LE TRAVAIL AU CINEMA
A
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VECTEUR D'INTEGRATION OU DE DISQUALIFICATION SOCIALE
?
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Par Valérie CARDOT
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LICENCE PROFESSIONNELLE RESSOURCES HUMAINES 2017/2018
IUT CAUCRIAUVILLE
TUTEUR : Mr Thierry SUCHERE
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SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
2
INTRODUCTION
5
I. LE LIEN SOCIAL, DEFINITION ET
ORIGINES
7
A. La Doctrine du solidarisme, naissance du
lien social
7
B. Les fondements du lien social
7
C. Du lien social aux liens sociaux
8
D. La rupture du lien social
9
II. LE CHÔMAGE, SITUATION DE FRAGILITE
ECONOMIQUE ET SOCIALE
9
A. Analyse du thème à travers
le film « Moi, Daniel Blake »
9
1. L'état providence en Grande
Bretagne
10
2. Le chômage : comparaison entre le
système anglais et français
10
3. La pauvreté, la
précarité engendrent t'elles l'exclusion sociale ?
12
a) La situation de Daniel Blake
12
b) La situation de Katie
15
B. Analyse du thème à travers
le film « La Loi du Marché »
17
C. Analyse du thème à travers
le film « Le Couperet »
20
III. LE TRAVAIL EST IL SUFFISANT A
L'INTEGRATION SOCIALE ?
21
A. Analyse du thème à travers
le film « La loi du Marché »
21
B. Analyse du thème à travers
le film « Deux jours, une nuit »
24
1. Point de vue économique
24
2. Point de vue éthique
26
a) Le parcours de Sandra
26
b) Les collègues de Sandra
27
C. Analyse du thème à travers
le film « Moi, Daniel Blake »
28
IV. L'INFLUENCE DE LA LOI DU MARCHE SUR LE
LIEN SOCIAL
29
A. Analyse du thème à travers
le film « La loi du marché »
29
B. Analyse du thème à travers
le film « Deux jours, une nuit »
31
C. Analyse du thème à travers
le film « Le couperet »
33
1. Les actionnaires
33
2. Une mise en accusation du capitalisme
33
3. Le marché du travail
34
V. L'INFLUENCE DE LA SOCIETE DE CONSOMMATION
SUR LE LIEN SOCIAL
35
CONCLUSION
37
BIBLIOGRAPHIE
39
ANNEXE : RESUMES DES FILMS ETUDIES
41
REMERCIEMENTS
J'adresse mes remerciements aux personnes qui m'ont aidé
dans la réalisation de ce mémoire.
En premier lieu, je remercie M. Suchère, professeur
à l'IUT de Caucriauville, et responsable de ma Licence. En tant que
tuteur de mémoire, il m'a guidé dans mon travail et m'a
aidé à trouver des solutions pour avancer.
Je remercie aussi Mr El Hage, professeur de droit à l'IUT,
pour le temps qu'il a consacré à répondre à mes
questions.
Je souhaite particulièrement remercier ma famille et mes
amies pour leur précieuse aide à la relecture et à la
correction de mon mémoire.
INTRODUCTION
Il y a 2 types d'entreprises sur le marché du travail.
Les premières proposent des salaires
élevés et des promotions rapides à la condition de
répondre à ses exigences et d'adhérer totalement à
ses principes.
Les secondes ne proposent que des emplois précaires et
peu qualifiés, sans espoir d'évolution, avec une grande
insécurité. Les secondes sont d'ailleurs souvent des
sous-traitantes des premières.
La réalité du monde du travail tel qu'on le
connait aujourd'hui est que l'on peut travailler et malgré tout vivre en
dessous du seuil de pauvreté.
Pour cette même raison, un grand nombre de demandeurs
d'emploi sont des chômeurs volontaires, ils choisissent de ne pas
travailler, de ne pas accepter un emploi précaire qui finalement serait
plus couteux pour eux, accentuerait leur niveau de pauvreté. En effet,
le revenu gagné en travaillant ne compense pas la perte de revenus qui
est liée aux dépenses supplémentaires engagées
(carburant, frais de garde, diminution des allocations logement...).
Les nouvelles valeurs prônées sur le
marché du travail sont fondées sur la réalisation
personnelle de l'employé, son engagement.
L'individualisation est apparue en mai 1968, période de
grèves générales. Les individus ont décidé
de se rebeller contre les contraintes de travail, l'autoritarisme des
entreprises, l'exploitation.
C'est ce qui a été à l'origine de cette
nouvelles vision du patronat qui a développé l'individualisation
pour deux raisons : la première, pour répondre aux attentes
des salariés qui proclament leur épanouissement personnel au
travail et la deuxième pour justement casser ce collectif à
l'origine des grèves et restaurer leur position de force dans les
entreprises.
Fondamentalement, l'exclusion d'un travailleur se
définit comme son renvoi de son poste de travail pur et simple.
De ce principe découlerait le fait suivant : les
chômeurs sont appelés des exclus, les employés sont des
inclus, leur inclusion dans la vie sociale est permise par leur travail, ils
sont insérés socialement. Le travail serait assimilé en ce
sens à une bouée de sauvetage, sans laquelle la survie est
impossible.
Cependant, il existe un autre phénomène bien
moins définissable dans le monde du travail : l'exclusion
insidieuse du salarié.
Le monde du travail est dominé par la concurrence, la
compétitivité. Les entreprises sont de plus en plus exigeantes
avec leurs employés. Certains se retrouvent fragilisés, en
situation précaire qu'elle soit financière ou morale.
Les entreprises densifient le travail en réduisant les
temps morts, elles demandent toujours plus de flexibilité dans les
horaires pour être le plus productif possible et les employés
n'ont parfois pas d'autre choix de faire ce qui leur est demandé en
faisant fi de leurs souffrances.
Qui plus est, leur résignation s'impose car les moyens
de rébellion et de résistance n'existent plus, il n'y a plus de
collectif de travail qui permettait la solidarité et l'entraide et
chaque individu isolément n'a plus aucune puissance d'action.
Le sujet de mon mémoire sera donc de tenter de
répondre à cette problématique :
Le travail est-il vraiment le vecteur de l'intégration
sociale ou peut-il dans certains cas pousser au contraire vers une
disqualification sociale ?
L'intérêt porté par le Cinéma ne
réside pas seulement dans le visionnage du film. C'est aussi le
prétexte aux premiers échanges quant au choix du film que nous
allons voir, aux discussions qui ont lieu après l'avoir regardé.
Nous échangeons nos avis respectifs, nous argumentons très
souvent...
Le Cinéma donne une image de la société
à travers l'oeil de la caméra, qui est ensuite
répercutée dans les médias, comme un miroir du temps
présent.
C'est pourquoi j'ai choisi de traiter cette
problématique à travers l'analyse cinématographique.Je
commencerai par définir le lien social et ses origines, puis, à
travers l'analyse de plusieurs films, je me pencherai sur les effets du travail
et du chômage pour tenter de déterminer s'ils sont vecteurs
d'intégration ou de disqualification sociale. Ensuite,
j'étudierai l'influence du marché du travail d'une part et de la
société de consommation d'autre part sur le lien social, avant de
conclure.
I. LE LIEN SOCIAL, DEFINITION ET
ORIGINES
A. La Doctrine du solidarisme, naissance du
lien social
Le solidarisme, dont les prémices sont apparues
début XXème siècle, a réellement vu le jour en 1946
avec la naissance de la sécurité sociale.
La sécurité sociale a créé la
solidarité nationale pour assurer la sécurité de tous et
en particulier des plus pauvres. Elle est née dans un contexte
d'après-guerre, dans lequel le parti communiste est le plus fort. Il
faut rassembler les français pour panser les plaies de la guerre.
Cette protection sociale change le tissu social qui lie
l'individu à la société, il ne dépend plus des
contraintes familiales, il est plus libre de ses choix.
Le solidarisme a fondé le lien social, il est
basé sur un principe de dette sociale mutualisée entre toutes les
générations. Chaque individu est redevable envers tous les
autres, comme une sorte de contrat national qui unit tous les
français.
B. Les fondements du lien social
La division du travail a pour effet de rendre les individus
solidaires entre eux. Malgré son nom, elle n'a pas pour but de les
diviser mais au contraire de les obliger à coopérer, à
être complémentaires les uns des autres. Chacun dépend de
l'autre pour pouvoir avancer.
De ce fait, ils ont tous le sentiment d'être utiles
à la réussite du groupe. Le salarié retire sa satisfaction
dans sa relation de travail. Cette satisfaction est conditionnée
à la reconnaissance des autres salariés de sa contribution au but
commun.
Dans le travail, toutes les fonctions s'imbriquent de
façon complémentaire, si bien que chacun a son propre rôle
Cependant, penser que la division du travail définit le
lien social implique une problématique lorsqu'on veut modifier
l'organisation et inclure de nouveaux éléments. Les rapports des
uns et des autres s'en trouvent perturbés et peuvent avoir pour
conséquence le rejet social du nouvel élément.
De plus, cette la perte de cette interdépendance entre
individus dans le travail peut devenir rapidement très douloureuse si
elle signifie en même temps la perte du sentiment d'utilité
sociale.
Dans certains cas, la division du travail peut conduire
à la rupture de cette solidarité organique, cas ou l'entreprise
fait faillite. La division du travail est poussée à
l'extrême, les fonctions ne sont plus complémentaires, les liens
sociaux se désintègrent.
Les individus peuvent aussi se retrouver à occuper des
fonctions qui ne sont pas en rapport avec leurs connaissances, et en ressentir
du désappointement, du découragement, de la souffrance, pour
aboutir à l'exclusion sociale.
C. Du lien social aux liens sociaux
Le premier lien social de l'individu est celui de la famille,
ses parents, puis viennent les liens qu'il crée en fondant sa propre
famille, en intégrant son activité professionnelle, en se
créant ses centres d'intérêts...
Il se caractérise en fait par une pluralité de
liens sociaux différents qui relient les hommes entre eux par une
interdépendance.
L'homme est influencé par le regard des autres qui le
contraint à suivre les règles de la société. En
fait il assouvit son besoin de reconnaissance. A travers les liens sociaux
qu'il crée il recherche l'approbation, pour justifier son existence.
C'est cette reconnaissance qui régit les interactions
des individus.
On distingue 4 types de lien :
- Le lien de filiation entre parents et enfants
- Le lien de participation élective entre conjoints,
amis, voisins... C'est le seul lien que l'homme crée selon ses
désirs, ses affinités
- Le lien de citoyenneté, entre les membres d'une
communauté, d'une nation, qui définit les droits et les devoirs
du citoyen
- Le lien de participation organique, entre acteurs
professionnels
Le lien de participation organique peut être synonyme de
réalisation, d'épanouissement, mais aussi d'amertume, de
frustration.
En effet, l'emploi occupé peut être stable et
valorisant ou instable, avec un risque d'être exposé à
l'insécurité sociale.
La technologie et la gestion économique ont
modifié le rapport des individus au travail. Auparavant le travail
était plus souvent symbole de réussite, de satisfaction et de
garantie pour le futur.
L'intégration professionnelle idéale combine la
reconnaissance du travail et la protection sociale qu'il implique si c'est un
emploi durable. Le salarié peut alors se projeter dans l'avenir, avoir
des projets personnels ou professionnels et s'investit encore plus dans son
travail.
C'est l'enchevêtrement et la
complémentarité de ces 4 liens sociaux qui définissent
l'intégration sociale de l'individu.
D. La rupture du lien social
Fondamentalement, la dégradation du lien social va de
pair avec la dégradation du marché du travail.
Le taux de chômage, qui était de 4% en 1975, est
de 10% en 2007. Aujourd'hui on assiste à un chômage de masse, a
une exclusion sociale des chômeurs.
Mais, le chômage n'est pas la seule cause de rupture
sociale. Les emplois précaires, les emplois à temps partiels
forcés se multiplient de plus en plus, le risque de perdre son travail
est grand.
Les entreprises sont de plus en plus exigeantes envers les
salariés (flexibilité, production à flux tendu), les
conditions de travails provoquent de l'insatisfaction.
On trouve aussi bien dans le travail que le chômage des
situations de précarité qui fragilisent le lien social.
Les salariés ne se reconnaissent plus dans leur
travail, ils ne sont plus en accord avec eux même.
On parle d'intégration incertaine quand l'individu est
satisfait dans son travail mais avec l'instabilité de l'emploi, ce qui
le prive d'un avenir sûr.
Au contraire, l'intégration laborieuse implique une
insatisfaction au travail avec la stabilité de l'emploi, l'individu est
en souffrance dans son travail.
Enfin, l'intégration disqualifiante (insatisfaction et
instabilité) plonge le salarié dans la honte et l'humiliation.
C'est le début de la disqualification sociale,
l'individu n'a plus la fierté de contribuer à la production
globale.
La rupture du lien social organique peut concerner l'ensemble
des individus qu'ils soient en activité salariée ou
rejetés hors du marché du travail.
II. LE CHÔMAGE,
SITUATION DE FRAGILITE ECONOMIQUE ET SOCIALE
A. Analyse du thème à
travers le film « Moi, Daniel Blake »
1. L'état providence en Grande
Bretagne
C'est suite au rapport Beveridge que l'Angleterre instaure le
Welfare State an 1945, afin d'assurer le bien-être des citoyens. Sont
alors créés l'assurance chômage, les allocations
familiales, l'assurance retraite, les congés maladies et le National
Health Service.
A partir de 1960, l'état providence commence à
être vivement critiqué.
Il est inefficace trop coûteux pour l'état au vu
des résultats et de l'indigence grandissante de la population. Le taux
de chômage explose, l'inflation galope et les grèves se
multiplient.
Ce système de redistributions est destiné aux
personnes « méritantes » selon les critères
des politiciens, il prive la population de son libre arbitre et crée une
classe dépendante de l'état, encourageant
l'irresponsabilité.
L'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979
modifie le système vers une responsabilisation de l'individu. Elle
décide le retrait de l'état et fait campagne contre l'assistanat
du système d'allocations. Elle entreprend une grande vague de
privatisations, baisse les impôts. La Grande Bretagne connait alors la
plus grande période de prospérité de son histoire.
L'inflation passe de 16.3%en 1980 à 5.3% en 1990. Le chômage passe
de 11.6% en 1986 à 6.9% en 1990.
2. Le chômage : comparaison entre le
système anglais et français
En novembre 2015, le taux de chômage en Angleterre est
de 5.1%
(source:https://www.lesechos.fr/20/01/2016/lesechos.fr/021635662769_royaume-uni---le-taux-de-chomage-est-retombé-a-son-plus-bas-niveau-depuis-dix-ans.htm).
En comparaison avec le taux de chômage en France, 2 fois plus
élevé. Il oscille autour 10,2%. (Source: statistiques INSEE du
3eme trimestre 2015).
En Grande Bretagne les allocations de chômage sont
calculées en fonction des revenus du foyer. Une personne en couple
touchera moins d'allocations que si elle est célibataire. En France, les
indemnités de chômage ne sont attachées qu'aux cotisations
de la personne sans tenir compte de sa situation familiale.
Le système de contrôle des demandeurs d'emploi
est géré par les job-centers en Grande Bretagne, et la
caractéristique la plus marquante à travers le film est le
contrôle social drastique voire même ubuesque des chômeurs et
de l'administration anglaise en général.
42:13
La conseillère du job-center à Daniel lors de
son inscription : "On vous demande de vous engager à passer 35h par
semaine à chercher du travail, cela peut être par les petites
annonces, les agences et aussi en ligne...vous devez prouver que vous cherchez
du travail."
1:06
La conseillère lors du pointage de Daniel : "Mais
c'est loin d'être suffisant Mr Blake, et je sais comment que vous avez
vraiment été en contact avec tous ces employeurs?"
Daniel :"J'ai donné mes CV en mains
propres."
La conseillère : "Bien, prouvez-le !"
Daniel :"Comment?"
La conseillère : " Avec un reçu ou une photo
prise avec votre mobile....ça ne suffit pas Mr Blake, j'ai peur de
devoir vous signaler à la personne décisionnaire pour
décider de l'opportunité d'une sanction à votre sujet.
Durant 4 semaines, vos versements seront gelés, vous pourrez demander
une allocation compensatrice...Si vous êtes sanctionné, vous devez
continuer à venir pour le pointage. Si vous y renoncez, vous pouvez
à nouveau être sanctionné et cette fois vous prendrez 13
semaines sans toucher d'allocations...En réalité, vous pouvez
être privé de tout versement pendant 3 années."
Ce système, qui parait inextricable, fonctionne
à coup de sanctions infligées par une hiérarchie
incompréhensible. C'est aussi le fonctionnement des pensions
d'invalidité : Daniel est notifié par écrit qu'il ne peut
prétendre à cette pension et lorsqu'il réussit à
joindre miraculeusement quelqu'un au téléphone après 1h48
d'attente, il apprend qu'il ne peut faire appel de cette décision que
lorsqu'il aura été informé par téléphone du
rejet de sa pension par le décisionnaire. (07:30)
Une autre différence apparait entre les
systèmes anglais et français. Dans les deux pays, l'inscription
se fait via internet. Cependant, en France, les demandeurs d'emploi sont
assistés dans cette démarche. En Angleterre, force est de
constater que les personnes doivent être autonomes immédiatement.
Ellessont livrées à eux même pour faire preuve de leur
motivation. Lorsque Daniel demande de l'aide à une conseillère du
Job center, celle-ci se fait immédiatement rappelée à
l'ordre par sa supérieure. (30:00)
Alors que nous pouvons être marqués par
l'absurdité de ce système, les conseillers du Job center ont
l'air d'assumer leur rôle comme s'il était naturel.
09:00
Un responsable du job-center à Daniel : "Vous avez
l'allocation demandeur d'emploi réservée à ceux qui
peuvent et veulent travailler...vous devez postuler en ligne monsieur, il n'y a
pas d'autre moyen tout est dématérialisé par
défaut...il y a un numéro spécial si vous êtes
diagnostiqué dyslexique, vous trouverez le numéro sur internet,
maintenant je vais vous demander de vous en aller."
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il faut faire preuve
d'une forte de dose de motivation pour ne serait-ce qu'effectuer son
inscription et que rien n'est prévu pour faciliter la tâche des
demandeurs d'emploi.
Ce système qui devrait aider et guider les demandeurs
d'emploi ne fait que punir, sanctionner et culpabiliser les gens en induisant
le fait qu'ils sont seuls responsables de leur précarité voire de
leur misère.
Pour comprendre à quel point le contrôle
drastique des chômeurs estancré dans la culture anglaise, il est
nécessaire de remonter au 19eme siècle.
C'est dans les années 1820 que la pauvreté
explose, sans doute dû au ralentissement de l'économie et aux
mauvaises récoltes qui ont ruiné les paysans. En 1834, la loi sur
les pauvres est amendée car la bourgeoisie ne veut plus payer pour eux.
L'état décide de créer des workhouses car l'assistanat
à domicile est jugé trop coûteux. Il décide d'y
enfermer tous les pauvres.
Les familles sont séparées, les personnes sont
obligées de travailler 18h par jour dans ces workhouses dans des
conditions très difficiles. En effet, ces conditions de travail doivent
être bien plus mauvaises que les conditions d'un emploi salarié.
La discipline y est très dure (châtiments corporels, cachot...)
Aujourd'hui le chômage important dans les pays
européens représente la première cause de pauvreté,
il est sans doute plus facile d'imputer le chômage à la seule
responsabilité des individus mais la réalité est qu'il y a
beaucoup plus de demandeurs d'emplois que d'offres de travail. C'est ce qui
engage la responsabilité collective, qu'elle soit politique ou
économique.
3. La pauvreté, la
précarité engendrent t'elles l'exclusion sociale ?
Ilfaut faire la distinction entre pauvreté et
précarité.
Une personne qui se trouve dans une situation précaire
n'est pas forcement en situation de pauvreté et inversement.
La précarité se définit comme un
état qui n'offre aucune garantie de durée, incertain. La
pauvreté est définie quand on ne dispose pas des ressources
matérielles suffisantes pour satisfaire ses besoins fondamentaux.
Dans le film, Katie est pauvre, Daniel a droit aux allocations
mais peut du jour au lendemain se retrouver sans ressources, il n'est pas
pauvre mais sa situation est précaire.
a) La situation de Daniel Blake
Le film démontre la dégradation de la situation
sociale de Daniel Blake, un véritable parcours du combattant qui
l'amène finalement à la plus grande précarité.
Avant d'être atteint par la maladie, il était
menuisier. Il avait un emploi stable et ne se trouvait pas du tout dans une
situation précaire.
Il est veuf et n'a pas de liens familiaux. Il entretenait des
liens sociaux, on le voit entre autres avec ses anciens collègues de
travail. On voit dans le film que la solidarité existe cependant elle se
limite au cadre privé. Aucun soutien n'existe dans le service public.
06:30
Un collègue à Daniel : "Je peux t'aider. Si
tu veux que je fasse des courses pour toi...ça me fait plaisir."
Daniel :"Merci Joe mais j'aime bien sortir de chez moi,
ça m'occupe."
54:50
Il rencontre un ex-collègue qui l'invite "à
boire un pot avec les collègues au pub".
Il est aussi soutenu pas ses deux jeunes voisins.
31:50
Il remplit sa demande d'allocation chômage sur internet
avec l'aide de China, son voisin.
Puis sa situation se dégrade, il ne peut pas
espérer trouver un emploi à court terme puisque son
médecin lui interdit le travail et cependant il est contraint de courir
les entreprises ou d'assister à un atelier de rédaction de cv.
44:29
L'animateur de l'atelier : "60 personnes candidates pour
un poste sans qualification c'est un fait et avec qualifications on reste
à 20, c'est un fait....Costa coffee a lancé 8 offres d'emploi,
à votre avis combien de CV ont-ils reçus, 1300 cv, c'est un
fait."
Dan :"Il n'y a pas assez de travail, c'est un
fait."
Daniel Blake fait partie des personnes qui sur le
marché du travail, ne peuvent pas prétendre à un emploi
stable, du fait de leur état de santé, de leur manque de
formation ou de leur âge.
Il rencontre Katie, mère de famille, dans un
job-center.
A partir de ce moment il va prendre cette petite famille sous
son aile. Lui qui demandait de l'aide aux autres va aider à son tour,
retrouvant ainsi une fonction dans la société. Il continue de
tisser des liens sociaux, il entretient sa passion qui est de sculpter le bois
et construire des meubles, jusqu'à ce que sa situation se
détériore.
56:00
Dan reçoit le dernier rappel de sa facture
d'électricité.
01:07:50
Dan vend ses meubles pour subvenir à ses besoins.
Il est illogiquement obligé de chercher un emploi
qu'il n'a pas le droit d'exercer étant malade. Son manque de
maîtrise des nouvelles technologies constituent un réel handicap
dans son parcours de demandeur d'emploi.
56:06
Dan reçoit l'appel d'un employeur auquel il avait
donné un CV.
L'employeur : "Vous avez l'expérience que je
recherche, je me demandais si vous pouviez passez demain pour un
entretien?"
Dan :"Je suis désolé mais le médecin
m'a dit qu'il est encore trop tôt pour reprendre."
Employeur :"En fait vous ne cherchez pas vraiment du
boulot...ça sert à quoi de déposer votre Cv si vous ne
cherchez pas de boulot?"
Dan :"C'est le seul moyen si je veux toucher mes
allocations."
Employeur :"Alors vous préférez toucher les
allocations plutôt que de bosser ! Je vous prenais pour quelqu'un
d'honnête, j'ai franchement perdu mon temps, allez-vous faire
foutre!"
Daniel perd l'estime de lui, il se sent inutile et sa vie n'a
aucun sens.
01:18:10
Daniel à la conseillère du Job-center :
"Tout ça c'est une vaste blague, vous êtes
assise là avec votre gentil badge en face d'un homme qui est malade, qui
cherche un travail qui n'existe pas et que de toutes façons il ne fera
pas. Je perds mon temps...tout ça est humiliant, ça me
détruit, ou alors c'est le but, faire disparaitre mon nom de vos
ordinateurs. Moi, j'en ai ras le bol, j'arrête les frais."
La conseillère : " Vous risquez de tout
perdre...j'en ai vu beaucoup d'autres, des gens vraiment bien, honnêtes,
motivés, ils ont fini à la rue."
On s'interroge à ce moment sur le bien-fondé du
système qui pousse les gens à l'extrême, qui ne fait que
les déprécier et les disqualifier socialement. Daniel se sent
humilié de devoir toujours se justifier, d'être accusé
d'être un tire-au-flanc alors qu'il se débat dans le marasme de
l'administration pour essayer de s'en sortir tout en faisant face à des
grosses difficultés financières. Sa survie dépend du
versement des allocations qui peuvent être facilement suspendues. Cette
situation l'amène à taguer le mur du job-center comme dans
l'intention de reprendre le contrôle de sa propre vie en tant
qu'être humain et réaffirmer son existence.
01:20:10
"Moi, Daniel Blake, j'exige une date d'appel avant de
crever de faim."
Les passants rient et applaudissent de loin sans toutefois
montrer un réel soutien.
Finalement, sa demande de pension d'invalidité passe
en appel et selon l'avocat qui défend son dossier, l'issue sera
forcément favorable à Dan au vu des certificats médicaux
qu'il détient.
01:27:00
Dan: «Si je perds cet appel, je me retrouve à
la rue."
L'avocat :"Vous allez gagner Dan...nous avons les rapports
à jour de votre généraliste, votre cardiologue..."
Dan: "Regardes les, ils ont ma vie entre leurs
mains."
Dans les minutes qui suivent, Dan décède d'une
crise cardiaque dans les toilettes de cette administration (01:31:00) Katie lit
lors de l'éloge funèbre la lettre que Dan avait prévu de
lire lors de son appel.
01:32:08
"Je ne suis ni un client, ni un consommateur, ni un usager
de vos services. Je ne suis pas un tire-au-flanc, un pique-assiette, un
mendiant ou un voleur. Je ne suis pas un numéro de
sécurité sociale ou un simple bug sur un écran...Je me
nomme Daniel Blake, je suis un humain, pas un chien. En tant que tel, je veux
qu'on respecte mes droits..."
Daniel Blake, qui était au départ un ouvrier
intégré socialement, s'est retrouvé isolé,
humilié, déprécié par sa situation de chômeur
et par une société déshumanisée, suspicieuse. Il
réclame d'être traité comme un humain et non pas comme un
chien, privé de ses droits. Son combat pour sa survie et la
reconnaissance s'est soldé par sa mort.
b) La situationde Katie
Au contraire de Daniel qui avait un emploi stable avant sa
crise cardiaque, on peut dire que Katie vit déjà dans une
situation de pauvreté importante.
Lorsqu'elle rencontre Dan au job-center, elle tente
d'expliquer en vain à la conseillère que son retard est
indépendant de sa volonté, mais se heurte à un mur.
14:30
Katie :"J'essaie de vous expliquer ma situation et vous
vous en foutez..."
Le responsable du job center :"Il y a des règles
que nous devons respecter, vous avez le devoir d'arriver ici à l'heure.
Je crois savoir qu'un décisionnaire vous fera parvenir une lettre par la
poste, vous devez attendre cette lettre."
Katie :"Vous êtes incapables d'écouter les
gens, tous autant que vous êtes."
Katie a dû quitter sa famille pour s'installer à
450 kms parce que c'est là le seul logement social qu'on lui a
proposé alors qu'elle était en foyer avec ses 2 enfants. (19:45)
Elle est contrainte d'accepter bien que ce logement soit visiblement
très vétuste.
18:00
Katie à Dan :"Ca me prendra peut-être toute
la vie mais je rendrais ce logement habitable."
Pourtant, elle garde espoir de se sortir de cette situation,
de reprendre ses études en travaillant à temps partiel. Mais elle
se retrouve pourtant sans ressources car elle n'a pas pu s'inscrire au
chômage, ayant raté son rendez-vous.
21:30 Katie à Dan
"C'est juste que j'ai pas d'argent, les enfants vont avoir
leur rentrée, j'aurais voulu leur acheter de nouvelles fringues et je
pensais toucher mon fric demain."
Elle n'a pas les moyens de payer l'électricité
et utilise des bougies. Katie n'est plus libre de ses choix car la
société l'a contrainte à quitter sa famille, à se
couper des liens qu'elle avait encore. Elle reste dans la peur de ne pas
être capable de subvenir aux besoins de ses enfants.
38:20
Katie prépare le repas, elle sert ses enfants et
Dan.
Dan :"Et vous alors?"
Katie :"J'ai déjà mangé, je vais
juste prendre un fruit"
Daisy, sa fille :"Tu as dit pareil hier et avant-hier
aussi."
Elle se prive de nourriture pour pouvoir nourrir ses enfants.
Dan l'emmène à la banque alimentaire, on peut constater une file
d'attente importante. Les bénévoles, au contraire des
employés de l'administration, sont serviables et attentionnés.
Elle s'est tellement privée de manger qu'elle
està la limite de l'évanouissement. Elle ne résiste pas
à la tentation d'ouvrir une boite de conserve et mange avidement le
contenu de cette boite avec ses doigts quand la femme bénévole la
surprend.
48:55
Katie :"Je suis désolée, pardon"
La bénévole "Ce n'est pas grave, tout va
bien."
Katie :" C'est juste, j'ai tellement faim."
Dan :"Tu vas t'en sortir, ce n'est pas de ta faute. Tu as
fait des miracles, tu ne t'es pas démontée en te retrouvant toute
seule avec 2 gosses, il n'y a rien dont on puisse avoir
honte. »
Katie : »Je n'ai plus de
forces. »
Katie a honte. Sa situation de pauvreté l'a
rabaissé à un comportement non civilisé, elle s'est
donnée en spectacle devant tout le monde et n'a pas pu s'en
empêcher.
Elle doit voler dans un supermarché les produits de
toilette qu'elle n'a pas trouvée à la banque alimentaire.
(57:17)
A ce stade, elle a abandonné l'espoir de trouver une
issue à sa situation.
01:50:20
Dan :"Tu es jeune Katie, tu as toute la vie devant toi.
Reprend tes études et tu voleras de tes propres ailes."
Katie :"J'arrive plus à ouvrir mes livres,
ça me déprime."
Dan: «Il faut que tu tiennes bon."
Devant le désarroi de sa fille qui subit les moqueries
de ses camarades à l'école parce qu'elle a des chaussures
déchirées, elle décide de s'adonner à la
prostitution parce que c'est la seule solution pour elle de subvenir aux
besoins de ses enfants.
01:15:54 Dan, qui a deviné, la surprend.
Katie à Dan :"J'ai 300 livres dans mon
porte-monnaie. Mes gamins vont avoir des fruits frais. On arrêtera de se
voir si tu ne l'acceptes pas."
A travers des situations plus dégradantes les unes que
les autres, Katie a fait subi l'humiliation quotidienne.Finalement, ces
humiliations combinées à une situation de grande pauvreté
ont exclu Katie socialement.
La notion de précarité de l'emploi, que l'on
parle d'absence de travail ou de la succession de petits contrats, est aussi un
élément à prendre en compte car ne pas pouvoir se projeter
dans l'avenir ajoute ausentiment d'insécurité.
Les valeurs de la société veulent qu'une
situation normale pour un individu soit une situation d'emploi et non de
chômage. La société est soupçonneuse, à plus
forte raison la société anglaise, si les individus ne
réussissent pas à trouver d'emploi c'est qu'ils ne cherchent pas
vraiment. La réalité du marché du travail est tout autre,
l'individualisme et la situation de concurrence est bien réelle.
Le réalisateur a montré que le chômage
à lui seul est une machine à exclure les individus socialement,
plus brutalement dans la société anglaise. L'allocation
chômage en Grande Bretagne fonctionne de telle sorte qu'elle
décourage les gens à être tentés de choisir
l'assistance plutôt que de travailler.
Cependant, il est à noter que ce fonctionnement met
en doute la fiabilité des chiffres du chômage s'ils ne tiennent
pas compte de l'effectif facilement suspendu par les décisionnaires qui
motivent à coup de sanctions.
B. Analyse du thème à
travers le film « La Loi du Marché »
Thierry est au chômage suite à un licenciement
économique, il était ouvrier dans une usine et travaillait sur
des machines.
Le licenciement économique a touché 750
personnes. On s'interroge sur la légitimité de ce licenciement
puisque l'entreprise faisait des bénéfices. Il n'est pas
précisé s'il s'agissait d'une liquidation ou d'une
réduction d'effectifs.
06 : 00
Dans un café, Thierry se regroupe avec plusieurs de
ses anciens collègues.
Un collègue : « La boîte
était largement viable, donc les licenciements qu'on a subi, on les
conteste...En réunion de CE on avait fait des rapports d'expertise qui
sont clairs, il n'y avait pas de raison économique...Moi je ne laisserai
pas tomber 750 gars. »
On voit dans cette scène que Thierry est
désappointé, démoralisé de se retrouver dans une
telle situation à son âge, à la limite de la rupture.
« Je suis fatigué, j'ai envie de couper
les ponts avec Perrin (ancien employeur), j'en ai
jusque-là...Moi aussi j'avais un boulot. Je l'ai perdu et j'en ai
bavé derrière. Moralement, j'ai morflé, c'est bon, je
pense que pour ma santé mentale, je préfère tirer un
trait, est-ce que ça fait de moi un
lâche ? »
Dans cette scène, l'employeur est qualifié de
« bourreau », terme particulièrement violent. Le
licenciement économique est assimilé à une mise à
mort.
Au début du film, lors de son entretien avec son
conseiller Pôle emploi, on apprend que Thierry est chômeur
indemnisé depuis 15 mois, qu'il ne lui reste que 9 mois de droits aux
allocations, à la suite de quoi il touchera l'ASS, environ 500 euros par
mois.
Dans le système français, le chômeur ne
peut bénéficier des allocations chômage que s'il a
travaillé suffisamment avant, c'est à dire s'il a cotisé
suffisamment longtemps à l'assurance chômage,
prélevée sur le salaire. Le chômeur qui n'a pas
travaillé ou insuffisamment travaillé n'a pas droit à
l'allocation de retour à l'emploi.
En tant que père de famille, la situation est donc
critique pour lui, il est fatigué, dépité et recherche
désespérément une issue au bout du tunnel qui lui
permettrait d sortir de la précarité.
C'est pourquoi dans cette scène, on le voit en
colère. Il a suivi une formation de grutier de 4 mois, à l'issue
de laquelle il apprend qu'il n'a aucune chance de travailler en tant que
grutier n'ayant jamais travaillé au sol sur un chantier.
00 :37
Thierry : « N'envoyez pas les gens faire
un stage si vous savez qu'il n'y a rien à l'arrivée. On ne fait
pas n'importe quoi avec les gens, on les traite bien. Vous les envoyez vers
quelque chose qui est utile, quelque chose qui sert...J'ai perdu 4 mois...Dans
9 mois, je suis à l'ASS, je vais toucher 500 euros, je vais faire
comment ? »
Le conseiller Pôle
emploi : « Votre formation, il n'aurait pas fallu aller
là-dessus. »
Thierry : « Il aurait fallu qu'on me
le dise, personne ne dit rien. C'est n'importe quoi, vous vous foutez de la
gueule du monde...Evidemment, on est payé pendant la formation, mais
tout le monde touche de l'argent, moi, le formateur...et à
l'arrivée, je n'ai pas de travail...Moi, je suis là, dans votre
bureau et j'ai l'impression de venir là
indéfiniment. »
L'organisme Pôle emploi apparait complètement
incompétent et inefficace. Il envoie les demandeurs d'emploi faire des
formations inutiles pour justifier de son rôle dans l'accompagnement du
chômeur et du budget qui lui est alloué. Le conseiller qui est
face à Thierry « noie le poisson ». Il reste vague
sans explication ni solution concrète.
Au cours de sa période de chômage, les
activités sociales de Thierry sont très limitées. Il a un
entretien d'embauche. Il suit un atelier de coaching. Il cherche du travail. Il
a un entretien avec sa conseillère financière à la banque.
On le voit une seule fois avec ses anciens collègues au café.
La seule activité au cours de laquelle il reste
intégré socialement c'est le cours de rock qu'il suit avec son
épouse (14 :50), on le voit sourire, il apprécie cette
activité au cours de laquelle il peut interagir en société
en dehors de ses soucis quotidiens. Le reste du temps, il s'occupe de son fils,
on le voit nettoyer la cuisine de fond en comble (14 :09), ou regarder
fixement par la fenêtre de son appartement (14 :30). Malgré
tout, on constate qu'il a tissé des liens familiaux solides avec sa
famille, on assiste à plusieurs reprises aux repas familiaux
(4 :10) et on le voit faire avec sa femme une démonstration de
danse devant leur fils (48 :00), on voit Thierry sourire
sincèrement et prendre du plaisir.
Bien qu'ouvrier en usine, Thierry et sa femme sont
accédants à la propriété de leur appartement et
déjà propriétaire d'un mobil home depuis 10 ans en bord de
mer, ils appartenaient à la classe moyenne.
En perdant son travail, Thierry a perdu une source de revenu
conséquente qui le contraint à vouloir vendre son mobil home
(23 :09), il se sent inutile, il a perdu la fierté qu'il avait
d'appartenir à un collectif de travail, il n'a plus de contact avec ses
collègues.
Il est en situation de fragilité financière, il
rencontre sa conseillère à la banque, sa priorité est
d'assurer l'avenir de son fils handicapé qui souhaite faire des
études de biologie après le bac et devra donc quitter le foyer
familial pour poursuivre ses études à 150 kms, avec pour
conséquence une charge supplémentaire de 300 euros afin de
rémunérer une auxiliaire de vie.
18 :20
La conseillère : « J'ai
constaté depuis que le revenu a baissé que vous prenez sur votre
épargne pour éviter d'être dans le rouge à la fin du
mois, est ce que vous avez des dépenses imprévues....est-ce que
vous avez envisagé la vente de votre
appartement ? »
Thierry : « Oui, mais c'est non, ce serait
comme si tout ce qu'on avait fait avait servi à rien, c'est la seule
chose qui nous appartient. »
La conseillère : « Demain,
qu'est-ce qu'il se passe si vous n'êtes plus là, ça veut
dire un décès....Est ce que vous avez mis une assurance en
place...Aujourd'hui on est dans une situation précaire et ça
pourrait vous rassurer pour l'avenir... »
Tout en le culpabilisant, la conseillère propose
à Thierry d'épargner dans une assurance décès alors
que sa situation le pousserait à consommer plus qu'à
épargner.
Thierry était ouvrier peu qualifié. Le taux de
chômage des ouvriers était de 14,3% en 2016 (Source : INSEE
Tableaux de l'économie française édition 2016), un taux 3
fois plus élevé que chez les cadres, il est aussi plus
élevé que la moyenne, le taux de chômage de la population
active étant de 10,3%.
Malheureusement, les compétences de Thierry pour
retrouver un emploi similaire sont limitées par la modernisation des
machines, le logiciel qu'ilutilisait étant devenu
obsolète.(09 :30). L'évolution technologique fait que ses
qualifications se dégradent au fil du temps et rendent ses chances de
travailler à nouveau dans ce domaine quasiment nulles. La concurrence
étant rude, il est prêt à travailler pour un salaire moins
élevé sur un poste en dessous de ses qualifications.
(09 :31)
Si l'on suit la théorie néoclassique, l'offre et
la demande de travail se rencontrent sur le marché du travail qui est
régi par le taux de salaire réel. Si celui-ci est trop
élevé, il fait baisser la productivité, par
conséquent, il empêche les entreprises d'embaucher et donc
contribue à créer du chômage. A contrario, Keynes pense que
le chômage est dû à un manque de demande des entreprises et
de consommation des ménages. Selon Keynes, le marché du travail
n'existe pas.
C. Analyse du thème à
travers le film « Le Couperet »
Le chômage a des conséquences sur
l'intégration sociale des hommes. Bruno, qui a fait partie d'un
collectif de travail pendant 15 ans, a été licencié. Du
jour au lendemain, ses seules relations sont avec sa famille. Il semble ne
parler à personne, même pas à son voisin.
Un de ses concurrents s'est reconverti dans la vente de
prêt à porter après 5 ans de chômage, sa femme l'a
quitté après son licenciement. Il est totalement exclu
socialement.
01 :24 :20
« J'ai perdu mon poste il y a 5 ans,
très dur, je ne vous le souhaite pas. Vous savez au bout de 5 ans de
chômage on est devenu has been... »
Bruno : « Vous avez un travail, pourquoi voulez-vous
revenir dans le papier ? »
L'homme : « Je ne suis pas à ma place
ici. »
L'homme n'a plus de travail, il n'a plus d'identité. On
apprend d'ailleurs à la fin de film que cet homme s'est pendu.
(01 :50 :19) Cette longue période de chômage l'a
effacé du marché du travail et retiré de la vie
sociale.
La scène chez le psychologue résume à
elle seule l'état d'esprit de Bruno.
01 :00 :50
Le psychologue : « A l'annonce de votre
licenciement, avez-vous éprouvé de la peur, de la colère,
du ressentiment ou du soulagement ? ».
Bruno : « Surement pas du soulagement,
moi, j'aimais mon travail. ». Le
psy : « Mr Davert, mon message est que vous
n'êtes pas votre travail. ».
Bruno : « Mais en me volant mon
travail, on m'a pris ma vie ! Et au risque de gâcher celle de ma
famille. Alors d'accord le travail n'est pas tout et sans travail, je suis
quoi ? Et je fais comment ? Avant avec les collègues on
était une tribu, travaillant en comptant les uns sur les autres et une
fois licencié, c'est fini la tribu. On est devenu des ennemis.
Pire ! Des concurrents ! »
Sans son travail, Bruno est mort socialement, il ne fait plus
partie de la « tribu ».
L'ethnologie utilise le mot « tribu »pour
désigner les sociétés organisées sur la base des
liens de parentés, spécialement des familles ayant une même
descendance. En Inde ou aux Etats-Unis, les tribus sont des peuples
indigènes qui ont une reconnaissance légale dans le pays
concerné.
Il n'a plus d'utilité, il est inactif, il n'a pas de
loisirs, n'a plus envie de rien si ce n'est de retrouver un travail à sa
mesure.
20 :00
La femme de Bruno : « Qu'est-ce que
tu vas faire aujourd'hui ? ».
Bruno : « Qu'est-ce qu'on fait quand on n'a
rien à faire ? »
L'affiche de film, au premier coup d'oeil, porte une
signification symbolique de cette mort sociale. La tête de Bruno se
trouve sous le couperet alors que dans le film, il est le bourreau et non la
victime. Ceciamène à se demander ce qui détruit Bruno. Le
couperet pourrait être le marché du travail qui a provoqué
la disqualification sociale de Bruno.
Il pourrait aussi s'agir de cette femme que l'on voit à
la fin du film. Bruno, le bourreau deviendrait Bruno, la victime, pris à
son propre jeu, comme un engrenage sans fin.
On constate de façon générale que le
chômage est disqualifiant socialement, les interactions sociales sont
limitées voire inexistantes. Il induit même des situations parfois
catastrophiques.
Partant de ce constat, peut-on en déduire qu'au
contraire du chômage, le travail, lui, est vecteur d'intégration
sociale ?
III. LE TRAVAIL EST IL SUFFISANT A L'INTEGRATION
SOCIALE ?
A. Analyse du thème à
travers le film « Laloi du Marché »
A la 37ème minute du film, Thierry revêt un
costume cravate, il va prendre son nouveau poste de vigile dans un
supermarché. Il va devoir surveiller les clients mais aussi les
caissières, tantôt dans le magasin, tantôt derrière
la caméra.
49 :32
Un autre vigile : « Le voleur n'a pas
d'âge, tout le monde est susceptible de voler...La caméra 18,
c'est les caissières. Au niveau des hôtesses de caisse, tu zoomes
pour voir si elles scannent tous les articles. En fait, le directeur essaie
d'augmenter le chiffre d'affaires. Vu qu'il n'y a pas beaucoup de départ
en préretraite, il essaie de virer le personnel. »,
ce qui concrètement n'a pas de sens puisque le fait de
licencier du personnel pour diminuer sa masse salariale n'a aucun impact sur
l'augmentation du chiffre d'affaires.
Les vigiles doivent surveiller et dénoncer leurs
collègues, ils n'ont pas le choix, le directeur cherche à
éliminer du personnel et leur poste est aussi en jeu, la menace du
licenciement pèse sur tous les employés et c'est chacun pour
soi.
On le voit tout d'abord interpeler un jeune homme qui a
volé un chargeur de téléphone, situation assez commune.
Puis il assiste au pot de départ en retraite de Gisèle,
employée depuis plus de 30 ans dans le magasin. Thierry sourit, il est
satisfait d'être là avec l'impression d'appartenir à
nouveau à un collectif de travail soudé.
58 :41
Il fait face à une première situation difficile,
l'homme, vraisemblablement à la retraite, a volé de la viande et
n'a pas les moyens de la payer. S'agissant d'un produit frais il ne peut pas le
remettre en rayon. Le monsieur n'a pas d'argent chez lui et personne pour lui
venir en aide. Il a utilisé ses derniers euros disponibles pour le mois
afin de régler ses courses. Thierry est contraint d'appeler la police
mais garde les yeux baissés, il n'est pas fier de ce qu'il fait.
1 :05 :20
Une caissière est prise en flagrant délit, elle
a volé des coupons de réductions inutilisés par les
clients.
Le directeur : « Mme Anselmi, vous avez
volé des tickets de réduction. »
La caissière : « Non, je les ai mis
dans ma poubelle comme d'habitude »
Thierry demande à un collègue de
vérifier la poubelle, celui-ci ne trouve rien dans la poubelle. Mme
Anselmi avoue et donne les coupons : « C'est la première
fois... »
Le directeur : « Ce n'est pas la
première fois, vous avez été filmé. Thierry, vous
confirmez ? »
Thierry : « Je
confirme. »
Le directeur : « C'est du vol...vous volez
la prime de vos collègues...Qu'est-ce que je peux faire moi
aujourd'hui ? »
La caissière : « Vous me supprimez
ma prime. »
Le directeur : « Et tous vos
collègues, ils vont dire qu'on peut ramasser les coupons de
réduction et retrouver son poste tranquille. »
Le vol qu'il soit commis par un employé ou un client
est assimilé à de la démarque inconnue et le vol commis
par les employés représente à lui seul 31% de cette
démarque. (Source : baromètre Center for RetailResearch
2010)
Selon une étude du groupe Checkpoint System (2010), la
démarque inconnue est responsable d'une perte de 1.3% du chiffre
d'affaires des distributeurs, ce qui entraine une perte de marge brute et donc
une diminution des résultats dégagés par l'entreprise. La
prime d'intéressement calculée sur la marge nette sera donc aussi
impactée.
Concrètement, l'acte commis par la caissière est
effectivement assimilé à du vol et peut être
sanctionné par le licenciement pour faute grave.
Lors de la scène suivante, on assiste à une
réunion entre le personnel et la direction et on apprend le suicide de
la caissière mise en cause, ce suicide ayant eu lieu sur le lieu de
travail, acte particulièrement violent.
01 :11 :00
Le DRH : « Je vais aller droit au but. Mme
Anselmi s'est donné la mort ici sur votre lieu de travail. Cette
personne était là depuis plus de 20 ans, elle était
appréciée mais ce n'est pas pour autant que vous la connaissiez.
Personne ici ne doit avoir la culpabilité de son geste. Certes elle
s'est donné la mort ici après avoir quitté le groupe mais
sa vie ne se résumait pas à son travail...personne ici ne doit se
sentir responsable. »
Dans ce discours, le DRH peut s'adresser aussi bien au
directeur qui a décidé de licencier la caissière qu'aux
employés qui pourraient se sentir coupable de ne pas avoir
défendu leur collègue.
A ce stade, Thierry commence à se poser des questions
sur l'utilité de son poste et ce qu'il est prêt à faire
pour garder son emploi.
01 :18 :18 Il marche à l'extérieur, il
réfléchit le regard dans le vide.
01 :19 :54 Il boit un café, le regard fixe,
il réfléchit.
On note qu'à partir du moment où il prend ce
poste, on ne l'entend quasiment plus parler.
01 :20 :10
Une autre caissière est mise en cause pour avoir
passé sa carte de fidélité à la place de celle de
son client afin de récupérer les points de
fidélité.
La surveillante à la caissière :
« Moi je t'ai vu, Thierry t'a vu par le biais de la
vidéo...pourquoi tu as fait ça ? »
La caissière : « parce que les
points étaient multipliés par 10 »
La surveillante : « Pour toi, c'est
les problèmes qui vont être multipliés par
10. »
La caissière : « C'est juste des
points, ce n'est pas comme si j'avais volé »
La surveillante laisse Thierry dans le local avec la
caissière. On le voit pensif puis sortir brusquement du local, traverser
le magasin, récupérer ses affaires dans son casier, prendre sa
voiture et sortir du parking du magasin. C'est la scène finale du film.
Thierry a finalement fait un choix susceptible de lui coûter cher,
puisque sa période d'essai terminée, une démission le
laisse sans indemnités de chômage.
Les 2 caissières ont pris le risque de perdre leur
travail pour le seul bénéfice d'une poignée d'euros, l'une
ayant volé des bons de réduction, l'autre ayant passé sa
carte de fidélité pour avoir des points. Si elles ont pris ce
risque pour si peu c'est sans doute qu'elles n'arrivent pas à vivre avec
leurs salaire, insuffisant pour signifier leur intégration sociale.
Un article paru dans La Tribune en mars 2013 indique que le
secteur tertiaire, c'est-à-dire le secteur de la grande distribution
à la plus grande part de CDD dans les embauches avec 83,7% soit une
hausse de 3,2 points en un an. Les CDD sont des emplois précaires,
payés bien souvent au SMIC, qui induit moins d'intégration. Le
CDD ne permet pas de bénéficier de crédit bancaire et donc
ne permet pas les projets à long terme.
01.03.40
Thierry sollicite un crédit de 2000 euros à la
banque pour l'achat d'un véhicule d'occasion et doit fournir son contrat
en CDI pour pouvoir l'obtenir.
En règle générale, le travailpermet
l'intégration sociale de par le revenu qu'il procure et par le sentiment
d'utilité sociale qu'il génère. Le salarié se sent
protégé. Cependant, dans ce film le travail n'a pas permis
à Thierry de s'intégrer dans la société. Bien au
contraire, il a créé chez Thierry un sentiment de solitude et de
tourment, pire que lorsqu'il était au chômage. Il ne s'est pas
senti utile, ni fier.Finalement, son éthique l'a poussé à
choisir la morale plutôt que son travail.
B. Analyse du thème à
travers le film « Deux jours, une nuit »
1. Point de vue économique
Le travail est vu dans le film comme une
nécessité presque vitale, il permet de gagner sa vie, de
maintenir ses loisirs et son confort mais il permet aussi d'être
entouré, d'appartenir à un collectif. En travaillant, la personne
se sent utile et fière de l'être. Le travail est synonyme
d'intégration sociale. A contrario, le chômage est une situation
dans laquelle la personne se retrouve seule, en détresse et n'a plus
d'utilité pour la société.
11 :40
Le mari de Sandra : « Tu dois leur
dire que tu veux garder ton travail, que tu as besoin de ton salaire,
d'être avec eux, de ne pas te retrouver seule au
chômage. »
38 :00
Sandra à un collègue :
« Essaie de te mettre à ma place, j'ai envie de
travailler, de gagner mon salaire, d'être avec vous et pas me retrouver
toute seule au chômage. »
Sandra rend visite à chacun de ses collègues
afin de leur demander de changer d'avis et de refuser leur prime pour qu'elle
puisse rester. On constate que la plupart de ceux qui veulent garder leur prime
le font pour des raisons tout à fait justifiées.
21 : 10Premier collègue
« Je ne peux pas, j'ai besoin de ma prime,
l'aînée est à l'université, il nous faut
déjà 500 euros par mois rien que pour elle. »
La femme du collègue : « C'est
tout réfléchi, on ne peut pas Willy. Je voudrais bien qu'on
puisse vous aider mais depuis février je suis au chômage et sans
les pavés qu'il récupère et qu'il vend à la
brocante on s'en sort pas. »
24 :20 Deuxième collègue
Mireille vient d'emménager et doit racheter tout son
mobilier.
« Je veux bien mais si je vote pour toi, moi je
perds ma prime. Je ne peux pas me permettre de perdre 1000 euros...Juliette,
c'est facile, son mari répare des bagnoles au noir. »
38 :00 Troisième collègue
Hicham travaille le week-end au noir dans une épicerie
pour arrondir ses fins de mois.
« Je travaille ici le week-end. Ma femme t'a
rien dit parce que c'est au noir. Vraiment, je ne peux pas, met toi à ma
place, c'est 1 an de gaz et d'électricité. »
50 :46 Quatrième collègue
Anne et son mari ont fait construire une maison.
« J'en ai parlé avec mon mari. On a pas
mal de frais avec la maison, on va se servir de la prime pour faire la
terrasse. »
56 :28 Cinquième collègue
Il préfère que Sandra parte car cela lui permet
de gagner plus d'argent en faisant des heures supplémentaires.
« Je ne sais pas comment ils font pour se passer
de la prime mais moi je ne peux pas. Ma femme et moi, on a compté dessus
pour nos dépenses, tu ne peux pas nous demander ça...Et si on
accepte les heures supplémentaires pour gagner
plus ? »
1 :11 :50 Sixième collègue
« Il y a qu'un salaire ici, je serai vraiment
content de t'aider mais moi je ne peux pas, je suis désolé. Pour
moi, c'est la catastrophe si la majorité te
soutient. »
On constate que toutes ces personnes ne s'en sortent pas
financièrement et sont contraintes pour la plupart à prendre une
deuxième activité. La somme de 1000 euros, qui parait
dérisoire, représente pourtant pour eux un apport essentiel,
voire indispensable.
On peut les qualifier de « travailleurs
pauvres ». Ils vivent au jour le jour et pourraient basculer dans la
misère au premier coup dur. Le choix d'accepter ou non la prime s'impose
de lui-même.
2. Point de vue éthique
a) Le parcours de Sandra
Le personnage de Sandra évolue entre le début et
la fin du film. Au début du film, elle sort de dépression, elle
est pourtant guérie selon son médecin, mais continue à
avaler des comprimés de Xanax à longueur de journée
« pour ne pas pleurer ».
Elle n'a pas confiance en elle. Sandra va pourtant devoir
prendre son courage à deux mains et affronter ses collègues un
par un. Elle récite à chaque fois le même discours,
s'excusant presque d'être là. A plusieurs reprises elle veut
abandonner et souffre de crises d'angoisses.
08 :00
« Je ne sais pas ce que j'ai, je n'arrivais
plus à parler, pourtant je voulais lui dire mais il n'y a rien qui
sortait. »
39 :50 Elle suffoque à nouveau et ne peut plus
parler.
Au début, elle se sent seule.
10 :30
Sandra : « Je suis
crevée. »
Son mari : « Mais t'es pas
crevée, tu te laisses aller au lieu de
réagir. »
Sandra : « C'est facile à dire
ça. A part Juliette et Robert, il n'y a personne qui a pensé
à moi, comme si je n'existais pas. »
Elle a le sentiment de voler l'argent de ses collègues
en leur demandant de refuser leur prime. Elle a honte de sa condition
misérable d'en être réduite à demander la
charité pour garder son travail.
47 :00
Sandra : « Chaque fois, je me sens comme
une mendiante, une voleuse qui va prendre leur fric, ils me regardent
prêts à ma taper dessus et moi aussi j'ai envie de leur taper
dessus. »
Son mari : « Il y en a 5 sur 10 qui
veulent que tu restes. »
Sandra : « Il y en a que 2, les
autres, c'est parce que je les ai forcé à avoir
pitié. »
Mais à chaque « oui » qu'elle
obtient, c'est comme un second souffle, elle retrouve de l'énergie pour
avancer jusqu'au prochain « non ».
Et puis, au comble du désespoir, elle va franchir une
limite, elle va faire une tentative de suicide. Au moment où elle est au
plus mal, elle va finalement trouver le soutien inattendu d'une de ses
collègues, Anne, qui a changé d'avis et décidé de
dire « oui ». Mais Anne a du décider de quitter son
mari alors qu'ils venaient de construire une maison et parlaient même de
faire un bébé (1 :13 :10). Pour elle aussi, l'avenir
s'annonce compliqué, elle va devoir s'assumer toute seule et
malgré tout, elle fait le choix de renoncer à sa prime pour venir
en aide à sa collègue.
A partir de ce moment-là, Sandra est plus
motivée que jamais, elle retrouve le sourire et chante dans la voiture
(1 :14 :00). Elle se rend compte qu'elle n'est plus seule, elle a
trouvé du soutien. Affrontant le contremaître avant le vote, on
voit nettement le changement d'expression sur son visage qui part d'un
sentiment de crainte at finit par laisser entrevoir l'assurance qu'elle a
retrouvée.
Finalement, le second vote confirme son licenciement mais
à très peu d'écart entre les 2 camps, et le directeur va
lui proposer, contre toute attente, de la réintégrer, mais en
prenant la place d'un de ses collègues dont le CDD se termine et qui
avait voté en sa faveur, qui plus est.
1 :25 :50
Le directeur : « Fin septembre, je ne
renouvellerai pas un CDD et vous pourrez revenir. »
Sandra : « Je ne peux pas prendre la
place de quelqu'un qui sera licencié pour que je puisse
revenir. »
Elle refuse la proposition et quitte l'entreprise. Son travail
n'est plus la priorité. Il n'est plus essentiel à son bonheur.
Les relations humaines ont finalement plus de valeur à ses yeux.
1 :27 :10
Sandra à son mari : « Ça
va être difficile mais je vais commencer à chercher aujourd'hui.
On s'est bien battus, je suis heureuse. »
b) Les collègues de Sandra
Chaque personne va devoir faire un choix : son propre
intérêt ou la solidarité avec leur collègue. Sandra
va devoir faire face à un panel de réactions de ses
collègues, des larmes jusqu'à la violence.
Pour certains, le choix va s'imposer de lui-même
puisqu'ils font face à des difficultés financières, mais
il va s'accompagner d'un sentiment de honte. C'est le cas, par exemple de Willy
qui dit : « Je n'ai pas voté contre toi, j'ai
voté pour avoir ma prime. » (21 :10) ou d'un autre
collègue qui a pourtant l'air au bord du
désespoir : « De toutes façons, tu as
raison de te battre, c'est moi qui devrait dire oui. Pour moi, c'est la
catastrophe si la majorité te soutient mais je te le souhaite quand
même. » Il finit par fermer la porte en pleurant
(1 :11 :50).
Pour d'autres, le choix individuel sera purement
égoïste. C'est lecas pour le fils d'Yvon :
44 :30
« La prime c'est parce qu'on a bossé
qu'on l'a, pourquoi tu veux qu'on te la donne ? Tu n'as pas honte de venir
nous piquer notre fric ! »
Il en vient même à frapper son père, pour
1000 euros.
Sandra a poussé un père et son fils à se
déchirer. Le milieu du travail est un milieu violet, c'est une jungle
où règne la loi du plus fort, ce qui n'est pas sans rappeler la
sélection Darwinienne.
Nadine fera le choix de complètement ignorer Sandra en
choisissant de ne pas lui ouvrir sa porte (26 :20).
Pour quelques-uns, la solidarité est plus forte, ils
vont sacrifier leur prime pour une cause juste. Diverses motivations les
animent.Juliette et Robert vont le faire par amitié. Timur va soutenir
Sandra par reconnaissance puisqu'elle l'avait aidé lorsqu'il est
arrivé dans l'entreprise. Pour Alphonse, ce sont les valeurs de sa
religion qui vont le pousser à aider son prochain. On suppose qu'Yvon se
décide à soutenir Sandra pour racheter le comportement de son
fils. Anne sacrifie son mariage et sa situation parce qu'elle veut
réparer l'injustice faite à Sandra.
Le film reflète la réalité du monde du
travail en mettant en évidence la violence des rapports sociaux, les
contraintes sociales et économiques que subissent les employés en
faisant intervenir les valeurs morales de chacun. Ces valeurs sont soit
individualistes soit altruistes. Le travail n'est pas forcément synonyme
d'intégration sociale dans ce film, il n'implique pas obligatoirement
l'existence de collectif de travail mais peur au contraire induire une
politique individualiste, il peut aussi bien provoquer un sentiment
d'isolement.
Sandra, qui quémande d'abord la solidarité de
ses collègues, est devenue une militante, elle a réussi à
créer le collectif de travail qui faisait défaut à son
entreprise.
C. Analyse du thème à
travers le film « Moi, Daniel Blake »
Le chômage n'est pas la seule cause de
précarité.
Dans le film, le réalisateur prend le cas de China, le
voisin de Dan, pour qui le seul salaire qui résulte de son emploi ne
suffit pas à sa subsistance.
Il arrondit ses fins de mois en faisant venir de Chine des
baskets et en les revendant directement à la sauvette au prix
inférieur au marché.
23:00
China : « Les baskets viennent de la
même usine, je connais un gars qui bosse dans cette usine. Je lui envoie
le pognon et lui il m'envoie la cam par la poste. Tu vois ces baskets, Dan,
c'est ça l'avenir. Ras le bol de ce boulot de merde...On doit y
être sans faute à 5h, on décharge tout leur camion en 45
minutes et tu sais combien ils nous ont payé? 3 livres 79, c'est pire
que travailler en Chine. »
Le travail de China ne lui permet pas de vivre, sa situation
estmalgré tout précaire et son seul travail ne permet pas son
intégration sociale, il doit multiplier les petits boulots pour s'en
sortir.
China n'est pas chômeur, et pourtant il est pauvre. Il
fait partie de cette catégorie appelée travailleur pauvre. Si le
chômage disqualifie les individus socialement, le travail n'est pas pour
autant plus sécurisant et ne permet pas toujours l'intégration
sociale.
Daniel qui n'est plus en capacité d'exercer son
métier de charpentier devient un concurrent de China sur le
marché du travail, ce qui signifie encore moins d'opportunités de
travail pour lui.
Sur le marché du travail, la concurrence est rude. La
loi est dictée par les entreprises qui se retrouvent en position de
force et d'exigences face à des employés qui ne sont plus libres
de leur choix.
La loi du marché du travail et le fonctionnement des
entreprises sont-ils responsables de cette érosion du lien
social ?
IV. L'INFLUENCE DE LA
LOI DU MARCHE SUR LE LIEN SOCIAL
A. Analyse du thème à
travers le film « La loi du marché »
Dans le Capital (1867), Karl Marx définit le demandeur
d'emploi comme le possesseur de force de travail et l'employeur comme le
possesseur d'argent.
La force de travail est une
« marchandise » que le demandeur d'emploi vend sur le
marché du travail, elle s'échange contre de l'argent. L'employeur
qui consomme cette force du travail va donc créer de la valeur et de la
plus-value.
L'employeur est en position de force, de dominance, il
décide d'acheter la force de travail. Dans le film, la loi du
marché est régie par les dominants, ceux qui profitent, qui
imposent leur volonté à Thierry qui subit la domination.
L'entretien qu'il passe face à un recruteur sur skype
en est le premier exemple.
09 :30
L'employeur remercie Thierry d'avoir accepté de passer
son entretien sur skype, ce qui nous indique que Thierry s'est soumis à
la demande de l'employeur, en position de dominance.
L'employeur lui demande sur quelle version de la machine il a
travaillé :
Thierry : « On a travaillé sur la 7
jusqu'à la fermeture de l'usine, je n'ai pas eu l'occasion de travailler
sur la 8. »
L'employeur : « Vous n'avez pas eu envie de
vous renseigner sur la 8 ? »
Thierry : « C'est difficile d'avoir
accès aux documents techniques quand on n'est pas sur les
machines. »
L'employeur : « Est-ce que vous seriez
d'accord pour intégrer une fonction inférieure à celle que
vous occupiez dans votre ancienne entreprise ? »
Thierry : « je pense »
L'employeur : « vous pensez ou vous
êtes sûr ?...Quelque chose que je me permets de vous dire,
vous pourriez avoir un meilleur CV...Il n'est pas clair. »
Ce commentaire n'a d'intérêt que celui de
rabaisser Thierry en position de dominé. Le recruteur a tous les droits
puisqu'il détient les clés du marché, lui seul va
décider d'employer la personne ou non.
Thierry : « C'est vous qui me contactez,
c'est moi qui vous contacte ? »
L'employeur : « Non, non, non, surtout pas,
ni l'un ni l'autre. On vous enverra un mail c'est beaucoup plus simple. Je vais
être honnête, il y a très peu de chances que vous soyez
pris. »
On se demande pourquoi l'employeur a souhaité avoir un
entretien avec Thierry. Finalement, l'entretien a été plus
humiliant pour Thierry qu'utile.
Le recruteur indique qu'il a d'autres candidatures, le
marché du travail est tel qu'il y a plus de chômeurs que de postes
à pourvoir, ce qui met les postulants en situation de concurrence et les
entreprises en situation dominante. Cette situation serait inversée en
période de plein emploi, les salariés auraient le pouvoir
d'imposer leurs conditions et de négocier leur salaire.
Lors de la scène du coaching vidéo, qui est sans
doute la plus humiliante, Thierry est jugé par d'autres demandeurs
d'emploi comme lui qui sont certainement encore plus acerbes dans leurs propos
comme si la situation de concurrence dans laquelle ils se trouvent les pousse
à vouloir écraser l'autre.
Dans « Le nouvel esprit du capitalisme »
(1999), Luc Boltanski et Eve Chiapello définissent la loi du
marché par «la concurrence de tous contre chacun,
la projetisation de la vie, l'irresponsabilité du
système et la négociation permanente. On retrouvebien dans
ce film la lutte permanente menée par le chômeur en quête
d'un emploi qui doit se débattre sur le marché du travail seul,
contre ses semblables, et sans l'aide su système puisque les organismes
tel que Pôle emploi sont inefficaces.
30 :32
L'animateur : « Que pensez-vous de la
posture de Thierry ? »
Un chômeur : « pas très
dynamique franchement, enfoncé dans sa chaise....également la
chemise ouverte, ça fait un peu plagiste. »
L'animateur : « pour ce qui est de
l'amabilité, qu'en pensez-vous ? »
Un chômeur : « un peu froid, pas
très souriant »
Pendant toute cette scène, Thierry est
gêné, il acquiesce à tout ce qui est dit sans protester. Il
est totalement dominé par ses semblables et il semble s'y être
résigné comme s'il ne pouvait y échapper.
Lorsqu'il va prendre son poste de vigile, au moment des
licenciements, Thierry va se retrouver brutalement en situation de pouvoir,
bien malgré lui, puisqu'il n'a pas vraiment le choix. Il risque de
perdre sa place s'il n'use pas de son pouvoir, étant lui-même
dominé.
Thierry est soumis et obéît au directeur pour
pouvoir garder son poste, il n'a pas la liberté de ses choix. Il a vendu
sa force de travail, il n'en est plus propriétaire et ne peut plus en
disposer. Il est lié à son employeur par un contrat de travail
qui se définit par un lien de subordination, en d'autres termes il n'est
plus libre de ses actes
Il est soumis à la dure loi du marché, peut-il
tout accepter pour conserver son emploi, il est face à un choix moral,
être lui-même bourreau ou rester victime ?
La loi du marché implique l'individualisme, c'est
chacun pour soi et le plus fort l'emporte telle la sélection Darwinienne
qui définit l'évolution des espèces, un tri naturel qui
s'opère selon les espèces les plus fortes qui s'adaptent plus
facilement à leur environnement. Thierry n'a pas su s'adapter à
son nouveau poste parce qu'il a choisi de ne pas renier les valeurs
humaines.
B. Analyse du thème à
travers le film « Deux jours, une nuit »
Dans ce film, à aucun moment, il n'est fait allusion
à des difficultés économiques graves qui seraient à
l'origine du licenciement de Sandra.
Au début du film, le directeur, invoque auprès
de Sandra des difficultés liées à la concurrence asiatique
sur les marchés.
La croissance du secteur de l'énergie solaire a
débuté en France en 2007 avec la mise en place d'avantages
fiscaux par le gouvernement pour le développement des énergies
durables. Cependant, il a connu des difficultés entre 2012 et 2015,
aujourd'hui 90% des panneaux solaires installés en France sont de
fabrication chinoise. (Source :
www.businesscoot.com)
06 :30
Le directeur, Mr Dumont à Sandra :
« Croyez bien que ce n'est pas contre vous mais
la crise, la concurrence asiatique dans la fabrication de panneaux solaires
m'obligent à prendre certaines décisions. »
Finalement, on se rend compte que sa motivation au
licenciement de Sandra n'est pas du tout celle qu'il prétend.
56 :28
Un collègue à Sandra :
« Je peux te parler franchement ? Dumont,
il a vu qu'on pouvait faire le boulot à 16, pourquoi il te
reprendrait ? »
1 :25 :50
Mr Dumont à Sandra :
« Pendant votre congé maladie, j'ai
constaté que le travail pouvait se faire à 16 au lieu de
17. »
La véritable raison pour laquelle il veut licencier
Sandra est en fait liée à la productivité, le même
travail peut se faire avec une personne en moins, donc avec une meilleure
productivité, une meilleure rentabilité. La diminution des
coûts de production implique une augmentation de la marge et donc une
meilleure compétitivité commerciale.
Cependant, un licenciement est plutôt violent, c'est
pourquoi il préfère laisser porter la responsabilité du
choix à ses employés : la prime de 1000 euros ou garder le
poste de Sandra, ce qui moralement est pour le moins sujet à
controverse.
En poussant les employés à prendre la
décision, il ne risque pas de mouvement social.
Du point de vue de la législation du travail, seule la
Direction peut décider d'un licenciement, en aucun cas il ne peut
être le fait des salariés. De plus, le vote tel qu'il est
organisé n'est pas légal puisque les 2 alternatives
proposées (la prime ou garder le poste de Sandra) n'ont aucun rapport
l'une avec l'autre. Ce vote fictif est le point de départ du film
à partir duquel va se dérouler toute l'histoire.
21 :10
Sandra à une
collègue : « Oui, je sais, c'est
dégueulasse de vous obliger à choisir. »
C'est aussi dance ce sens que vient la proposition du
directeur à Sandra après le vote. Il lui propose de la
réintégrer dans l'entreprise, en profitant de la fin d'un CDD
d'un collègue qui ne sera pas renouvelé. Il a constaté que
les votes avaient changé, et étant à présent
partagés, il risque le conflit parmi les salariés et veut
l'éviter.
01 :25 :50
Le directeur à Sandra :
« Vous avez réussi à convaincre la
moitié du personnel à renoncer à sa prime, bravo. Dans le
souci d'éviter toute rancoeur au sein du personnel, j'ai
décidé d'octroyer la prime et de vous
réintégrer. »
C. Analyse du thème à
travers le film « Le couperet »
1. Les actionnaires
Bruno pense que les actionnaires sont responsables de son
licenciement.
Les entreprises sont en fait dirigées par les
actionnaires au seul profit des actionnaires en utilisant les salariés
comme main d'oeuvre jetable, leur but n'étant que de toucher le plus de
dividendes possibles sans se préoccuper du sort des employés.
21 :40
Bruno à la recruteuse lors d'un
entretien : « Restructuration et délocalisation,
résultat 16% de bonus aux actionnaires et 2 ans et demi de chômage
pour moi. ».
10 :00
Bruno parle des CV qu'il a reçus en réponse
à son offre d'emploi fictive Son but était de savoir qui sont ses
concurrents potentiels sur le marché du travail.« Une
bonne moitié se déclarait au service des actionnaires. Or, les
ennemis se sont eux, les actionnaires, qui font licencier par milliers pour
extirper quelques bouchées de plus. »
2. Une mise en accusation du
capitalisme
L'homme n'est qu'un outil, une marchandise jetable que l'on
utilise pour produire de la valeur. Mr Barnet, un des concurrents de Bruno,
s'est reconverti en tant que cuisinier. Il a aussi été
licencié après 16 ans de bons et loyaux services.
38 :00
« C'est un crime qui se passe ces temps-ci. La
société vit une situation folle et totalement inédite. On
prend les plus productifs au top de leurs capacités et on les bazarde.
La société se tire une balle dans le pied....La preuve c'est
qu'on est prêt à tout pour trouver du boulot. Seulement on ne peut
rien contre le turbo capitalisme. Faudrait mettre l'homme, l'humain au centre
de tout. »
La société est individualiste, Mr Barnet
regrette la disparition des contacts humains, des valeurs de solidarité
au profit du chacun pour soi. Ces valeurs pourraient permettre aux individus de
ne plus être victimes de cette forme de capitalisme moderne
poussée à l'extrême.
41 :00
Bruno : « Nous devrions nous battre
ensemble au lieu de nous battre seul pour des miettes. ».
50 :34chez le psychologue
Bruno « on est devenu des ennemis, pire des
concurrents, chacun pour soi et pas de Dieu pour tous. ....Je dois battre
la concurrence et pour ça je ne peux compter sur personne à part
moi. »
Ce constat est aussi fait par les patrons et pas seulement par
lessalariés. Le patron d'Arcadia lui-même tient un discours qui
n'est pas cohérent avec son poste. Il boit, il est en désaccord
avec lui-même.
1 :39 :30
Mr Machefer, le patron
d'Arcadia : « Quand ils auront bousillé
l'économie et mis tout le monde au RMI, à qui ils le vendront
leurs produits de merde ! ».
Il a perdu sa femme parce qu'il travaillait trop tout comme
Bruno a faille perdre la sienne parce qu'il ne travaillait plus.
3. Le marché du travail
La réalité est qu'il existe depuis les
années 80 un très grand nombre de personnes au chômage, on
est loin du plein emploi des Trente Glorieuses. Les industries se sont
automatisées, l'industrie du papier en est l'exemple. La production
s'accélère, de plus en plus de personnes sont
licenciées.Les machines ont remplacé les hommes. Les individus
surqualifiés qui veulent travailler sont contraints de postuler à
des postes en dessous de leurs compétences.
21 :40
Bruno : « Je venais d'arriver au pays
du sourire obligatoire et moi je ne savais plus sourire. Etre convoqué
parmi ce menu fretin n'était pas positif. Ils n'avaient pas besoin de
quelqu'un de mon niveau pour fabriquer des étiquettes de produits
congelés. »
Pour lui, pas d'autres choix, c'est la loi du plus fort et la
fin justifie les moyens.
11 :30
Bruno : « Si je tuais 1000
actionnaires, ça ne me rapporterait rien. Si je tuais 10 PDG ayant
renvoyé 1000 employés chacun, qu'est-ce quej'en tirerai, rien. Ce
sont eux mes ennemis mais ils ne sont pas mon problème. Ces 5 CV
étaient mon problème. ».
La réalité du marché du travail est qu'il
y a beaucoup plus d'offre d'emploi que de demande.
Chaque personne qu'il rencontre dans le film est
touchée par le chômage, directement ou indirectement : son
voisin, la femme du garagiste, le beau-frère du policier.
07 :30
La famille regarde une publicité d'Arcadia à la
télévision.
Le fils : « Allez tiens, je te le zappe et
tu as sa place. »
Bruno : « Il ne suffit pas de le zapper, je
ne suis pas le seul sur le marché c'est tout. Il y en a combien de plus
sympa, de plus sportif, de plus souriant, plus détendu. Je me suis
dit ce type a ton boulot».
C'est à ce moment du film que Bruno bascule, qu'il
réalise qu'il est obligé de se débarrasser de la
concurrence pour obtenir le poste qu'il convoite. Le marché du travail
est symbolisé par la sélection darwinienne, le plus fort mange le
plus faible. Dans le film, Bruno en vient à tuer pour trouver du travail
comme si le travail est une valeur vitale sans laquelle il ne peut pas
exister.
Concrètement, deux solutions se présentent pour
espérer sortir du chômage :
- être solidaire, se regrouper, à plusieurs on
est plus fort pour se révolter contre le système
- être individuel et écraser la concurrence pour
sortir du lot.
V. L'INFLUENCE DE LA SOCIETE DE
CONSOMMATION SUR LE LIEN SOCIAL
La philosophe Hanna Arendt dit qu'un salarié est
esclave de ses besoins, l'homme pour assouvir ses besoins fondamentaux est
obligé de travailler. Dans l'antiquité, les esclaves
étaient utilisés pour les tâches domestiques ou de gros
oeuvre, ils étaient esclaves des autres.
Tout le long du film est jalonné par l'apparition de
publicités luxueuses, complètement anonymes, sans aucune marque.
(14 :50 -19 :40-35 :00-01 :24 :20), pour rappeler
à Bruno qu'il doit travailler pour justement combler ses besoins.
Lorsque Bruno suit le vendeur de prêt à porter
dans la rue, celui-ci achète une bouteille d'eau et a ce même
moment du film passe un camion avec une énorme publicité d'un
produit de luxe, comme pour lui rappeler qu'il ne peut plus avoir accès
à ce genre de produits. Ce sentiment d'exclusion sociale est
exacerbé par toute cette publicité commerciale.
L'homme n'est pas seulement identifié par son travail,
il est aussi identifié par sa façon de consommer, il
achète donc il est reconnu. La publicité ne sert pas uniquement
à vanter tel ou tel produit, c'est un modèle de vie. Les
personnes qui réussissent à consommer ce genre de produits ont
réussi socialement.
Mais le chômage et l'exclusion sociale ont aussi des
conséquences sur la société de consommation.
48 :25 Scène au garage
Le garagiste a Bruno : « Ça
fait longtemps que vous l'avez ? »
Bruno « Ca fait 4 ans avant je changeais tous
les ans. »
Le garagiste : « Faut s'entraider,
demain c'est peut être mon tour... »
Bruno : « Alors pour la voiture on
fait quoi ? C'est la seule que j'ai ? »
Le garagiste : « Voilà
pourquoi ça va de moins en moins bien chez
nous ! »
Bruno, n'a plus qu'une voiture depuis son licenciement, il n'a
plus les moyens. De ce fait, le garagiste fait moins de chiffres car moins de
voitures dans les foyers. Et il est à son tour menacé de
licenciement.
La société de consommation accentue le
phénomène d'exclusion sociale par la frustration qu'elle
provoque. L'exclusion sociale mène elle aussi à une frustration
de la société de consommation par le manque à gagner
qu'elle induit.
CONCLUSION
Le marché du travail se caractérise par une
concurrence grandissante entre les demandeurs d'emploi. Ses effets peuvent
être dévastateurs sur les valeurs sociales et humaines :
repli, marginalisation, individualisme, perte d'identité. La
société de consommation, à travers les publicités,
induit des besoins virtuels et exacerbe, par la même, ce sentiment
d'exclusion sociale quand l'homme ne peut plus rentrer dans le moule, le
modèle de réussite parfaite qu'elle crée.
Les hommes sont soumis à la dure loi du marché,
peuvent-ils tout accepter pour conserver leur emploi ? Doivent -ils
devenir eux-mêmes des bourreaux pour survivre ou rester des
victimes ?
La loi du marché implique l'individualisme, c'est
chacun pour soi et le plus fort l'emporte telle la sélection Darwinienne
qui définit l'évolution des espèces, un tri naturel qui
s'opère selon les espèces les plus fortes qui s'adaptent plus
facilement à leur environnement.
De plus, sur le marché du travail, la concurrence est
rude. La loi est dictée par les entreprises qui se retrouvent en
position de force et d'exigences face à des employés qui ne sont
plus libres de leurs choix s'ils veulent subsister.
Mais l'exclusion sociale peut aussi intervenir quand le
salarié devient incompétent, quand il ne maîtrise plus les
savoirs liés à son poste. Ceci peut être lié au
développement des technologies par exemple.
Les auteurs prennent l'exemple intéressant des
employés analphabètes qui deviennent incompétents faute de
maîtriser les savoirs de base mais qui avaient toujours réussi
à contourner les difficultés jusqu'à maintenant avec
l'aide de leurs collègues. Cela est devenu chose improbable à
cause de la perte des valeurs d'entraide qui ont disparu pour laisser place
à l'individualisme et au chacun pour soi.
Une autre manière de provoquer cette exclusion est
d'embaucher des individus en CDD sur des postes qui ne correspondent pas du
tout à leur qualification.
Le monde du travail est de telle sorte que la concurrence
entre les demandeurs d'emplois est rude, il y a plus d'offre que de demande et
les individus sont obligés de postuler à des offres largement
inférieures à leur niveau de qualification. Les postes qu'ils
acceptent ne mettent pas en oeuvre les compétences qu'ils ont acquises
par leur scolarité ou leur expérience et ils prennent le risque
de perdre ces compétences en ne les utilisant pas.
Les renouvellements de CDD les enfoncent de plus en plus dans
la problématique jusqu'à se trouver rejetés sur le
marché du travail faute d'avoir utilisé leur qualification.
Le CDD leur permet de survivre grâce au salaire
gagné sans voir le revers de la médaille.
D'autres vont s'exclure car ils sont dans la contradiction, le
conflit. Ils n'acceptent pas la logique de l'entreprise et se trouvent dans
l'incapacité de résoudre ce paradoxe. Ils ne peuvent pas
répondre aux attentes de l'employeur en étant en accord avec
eux-mêmes.
Les employés n'ont d'autre choix que d'accepter leurs
conditions de travail en silence de peur de perdre leur emploi. Ils sont
impuissants face à la loi du marché « qui est plus
de l'ordre de la loi de la Nature que du social »
(Précarisation du travail et lien social), en d'autres termes une loi
qui s'impose à tout homme, intemporelle et immuable. Cette loi s'impose
d'elle-même car la société ne saurait s'organiser autrement
que par cette loi qu'elle a d'ailleurs construite.
En cas de conflit, ils ne sont pas solidaires mais
malgré tout se sentent coupables de ne pas l'être.
Le capitalisme a fait évoluer les valeurs de
l'entreprise dans lesquelles il faut impérativement faire sa place pour
se réaliser individuellement sans tenir compte des autres. La bataille
pour y arriver est dure et soumise à une violence constante
imposée pas les concurrents, « tous les coups sont
permis ».
Le travail, s'il la bien été auparavant, n'est
plus générateur de lien social et peut mettre être au
contraire à l'origine de l'exclusion sociale.
BIBLIOGRAPHIE
Films
- Moi, Daniel Blake
Film anglais, 2016
Genre : drame
Réalisateur : Ken LOACH
Acteurs principaux : Dave Johns, Hayley Squires
- Le Couperet
Film français, 2005
Réalisateur : Costa-Gavras
Genre : thriller
Adaptation du roman de Donald Westlake
Acteurs principaux : Bruno Garcia, Karine Viard
- Deux Jours, une Nuit
Film franco-italo-belge, 2014
Genre : drame
Réalisation : Jean-Pierre et Luc DARDENNE
Acteurs principaux : Marion COTILLARD, Fabrizio RONGIONE,
Catherine SALEE, Christelle CORNIL
- La Loi du Marché
Film français, 2015
Genre : drame
Réalisateur : Stéphane Brizé
Acteurs principaux : Vincent Lindon, Karine de Mirbeck,
Mathieu Schaller
Livres
- Précarisation du Travail et Lien
Social
Paru en 2001
Ecrit en collaboration par Frédéric Abecassis et
Pierre Roche
Editions L'Harmattan
- Le lien social
Auteur : Serge Paugam
Collection « Que- sais-je ? »
Paru en 2008
- Le nouvel esprit du Capitalisme
Auteurs : Luc Boltansky, Eve Chiapello
Editions Gallimard
Paru en 1999
- Condition de l'Homme Moderne
Auteur : Hannah Arendt
Livre de Poche
Paru en 2002
- Le Capital
Auteur : Karl Marx
Editions Flammarion
Paru en 1985
Sites internet
- www.insee.fr
- www.lesechos.fr
- www.retailresearch.org
- www.businesscoot.com
ANNEXE : RESUMES DES
FILMS ETUDIES
Ø La Loi Du Marché
Le film est constitué d'un enchainement de
séquences de la vie de Thierry, la quarantaine, marié et
père d'un adolescent handicapé.
Il est demandeur d'emploi depuis 1 an et demi après
avoir été licencié pour motif économique alors
qu'il était ouvrier dans l'industrie.
Son parcours de recherche d'emploi est semé
d'embûches, et ne trouvant pas de poste adéquat à ses
compétences, il finit par accepter un poste de vigile dans un
supermarché. Il va devoir faire face à un dilemme : son travail
ou sa morale.
Ø Moi, Daniel Blake
Daniel Blake a environ la cinquantaine. Il était
menuisier. A la suite d'une crise cardiaque, il se retrouve sur le
marché du travail, pris entre deux feux : son médecin qui lui
interdit de travailler et l'administration qui lui refuse une pension
d'invalidité lui demande de chercher du travail, sous peine de ne
pouvoir lui verser ses allocations. Il a la possibilité de faire appel
mais se trouve englué dans une situation administrative absurde car s'il
fait appel, il ne touchera pas d'allocations chômage et sera sans
ressources pour une période indéterminée, sans aucune
certitude qu'il obtiendra finalement une pension d'invalidité.
Il rencontre Katie, mère de deux enfants sans emploi,
dans une situation désespérée, qu'il va essayer de
soutenir.
Ø Deux Jours, une Nuit
Sandra, mère de famille, doit reprendre le travail
après une longue période d'arrêt de travail pour
dépression.
Elle apprend la veille de son retour, qu'un vote a
été organisé par la direction parmi tous ses
collègues de travail, leur donnant le choix de conserver le poste de
Sandra ou d'avoir une prime de 1000 euros.
Ceux - ci ont choisi à 14 contre 2 le licenciement de
Sandra.
Avec l'aide de sa collègue et amie, elle obtient du
directeur que le vote soit refait le lundi matin, le contremaître ayant
usé de sa position pour influencer ses collègues.
C'est ainsi qu'elle va passer « deux jours et une nuit
» à rendre visite à tous ses collègues afin d'essayer
de les faire changer d'avis.
Ø Le Couperet
Bruno Davert était cadre dans l'industrie du papier.
Suite à la fusion et la délocalisation de son entreprise, il est
brutalement licencié. En perdant son travail, il perd son
identité.
Il devient agressif avec son entourage et replié sur
lui-même.
Apres 2 ans et demi de chômage, une idée fixe
germe dans sa tête : prendre la place du patron d'Arcadia, entreprise
renommée dans l'industrie papetière.
Pour atteindre son objectif, son plan est de tuer tous ses
concurrents potentiels jusqu'au patron de la société
lui-même.
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