreuses
organisations, les legs et autres libéralités sont mal connus. Le
legs concerne la transmission à titre gratuit de biens ou d'argent par
un défunt, faite de son vivant par testament, mais qui ne prendra effet
qu'à son décès. Il est révocable et peut être
destiné à une association, à condition qu'elle soit
reconnue d'utilité publique ou qu'elle soit une association de
bienfaisance, d'assistance, de recherche médicale ou scientifique. Ce
type de don bénéficie le plus souvent d'une exonération
des droits de mutation à titre gratuit148.
Le site officiel de l'administration française nous
informe sur la notion d'utilité publique qui peut être
attribuée à une association de loi 1901 par décret en
Conseil d'État et qui peut être retirée à tout
moment. La structure doit remplir les conditions suivantes:
146 Ariane Epee, « Donner aujourd'hui - Elements pour une
sociologie du don caritatif. », p.4, (consulté le 15 mai 2019),
http://polis.sciencespobordeaux.fr/vol9ns/epee.pdf
147 « Motivations et valeurs associées au don
», 2001, p.16-17, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
148 « Association à but exclusif d'assistance et
de bienfaisance », associations.gouv, 21 mars 2017, (consulté le 24
juin 2019),
https://www.associations.gouv.fr/association-a-but-exclusif-d-assistance-et-de-bienfaisance.html
57
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
« Être d'intérêt
général, avoir une influence et un rayonnement dépassant
le cadre local, avoir un nombre minimum d'adhérents (à titre
indicatif au moins 200), avoir un fonctionnement démocratique et
organisé en ce sens par ses statuts, avoir une solidité
financière tangible (montant minimum de ressources annuelles de 46 000
€, montant de subvention publique inférieur à la
moitié du budget et résultats positifs au cours des 3 derniers
exercices). Un organisme est réputé d'intérêt
général s'il remplit les 3 conditions suivantes : il n'exerce pas
d'activité lucrative, sa gestion est désintéressée,
il ne fonctionne pas au profit d'un cercle restreint de
personnes149. »
Les legs représentent un marché de plus en plus
porteur pour les associations qui ont besoin de diversifier leurs canaux de
collecte. D'après les calculs de l'Observatoire de la philanthropie qui
a analysé les montants des legs, de 2005 à 2016, parmi 300
organisations les plus importantes bénéficiant de ce type de don,
le montant des libéralités reçues en 2015 par les
bénéficiaires sélectionnés s'élève
à plus de 860 millions d'euros150.
D'après une infographie du Figaro datant de
mars 2018, qui s'appuie aussi sur cette même étude, le domaine de
la recherche bénéficie de la plus grosse part des dons avec 23 %
du total. Viennent ensuite la religion et la solidarité avec
respectivement 15 % et 13 %. L'humanitaire est loin derrière sur ce type
de don et ne collecte que 5 % de l'enveloppe151.
Les legs témoignent de l'intérêt des
donateurs pour une cause, donateurs qui sont prêts à poursuivre
leur soutien au-delà de leur vie. Dans une interview que nous a
accordée Estelle Morange, responsable des partenariats privés
à l'UNHCR France, la spécialiste nous explique que les legs
imposent un important travail de prospection de la part des associations (par
exemple lors de conventions de notaires), ce qui nécessite un
investissement notable malgré un retour sur investissement qui ne
deviendra positif qu'au bout d'un certain temps. Cette forme de don demande
aussi un travail de communication qu'il faut entreprendre bien en amont du
décès. Il s'agit d'aborder le sujet en douceur et de
manière intelligente avec les futurs légataires afin de leur
faire connaître les possibilités et les faire adhérer
à l'idée. Conscients de l'enjeu qu'il représente,
nombreuses sont les associations qui misent sur ce canal en pleine expansion
pour leur stratégie de collecte à venir.
4.6 Parrainage
Le parrainage est apparu dans l'entre-deux guerres au sein des
associations chrétiennes puis a ensuite été largement
développé par des associations telles que SOS Villages d'enfants,
Un enfant par la main, Enfants du Mékong (...). L'idée est de
fournir à un enfant démuni, à sa famille ou à sa
communauté, une aide matérielle prenant
généralement la forme d'un soutien financier. Cet appui peut par
exemple permettre de subvenir aux besoins scolaires, aux études
supérieures ou d'acquérir une formation professionnelle.
149 Direction de l'information légale et administrative
(Premier ministre), Ministère chargé de la vie associative,
« Association reconnue d'utilité publique », service-public, 1
janvier 2019, (consulté le 24 juin 2019),
https://www.service-public.fr/associations/vosdroits/F1131
150 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.32
151 Hayat Gazzane, « Dons: les Français ont
versé plus de 7 milliards d'euros », FIGARO, 19 mars 2018,
(consulté le 17 mai 2019),
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/03/19/20002-20180319ARTFIG00122-dons-les-francais-ont-donne-plus-de-7-milliards-d-euros.php
58
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Certains le voit comme une alternative à l'adoption car
il permet aux enfants parrainés de continuer à grandir au sein de
leurs familles et dans leurs pays respectifs.
Le parrainage permet de créer une relation de
proximité entre un parrain ou une marraine et leur filleul(e). En
échange de sa contribution, le donateur peut partager une relation
personnalisée avec l'enfant notamment par l'intermédiaire des
correspondances. Pour Sylvain Lefèvre, ce lien est créé
intégralement par les fundraisers qui se positionnent comme des
médiateurs entre « les citoyens d'ici et les victimes des causes
lointaines152 ». Grâce à leur capacité
à toucher les donateurs, les fundraisers élaborent sans cesse de
nouvelles manières pour les solliciter davantage.
Afin de maintenir la relation active, les parrains
reçoivent régulièrement de la part de l'association des
comptes rendus sur l'évolution de leurs filleuls et sur la façon
dont sont utilisés les fonds. Un gage de transparence qui renforce la
confiance des donateurs et les conforte sur l'utilité de leur
implication. Il existe plusieurs types de parrainage, classés de la
manière suivante dans un rapport de la Cour des comptes153
:
§ le parrainage individuel, qui soutient un enfant en
particulier;
§ le parrainage collectif personnalisé, qui
soutient la communauté d'un enfant mis en avant pour servir
d'ambassadeur;
§ le parrainage de projet, qui profite à une
communauté ou un projet sans qu'un individu ne soit incarné.
4.7 Partenariat humanitaire
Le don ne concerne pas que les donateurs individuels. Les
entreprises s'intéressent aussi à la philanthropie et sont par
conséquent amenées à participer. Comme c'est d'usage dans
le secteur marchand, les organisations humanitaires tissent des relations
privilégiées avec d'autres entités, en particulier avec
des entreprises privées, et formalisent souvent cette collaboration sous
la forme d'un partenariat. Ce concept a été défini par Guy
Pelletier, professeur titulaire au Département d'études en
éducation et d'administration de l'éducation, qui le
caractérise comme « un projet partagé entre deux ou
plusieurs organisations et se manifestant par l'échange formalisé
de personnes, d'informations ou de ressources154 ». Les
partenaires coopèrent ensemble dans le but de mener à bien un
projet commun où chacun y trouve son propre intérêt, c'est
une relation gagnant-gagnant. Les diverses formes de partenariats possibles
permettent aux parties prenantes d'être plus fortes, plus visibles. Mais
si certaines d'entre elles peuvent avoir en surface un objectif
philanthropique, l'implication grandissante des entreprises dans des actions
humanitaires suppose que leur engagement ne sert pas uniquement des
intérêts liés à la cause. Il offre aussi des
opportunités servant leur propre condition : les entreprises profitent
notamment d'incitations fiscales avantageuses et utilisent cette voie pour
valoriser leur action et leur image autant en interne qu'en externe.
Pour les ONG, ces collaborations offrent aussi de nombreux
bénéfices, notamment relationnels et financiers, c'est pourquoi
elles développent fortement cette thématique sur leur site
Internet en réservant un espace dédié et en allouant des
ressources humaines chargées de créer ces alliances.
152 Lefèvre, La communication des ONG
humanitaires, p.121
153 « Le parrainage international », Rapport sur des
organismes bénéficiant de dons (Cour des comptes, mars 2012),
p.22-23, (consulté le 27 mai 2019),
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/Rapport_parrainage_international.pdf
154 Florent A Meyer, Le challenge partenarial: réussir
ses partenariats, l'art de la création et de la maîtrise des
synergies gagnantes (Paris: Lexitis éd., 2011), p.35
59
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Nous listons ci-dessous, de manière non exhaustive,
plusieurs types de partenariats :
4.7.1 Produit partage
Il s'agit d'un produit commercialisé par une entreprise
à destination des particuliers et dont une partie
du prix de vente est reversée au profit d'une
association. Les avantages sont multilatéraux : cela permet de consommer
de manière solidaire et de donner du sens à son achat sans que le
prix habituel ne soit majoré. L'entreprise diminue sa marge mais en
profite pour faire une opération de communication et améliorer
son image de marque à moindre coût. L'association gagne en
visibilité et bénéficie des recettes de la vente, ce qui
lui permet de diversifier ses ressources. L'Observatoire de la philanthropie a
estimé la part de dons non-déduits issus de la vente de ce type
de produits à 29 millions
155.
d'euros en 2015
4.7.2 Mécénat d'entreprise
Pleinement intégré dans les démarches RSE,
qui après un effet de mode sont véritablement en train
de transformer tous les domaines professionnels, le
mécénat se définit comme « un soutien financier,
humain ou matériel, sans contrepartie directe, apporté par une
entreprise au profit d'une cause d'intérêt
général156 ». Cet apport est
considéré comme un don d'un point de vue fiscal et comptable et
bénéficie d'un régime fiscal avantageux. Ce soutien peut
prendre plusieurs formes :
§ le mécénat financier, qui
représente une part de 84 % du budget total157 et qui
concerne un apport en numéraire ou en subventions;
§ le mécénat en nature qui permet de donner
des biens, des marchandises, des prestations de services;
§ le mécénat de compétence qui se
développe fortement et qui consiste à mettre à disposition
gratuitement du personnel ou des prestations dans son propre domaine
professionnel. Cette dernière discipline prend aussi le nom de pro
bono, par exemple lorsqu'une agence de communication travaille
gratuitement sur la création d'une campagne de collecte ou dans le cas
d'un partenariat média, quand un diffuseur met à disposition
gratuitement (ou à tarif réduit) un espace publicitaire.
La responsable des partenariats privés de l'UNHCR
France, Estelle Morange décrit dans une interview qu'elle nous a
accordée, les nombreux bénéfices du mécénat
de compétence:
« Cela permet aux entreprises de montrer, en interne
comme en externe, leur engagement pour des causes d'intérêt
général sans engager de frais importants; de
fédérer et de motiver leurs collaborateurs en leur proposant des
missions singulières ; d'obtenir une réduction fiscale ; mais
aussi de réaffecter certains employés proches de la
retraite.»
Dans son aspect juridique, le mécénat
d'entreprise passe généralement par la création de
fondations ou de fonds de dotation. Véritables bras philanthropiques des
entreprises, ces structures ont évolué depuis la loi de
modernisation de l'économie de 2008 et offrent différents
avantages que nous ne détaillerons pas dans ce mémoire.
155 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.37
156 « Mécénat d'entreprise :
définition, fiscalité, exemple », 11 février 2019,
(consulté le 18 juin 2019),
https://www.journaldunet.fr/management/guide-du-management/1204904-mecenat-d-entreprise/
157 « Le mécénat d'entreprise en France
», (consulté le 17 mai 2019),
http://admical.org/sites/default/files/uploads/admical-le_mecenat_dentreprise-infographie.pdf
60
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Il existe aussi des fondations « abritantes » comme
la Fondation de France ou CARITAS, qui regroupent des fondations et d'autres
entités juridiques proches. Ces structures offrent aux entreprises la
puissance de leur réseau, un appui administratif et juridique et la
gestion financière de leurs activités de mécénat
contre le paiement d'une cotisation. À savoir que certaines fondations
« abritantes » récoltent elles-mêmes des fonds pour
financer des projets sociétaux.
Le coup de pouce fiscal de l'État est un moteur
important pour les mécènes qui déduisent tout ou partie
des sommes investies de leurs impôts. En revanche, ce n'est pas l'unique
levier de motivation car il ressort que seulement la moitié des
entreprises déclarent leurs dons à
l'administration158. La contrepartie se situe alors sur les
bénéfices en termes d'image et de reconnaissance qui sont
profitables pour les entreprises et leur marque. Cet engagement philanthrope
leur permet en outre, de construire ou de développer des relations avec
des partenaires, d'exprimer et d'incarner les valeurs de l'entreprise via une
démarche de communication originale. Cependant, Estelle Morange
précise que les gains fiscaux et communicationnels des entreprises sont
limités par des lois encadrant les usages et qu'à travers le
mécénat, les entreprises cherchent avant tout à servir des
causes d'utilité publique.
La promotion des actions de mécénat par les
entreprises ou les individus diffère suivant les pays et suivant les
cultures. En Asie et au Moyen-Orient, c'est plutôt la religion, les
coutumes ou les habitudes familiales qui incitent les mécènes
à donner afin d'améliorer la société. Les
américains affichent volontiers leurs soutiens au grand public à
l'image de Bill Gates et de sa fondation, alors que les européens, qui
sont les deuxièmes plus gros contributeurs après les
États-Unis, se veulent « plus discrets cachant parfois leurs gestes
altruistes. Le mécénat est plutôt considéré
comme un devoir que l'individu se doit d'effectuer s'il en a les
moyens159 ». Estelle Morange confirme cette pudeur habituelle
sur le Vieux Continent mais ajoute que cette discrétion a
récemment été remise en cause en France avec la
médiatisation des centaines de millions d'euros promis par de grands
donateurs pour reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris. De plus,
cet épisode a laissé dans le flou les observateurs sur la part
réelle donnée par ces milliardaires en tant qu'individu
privé ou celle versée par leurs entreprises via leurs
fondations.
Doit-on pour autant en conclure qu'on se rapproche du
modèle américain ? Une chose est sûre, la
médiatisation outrancière des dons semble contraire au principe
désintéressé de l'altruisme.
D'après une étude sur le mécénat
d'entreprise en France, publiée par Admical en octobre 2018, le
mécénat a concerné 9 % des entreprises françaises
en 2017 pour un budget compris entre 3 et 3,6 milliards d'euros160.
Comme il est estimé que la moitié des entreprises ne
déclarent pas leurs dons ou seulement de façon partielle, les
institutions financières étatiques communiquent des chiffres
inférieurs, basés uniquement sur les dons
déclarés.
158 « Baromètre du mécénat
d'entreprise - Les chiffres-clés 2018 », Admical, octobre 2018,
(consulté le 17 mai 2019),
http://admical.org/contenu/barometre-du-mecenat-dentreprise
159 « Les tendances de la philanthropie », Chari-T, 4
novembre 2016, (consulté le 18 juin 2019),
https://www.chari-t.fr/news/a-la-une/les-tendances-de-la-philanthropie
160 « Baromètre du mécénat
d'entreprise - Les chiffres-clés 2018 » , Admical, octobre 2018,
(consulté le 17 mai 2019),
http://admical.org/contenu/barometre-du-mecenat-dentreprise
61
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Si nous prenons en compte les statistiques du ministère
des Finances, nous pouvons noter une tendance à la hausse :
« Entre 2010 et 2016, le nombre d'entreprises ayant
déduit des dons de l'impôt sur les sociétés au titre
du mécénat a été multiplié par 2,5 passant
de 28 000 à 73 500. De la même façon, le montant des dons
déclarés est passé
161
de 945 millions d'euros en 2010 à 1,7 milliard en 2016
(multiplié par 1,8) . »
Une tendance qui s'est poursuivie en 2017 puisque la DGFIP a
comptabilisé un total de 2 milliards d'euros versés par 82 000
entreprises162.
Au-delà des sommes parfois élevées, le
seul véritable indicateur de générosité des
entreprises reste pour Estelle Morange le pourcentage d'investissement qu'elles
réservent à des oeuvres de bienfaisance par rapport à leur
chiffre d'affaire annuel. Dans la surenchère des chiffres, il
apparaît important de prendre en compte cet aspect pour valoriser les
entreprises qui proportionnellement se montrent plus
généreuses.
Le mécénat d'entreprise a été
initié en France par des grandes entreprises du CAC 40 avant de se
généraliser par effet miroir à de plus petites
entités souhaitant soutenir des causes altruistes. Initialement
réservé aux grandes entreprises (car ce sont celles pour
lesquelles le mécénat coûte le moins cher), la
participation des PME/TPE est de plus en plus significative et a
représenté 22 % de l'enveloppe en 2016. Cette somme se
répartit au niveau local, régional, national ou international
entre diverses activités : le social (qui comprend notamment l'aide
à la création d'emploi, la défense des droits et l'aide
à l'entreprenariat social), est soutenu à hauteur de 28 %, la
culture et le patrimoine à 25 %, l'éducation à 23 %, la
santé à 11 %, l'environnement à 7 %, le sport à 2 %
et la recherche à 1 %. Le domaine de la solidarité
internationale, quant à lui, ne représente que 4 % des
investissements163.
En fonction des sommes en jeu, ces partenariats peuvent avoir
une influence sur les missions et modifier le discours des associations. Sans
parler de lobbying, les entreprises peuvent en effet avoir un poids sur les
décisions prises par leur partenaire, sur l'arrêt ou la poursuite
d'une mission ou sur le message qui est porté. Une vigilance à
cet égard est nécessaire pour conserver les valeurs
d'indépendance, de neutralité et de
désintéressement, chères au milieu associatif et
humanitaire en particulier.
De nombreux autres types de dons humanitaires existent
à l'instar de la générosité embarquée. Nous
ferons un focus sur certaines de ces pratiques innovantes de collecte dans la
Partie III, sous-partie 4, Les formes émergentes de communication
humanitaire et de collecte digitale.
161 « Baromètre du mécénat
d'entreprise - Les chiffres-clés 2018 » , Admical, octobre 2018,
(consulté le 17 mai 2019),
http://admical.org/contenu/barometre-du-mecenat-dentreprise
162 « Baromètre du mécénat d'entreprise
- Les chiffres-clés 2018 »
163 « Le mécénat d'entreprise en France »
, (consulté le 17 mai 2019),
http://admical.org/sites/default/files/uploads/admical-le_mecenat_dentreprise-infographie.pdf
62
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
5. Les causes soutenues
Le choix des causes à promouvoir est soumis à
des antagonismes. Nous l'avons vu, d'un côté les fundraisers sont
amenés, dans une logique de marché, à collecter sur celles
qui sont les plus porteuses et de l'autre, les questions déontologiques
les encouragent à proposer une visibilité égale des
crises. Cette réflexion ambivalente, qui se pose en amont par les
services de collecte et les membres du directoire des organisations, ne semble
pas partagée en aval par les donateurs. D'après une étude
qualitative de la Fondation de France intitulée Motivations et
valeurs associées au don, « les causes sont perçues
comme un ensemble sans aspérités particulières. Les
donateurs se refusent à les comparer ou à en faire une
hiérarchie : la souffrance humaine est un absolu164 ».
Pourtant, nous l'avons vu, Anne Fouchard décrit et condamne l'existence
d'une échelle de popularité des victimes qu'elle nomme pour
rappel : « les pures [...], les innocentes [...], celles qui ont quelque
chose à se reprocher [...] et les désespérantes
[...]165. »
Comme les victimes constituent le sujet principal des
communications humanitaires contemporaines, il est logique de considérer
que cette différence d'affection de la part du public à une
conséquence directe sur les crises. Il est utile de savoir que les dons
soumis à une crise particulière sont affectés
exclusivement à celle-ci. Par conséquent les programmes les moins
promus sont susceptibles de collecter moins, ce qui au final peut impacter le
programme et pénaliser les bénéficiaires.
Pour contourner ce dilemme, les associations récoltant
de l'argent tendent à favoriser les dons non affectés, notamment
pour les dons réguliers, ce qui leur permet une plus grande
liberté d'action et une facilité de gestion. L'UNHCR France
communique dans ce sens pour favoriser la non affectation : « Dans le
cadre d'un don régulier, votre don sera affecté aux
opérations prioritaires du HCR sur le terrain selon les besoins. Par
conséquent, il pourra être réaffecté en fonction des
besoins réels sur le terrain ». MSF en fait de même «
Nous donnons la priorité aux fonds non affectés : ils nous
donnent la capacité d'utiliser l'argent selon les besoins du terrain et
d'intervenir immédiatement en cas d'urgence ».
Dans ce contexte, il est difficile de donner des indications
figées sur les causes les plus porteuses étant donné que
toutes les crises ne bénéficient pas du même niveau de
médiatisation. Cependant, de nombreuses études quantitatives ont
été menées sur le sujet et nous montrent que les donateurs
ne soutiennent pas toutes les causes de la même manière. À
l'échelle nationale, les causes les plus soutenues sont celles de
proximité comme l'aide et la protection de l'enfance ainsi que la lutte
contre la pauvreté et l'exclusion. Dans une étude
réalisée auprès d'un échantillon de
Français, Kantar donne les grandes tendances de la
générosité en 2018 et indique que ces causes sont
soutenues respectivement par 33 % et 29 % des personnes
interrogées166. Viennent ensuite l'aide aux personnes
âgées (29 %) et le soutien à la recherche médicale
(27 %).
Une autre étude qui se penche sur la confiance des
donateurs montre que dans tous les domaines (lutte contre la pauvreté et
l'exclusion, soutien aux projets dans les pays en développement, aide
aux personnes malades ou handicapées, aide d'urgence aux populations
victimes de catastrophes naturelles ou d'épidémies, protection de
l'environnement...), les associations et les fondations sont, pour les
donateurs, plus légitimes que l'État pour traiter ces
causes167.
164 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, p.17
165 Fouchard, La communication des ONG humanitaires,
p.139
166 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
167 « Baromètre de la confiance - Vague 8 - TNS
Sofres pour le Comité de la Charte»
63
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Cet indicateur nous montre que ces structures semblent avoir
pris le relai du politique dans l'esprit des Français, ce qui nous
permet théoriquement de croire que sur ces sujets, les donateurs
seraient prêts à faire un geste pour aider les associations qui
s'en occupent plutôt que de laisser cette responsabilité à
l'État.
Concernant les causes d'urgence faisant suite à des
catastrophes naturelles, cette même étude montre que la confiance
est mitigée : à cause de la précipitation que ce type
d'intervention engendre, 46 % n'ont pas confiance et craignent que les fonds ne
soient pas réellement affectés.
En fonction de l'âge, la préférence des
causes diffère : « Les jeunes (moins de 35 ans) sont
particulièrement attentifs à l'actualité et aux causes
urgentistes tandis que les plus de 50 ans sont sensibles à la protection
des plus faibles168. » Le choix des thèmes à
aborder en fonction des cibles est donc déterminant et une segmentation
spécifique des tranches d'âge dans la base de données
pourrait faire sens.
6. La typologie des donateurs
Pour avoir un panorama complet du don, il paraît
essentiel de s'arrêter sur le donateur et d'en étudier le profil.
À travers une analyse des statistiques, nous nous attarderons sur le
sociotype des donateurs français afin d'essayer de mieux les
connaître et de comprendre ce qui les motive. Le site Internet
Linternaute donne une définition du mot sociotype : « une
catégorie, créée d'après une analyse sociologique,
définie selon le caractère de ses membres169. »
Dans un second temps, nous prendrons une approche plus
générationnelle des donateurs pour définir
différents segments cibles à travers l'utilisation de
personae. Dans la discipline qui nous intéresse, l'objectif de
cette catégorisation est de faire un portrait-robot des donateurs et de
comprendre comment chacun s'identifie à la marque.
6.1 Aperçu des profils de donateurs grâce aux
statistiques globales
La société Kantar, spécialisée
dans les études de marché et marketing, annonce que 5,5 millions
de foyers français ont fait un don en 2018. Plus de la moitié de
nos concitoyens sont concernés par le don d'argent (56 %
déclarent soutenir financièrement des associations et fondations
et 44 % donnent au moins une fois par an).170 Parmi eux, près
d'un tiers ont plus de 73 ans et la moitié plus de 50 ans. Le soutien
fidèle de cette génération de donateurs vieillissants
constitue actuellement le socle des collectes des ONG, ce qui pose des
questions quant à leur pérennité.
L'enjeu pour les fundraisers est de se tourner vers l'avenir
et d'accrocher de nouvelles générations avec des pratiques
innovantes qui leur correspondent mieux. Les statistiques indiquent que la part
des jeunes
171
donateurs augmente en France, ils étaient 24 % à
avoir moins de 35 ans en 2018 et 67 % ont déclaré
avoir déjà fait un don à une association
ou à une fondation172. Prendre en compte ce taux non
négligeable impose d'adapter les modes de collecte à cette cible
portée sur d'autres canaux, notamment digitaux.
168 « France générosités - Les chiffres
clés de l'année 2018 », francegenerosites, 4 avril 2019,
(consulté le 24 juin 2019),
http://www.francegenerosites.org/chiffres-cles/
169 « Sociotype : Définition simple et facile du
dictionnaire », (consulté le 18 juin 2019),
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/sociotype/
170 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
171 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
172 « FG-CP-Ifop-Donateurs-du-futur-1.pdf »,
(consulté le 18 juin 2019),
http://www.francegenerosites.org/wp-content/uploads/2018/11/FG-CP-Ifop-Donateurs-du-futur-1.pdf
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
France générosités a publié fin
2018 les résultats de son enquête sur le profil du donateur du
futur en expliquant qu'il représente un enjeu crucial pour le secteur :
43 % des donateurs de 18-35 ans seraient prêts à organiser une
collecte en sollicitant leurs proches via les réseaux sociaux et 57 %
seraient enclins à participer à celle d'un proche.
Étrangement, seulement 13 % de cette même cible ont répondu
à un appel à don d'une association sur les réseaux
sociaux173, ce qui nous montre que s'approprier les outils n'est pas
une fin en soi pour les ONG, il faut aussi adapter le discours et la forme.
Les jeunes sont disposés à aider leur prochain
mais ils veulent être acteurs et pour les séduire, il faut pouvoir
leur donner les moyens de s'impliquer. Le crowdfunding est une piste
à prendre en compte, 24 % des donateurs de moins de 35 ans
déclarent participer à des opérations de financement
participatif en ligne alors que ce taux n'est que de 10 % parmi tous les
donateurs confondus174. La collecte de rue (street
marketing) rencontre aussi du succès chez les jeunes car
étant sur-sollicités dans la sphère digitale, ils seraient
susceptibles de privilégier de nouveau des échanges plus
humains.
D'un point de vue du genre, la répartition
femmes-hommes est presque à l'équilibre puisque 53 % des
donateurs sont des femmes, mais d'un point de vue géographique il a y a
d'importantes disparités entre les régions. La région
Grand Est arrive en tête pour la densité de ses donateurs
(proportion parmi les foyers fiscaux imposés), et l'Ile-de-France pour
le don moyen. Avec l'Auvergne-Rhône-Alpes, ces trois régions
réunissent 54 % du total national des montants déclarés.
On peut noter aussi des différences entre la densité des
donateurs et le montant moyen du don. Ainsi, « la Bretagne figure en
deuxième rang pour la densité de ses donateurs, mais seulement en
12ème rang pour le don moyen. Inversement, la région
PACA se place au 2ème rang pour le don moyen, mais seulement au
12ème rang pour ce qui concerne la densité des donateurs
»175. Ces disparités nous éclairent sur le fait
que les régions habitées par des personnes ayant les moyens ne
sont pas automatiquement les plus généreuses et qu'un bon
équilibre entre un nombre de donateurs important et un don moyen
élevé est nécessaire.
Pour avoir une vision illustrée, nous pouvons nous
référer aux cartes de la répartition des donateurs par
département ci-contre.
64
173 « Etude sur le donateur du futur - Novembre 2018
», francegenerosites, 21 novembre 2018, (consulté le 18 mai 2019),
http://www.francegenerosites.org/etude-donateur-futur/
174 Kantar, « Le portrait robot du donateur du
futur»
175 Bazin, Duros, et Malet, « La
générosité des Français 2018 »
65
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Source: Direction générale des Finances
publiques. Carte extraite de La générosité des
Français, 23ème édition, novembre
2018.
Source: Direction générale des Finances
publiques. Carte extraite de La générosité des
Français,
23ème 176.
édition, novembre 2018
176 Bazin, Duros, et Malet, « La
générosité des Français 2018 »
66
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
La pratique d'une religion favorise le don même si les
statistiques en France font moins ressortir ce facteur que dans d'autres pays.
Des chiffres précis sur ce critère vu comme discriminant sont
difficiles à obtenir mais un sondage de TNS Sofres basé sur des
questionnaires suggère une nette influence des convictions religieuses
sur le don et souligne « une corrélation élevée avec
la pratique religieuse (la pratique, et non la croyance) ».
Cette même étude qualitative nous donne des
indications sur la catégorie sociale et le niveau d'étude des
donateurs, « deux caractéristiques fortement déterminantes
de l'aisance financière, qui suggèrent que l'on donne plus
facilement quand on a les moyens ».177
Pour globaliser et donner un profil type du donateur des
organisations humanitaires, nous pouvons utiliser la synthèse du
directeur de la communication d'ACF Jean-François Riffaux qui aborde
cette question dans un reportage radiophonique sur France Culture :
« Le donateur moyen d'ACF ressemble beaucoup au donateur
moyen des grandes ONG françaises : il a plus de 55 ans, il donne en
moyenne 80 € par an, il est fidèle, c'est à dire qu'il donne
depuis plusieurs années, 5,6,7 ans. Il donne à 5 ou 6
associations pas uniquement à ACF. Nous à ACF, des donateurs de
ce profil-là, on en a à peu près 200 000
réguliers178. »
À travers une approche souvent marketing, ces
enquêtes ou interviews nous donnent des pistes pour comprendre le
sociotype des donateurs. Connaître ensuite leurs pratiques, nous permet
d'envisager les usages à venir et les canaux à utiliser pour
renouveler le panel de donateurs. Par exemple, une enquête fait ressortir
que « 36 % des Français ne connaissent pas le principe du micro-don
en magasin mais 2/3 d'entre eux seraient prêts à utiliser cette
forme de don179 ». Il y a donc tout un travail
pédagogique à faire de la part des associations pour expliquer
les évolutions et les nouvelles formes de don. La communication peut
alors jouer un rôle déterminant dans la diffusion de cette
information.
6.2 Focus personae
Pour comprendre leurs cibles et adapter la communication
à leurs besoins, les professionnels du marketing des filières
marchandes font appel aux personae. Le site
définitions-marketing en donne la définition : « Un personae
est, dans le domaine marketing, un personnage imaginaire représentant un
groupe ou segment cible dans le cadre du développement d'un nouveau
produit ou service ou d'une activité marketing prise dans sa
globalité180. »
Adfinitas, qui se définit sur son site Internet comme
« la seule agence de communication européenne indépendante
dédiée aux acteurs de la générosité »,
expose dans une présentation à destination de ses clients,
des personae multigénérationnels créés
à partir d'études quantitatives et qualitatives.
177 « Donateur, qui es-tu ? », Kantar, 10 octobre 2013,
(consulté le 19 mai 2019),
https://www.tns-sofres.com/publications/donateur-qui-es-tu
178 Michel Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
», LSD, La série documentaire, (consulté le 25 juin
2019),
https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/ou-va-lhumanitaire-34-soigner-temoigner-critiquer-msf-sur-tous-les-fronts
179 « Etude sur le donateur du futur - Novembre 2018 »,
francegenerosites, 21 novembre 2018, (consulté le 18 mai 2019),
http://www.francegenerosites.org/etude-donateur-futur/
180 B Bathelot, « Persona en marketing », in
Définitions marketing, 12 janvier 2018, (consulté le 24
juin 2019),
https://www.definitions-marketing.com/definition/persona-en-marketing/
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Ceux-ci permettent de dresser un portrait des grandes
générations de donateurs ainsi que de leur personnalité,
leurs attentes et leurs usages.
Les donateurs seniors de plus de 73 ans appartiennent à
une génération où la solidarité fait partie de leur
ADN, de leur culture, de leur tradition et qui est parfois issue de leur
appartenance à une religion ou de leur lien avec le militantisme. En
dehors des personnes âgées qui sont laissées de
côté dans cette présentation car elles n'utilisent qu'un
seul canal (le mailing papier), l'agence définit 4 autres
générations :
§ les boomers qui ont entre 54 et 73 ans;
§ la génération X de 39 à 54 ans;
§ la génération Y de 21 à 39 ans;
§ la génération Z de 0 à 21 ans.
L'agence qualifie la première de « leaders
rebelles », de révolutionnaires nostalgiques. Ils sont fiers de
leur réussite, jeunes dans leur esprit, en quête de concret. Ils
sont généreux, approuvent la transition digitale et les
innovations. Ils sont optimistes mais réalistes.
La génération X comprend des « actifs
réalistes ». Ils sont des décideurs impliqués, en
quête d'équilibre et de défis valorisants. Ils aiment
remettre en question, critiquer. Ils sont enthousiastes à propos du
digital et actifs sur les réseaux majeurs.
La génération Y est surnommée «
génération why? ». Ils cherchent du sens mais restent
ouverts au changement, ce sont des hédonistes curieux mais parfois
impatients. Ils sont mobiles, connectés, achètent des produits
via le digital. Ils sont hyper sociaux mais restent individualistes au sein du
groupe.
La génération Z regroupe des « narcissiques
connectés ». Ils sont entrepreneurs créatifs, engagés
très tôt et sans barrière. Ils cultivent leur réseau
et veulent tout, tout de suite, bien qu'ils soient novices. Ils sont
dépendants au digital mais parfois blasés par la technologie.
Pour mettre en perspective ces personae, nous pouvons
nous appuyer sur des interviews qualitatives réalisées pour
l'Observatoire de la générosité et du
mécénat en 2001. Ce rapport fait ressortir quatre profils-types
de donateurs, caractérisés par des attitudes et des comportements
différents : les éprouvés, les militants, les
épargnés et les généreux :181
Les éprouvés sont:
« Des donateurs jeunes dans notre échantillon (ils
ont entre 30 et 40 ans), de catégorie socio-professionnelle modeste, qui
ont déjà eu à vivre de la générosité
d'autrui et qui côtoient encore la pauvreté dans leur vie
quotidienne. Leurs dons sont modestes, le plus souvent de la main à la
main, ou en nature. Le geste de don est très peu rationalisé, il
répond à une sollicitation de nature émotionnelle. Ces
donateurs sont méfiants à l'égard des associations de
façon générale qui s'apparentent, pour eux, à des
institutions, souvent opaques.»
Les militants sont:
« Des jeunes adultes qualifiés qui ont
des convictions politiques progressistes,
écologistes, et/ou des préoccupations spirituelles. Leurs dons
sont réfléchis, programmés, souvent réguliers. Ils
vont donner de préférence à des associations qui se
positionnent comme des «contrepouvoirs» par rapport aux institutions
et à l'État. »
67
181 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Les épargnés sont:
« Des baby-boomers de 40 à 60 ans,
aisés
socialement et économiquement, qui se sentent
privilégiés et épargnés par le sort et en
conçoivent une dette (et une culpabilité) à l'égard
des moins favorisés. Leur don est motivé par le souci de
préserver un équilibre perçu comme instable entre les
pauvres et les riches, le Nord et le Sud... Leurs dons sont le plus souvent
réguliers et vont, en général, à plusieurs
associations, perçues à la fois comme relais et palliatif aux
insuffisances de l'État.»
Les généreux sont le plus souvent:
« Des seniors de catégorie socio professionnelle
supérieure, parfois retraités, qui
conçoivent le don comme une forme de générosité, de
responsabilité et de libéralité qui découle de leur
statut social. Leurs dons peuvent être très importants [...] [et]
les causes et associations aidées sont souvent multiples [...]. L'acte
de don est rationnel, planifié, il s'inscrit dans une praxis choisie ou
héritée, la tradition familiale étant un facteur
déterminant dans le comportement de ce type de donateurs.»
68
À cette liste, nous pouvons ajouter les grands
donateurs souvent nommés Grands Do par les professionnels du
milieu. La société Oktos, spécialiste du Big Data
et du marketing, a épluché les bases de données de
huit fondations et de sept associations comptant au total 8,8 millions de
donateurs, pour livrer une étude sur cette cible particulière,
choyée par les organisations182. Il apparaît que les
Grands Do ont financé 23 % de la collecte totale en 2017. Leurs
dons sont supérieurs à 1 000 € et atteignent 3 889 € en
moyenne sur l'année. Les organisations distinguent aussi les
Très Grands Do, ceux qui démarrent à 5 000
€. Ils représentent 0,1 % des donateurs les plus
généreux et 11,5 % de la collecte totale.
Il ressort que les personnes qui constituent ces deux segments
sont fidèles dans leur don et vis-à-vis des structures qu'elles
soutiennent, souvent plus de deux en moyenne. Ces donateurs sont «
très localisés dans les zones les plus riches, âgés
comme le sont tous les donateurs, comprennent beaucoup plus d'hommes que de
femmes183 ». Ils saisissent les opportunités de
défiscaliser, notamment via l'IFI, mais dans un contexte où les
optimisations fiscales ont été bouleversées, France
générosités insiste sur la nécessité d'avoir
une stratégie pour séduire les Grands Do et les
Très Grands Do. Celle-ci passe notamment par une communication
ciblée, privilégiant des messages spécifiques et une
relation personnalisée.
Par relation personnalisée, nous entendons une
communication one to one ou one to few consistant à
avoir un dialogue direct en face à face, à distance ou par le
biais de réunions en petit comité (colloques,
séminaires...). L'inverse de la communication de masse. De plus, il est
important de construire des opérations de collecte qui leur sont
exclusivement dédiées, ayant des objectifs à la hauteur de
leur participation et de garder un contact régulier avec eux sans pour
autant trop les solliciter.
182 « Etude grands donateurs 2017 de France
générosités », francegenerosites, 16 octobre 2017,
(consulté le 25 juin 2019),
http://www.francegenerosites.org/ressources/etude-grands-donateurs/
183 « Etude grands donateurs 2017 de France
générosités»
69
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
7. Les motivations des donateurs
Après avoir étudié la typologie des
donateurs, nous tentons ici de comprendre quels sont les principaux moteurs de
l'altruisme. Nous verrons que la confiance est une des conditions essentielles
du don, tout comme l'appartenance à une communauté et le respect
des obligations morales liées au statut social. Mais au final les
motivations sont multiples et bien souvent propres à chacun.
7.1 La confiance
Une des conditions essentielles pour déclencher un don
est la confiance que le donateur voue à une association. Nous l'avons
vu, le donateur a besoin de savoir si la promesse est bien tenue, si la cause
est bien défendue. Pour cela, il s'appuie sur les informations que
l'association lui fournit, notamment sur l'action menée et sur la
façon dont sont utilisés les fonds. La notion de confiance est
primordiale dans cette relation surtout face aux nombreux scandales qui ont
écorné l'image de l'ensemble des structures. Les affaires d'abus
de biens sociaux de l'ARC en 1996 et plus récemment d'accusation d'abus
sexuels au sein du personnel d'OXFAM ne sont que quelques exemples.
Un sondage TNS Sofres réalisé en 2015
auprès de 1 000 personnes représentatives de la population
française184, indique que seules 56 % des personnes
interrogées ont confiance dans les associations et fondations faisant
appel aux dons, même si ce taux affiche une progression depuis 2012. Ce
sondage nous donne aussi des indications sur les leviers de confiance. Nous
relèverons ici simplement les éléments qui concernent la
communication pour montrer qu'elle est un des facteurs clés dans la
construction de la confiance. Les éléments importants qui
ressortent sont : « l'affichage clair des missions, la gestion rigoureuse
des dons, la communication avec les donateurs et les liens qu'elles tissent
avec eux. »
À noter qu'en bas de tableau arrive « la
façon dont les structures se présentent sur Internet et ce qui se
dit d'elles sur Internet », ce qui nous montre à quel point
Internet n'est pas encore un média de poids pour construire la confiance
avec les donateurs. Un manque pour lequel la communication digitale peut tenir
un rôle majeur à l'avenir, particulièrement pour viser les
jeunes générations.
7.2 L'appartenance à une communauté
Comme nous avons pu l'expliquer précédemment,
faire un don est un ferment du lien social même si cette notion est
remise en cause dans le cas des dons anonymes et l'expansion du digital. Il y a
une volonté d'affirmer son appartenance à une communauté
et d'aider les personnes qui en font partie. La communauté peut
être entendue au sens large (religion, nation, humanité
entière...) et c'est finalement l'idée d'égalité
des droits entre les hommes qui favorise ces principes humanistes.
Dans ce sens, une enquête qualitative
réalisée par TNS Sofres pour France
générosités en 2013 nous révèle que certains
font des dons par compassion ou par besoin de se sentir utiles. Les personnes
interviewées expriment aussi leur envie d'être
intégrées à un groupe, elles souhaitent «
créer quelque chose ensemble » et ont « envie de sentir qu'on
est ensemble, [qu'] on participe à quelque chose »
185.
184 « Baromètre de la confiance - Vague 8 - TNS
Sofres pour le Comité de la Charte»
185 « Donateur, qui es-tu ? », Kantar, 10 octobre 2013,
(consulté le 19 mai 2019),
https://www.tns-sofres.com/publications/donateur-qui-es-tu
70
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Le don est une manière de replacer l'humain au centre
en abolissant l'argent et en laissant de côté, un temps, la
société économique, matérialiste dans laquelle nous
vivons :
« Renoncer à son argent pour restaurer un autre
être humain dans sa dignité, son existence, au seul motif qu'il
est un être humain. L'aide apportée à son semblable vaut
dans ce geste plus que les bénéfices qu'aurait apporté la
somme donnée186. »
7.3 Le statut et la classe sociale
À travers le don, il s'agit également d'affirmer
son statut et de montrer sa prospérité. Le don devient alors un
comportement normal qui va de pair avec l'accès à une certaine
classe sociale et l'acceptation de ses usages. Marie-Claire Villeval,
directrice de recherche au CNRS, indique que « l'individu est sensible au
fait que d'autres proches donnent ». L'acte de don peut alors
résulter d'une pression sociale liée à son entourage ou
à son statut dans la société. Cette même chercheuse
s'appuie sur la neuro-économie pour expliquer les mécanismes que
provoquent le don. L'imagerie médicale révèle une
augmentation significative de l'activité neuronale : « Cela traduit
un gain en terme d'amour-propre, de statut, de sensation de « faire sa
part ».187
7.4 Des motivations propres à chacun
Les entretiens réalisés par TNS
Sofres188 nous dévoilent la grande diversité des
motivations chez les donateurs. S'il n'est pas utile de tous les citer, en
mentionner quelques-unes nous permettra d'avoir un aperçu
représentatif. Certains attendent de la réciprocité «
demain ça pourrait être moi » ; d'autres le font par
compassion « Le Tsunami, si on n'avait pas vu les images » ; d'autres
encore le font par habitude (le don mensuel induit cette notion) ou parce que
c'est la norme « c'est la moindre des choses de donner de l'argent pour
les aider ». Donner peut aussi être un acte gratifiant : «
faire ce type de geste ça me donne l'impression de faire une chose
importante ».
En étant confronté aux « misères du
monde », le donateur ressent une certaine culpabilité dont il a
besoin de se libérer. L'aide humanitaire fait du bien à celui qui
donne et sa générosité lui permet de s'offrir, à
peu de frais et avec un engagement minime une bonne conscience tout en sachant
que l'injustice demeure. Les religions ont aussi une influence sur le don car
il permet de racheter ses péchés : « Plutôt
que de changer de comportement au quotidien, cette algèbre du don permet
de se racheter une conduite189. » Enfin, un geste de
charité peut être un moyen pour certains de se défaire d'un
mauvais sort. L'idée étant de faire un sacrifice pour s'acquitter
de quelque chose.
186 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, p.13, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
187 Fabien Mulot, « Donner, pour se donner bonne conscience
», L'écho des Jéco, 9 novembre 2012, (consulté le 19
mai 2019),
http://www.journeeseconomie.org/blog/index.php?post/2012/11/09/Donner,-pour-se-donner-bonne-conscience
188 « Donateur, qui es-tu ? », Kantar, 10 octobre 2013,
(consulté le 19 mai 2019),
https://www.tns-sofres.com/publications/donateur-qui-es-tu
189 « Motivations et valeurs associées au don »,
2001, p.12
PARTIE II - Approche économique et sociologique du don
Pour clore cette partie, nous remarquons que le don ne parait
finalement pas tant un acte désintéressé mais
résulte d'un intérêt bien souvent personnel. Il a de
multiples implications qui relèvent d'une alchimie entre la raison, la
passion, l'éducation mais aussi l'occasion. Une étude de la
Fondation de France basée sur des interviews qualitatives va même
plus loin et annonce qu'il peut correspondre à :
« une nécessité de récréation
d'un horizon existentiel et social au-delà des réalités
omniprésentes (le pouvoir de l'argent, l'individualisme), ou du recul du
symbolique (dépolitisation, recul des idéologies et des
religions)190 ».
Une autre enquête se base sur les théories
comportementales développées par Daniel Kahneman pour classer ces
comportements en deux catégories:
« D'un côté les leviers
«réfléchis» ou «raisonnés», qui
renvoient dans l'ensemble à la notion de contrat social ; et de l'autre
les leviers découlant du mode de fonctionnement associatif du cerveau et
des intuitions/impulsions qu'il produit.»
Les premières motivations réfèrent
à un comportement moral, raisonnable, légitime. Le don est vu
comme quelque chose qui profite à tous et qui bénéficiera,
même de manière indirecte, au donateur. Avec le second type de
comportement, le don est plus intuitif ou impulsif, il est désiré
et acté. Le contexte et les habitudes dictent au donateur ses
comportements.
Nous conclurons avec cette phrase tirée de l'article
qui commente cette enquête : « Au monde associatif de savoir en
tirer parti. »
71
190 « Motivations et valeurs associées au don »,
p.13, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/motivation_dons.pdf
72
73
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau de la philanthropie
digitale
Les deux audits effectués dans les parties
précédentes mettent en lumière la nécessité
d'un renouveau de la communication humanitaire dédiée à la
collecte de fonds, pour faire face à la baisse des dons et au
vieillissement du bassin de donateurs fidèles. Afin de proposer un
renouveau de la communication à destination des donateurs, nous nous
proposons de rester focalisé sur les innovations digitales car nous
pensons que c'est un des canaux les plus prometteurs pour moderniser les
collectes de fonds.
Le profil du donateur change ainsi que ses méthodes
d'engagement : autrefois fidèle envers les associations soutenues et
régulier dans ses dons, il devient plus versatile et plus exigeant.
Parfois idéaliste dans son ambition de « changer le monde »,
il cherche à travers son don à avoir un impact réel et
exige de voir des preuves de la bonne utilisation des fonds, en toute
transparence.
Parfaitement agile avec les outils digitaux, il est
néanmoins difficile de capter son attention car il n'hésite pas
à zapper d'une chose à une autre. Les réseaux sociaux et
le digital de manière générale ont amené ce que les
professionnels du marketing appelle le snacking content, où les
utilisateurs privilégient les contenus courts, facilement lisibles,
consommés à tous moments de la journée. Or dans la
problématique humanitaire, produire ce type de contenu est
délicat et peut même s'avérer risqué. Les sujets
abordés étant complexes, souvent liés à des enjeux
politiques et internationaux, faire le choix de les résumer ou de les
simplifier peut amener, comme nous l'avons vu dans la Partie I, sous-partie
Une rhétorique basée sur des modèles, à faire
des raccourcis trompeurs.
Mais alors comment communiquer sur Internet pour capter
l'attention des potentiels donateurs sollicités de toutes parts sur la
toile ? Comment mobiliser les donateurs de demain ? Certaines ONG ont
placé le numérique au coeur de leur stratégie de collecte,
mais au-delà de l'adoption des outils émergents, toutes n'ont pas
réussi à adapter leur approche, ce qui explique un engouement
encore limité du public.
Se tenir informé des évolutions est primordial
mais il s'agit aussi de déterminer comment communiquer sur ces
plateformes. Quelle stratégie appliquer pour éviter de calquer
sur les supports digitaux, ce qui se faisait à l'ère des
fascicules papiers et des coupons-réponse ? Comment susciter de la
confiance sur un média qui n'inspire pas les donateurs ? Pour apporter
des éléments de réponses, il convient, dans un premier
temps, d'appréhender le contexte avant d'analyser les pratiques
digitales des Français ainsi que celles des donateurs. Nous ferons
ensuite un tour d'horizon des pratiques digitales dominantes et
émergentes qui nourrissent le secteur, avant de faire une veille sur les
innovations amenées par la publicité dans d'autres domaines et
qui seraient adaptables à l'univers caritatif.
1. Un contexte propice à la
digitalisation
L'enjeu des ONG est l'appropriation du digital sous toutes ses
formes et la maîtrise des nouvelles technologies pour s'adapter aux
pratiques et proposer de nouveaux moyens de collecte aux donateurs de demain.
Contraintes d'innover en permanence pour rester dans la course et continuer
d'exister dans une sphère extrêmement concurrentielle, les
organisations ont pris conscience du défi et ont d'ores et
déjà entamé le virage du numérique, même si
celui-ci demande un investissement peu rentable pour le moment. Une
révolution certes énergivore pour les services de fundraising,
mais
74
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
nécessaire pour pérenniser le secteur et
appréhender l'avenir. Ces derniers espèrent récolter le
fruit de leur travail en s'adaptant aux modes de consommation des nouvelles
générations de donateurs et en leur offrant des parcours
d'engagement innovants, interactifs, multicanal et taillés sur mesure.
Pour convaincre chaque frange d'individus ayant chacune ses
spécificités et ses codes, les organisations ne peuvent plus se
contenter de diffuser leur message de manière globale.
L'ultra-personnalisation semble devenir la norme et ce n'est qu'en proposant un
fundraising centré sur les générations, sachant s'adapter
aux comportements singuliers de chacun que les structures parviendront à
séduire de nouvelles niches de donateurs potentiels.
Depuis une vingtaine d'années, les nouvelles
technologies bouleversent les stratégies de collectes mais bien qu'elles
apportent de nombreux avantages en termes de diffusion, les montants
récoltés sont encore mitigés. Une stratégie
strictement digitale peine encore à conduire les prospects
jusqu'à l'acte de don malgré des statistiques qui montrent un
fort potentiel des canaux numériques.
La collecte digitale s'appuie sur un large spectre d'outils :
mini sites dédiés (landing-pages), pages de dons, réseaux
sociaux, cycles d'emails, bannières publicitaires (display),
vidéos, crowdfunding... Les professionnels avisés
tendent à considérer le digital comme un écosystème
composé de multiples plateformes utilisant le réseau Internet
pour diffuser des contenus. Il est de moins en moins envisagé comme un
canal isolé mais trouve sa place au coeur de la stratégie globale
de collecte.
En optant pour une diffusion multicanal du message, voire de
plus en plus cross-canal, le fundraiser multiplie les accroches pour
séduire les donateurs à la fois en ligne et hors ligne. Une
stratégie multicanal est par définition « l'utilisation de
plusieurs canaux de distribution indépendants pour commercialiser un
produit ou une offre de service191 ». En diffusant une campagne
à la fois sur les réseaux sociaux, par email et sur des
bannières publicitaires dans des sites spécifiques, un
communicant fait du multicanal. Cela permet de viser « un segment
particulier de consommateur [où chacun des] canaux travaillent en silo
indépendamment des uns et des autres192 ».
L'approche multicanal tend à être
dépassée au profit du modèle cross-canal où «
chaque canal propose [au consommateur] une expérience unique et
adaptée à son mode de consommation193 ». Des
messages distincts sont diffusés sur des canaux complémentaires
qui vont, à travers une expérience utilisateur bien
pensée, créer un parcours menant à l'acte du don ; et
au-delà, notamment pour le remercier et le fidéliser. Le
cross-canal utilise d'autres leviers que le digital, par exemple le
télémarketing où un opérateur prend en main les
dernières étapes du tunnel de conversion : transformer un
prospect en donateur ou bien fidéliser un donateur régulier en
lui suggérant de souscrire au prélèvement automatique.
Le modèle omnicanal pousse la relation client encore
plus loin car c'est le client qui devient le canal ! « Une
stratégie omnicanal est la fusion des canaux de distribution et donc la
disparition des silos marketing, permettant ainsi d'avoir une vision 360°
du client et proposer une expérience d'achat inégalée
où l'ADN de [la] marque prend tout son sens194 .»
191 Florian Pouvreau, « Stratégie Multicanal,
Cross-canal et Omnicanal », 1FLUENCE DIGITALE, 6 septembre 2016,
(consulté le 27 juin 2019),
https://www.1fluencedigitale.com/multicanal-cross-canal-omnicanal-definitions-exemples/
192 Pouvreau, « Stratégie Multicanal, Cross-canal et
Omnicanal »
193 Pouvreau, « Stratégie Multicanal, Cross-canal et
Omnicanal »
194 Pouvreau, « Stratégie Multicanal, Cross-canal et
Omnicanal »
75
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
2. Les pratiques digitales des
Français
Internet est en passe de devenir le premier média
devant la télévision d'un point de vue de la consommation
quotidienne. D'après une étude menée par les
sociétés Hootsuite et We Are Social sur l'usage d'Internet et des
réseaux sociaux, les Français passent en moyenne 4h38 par jour en
ligne195, un chiffre qui a quadruplé en 10 ans196.
D'autres mesures, comme celles de l'agence Zenith197, sont plus
modérées mais ce qui importe pour notre propos, c'est d'avoir une
idée du temps que ce média représente dans le quotidien de
nos concitoyens.
En France la société Médiamétrie,
spécialisée dans la mesure, annonce que 43,3 millions de
personnes se connectent chaque jour sur Internet et que le pays compte 34
millions de mobinautes198.
Plusieurs facteurs ont favorisé l'expansion d'Internet
comme média numéro 1, notamment l'explosion du mobile. Celle-ci a
été rendue possible grâce à la
démocratisation des smartphones dans les foyers, l'adaptation des
contenus aux terminaux mobiles ainsi que l'amélioration des couvertures
réseaux sans fil et des débits toujours plus puissants.
D'ailleurs aujourd'hui, plus d'un quart de la consommation de médias se
fait sur mobile. Un communiqué de presse du même organisme emploie
les mots suivants pour qualifier la domination du mobile : « après
le «mobile-first», voici l'émergence du
«mobile-only», notamment chez les plus jeunes. »
De plus, l'utilisation du mobile facilite le
multitasking où le fait de consulter plusieurs choses en même
temps. Par exemple, 68 % des internautes sont connectés alors qu'ils
regardent la TV, un chiffre en hausse de plus de 258 % depuis 2010,
d'après le groupement d'acteurs de la publicité sur Internet,
Interactive Advertising Bureau199.
Si on pouvait s'attendre à ce que les jeunes
apprécient particulièrement Internet, il est plus surprenant de
constater que les 35-49 ans sont eux aussi adeptes de ce média. Ils y
consacrent 2h30 de leur journée. Les réseaux sociaux prennent la
pole position des activités en ligne avec 1/5ème du
temps passé toutes tranches d'âge confondues et 1 tiers chez les
15-24 ans200. Les plateformes sociales se livrent une concurrence
féroce pour dominer le marché et attirer la plus grande
communauté, dont certaines se chiffrent en milliards d'utilisateurs. Sur
ce registre Snapchat et Instagram se développent fortement et proposent
constamment de nouvelles fonctionnalités pour conserver leurs
fidèles utilisateurs et accrocher de nouveaux publics. Un univers qui
draine une audience colossale et qui a fortiori suscite des
convoitises chez des annonceurs en quête de nouveaux marchés. Dans
une partie suivante, nous prendrons l'exemple de ces deux plateformes pour
montrer comment les marques s'en saisissent pour toucher leurs cibles.
195 Hervé Ludwig, « Étude: le numérique
en France en 2019 » (Hootsuite - We are social, 1 février 2019),
(consulté le 28 juin 2019),
https://www.blogdumoderateur.com/etude-le-numerique-en-france-en-2019/
196 Extreme Sensio, « L'Année Internet 2018 »,
Médiamétrie, 14 février 2019, (consulté le 28 juin
2019),
https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-internet-2018
197 Fluhr François, « En 2019, la consommation
Internet dépassera celle de la télévision »,
Meta-media | La révolution de l'information, 26 juin 2018,
(consulté le 28 juin 2019),
https://www.meta-media.fr/2018/06/26/en-2019-la-consommation-internet-depassera-celle-de-la-television.html
198 Extreme Sensio, « L'Année Internet 2018 »
199 « Le mediascope : consommation des médias
interactifs », SNPTV, (consulté le 17 juillet 2019),
https://www.snptv.org/veilles/le-mediascope-consommation-des-medias-interactifs/
200 Extreme Sensio, « L'Année Internet 2018 »
76
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Ci-dessous, une infographie présentant les
réseaux sociaux les plus actifs en France en 2019. Les chiffres sont
donnés d'après une étude basée sur des sondages et
s'expriment en pourcentage d'internautes utilisant chaque plateforme.
Cette infographie donne une indication des réseaux
sociaux les plus utilisés par les Français.
Source: «GLOBALWEBINDEX (Q2 & Q3 2018). Figures represent the
findings of a broad survey of Internet
Users aged 16-64.»
Il ressort des études que les comportements d'achat
habituels ne sont pas freinés par Internet. « 39,3 millions
d'internautes ont déjà effectué des achats en ligne :
c'est près de 9 internautes sur 10. Les journées promotionnelles
participent à cet essor du e-commerce et n'ont jamais été
aussi populaires : 19 millions d'internautes ont ainsi surfé sur les
sites et apps de e-commerce le jour du Black Friday201. » Un
engouement généralisé qui explique aussi la
popularité de la journée Giving Tuesday, une mobilisation
caritative portée par l'AFF et l'agence Hopening et organisée
pour la première fois dans l'Hexagone en 2018. Ce mouvement mondial a
pour but de (re)mobiliser les citoyens, les entreprises et les acteurs du
secteur autour d'actions philanthropiques en prenant comme prétexte
cette journée, pour dénoncer la consommation à outrance
orchestrée par les mastodontes de l'e-commerce lors des journées
promotionnelles telles que le Black Friday.
Selon Médiamétrie, la tendance la plus
significative du moment est « le développement de nouveaux modes de
consommation autour des notions de partage, de dons, d'anti-gaspillage et
d'écologie avec bien souvent une désintermédiation,
c'est-à-dire un échange direct entre particuliers ». Le site
utilise même la formule « De l'internaute consommateur à
l'internaute citoyen »202.
Cependant, au-delà d'une mobilisation efficace sur
Internet, les internautes restent frileux lorsqu'il s'agit de sortir le
porte-monnaie pour faire un don.
201 Extreme Sensio, « L'Année Internet 2018 »
202 Extreme Sensio, « L'Année Internet 2018 »
77
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
3. Les pratiques digitales des donateurs
français
La transformation digitale révolutionne de nombreux
secteurs d'activité, la collecte de fonds humanitaire n'en est pas
épargnée même si cela se traduit encore aujourd'hui par une
timide adoption des outils digitaux par les donateurs. Changer les habitudes et
les comportements prend du temps mais les perspectives intéressantes
qu'offre le digital pour le secteur justifient un investissement à moyen
terme. Pour espérer une adhésion du public, il faut communiquer
pour expliquer les nouvelles solutions et petit à petit changer les
mentalités pour gagner la confiance des futurs donateurs. Il s'agit
aussi de comprendre les nouveaux usages sur ces plateformes et d'adapter les
messages en fonction.
Le digital a l'avantage de donner la possibilité aux
sympathisants de se faire le relais des actions des associations. Dans sa forme
initiale, nous l'avons vu, le don d'argent est passif. Certains donateurs
utilisent même ce biais pour se donner bonne conscience ou se
déculpabiliser. Or les études montrent qu'une partie des
donateurs, particulièrement les jeunes, a la volonté de
participer, de devenir acteur. Grâce au numérique, ils peuvent
facilement valoriser leur engagement en le partageant dans leur
communauté, ce qui potentiellement décuple la portée du
message et fait effet boule de neige. Une nouvelle forme d'engagement qui a des
points positifs comme négatifs. Jean-François Riffaut, directeur
de la communication d'ACF s'exprime sur ce sujet dans une interview de Michel
Pomarède sur France Culture :
« Un des grands exercices que nous sommes en train de
faire à ACF [...], c'est continuer à donner le plus possible aux
gens la capacité de s'engager avec nous. Faire en sorte que le plus
grand nombre de parties prenantes, de personnes, d'entreprises, de
journalistes, de groupes - parce que la cause les intéresse -
décident de porter la cause pour nous. Et cette intermédiation,
est beaucoup facilitée par la transformation digitale du
monde203. »
Certes les associations bénéficient d'une
visibilité plus grande mais cela ne suffit pas pour convertir. Une
réaction à une publication, un partage, un j'aime
n'ont jamais eu la même valeur ni la même implication qu'un
don. Des spécialistes ont même mis un nom sur cette pratique, le
slacktivisme, une contraction formée par la fusion du mot
« slacker (fainéant) et d'activisme ». John D.
Trybus, directeur général et professeur adjoint au Center for
Social Impact Communication de l'Université de Georgetown, donne une
définition de cette mouvance:
« Le slacktivisme, c'est l'idée que les gens
soutiennent, au plus haut niveau, des organisations et des sujets ayant un
impact social à travers les réseaux sociaux ou d'autres moyens en
ligne. Cela peut prendre de nombreux formats, depuis partager des informations
à propos d'une cause sur sa page Facebook au fait d'envoyer un tweet en
lien avec une campagne de revendication204. »
203 Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
»
204 Galaad Wilgos, « Le «slacktivisme» n'a rien
d'un militantisme superflu ou nocif (bien au contraire) »,
Slate.fr, 14 mai 2017, (consulté le 28 juin 2019),
http://www.slate.fr/story/145401/militantisme-virtuel-slacktivisme
78
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Cet engagement virtuel est contesté par ses
détracteurs qui affirment que cette forme de militantisme sur
canapé est amenée à remplacer d'autres actions militantes
plus concrètes. Sur Internet, il existe même des moyens
entièrement virtuels de manifester, par le biais d'avatars 3D qui
défilent dans les rues ! De leur point de vue, le devoir de donner
serait laissé de côté au profit des J'aime, d'un
partage ou de l'affichage d'un message sur sa photo de profil.
Bien qu'elles incitent souvent à partager leurs
messages sur les réseaux sociaux, des organisations semblent y perdre au
change. C'est pourquoi l'UNICEF a fait une campagne dans ce sens
intitulée Les likes ne sauvent pas des vies. Ces likes
permettent, certes, de faire écho aux messages, mais n'ont pas le
même impact qu'un don ou qu'un engagement de volontariat.
Pour autant, dans une tribune postée dans le New
York Times, l'éditorialiste Nicholas Kristof relativise: «
L'activisme de canapé, c'est toujours mieux que la passivité de
canapé. » Des études sur le sujet ont par ailleurs
montré que le slacktivisme n'a rien de superflu et ne nuit pas
aux autres formes d'engagement : « les personnes qui prennent part
à du militantisme en ligne le font aussi, régulièrement,
hors-ligne [...] ces individus complètent et non remplacent des actions
comme le don,
205.
le volontariat et la planification d'événements
»
Côté chiffres, un baromètre
réalisé chaque année par la société de
sondage Kantar Public pour France générosités analyse les
grandes tendances de la générosité dans l'Hexagone. Bien
que la dématérialisation facilite la démarche du don, les
résultats nous montrent qu'« après deux années de
croissance à deux chiffres, la croissance des dons en ligne ralentit en
2017. Elle représentait cette année-là 7,82 % de
l'ensemble de la collecte (soit 34 millions d'euros)206 ». Ces
chiffres globaux sont confirmés au niveau individuel par le responsable
marketing digital d'ACF, interviewé dans un reportage radiophonique
intitulé Où va l'humanitaire ? La course de fonds d'Action
Contre la Faim207. Le journaliste pose la question
:
« Est-ce que ça marche au niveau collecte de fonds
de communiquer sur Facebook, Twitter, Instagram et si oui combien ? »
à laquelle l'intéressé répond : « C'est pas
encore incroyable, on va pas se mentir, disons que c'est pas notre premier
levier de collecte. Si je m'intéresse à la partie collecte grand
public, aujourd'hui on a à peu près 7,8 % de collecte qui vient
du digital et à peu près 1,2,3 % de la collecte qui provient des
legs, des grands donateurs. Si maintenant vous me parlez des campagnes
spécifiques sur Facebook, Instagram Twitter, on en fait, ça
fonctionne pas énormément.»
Les collectes digitales sont particulièrement
performantes sur la fin de l'année puisque 40 % de ce type de dons se
font sur le dernier trimestre de l'année208. La
temporalité est donc pour l'instant la même que pour les autres
formes de collecte, charge aux fundraisers d'imaginer tout au long de
l'année, des moments forts, propices à la
générosité.
205 Wilgos, « Le «slacktivisme» n'a rien d'un
militantisme superflu ou nocif (bien au contraire) »
206 « La campagne «Donner fait du bien» a
démarré ! », francegenerosites, 4 octobre 2018,
(consulté le 25 juin 2019),
http://www.francegenerosites.org/francais-toujours-genereux/
207 Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
»
208 « La campagne «Donner fait du bien» a
démarré ! »
79
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Le digital a apporté de nombreuses nouveautés
aux fundraisers : il permet de mieux connaître son audience et leur
parcours dans, ce que les professionnels du marketing appellent, le tunnel de
conversion. Il offre des possibilités pour faire un ciblage très
fin et grâce au reporting, informe en temps réel sur les
performances des campagnes et sur les donateurs impliqués. Des
statistiques instantanées qui donnent la possibilité d'ajuster le
tir en cas de besoin et qui, a minima, donnent des orientations pour
les prochaines campagnes.
De plus, les supports numériques procurent une
meilleure expérience pour les internautes. Tout le parcours, de la
sollicitation aux remerciements, a été pensé pour que le
donateur vive une belle expérience et en ressorte grandi.
4. Les formes émergentes de communication
humanitaire et de collecte digitale
Lors des recherches effectuées pour découvrir
des innovations digitales, nous avons constaté que le domaine du
fundraising est à la pointe en ce qui concerne l'utilisation des leviers
marketing et des nouveaux canaux de diffusion. Dans cette partie, nous ferons
une veille des pratiques numériques dominantes et émergentes
utilisées dans le domaine caritatif en prenant à chaque fois un
ou plusieurs exemples pour illustrer la technologie.
4.1 L'utilisation d'influenceurs, de micro-influenceurs et du
crowdfunding
Printemps 2018, les journalistes Hugo Clément et
Clément Brelet se rendent dans la région du Kasaï en
République démocratique du Congo, pour faire un reportage sur
cette crise oubliée. Suite à la diffusion sur le site Konbini
news d'un sujet intitulé Kasaï: la famine silencieuse, une
cagnotte de crowdfunding a été mise en place et a permis
de récolter 540 000 € à leur retour. Pour expliquer le
succès exemplaire de cette opération, nous pouvons
évoquer, en premier lieu, le caractère original de la cagnotte
digitale pour récolter de l'argent à des fins humanitaires. Le
sentiment d'appartenance à une communauté que procure le
financement participatif est indéniablement un facteur qui séduit
les altruistes. La facilité d'utilisation du crowdfunding, que
ce soit pour mettre en place une cagnotte ou pour faire un don, est un autre
motif de réussite.
De plus, Hugo Clément, véritable influenceur
auprès des jeunes, a utilisé sa notoriété et sa
crédibilité de journaliste pour promouvoir à la fois une
cause et une levée de fonds. Il a directement touché ses
followers et un public plus large grâce à des passages
sur des plateaux TV comme Touche pas à mon poste ou sur des
antennes de radio comme Europe 1. Cette stratégie cross-canal a permis
une médiatisation hors norme pour une levée de fonds
humanitaire.
La frontière abstraite entre journalisme et
publi-reportage dont nous parlions dans la première partie est encore
plus floue avec le digital où les règles déontologiques
sont plus souples. En analysant ce sujet d'information, nous remarquons
premièrement qu'il utilise tous les codes de la communication
humanitaire (victimes, images explicites prises sur le terrain, chiffres
factuels...). Ce qui est plus surprenant pour un sujet journalistique, c'est le
packshot de fin qui porte la mention suivante : « Action contre
la faim a besoin de votre soutien - [Logo ACF] - Toutes les infos dans la
description / Chaque jour compte - #AvecLeKasai / Konbini news209.
»
209 Clothilde Bru, « Dans l'indifférence
générale, les enfants du Kasaï meurent de faim »,
Konbini News, 11 mai 2018, (consulté le 5 juillet 2019),
https://news.konbini.com/chaud/dans-lindifference-generale-les-enfants-du-kasai-meurent-de-faim/
80
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Une forme qui ressemble plus à une publicité ou
même à un appel à don classique. Cela se confirme à
la lecture de la description qui accompagne la vidéo sur la publication
Facebook :
« URGENCE ON A BESOIN DE VOUS! [...] Konbini lance une
levée de fonds au profit d'Action contre la faim, association
française présente au Kasaï. Si vous le pouvez, faites un
don. Si vous n'en avez pas la possibilité, partagez,
!210
diffusez, parlez-en autour de vous . »
Pour autant, il est possible de voir les choses sous un autre
angle et d'attribuer le succès de cette opération au
buzz, à une viralité qui se serait construite naturellement
sans stratégie spécifique, ni véritable intervention
préalable des équipes d'ACF. C'est en tout cas ce qu'affirme
Maximilien Le Ray, chargé de marketing digital d'ACF, interviewé
à propos de cette opération : « Laisser des influenceurs
gérer un sujet pour nous, on n'est pas dans le cadre d'un partenariat
avec Hugo Clément, c'est lui qui est parti sur le terrain, on l'a pas
briefé211. » Or il est probable que l'association ACF
soit tout de même intervenue au niveau de l'organisation logistique
concernant la visite terrain et qu'elle ait coordonné le tournage en
proposant des séquences, des intervenants et des
bénéficiaires à filmer dans le centre de santé dont
elle a la gestion.
Captures d'écran du reportage Kasaï: la famine
silencieuse réalisé par Hugo Clément et
Clément Brelet et diffusé sur Konbini news.
210 Hugo Clément et Clément Brelet, Urgence
Kasaï, 2018, (consulté le 5 juillet 2019),
https://www.facebook.com/watch/?v=399816070500570
211 Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
»
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Publication Facebook du journaliste et influenceur Hugo
Clément pour un appel à don en soutien au programme d'ACF en
ROC.
Annonceur : ACF
Création : Konbini news
Diffusion : Instagram et Konbini
-
https://news.konbini.com/chaud/dans-lindifference-generale-les-
enfants-du-kasai-meurent-de-faim
Date de publication : mai 2018
Si on s'abstient de juger les règles
déontologiques, ce qui ressort finalement c'est le résultat, pas
la méthode. Nous retiendrons simplement qu'entremêler information
et crédibilité journalistique, stratégie d'influence et
diffusion cross-canal, le tout couplé à des moyens de collecte
novateurs comme le crowdfunding s'avère être une
combinaison payante. ACF tire des bénéfices directs de cette
collaboration, non seulement pour la belle enveloppe récoltée
mais aussi en termes de notoriété et
de rajeunissement de son bassin de donateurs. Maximilien Le
Ray d'ACF le constate suite à cette opération : « le
résultat au final, ce qu'on voit, c'est que les donateurs sont
très jeunes212 ». Pour
rappel, le crowdfunding a un poids important chez les
jeunes donateurs qui affectionnent ces nouvelles formes de don
instantané et dématérialisé. Alors que 10 % des
Français déclaraient donner de l'argent via les plateformes de
crowdfunding en 2018, ce chiffre grimpait à 24 % chez les
jeunes donateurs de moins de 35 ans.
81
212 Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
»
82
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Autre avantage du crowdfunding, il coûte peu
pour les associations par rapport à d'autres méthodes de
recrutement : « Nos frais de collecte représentent près de
10 % de notre budget. Chercher des nouveaux donateurs est très
onéreux213. », détaille Marie-Carmen Carles,
directrice du service Générosité et Philantropie du
Secours catholique.
Pourtant, le système de cagnotte relayée dans
les médias n'a rien de nouveau. Le Téléthon fonctionne sur
un modèle similaire en s'appuyant sur des personnalités du PAF
pour faire la promotion d'une cause et in fine remplir une cagnotte.
Les outils digitaux ont simplement démocratisé cette pratique en
la rendant plus accessible et plus rapide. Aujourd'hui monsieur Tout-le-monde
peut construire son propre écosystème de don et le diffuser de
manière autonome auprès d'une sphère plus ou moins
large.
L'essor des micro-influenceurs
Si l'appel aux influenceurs tels que des
célébrités, des journalistes ou des personnes suivies par
une grande communauté est devenu courant dans l'humanitaire, cap
désormais sur ceux qu'on nomme micro-influenceurs. Une pratique
émergente permettant de contrer la méfiance des
méga-influenceurs, devenus professionnels et dont la parole a perdu en
authenticité:
« Aujourd'hui, le digital a redistribué les
cartes, et l'influence n'est plus l'apanage des stars du web et des
célébrités. Les influenceurs sont désormais
polymorphes : [...] les micros et nano-influenceurs ont accès à
des communautés plus réduites mais très
captives214. »
Il n'existe pas de règles unanimes pour qualifier ces
nouveaux porte-paroles mais nous pouvons dire qu'ils sont
généralement actifs sur un seul réseau social et qu'ils
comptent moins de 10 000 abonnés, voire moins de 1 000 dans le cas des
nano-influenceurs.
Une étude de Markerly analyse sur Instagram le
comportement des internautes parmi 800 000 comptes et un total de plus 5
millions de publications. Les résultats montrent qu'il y a une
corrélation entre la taille de l'audience et le nombre de likes
: « Les publications d'utilisateurs suivies par moins de 1 000 personnes
ont un taux moyen de likes de 8 % et de commentaires de 0,5 %. En
comparaison, celles de personnes suivies par plus de 10 millions
d'abonnés ont un taux moyen de likes de 1,6 % et de
commentaires de 0,04 %215. »
Ces chiffres probants nous rappellent qu'il est
impératif de définir en amont les objectifs d'une
stratégie d'influence : soit générer de la
notoriété, dans ce cas plus l'influenceur sera suivi, plus la
marque sera vue ; soit générer de l'engagement en faisant le
choix d'un partenaire ayant peu d'abonnés mais suscitant, pour un
coût nettement moins élevé, plus d'interactions.
L'étude conclut finalement en disant que le ratio idéal
d'abonnés se situe entre 10k-100k, apportant à la fois un taux
d'engagement élevé et une large portée.
213 Mathieu Périsse, « Le don gratuit, chimère
de l'humanitaire », Slate.fr, 30 juillet 2015, (consulté
le 9 juillet 2019),
http://www.slate.fr/story/104852/don-gratuit-publicite-humanitaire
214 Julien Chevalier, « Les nano-influenceurs, petits mais
costauds », Influencia, 11 juin 2019, (consulté le 5 juillet 2019),
http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,tendances,nano-influenceurs-petits-mais-costauds,8485.html
215 « Instagram Marketing: Does Influencer Size Matter? -
Markerly Blog », Markerly, (consulté le 5 juillet 2019),
http://markerly.com/blog/instagram-marketing-does-influencer-size-matter/
83
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Laisser la parole aux influenceurs est un concept nouveau et
compliqué à appréhender pour les associations. Le
directeur de la communication d'ACF Jean-François Riffaux avoue qu'au
premier abord, cela peut faire peur mais au final, s'avère positif:
« C'est une grande leçon pour nous, en tout cas
pour moi, c'est d'être capable d'abandonner un peu de contrôle, de
ce que nous proposons aux gens de voir. Et cette distance elle est vertueuse
aujourd'hui, parce qu'elle permet d'éviter la crainte que le Dir Com
manipule son image216. »
La liberté de parole des influenceurs est donc une
ressource précieuse pour les humanitaires contraints de communiquer en
pesant chacun de leurs mots. Mais si ceux-ci peuvent dire des choses que les
organisations ne peuvent plus se permettre, encore faut-il leur en laisser la
possibilité en leur accordant un certain degré de confiance.
4.2 Les réseaux sociaux, nouvel eldorado?
Il ne s'agit pas ici de faire la promotion d'un réseau
social en particulier et de le présenter comme le levier de
communication révolutionnaire, mais de souligner le fait qu'il est
important pour les organisations de s'adapter en permanence aux
évolutions et aux nouveaux outils à disposition. Les modes
évoluent ainsi que les usages, et les communicants n'ont d'autres choix
que de se les approprier afin de toucher de nouvelles cibles. Par leur nombre
d'utilisateurs quotidiens, les réseaux sociaux représentent une
formidable opportunité pour les organisations : ils permettent de
toucher une audience massive qui peut elle-même se faire le relais du
message. Par écho, le message peut se répandre par
lui-même, voire devenir viral, pour le meilleur comme pour le pire.
Un article de l'agence social media ruche&pollen
questionne : « Si ceux-ci [les réseaux sociaux] prouvent être
un levier performant pour amplifier la portée d'un message et
sensibiliser à grande échelle, sont-ils pour autant efficaces
pour inciter à l'action, et ainsi recruter de nouveaux donateurs et
bénévoles217 ? ».
Les ONG sont omniprésentes sur les réseaux
sociaux, elles sont d'après l'AFF « 93% à avoir un compte
Facebook, 77% un compte twitter et 50% ont un compte Instagram218
». Être présent sur les réseaux sociaux n'est pas
suffisant pour rencontrer le succès, encore faut-il les utiliser de
manière appropriée. Le recours massif à ces plateformes
par les organisations humanitaires ne s'est pas toujours accompagné d'un
changement de tonalité dans le discours. Certaines ONG ont
continué à faire ce qu'elles ont fait jusqu'à maintenant,
à savoir livrer une information parfois choquante et utilisant un ton
catastrophiste voire culpabilisant.
D'autres sont allées plus loin dans leur
démarche et ont tenté de comprendre ce qui attirait les
socionautes sur ces plateformes ayant chacune leurs spécificités.
Sur les médias sociaux, comme en communication, il est important
d'adapter le message à la cible et à chaque plateforme.
216 Pomarède, « Où va l'humanitaire ?
»
217 ruche&pollen, « La stratégie social media des
ONG »
218 « Réseaux sociaux, outil de communication ou
levier d'optimisation des campagnes de dons des ONG ? », Association
Française des Fundraisers, 29 août 2018, (consulté le 24
juillet 2019),
https://www.fundraisers.fr/fundraising/reseaux-sociaux-outil-de-communication-levier-doptimisation-campagnes-de-dons-ong
84
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Par exemple, il est plus probable qu'un instagrameur se
connecte en quête d'inspiration et recherche des contenus à
connotation positive alors qu'un utilisateur de Twitter est plus
généralement en attente d'informations factuelles lui permettant
de se positionner par rapport au débat. De la même manière,
Snapchat attire davantage des utilisateurs cherchant à se divertir par
l'amusement alors que les utilisateurs de Facebook s'attachent à rester
connecté avec leur communauté et à savoir ce qui se passe
dans le quotidien de leurs amis.
Pour les marques qui souhaitent communiquer sur ces canaux, un
questionnement dans le choix de la syntaxe est élémentaire et il
est inefficace de vouloir calquer le même message sur ces
différentes plateformes. L'agence ruche&pollen donne un conseil et
confirme que pour cibler des internautes en quête d'évasion, il
faut arrêter de mettre en avant des problèmes. Les ONG ont tout
intérêt à souligner « le caractère concret,
positif et mesurable des actions menées » afin d'inciter les
sympathisants à continuer leurs efforts plutôt que de marteler des
« contenus alarmistes et culpabilisants »219.
Les réseaux sociaux offrent de nombreuses
possibilités créatives pour séduire leurs utilisateurs :
carrousels, visuels avec rotation à 360°, gifs animés,
filtres, vidéo en direct, réalité virtuelle... Certains,
à l'instar de Facebook, proposent même une option pour faire un
don directement depuis une Page Fan. Aux communicants, la tâche de
susciter la curiosité et de faire adhérer les socionautes
à l'univers des ONG.
Nous nous proposons ici de faire un zoom sur 3
fonctionnalités innovantes que les organisations humanitaires utilisent
pour leur communication.
4.2.1 Les stories Instagram
Les stories Instagram sont en train de surpasser le
traditionnel fil d'actualité pour devenir la première
manière de publier des contenus. Particulièrement prisées
des millénials, les stories ont été
plébiscitées par pas moins de 500 millions d'utilisateurs
quotidiens dans le monde en janvier 2019, dépassant largement Snapchat,
première plateforme à avoir pourtant proposé cette
fonctionnalité éphémère220. Certains
communicants l'ont bien compris et ont fait de ce format leur nouveau
terrain de jeu, d'autant qu'il s'adapte particulièrement bien
aux marques et au business.
Pour justifier ce propos, le site Social Report annonce que
les stories ont augmenté le temps d'usage de la plateforme,
atteignant désormais 28 minutes par jour et que plus d'un tiers des
stories les plus populaires a été publié par des
entreprises qui les utilisent pour engager leur
communauté221. Engager son audience sur les réseaux
sociaux signifie l'éduquer en lui donnant de l'information mais c'est
aussi l'inspirer ou la divertir en vue de la convaincre. Sur Instagram, les
nombreux effets et possibilités créatives apportent des
opportunités inédites pour engager son audience. Les outils
disponibles permettent de délivrer de l'information d'une manière
originale, de susciter de l'envie chez l'abonné et de le faire interagir
grâce aux options comme les sondages ou les questions.
219 ruche&pollen, « La stratégie social media des
ONG »
220 Léopold Maçon, « Les stories
d'Instagram comptent 500 millions d'utilisateurs et écrasent Snapchat -
Business », Numerama, 31 janvier 2019, (consulté le 9 juillet
2019),
https://www.numerama.com/business/459725-les-stories-dinstagram-comptent-500-millions-dutilisateurs-et-ecrasent-snapchat.html
221 « Infographic Friday: Your Brand Needs to Be Using
Instagram Stories in 2018 », Social Report, 24 mars 2018, (consulté
le 9 juillet 2019),
https://www.socialreport.com/insights/article/360000242983-Infographic-Friday-Your-Brand-Needs-to-Be-Using-Instagram-Stories-in-2018
85
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Mais la fonctionnalité la plus prisée par les
marques est le Swipe Up qui permet aux comptes disposant de plus de 10
000 abonnés de mettre un lien cliquable qui charge un site, un article
ou une page de don directement dans l'application.
Plusieurs facteurs expliquent le succès des
stories : les utilisateurs apprécient leur simplicité
d'utilisation et leur côté ludique, qui plaisent à la fois
à celui qui poste comme à celui qui visionne. De plus, elles ont
l'avantage d'être interactives par rapport aux publications classiques,
ce qui permet d'accentuer l'implication de l'utilisateur. Enfin, le
caractère éphémère des publications qui ne durent
que 24 heures, favorise l'authenticité. Les utilisateurs, tout comme les
marques, osent y poster des contenus spontanés qu'elles n'auraient
jamais publiés sur leur site ou sur leurs autres plateformes sociales.
L'effet rareté suscite en outre un intérêt
supplémentaire des abonnés qui n'ont la possibilité de
découvrir que dans ce laps de temps relativement court. La fonction
stories à la une permet d'outrepasser la limite de 24 heures et de
laisser une histoire visible en permanence.
Dans le cadre humanitaire, les ONG proposent à travers
les stories, une plongée dans leur univers quotidien, au
siège mais surtout sur le terrain. Les abonnés sont conquis de
voir les coulisses d'une mission, de se projeter dans le travail concret des
humanitaires sur place ou encore d'entendre la parole de
bénéficiaires. Les ONG utilisent les techniques de
storytelling pour raconter des histoires qui prennent la forme de
véritables sujets journalistiques. Comme le démontre les captures
d'écran ci-dessous, extraites d'une story de MSF.
Extrait d'une story visible sur le compte Instagram de MSF.
On y découvre la construction d'un hôpital dans un camp de
réfugiés rohingyas au Bangladesh.
Annonceur: MSF
Diffusion : Instagram
Date de publication : mai 2018
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PARTIE III - Veille à travers les pratiques
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de la philanthropie digitale
Il arrive parfois qu'un membre de l'équipe anime
lui-même le compte de l'association pendant quelques jours; un
procédé appelé Take Over qui donne encore plus de
crédibilité à ce qui est donné à voir.
Louise raconte à travers une story Instagram son
périple pour atteindre Biakato en RDC, où elle se rend pour
effectuer une mission Ebola de 2 mois avec MSF.
Annonceur : MSF
Diffusion : Instagram
Date de publication : novembre 2018
La story est potentiellement un produit marketing
abouti pour les marques : c'est un condensé multimédia, où
le spectateur absorbe des informations critiques sur une situation, imprime des
images chocs dans son esprit, s'émeut grâce aux témoignages
qui donnent de la véracité à l'histoire et termine son
expérience avec la possibilité d'agir grâce à un
bouton d'appel à l'action (CTA).
Bien qu'elles soient un mode de communication encore peu
utilisé par les ONG, les stories ont le potentiel de devenir un
incontournable car elles offrent un espace pour des contenus authentiques et
spontanés qui permettent aux organisations d'humaniser leur
activité en créant une relation privilégiée avec
leurs abonnés. Tous ces atouts en font un outil idéal pour
davantage engager des communautés et inciter à l'action.
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PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Instagram Shopping, le nouveau-né, pousse
encore plus loin les possibilités marketing et de conversion. L'UNICEF a
détourné cette fonctionnalité un mois seulement
après son lancement pour sa campagne #NoPriceOnKids. En lieu et
place des produits, des enfants étaient à vendre sur
l'application pour la somme de 0 €. Un bon moyen de rappeler que « La
vie d'un enfant n'a pas de prix.»
L'UNICEF a détourné la fonction Instagram
Shopping pour sensibiliser le public contre l'esclavage des
enfants.
Annonceur : UNICEF Agence : Brand
Station Diffusion : Instagram Date de publication :
avril 2018
88
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
4.2.2 Snapchat
Le réseau social Snapchat est bien plus qu'un nouvel outil
de communication à la mode. Il fait partie de ces
applications montantes auxquelles les marques
s'intéressent pour rester dans la course des innovations digitales.
Elles y courtisent un public jeune et connecté et tirent parti du
marketing de l'intention, car contrairement à d'autres plateformes, sur
Snapchat, c'est l'utilisateur qui choisit ce qu'il veut voir. Selon Snap
France, fin 2018, l'application comptait 13 millions d'utilisateurs actifs
quotidiens dans le pays, qui se connectent 30 minutes en moyenne par
jour222. 57 % des utilisateurs de Snapchat ont moins de 25 ans, 27 %
ont entre 25 et 34 ans223.
Nul besoin d'aller plus loin dans les statistiques pour dire
que l'application séduit une population justement visée par les
ONG qui cherchent à rajeunir leur bassin de donateurs et leurs
sympathisants. Nous prenons ici l'exemple de Snapchat car il rassemble un
certain nombre de critères intéressants, mais demain, un autre
réseau social plus innovant prendra peut-être le relais.
L'important pour les organisations c'est d'être réactives pour
rester présentes sur les plateformes qu'utilisent leurs cibles, car il
ressort que les réseaux sociaux sont bien souvent
plébiscités par une tranche d'âge ou une catégorie
socio-professionnelle spécifique.
Jusqu'à présent, Snapchat se distingue parce
qu'il est toujours considéré comme récréatif par
ses utilisateurs, et peu assimilé à un média commercial
utilisé par des marques à des fins publicitaires, comme c'est le
cas de Facebook. Ceci en fait donc un média de choix pour des campagnes
dont le but est de se faire connaître et d'acquérir de la
notoriété auprès des millénials, qui
représentent les potentiels donateurs de demain.
Si peu d'acteurs humanitaires se sont lancés sur
Snapchat, dans le domaine environnemental, WWF a lancé au Danemark et en
Turquie une campagne appelée Don't let this be my #lastselfie,
où des selfies de 5 espèces d'animaux menacés
sont affichés. En utilisant une des fonctions premières de la
plateforme, qui est d'afficher un contenu pendant seulement quelques secondes
avant qu'il ne disparaisse à jamais, la marque au panda rappelle la
réalité et le danger d'extinction qui pèse sur ces
espèces menacées. Les visuels choisis sont accrocheurs car il est
rare de voir ces animaux sauvages en très gros plans. Les messages sont
clairs et directs et nous rappellent que si nous ne faisons rien, ces animaux
vont eux aussi disparaître juste devant nos yeux: « Vous devriez
faire une capture d'écran, ceci pourrait bien être mon dernier
selfie », « Dans 6 secondes, je serai parti pour toujours
mais vous pouvez encore sauver mon espèce », « Faites que
ça ne soit pas mon dernier selfie ».
En utilisant les codes de la communication directe, le
côté tendance du selfie et le caractère
éphémère de la publication, la marque parvient à
marquer les esprits et pousse à la réflexion.
Le selfie et Snapchat, incarnent la vanité et
l'obsession de soi, mais à travers cette campagne, WWF parvient à
renverser ce paradigme et à utiliser la plateforme pour transmettre des
valeurs altruistes.
Au final, ces selfies ont dépassé le
seul réseau de Snapchat, se sont répandus sur Twitter où
ils ont été republiés par 40 000 utilisateurs en une
semaine et ont touché quelque 120 millions de personnes, soit 50 % des
adeptes de la plateforme à l'époque. Le WWF a atteint son
objectif de dons mensuels en seulement 3 jours224.
222 Marie Turcan, « Snapchat lance en France ses «
shows » sans fiction et quasiment sans exclusivités - Tech »,
Numerama, 19 novembre 2018, (consulté le 6 juillet 2019),
https://www.numerama.com/tech/440505-snapchat-lance-en-france-ses-shows-sans-fiction-et-quasiment-sans-exclusivites.html
223 « Les chiffres Snapchat », Snapologie, 23 avril
2019, (consulté le 7 juillet 2019),
https://snapologie.com/les-chiffres-snapchat/
224 Dafna Ben-Yehoshua, « Snapchat for the Animals: The
#LastSelfie Campaign », 3 Door Digital, 9 mai 2016, (consulté le 22
juillet 2019),
http://3doordigital.com/snapchat-animals-lastselfie-campaign/
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PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Pour avoir des publications engageantes ou a minima
regardées par les socionautes, l'utilisation d'images symboliques
est indispensable sur les réseaux sociaux. L'expression une image
vaut mieux que 1000 mots est clairement confirmée par les
statistiques qui affirment que les jeunes, génération Y comprise,
sont plus sensibles aux images qu'aux messages écrits.
WWF a utilisé le selfie, phénomène
incontournable de la culture, et le caractère
éphémère des publications Snapchat pour sensibiliser
sur le risque d'extinction qui pèse sur certaines
espèces animales menacées.
Annonceur : Entités danoise et turque du
WWF
Agence: UncleGrey & 41?29! Diffusion :
Snapchat
Date de publication : avril 2014
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
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La fondation Bill et Melinda Gates a aussi fait une
opération de communication sur Snapchat en 2015, lors de la
Journée mondiale de lutte contre le sida. Le principe était un
peu différent : pour chaque utilisateur qui publiait un contenu avec un
des 3 filtres labélisés World AIDS Day, la fondation
s'était engagée à abonder une cagnotte destinée
à l'ONG (RED), à raison de 3 US$ par Snap publié. Cette
opération philanthropique a été une des premières
du genre sur Snapchat et a été accompagnée par un autre
challenge sur Youtube. Si une vidéo de Scarlett Johansson, Barry Manilow
et Jimmy Kimmel, faisant la promotion d'une opération d'achat solidaire
(SHOPATHON)RED, atteignait 333 000 vues, la fondation faisait un don
supplémentaire de 1 million de US$ à (RED).
|
Annonceur: (RED) Diffusion : Snapchat
Date de publication : novembre 2015
|
À l'occasion de la Journée mondiale de lutte
contre le sida 2015, Snapchat a lancé 3 filtres World AIDS Day que
les utilisateurs peuvent ajouter à leur publication.
90
Scarlett Johansson, Barry Manilow et Jimmy Kimmel ont
joué dans une vidéo pour promouvoir une opération
d'achat solidaire (SHOPATHON)RED, à l'occasion de la Journée
mondiale de lutte contre le
sida.
91
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
4.2.3 Les collectes d'anniversaires et les cagnottes de
financement participatif
Après seulement 1 an de mise en service, la fonction
collecte de fonds à l'occasion d'un anniversaire mis en place par
Facebook, avait déjà permis de récolter 300 millions de
dollars.225 Lors du lancement de cette fonctionnalité, le
réseau social leader annonçait que 45 millions de personnes se
souhaitaient un joyeux anniversaire chaque jour, d'où
l'opportunité de donner à chaque utilisateur la
possibilité d'organiser sa propre levée de fonds. À la
place d'un cadeau, l'entourage du donateur a la possibilité de donner
pour une cause. « L'idée, c'est de toucher, non plus uniquement nos
donateurs réguliers, mais aussi leurs réseaux226
», assume Marie-Carmen Carles, directrice du service
Générosité et Philanthropie du Secours catholique.
Grâce au digital et aux fonctions de partage, « l'internaute peut
passer du statut de donateur anonyme à celui d'acteur en devenant
co-créateur des campagnes auxquelles il participe227 ».
Bien que les récalcitrants y voient un moyen de faire de la manipulation
affective, les organisations elles, n'ont rien à faire si ce n'est
travailler leur image pour être choisies par le collecteur. Ce dernier
prospecte gratuitement pour le compte de l'ONG et rapporte de l'argent, c'est
donc un canal profitable pour les structures souhaitant diversifier leurs
sources de don.
La fonctionnalité collecte de fonds à
l'occasion d'un anniversaire de Facebook permet aux utilisateurs de
créer leur propre levée de fonds auprès de leur
réseau. Ici, une collecte pour les Restos du Coeur.
Sur Facebook, il est possible de créer une
levée de fonds pour n'importe quelle cause. Ici, une collecte pour le
navire Sea-Watch qui évolue en mer Méditerranée pour
sauver des migrants et des réfugiés.
225 Asha Sharma, « People Raise $300M Through Birthday
Fundraisers in First Year », Facebook Newsroom, 15 août 2018,
(consulté le 9 juillet 2019),
https://newsroom.fb.com/news/2018/08/people-raise-300m-through-birthday-fundraisers-in-first-year/
226 Périsse, « Le don gratuit, chimère de
l'humanitaire »
227 ruche&pollen, « La stratégie social media des
ONG »
92
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
D'autres acteurs comme Leetchi ou HelloAsso se sont
également mis sur le marché du crowdfunding et proposent
le même type de service. ACF aussi a bien compris cette tendance et le
souhait de ses sympathisants de vouloir s'engager autrement. « Nous vous
donnons les moyens d'agir », peut-on lire dans une page
dédiée, directement accessible depuis son site
Internet228. Grâce à l'outil que l'association a mis en
place, chacun peut désormais créer sa propre page de collecte
sans intermédiaire et solliciter son entourage pour la cause qu'il
souhaite. De nombreuses options sont disponibles : personnalisation de la page,
définition d'un objectif à atteindre, possibilité de
collecter en équipe, soutien technique et stratégique de la part
d'ACF... Le bienfaiteur devient représentant de l'association, ce qui
lui donne un statut mais aussi la responsabilité de remplir son
objectif. Le travail de mobilisation qu'il va fournir dans l'ombre est plus que
bénéfique pour l'association gagnante sur tous les tableaux. Que
ce soit pour un anniversaire, pour relever un défi, pour honorer la
mémoire d'un proche ou pour soutenir les actions d'ACF, l'entourage du
collecteur a toutes les chances de participer au financement de la cagnotte.
Pour rappel, 43 % des donateurs de 18-35 ans seraient prêts à
organiser une collecte en sollicitant leurs proches et 57 % seraient enclins
à participer à celle d'un proche.
ACF a mis en place un outil donnant à chacun la
possibilité de créer sa propre page de collecte.
Annonceur : ACF
Site Internet:
https://www.actioncontrelafaim.org/nous-aider/peer-to-peer/
Date de publication : 2018
228 « Créer sa propre page de colecte ACF »,
Action contre la Faim, (consulté le 17 juillet 2019),
https://agir.actioncontrelafaim.org/mosaic/collecteurs
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
4.3 L'utilisation de la réalité virtuelle
La VR ou réalité virtuelle permet d'immerger un
individu dans un environnement. Des expériences dans ce domaine ont
déjà été initiées par des ONG, notamment ACF
lors de son événement Vies au coeur des conflits en
octobre 2018. Grâce à des casques de réalité
virtuelle, l'association proposait une immersion sur le terrain et mettait
l'utilisateur dans la peau d'un humanitaire intervenant en zone de conflit. Ce
dernier est confronté à un scénario en 3D où il
doit passer des checkpoints et intervenir dans un centre de soins
attaqué. Pour ajouter une dimension sensorielle et du stress, le
participant tient une manette vibrante dans sa main qui simule la
réception de SMS inquiétants sur un téléphone
portable229.
Grâce à ces nouvelles technologies, le spectateur
comprend les enjeux d'une mission et les dangers quotidiens auxquels sont
confrontés les professionnels du milieu.
Ce dispositif permet de rapprocher une cause lointaine, ce qui
peut s'avérer utile lors des levées de fonds. En outre, ce type
de dispositif peut servir sur des opérations de street marketing
ou sur des événements mais aussi pour la communication
institutionnelle et la sensibilisation grand public.
ACF propose une immersion sur le terrain, où
l'utilisateur rentre dans la peau d'un humanitaire grâce à un
film en 3D interactif et des casques de réalité
virtuelle.
Annonceur : ACF
Agence : smartVR for Impact
Diffusion : événement Vies au coeur des
conflits et Youtube -
https://www.youtube.com/watch?v=xi6YRoDJ2Xg
Date de publication : octobre 2018
93
229 Action contre la Faim, Checkpoint, entrez dans la peau
d'un humanitaire, 2018, (consulté le 16 juillet 2019),
https://www.youtube.com/watch?v=xi6YRoDJ2Xg
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Une autre vidéo en 3D, semblable à la
précédente, intitulée Quand je suis parti,
raconte l'histoire d'un jeune réfugié syrien qui a fui son
pays en quête d'une vie meilleure. On le voit tenter la traversée
de la Méditerranée à bord d'un canot
pneumatique230.
Le studio smartVR propose un film en réalité
virtuelle qui plonge le participant dans la peau d'un jeune
réfugié syrien qui tente de traverser la
Méditerranée à bord d'un canot pneumatique.
Annonceur : aucun
Agence : smartVR studio
Diffusion : aucune
Date de création : mars 2017
94
230 Amar Silem, « Quand je suis parti... - Créer
de l'empathie grâce à la réalité virtuelle »,
(consulté le 22 juillet 2019),
http://blog.smartvr-studio.com/agence-vr-quand-je-suis-parti-social-impact
95
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
L'UNICEF a aussi utilisé un film en
réalité virtuelle mais sans 3D, intitulé Clouds Over
Sidra pour des opérations de street marketing.
Plongés au coeur d'un camp de réfugiés syriens grâce
à un casque de réalité virtuelle, l'effet sur les passants
est immédiat. Les résultats en termes de notoriété
et de conversion sont plutôt représentatifs : sur une
opération à Auckland en Nouvelle-Zélande, 1 personne sur 6
a donné de l'argent, 2 fois le taux habituel de ce genre
d'opération, indique l'organisation.
Plus intense qu'un film standard, la réalité
virtuelle parait plus réelle et permet de générer de
l'empathie en mettant le potentiel donateur dans la situation des personnes
à qui ils donnent de l'argent. Pour David Cravinho, un
spécialiste de la collecte de fonds à l'UNICEF : « Dans des
circonstances normales, il faudrait entre dix et treize contacts pour convertir
un donateur régulier, mais l'utilisation de la réalité
virtuelle pourrait réduire le nombre de contacts à cinq ou
six231. »
Ces films en 360° utilisent le plan subjectif pour
véritablement plonger le spectateur dans la peau d'un
bénéficiaire. Cette forme d'hyper-vérité est
brutale mais semble décupler les émotions et, par effet ressort,
fait agir.
Le film à 360° Cloud Over Sidra,
présenté par l'UNICEF, plonge le spectateur au coeur du camp
de réfugiés de Zaatari en Jordanie. Sidra, une jeune fille de
12 ans, raconte son histoire durant les 18 mois qu'elle a passés dans
le camp.
Annonceur : UNICEF
Agence : Vrse.Works production / Within
Diffusion : Youtube -
https://youtu.be/mUosdCQsMkM
Date de publication : septembre 2015
231 Zeena Al-Obaidi, « Using VR Video Halves the Time to Get
Charity Donation According to UNICEF », VRFocus, 23 mai 2016,
(consulté le 16 juillet 2019),
https://www.vrfocus.com/2016/05/using-vr-video-halves-the-time-to-get-charity-donation-according-to-unicef/
96
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
232
Le projet Bangui l'oubliée propose une immersion
au coeur d'une mission de nutrition d'ACF, grâce
à un site interactif et une vidéo immersive
à 360° dans un hôpital de Bangui en République
centrafricaine. L'objectif est de sensibiliser le public en le faisant
évoluer à travers un parcours multimédia regroupant des
images, des vidéos, des témoignages et qui finit sur un appel
à don.
Annonceur : Action contre la Faim
Agence : ?triangulaire
Site Internet: http://bangui-loubliee.com/ Date
de publication : juin 2016
Dès 2015, Le New York Times avait
déjà réalisé un film immersif et interactif en
360° intitulé The
233,
Displaced faisant le portrait
de 3 enfants racontant les
épreuves endurées et témoignant de ce
qu'ils vivent au quotidien.
Lors d'une des scènes, le spectateur est plongé
au milieu d'une distribution de nourriture, larguée par avion. La
sensation d'être présent est troublante et l'effet est tout
simplement glaçant.
Le film interactif et immersif The Displaced, utilise la
technologie 360° pour faire le portrait de 3 enfants témoignant de
leurs difficultés quotidiennes.
Annonceur: The New York Times
Agence : Vrse.Works production / Within
Diffusion : Youtube -
https://www.youtube.com/watch?v=ecavbpCuvkI
Date de publication : novembre 2015
232 « Bangui l'oubliée - Action contre la Faim
», Bangui-l'oubliée - Action contre la Faim, juin 2016,
(consulté le 16 juillet 2019), http://bangui-loubliee.com/
233 The New York Times, The Displaced | 360 VR Video | The
New York Times, 2015, (consulté le 17 juillet 2019),
https://www.youtube.com/watch?time_continue=375&v=ecavbpCuvkI
97
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Amnesty International UK a utilisé cette technique pour
sensibiliser le public sur les bombardements aux barils d'explosifs en Syrie.
À travers son projet 360syria et sa campagne Fear of the
Sky234, l'association anglaise a imaginé une
vidéo immersive et impactante en 360° qui peut être
visionnée en VR ou en vidéo, accompagnée d'un site
informatif qui incite à la fin à agir. Pour Kate Allen,
directrice d'Amnesty International UK : « Si une image vaut mille mots,
alors une expérience de réalité virtuelle vaut un livre
entier ».
360syria est une vidéo à 360° interactive
permettant d'immerger le spectateur au milieu d'un quartier syrien qui a
été bombardé.
Annonceur : Amnesty International UK Agence :
Junior
Site Internet : http://www.360syria.com/ Date de
publication : mars 2016
4.4 La genèse des crypto-monnaies et des technologies
de blockchain
Les avis sont encore divergents sur la rationalité ou
le futur des crypto-monnaies. Une chose est sûre, depuis l'apparition du
Bitcoin en 2009, elles n'ont cessé de prendre de l'importance.
Aujourd'hui, elles génèrent des sommes virtuelles astronomiques
et prétendent devenir un véritable système financier
alternatif. Des investisseurs comme Roger Ver parlent de la plus grande
invention depuis la naissance d'Internet : « Bitcoin is the most important
invention in the history of the world since the Internet»; d'autres comme
Leon Louw, nominé pour le prix Nobel de la paix, évoque le plus
important développement mondial : « Every informed person needs to
know about Bitcoin because it might be one of the world's most important
developments »235. Quoi qu'on en pense, il faut pouvoir
anticiper une éventuelle révolution monétaire, d'autant
plus qu'un tel changement imposerait des connaissances sur le sujet pour
pouvoir l'exploiter.
234 « Fear of the Sky », Amnesty International, mars
2016, (consulté le 16 juillet 2019), http://www.360syria.com/
235 Nicolas Verlette, « Citations sur le Bitcoins »,
Achat Bitcoin, 1 mai 2014, (consulté le 17 juillet 2019),
https://achat-bitcoins.com/citations-bitcoin/
98
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
À travers son fond dédié à
l'innovation, l'UNICEF explore les possibilités liées aux
crypto-monnaies et plus largement à la technologie blockchain,
appliquées à l'humanitaire. Outre ces purs travaux de recherche,
l'UNICEF France innove en la matière en donnant la possibilité
à ceux qui en dispose, de faire un cryptodon, un don en crypto-monnaie.
L'objectif est de toucher une nouvelle cible jeune et de faire évoluer
le domaine de la collecte avec un dispositif original.
La deuxième option possible est de « miner pour
l'UNICEF ». La technologie blockchain requiert des ressources
matérielles pour fonctionner et valider des transactions, cela s'appelle
« miner de la crypto-monnaie ». Sans rentrer dans les détails,
c'est grâce à une communauté d'adeptes, qui mettent
à disposition la puissance de calcul de leurs ordinateurs, que la
blockchain peut se constituer. Cette mise à disposition
génère une récompense monétaire au prorata de la
participation au calcul. En cédant la crypto-monnaie
générée au profit de l'UNICEF, le mineur fait un don
gratuit. Nous expliquerons en quoi consiste le don gratuit dans la partie
suivante.
En ce sens l'organisation qui milite pour le droit des
enfants, en partenariat avec l'agence BETC, a organisé en 2018
l'opération Game Chaingers, « la première
levée de fonds humanitaire au moyen d'une crypto-monnaie236
». Le but a été de solliciter la communauté des
adeptes de l'eSport (potentiellement 711 millions de gamers dans le
monde), pour miner et générer de la crypto-monnaie en utilisant
leurs cartes graphiques. Cette forme de collecte 2.0, première du genre,
a fait parler d'elle et ouvert de nouvelles perspectives, même si le
résultat est mitigé après 59 jours de fonctionnement: 85
ETH (Ethereum) collectés par 12 000 ordinateurs, soit
l'équivalent de 15 300 € selon le cours de juillet 2019.
Annonceur: UNICEF
Agence : BETC
Site Internet: http://www.chaingers.io/ Date de
publication : février 2018
L'opération Game Chaingers permet aux volontaires de
miner de la crypto-monnaie grâce à leurs ordinateurs et ainsi
faire des dons gratuits à l'UNICEF.
Le cryptodon ou le minage s'inscrivent résolument dans
l'avenir en proposant de nouvelles formes de générosité
aux donateurs de demain. Flexibles, transparentes et détachées de
toutes structures financières ou étatiques, les crypto-monnaies
et plus globalement la technologie blockchain offrent aux organisations
humanitaires des perspectives qui vont au-delà de la levée de
fonds; notamment pour contourner les systèmes bancaires
défaillants dans des zones sinistrées. Parce qu'il vise encore un
public de niche, l'usage des crypto-monnaies ne s'est pas encore
démocratisé, or les associations ont intérêt
à anticiper pour être prêtes, le jour venu, à en
affronter la complexité.
236 « UNICEF et BETC présentent une levée
de fonds d'un nouveau genre », UNICEF France, 5 février 2018,
(consulté le 17 juillet 2019),
https://www.unicef.fr/contenu/espace-medias/unicef-et-betc-presentent-une-levee-de-fonds-dun-nouveau-genre
99
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4.5 L'utopie du don gratuit
Le don gratuit est une forme de don d'un nouveau genre
où c'est la publicité qui paie. En échange du visionnage
d'une vidéo ou d'une réponse à un questionnaire, le
donateur participe à financer un projet social de son choix. Ce concept
est alléchant en surface : l'annonceur s'acquitte d'une somme qui est
ensuite reversée à une association caritative mais le processus
n'est pas toujours transparent car il est difficile de savoir à combien
est valorisé chaque visionnage. Le dirigeant de Goodeed précise,
dans un article de Mathieu Périsse sur Slate, que les montants peuvent
varier de « quelques centimes à plusieurs euros selon le
ciblage237 ».
La start-up Goodeed s'est spécialisée dans ce
concept, récoltant au passage les données personnelles des
donateurs et des frais de gestion (40 % d'après les informations
données par le site)238. Selon eux, 80 % de leurs donateurs
ont entre 18 et 35 ans, de quoi attirer l'attention des associations qui
souhaitent rajeunir leur bassin de donateurs en leur proposant de s'engager
autrement. Pour les annonceurs, c'est un bon moyen de toucher une cible
qualifiée mais surtout d'associer leur image à une action
caritative. « On est assez proche du concept de RSE239 »,
estime Denis Maillard, philosophe politique et ancien responsable de la
communication de MDM.
De multiples formes de don gratuit existent, du simple lien
sur une bannière de publicité au quizz permettant de financer des
projets caritatifs, en passant par les moteurs de recherche solidaires comme
Goodsearch.com ou
Excosia.org.
Ces plateformes évoluent sur un créneau peu
porteur pour le moment et qui suscite de nombreuses critiques. Nous avons
parlé du slacktivisme et de ces personnes qui pensent avoir un
réel impact à travers leurs cliques mais l'engagement est tout
autre et va au-delà des simples représentations que ces sites
mettent en avant.
La Fondation Abbé Pierre a proposé une variante
de ce type de don pour capter l'attention des internautes. Fin 2018, elle a
lancé la campagne d'affichage Regardez-moi, qui met en
scène des portraits de personnes en difficulté fixant l'objectif,
avec un regard puissant plein de désespoir. Le message est simple :
« Merci de ne pas avoir baissé les yeux devant cette affiche
». Plutôt que de dénoncer, la fondation prend le parti de
remercier ceux qui agissent contre l'indifférence.
En complément des affichages, un dispositif
numérique inédit a été créé
spécialement sur Dailymotion. Il s'agit d'un faux pré-roll,
qu'il est possible d'ignorer au bout de quelques secondes. Un
pré-roll vidéo est « un format d'affichage des
publicités vidéos sur Internet qui consiste à afficher le
message publicitaire vidéo pendant quelques secondes avant la
visualisation d'une vidéo de contenu (bande annonce cinéma,
émission, vidéo communautaire, catch-up TV240)
».
À travers cette vidéo interactive, l'internaute
est confronté au choix d'ignorer ou pas une personne sans domicile. S'il
va jusqu'au bout du plan séquence, il découvre le visage du SDF,
comme dans les affiches. Un message de remerciement apparaît alors:
« Merci de ne pas m'avoir ignoré ». S'il choisit d'ignorer ce
qu'il croit être une publicité, un autre message apparaît :
« la prochaine fois prenez le temps de ne pas m'ignorer ».
237 Périsse, « Le don gratuit, chimère de
l'humanitaire »
238 « Goodeed », (consulté le 9 juillet 2019),
https://www.goodeed.com/knowmore/transparency
239 Périsse, « Le don gratuit, chimère de
l'humanitaire »
240 B Bathelot, « Pre-roll vidéo », in
Définitions marketing, 13 septembre 2015, (consulté le 6
juillet 2019),
https://www.definitions-marketing.com/definition/pre-roll-video/
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
L'expérience est originale pour surprendre le spectateur
qui visionne des vidéos quotidiennement et qui est habitué
à ignorer les publicités dès qu'il en a la
possibilité. Le digital offre de nombreuses possibilités pour se
démarquer, comme l'interactivité qui apporte une dimension
supplémentaire par rapport aux publicités passives classiques.
L'interactivité permet de faire participer l'internaute pour mieux
capter son attention et inclure un bouton d'appel à l'action (CTA) qui
incite à agir.
Une fois l'un des deux messages affiché, une invitation au
don est proposée, « Contre l'indifférence, aidez-nous
à agir, Donnez ».
Sur la landing-page dédiée, la Fondation
Abbé Pierre exprime le souhait de créer du lien : « À
travers un jeu de regards entre les personnes en difficulté et les
passants, la campagne d'affichage établit un lien affectif en faisant
appel à l'humanité de chacun241. »
Annonceur: Fondation Abbé Pierre
Agence : Altmann+Pacreau
Site Internet:
http://regardez-moi.fondation-
abbe-pierre.fr/
Date de publication : novembre 2018
La campagne Regardez-moi de la Fondation Abbé
Pierre, en partenariat avec Dailymotion utilise un faux pré-roll
qu'il est possible d'ignorer au bout de quelques secondes.
100
241 « Découvrez la nouvelle campagne contre
l'indifférence », Regardez-moi, 2018, (consulté le 6 juillet
2019), https://mm-abbe-pierre.appspot.com/
101
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
4.6 Les native Advertising
Face à la lassitude des internautes ou mobinautes vis
à vis des publicités intrusives, le format native
Advertising tire son épingle du jeu. Ce type de publicités,
déjà plébiscité par des ONG, concurrence les
traditionnelles bannières pour s'intégrer directement dans le
contenu d'un site. Par exemple, une annonce sponsorisée sur Le Bon Coin
reprenant les mêmes codes qu'une annonce d'un particulier. D'après
Benjamin Soubeille, directeur marketing France de Verizon Media, cité
dans un article de Barbara Haddad, « ces formats sont 15 % mieux
perçus que la publicité classique sur desktop et 37 % sur
mobile242 ». Moins agressives, les native Ads ont
l'avantage de moins perturber la lecture, ce qui dissuade peut-être les
internautes de naviguer avec un bloqueur de publicité.
Les native Ads du site Le Bon Coin permettent
d'intégrer une publicité au milieu des annonces du site.
4.7 La générosité embarquée
La générosité embarquée est une
action de don qui intervient comme une étape dans un processus. Ce
concept, importé des pays anglo-saxons, est en pleine expansion en
France. Il est principalement centré sur l'arrondi et concerne des
montants généralement minimes, presque insignifiants pour le
donateur, c'est pourquoi on parle souvent de micro-dons. Il s'agit par exemple
d'un arrondi à la caisse d'un supermarché ou de la cession de ses
points de fidélité au profit d'un organisme collecteur.
242 Barbara Haddad, « Comment engager grâce aux
nouveaux formats pub ? »,
https://www.e-marketing.fr/,
1 juillet 2019, (consulté le 15 juillet 2019),
https://www.e-marketing.fr/Thematique/veille-1097/Breves/Comment-engager-grace-aux-nouveaux-formats-pub--339414.htm
-
&utm_source=social_share&utm_medium=share_button&utm_campaign=share_button
102
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Dans la sphère professionnelle, l'arrondi sur salaire
se démocratise même s'il représente encore une part infime.
D'après le baromètre 2018 du don sur salaire,
réalisé par l'entreprise solidaire d'utilité sociale
microDON, cela représente « plus de 762 500€ (+64% en un an,
et multiplié par 6 en 4 ans) grâce à la mobilisation de
plus de 14 200 salariés donateurs avec un don moyen de 2,52€ par
salarié243 ».
Pour Pierre-Emmanuel Grange, fondateur de microDON, l'arrondi
sur salaire répond à une volonté affichée des
nouvelles générations de mettre du sens dans leur activité
professionnelle:
« Aujourd'hui, on estime à plus de 60 % le nombre
de jeunes désireux de travailler en priorité pour des entreprises
ayant un impact social et environnemental positif! Un chiffre d'autant plus
éloquent que les millenials représenteront 75 % des actifs dans
le monde en 2030. Il est donc plus que jamais temps que les entreprises
intègrent des dispositifs permettant de
!244
générer tout à la fois du sens et de la
solidarité »
D'autres alternatives existent comme le don de tickets
restaurants, de chèques cadeaux ou de chèques vacances qui
séduit un autre type de donateurs, plus enclins à céder un
avantage en nature plutôt qu'une ressource financière.
L'association Action contre la Faim utilise ce créneau
à travers son opération Je Déj, Je Donne.
L'idée est de collecter des titres-restaurant et des chèques
cadeaux même périmés, afin de soutenir des programmes de
lutte contre la sous-nutrition. Cette alternative au don d'argent a
séduit un certain public : près de 400 000 titres-restaurant
collectés depuis son lancement en 2009, soit près de 3 millions
d'euros. D'après ACF, cela a permis d'aider 14,7 millions de personnes
en 2016 dans 49 pays.
L'association ACF donne la possibilité de
céder ses titres-restaurant pour soutenir des programmes de lutte
contre la sous-nutrition.
Annonceur : ACF
Site Internet:
https://jedej-jedonne.org/accueil
Date de publication : opération reconduite chaque
année
243 « Baromètre 2018 du don sur salaire »,
francegenerosites, 7 juin 2018, (consulté le 22 juillet 2019),
http://www.francegenerosites.org/ressources/barometre-2018-don-sur-salaire/
244 Lucie Gaudens, « L'arrondi sursalaire: une pratique
solidaire en plein boom dans les entreprises »,
e-RSE.net, 31 mai 2018, (consulté
le 17 juin 2019),
https://e-rse.net/arrondi-salaire-solidaire-barometre-2018-microdon-270370/
103
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Ces nouvelles formes de générosité sont
de plus en plus plébiscitées, poussées par des techniques
marketing incitatives : il n'est pas rare que les entreprises ou les
supermarchés participent à l'opération en abondant de leur
côté une somme d'argent à chaque don effectué par un
particulier. Un moyen pour eux de redorer leur blason, d'améliorer leur
image ou de participer à une démarche RSE. C'est le cas pour
l'arrondi sur salaire, dont 78 % des entreprises qui le pratiquent, s'engagent
en co-solidarité245 .
La générosité embarquée s'invite
partout, jusque dans le secteur bancaire qui propose des cartes caritatives.
Même si les sommes récoltées sont aujourd'hui
insignifiantes dans l'enveloppe globale, elle est promise à un bel
avenir. Pour donner un exemple de son étendue, prenons les
résultats de microDON qui s'est donné pour mission de
développer ce type de collecte. En 2017, cet organisme a
246.
collecté un total de 2 454 389 euros, soit +246 % entre
2015 et 2017 Un taux de croissance
significatif qui montre le potentiel théorique de ce type
de générosité.
4.8 Les courses solidaires
Les courses solidaires ou charity running trouvent
leur public en France même si les sommes récoltées ne sont
pas comparables avec les grandes courses étrangères, comme le
marathon de Londres qui a cumulé 61,6 millions de Livres sterling lors
de son édition 2017. Le fonctionnement est simple : il s'agit de
collecter auprès de son entourage une somme d'agent définie,
grâce à la technique du peer-to-peer (pair à
pair). C'est seulement une fois l'objectif atteint qu'il est possible de
décrocher un dossard. Une tribune des Echos, écrite par
Julie Maillard, évoque le côté ludique de ce concept :
« il devient amusant et plaisant de faire un don ». Aussi, l'auteure
fait apparaître que le collecteur est entrainé dans une
fidélisation naturelle car il a de grandes chances de s'engager par la
suite pour l'association en faisant un don par exemple.
L'Oxfam Trailwalker est un exemple représentatif de
cette forme d'engagement. Il s'agit d'une course de 100 km par équipe de
4, où il faut pour participer, collecter en amont un minimum de 1 500
€ en faveur d'Oxfam France. Cette initiative permet à des citoyens
de prendre part à une action de solidarité et de s'investir
personnellement pour trouver les fonds nécessaires. L'ONG mobilise
grâce à un dispositif enthousiasmant et bénéficie de
manière indirecte du travail de notoriété accompli par les
participants qui vont créer toutes sortes de dispositifs pour parvenir
à rassembler la somme demandée (mini concert, porte à
porte, tombola, vente de gâteaux...). Au total plus de 537 200 € ont
été collectés depuis sa création en 2010.
En étant eux-mêmes acteurs, ils contribuent
à créer de la visibilité pour la marque, suscitent de
futurs engagements et rapportent de l'argent. Bien qu'elles représentent
un investissement pour les organisations, les courses solidaires comportent de
nombreux avantages pour les structures qui ont les moyens de les organiser.
245 Lucie Gaudens, « L'arrondi sursalaire: une pratique
solidaire en plein boom dans les entreprises »,
e-RSE.net, 31 mai 2018, (consulté
le 17 juin 2019),
https://e-rse.net/arrondi-salaire-solidaire-barometre-2018-microdon-270370/
246 « Panorama national des générosités
», avril 2018, p.41, (consulté le 15 mai 2019),
https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/rapport_generosite4.pdf
104
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Oxfam Trailwalker est une course solidaire de 100 km
organisée par Oxfam France. Chaque équipe de 4 s'engage
à collecter 1 500 € pour pouvoir participer.
Annonceur : Oxfam France
Agence : Bol d'Air
Site Internet: https://www.oxfamtrailwalker.fr/
Date de l'événement : reconduit chaque
année
Dans la même veine, d'autres dispositifs existent.
L'UNHCR a lancé une campagne nommée Deux milliards de
kilomètres pour survivre - Chaque pas compte, où un compteur
cumule les kilomètres effectués par des sportifs souhaitant
partager leur effort via leur application sportive favorite. Le but est
d'atteindre les 2 milliards de kilomètres parcourus chaque année
par les réfugiés pour retrouver la paix et la
sécurité. Un moyen pour cette organisation onusienne peu connue
du grand public de se faire remarquer avec un dispositif original en apparence
gratuit. Cette campagne vise, en plus d'un objectif de notoriété,
à fédérer la communauté des sportifs et à
récolter des données précieuses (emails, numéros de
téléphone) en vue d'une future conversion et fidélisation
de ces potentiels donateurs.
Les outils digitaux offrent cette possibilité de capter
de nouveaux donateurs en douceur, en respectant plusieurs étapes : tout
d'abord en les attirant grâce à dispositif ludique qui, en
apparence, n'engage à rien, puis à les sensibiliser petit
à petit en leur proposant de l'information à travers une
expérience innovante. Le processus se poursuit ensuite en leur
suggérant de s'engager plus, via la signature d'une pétition ou
le partage d'une campagne par exemple. Enfin, au bout du tunnel, il s'agit de
leur demander d'agir en faisant un don ponctuel ou en s'engageant sur la
durée à travers un don régulier. Un parcours bien
ficelé, envisagé sur la longueur à travers une
expérience utilisateur qui, pour se démarquer, doit être
riche, originale et innovante.
105
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
La campagne du HCR, 2 milliards de kilomètres pour
survivre - Chaque pas compte, offre un dispositif permettant de cumuler les
efforts effectués par des sportifs pour atteindre la distance parcourue
par les réfugiés dans le monde chaque année.
Annonceur : UNHCR
Site Internet :
https://stepwithrefugees.org/fr/
Date de publication : 2019
106
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
4.9 Rapprocher les crises lointaines
En juin 2019, l'association Solidarité
International profite de la période de vacances, pour lancer une
campagne d'affichage dans les gares et les aéroports afin de
sensibiliser les voyageurs à la proximité des zones où se
déroulent des crises humanitaires.
À travers cette campagne, Solidarité
International sensibilise à la proximité des zones où se
déroulent des crises humanitaires et souligne l'engagement de leurs
équipes sur le terrain.
Annonceur : Solidarité International
Agence : Les Présidents
Site Internet :
https://www.solidarites.org/fr/en-direct-du-terrain/reduire-les-distances-
depasser-les-obstacles/
Date de publication : juin 2019
En affichant clairement le temps de trajet
insignifiant pour se rendre sur des théâtres d'intervention
où sévissent conflits ou épidémies, l'organisation
souhaite rapprocher les Français du terrain et les confronter aux
problèmes en contournant la fameuse « loi du mort-kilomètre
». Faisons abstraction de l'expression pour pointer du doigt un
problème majeur rencontré dans l'humanitaire. Robin Cornet de la
rédaction de RTBF qualifie ladite loi en ces termes : « Plus un
événement est distant de nous, moins il éveillera
l'attention. Plus les victimes semblent éloignées, moins elles
susciteront d'empathie. Une catastrophe éclipse l'autre.
L'émotion n'a qu'un temps247. »
La campagne de SI joue sur les heures de vol pour
accrocher le lecteur. De plus, la baseline « Ce n'est sans doute pas votre
destination. Mais c'est la nôtre. » rappelle la promesse
portée par l'association « accéder et porter secours
à celles et ceux qui sont frappés par les guerres, les
épidémies et les catastrophes naturelles. »
247 Robin Cornet, « La loi du mort-kilomètre
», RTBF Info, 7 avril 2015, (consulté le
23 juillet 2019),
https://www.rtbf.be/info/dossier/chroniques/detail_la-loi-du-mort-kilometre-la-chronique-de-robin-cornet-robin-cornet?id=8950373
107
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Des vidéos diffusées sur les canaux digitaux et
sur les réseaux sociaux ont aussi été créées
dans le cadre de cette campagne. Des plans-séquence de 15 secondes
montrent des zones totalement détruites ou précaires avec
l'accroche : « Ça ne vous donne pas envie d'y aller ? Nous si.
» Le message est clair, souligner l'engagement des équipes de SI et
leur détermination à oeuvrer pour apporter de l'aide dans ces
milieux complexes.
Pour contrer l'indifférence du public pour les causes
lointaines, les ONG doivent créer du lien avec les habitants
menacés et rendre ces zones plus proches. De nombreux subterfuges
fonctionnent pour permettre l'identification aux victimes. Il est possible
d'évoquer les liens historiques qui unissent les pays ou encore la
ressemblance des cultures ou des modes de vie. Lors des attentats de Paris, les
Américains se sont sentis proches des Français car ils partagent
la même culture occidentale que nous. De même pour les
Européens qui ont été beaucoup plus concernés par
les guerres dans les Balkans, que pour d'autres conflits équidistants,
en Libye par exemple.
4.10 L'apparition du matching fund public-privé
Même s'il ne s'agit pas d'un levier de fundraising
directement lié au digital, nous nous devions d'évoquer le tout
dernier né des innovations liées aux collectes de fonds : le
matching fund public-privé, utilisé pour la
première fois en France par l'UNICEF en juillet 2019. Ce partenariat,
qui ressemble au matching gift outre-Atlantique, permet à
l'État, et plus précisément au ministère de
l'Europe et des Affaires étrangères français (MEAE), de
doubler chaque don versé à l'association. Ce « mode de
financement d'un genre nouveau » fait figure d'expérimentation en
France jusqu'à la fin de l'année et a pour objectif de financer
un programme d'autonomisation et de scolarisation des filles en Mauritanie. Le
Président de la République, Emmanuel Macron, a soutenu
personnellement cette initiative et l'a annoncé lors d'une
conférence à l`UNESCO : « Pour un euro collecté par
UNICEF auprès des citoyens, des fondations et des entreprises
françaises pour la scolarisation des filles au Sahel entre juillet et
décembre 2019, le gouvernement versera un euro supplémentaire.
»248
Ce partenariat tripartite qui associe un acteur
institutionnel, une organisation humanitaire et des partenaires privés
est quintuplement positif pour l'UNICEF qui met en avant le cumul des
avantages fiscaux et du coup de pouce de l'État pour inciter les
entreprises et les fondations à faire un geste : « un don de 100
000 € revient à 40 000 € [après réduction
d'impôt de 60%]. Lorsqu'une entreprise contribue à hauteur de 40
000 €, c'est au final 200 000 € qui iront sur le terrain pour les
filles. Ainsi, chaque euro investi aura un impact réel multiplié
par cinq249. »
De son côté, l'État se montre volontaire
pour financer un projet de développement dans une zone
particulièrement pauvre de la planète, le Sahel. Il le fait
savoir publiquement mais en dehors de l'originalité de
l'opération, nous pourrions nous demander pourquoi il ne le finance pas
seul et qu'il appelle à la générosité des acteurs
privés et des donateurs individuels pour compléter l'enveloppe.
C'est finalement un dispositif qui se rapproche de l'appel lancé par le
Président de la République lui-même pour mobiliser les
acteurs privés après l'incendie de la cathédrale
Notre-Dame de Paris.
248 « Entreprises et fondations : l'État double
votre don pour les filles », UNICEF France, 18 juillet 2019,
(consulté le 2 août 2019),
https://www.unicef.fr/entreprises-matching-fund
249 « Le gouvernement et UNICEF lancent un «
Matching Fund» », UNICEF France, 23 juillet 2019, (consulté le
2 août 2019),
https://www.unicef.fr/article/le-gouvernement-et-unicef-lancent-un-matching-fund
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Pour Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour
les réfugiés, les partenaires nationaux jouent un rôle
essentiel dans la mobilisation du public : « Ils contribuent de
manière décisive à la mobilisation du grand public et
à la mise en oeuvre d'une approche qui fait appel à l'engagement
de l'ensemble de la société, en sensibilisant l'opinion, en
défendant la cause des réfugiés, en stimulant
l'innovation, en diversifiant les soutiens [...]250 ».
Au moment de l'écriture de ce mémoire, aucun
article n'est disponible sur le sujet mise à part les communiqués
de l'UNICEF. Nous n'avons donc pas de recul ni de retour sur cette levée
de fonds mais il est probable qu'elle bénéficiera d'une bonne
image auprès des partenaires privés et d'un bon écho
médiatique, étant donné que l'État se porte garant
du projet, qu'il le fait connaître et qu'il s'engage lui-même
à abonder toutes sommes versées.
Pour susciter la générosité des
partenaires privés, le gouvernement et l'UNICEF lancent un
matching fund, où l'État s'engage à doubler chaque don
effectué pour soutenir un programme d'autonomisation et de
scolarisation des filles en Mauritanie.
108
250 « Financement des programmes du HCR » (UNHCR,
2017), p.43, (consulté le 2 août 2019),
https://www.unhcr.org/fr-fr/5b4c8f5f7.pdf
109
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
5. Les pratiques publicitaires innovantes adaptables
à l'univers caritatif
Pour introduire cette partie, nous pouvons prendre en compte
une étude de Microsoft Canada qui indique que la capacité de
concentration des humains se réduit : elle était de 8 secondes en
2013 alors
251.
qu'elle était de 12 secondes en 2 000 De plus, d'autres
études nous montrent que chaque individu
serait exposé au nombre de 1 000 à 2 000
publicités quotidiennement. Accentué par les effets
néfastes du snacking content, où « dans un contexte
d'infobésité, les consommateurs ou cibles B2B peuvent avoir
tendance à rechercher des contenus au temps de consultation relativement
court. Ils consomment alors les contenus par petites doses à tous
moments de la journée comme dans le cadre d'un comportement de
snacking alimentaire252 ».
Face à cette intense sollicitation et au peu de temps
que les utilisateurs ont à consacrer, les publicités mutent pour
s'adapter aux nouveaux usages sur les médias numériques. Nous
détaillons ici quelques exemples d'outils innovants.
5.1 Des publicités en temps réel et
contextualisées
Le digital a permis aux organisations humanitaires
d'être beaucoup plus actives face aux urgences qui se déclenchent.
Quelques heures après une catastrophe, elles sont capables de diffuser
des emails, des communiqués de presse, des articles ou des publications
sur les réseaux sociaux pour faire un appel aux dons et collecter de
l'argent sur une plateforme dédiée. Cette notion de temps est
cruciale car les dons se font principalement dans les jours qui suivent une
catastrophe, au moment où cette dernière est sous
l'éclairage des médias.
Dans le milieu publicitaire traditionnel, des innovations
voient le jour sur ce sujet. Les publicitaires se tournent désormais
vers le « moment marketing », qui pousse à son paroxysme cette
notion d'instantanéité. L'idée est de s'emparer d'une
information d'actualité ou sportive, de la météo, de
l'heure de la journée ou de la géolocalisation pour l'inclure en
temps réel dans le message publicitaire et surprendre la personne qui
visionne. En s'adressant à une cible à un instant précis,
les marques utilisent les émotions des internautes pour
pénétrer leur inconscient au moment le plus propice, et stimuler
leur engagement ou du moins leur mémorisation. La technologie
dynamic creative optimization (DCO) permet, grâce au machine
learning, d'optimiser une campagne en temps réel en fonction des
performances : placement des éléments graphiques, choix des
informations à mettre en avant, des tailles de chaque
élément, des couleurs... Au-delà des
éléments créatifs, des segments d'audience pourraient eux
aussi être créés en temps réel.
La publicité digitale continue son évolution
vers toujours plus de personnalisation et d'instantanéité. Le
temps où un annonceur visait une audience là où elle se
trouvait, par un ciblage de contenu, semble révolu. Désormais les
campagnes se font en programmatiques, c'est à dire automatisées
grâce à des algorithmes et des systèmes d'enchères,
et peuvent même générer un contenu dynamiquement en
fonction de données acquises en temps réel. Ainsi des campagnes
sur mobile pour des marques d'électroménager sont placées
automatiquement pendant des émissions culinaires
télévisuelles à forte audience.
251 « Microsoft_Étude déficit de
l'attention.pdf », (consulté le 15 juillet 2019),
https://www.infopresse.com/Uploads/files/Microsoft_Étude
déficit de l'attention.PDF
252 B Bathelot, « Snacking content », in
Définitions marketing, 26 janvier 2018, (consulté le 15
juillet 2019),
https://www.definitions-marketing.com/definition/snacking-content/
110
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
Renault fait des publicités pour ses voitures
électriques lors des pics de pollution : en Roumanie, la marque va
même jusqu'à indexer le prix de vente en fonction du taux de
pollution, plus celui-ci est élevé, plus le prix baisse. Un moyen
de sensibiliser les habitants vivant dans la seconde capitale la plus
polluée d'Europe.
À Bucarest en Roumanie, un panneau géant
ajuste le prix de vente de la Renault ZOE en fonction du taux de pollution
de la ville.
Annonceur : Renault
Diffusion : panneau publicitaire numérique
Date de publication : juin 2019
Les techniques d'optimisation dynamique de contenu (DCO)
pourraient transformer les appels à don liés aux urgences
humanitaires. Des messages générés automatiquement,
suivant l'actualité en temps réel, pourraient permettre aux ONG
de communiquer sur une catastrophe immédiatement après son
déclenchement, apportant simultanément l'information au
destinataire et la possibilité d'agir.
D'autre part, le temps réel permet de diffuser un
message contextualisé. Une campagne pourrait utiliser la
température extérieure, le moment de la journée et la
géolocalisation pour sensibiliser au problème du mal-logement
dans un quartier précis.
Autre exemple, une personne en vacances dans un pays du
tiers-monde pourrait être exposée à une publicité
pour soutenir une action précise à proximité du lieu
où elle se trouve.
Être sensibilisé à une information
d'actualité par l'intermédiaire d'une publicité ou
être géolocalisé précisément pose cependant
des questions car, en dehors des performances marketing que cela pourrait
apporter, il y a des notions d'éthiques et la réglementation RGPD
à respecter pour ne pas paraître trop opportuniste ou trop
intrusif.
111
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
5.2 Des formats courts, enrichis et interactifs
Le succès indiscutable des stories Instagram
et Snapchat inspire les éditeurs. Désormais, la tendance est au
format court pour proposer un contenu qui s'adapte aux usages de navigation des
internautes. Des formats publicitaires calqués sur les stories
sont déjà disponibles en dehors des réseaux sociaux, la
société Quantum en commercialise via ses AdStory. Mais
c'est le format vidéo court qui se développe le plus :
Bumper de Youtube, ou Commercials de Snapchat en sont de bons
exemples, avec leurs vidéos non skippable de 6 secondes qui
s'insèrent avant un contenu.
Le format Bumper de Youtube propose des publicités
vidéos de 6 secondes, non skippable qui s'insèrent avant une
vidéo sélectionnée par l'utilisateur.
L'enrichissement de contenu est un bon moyen de
générer des cliques. Plusieurs sociétés proposent
ce type de fonctionnalité qui s'insère en surimpression des
vidéos.
De nombreux éditeurs sont spécialisés
dans l'enrichissement de vidéos interactives. À gauche, un
exemple de bannière cliquable, réalisée par la
société Adways. À droite, une vidéo enrichie par
Teads pour l'UNHCR, qui comporte un bouton d'appel à l'action (CTA)
cliquable.
L'interactivité génère plus d'engagement
et augmente le temps d'exposition à une publicité. La personne
qui visualise l'annonce n'est plus passive mais doit participer pour que
celle-ci se déroule. Sur mobile, de nombreuses fonctions sont possibles
: secouer, gratter, scroller, taper, incliner, parler... autant d'actions qui
génèrent de l'engouement de la part du mobinaute.
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
5.3 La réalité augmentée
Après la réalité virtuelle dont nous
avons parlé précédemment, place à la
réalité augmentée qui fait son apparition sur des formats
publicitaires. En exemple, la marque Dior qui donne la possibilité
d'essayer des lunettes virtuellement avant l'achat, grâce à un
filtre sur Instagram.
|
Annonceur: Dior
Agence : The Mill
Diffusion : Instagram
Date de publication : mars 2019
|
La marque Dior utilise des fonctionnalités de
réalité augmentée pour donner la possibilité
d'essayer ses accessoires de luxe comme ses lunettes, grâce à
un filtre sur Instagram.
La réalité augmentée peut trouver sa
place dans le domaine caritatif. Là où des marques de
cosmétiques proposent de tester des maquillages virtuellement sur son
visage grâce au selfie, des ONG luttant contre des maladies de
peau comme la lèpre pourraient s'en servir pour sensibiliser tout un
chacun à ce fléau. Là où des marques de chaussures
proposent d'enfiler virtuellement leurs nouveaux modèles, comme l'a fait
Gucci ci-dessous, des associations qui militent en faveur du handicap
pourraient attirer l'attention sur le port d'une prothèse...
|
Annonceur : Gucci
Diffusion : application mobile Gucci Date de
publication : juillet 2019
|
112
La marque Gucci propose une fonction intégrée
à son application mobile qui permet aux utilisateurs de porter des
modèles de chaussures virtuellement.
113
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
5.4 Les chatbots au service de la conversion et de la relation
client
De plus en plus de chatbots apparaissent sur la
toile. Ces robots conversationnels, capables de discuter avec les internautes
en répondant à leurs questions, peuvent avoir différentes
fonctions et remplacer l'humain pour effectuer certaines tâches. De
nombreuses entreprises ont mis en place ce type de programme pour gérer
et améliorer leur relation client tout en faisant des économies.
De leur côté, les clients trouvent un intérêt aux
chatbots grâce à l'obtention instantanée des
réponses et à la disponibilité du service 24 heures sur
24. Dans le même temps, ils expriment des réticences face à
ces algorithmes et attendent pour certaines demandes, notamment les questions
complexes, une relation personnalisée et humaine.
Dans le cas d'un spot publicitaire pour Carte Noire, le
diffuseur 6Play a intégré un chatbot pour ajouter une
dimension à la vidéo en intégrant de
l'interactivité avec le spectateur pour mieux capter son attention.
Un chatbot, robot permettant de répondre
instantanément aux questions, est intégré au spot
vidéo
de Carte Noire.
Annonceur : Carte Noire
Agence : Carat en partenariat avec M6 Publicité
Diffusion : 6Play - https://www.6play.fr/ Date de
publication : décembre 2017
Dans le domaine humanitaire et social, la gestion de la
relation donateur est un point clé pour créer de la confiance et
fidéliser ses sympathisants. En prenant en compte les résultats
d'une étude qui prévoit que « 85% des interactions
client-marque impliqueront l'usage de chatbots en 2022 », nous avons
toutes les raisons de penser que le secteur sera impacté par l'invasion
de « ces agents conversationnels »253. D'autant plus qu'un
certain nombre de demandes pourraient être automatisées
(annulation d'un don, mise à jour des coordonnées personnelles,
envoi de reçus fiscaux...). La mise en place de chatbots
permettrait un traitement plus rapide, un allégement des
tâches récurrentes dans les services de collectes et une
amélioration de la satisfaction client.
De plus, cette solution permettrait peut-être de
réduire le taux d'abandon sur les formulaires de don, grâce
à un accompagnement du début à la fin du parcours.
253 « 19 statistiques sur les chatbots en relation client
», Bob le Bot, 10 juillet 2018, (consulté le 23 juillet 2019),
https://www.bob-le-bot.fr/blog/statistiques-chatbots-relation-client/
114
PARTIE III - Veille à travers les pratiques
émergentes de communication pour un renouveau
de la philanthropie digitale
La société Webotit se lance sur un nouveau canal
: les dons conversationnels, qui s'effectuent intégralement sur des
programmes de messagerie comme WhatsApp, Facebook Messenger ou encore Google
Home. Étant donné la très forte utilisation de ces
messageries instantanées (comme nous le montre l'infographie de
Globalwebindex dans la sous-partie Les pratiques digitales des
Français), et le lancement en 2020 du Libra, la monnaie digitale de
Facebook, nous pouvons imaginer que cette forme de don peut trouver son
marché.
5.5 L'avènement de l'intelligence artificielle
L'IA ou intelligence artificielle n'en est qu'à ses
balbutiements et pourtant nul doute qu'elle s'apprête à
révolutionner notre monde. D'ores et déjà utilisée
dans une majorité de domaines, elle est capable d'analyser des
données, des textes, des vidéos ou des images et d'afficher des
publicités contextuelles. En septembre 2018, Decathlon, en partenariat
avec l'agence Havas Media, a bénéficié de cette innovation
proposée par M6 publicité, pour sa campagne Rentrée
des sportifs. Des spots faisant la promotion de produits en
adéquation avec les contenus étaient suggérés juste
après certaines scènes identifiées dans le programme.
Différentes catégories de moments sont analysées par des
algorithmes : scène de sport ou de loisir, moment ensoleillé ou
pluvieux, scène de convivialité,
soins-hygiène-beauté. Après le ciblage émotionnel
qui détectait les moments positifs ou négatifs, le ciblage visuel
amène à toujours plus de mémorisation de la part du
spectateur.
L'intelligence artificielle analyse le contenu des
vidéos et détermine des catégories pour afficher,
de manière autonome, des publicités en lien avec les
séquences.
Annonceur : Decathlon
Agence : Havas Média avec M6 Publicité
Diffusion : 6Play - https://www.6play.fr/ Date de
publication : septembre 2018
Vers une recherche d'une expérience utilisateur
toujours plus séduisante et engageante, la publicité en ligne qui
mêle intelligence artificielle, interactivité, ou
génération de contenus dynamiques en temps réel, offre de
nouvelles perspectives. Les contenus deviennent de plus en plus divertissants,
captivants et informatifs. Mais dans cette quête de personnalisation et
de ciblage à l'extrême, se posent toujours les questions
liées aux libertés et à la collecte des données
personnelles.
115
CONCLUSION - Préconisations : la recette d'une
communication digitale engageante
CONCLUSION - Préconisations : la recette d'une
communication digitale engageante
Dans cette partie, nous nous proposons de faire une
synthèse des pratiques fondamentales à considérer pour
créer une stratégie de collecte digitale engageante et
prospère. Cette liste non exhaustive permet d'avoir à disposition
des éléments clés à mettre en oeuvre lors de la
conception d'une campagne digitale de collecte.
Générer du trafic
La communication peut viser différents objectifs mais une
des premières choses souhaitées lorsqu'on
lance une campagne est d'être vu. En digital, il s'agit
de générer du trafic sur les différentes plateformes
possédées : sites Internet, landing-pages dédiées,
réseaux sociaux, emails... Un client qui se rend dans une boutique a de
grandes chances d'acheter, c'est la même chose sur la toile. Si un
internaute visite un site et que celui-ci lui plait, il se peut qu'il devienne
donateur. A minima, il est sensibilisé et s'il laisse ses
coordonnées, il est considéré comme prospect et pourra
être sollicité plus tard, par d'autres leviers.
Penser référencement
Pour qu'un site soit visité, il faut qu'il soit bien
référencé sur les moteurs de recherche. Être bien
référencé signifie apparaître dans
les premiers choix proposés, suite à la requête d'un
internaute. Le référencement naturel (SEO) joue un rôle
prépondérant dans le classement, c'est une discipline accessible
par tous et gratuite. Le positionnement est déterminé par des
algorithmes, appelés robots, qui vont scanner chaque page du site. Il
s'agit de respecter un certain nombre de critères comme l'utilisation de
mots clés pertinents dans les textes et dans les titres, la
structuration du contenu (paragraphe, titres, sous-titres, chapôs...),
l'emploi de liens hypertextes renvoyant à la fois vers d'autres pages du
site ainsi que vers des sources externes référentes, l'ajout de
contenus multimédias avec légende et d'images proprement
nommées. D'autres spécificités plus techniques favorisent
aussi le référencement : site responsive, nom de domaine
sécurisé, temps de chargement des pages court, fréquence
de mise à jour... La liste est longue et il n'est pas utile ici d'en
faire le détail.
Faire la promotion du site
Pour créer du trafic sur un site Internet, il faut
envisager d'en faire la promotion. Prévoir un plan média
contenant des relais presse on et off line,
des bannières publicitaires, des social Ads sur les
réseaux sociaux, des relais auprès d'influenceurs ou de
personnalités médiatiques (...), figurent parmi les
incontournables.
Le référencement payant SEA revient à
faire de la publicité sur les moteurs de recherche. Une technique
coûteuse mais efficace pour apparaître en premier sur les moteurs
de recherche sur une thématique donnée. Il s'agit de créer
des annonces qui sont affichées selon un système d'enchère
et facturées chaque fois que la publicité est cliquée.
116
CONCLUSION - Préconisations : la recette d'une
communication digitale engageante
Sur la requête «don réfugiés»,
les 3 premiers choix proposés par Google sont des publicités SEA
payantes. Ils portent la mention «Annonce», c'est-à-dire que
les annonceurs ont acheté ces mots clés pour avoir plus de chance
d'apparaître en tête de liste sur cette thématique.
Il est d'usage de demander des rabais sur les espaces
publicitaires achetés par les organisations altruistes. Le pro bono
a toujours fait partie des pratiques et reste très fréquent
dans le milieu, encore faut-il le négocier. Aussi, Google met à
disposition des associations éligibles, une enveloppe mensuelle de 10
000 US$ à utiliser pour des annonces SEA, dans le cadre de son programme
Google Ad Grants.
Créer des landing-pages
Créer des landing-pages dédiées pour mettre
en valeur une campagne particulière est un excellent
moyen d'accroitre la visibilité. Il est plus facile de
communiquer sur un contenu spécifique par l'intermédiaire d'un
site satellite spécialement conçu pour. Le visiteur trouvera plus
aisément ce qu'il est venu chercher, plutôt que de se noyer dans
un site fourre-tout, contenant tellement d'informations qu'il devient
difficile de s'y retrouver. Ces mini-sites sont résolument pensés
pour la conversion, ils sont conçus autour d'une idée simple,
compréhensible et facile à communiquer. Ils permettent d'utiliser
les dernières technologies numériques pour une expérience
utilisateur plus immersive. Ils peuvent réserver des espaces pour mettre
en avant les partenaires et multiplier les appels à l'action (CTA),
comme les boutons permettant de faire un don ou de signer une
pétition.
Soigner le contenu
Tout site, aussi performant soit-il en termes de SEO,
d'expérience utilisateur ou de graphisme, n'est
rien sans un contenu de qualité. La rédaction,
le ton utilisé, la taille des textes, la pertinence des informations
sont autant d'éléments permettant de générer du
trafic et de se démarquer sur un sujet donné.
CONCLUSION - Préconisations : la recette d'une
communication digitale engageante
D'un point de vue du message, la rédaction se
construit, selon Antoine Vaccaro, président du Centre d'étude et
de recherche sur la philanthropie (CerPhi), autour d'une trame incluant: le
mal, la victime, le héros, le bien. Le choix des mots compte pour
motiver le don. Il s'agit d'amener le donateur à être convaincu
que la cause le concerne personnellement. Pour cela, il faut rapprocher la
cause au plus près du donateur et ajouter une dimension d'urgence, voire
donner l'impression que c'est une
question de vie ou de mort. Enfin, il faut réussir
à convaincre le donateur que par son geste, il permet un
changement254.
Envoyer des emails
Les emails restent un excellent moyen de délivrer une
information résumée et d'encourager les
lecteurs à se rendre sur le site Internet pour en
savoir plus. Le faible coût d'un envoi d'emails et les bons taux
d'ouverture généralement constatés, font de ce levier un
incontournable pour la promotion d'une cause, d'une campagne ou d'un appel
à don. Grâce à la personnalisation et à la
segmentation des bases de données et à d'autres astuces
marketing, il est possible d'améliorer les performances d'un email.
Cependant, pour que les résultats demeurent, les
organisations doivent être vigilantes sur le nombre d'envois mensuels,
car si elles dépassent les limites de l'acceptable pour le receveur,
celui-ci a de forte chance de se désabonner. La transparence sur
l'utilisation des données personnelles et la mise aux normes de la
réglementation RGPD sont plus qu'un gage de qualité, une
obligation que les organisations se doivent de respecter.
Inspirer confiance
Après être parvenu à attirer des internautes
sur ses plateformes et avoir réussi à les informer et à
les
sensibiliser, il s'agit de passer à la seconde
étape qui consiste à convertir un visiteur en donateur. Un
certain nombre de freins, liés à l'ergonomie ou au manque de
confiance des visiteurs, empêchent les dons en ligne de s'imposer comme
le canal de collecte dominant.
La confiance, nous l'avons évoquée, est une des
premières conditions du don. Pour cela, les organisations doivent
modeler leur discours et travailler leur notoriété. L'utilisation
de dispositifs crédogènes comme le label don en
confiance, l'affichage des comptes financiers en toute transparence sur le
site, l'illustration des résultats chiffrés et des retours du
terrain ou encore la publication d'articles informatifs sont autant de moyens
qui permettent d'inspirer confiance.
La difficulté pour un organisme qui collecte de
l'argent sur Internet est de sortir du virtuel pour exister dans le monde
réel. L'inscription visible des coordonnées de contact et de
l'adresse physique des bureaux contribuent à prouver la transparence de
la structure.
De plus, il est requis d'organiser des
évènements publics pour faire connaître la marque en dehors
de la sphère digitale.
Donner du concret
Pour motiver une personne à donner, les fundraisers
doivent s'efforcer de rendre tangible l'impact du
don. En donnant des micros objectifs et des exemples concrets
de l'utilisation de l'argent, le donateur fera un lien direct entre son
engagement et l'action sur le terrain.
Livrer une information en utilisant les codes des
journalistes, à savoir des faits irréfutables et des chiffres
concrets, permet de gagner en crédibilité.
117
254 Vaccaro, La communication des ONG humanitaires,
2010, p.91
118
CONCLUSION - Préconisations : la recette d'une
communication digitale engageante
Faire participer
Nous l'avons vu, les nouvelles générations de
donateurs souhaitent s'impliquer en personne. Grâce au
digital et aux possibilités offertes par le
crowdfunding, il est facile de proposer des outils qui donnent les
moyens d'agir au quotidien.
Créer des temps forts
Créer des occasions de donner toute l'année pour
sortir de la périodicité habituelle du don qui se
concentre en fin d'année et trouver des
prétextes pour solliciter les donateurs, comme l'événement
Giving Tuesday ou la célébration de Journées mondiales,
participent à augmenter les dons reçus.
Solliciter les donateurs sur leurs canaux de
prédilection
Pour contrer la baisse globale des dons, il faut aller chercher
le donateur là où il se trouve et s'adapter
à ses besoins. La diversité des profils impose
aux organisations de multiplier les canaux de collecte afin de
révéler l'engagement de toutes les générations de
donateurs, même les plus petites niches.
Mettre le digital au coeur d'un
écosystème
Les canaux digitaux ne sont pas encore assez mûrs pour
fonctionner en autarcie. Au contraire,
envisager le digital comme un écosystème et non
comme un canal distinct s'avère être une stratégie
payante.
L'idée dans cette conclusion n'est pas de dresser une
liste exhaustive de toutes les actions de marketing et de communication
possibles pour faire du fundraising mais simplement de créer un
pense-bête en citant les fondamentaux à envisager pour
créer des campagnes de collecte engageantes.
119
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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