III. APPORTS POUR LA CONCEPTION DU SENTIER
D'INTERPRETATION
A. LA NOTION D'INTERPRETATION
La modalité d'appropriation de ce patrimoine par le
public (local ou de passage) et de restitution au public qui a
été choisie est un sentier d'interprétation.
C'est-à-dire, pour ce site patrimonial, un parcours in situ
jalonné de dispositifs faisant appel aux principes de
l'interprétation. Il s'agit au départ d'une technique de
médiation dont l'invention est attribuée à Freeman Tilden,
journaliste qui, dans les années cinquante, réalisa une expertise
pour Parcs Canada. Il en tirera un ouvrage « Interpreting our heritage
» publié en 1957 dans lequel il fait des préconisations
de médiations à destination des animateurs et
conférenciers des Parcs Naturels. Selon les principes qu'il a
énoncés, repris par Serge Chaumier dans un ouvrage
collectif,37 « il rappelle que l'interprétation doit
investir la subjectivité du visiteur, s'appuyer sur son
expérience, sans quoi elle est stérile. Que
l'interprétation ne se résume pas à une compilation
d'informations, mais qu'elle les révèle, s'appuie sur elles pour
les faire vivre. Qu'elle s'ancre dans une nécessaire
interdisciplinarité, notamment en faisant dialoguer les apports des
sciences. Que l'interprétation est en quelque sorte une provocation qui
vise à attirer les curiosités, à les faire naître.
Qu'elle s'adresse à l'homme tout entier, dans sa globalité, et
qu'une approche trop partielle est source d'appauvrissement. Enfin, qu'elle
doit s'adapter à ses publics, et notamment que l'interprétation
à destination des enfants ne consiste pas en une technique au rabais des
médiations pour adultes ».
Son ouvrage s'applique au patrimoine naturel,
s'intéresse surtout à la réception de l'information et
assez peu à la conception de l'offre. Mais ces principes, alliés
aux influences des courants de l'écomuséologie et de la nouvelle
muséologie, seront repris jusqu'à nos jours pour la conception de
ce que l'on appelle communément des supports d'interprétation qui
peuvent être implantés en milieu naturel ou dans des espaces comme
les centres d'interprétation. Il s'agit sous diverses formes et de
diverses façons de donner des clés au visiteur pour comprendre et
non pas seulement pour montrer. Le discours ne doit pas simplement être
didactique, il doit privilégier une approche sensible faisant appel aux
émotions, aux sensations, aux expérimentations et à
l'interactivité. On crée ainsi « des lieux de
compréhension, et donc de sensibilisation du public à une
donnée patrimoniale à découvrir
37 « Politiques et pratiques de la culture » sous la
direction de Philippe Poirrier, 2010, la documentation française
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et à respecter. Car telle est bien la fonction
première [...] : interpeller le public pour lui donner à voir un
espace dans ses multiples dimensions. Pour cela, toutes les disciplines,
scientifiques, mais aussi artistiques sont mobilisées ». (CHAUMIER,
2010) Bien que la création de ce type de dispositifs soit le plus
souvent portée par des acteurs du tourisme, ils s'adressent aussi bien
à la population locale.
La mise en oeuvre de ces principes visant à montrer un
espace dans ses multiples dimensions permet de respecter, dans le processus de
valorisation d'un espace patrimonial, ce qu'Annette Viel appelle «
l'esprit des lieux ». Muséologue et consultante internationale
québécoise elle met l'accent, dans son travail, sur l'importance
de « l'esprit des lieux » dont la prise en compte lui apparait comme
essentielle dans toute démarche de valorisation d'un espace auquel
l'épaisseur de l'histoire a donné des sens différents,
selon les époques et les personnes. Pour elle, « le lieu
représentait un objet diversifié, complexe et signifiant qui ne
pouvait être appréhendé qu'en portant attention à
l'ensemble des signes qui le constituaient. » Selon elle, «
l'incorporation du respect de l' « esprit des lieux », dès
l'énonciation des orientations conceptuelles des projets, favorise une
synergie pluridisciplinaire orchestrant une vision partagée. Ce principe
fédérateur incite décideurs et spécialistes
à demeurer vigilants afin d'éviter le risque de diluer voire
perdre le sens dont sont dépositaires ces lieux représentatifs
d'une parcelle d'identité singulière ou plurielle. [...] Ces
lieux, trop souvent confrontés à une logique influencée
par l'industrie touristique, sont menacés de perdre une partie de l'
« esprit » qui les caractérise. »
B. UNE PERSPECTIVE
ETHNO-HISTORIQUE
Les résultats de l'enquête concernant
l'activité humaine sur le Pech et l'évolution des rapports
d'usages ont été intégrés par le bureau
d'étude dans la partie diagnostic de l'étude
scénographique en tant que perspective ethno-historique aux
côtés des approches naturaliste, paysagère, et
thématique préalables à l'élaboration du
scénario d'interprétation. La démarche participative mise
en oeuvre à travers l'animation du groupe-projet est également un
élément important notamment dans la définition des
potentiels du site qui précède l'élaboration du
scénario par les consultants du bureau d'étude.
Les résultats de l'enquête constituent
également un apport de données « brutes »pouvant
alimenter les contenus du scénario d'interprétation. Des
données à retravailler qui, une fois adaptées, pourront
éventuellement s'intégrer aux dispositifs
d'interprétation. L'approche ethno-historique est aussi l'une des
approches choisie pour la
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démarche interprétative du scénario
élaboré par l'agence l'Humain volontaire. Les autres approches
sont « les approches ludique, sensorielle, ou encore artistique [qui]
seront utilisées successivement ou simultanément dans la
transcription du message à l'attention d'un public varié »
(extrait du document rédigé par l'Humain volontaire
présentant le scénario d'interprétation).
C. PORTRAITS ET PAROLES
Grâce à la méthode de l'enquête par
entretien, des portraits d'habitants et des extraits de recueil de la parole
pourront être intégrés au sentier. La thématique qui
a été choisie pour le site est « du plus proche au plus
lointain, du plus près au plus ancien » et l'une des « sous
thématiques » concerne « la mémoire de l'usage : des
fragments de vie entre mystère et familiarité, un patrimoine
humain ». En divers points du site, ces portraits et paroles seront autant
de fragments de vie « qui laisseront au visiteur tout le loisir de
s'imprégner des lieux et de s'approprier ces anecdotes » (extraits
du scénario d'interprétation).
Lors d'une réunion du groupe-projet, une lecture de
ces portraits et paroles a été faite afin de recueillir les
impressions du groupe et s'assurer de leur adhérence au concept. Leur
utilisation dans les dispositifs nécessite forcément une
autorisation des personnes concernées et dans un souci éthique
l'accord verbal des personnes avait été recueilli avant la
lecture publique.
D. PARTICIPATION A LA DEMARCHE
PARTAGEE
Tout d'abord, l'enquête par entretien participe à
la mise en oeuvre d'une démarche partagée car il s'agit de
rencontrer des habitants qui ont un lien avec le site. Ils le
fréquentent, le connaissent et même pour certains ils l'ont
habité. Ils sont ainsi conviés à participer à
l'élaboration du projet en apportant leur connaissance et leur
perception du lieu, utiles à la conception du scénario du
sentier. Aussi, l'utilisation du site, passée et actuelle, par la
population locale peut être prise en compte pour la conception du
scénario.
Le bureau d'étude l'humain volontaire est très
attaché à la mise en oeuvre d'une démarche partagée
à travers la recherche d'une vision partagée et l'animation du
groupe-projet. C'est notamment pour cette raison cette agence a
été choisi par le comité de pilotage pour la conception du
scénario d'interprétation. L'enquête de type
ethnohistorique s'est
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fondue dans cette démarche globale qui a permis
d'appréhender les multiples facettes du lieu. La mise en valeur du lieu
se fait alors selon les principes de la démarche interprétative
qui cherche à donner à voir un espace dans ses multiples
dimensions.
L'objectif est aussi de permettre une appropriation du site
par les habitants afin que sa réhabilitation puisse être
créatrice de lien social et favoriser l'émergence de projets
complémentaires initiés localement.
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