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MINISTERE UNITE
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DE
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DEPARTEMENT DES
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FORMATION
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ENSEIGNEMENTS UNIVERSITE FILIERE
UnitéDE
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BURKINA
ET DE
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-ProgrèsHUMAINES PHILOSOPHIE:
PHILOSOPHIE
FASO
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-Justice
RECHERCHE
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SECONDAIRE DE OUAGADOUGOU
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-PSYCHOLOGIE EN
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ETSUPERIEUR SCIENCES
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LA PENSEE MORALE
AUX DEFIS DU
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THEME
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:
KANT COMME
MONDE CONTEMPORAIN.
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ALTERNATIVE
DE
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Sous la Direction de
Didace Zidahon GAMPINE Maître assistant de Logique
et Université de Ouagadougou
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Présenté
par
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BALIMA
Joseph
Epistémologie
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ü
DEDICACE
ANNEE ACADEMIQUE 2012-2013
Je dédie cet ouvrage :
ii
A mon épouse Rosalie et à nos enfants Junior et
Hodija qui ont dû souffrir de longs moments de séparation et
d'attente d'un mari, d'un père toujours occupé à trouver
une réponse à ses interrogations philosophiques.
ü A mes amis qui, d'une manière ou d'une autre
sont restés à mes côtés pour me soutenir et
m'accompagner dans ce travail.
ü A tous ceux qui croient en la philosophie en sa
capacité de former des citoyens épris de paix et
véritables bâtisseurs de leurs pays.
iii
REMERCIEMENTS
C'est pour nous un immense honneur d'exprimer nos
remerciements à l'endroit de notre Directeur de Mémoire, le
professeur Didace Zidahon GAMPINE, pour sa disponibilité, les
encouragements et les enseignements combien enrichissants qu'il nous a
apportés.
Nos sincères remerciements à notre cousine
Sidonie Wencouni Zoungrana et à la belle-soeur Henriette Kama
respectivement secrétaire-comptable et secrétaire, qui en plus de
nous exhorter et de nous relancer dans notre rédaction ont
entièrement contribué aux différentes saisies et
impressions de notre travail.
Nous tenons également à remercier nos amis
GUIGMA Marcel, 0UEDRA0G0 Boubacar tous inspecteurs de l'enseignement du premier
degré qui, après leurs encouragements ont accepté
sacrifier leur temps pour la préparationmatérielle de notre
travail, ainsi que K0LA Etienne Assistant en philosophie à
l'Université de Koudougou qui a su par moment nous guider sur la voie
des recherches.
Enfin,que toutes les personnes qui ont participé d'une
manière ou d'une autre à l'élaboration de ce document et
dont les noms n'ont pu être cités, trouvent ici l'expression de
notre reconnaissance et de notre gratitude.
INTRODUCTION
La morale peut renvoyer à l'ensemble des règles
diffuses dans une société qui exprime ses valeurs (politesse,
courtoisie, civisme) ou encore à des préceptes
énoncés explicitement par une religion ou une doctrine (morale
religieuse, philosophie morale, morale sociale). Elle est le socle de la
cohésion dans une société car si tout le monde faisait ce
qu'il a envie de faire, le monde serait invivable et l'humanité
disparaîtrait bien vite.
Malheureusement l'évolution de l'humanité telle
que nous laisse percevoir la réalité expose certains pays
à des tribulations : déceptions affectives, pertes de valeurs
morales, dérives politiques et religieuses, corruption ayant pignon sur
rue, propension d'un réseau tentaculaire de haine et de violence.
Le système des valeurs n'est plus soumis à la
pression de la contrainte sociale qui obligeait jusque-là l'individu
à interpréter sa vie pour lui donner un sens en fonction de la
finalité sociale. En un mot, la morale semble être vidée de
son sens.
Notons que la plupart des dérives d'autoritarisme,
d'individualisme prononcé, d'iniquité, de corruption
larvée,qui entachent le fonctionnement normal de nos
sociétés africaines d'aujourd'hui trouvent essentiellement leur
origine dans la perte des valeurs sociales et éthiques fondatrices. Et
il n'est pas exclu de présager de l'agonie progressive, l'effondrement
et la destruction totale de l'équilibre d'une communauté
désertée par la pratique de la vertu.
Conçue pour assurer l'épanouissement des
citoyens dans la société, leur liberté, les valeurs
morales se sont transformées en une véritable pathologie sociale.
L'individu est comme à l'état primitif où il demeurait un
loup pour son semblable selon Thomas Hobbes. Le monde contemporain se retrouve
dans ces conditions sans repères, sans recours ni secours. Il
apparaît comme un monde désolant, vidé de tout sens car la
grandeur et l'originalité véritable semblent l'avoir
déserté. Face à cette réalité, la recherche
de nouveaux repères en vue d'établir l'équilibre social et
de sauvegarder le vivre-ensemble parait primordial.
2
A quoi se fier ? A la philosophie en tant que discipline
réfléchissant sur le rapport de sens par la rationalité et
le libre examen, répond l'0rganisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture (Unesco). La philosophie en tant que
science humaine semble proposer une thérapie à travers sa
réflexion morale et éthique face à la perte des valeurs,
bref aux défis du monde actuel. Face à cet état de fait,
l'humanité entière semble réhabiliter la philosophie. Elle
qui avait préféré la condamner quelques siècles
bien avant à la ciguë au bénéfice de la science et de
sa fille la technique, recommande maintenant la promotion de cette discipline,
de sa pratique et de ses recherches comme une voie et un recours
nécessaire qui , grâce à sa force de réflexion
épistémologique , éthique et métaphysique, peut
aider à la réalisation de son idéal de sagesse et
d'équilibre. Dans ce contexte favorable à l'émergence
nouvelle de la philosophie et surtout au regard de la perte des valeurs
morales, il apparait opportun d'y apporter des remèdes d'où le
choix du présent thème : « LA MORALE KANTIENNE
COMME ALTERNATIVE AU DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN. »
Nous allons nous replonger dans les réflexions
philosophiques de Kant qui, bien que datant du siècle des
lumières, peuvent avoir une incidence sur la morale telle que
vécue par nos sociétés actuelles. Comme le précise
bien Auguste C0MTE « J'ai lu et relu avec un plaisir infini le petit
traité de Kant ; il est prodigieux par l'époque et, même si
je l'avais connu six ou sept ans plus tôt il m'aurait
épargné de la peine (...) La méthode est encore
métaphysique, mais les détails montrent à chaque instant
l'esprit positif(...) ».1 A partir de ce point de vue d'un
grand connaisseur et commentateur de Kant, nous soutenons que la philosophie
morale kantienne peut être une des voies pour penser et améliorer
l'humanité face aux défis actuels qui l'assaillent.
Notre réflexion sur la morale Kantienne se veut une
contribution à la résolution des dérives morales de
l'humanité actuelle. Elle se veut également une invite à
allier imagination, nécessité, courage et éthique afin de
garantir un monde
1 Auguste Comte, collection des éditions
Nathan, Paris, Nathan, 1994, p .83
3
de paix et de dignité où les
sociétés évolueront vers une organisation morale où
le désintérêt occupera une place déterminante.
Quelles sont les acceptions conceptuelles et historiques de la
morale ? Quels sont les défis qui se présentent au monde actuel ?
Quelle peut être la contribution de la morale kantienne à la
résolution des défis du monde contemporain ? Quels peuvent
être les enjeux et perspectives d'une morale du futur ?
En définitive, quel peut être l'apport d'un tel
recours à la philosophie morale de Kant ? Peut-elle nous aider à
mieux comprendre les défis du monde actuel et y trouver des solutions
durables ?
Telle est la question centrale à laquelle notre
réflexion veut répondre. Ainsi notre étude se compose de
trois grandes parties :
Dans la première partie nous ferons une clarification
conceptuelle et historique de la morale selon les différentes
époques de la vie de l'humanité et la mise en exergue de quelques
défis du monde contemporain nous paraîtra opportune.
Dans la deuxième partie nous ferons l'économie
de la philosophie morale de
Kant.
Enfin nous dégagerons les enjeux et les perspectives d'une
morale du futur pour faire face aux défis de l'humanité
actuelle.
PREMIERE PARTIE
MORALE ET DEFIS DU MONDE
CONTEMPORAIN
4
5
HAPITRE I : ELUCIDATIONS CONCEPTUELLES ET
HISTORIQUES
I .1 Définition de la morale
D'où vient le fait que l'homme soit capable de se poser
la question de la morale ? La réponse à cette question nous
permettra d'aborder la question de la définition de la morale. Disons au
moins dans une première approche que les animaux eux ne se posent pas la
question morale.
D'où vient-il que je me pose la question du Que dois-je
faire ? Qu'est-ce bien faire ? Cette question du « Que faire ?»montre
que la morale porte d'abord sur le domaine de l'action !Comment réguler
l'action ? En fonction de quoi ? En vue de quoi ? Comment
réfléchir le sens d'une action ?
Au regard de ces questions,deshommesdes femmes ont
élaboré des théories morales ou éthiques nombreuses
et parfois opposées. Ce qui est difficile lorsque nous regardons de
près c'est qu'ils utilisent un vocabulaire semblable parfois identique
et pourtant ils ne leur attribuent pas la même signification. En
général, le mot éthique est considéré comme
plus moderne que celui de la morale qui renvoie à la conduite
individuelle pour les uns et pour d'autres aux règles sociales.
Etymologiquement « morale » vient du
latin(philosophias) moralis, traduction par Cicéron du
grec taeqika.L'« Éthique » quant à
elle vient du grec éthikè qui pourrait être
traduit mot à mot par « comportemental». Le terme
apparait chez le philosophe Aristote, qui fut le premier à forger
l'expression éthikèthéoria pour désigner
un savoir « relatif à la façon de se
comporter». La différence entre ces deux termes est infime
dans le domaine de la philosophie. Ainsi selon Kant, la morale est la
faculté de porter des jugements de valeur fondés sur la
distinction du bien du mal. Quant à l'éthique, elle est la
réflexion théorique sur de tels jugements et leur
élaboration en un système normatif et rationnel.
Philippe MEIRIEU, abondant dans ce sens fait une distinction
nette entre morale et éthique. Selon lui, « la morale est un
ensemble de normes sociales concernant le comportement
6
des individus dans une organisation sociale donnée et
régies par un système de valeurs
déterminées.
2
En revanche, nous désignons par éthique
l'interrogation d'un sujet sur la finalité de ses actes. »
Ainsi entendue, l'éthique a nous semble-t-il une
primauté de droit sur la morale, en ce qu'elle amène l'individu
à réfléchir sur la finalité de ses actes,
même si les morales ont chacune une antériorité de fait sur
l'exigence éthique.Mais la décisionéthique concerne
à tout moment chaque homme dans son rapport à lui-même,
à autrui, ainsi qu'à la communauté sociale et politique.
La visée éthique étant orientée vers la
capacité de l'homme à faire usage de la raison dans sa conduite
sociale doit réussir à s'incarner en des règles morales et
on doit toujours pouvoir recourir à l'éthique quand la norme
sociale conduit à des impasses pratiques. C'est ainsi que
l'éthique en tant que valeur citoyenne ne se réduira pas à
un simple processus d'intégration sociale mais se donnera ainsi pour fin
la recherche des conditions de l'émergence d'une liberté. C'est
par l'éthique que certaines valeurs citoyennes telles que la conscience
professionnelle, la probité, l'intégrité et surtout la
solidarité peuvent véritablement se manifester dans la
société.Les deux termes désignent ce qui a trait aux
moeurs, au caractère, aux attitudes humaines en général et
en particulier, aux règles de conduite et à leur
justification3 . Aussi,« la morale constitue avant tout un
discours destiné à orienter certains types d'action, entre autres
celui par lequel les individus communiquent entre eux, influencent leurs
attitudes respectives et modifient leurs comportements4
Ces principes varient selon la culture, lescroyances, les
conditions de vie et les besoins de la société. Ils ont souvent
pour origine ce qui est positif pour la survie de l'ethnie, dupeuple, de la
société. Si de tels principes sont en outre positifs pour
l'ensemble des ethnies, des peuples ou des sociétés de la Terre,
on peut les considérer comme faisant partie de la morale universelle.
0n distingue en général deux grandes conceptions
de la morale :
2 Philippe, (M). (1999).Le choix d'éduquer
(éthique et pédagogie).Paris : ESF page11.
3 Weil (Eric),Morale in
EncyclopaediaUniversalis, Paris 1989
4 Marcel(Boisot), La Morale cette imposture,
Edition le pré aux clercs page 36.
7
0bjectiviste : les lois morales ne dépendent pas de
l'homme mais des lois de la nature, de commandements divins ou des lois de la
raison. Elles ont un caractère universel, éternel, absolu,
normatif. Elles ne peuvent être ni changées ni
supprimées.
Relativiste : les valeurs morales ont une origine humaine.
Elles sont définies par la société ou par l'individu
lui-même et varient d'une société à une autre.
La philosophie morale aborde avec la seule autorité de
la raison, la question de la finalité de l'action humaine et cherche
à éclairer les choix pratiques et en particulier la prise de
décision : Que dois-je faire ? Qu'aurais-je dû faire ? Y a-t-il
des limites à mon action ? Les philosophes divisent la morale en trois
domaines dont les limites ne sont pas toujours parfaitement liées :
Meta-éthique : entendue comme la recherche des
origines et du sens de nos concepts moraux.
Morale ou éthique normative qui concerne les
critères de nos comportements (habitudes, devoirs, conséquences
de nos actes).
Morale ou éthique appliquée : application des
deux premières à des problèmes spécifiques et
controversés (par exemple avortement, environnement, droitdes
animaux).
Cette définition montre rapidement les deux lieux
d'investigation de la morale : d'une part les règles de conduite, les
lois ou les normes diverses et d'autre part tout ce qui a trait à leur
justification, aux principes et aux valeurs qui étayent les lois mises
en place.
I.2 La morale dans l'Antiquité
Il convient déjà de noter que la perception de
la philosophie présocratique comme une philosophie de la nature est
assez réductionniste. En plus d'être une philosophie de la nature,
elle s'intéresse au poli notamment au bonheur de l'individu dans la
cité. Epicure est un des représentants de la philosophie
morale
8
dans l'antiquité grecque. Nous connaissons
l'épicurisme qui est une école philosophique qu'il a
fondée à Athènes en 306 avant Jésus Christ. Cette
école entrait en concurrence avec une autre grande pensée de
l'époque, le Stoïcisme fondé en 301 avant Jésus
Christ. L'Epicurisme est axé sur la recherche d'un bonheur et d'une
sagesse dont le but est l'atteinte de l'ataraxie5c'est-à-dire
l'absence d'agitation, la tranquillité de l'âme et de l'esprit.
L'enseignement d'Epicure vise à rendre l'individu
heureux en lui montrant comment se hisser au plaisir absolu qui naît de
l'ataraxie. Pour lui, toute sa vie durant, l'homme est à la recherche du
plaisir, qui est lié à la satisfaction de nos divers besoins.Dans
sa lettre à Menécée, Epicure écrit : «
Nous affirmons que le plaisir est le commencement et la fin de toute vie
heureuse car nous avons reconnu ceci comme le premier bien né avec nous
et c'est par rapport à lui que nous commençons tout choix et tout
refus la racine de tout plaisir est le plaisir du ventre, même la sagesse
et la culture doivent lui être rapportées...quand la chaircrie,
l'âme crie. »6 La morale épicurienne est donc
une morale du plaisir. Selon Epicure les sensations douloureuses de l'âme
naissent dans la non satisfaction de notre besoin alors que les sensations
positives qu'il appelle plaisirs naissent de la satisfaction de ces mêmes
besoins.
L'homme selon Epicure recherche toute sa vie durant les
sensations négatives ou douloureuses. La recherche du plaisir est donc
l'axe d'orientation principale de nos conduites et attitudes. C'est la
recherche du plaisir qui oriente tous nos choix à tous les niveaux.
Ainsi les critères du bien et du mal sont ramenés à un
niveau psychosomatique c'est-à-dire au niveau de la sensation et non du
plaisir.
Dans sa pédagogie philosophique du bonheur, Epicure
trace deux voies complémentaires. L'élaboration d'abord d'un
ensemble de concepts qui constituent une cosmologie ou une physique qui permet
à l'homme de vaincre toutes les fausses craintes qui le rendent
malheureux.Ensuite l'élaboration d'une technique de
5Epicure, Lettre à
Ménécée, in Doctrines et maximes, Hermann, p.79.
6http: // philia-oneline-fr /text
/cpcr_001.php.consulté le 16 Août 2012 à
22h12.
9
quête de plaisir qui paradoxalement inclut beaucoup
d'ascétisme'et de plaisir pour accéder à
l'ataraxie.L'homme doit donc savoir se débarrasser de la peur et des
craintes et rechercher le vrai bonheur. 0r l'homme vit en permanence dans la
crainte des dieux, de la mort, du chagrin et de la douleur. Pour vaincre la
crainte des dieux, Epicure dans son enseignement démontre que le monde
est fait d'atomes qui s'agrègent et se désagrègent au fil
de l'histoire. Les dieux sont faits d'atomes ainsi que chaque être
existant.Ainsi, les dieux vivent un bonheur parfait qu'ils ne
sauraientaltérer en se mêlant aux problèmes des hommes.Les
hommes de ce fait n'ont pas de compte à rendre aux divinités
lesquelles d'ailleurs n'ont rien demandé aux hommes.
De même nous ne devons pas avoir peur de la mort, caril
n'y a pas une vie de l'âme en dehors du corps.Unique au corps,
l'âme meurt en même temps que lui. Ainsi, « la mort n'est
rien pour nous, aussi longtemps que je suis là, elle nÿest point,
et dès qu'elle arrive c'est moi qui nÿsuis plus. La mort ne nous
est rien car ce qui est privé de sensation n'est rien pour nous.
»8
S'agissant de la crainte du chagrin et de la douleur, la
morale épicuriennetrouve qu'elle résulte d'une
méconnaissance du fonctionnement du monde.Le monde est le lieu
d'agrégation et de désagrégation des atomes dont la
logique et le temps échappent à l'être humain.C'est cette
méconnaissance qui apporte le chagrin où il n'y a que psychologie
des événements qui créent la crainte.
L'homme ainsi débarrassé des différentes
sources de peur et de crainte définit sa pédagogie du bonheur par
le plaisir.Mais il convient avant toute chose,de savoir ce que le plaisir n'est
pas et ensuite ce qu'il est véritablement. Car,« lorsque nous
disons que le plaisir est un bien principal,nous ne parlons pas des plaisirs de
l'homme débauché ou de ceux qui reposent dans le plaisir car ce
ne sont pas les beuveries ou les orgies continuelles qui rendront la vie
agréable »9Le véritable plaisir pour
l'épicurisme se définit
8 Epicure, Lettre à Menacée, in
Lettre, Nathan, P76-77.
9Jacques (Brunschwig), « Epicure »in
collectif, philosophie grecque, Paris, Puf, 1998, p447.
10
comme une absence de douleurs et de troubles intérieurs
résultant d'une vie équilibrée.Ceci résiderait non
pas dans la satisfaction positive et quantitative des plaisirs mais dans leur
restriction.Trois catégories de plaisirs sont donc à accepter ou
fuir pour l'atteinte du bonheur de l'individu.Les plaisirs qui sont à la
fois naturels et nécessaires qu'il faut poursuivre avec
modération comme boire quand on a soif et dormir quand on a sommeil. Les
plaisirs qui sont naturels mais non nécessaires comme boire du vin quand
on a soif.Les plaisirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires qu'ils
convient de fuir comme ceux du luxe.
La recherche du plaisir sain par l'individu après que
celui-ci ait philosophé pour se débarrasser des
différentes sources de craintes et de peur est pour l'épicurisme
la voie saine pour atteindre le bonheur.
I.3 La morale des temps Modernes
Jean Jacques Rousseau est l'un des plus illustres philosophes
du siècle des Lumières et eut une influenceintellectuellereconnue
sur la révolutionFrançaise. Arthur Schopenhauer le
considère comme le «plus grand des moralistes modernes
». Schopenhauer disait : « Ma théorie a pour elle
l'autorité du plus grand des moralistes modernes : car tel est
assurément le rang qui revient à Jean Jacques Rousseau, à
celui qui a connu si à fond le coeur humain, à celui qui puisa sa
sagesse non dans les livres ,mais dans la vie ; qui produisit sa doctrine non
pour la chaire, mais pour l'humanité ; à cet ennemi des
préjugés, à ce nourrisson de la nature , qui tient de sa
mère le don de moraliser sans ennuyerparce qu'ilpossède
la vérité et qu'il émeut les coeurs
.»10 Il faut cependant souligner d'emblée que
le principe de la pitié définie par Rousseau dans
différentes oeuvres peut bien apparaître comme un mystère
difficile à expliquer. Les spécialistes de la question
comme Paul Audi reconnaissent ainsi qu'elle pose «
des problèmesdoctrinauxinextricables. »11
Mais au-delà de ces problèmes notre propos sera de montrer en
quoi la pitié peut être considérée comme la
condition de
10 Arthur (Schopenhauer), trad A- Burdeau, Le fondement de la
morale, Paris, Aubier-Montaigne, 1978,p 162. 11Pierre(Audi),
Rousseau, Ethique et passion, Paris, puf 1997 p 137.
11
reconnaissance de l'autre et donc comme un fondement de la
morale. Ce faisant nous essaierons de voir en quoi la pitié est à
l'origine de tout sentiment d'appartenance et de toute communauté.
Dès le discours sur l'inégalité Rousseau
a défini ce «principe de l'âme» qu'est la
pitié. En voulant renouveler la connaissance de l'homme,
ilélabore une anthropologie dont le but est une
réductiongénétique destinée à voir ce qu'il
est, abstraction faite de l'évolution historique. Ainsi, deux principes
pré rationnels sont mis en évidence par Rousseau ; l'amour de soi
et la pitié lorsqu'il s'exprime : «Méditant sur les
premiers et les plus simples opérations de l'âmehumaine,
jÿcrois apercevoir deux principes antérieurs à la raison
dont l'un nous intéresseardemment à notre bien-être et
à la conservation de nous-mêmes et l'autre nous inspire une
répugnance à voir périr ou souffrir tout être
sensible etprincipalement nos semblables. »12
Rousseau veut dire ici deux choses .Tout d'abord que l'homme
est naturellement porté à se préférer
lui-même à tout autre dans la vie. Il peut donc en certains cas
s'opposer violemment à un autre si sa vie en dépend. Mais il
n'est ni naturellement ni gratuitement méchant ou pervers, car sa
brutalité ne va pas au-delà de ses intérêts. En
cesens, la méchanceté n'est pas le propre de l'homme social et de
sa raison raisonneuse. Ensuite, Rousseau montre chaque homme comme tout
être vivant, éprouve une aversion innée pour la souffrance
d'autrui. Aussi, la pitié n'est-elle pas le fruit d'un raisonnement qui
viendrait tempérer la brutalité de ses affections. C'est un
moment instinctif et naturel, en deçà de tout raisonnement. Si le
triste spectacle du monde ne nous permet pas souvent de le voir à
l'oeuvre, c'est que la facilité des passions sociales est parvenue
à l'étouffer. Pour ne pas être en contradiction avec sa
conscience, il suffit de « s'argumenter un peu » comme dit Rousseau.
Mais, « l'homme sauvage n'a point cet admirable talent et faute de
sagesse et de raison, on le voit toujours se livrer étourdiment au
premier sentiment de l'humanité.»13. Pour Rousseau,
la pitié vient donc modérer dans chaque individu
l'activité de l'amour en
12 Rousseau(J.J), op, cit, préface,
p125-126.
13 ibidem p. 156
12
soi-même. En cela, elle concourt à la
conservation de l'ensemble de l'espècequi, sinon, serait promise
à une rapide extinction.
Dans l'Essai sur l'origine des langues, Rousseau note que la
pitié nécessite le support de l'imagination et de lumières
pour que chacun puisse êtretouché par la souffrance de l'autre.
Pour lui, « la pitié bien que naturelle au coeur de l'homme
resterait éternellement inactive sous l'imagination qui la met en
jeu(..) Comment imaginerai-je des mots dontje n'ai aucune idée ? Comment
souffrirai-je en voyant souffrir un autre sije ne sais même pas qu'il
souffre, si j'ignore ce qu'ilya de commun entre lui et moi ? Celui qui n'a
jamais réfléchi ne peut être ni clément ni pitoyable
; il ne peut pas non plus êtreméchant et indicatif. Celui qui
n'imagine rien ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre
humain. »14
La pitié permet en effet la naissance et l'affirmation
de toute conscience morale. Comme nous l'avons vu, la pitié
tempère en l'homme l'instinct de l'amour de soi-même. Cette
modification opérée à la fois par le sentiment et la
raison «produit l'humanité et la vertu
».15La pitié est donc l'appui naturel et
pré-rationnel de toute morale. L'important pour nous est alors de bien
voir que dans la société, les hommes forment une
communauté morale : « De cette seule qualité (la
pitié), découlent toutes les vertus sociales. En effet, qu'est-ce
que la générosité, la clémence, l'humanité,
sinon la pitié appliquée aux faibles, aux coupables, ou à
l'espèce humaine en général ? La bienveillance et
l'amitié même sont à bien prendre, desproductions d'une
pitié constante fixée sur un objet particulier : car
désirer que quelqu'un ne souffre point, est-ce autre chose que
désirer qu'il soit heureux ?16
I-4La morale dans les sociétés
contemporaines.
La morale religieuse est l'ensemble des règles ou des
positions que prend la communauté religieuse pour conduire les croyants
vers un objectif religieux conformément à leur foi.
Elleénonce ainsi divers préceptes d'actions qui peuvent
être relatifs aux rapports avec autrui, à l'emploi du temps,
aurégime alimentaire ou à
14ROUSSEAU(J.J), Essai sur l'origine des
langues, Paris Gallimard « folio », 1990, p 92.
15 ROUSSEAU(J.J),op, cit, note XV p 219.
16 Ibidem p .155
13
des questions plus précises. Par exemple : manger du
poisson le vendredi, jeûner pendant le ramadan, ne pas avorter, respecter
le repos dominical, avoir une attitude de non-violence. La morale religieuse
peut plus ou moins se rapprocher des lois et commandementsédictés
dans les textes sacrés.F'
L'éthique chrétienne est élaborée
à partir de Jésus Christ qui est la norme concrète et
plénière de toute activité morale. Le chrétien
reçoit de Lui, la liberté d'accomplir la volonté de Dieu
et de vivre sa destinée de libre enfant du Père qui est le Dieu
du très-haut. Le Christ, Fils de Dieu est l'impératif
catégorique concret. En effet, il n'est pas seulement une norme formelle
universelle de l'action morale susceptible d'être appliquée
à tous, mais une norme concrète personnelle.
Ainsi, le chrétien qui vit la foi est en droit de
fonder sa conduite morale sur sa foi. C'est du point de vue du Christ,
c'est-à-dire de la foi que le chrétien arrêtera les options
profondes de sa vie.
Dans une société non sécularisée,
la religion joue un rôle fondamental pour légitimer le pouvoir et
la morale en usage. L'0ccident christianisé n'a pas
échappé à ce modèle, au contraire les Eglises ont
joué ce rôle dans les sociétéseuropéennes
jusqu'à l'avènement de la modernité.
Malgré leurs divergences théologiques, les
théologies classiques (catholique et protestante), se referaient chacune
à leur manière à un ordre relationnel ou naturel qu'elles
justifiaient à partir des récits de la Bible. Quelles que soient
les subtilités ou les catégories plus ou moins divergentes que
les unes ou les autres de ces théologies employaient, elles
établissaient que la conscience de l'homme créé à
l'image de Dieu fonctionnait comme une « loi naturelle »,
qui s'accordait avec la « loi divine ».
Ce présupposé ouvrait deux perspectives. D'une
part, il expliquait pourquoi les peuples païenségarés dans
l'idolâtrie, avaient gardé malgré tout dans leurs
sociétés des traces de vérités et de
moralité conforme au judéo-christianisme. D'autre part, il
fondait l'idée qu'il existait une morale naturelle universelle. Cette
morale naturelle et universelle était formulée à, partir
des valeurs qui
17Www .Wikipédia-la-morale-et-la religion
consulté le 1/11/2012.
étaientprésentent dans les
sociétés non chrétiennes et que la bible semblait
confirmer. Par exemple, l'interdiction du meurtre, de l'adultère, du
vol, du faux témoignage et la convoitise faisait la preuve pour les
théologies classiques de l'existence d'une morale naturelle et
universelle concernant la famille, la propriété, le travail
etc....
La bible est la source principale de la morale
chrétienne qui trouve son fondement dans l'amour que le chrétien
doit développer envers son prochain. L'histoire du peuple de Dieu dans
la traversée du désert d'Egypte conduit par Moise18
dans le but d'atteindre la terre promise nous montre que la loi donnée
par Dieu exprime une volonté de bien et de bonheur en y donnant des
interdits : « tu ne feras de Dieu une idole ! Tu ne tueras pas ! Tu ne
voleras pas ! Tu ne mentiras pas ! Tu ne prendras pas la femme de ton prochain
!... »19 Ainsi la communauté chrétienne,
à travers les préceptes moraux édictés dans la
bible trouvait une voie d'accès au bonheur à travers le respect
de ces préceptes.
Le Christ, modèle et aboutissement de la morale
humaniste chrétienne, est pour nous la référence et le
critère en matière de morale. L'humain est donc le but et la
finalité de la loi et donc de la morale.
14
18 Exode 13.Verset 17 à22 Bible traduction
Louis Segond p76
19 Exode 20 .Verset 13 à17 Bible traduction
Louis Segond p84.
15
HAPITRE II REFLEXION SUR LES DEFIS DU MONDE
ONTEMPORAIN
II.1 La crise de la citoyenneté
La citoyenneté reste une question vive du monde actuel,
un principe régulateur à réaffirmer mais aussi à
enrichir et à adapter aux nouveaux contextes. Il convient de signaler
d'abord que la citoyenneté peut comme étant l'appartenance
à un Etat. Elle donne à l'individu un statut juridique auquel
sont reconnus des droits et des devoirs particuliers. Ce statut dépend
des lois propres à chaque Etat, et l'on peut dire qu'il y a autant de
types de citoyens que de types d'Etats.2° La citoyenneté
est aussi un ensemble de pratiques citoyennes, telles que la participation
à la vie publique de la cité. Ces pratiques citoyennes de
participation active à la vie collective, créent un dynamisme
dans la communauté et contribuent à la stabilisation et à
l'apaisement du climat social, puisqu'elles permettent d'intégrer toutes
les couches populaires ; notamment ces classes laborieuses qui, souvent vivent
en marge de la vie de la cité.
La citoyenneté a surtout des valeurs qui lui sont
spécifiques. Il s'agit de la civilité, du civisme et de la
solidarité. La civilité21 selon Dominique Picard,
(professeur de psychologie sociale à l'Université de Paris 13),
« est un ensemble de règles proposant des modèles de
conduites adaptés aux di~~érentes situations sociales
». Elle est le respect des règles de la vie commune dans les
lieux publics. En d'autres termes, elle est une attitude de respect à la
fois à l'égard des autres citoyens, mais aussi à
l'égard des bâtiments et lieux de l'espace public. C'est une
reconnaissance mutuelle et tolérante des individus entre eux.
Le civisme quant à lui, « désigne le
respect, l'attachement et le dévouement du citoyen pour son pays ou pour
sa collectivité dans laquelle il vit ».22Le civisme
consiste à titre individuel, à respecter les lois et les
règles en vigueur, mais aussi à avoir conscience de ses devoirs
envers la société. De façon plus générale,
le civisme est lié à un
20Canivez,(P), Eduquer le citoyen ? Essai et
textes, Paris, Hatier-227, 1990, p 11.
21
http://fr.wikipedia.org
(consulté le 28/01/2010)
22http://.www.toupie.org(consulté le
26/01/2010)
16
comportement actif du citoyen dans la vie quotidienne et
publique. C'est agir pour que l'intérêtgénéral
l'emporte sur les intérêts particuliers.
Si telles sont les définitions possibles de la
citoyenneté concept de philosophie politique mieux de démocratie,
il faut reconnaitre qu'elle est aujourd'hui en crise un peu partout dans le
monde. En effet, si les principes de la citoyenneté impliquent un
ensemble de valeurs nobles, on observe cependant, que les faits
démentent dans la réalité cette présupposition
logique.
La crise citoyenne ne date pas de nos jours,
déjà dès l'antiquité, Socrate avait pu observer les
dérives de la démocratie et les déchéances morales
de ses concitoyens. Karl Marx va quant à lui dénoncer «
la boulimie du capitalisme, sa cruelle tactique d'exploitation de l'homme
par l'homme par la plus-value et surtout son fondement qui se trouve
23
être l'incarnation de la négation de l'humanisme
».
24
Martin Luther King avant de tomber sous les coups des balles
assassines, s'était permis un rêve. Le rêve de voir un monde
où les discriminations raciales, l'injustice, la violence, les guerres
et la misère sous toutes ses formes disparaitraient. Un rêve dans
lequel, l'homme faisant fi des hécatombes qui jonchent la route de son
histoire, le regard rivé sur son créateur, ferait de l'homme non
pas un ennemi mais un frère ; non pas comme un redoutable adversaire,
mais un partenaire à qui, il faudrait tendre la main avec amour pour
construire une société de paix, de tolérance et de
justice. Certains leaders africains comme Senghor, et Cheik Anta-Diop(bien
qu'ayant des divergences idéologiques) voyant la déroute
culturelle, identitaire, et socio-économique des sociétés
africaines face au colonialisme, vont prôner la nécessité
pour les africains de prendre en charge leur propre destin dans ce monde en
perpétuelle mutation.25
Les années ont passé, mais les grands
problèmesdénoncés par ces visionnaires existent toujours
et même la crise citoyenne persiste encore.Ce qui est
caractéristique à notre actualité, c'est la naissance
depuis 2008 d'une crise financière
23 Marx (Karl),Le Capital (critique de
l'économie politique). Paris : Editions sociales.1978. Page 210
24 Luther-King(M), J'ai fait un rêve
.Paris :Bayard Edition.1985, Page 87.
25
http://www.uqac.ca.jmt sociologue
(site relatant le combat de Senghor et de Cheik Anta-DIOP) consulté le
28 /01 /2013.
17
sans précédent. Cette crise financière
aboutira à une crise sociale. Un peu partout dans le monde, les
populations battent les pavées du macadam pour réclamer un
mieux-être ; Ces manifestations dénommées « marche
contre la vie chère » vont atteindre le Burkina Faso.C'est ainsi
qu'à l'appel des organisations syndicales, de la société
civile et des parties politiques les villes de Bobo-Dioulasso, 0uahigouya et
Banfora connaitront de violentes manifestations en 2008. La ville de
0uagadougou sera à son tour, le jeudi 28 février, le
théâtre d'actes de vandalismes sur des biens privés et
publics.
Le rejet de l'autre à cause de sa différence se
manifeste de façon implicite ou explicite dans toutes les
sociétés par le repli identitaire, le racisme,
l'intégrisme, le terrorisme et les guerres.
Les Grecs, dès l'antiquité, pour vanter les
bienfaits du sport sur l'esprit et le corps clamaient fièrement ce
slogan « mens sana in corporesano », ce qui veut dire «
un esprit sain dans un corps sain ». Mais le sport est devenu de
nos jours une véritable source de violence. Les actes de violence dans
le sport ont connu en effet, une augmentation régulière depuis
quelques années, et les medias s'en font régulièrement
l'écho. Ils touchent tous les sports et tous les âges, peuvent
émerger brutalement n'importe où, et prendre des formes
variées (violences entre pratiquants, envers l'arbitre, des supporteurs
entre eux, ...).
Que dire de la vie dans nos villes ? De certains actes anodins
qui sont pourtant un véritable indicateur de la crise citoyenne. Il
s'agit de la simple salutation des voisins. Combien de personnes se donnent
encore le temps de la faire correctement ? Citoyenneté ne veut-il pas
aussi dire bien vivre ensemble ? Les muezzins des aurores, les hurlements des
pseudos prédicateurs de l'évangile qui pensent que leur boucan
pourrait attribuer aux ouailles le ticket d'entrée au paradis.
La circulation dans nos villes se fait d'une manière
peu conforme au code de la route ; faufilant entre les nids de poules et les
flasques d'eau, les usagers de la route n'ont qu'un objectif : passer. Les
motocyclistes sont souvent obligés de rouler la poitrine bombée
et la tête alerte afin de pouvoir feinter les projectiles de morve
18
ou l'averse de crachat que peut leur lancer à
l'improviste le motocycliste précédent ; de même, doit-il
beaucoup faire attention, aux véhicules qui sont devant lui, car
à tout moment peuvent furtivement en sa direction des sachets d'eau, des
peaux de bananes, d'oranges, des coques d'arachides et même des
mégots de cigarettes qui peuvent malencontreusement atterrir sur son
visage. De nouveaux moyens de transport viennent compliquer la gestion de la
circulation dans les villes africaines, c'est le cas des mototaxis, des
tricycles et de la prolifération des taxis.L0URDES Diaz
0livera(chercheur, laboratoire d'Economie des Transports,
ENTPE-Université de Lyon2-CNRS), faisant une réflexion sur les
causes de la mauvaises circulation dans les villes africaines, fait remarquer
que, « dans plusieurs villes africaines, une nouvelleforme de
transport artisanal tend à s'imposer rapidement : le taxi-moto. Ce mode
de transport satisfait une partie importante des besoins de transport mais
suscite aussi de nombreuses critiques de la part des usagers, des autres
opérateurs de transportpublic et des autorités en ce qu'il
crée souvent du désordre dans la circulation.
»26 La pauvreté dans nos villes devient
désormais un défi trop immense pourêtre facilement
relevé. La femme qui de sa maison, jette sans sourciller une grande
bassine d'eau remplie de déchets et d'arrêtes de poisson ne sait
pas qu'elle a manqué d'éclabousser le pauvre passant qui a eu le
malheur d'emprunter ce chemin au même instant. Elle a aussi
contribué à crever le pneu du motocycliste dont la roue fragile
n'a pu résister à la charge de l'arête de poisson. Ce qui
fait dire au Premier Ministre burkinabé Luc Adolphe Tiaoque, «
l'incivisme, tout le monde en parle aujourd'hui, tout le monde le vit en
ville comme en campagne. L'incivisme, ce sont ces personnes qui ne respectent
plus les feux de signalisation et qui roulent sur les voies publiques comme
s'ils étaient dans leur cour. L'incivisme, ce sont encore ces jeunes
élèves de Niangoloko et de Imasgo qui séquestrent leur
proviseur dans son bureau ou dans les toilettes du lycée
».27
26diaz@entpe.FR Consulté le
25/01/2013.
27S.E Luc Adolphe (TIAO), Discours inaugural du
forum national sur le civisme ; Ouagadougou 30-31 Mai 2013
19
Dans d'autres cas, les conséquences des actes anti
citoyens sont incalculables. Il suffit de voir le sort réservé
par les marcheurs pendant les grèves aux feux tricolores, aux panneaux,
aux routes, aux biens publics et aux biens privés. Plusieurs
années d'investissement et de sacrifice sont en un instant totalement
détruit par une force aveugle et dévastatrice. Le
développement de la petite délinquance dans les
sociétésindustrialisées depuis ces dernières
années, préoccupe autant les pouvoirs publics que les personnes
qui se sentent désorientées devant l'insécurité
croissante de l'environnement social.
Enfin sur le plan environnemental, il faut noter la pollution
de la nature par les industries. Le péril environnemental est aussi
dû à l'action de l'homme sur la nature par la coupe abusive du
bois, la divagation des animaux et même les feux de brousse. Un autre
phénomènerécurrent de la pollution de notre environnement
est l'invasion de sachet. Pourtant la loi n°005/97/ADP du 30/01/97
précise dans son titre 1 chapitre 2 les dangers des déchets sur
l'environnement. Malgré les différentes sensibilisations sur
l'écocitoyenneté, un comportement intègre et distinctif de
respect et de la protection de l'environnement a encore du chemin à
faire. Aucun milieu n'est épargné, aucun milieu n'en fait
l'exception. Apres une manifestation, on peut constater des sachets plastiques
et autres déchets tapisser le sol car ayant été
jetés en toutes insouciance par individus. Combien sont-ils dans nos
villes et campagnes qui, après avoir bu de l'eau ou mangé un
casse-croute va rechercher une poubelle pour jeter le sachet ou le papier ?
Nous n'avons pas eu ici la prétention de citer toutes
les manifestations de la crise citoyenne. Nous n'avons fait
qu'énumérerquelques-unes qui peuvent l'objet d'une base de
réflexion critique. Ce faisant que peut-on dire de la crise de la
démocratie ?
II-2 La crise de la démocratie.
Le célèbre discours en faveur du multipartisme,
prononcé par feu le
présidentfrançaisFrançoisMitterrand, au 16e
sommet France-Afrique tenu à la Baule
20
du 19 au 21 juin 1990, a été salué par
des liesses populaires, tant il était porteur d'espoir pour les pays
africains. Maisaprès deux décennies de mise en oeuvre, le constat
est amer voire alarmant. Le continent est fortement éprouvé par
des crises interminables, des violences sans précédent avec leurs
cortèges de maux sociaux. Cette réalité est surtout
liée au fait que l'idéaldémocratique a été
déformé par des pratiques peu orthodoxes.
Dans une véritabledémocratie, le
détenteurdu pouvoir est le peuple souverain. Les citoyens ne pouvant
tous exercer cette souveraineté, ils délèguent leur
pouvoir à un nombre restreint d'élus qui l'exercent à leur
place. Ces personnes sont désignées à travers des
élections libres et transparentes. Ainsi, le pouvoir exercé par
les élus l'est au nom du peuple qui le lui a temporairement
transféré et à qui ils doivent rendre compte.
Malheureusement, plusieurs pays du Tiers-Monde présentent une
démocratie de façade, caricaturée. L'on fait certes parler
les urnes, mais le résultat n'est pas l'expression de la volonté
souveraine du peuple, mais plutôt de la puissance du prince. C'est contre
toute attente dès le début des années 1990, qu'intervient
pourtant une succession de régressionsdémocratiques, en
particulier en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs. En
octobre 1993, le premier président librement élu du Burundi est
assassiné. La même année, le Congo-Brazzaville connait la
première d'une succession de guerres civiles meurtrières.
Le génocide rwandais d'avril 1994, est le premier
reconnu, qui fait un million de morts. Deux ans plus tard, le régime au
Zaïre voisin, en pleine déliquescence, tombera sous l'assaut des
rebelles, soutenus par des troupes rwandaises. Mais, la rébellion fait
immédiatement face à des soulèvements armes, entrainant
l'intervention militaire d'au moins quatre Etats de la région (Rwanda,
0uganda, Angola, Zimbabwe) aux cotés des différentes factions,
avant que le président ne soit assassiné le 16 octobre 2001.
21
Le 24 décembre 1999, la Cote d'Ivoire bascule dans une
longue phase d'instabilité, suivie du déclenchement d'une
rébellion armée le 19 septembre 2002 qui entraine la partition du
territoire du pays avec son cortège de charniers, et de civils
tombés sous des balles assassines. Cette situation a perduré
jusqu'en mars 2011 ou c'est finalement dans un bain de sang que le
président illégitime et illégal a été
délogé afin que la force revienne au droit.
Le Kenya, qui semble sur le chemin de la démocratie,
où la réélection du président au pouvoir en
décembre 2007 est accueillie par de sanglantesémeutes opposant
ses partisans à ceux de son adversaire, faisant plus de mille morts et
trois cent mille déplacés.
En aout 2008, le premier
présidentdémocratiquement élu de la Mauritanie est
renversé par son adversaire. Le 23 décembre de la même
année, le président guinéen meurt après avoir
porté entorse à la démocratie en gérant le pays par
une main de fer. Il est immédiatement remplacé par une junte
militaire, au bilan catastrophique en matière de droits humains, avant
d'être de facto écarte du pouvoir quelques mois plus tard.
En mars 2009, comme par contamination, le
présidentbissau-guinéen, Nino Viera, et son chef d'état
--major des armées sont assassinés coup sur coup, au moment
où le pouvoir et l'armée étaient gangrénés
par le trafic de la cocaïne, dont le paysétait devenu une plaque
tournante. C'est le même son de cloche dans l'océan Indien,
où Madagascar vit depuis mars 2009 avec un président de facto,
après le départ forcé du pouvoir du président
élu.
Au Niger voisin, l'obstination du président Tanja
à modifier la constitution pour prolonger son mandat, puis à
organiser des législatives en dépit des pressions
22
régionales et internationales, a conduit à son
renversement par les militaires en février 2010.
Tout récemment et plus précisément le 11
mars 2012 au Mali, alors que le
présidentdémocratiquementélu s'apprêtait a
organisé des élections auxquelles il ne se représentait
plus, il fut débarqué par des troupes armées islamistes
soutenues par des combattants venus de la Lybie de l'ère Kadhafi pour
réclamer la partition du pays pour mal-gouvernance.
Les referendums et les recensements truqués sont
devenus les ressources stratégiques dont se servent les dirigeants
africains aux allures de démocrates, pour se maintenir au pouvoir, une
sorte de dictature déguisée. Ce qui a sans doute amener le
présidentAméricain, Barack 0bama, lors de son discours
d'investiture le 20 janvier 2009, à lancer un cri de coeur : «
A ces dirigeants à travers le monde qui cherchent à semer le
conflit ou à re jeter les maux de leur société sur le dos
de l'occident, sachet que vos peuples vous jugerons sur ce que vous saver
construire, pas ce que vous détruises A ceux qui s'accrochent au
pouvoirpar la corruption et le mensonge, et qui étouffent la dissidence,
sachet que vous vous situer du mauvais côté de l'histoire et que
nous tendons la main si vous êtesprets à desserrer le
poing.»28
Le pouvoir censé revenir au peuple lui est
arraché par ceux qui détiennent les moyens de contrainte : la
force publique (armée, police), les finances de l'Etat (impôts et
taxes) et la corruption des consciences et de l'intelligence. Cette triste
pratique amène ces derniers à exercer un pouvoir sans entraves au
profit des intérêts de leurs bienfaiteurs, en les gratifiant par
moment en bien matériels pour inhiber les prises de conscience pouvant
entrainer des contestations ouvertes et des soulèvements.
Ces formes de dictatures voilées cherchent à se
faire passer pour des démocraties. Elles savent que pour durer au
pouvoir sans êtreinquiétées et pour
28Extrait du discours d'investiture du
Président Américain, Barack Obama, Trad. Chérif
Ezzeldin,
WWW.@ rfi.fr du 20 Janvier 2009.
23
exploiter la population dans l'impunité, un vernis de
démocratie est toujours nécessaire.
Ainsi ces dirigeants deviennent au fil du temps, de moins en
moins enclins à accepter le contrôle du peuple. La
démocratie se mue alors en pouvoir du plus fort, par le plus fort, et
pour le plus fort. 0n assiste alors à l'instauration d'un climat de
terreur pour intimider les populations peu favorables au régime en place
à voter massivement pour lui malgré elles, à
l'élimination par des moyens législatifsdétournés
les adversaires, à des violations des libertés publiques et
à l'arrestation des ennemis politiques imaginaires, et à la
confiscation des medias et des finances publics par le candidat sortant pour la
campagne électorale.
0utre ces malversations, pour gagner les élections
« démocratiquement» en Afrique, il n'est pas rare de
voir pointer le canon à des électeurs. La souveraineté, le
pouvoir suprême deviennent l'émanation de ceux qui se sont
imposés au pouvoir. La démocratie se vide alors de tout son sens
et devient le gouvernement par lequel les plus forts exercent la
souveraineté, ce qui a inspiré Mgr Marini Bodho, président
coopté du Senat congolais à l'occasion de l'ouverture de la
session extraordinaire du Senat, le 22 aout 2003 à dire ceci : «
Cet holocauste de plus de 3 .500.000 morts immolés sur l'autel de
nos intérêtségoi:rtes et qui nous valent d'être
là, aux di~~érents postes que beaucoup d'entre nous,
occupent. »29
II .3 La crise de l'environnement.
L'environnement est défini comme « l'ensemble
des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un
individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à
subvenir à ses besoins. 300u encore comme, «
l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et
culturelles (sociologiques) susceptibles d'agir sur les organismes vivants et
les activités humaines. »31 La notion
d'environnement naturel,
29
http://www.democratieactive.org/communauté/rdc/ldbg/presentation.htm,
consulté le 11 février 2011. 30Dictionnaire Larousse,
consulté le 5 Janvier 2010.
31Le Grand Robert de la langue Française, Paris
Robert 2001.
24
souvent désignée par le seul mot «
environnement» a beaucoup évolué au cours des derniers
siècles et tout particulièrement des
dernièresdécennies. L'environnement est compris comme l'ensemble
des composantes naturelles de la planète terre, comme l'eau, l'air,
l'atmosphère, les roches, les végétaux, les animaux, et
l'ensemble des phénomènes et interactions qui s'y
déploient, c'est-à dire ce qui entoure l'homme et ses
activités.
En ce XXIe siècle, il n'est pas exagéré
de dire que les hommes font face à des défis environnementaux
sans précédent dans l'histoire de l'humanité, et ceci en
grande partie à cause de l'activité humaine et la vie sur terre
n'a jamais été menacée depuis la disparition desdinosaures
il y a 65 millions d'années. La protection de l'environnement est donc
devenue un enjeu majeur, en même temps que s'imposait l'idée de sa
dégradation à la fois globale et locale, à cause des
activités humaines polluantes. La préservation de l'environnement
est un des piliers du développement durable, c'est aussi le
7e des huit objectifs du millénaire pour le
développement32 considéré par l'0NU comme,
« crucial pour la réussite des autres objectifs
énoncés dans la déclaration du Sommet du
Millénaire.»33Mais d'où vient que la
question de la dégradation de l'environnement soit de nos jours une
question d'actualité ? Mieux quelles sont les origines et les
manifestations de la crise environnementale sur notre planète ?
L'homme a un rôle central à l'intérieur de
la nature parce qu'il est fondamentalement différent du reste des
réalités naturelles. Il est non seulement une partie de la
nature, mais aussi l'unique être capable de saisir
l'intelligibilité de l'univers. C'est le principe même de
l'anthropocentrisme car, « l'homme est le centre du monde, et
considère le bien de l'humanité comme la cause finale du reste
des choses. »34 L'homme joue un rôle central et
déterminant par rapport au reste de la nature.
32DPI/2517M Publié par le
département de l'information de l'ONU Septembre2008.
33 Rapport GEO-4 PNUE-2007, page 38.
34 André (Lalande), Vocabulaire technique
et critique de la philosophie,Puf, 1926, P-62.
25
Cette attitude était déjà présente
dans l'antiquité grecque chez les sophistes. Ils revendiquaient la
liberté de penser à leur guise .C'est dans cet ordre
d'idée que Protagoras, l'un des grands sophistes qui, cherchant à
défendre leur cause dira, « L'homme est la mesure de toute
chose ». Il voulait simplement dire que la vérité
dépend désormais de celui qui la conçoit. Cela implique un
relativisme moral. Ainsi, l'homme devient le centre de tout. L'homme est donc
la référence de toute chose. Aristote poursuivra l'idée de
Protagoras. A ce propos, en parlant de la philosophie de l'homme selon
Aristote, Afeissa écrit : « L'homme nous est clairement
présenté comme étant la fin de la nature au sein d'un
univers hiérarchisé où chaque échelon où
chaque degré apparait comme moyen d'un degré supérieur,
l'ensemble étant ordonné de manière finale à
l'homme, et à l'homme seul ».35 La crise de
l'environnement trouverait aussi son origine dans la philosophie de Descartes,
selon laquelle l'homme devait se «rendre comme maitre etpossesseur de la
nature».36
Nous trouvons aussi l'origine de cette crise de
l'environnement dans la
3'
théologie de la création.En effet, le
récit de la création dans le livre de la Genèse est clair
sur ce point. Le monde crée en sept jours le fut au service de l'homme.
Le récit de la créationétablit l'homme maitre de tout ce
qui existe. Dans ce récit, Dieu ordonne à l'homme de dominer sur
les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, sur les bestiaux, sur toutes les
bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre et de
parfaire l'oeuvre de la création.
Ainsi la supériorité de l'homme sur la nature
qui se traduit par le développement de la techno science, nous fait
remarquer que la promesse de la technique moderne s'est inversée en
menace pour l'homme. Hans Jonas semble pointer du doigt cet état de fait
dans son ouvrage Principe Responsabilité. Ainsi pour lui,
« La soumission de la nature destinée au bonheur humain a
entrainé par la démesure de son succès qui s'étend
maintenant également à la nature de l'homme lui-même,le
plus grand défi pour
35 WWW wikipedia-la morale-et-la-religion
(consulté le 1 /11/2012).
36 Descartes(RENE), Discours de la
méthode. Paris, Flammarion, 1992, page 80.
37 Genèse 1 versets 26-29, Bible,
Traduction Louis Segond.
26
l'être humain que son faire ait jamais
entrainé. »38Si l'origine de la crise
environnementale peut être expliquée de façon philosophique
et par la théologie de la création, comment ressentons --nous les
manifestations de celle-ci de nos jours ?
C'est par un appel à la responsabilité que Hans
Jonas, philosophe engagé en faveur de la protection de la nature,
attirait notre attention. « Nous sommes, disait-il en 1998, dans une
sorte d'état d'urgence, une situation clinique, au chevet d'un malade.
Et sommes ici simultanément les patients et les médecins. Notre
civilisation technique, dans laquelle sont à l'ouvre des
mécanismes qui tendent à échapper à notre maitrise,
a chargé l'environnement de substances dont son métabolisme ne
peut venir à bout. A la dévastation d'ordre mécanique
vient s'a jouter l'intoxication chimique et
radioactive».39
L'industrialisation constitue la principale source de
dégradation de l'environnement. Autrefois très
sollicitées, les industries étaient évoquées avec
fierté et associées au développement et à la
prospérité. Mais de nos jours, cet enthousiasme a
cédé le pas à un certain malaise. L'utilisation massive
d'énergies fossiles dans la révolution industrielle (charbon,
puis pétrole) a accumulé une quantité importante de gaz
à effet de serre.
Il ya un constat incontestable. En effet, les ressources
nécessaires à la vie sur cette planète comme l'eau, l'air,
la terre ont été polluées à des degrés
alarmants et que dans le même temps la population humaine croit de
façon exponentielle. En occident, la demande énergétique
est présentement sept fois supérieure à celle d'il y a dix
ans et cinquante fois qu'il ya 200 ans. En deux siècles, nous sommes
arrivés à une situation d'épuisement à court terme
prévisible des réserves d'énergie fossiles
accumulées durant les 115 millions d'années de
carbonifère. Le carbone rejeté dans l'atmosphère par la
civilisation technique est supérieur à ce que la biosphère
peut recycler. En 1750, il y avait environ 750 millions de tonnes de carbone
dans l'atmosphère. Les activités des hommes ont rajouté
350 millions de tonnes.
38 Hans (Jonas), Principe
Responsabilité, Edition « Passages »1990, page15.
39Hans (Jonas), Une éthique pour la nature,
coll. Midrash, Paris,Desclée de Brouwer,2000 page120 et 145.
27
Rappelons que 20% de la population mondiale
c'est-à-dire les pays industrialisés consomment 40% des
ressources naturelles de la planète et ces pays sont les gros pollueurs
de l'atmosphère.Cette pollution engendre une nouvelle peur relevant de
deux catégories de phénomènes par ailleurs liés. Il
s'agit des catastrophes dites naturelles ou climatiques
(inondation,sécheresse, tremblement de terre) qui prennent des
dimensions apocalyptiques du moins dramatiques comme en témoignent
récemment le 1er Septembre 2009 au Burkina Faso et le 12
Janvier 2010 en Haïti. En plus il y a les catastrophes industrielles de
grande ampleur comme celle de Tchernobyl en Avril 1986 et l'accident
nucléaire de Fukushima au Japon en Mars 2011.
Si nous ambitionnons de faire recours à Kant pour
penser faire face aux défis du monde contemporain, il convient d'abord
de questionner sa philosophie pratique. Apres ce préalable, il s'agira
de montrer à partir de cette philosophie pratique que l'homme est le
seul principe de la moralité, avant d'établir un rapport entre la
morale Kantienne et la résolution des défis du monde
contemporain
28
DEUXIEME PARTIE
CONTRIBUTION DE LA MORALE KANTIENNE A LA RESOLUTION DES
DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN
HAPITRE I : PRESENTATIONDE LA MORALE KANTIENNE
29
Emmanuel Kant est un philosophe allemand du XVIIIe
siècle, une période de l'histoire de la philosophie qui a
été marquée par l'apologie disons mieux par la
valorisation de la raison humaine. Rationaliste, il va défendre le
rôle primordial de la raison dans l'élaboration de sa
théoriemorale. Ainsi, toute la philosophie de Kant va débuter par
une pacification de la philosophie caractérisée par bien de
contradictions et d'antinomies dont la raison était la victime. A
travers le criticisme, Kant fait un rappel des limites des pouvoirs de la
raison humaine face à la tentation du dogmatisme, mais aussi face
à la dérive du pessimisme. Il est une lutte entre deux
excès au sein de la philosophie : le dogmatisme rassurant qui consiste
en une vénération sans réserve des capacités de la
raison humaine et le pessimisme qui consiste à renoncer
définitivement à la quête de la vérité avec
la conviction que ni les sens, ni la raison humaine ne peuvent l'atteindre.Face
à ces deux positions extrémistes, Kant n'entend pas les laisser
dos à dos.
A l'image de Copernic qui avait entrainé un changement
radical de point de vue, lorsqu'il a affirmé que ce n'était pas
la terre mais le soleil qui était le centre immobile du mouvement
circulaire des planètes, Kant va opérer une révolution
copernicienne en philosophie. Ce n'est pas l'esprit qui doit se régler
sur les objets mais l'inverse : les objets eux-mêmes doivent se
régler sur les structures a priori de la sensibilité et de
l'entendement.
Dans une perspective derésolution de cette crise, Kant
distingue une raison théorique qui s'occupera de la connaissance et une
raison pratique dont le domaine sera la morale. C'est seulement après
avoir opéré une révolution copernicienne dans le champ de
la philosophie que les pensées de ce philosophe sont susceptibles
d'être comprises, acceptées et en même temps d'avoir une
portée. La philosophie morale de Kant tente de résoudre le
problème suivant : Comment justifier objectivement des lois morales qui
soient valables pour tous les êtres humains, sans s'appuyer sur une
religion ou sur la croyance en Dieu et en partant de l'idée que les
êtres humains sont libres d'établir eux-mêmes des valeurs
morales ?
30
La liberté des individus semble exclure a priori
l'idée qu'il puisse exister des règles morales universellement
valables. Pour résoudre ce paradoxe Kant va s'appuyer sur l'idée
que les êtres humains sont autonomes parce qu'ils sont rationnels et que
la raison seule peut fonder l'obligation morale.
Pour Kant, une personne est un être conscient
doué de raison, libre et responsable. Partant de cette affirmation on
peut dire qu'une personne n'est pas une chose. Les choses ne sont pas libres
car elles sont soumises aux lois de la nature. De ce point de vue, un animal
est une chose. Les personnes sont autonomes. Cela signifie qu'elles peuvent se
donner à elles-mêmes leurs propres lois .Un enfant, par exemple,
n'est pas autonome car il est sous l'autorité de ses parents qui lui
imposent une loi. De même dans l'univers religieux, les individus ne sont
pas autonomes car ils sont soumis à l'autorité de Dieu. Les
personnes sont autonomes parce qu'elles sont rationnelles. C'est la raison en
chacun de nous, qui est l'autorité morale suprême. Ainsi la morale
du devoir chez Kant met l'accent sur l'autonomie en faisant de la raison la
source première de l'action morale. Il a donc contribué à
développer des thèmes chers aux philosophies des Lumières
que sont l'autonomie, l'universalisme.
I .1 La source de la morale chez Kant
Le premier signe de la formation de l'homme en tant que
créature morale est sa capacité à dissimuler en lui ce qui
pourrait éveiller du méprisà son égard de la part
d'autrui. La morale est le socle et la cohésion dans toute
société. Ainsi, Kant établit que la moralité a son
principe dans le sujet. Il croit à l'autonomie du sujet et cherche en
l'homme le seul principe de la moralité.
Pour fonder sa morale, il commence par rejeter la morale
classique transcendante, c'est-à-dire la morale qui est
extérieure à l'individu, la morale dont la source se trouve
à l'extérieur de l'individu. Ce qui veut dire que Kant rejette
des instances telles la famille, la société,l'Etat, la religion
comme sources de la morale. Pour cela, il rejette le principe
d'hétéronomie qui veut que les recommandations
31
morales viennent des instances extérieures à
l'individu et du coup l'impératifhypothétique qui subordonne
l'action morale à une condition, à une hypothèse comme par
exemple ,« si tu travailles bien, tu seras récompensé
».Pour Kant, c'est l'individu lui-même qui est la source de sa
morale. Cette morale du devoir fait de l'individu la source des recommandations
morales. Elle se repose sur ce principe d'autonomie, principe moral selon
lequel l'individu agit de façon autonome, c'est-à-dire sans
aucune contrainte morale, sans aucune condition provenant de
l'extérieur.L'individu qui est autonome se soumet à ce que Kant
appelle,« l'impératifcatégorique ».Les
recommandations morales sont données à l'individu de son
intérieur par la conscience, la raison. C'est cette raison qui donne
l'ordre et qui lui dit : « tu dois donc tu peux ». Ce qui
guide l'action morale, c'est la bonne intention basée sur la bonne
volonté. L'action morale selon Kant ne peut que viser le bien, le bien
de l'homme, le bien de l'humanité. Tout en séparant la valeur de
tout ordre objectif, il explique que la valeur émane du sujet
raisonnable, ce qui montre une certaine subordination de la morale à la
personne. Il se démarque ainsi de Francis Bacon qui disait : «
C'est dans l'action morale que l'homme accède à sa
vérité, car c'est dans la conscience immédiate de l'action
et de la responsabilité de l'action voulue qu'il
s'éprouveirréductible aux déterminations de la science,
c'est-à-dire libre »40
La bonne volonté est cette faculté de s'arracher
aux intérêts et agir librement. Cette liberté, Rousseau la
désignera sous le nom de «perfectibilité» et
Kant la considère comme, « la capacité d'agir de
façon désintéressée.C'est cette faculté qui
va faire de l'être humain le seul être capable de culture, de
politique et de morale ».41
Ainsi la véritable morale réside dans la bonne
volonté car les autres dispositions comme les talents de l'esprit, les
qualités de caractères ne peuvent jamais
êtreconsidérées comme bonnes en elles-mêmes , mais
dépendent de l'usage que notre volonté en fait : il est en effet
possible de faire usage de son talent, de son intelligence ou de son courage
à des fins malveillantes. Seule une volonté bonne
40Bacon, (F), Du progrès et de la promotion
des savoirs, Paris, Gallimard, 1991, p.71. 41Luc (Ferry),
Kant une lecture des trois critiques, Bernard Grasset 2006.p 101.
32
saurait avoir une valeur pour elle-même : une
volonté bonne, c'est une volonté qui entraine une action
accomplie par devoir que Kant appellera, « autonomie de la
volonté» qui va s'opposer à l'hétéronomie
de la volonté : action accomplie, dictée par des mobiles.
I.1.1L'hétéronomie de la
volontémorale.
L'hétéronomie de la volonté morale trouve
sa source dans l'agir humain. Elledécoule d'une inclination ou d'un
sentiment, la volonté n'obéit à aucune loi rationnelle. En
effet, par nature, l'affect s'impose au sujet ; si ce dernier agit sous l'effet
d'une émotion(parcolère, amour ou désir charnel), sa
volonté ne pourra jamais êtreconsidérée comme
autonome car elle est alors sous le joug de la passion. Parce qu'elle
obéit à des mobiles extérieurs à la raison, cette
forme de morale est illégitime. Les exemples de conduites même
supposées bonnes à suivre ne peuvent
êtreconsidérés que comme des exemples et non comme des
modèles, en ce sens que la valeur d'un exemple est toujours
limité dans l'espace et dans le temps, alors que la valeur du
modèle est universelle.
Par exemple, si j'agis par amour pour l'humanité, je
n'agis pas par devoir mais par sentiment. 0r une action dont la maxime repose
sur un sentiment ne peut ni prétendre l'universalité, ni servir
de loi à un être raisonnable. La volonté
hétéronome agit toujours en suivant les inclinations ou ses
intérêts, « car ce n'est pas alors la volonté qui
se donne à elle-même la loi, c'est l'objet qui la lui donne par
rapport à elle. »42
Ainsi la révolution« copernicienne
»opérée par Kant en philosophie vienttrouver toute sa
justification en ce sens que ce sont les objets qui doivent toujours se
régler sur l'esprit et non le contraire.
42Kant(E), Fondements de la Métaphysique
des moeurs .Traduction de Victor(DELBOS),
livre électronique ;
http://perso.club-internet.fr/folliot.philippe/fondem.htm ,collection
« les sciences sociales ; 2006 .p 26.
33
1 .1 .2 L'autonomie de la volonté morale
Pour Kant, la bonne volonté est cette volonté
d'agir par devoir, avec une intention désintéressée de
bien faire et avec pour seul motif le respect de la loi morale. Et comme
telle,« la bonne volonté consiste dans la volonté
d'accomplir par devoir: le devoir est accompli non pas seulement lorsque l'acte
est conforme au devoir mais lorsqu'il est fait par devoir; on peut en effet
accomplir des actes conformes au devoir, s'abstenir de mentir, soulager son
prochain par des motifs tout autres que le devoir, par intérêt
personnelpar exemple, ou par un sentiment de pitié : l'acte n'estpas
moralement bon ».43
Une telle volonté se garde de tirer son
universalité du contenu matériel de l'expérience ; elle se
déploie de façon autonome. L'autonomie peut se définir
comme une absence de contrainte extérieure mais aussi et surtout comme
une législation propre de la raison pure pratique. Par exemple,
« traiter l'humanité en ma personne et en la personne de tout
autre tou jours comme une fin et jamais comme un moyen
»44est une maxime rationnelle exigible universellement.
Parce qu'elle se soumet librement à la loi de la raison pure pratique,
la volonté qui détermine son action à partir de cette
maxime est autonome.
L'unique raison qui doit orienter notre volonté est le
devoir pour le devoir, la loi pour la loi, en un mot l'action
désintéressée. Lorsqu'il s'agit de l'observation de son
devoir, l'homme doit renoncer à sa fin naturelle le bonheur (...)
lorsque intervenant le commandement du devoir, qu'il était
nécessaire de n'en faire aucun égard la condition de
l'observation de la loi qui lui est prescrite par la raison, et même
autant qu'il lui était possible, de veiller à ce qu'aucun mobile
dérivé du bonheur ne se mêlât subrepticement à
la détermination du devoir.45Dans l'esprit de Kant, l'agir
moral doit êtredébarrassé de tout mobile. La mesure de la
moralité dans cette perspective doit êtredétachée de
l'expérience qui ne suffit pas à la fonder ou à la
justifier.
43 Bréhier(E),Histoire de la
philosophie, PUF, 1931-1932, p 484.
44Kant. (E), Métaphysique des moeurs I,
Fondement et Introduction, Trad., Alain Renant, Paris, G-F Flammarion,
1994, p.108
45Kant (E), Sur le lieu commun, in OEuvres
philosophiques, Paris, Ed. Gallimard, 1986, p.256.
34
Le devoir kantien est un commandement absolu de la raison
exigeant que l'agir humain soit subordonné à la loi de la raison
sans se référer à une fin extérieure.
Comme on peut le constater, Kant trouve en l'homme le seul
principe de la moralité. La valeur émane du sujet et de son
vouloir, contrairement à la philosophie grecque qui fait de la vertu
morale une affaire de science. Cette exigence de la raison lui impose d'aligner
toujours ses maximes derrière la loi universelle des êtres
raisonnables.
1.2 Le principe d'universalité de la loi
morale.
Selon Kant, la loi morale s'applique à tous les
êtres rationnels. Cette loi prend la forme d'un
impératifcatégorique que les êtres humains, qui ont des
besoins et des désirs naturels, peuvent éprouver comme une
contrainte. Pour appliquer cetimpératif à notre conduite et
identifier les règles qui sont des devoirs moraux, il faut selon Kant,
soumettre nos règles (ou maximes) au test d'universalisation. En
conséquence, agir moralement consiste à nous élever sans
cesse à la dimension de l'universel au détriment de nos pulsions
et sentiments égoïstes, d'où la formule kantienne de la loi
générale de l'universalité de la morale par cette maxime :
«Agis de telle sorte que la maxime de ta volontépuisse toujours
se vouloir en mime temps comme principe d'une législation universelle
».46
Ce principe signifie qu'une règle de conduite exprime
une exigence absolue s'il est possible pour un êtrerationnel d'accepter
que tous les êtres rationnels adoptent cette règle c'est à
dire que la règle soit universalisable.
Ce commandement de la raison pratique constitue un gage de
liberté car l'individu ne subit pas les desiderata de ses inclinations
extérieures. Ainsi, « La loi morale n'exprime donc pas autre
chose que l'autonomie de la raison pratique, c'est à dire la
liberté
46Kant (E), Critique de la Raison Pratique,
Paris. PUF 1943 p, 30.
35
et cette autonomie est la condition formelle de toutes les
maximes, la seule par laquelle elles
47
puissent s'accorder avec la loi suprême »
A ce principe d'universalité de la loi morale, Kant
ajoute un principe relatif à la dignité humaine.
1 .3 Le principe de la dignité humaine.
La philosophie morale de Kant est toute
pénétrée d'une foi inébranlable dans la
dignité de la nature humaine. Cette notion sert de base à
l'édifice entier si ingénieusement construit et est
intitulée : « Agis de telle façon que tu traites
l'humanité aussi bien dans ta personne, que dans celle de tout autre,
toujours en même temps comme une fin, jamais comme un moyen.
»48Cette formule pose clairement le principe universel de
la dignité humaine. «L'homme n'est pas une chose dit Kant; il
n'est donc pas un objet qu'on puisse traiter simplement comme un moyen.
»49
La dignité morale de l'être humain c'est sa
rationalité qui le rend autonome et lui confère une
dignité absolue. Unêtre rationnel et autonome est une personne par
opposition à une chose qui peut avoir un prix mais ne possède pas
la dignité proche à la personne.
A travers cette formulation du principe de la dignité
humaine, Kant pose la personne comme une fin absolue pour l'action humaine.
Cela signifie que l'on ne doit pas traiter les personnes comme des choses.
Toute règle de conduite qui implique que l'on utilise une personne
strictement comme un moyen technique pour arriver à ses fins, est une
règle immorale.
1 .4 Le principe d'autonomie de la volonté
morale source du droit.
47KANT(E), Critique de la Raison Pratique,
op, cit, p.33.
48KANT (E), Métaphysique des moeurs I
Fondement et Introduction, Trad. Alain Renaut, Paris G-F Flammarion ,1994
? p.108.
49Olivier (R),La dignité humaine chez Kant,
Revue de Métaphysique et de Morale, 75e année, N2
(Avril-Juin 1970), p189.
36
Kant se demande quels sont les principes qui doivent a priori
servir de fondement à toute législationextérieure. Le
principe d'autonomie de la volonté est déterminé à
travers une troisième maxime ainsi formulée : «Agis de
telle sorte que la volonté de la maxime puisse se
considérersoi-même comme universellement législatrice
»50.Le droit y est défini comme l'ensemble des
conditions dans lesquelles la liberté de chacun peut s'accorder avec la
liberté des autres selon une loi universelle de liberté.La
seconde maxime nous a permis de savoir que l'homme doit
êtreconsidéré comme une fin et non un moyen.Alors, il sera
contradictoire que l'homme ne soit pas soumis à une législation
universelle. Afin de résoudre cette contradiction, le concept
d'autonomie de la volonté est élaboré par Kant comme
étant la condition par laquelle tout en obéissant à la loi
universelle, la volonté subjective n'obéirait en même temps
qu'à sa propreloi. L'homme doit êtreà la fois le
législateur et le sujet. A travers cette troisième maxime, Kant
introduit le concept de règne des fins, concept selon lequel tout
être raisonnable doit se considérer comme établissant par
toutes les maximes de sa volonté une législation universelle afin
de se juger soi-même et ses actions de ce point de vue. Ce règne
constitue une liaison systématique de divers êtres raisonnables
par des lois communes. Et ses lois ont pour seul but d'entretenir de bons
rapports des êtres les uns envers les autres, mieux un idéal de
vie en communauté. Il s'agit d'un monde où les hommes respectent
et appliquent rigoureusement les lois qu'ils se sont données, où
l'homme est aussi respecté dans sa dignité, et la
souveraineté revient à tous les sujets qui ont un droit
inaliénable de légiféreruniversellement. Derrière
la forme de droit qui se réalise en une « loi universelle
» de coexistence des libertés, se profile en effet
l'impératifcatégorique. Ce qui détermine l'homme à
sortir de l'état de nature, c'est l'impératif moral et c'est
parce que l'homme possède une autonomie morale, une liberté se
déclinant sous forme de droits subjectifs, que le droit doit prendre la
forme de la loi universelle.
Si donc la moralité ne nous sert de loi qu'autant que
nous sommes des êtres raisonnables, elle est dérivée de la
propriété de la liberté qui, à son tour, est
50Kant(E), Métaphysique des moeurs I.
Fondation et Introduction op, cit, p.115
37
propriété de la volonté de tous les
êtres raisonnables. Et c'est justement ce passage que soutient si bien
Kant : « Tout être qui ne peut autrement que sous l'idée
de la liberté est par cela même, au point de vue pratique,
réellement libre, c'est-à-dire que toutes les lois qui sont
inséparablement liées à la liberté valent pour lui
exactement de la mêmefafon que si la volonté eut été
aussi reconnue libre en elle-même et par des raisons valables au regard
de la philosophie socratique » .51 L'autonomie constitue
un principe suprême de la moralité c'est-à-dire la
condition de possibilité d'une responsabilité morale. Cette
autonomie de la volonté se fonde par conséquent sur la conscience
des raisons qui nous font agir, ce qui fait dire à Durkheim que,
« le troisièmeélément de la morale, c'est
l'intelligence de la morale. La moralité ne consiste plus simplement
à accomplir, mêmeintentionnellement, certains actes
déterminés ;il faut encore que la règles qui prescrit ces
actes soit librement voulue, c'est-à-direlibrement acceptée, et
cette acceptation libre n'est autre chose qu'une acceptation
éclairée »52 C'est donc dire que chez Kant, pour agir,
« il faut que la raison se considèreelle-même comme
l'auteur de ses principes, indépendamment de toute influence
étrangère, par suite, comme raison pratique ou comme la
volonté d'un être raisonnable ne peut être une
volonté lui appartenant en propre que sous l'idée de la
liberté et qu'ainsi une telle volonté doit être, au point
de vue pratique, attribuée à tous les êtres
raisonnables» .53
Ainsi chez Kant, la morale constitue un préalable pour
penser et construire la modernité juridique et la condition formelle de
tout droit est un devoir. Son projet juridique est pensé sous la
métaphysique d'une loi universelle. A la conception théologique
du droit, il oppose l'autonomie de la raison, à la conception
naturaliste du droit, il oppose le caractère absolu de la raison. Le
droit et la morale sont distincts mais destinés à se
compléter mutuellement.
C'est pourquoi M.Lequan peut à la suite de Kant,
apporter les précisions suivantes : « la légalité
n'est pas incompatible avec la moralité. La conformité
extérieure est une condition nécessaire, quoique non suffisante
de la moralité. Légalité et moralité ne sont pas
exclusives l'une de l'autre mais, complémentaires,
51Kant(E),Fondements de la Métaphysique des
moeurs, Paris, Vrin, 1994, P .129 . 52 Durkheim(E),
L'éducation morale ; OEuvre posthume, Paris, Puf, 2012 P21.
53Kant(E),Fondements de la Métaphysique des moeurs,
Paris, Vrin, 1994, P .130.
38
car l'acte moral accompli par devoir doit à fortiori
être légal conforme à la loi du devoir. La moralité
est un approfondissement de la légalité.Agir par devoir (et non
seulement conformément au devoir), de manière
désintéressée, est l'exigence fondamentale de la morale
».54
II .1 De l'universalité de la loi morale
à l'humanisme.
Dans la troisième maxime de la morale kantienne, le
principe de l'universalité de la loi morale a valeur d'humanisme car
l'agir humain met en exergue des valeurs d'humanisme qui favorisent le
communautarisme et sont de ce fait des attributs de toute
démocratievéritable.
En effet, si Kant dit : « Agis de telle sorte que tu
traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de
tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme
un moyen », cela implique, « la reconnaissance et le respect de
soi et des autres, des capacités d'écoute, une réflexion
sur la place de la violence dans la société et une maîtrise
de soi dans la résolution des conflits ».ss
L'humanisme fait apparaître que l'homme est partout le
même, et indépendamment de toutes les différences, il est
un autre moi-même. Les différences, certes continuent d'exister
mais apparaissent comme secondaires. C'est la conviction qu'il existe des
droits égaux pour tous les hommes, non en relation à une
appartenance particulière mais en vertu de cette appartenance à
l'humanité elle-même. Considéré comme une personne,
l'homme possède une dignité par laquelle il force au respect de
lui-même toutes les autres créatures raisonnables.
L'humanisme dans la moralité, commande que l'autre soit
accepté dans sa différence et sa diversité, bref une
tolérance. En effet, « la tolérance ne se réduit
pas à l'acceptation de la différence, acceptation qui est parfois
indiférence ; elle demande de reconnaitre
54M.Lequan cité par ; Cafartan in, «
leçon 57, droit de l'homme et droit du citoyen » in philosophie et
spiritualité, 2002, URL
http://sergecar.Club.Fr/cours/droit2.htm
« droit%20 de %20 l'homme .consulté le
3 /04 /2013.
55Marcel(G), Kant et la Démocratie,
Thème de mémoire de philosophie, Université de
Ouagadougou ,2012 p.71.
39
ses propres limites et de considérer l'autre comme
soi dépositaire au mime titre que soi, d'une part d'humanité ;
chaque personne a besoin des autres pour se construire comme sujet humain
».56
L'agir moral dans sa dimension humaniste doit s'effectuer dans
le respect de la personne d'autrui, dans sa liberté et non dans la
satisfaction des intérêtségoïstes. L'homme doit
toujours êtreconsidéré comme une fin et non un moyen.
Toutes ces valeurs qu'incarne la morale kantienne et recherchées
conduisent à une certaine rigueur de l'homme dans sa rationalité
vis-à-vis de son agir moral. Et c'est ce qui fait qu'elle est
considérée comme du rigorisme moral.Ce rigorisme moral aboutit au
droit, fondement de la paix dans toutesociété. Cette perception
de l'agir moral de Kant va avoir une influence sur des auteurs du
20e siècle, notamment Jürgen Habermas de qui nous
parlerons dans la troisième partie de notre travail.
II. 2 Du rigorisme moral au droit.
La morale s'origine dans la raison et l'agir moral ne doit pas
être conforme au devoir mais par devoir. Les hommes sont tous
dotés de raison, faculté spécifiquement humaine.Des
philosophes comme Descartes et Kant ont soutenu que les hommes avaient en
partage la raison, et que si tous les humains l'utilisaient
adéquatement, ils ne pourraient faire autrement que d'arriver à
des conclusions similaires et donc à faire des choix valables et
profitables pour l'ensemble des humains. L'obligation que l'être
raisonnable se fait en agissant par devoir traduit tout le rigorisme de la
morale rationnelle. L'homme a le devoir, en sa qualité de sujet
raisonnable de sortir de l'état sauvage et d'instituer l'état
civil.
Derrière la forme du droit qui se réalise en une
« loi universelle » de coexistence des libertés, se
profile en effet l'impératifcatégorique.Ce qui détermine
l'homme à sortir de l'état de nature, c'est l'impératif
moral et c'est parce que l'homme possède une autonomie morale, une
liberté se déclinant sous forme de droit subjectif, que le droit
prend la forme de la loi universelle. La loi garantit la liberté de
l'individu dans
56Ibidem p .71
40
l'état civil épris de démocratie
où celui-ci n'obéissant qu'à la loi qu'il s'est prescrite
est libre. Le droit est la limitation de la liberté de chacun à
la condition de son accord avec la liberté de tous, en tant qu'elle est
possible suivant une loi universelle ; il est aussi l'ensemble des lois
extérieures qui rendent possible un tel accord universel. Le droit et la
morale sont de ce fait complémentaires.
La loi punit, la loi protège, la loi répare, ou
plus exactement la loi demande à ceux qui détiennent pouvoir et
responsabilité de faire en sorte que les manquements et
délitssoient punis à la hauteur de leur gravité et que les
victimes soient dédommagées et apaisées, que les personnes
soient protégées contre les actes de violences et toutes les
atteintes à leurs droits. C'est justement cet impératif qui a
guidé au Burkina Faso les dirigeants à mener des actions
vigoureuses suite à la crise qui a mis à rude épreuve la
quiétude des populations : justice pour la mort de Justin Zongo,
dédommagement des commerçants victimes d'actes de vandalisme par
les militaires, réformes politiques et institutionnelles.
Si tant il est vrai que l'agir moral conforme doit
êtreexécuté avec un désintéressementtotal,
comment son impératifcatégorique peut-il conduire à
l'émergence d'une pensée critique en vue du respect par l'homme
des droits de l'environnement, mieux à une protection de l'environnement
?
II. 3 Pensée critique et protection de
l'environnement
Les problèmes environnementaux sont des enjeux
complexes, regroupant des questions,sphères et
intérêtsdifférents. Cette complexité fait en sorte
qu'on ne peut pas aujourd'huiprétendre aborder ces problématiques
sans une analyse rigoureuse des forces en présence et des
intérêts sous-jacents. En retour, cette analyse critique permet de
remettre en question des dogmes socio-économiques qui sont très
souvent à l'origine d'une gestion irresponsable de l'environnement. Cela
fait que l'exploitation de plus en plus frénétique des ressources
naturelles a permis certes d'améliorer le sort de populations en
croissance rapide, mais ce
41
développement s'est fait aux prix d'une
dégradation accélérée de la plupart des
écosystèmes vitaux. Ainsi produire sans arrêt davantage,
c'est consommer la nature de manière également croissante. Face
à une telle réalité. Le développement de la
pensée critique doit alors jouer sa contribution dans le diagnostic et
les de remédiations aux problèmes environnementaux.
La pensée critique peut êtredéfinie selon
Robert STERNBERG comme, « l'ensemble des stratégies et
processus mentaux qu'une personne utilise pour résoudre ses
problèmes, pour prendre des décisions et pour acquérir de
nouveaux concepts ».57Elle implique l'étonnement,
l'interrogation, et se caractérise d'abord par l'habileté
à poser des questions qui s'accompagne de l'analyse du
problème.
En d'autres termes, l'homme devrait créer en lui de
saines habitudes de pensée. Il doit faire l'effort de dépasser
les apparences, se détacher du sensationnel ou du spectaculaire
(phénomène observable lors des joutes électorales ou des
crises citoyennes), se départir des préjugés subtils et
tenaces du milieu social afin de mieux observer pour davantage comprendre les
phénomènes observés.
Aujourd'hui plus que jamais, les enjeux de la protection de
l'environnement demeurent d'actualité au regard des graves
conséquences engendrées par les actions destructrices de l'homme
sur celui-ci. Pour satisfaire aux besoins technologiques de l'humanité,
les industries rejettent des déchets toxiques issus de leur production,
nocifs à l'environnement. De même, la production et la
consommation d'énergie par les industries technologiques ne sont pas
sans conséquences sur la couche d'ozone. Il est admis par exemple que
les causes des catastrophes dites naturelles ou climatiques comme les
inondations du 1er Septembre 2009 au Burkina Faso, le tremblement de
terre du 12 Janvier 2010 en Haïti sont entre autre des
désordresécologiquesrésultant de l'augmentation des gaz
à effet de serre.
Plus que jamais, le pouvoir technologique rend la nature
manipulable et de plus en plus altérable à volonté. Alors,
celle-ci est devenue un être fragile et
57Robert (STERNBERG), cité par Lipman(M), A
l'école de la pensée, Bruxelles ; De Boeck, 1995 p .144
42
43
menacer. Comment donc concilier notre aspiration
légitime au bien-être avec les limitesde la nature ?
Hans Jonas, dans l'éthique de la responsabilité
indique qu'il s'agit d'empêcher que le pouvoir de l'homme ne devienne une
malédiction pour lui. En effet, la promesse de la technique s'est
inversée en menace. Autrefois l'homme pouvait penser à tort ou
à raison que ses interventions techniques sur la nature étaient
superficielles et sans danger, que la nature rétablirait elle-même
ses équilibres fondamentaux, et qu'au fond pour chaque
génération nouvelle la nature était exactement telle que
la génération précédente l'avait trouvée.
Aujourd'hui nous savons que notre technologie peut avoir des effets
irréversibles sur la nature. Ainsi par exemple le recours au
nucléaire produit des déchets qui resteront dangereux pour des
siècles. La puissance technologique moderne crée donc un type de
problèmes éthiques inconnus jusqu'à ce jour que la
pensée Jonassienne appelle, « transformation de l'essence de
l'agir humain ». L'éthique nous dit-elle à affaire
à l'agir. 0r comme l'essence de l'agir s'est transformée une
nouvelle éthique s'impose.
La capacité destructive de l'homme sur la nature, voire
cette «transformation de l'essence de l'agir humain », est
à la base de l'idée de Jonas de nouvelles obligations à
imposer à l'homme dans son rapport avec la nature prenant en compte
l'avenir de celle-ci. Elle nécessite une transformation radicale de
l'éthique traditionnelle purement anthropocentrique vers une
éthique moins anthropocentrique qui permettrait à l'homme de
retrouver ses racines biologiques et naturelles. Cette nouvelle éthique,
l'éthique de Responsabilité prend en considération la
condition globale de la vie humaine et son avenir lointain ainsi que
l'existence de l'espèce elle-même rompant ainsi d'avec celle
traditionnelle.
Si l'impératifcatégorique de Kant affirmait,
« agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta
maxime devienne une loi universelle », l'impératif
adapté au nouveau type que nous sommes sera formulé comme suit :
«Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles
avec la Permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre
».58La
58HANS (Jonas), Principe
Responsabilité ; Les Editions du Cerf.1990, p40.
responsabilité est une relation non réciproque
unilatérale. Je suis obligé par l'humanité à venir
qui, n'existant pas présentement, ne saurait être dite
obligée à quoi que ce soit à mon endroit. Il s'agit de
maintenir réelle la possibilité d'une existence après
nous.
0n voit sans peine que ce type d'impératif n'inclut
aucune contradiction d'ordre rationnel. Je peux vouloir le bien actuel en
sacrifiant le bien futur. De même, que je peux vouloir ma propre
disparition, je peux aussi vouloir la disparition de l'humanité.
Les théorieséthiques traditionnelles avaient une
vision réductionniste de la nature. L'homme était
considéré comme un élément en dehors de la nature,
ce qui fait que celle-ci ne méritait aucun respect de sa part. La
conception scientifique même dominante de la nature refusait à
l'homme tout droit théorique de penser à la nature comme à
quelque chose qui mérite le respect puisqu'elle réduisait
celle-ci à l'indifférence de la nécessité et du
hasard et qu'elle l'avait dépouillé de toute dignité des
fins.
Dans la perspective de la protection de l'environnement, un
nouveau type d'agir s'impose comme nous dit Hans Jonas. Puisque, «
l'essence de l'agir humain s'est transformée et comme l'éthique a
affaire à l'agir, l'affirmation ultérieure doit être que la
transformation de la nature de l'agir humain rend
égalementnécessaire la transformation de l'éthique ».
59L'agir humain doit donc chercher non seulement le bien
humain, mais
également le bien des choses extra-humaines,
c'est-à-dire étendre la reconnaissance des «fins en soi
» au de-là de la sphère de l'homme et intégrer
cette sollicitude dans le concept du bien humain car, « la soumission
de la nature destinée au bonheur humain a entrainé par la
démesure de son succès, qui s'étend maintenant
également à la nature de l'homme lui-même, le plus grand
défi pour l'être humain que son faireait jamais entrainé
». 60
Le recours à la philosophie en tant qu'exercice critique
et autocritique de la raison est nécessaire pour faire face à
certains défis de l'environnement. Plus que
59 HANS (Jonas), Principe
Responsabilité, Les Editions du Cerf ; 1990, p21. 60HANS
(Jonas), Principe Responsabilité, Les Editions du Cerf ; 1990,
p15.
44
jamais, la philosophie apparait de nos jours comme le nouveau
messie de notre monde en déclin, comme une prescription «
infaillible » pour le redressement d'un monde chavirant, l'antidote
de tous les maux sociaux. Le document préparatoire de la 171ème
session du conseil exécutif de l'UNESC0 stipule sans équivoque en
son introduction que : « L'analyse et la réflexion critique
philosophique sont indéniablement liées à
l'établissement et au maintien de la paix. Dans la mesure où elle
construit les outils intellectuels à l'analyse et à la
compréhension des concepts essentiels de justice, de dignité et
de liberté, où elle permet d'acquérir une pensée et
un jugementindépendant, où elle stimule l'esprit critique
nécessaire à la compréhension du monde et de ses enjeux,
dans la mesure enfin où elle favorise la réflexion sur les
valeurs et les principes, la philosophie est une école de liberté
( ...) à mettre au service de
61
l'éducation internationale des nations
».
L'humanité toute entière est de nos jours
désillusionnée par la science et la technique, scandalisée
par des scènes troublantes étalées par la religion
pourvoyeuse jusque-là de sens de l'existence et de quiétude. Et
la réflexion philosophique peut apporter des réponses à
des problèmes scientifiques là où le rationalisme
scientifique n'y est pas parvenu mais aussi attirer l'attention de nos
dirigeants sur les dérives possibles d'un système, toute chose
qui les permettra de s'en prémunir et de préserver la paix.
Notons dans le même ordre que la crise de l'écologie fut pendant
longtemps une préoccupation de la réflexion philosophique avant
d'être de nos jours celle de nos gouvernants au niveau mondial. Cela a
permis de nos jours une prise en compte des impacts environnementaux par les
politiques publiques dans la réalisation des entreprises d'envergure
nationale. Des questions qui, jamais auparavant ne faisaient l'objet de la
législation entrent dans le cadre des lois que des pays se donnent pour
qu'existe un monde pour les générations futures. Mieux, certains
pays africains à l'image du Sénégal ont pris à
coeur cette préoccupation en accordant une place à
l'écologie au sein de leur exécutif en nommant un ministre de
l'écologie.
61Document préparatoire de la
171e session du conseil exécutif de l'UNESCO, pu ;
printemps 2005.
45
TROISIEME PARTIE
LA MORALE DU FUTUR : ENJEUX ET
PERSPECTIVES
46
L'humanité entière traverse de nos jours
unepériodecaractérisée par une ouverture des
marchés, une montée de la démocratie et l'échange
d'informations qui sont des éléments déterminants d'une
croissance mondiale. Plus que jamais l'explosion de ces techniques de
l'information et de la communication bouleverse les modes de fonctionnement
économiques, sociaux et politiques ; une mondialisation évolutive
qui modifie les rapports entre personnes et les choses. Une montée en
puissance d'un certain individualisme conduit chacun à se
réaliserindépendamment de toute classe.
47
A la lumière de ces changements,
chaquesociétédoit réfléchir aux évolutions
de son système éducatif pour préparer les jeunes à
un monde qui sera différent de celui d'aujourd'hui tout en les
sensibilisant aux enjeux fondamentaux de l'humanité et de la
planète.
L'émergence de la pensée critique apparait donc
de nos jours comme un paradigme éducatif à partir duquel on peut
bâtir une citoyenneté responsable, mieux une société
soucieuse de trouver des solutions auxdifférentsdéfis auxquels
elle est confrontée. La moralisation de la vie en société
peut conduire à une vie citoyenne qui prend en compte les enjeux et les
perspectives d'un développement durable où l'individu ne vit pas
pour lui-même, mais prenant en compte les intérêts de son
prochain et ceux des générations futures. C'est pourquoi nous
évoqueront ici des aspects à prendre en compte pour faciliter
cela. Cette démarche à notre sens iciest essentiellement
prospective dans l'espoir de voir un jour des conduites morales bonnes se
généraliser dans notre société.
Toutefois, l'enseignement de la morale en
général connait un certain nombre de difficultés
liées spécifiquement aux contenus disciplinaires et à
certaines pesanteurs sociales qui ne sont pas favorables à
l'assimilation de certaines connaissances rationnelles. Ces difficultés
seront plus grandes lorsqu'il s'agira d'inciter à des comportements
moraux responsables dans la société. La prise en compte des
écueils aussi bien endogènes qu'exogènes apparait à
notre sens opportunafin que la morale rationnelle puisse contribuer à la
résolution des défis du monde contemporains.
48
CHAPITRE I : LES FACTEURS ENDOGENES.
L'enseignement de la morale doit prendre en compte les causes
d'échecs. Il s'agit autrement dit, de facteurs endogènes
liés soit au caractère dynamique et universel de la
citoyenneté qu'elle prétend cultiver, soit à la nature de
l'homme même qui peut constituer un obstacle majeur.
I. 1 L'école face à la morale.
L'espèce humaine se caractérise par sa
perfectibilité à l'infini. Cela la condamne à ne pas
demeurer dans un état stable et immobile. Il faut donc marcher vers la
perfection ou s'exposer à être entrainéen arrière
par le choc continuel et inévitable des passions, des erreurs et des
événements.
Ce constat s'applique parfaitement à l'éducation
morale qui n'est pas un supplément, une amélioration contingente
de l'éducation qu'on pourrait accepter ou refuser, mais une
nécessité absolue, une condition d'ériger un nouveau
paradigme éducatif capable d'assurer une insertion sociale harmonieuse
de l'enfant que l'éducation veut élever à un niveau
supérieur. D'où cette nécessité de prendre en
compte le caractère dynamique de l'éducation morale de
l'école.
Le caractère dynamique de la morale réside
d'abord dans la mutation des valeurs. L'école s'assigne par tradition
une triple mission qui est celle de transmettre des savoirs, apprendre des
méthodes de travail, enseigner des valeurs.Cependant, elle est
aujourd'hui confrontéeà plusieurs défis importants tels
que l'accélération du progrès scientifique et technique
avec toutes les questions éthiques que cela soulève ainsi que
l'accélération du changement qui pose le problème de la
capacité d'adaptation des individus.
Aujourd'hui plus qu'hier, l'un des grands défis
à relever est de savoir-vivre avec la diversité qui nous entoure.
Ce défi prend une forme plus spécifique pour les africains dont
les pays sont à la fois des terres d'accueil et des Etats multiculturels
et multi-ethniques.
49
De même, l'école doit faire face à
l'émergence du « village planétaire » qui peut
conduire à des ethnocentrismes, à des
réactionsxénophobes, intégristes, racistes porteuses de
conflits, voire la dégradation de l'environnement.
Lanécessité de la promotion des valeurs de paix par
l'école s'impose face à un monde en pleine mutation. Cette vision
semble être partagée par l'Unesco,institution mondiale s'occupant
de l'éducation, la science et la culture lorsque celle-ci déclare
que,« dans des pays et à une époque où les
cultures sont contraintes de vivre les unes avec les autres et
s'interpénètrent de plus en plus, l'éducation doit
désormais enseigner en priorité les valeurs et les
compétences indispensables pour apprendre à vivre ensemble
».62Autrement dit, la promotion des valeurs de
tolérance est une porte ouverte à la promotion de la paix dans le
monde.
L'école n'a donc pas le droit de faire enseigner des
opinions comme vérités, mais en revanche elle peut et même
doit admettre que l'enseignement des valeurs morales génère un
ensemble d'attitudes et de représentations qui ne sont plus tout
à fait de l'ordre de l'opinion au sens classique du terme.
Mais, une ambigiiité se retrouve lorsqu'il s'agit de
caractériser la morale laïque du point de vue de sa forme et de son
extension. En effet, elle se présente en pleine conformité avec
l'éthique kantienne, comme une morale pure, c'est-à-dire
indépendante de tout conditionnement empirique, valable universellement
et en tout temps. C'est pourquoi elle ne saurait être définie car,
toute définition recourt plus ou moins à une
énumération des règles qui la caractérisent. Face
à ces différentes mutations, comment l'école doit-elle s'y
prendre pour transmettre des valeurs universelles gages d'une vie communautaire
paisible ?
Nous pensons que deux voies s'ouvrent aux éducateurs,
mieux aux enseignants soucieux de transmettre un système de valeurs : le
geste et la parole, c'est-à-dire l'exemplarité et le discours.
Il ne fait guère de doute que les contenus
disciplinaires définis par les programmes scolaires sont porteurs de
valeurs. A cet effet, la contribution de la
62Federico (MAYOR), Directeur général de
l'Unesco, Préface du livre de Betty. A. Unesco-Paris 1997.
50
philosophie à la culture de la paix peut aussi se faire
par l'explicitation et la pratique de la tolérance.Comme pratique du
sens, la philosophie peut montrer que la tolérance n'est pas une passive
indifférence des uns et des autres ; mais une pratique communautaire de
la reconnaissance de l'autre.
Par la pratique de la tolérance, il s'agira d'inculquer
aux enfants et aux jeunes un esprit d'ouverture et de compréhension
à l'égard des autres peuples, à l'égard de la
diversité de leurscultures et de leurs histoires. Pour consolider
l'unité nationale et apprendre à mieux seconnaitre par exemple,
on doit initier et encourager des rencontres entre jeunes de
différentesrégions, sans distinction d'origine ethnique, de
religion, de sexe. Cela contribuera à la reconnaissance profonde de
l'humanité que tous les hommes ont en commun.
De même les valeurs relatives à la
tolérance, la bonne gouvernance, la liberté et la dignité
de la personne doivent être enseignées dans le cadre de la
philosophie. Celle-ci est à même de forger dans les
générationsprésentes et à venir des sentiments
d'altruisme, d'ouverture et de respect d'autrui, de solidarité et de
partage. Tout en se basant sur la confiance en leur identité, ces
générations pourront alors reconnaitre les multiples aspects de
la personne humaine dans des contextes culturels et sociaux différents.
L'expérience et la pratique de mon prochain m'ouvrent les voies de la
connaissance de moi-même.
Mais que vaut le cours le plus brillant s'il est
infirmé par les actes de l'enseignant ? C'est pourquoi on prétend
souvent que l'éducateur, le maitre ou plus généralement
l'adulte, transmet d'abord des valeurs à travers ses attitudes et
comportements. L'égalité est-elle une valeur ? Il n'est pas
inutile de faire de cette question un cours d'éducation civique ou de
philosophie. Si l'on veut que l'égalité soit effectivement une
valeur pour les jeunes, on ne doittolérer aucune manifestation
d'exclusion, de xénophobie, d'ostracisme quelconque sur les bancs de
classe ou dansla cour de l'école.De même, si La fraternité
une valeur, on doit organiserconcrètement des occasions d'exprimer une
solidarité active avec ceux qui en ont le besoin, à
l'école, dans la cité. Le respect de la personne, la
dignité
51
humaine sont-elles des valeurs ? 0n pourrait multiplier les
exemples ; la transmission des valeurs s'effectue principalement par
imprégnation culturelle, notamment à travers les relations que
les adultes nouent avec les enfants et les jeunes, et dans l'école les
enseignants avec les élèves.
Prenons l'exemple de l'honnêteté, valeur à
la fois privée et publique, morale et politique, dont l'importance saute
aux yeux. A travers une étude menée par
l'inspectiongénérale des établissements et de la vie
scolaire française, « l'on découvre qu'au lycée
une majorité de justificatifs d'absence sont des faux motifs
».63 Les surveillants le savent bien et les lycéens
savent qu'ils le savent. Alors pourquoi ce système malhonnête
perdure-t-il ? Sans doute parce qu'il est efficace. Efficace, car la
pressionmatérielle et morale qu'exerce l'institution pour que les
élèves justifient leurs absences par un document écrit
permet de contenir l'absentéisme dans les limites compatibles avec
l'institution scolaire.
Les valeurs se transmettent donc aussi par le fonctionnement
et l'organisation des institutions scolaires. La transmission des valeurs fait
partie de la mission des enseignants et responsables mais ceux-ci ne peuvent le
faire efficacement que si l'institution qu'ils servent les adopte
elle-même dans son fonctionnement interne.
Enfin, la transmission des valeurs est liée même
à l'exercice de la démocratie car elles sont diverses,
hétérogènes, irréductibles, en tension les unes
avec les autres.Les valeurs morales et politiques introduisent des
possibilités de choix. Elles sont dépositaires de nos
désirs de perfection et, à ce titre chacune d'elle alimente notre
aspiration à l'unité, notre rêve d'unité.
C'est pourquoi l'école publique, l'école de la
démocratie, devrait non seulement se consacrer à la transmission
des connaissances, mais aussi à la formation du jugement, de l'esprit
critique toute chose qui concourt à la préparation sur la
pluralité des choix éthiques.
Ainsi, de la même manière que la
spécificité de l'espèce humaine peut constituer un
écueil pour la transmission des valeurs morales, il est aussi
important
63Toulemonde (B), L'absentéisme des
lycéens, Hachette-CNDP, 1998.
52
que soit pris en compte le caractère dynamique de
l'enseignement de la morale par l'institution scolaire pour une transmission
des valeurs laïques et universelles. Cependant, nous reconnaissons que
l'école à elle seule ne saurait être efficace dans
l'éducation morale de l'individu. Quel peut être alors le
rôle de la société, c'est-à-dire son
éducation face à la morale ?
1. 2 L'éducation traditionnelle face à la
morale.
Dans son ouvrage intitulé «L'ouverture entre
l'école et le milieu en Afrique noire »,Pascal MUKENE
soulignait déjà le rôle capital de la société
dans l'éducation de sa composante. Selon lui, « le domaine de
l'éducation est pour toute société la pierre angulaire de
la construction de son avenir. L'éducation traduit les tendances et les
options présentes dans la société et en même temps
elle constitue un processus de projection dans le futur
».64 En effet, à travers la
société, l'éducation aux vertus de la morale peut
constituer un facteur décisif de l'émancipation, du
développement progressif, harmonieux, politique, économique
social et culturel de la personne humaine et de la société
elle-même. Elle est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel,
un paramètre indispensable pour faire reculer la pauvreté,
l'exclusion ou les incompréhensions. Aussi contribue-t-elle à
construire les idéaux de paix, de démocratie, de justice sociale
; aptes à contrecarrer les oppressions et les guerres. C'est dans cette
optique que le Professeur Joseph KI ZERB0 affirmait qu' « après
la mise au monde, il reste l'éducation. Vivre, c'est
persévérer dans son être. Et pour une société
donnée, c'est par l'éducation qu'elle se perpétue dans son
être physique et social. Il s'agit d'un accouchement collectif qui
prolonge l'enfantement biologique individuel ».65
Malheureusement, l'on remarque de plus en plus la perte de
valeurs morales dans nos sociétés contemporaines et la
montée en puissance de l'individualisme au détriment de
l'idéal communautariste. Des raisons et non des moindres peuvent
expliquer cet effritement des valeurs sociales. En Afrique noire par exemple,
dans la
64 P. (Mukene) ; L'ouverture entre l'école
et le milieu en Afrique Noire. Pour une gestion pertinente des
connaissances, Editions Universitaires de Fribourg-Suisse, 1998, page
253.
65J (KI-ZERBO), Eduquer ou périr, Unicef-Unesco,
Editions de l'Harmattan, 1990, p15
53
société traditionnelle, l'enfant avant
d'appartenir à sa famille biologique, appartenait à la
société qui était responsable de son éducation.
Ainsi, tout membre de la société pouvait interpeler l'enfant
d'autrui sur le respect de certaines valeurs morales sociales. Toute
l'éducation de la génération incombait aux membres de la
société. Cette solidarité est de nos jours en perte de
vitesse liée aux conditions de vie et à la représentation
sociale de certains parents qui sont toujours prêts à
défendre leurs progénitures malgré certainesdérives
qu'ils viendraient à commettre.
En outre, la société elle-même n'est plus
un modèle pour la jeune génération. L'homme est devenu un
moyen pour atteindre une fin. Ainsi on assiste à la montée de
plus en plus croissante de la violence et de la criminalité. Face
à cette nouvelle réalité quelle doit être la
perspective d'une morale du futur ?
Pour ce faire, la théorie à double niveau du
philosophe allemand Jürgen Habermas semble nous inspirer : la
théorie du « monde vécu » et celle des
« s#stèmes ».En effet dit-il,« le monde
vécu est l'ensemble des activités humaines
médiatisées par les structures propres à la
société que sont la langue, la culture, la socialisation et les
traditions. Sa structuration et sa modification se font en fonction de
l'évolution des moeurs et de l'interprétation des valeurs
sociales. Le monde vécu est le lieu quotidien de nos activités.
Le concept de s#stème fait référence à l'ensemble
des savoirs qui n'embrassent qu'un élément de la
société : s#stème
66
économique, s#stème de santé,
s#stème éducatif/»
Il est donc important que l'éducation morale prenne en
compte non seulement le monde vécu mais aussi intègre les valeurs
qui cadrent avec les différentssystèmes. De plus, toute la
société doit êtreéducative parce que l'enfant est
l'enfant du groupe tout entier et non seulement de ses géniteurs.
L'éducation doit avoir un caractère collectif prononcé,
une globalité au niveau des agents. En effet, en Afrique noire «
traditionnelle », la parenté, les pairs, le village participent
à l'éducation de l'enfant. Tout le tissu social sert de cadre
d'action. Tout le monde doit être concerné par
l'éducationmême si une place particulière revient aux
parents et aux ainés.
66J(Habermas), Théorie de l'agir
communicationnel, tome II : Pour une critique de la raison fonctionnaliste,
Paris, Fayard, 1981/1987 Page 18
54
Au cours de notre développement, nous avons vu que la
responsabilité de la société qui doit être un
modèle pour la jeune génération, de même que la
prise en compte des différentssystèmes sociaux et le retour
à certaines valeurs traditionnelles seront bénéfiques dans
la perspective d'une morale du futur. En revanche, la morale étant
culturellement déterminée et au regard des violences et
incivilités de plus en plus croissantes ; il est nécessaire de
repenser aussi la notion de citoyenneté ?
1 .3 Repenser la notion de citoyenneté.
Héraclite a dit,« la seule chose qui est
constante, c'est le changement. »67C'est ce que les
acteurs de l'éducation ont compris et s'interrogent sur la
nécessité d'adapter l'institution scolaire aux exigences de la
vie moderne caractérisée par le développement vertigineux
du domaine de la connaissance et des valeurs en usage. De même,
l'interrogation porte sur le renouvellement des formes de rapport que les
hommes entretiennent entre eux, des nouvelles formes d'exclusion et la
montée des incivilités, symptômes d'une fragilisation du
lien social. Il s'agit autrement dit d'une interrogation sur la notion
même de la citoyenneté.
La notion de la citoyenneté est aujourd'hui fortement
invoquée et réinterrogée en réponse à la
perte des repères d'une société en crise. Comment
revisiter ce concept dans les démarches de développement durable
? Cette notion de citoyenneté implique de repenser la place de la
personne dans la société, des rapports entre ses membres et avec
les institutions représentatives.
Afin de mieux appréhender la notion de
citoyenneté nous nous permettons d'effectuer un bref retour à
l'antiquité gréco-romaine. Le citoyen, habitant de la Cité
jouissait du privilège de vivre dans une place protégée et
un tant soit peu organisée et administrée. Mais en retour des
diverses prestations et avantages, il
67 Héraclite cité dans le Journal Vie
pédagogique du Québec, numéro 109,
novembre-décembre 1998(dossier l'éducation à la
citoyenneté) p48.
55
devait apporter sa contribution : participer à la
défense de la Cité en cas d'agression, par exemple ou payer des
impôts. Ainsi, les villesétaient constituées en
Cités.
De nos jours les droits et devoirs impliqués dans la
citoyenneté sont devenus complexes. La Cité s'est élargie
en Etat, voire en confédération d'Etats, imposant du même
coup une mutation profonde à la signification de la
citoyenneté.
En ce premier quart du 21e siècle, nous
assistons à l'avènement d'un monde de plus en plus ouvert,
à l'internationalisation et à l'extension de la globalité
des comportements, des conduites, des normes et valeurs au-delà du cadre
des «groupements sociaux », jadis définis par le
sociologue françaisG. Gurvitch, l'auteur des
«phénomènes sociaux globaux ».68
Par le phénomène de la mondialisation, des
structures organisationnelles d'ordre politique, économique, social et
culturel et par la globalisation des faits sociaux, ce qui était
ressources ou recettes d'une Cité, d'un Etat, d'un continent,
prétend aujourd'hui à l'universalité. De même, de
nouveaux défis auxquels le monde doit faire face ont vu le jour, telles
que les instabilités politiques dans différentesrégions,
la pollution de l'environnement, la montée de la violence pour ne citer
que cela.
Face à cette triste réalité, l'adaptation
qui nous invite à l'éducation ne serait-elle pas plus supportable
que la contradiction logique qui nous engage à créer un monde
différent ?
« La question de la citoyenneté et donc de
l'éducation à la citoyenneté ressurgit chaque fois que la
société s'interroge sur ses fondements, la
pérennité du contrat social et de la légitimité de
ses dirigeants ».69 Ainsi parait se profiler à
l'horizon la nécessité d'une éducation à la
citoyenneté mondiale qui incombe le plus à l'institution scolaire
car l'enfance est la période favorable pour construire une
éducation à la citoyenneté solide, mais aussi
68 GURVITCH(G), « Traité de Sociologie »,
Tome I, chap. I « objet et méthode de la sociologie
».PUF. Paris, 1962.
69 OUEDRAOGO(B), Mémoire de maitrise de
philosophie, « La philosophie pour enfant : sa problématique dans
la résolution de la crise de la citoyenneté »
Université de Ouagadougou, 2010, p42.
56
à la sociétéentière dans laquelle
l'enfant vit car cette éducation ne s'achève pas au terme des
études primaires ou secondaires mais se poursuit tout au long de la vie.
L'éducation à la citoyenneté mondiale est une perspective
de l'éducation issue du constat que les personnes contemporaines vivent
et interagissent dans un monde toujours plus globalisé. Il est
dès lors devenu essentiel que l'éducation donne aux apprenants la
possibilité et la capacité de réfléchir et de
partager leur point de vue dans une société mondialisée et
interconnectée, ainsi que de comprendre et de discuter des liens
complexes qui existent entre des questions communes, d'ordre social,
écologique, politique et économique, dans le but de mettre en
exergue de nouveaux modes de penser et d'agir.
Cette éducation à la citoyenneté mondiale
est une éducation qui ouvre les yeux des individus aux
réalités du monde et les incite à oeuvrer pour davantage
de justice d'équité et de droits humains pour tout le monde. Elle
recouvre l'éducation au développement, l'éducation aux
droits humains, l'éducation à la durabilité et celle
interculturelle qui constituent les dimensions globales de l'éducation
à la citoyenneté.
L'éducation à la citoyenneté
mondialerevêt une dimension internationale des méthodes
d'apprentissage et d'enseignement en matière d'éducation aussi
bien dans le système formel que celui du non formel. De ce fait, afin de
mieux comprendre les actuelles problématiques mondiales et leur impact
au niveau global et local, elle n'est pas seulement une
nécessité, mais un enjeu éthique dans le monde
aujourd'hui.
En tant qu'éducateurs du XXIe siècle, nous
faisons face à de nombreux défis, dans un monde
controversé. Comment pouvons-nous préparer les individus à
relever ces défis ? Quelles sont nos responsabilités dans un
monde où les connaissances se multiplient et les technologies se
développent ? Quelles sont nos responsabilités dans un monde de
pauvreté, de violence, de préjugés et d'atteintes à
l'environnement ?
57
Une éducation à la citoyenneté mondiale
véritable doit promouvoir en son sein la nécessité d'un
dialogue interculturel et aux droits humains. La démarche
interculturelle offre un modèle de gestion de la diversité
culturelle ouvert sur l'avenir. Il propose une conception reposant sur la
dignité humaine de chaque individu ainsi que sur l'idée d'une
humanité commune et d'un destin commun. S'il faut construire une
identité africaine par exemple, celle-ci doit reposer sur des valeurs
fondamentales partagées, le respect de notre patrimoine commun et la
diversité culturelle ainsi que le respect de la dignité de chaque
individu. Le dialogue interculturel a un rôle important à jouer
à cet égard. Il nous sert d'une part, à prévenir
les clivages ethniques et religieux, linguistiques et culturels. Il nous permet
d'autre part, d'avancer ensemble et de reconnaitre nos différentes
identités de manière constructive et démocratique, sur la
base des valeurs universelles partagées.
L'éducation à la citoyenneté
démocratique et l'éducation aux droits humains sont
étroitement liées et se confortent mutuellement.
L'éducation à la citoyenneté démocratique met
essentiellement l'accent sur les droits et les responsabilités
démocratiques et sur la participation active en relation avec les
aspects civiques, politiques, sociaux, économiques, juridiques et
culturels de la société, alors que l'éducation aux droits
humains s'intéresse à l'éventail plus large des droits
humains et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la
vie.70
En somme, nous remarquons que la morale du futur, si elle veut
atteindre efficacement ses buts et contribuer ainsi à la
résolution des défis du monde contemporains doit marquer une
attention particulière au rôle joué par l'école dans
l'éducation du jeune enfant ainsi que celui que doit jouer la
société contemporaine sans oublier de repenser la notion de
citoyenneté ; une citoyenneté mondiale qui promeut un
développement humain durable.
Nonobstant ces facteurs endogènes à prendre en
compte, il convient d'examiner attentivement d'autres qui sont
exogènes.
70Charte du conseil de l'Europe sur
l'éducation à la citoyenneté démocratique et
à l'éducation aux droits humains, Mai 2010, p 14.
58
59
HAPITRE II : LES FACTEURS EXOGENES.
II .2 Le rôle des Nouvelles Technologies, de
l'Information et de la Communication (NTIC).
L'histoire de l'humanité est faite de
grandesrévolutions qui ont amené de véritables bonds de
civilisation. Selon les spécialistes, la révolution dans le
domaine de l'information et de la communication est
comparableàl'avènement de l'imprimerie et de l'alphabet qui a
marqué profondément l'histoire de l'humanité. En effet,
avec les NTIC le monde est passé du tam-tam à la toile(WEB)
c'est-à-dire d'une société traditionnelle à une
société de l'information qui supprime les distances entre les
peuples. Après une période de l'histoire au cours de laquelle
l'homme a cru pouvoir dominer la planète, il se trouve aujourd'hui
confronté à une vision du monde faite de globalité. Le
monde est un système fini traversé par les courants de la
communication et de l'audiovisuel qui en resserrent la trame. De ce fait
naissent de nouvelles solidarités, des interactions, des
émulations entre les hommes et entre les pays grâce à la
révolution communicationnelle caractérisée par les
Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication appelée
NTIC.
Les NTIC peuvent être comprises comme étant,
« l'ensemble des technologies qui permettent l'acquisition, la production,
l'approvisionnement, le traitement, la communication, l'enregistrement et la
présentation d'informations, sous forme vocale, d'images et de
données contenue dans les signaux de nature acoustique, optique ou
électromagnétique. Les NTIC comprennent l'électronique
comme la technologie de base qui supporte le développement des
télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel
»."Ainsi à travers les NTIC une nouvelle ère
mondiale de la technoscience semble avoir vu le jour et tend de plus en plus
à s'imposer de façon universelle. L'outil informatique devient de
plus en plus indispensable aussi bien dans les pratiques quotidiennes
occidentales qu'africaines.C'est dans cette optique que Bajah posait
déjà l'indispensabilité pour
71
http://www.cibersociedad.net/archivo/articulo.php
?art : 218, consulté le 18/08/2013
60
l'Afrique d'être au moule scientifique et technologique
que les pays développés proposaient au reste du monde en ces
termes : « C'est un fait bien connu que l'Afrique ne peut exister dans
l'isolement et que le progrès scientifique et technologique
réalisé dans les pays développés a un impact sur
l'Afrique. Touteseule, l'Afrique ne peut contribuer à cet égard
sans être impliquée dans les activités scientifiques et
technologiques, car [...] tout pays qui ignore la
72
science et la technologie le fait à ses propres
risques et périls ».
Le Burkina Faso, pays situé au coeur de l'Afrique
0ccidentale ne semble pas résister à cette réalité
des faits. De plus en plus, l'on constate l'engouement de la jeunesse à
l'outil informatique dans son volet internet à travers la
fréquentation des cybercafés. Uneétude menée par
Philipe Massé stagiaire à 0xfam vient confirmer notre
thèse. En effet selon cette étude, «Internet, le
réseau des réseaux, est devenu accessible au Burkina Faso en
1997. Au départ, en raison de son coûtcet outil était
réservé aux organisations et aux individus aux moyens techniques
et financiers importants. Graduellement, sans doute grâce à
l'effet d'entrainement, à la réduction progressive des
coûts d'utilisation et à sa disponibilité croissante sur le
territoire burkinabé, internet a pris de l'expansion et se retrouve
maintenant dans plusieurs organisations de développement
».73
Etienne K0LA abonde dans le même sens etjustifie
l'engouement pour les NTIC. Selon lui, « le monde fonctionne
actuellement au rythme de la vogue informatique. L'information est une
technologie très récente. Elle date seulement du 20e
siècle. En tant que technologie de pointe, l'informatique prise dans sa
globalité impressionne. Dans les pays développés,
évoquer son influence sur l'existence individuelle comme collective
relève désormais de la banalité. Dans les pays en
développement comme le Burkina Faso, l'intérêt pour cette
technologie s'accroit de manière hyperbolique. Cela fait que la culture
informatique est l'une des plus brillantes de notre époque
».74
72Bajah(S .T), Vers une éducation pour tous
en Afrique, Dakar .Unesco 1995, p49.
73Philippe(M), Etude sur l'impact d'internet
sur le développement humain au Burkina Faso. Oxfam, Ouagadougou.
2002. P1.
74Etienne(KOALA), Thèse de Doctorat
unique de philosophie « L'école contemporaine à
l'épreuve des faits : l'alternative Rousseauiste ».
Université de Ouagadougou, 2009 p100.
61
Sans remettre en cause les avantages qu'offrent les NTIC pour
la société, force est de reconnaitre que leur intégration
ne se fait pas sans heurt surtout au plan morale. De façon
précise l'on assiste maintenant à une perte de sens, de valeurs.
Plutôt, il y a un manque d'ordre dans la donation des sens. Avec les
NTIC, le flux ininterrompu des valeurs fait qu'il n'y a plus de valeurs
absolues,tout est disponible. L'usage de l'internet revêt des aspects
positifs, cependant nous nous intéresserons à ceux
négatifs et à la nécessité d'un usage sain afin de
préserver les valeurs éthiques sociétales car le monde
aborde non seulement l'ère de la globalité mais également
de l'incertitude. Une incertitude qui peut faire peur à des hommes trop
souvent habitués par leur éducation à camper dans des
certitudes sans précédent. Mais, cette incertitude peut
être riche en possibilité grâce aux progrès de la
science et de la technologie, à condition d'être guidée par
des considérationséthiques.
Aujourd'hui, l'accélération des transformations
scientifiques et technologiques, leur impact sur les comportements et les
cultures, sur les individus et les sociétés plongent
l'humanité dans des perturbations. C'est à juste titre que
Nietzsche dénonçant la modernité et la culture
européennes écrivait que, « le problème d'une
civilisation a rarement été correctement compris. Sa fin n'est ni
le plus grand bonheur possible d'un peuple ni le libre développement de
tous ses dons : mais elle se montre dans la juste mesure de ces
développements ».75
L'appropriation de l'outil internet présente de
conséquences chez les jeunes adolescents. A travers cet outil, nous
assistons à une dégradation des relations
interpersonnellescaractérisées par des images sur la violence
observées sur des sites ; les enfants sont exposés à des
contenus inappropriés tels que la pornographie, la violence ou le
message haineux. Nous assistons également à l'occidentalisation
de nos moeurs car les jeunes veulent par exemple à travers leur
accoutrement vivre à l'occidental.
75Nietzsche(N), Le livre du philosophe,trad, intro
et notes par A .Kremer-Marietti ,Flammarion 1991,aph ? 46 p52.
62
L'internet pose sans doute certainsproblèmes d'ordre
socio-culturel dans le contexte burkinabé, spécifiquement ceux
liés à l'éducation des adolescents, êtres immatures
à un triple point de vue biologique, psycho-affectif et cognitif. Les
adolescents internautes encourent des risques car le caractère
international du réseau internet mêle des systèmes de
valeurs différents et quelques fois antinomiques.
En effet, nombreux sont ces sites sur lesquels il est question
de pornographie, de pédophilie, de l'homosexualité, d'images
pernicieuses ou de la criminalité, des pratiques qui sont contraires aux
normes sociales culturelles africaines.Face à cet état de fait,
comment percevoir, cerner et régulerles nouveaux rapports humains entre
les adolescents eux-mêmes et le reste de la sociétési les
premiers c'est-à-dire les adolescents sont plus marqués par un
individualisme de type occidental, dépendant plus des contacts avec
l'internet, la télévision, la radio et absents de l'immersion
sociale africaine, base de l'éducation traditionnelle en Afrique noire ?
Quelles sont les précautions à prendre pour préserver les
valeurs éthiques et morales à travers l'utilisation des NTIC ?
La famille, cellule biologique, premier cadre dans lequel
l'enfant reçoit sa premièreéducation doit veiller à
une utilisation saine de l'outil internet. Pour ce faire,les parents doivent
limiter l'utilisation nuisible de cet outil à travers un contrôle
direct. L'ordinateur est mis dans un lieu public de la maison, des logiciels
contrôlant les modalités d'utilisation sont installés,
l'historique de recherche des enfants doit être constamment
vérifié afin de les prémunir des sites malveillants. De
même, les discussions familiales abordant les
problématiquesliées à internet, ses avantages et ses
inconvénients doivent se multiplier.
Le milieu scolaire, second cadre d'éducation de
l'enfant doit s'inscrire dans cette perspective par la promotion des valeurs
éthiques et morales et la formation de l'esprit critique de l'enfant
afin qu'il puisse se prémunir des effets pervers de cette technologie
moderne.
63
De même, les instances publiques doivent mettre en place
du cyber stratégies permettant de sensibiliser voire former les
détenteurs et les gestionnaires de cybercafés car c'est le lieu
fréquenté par une majorité de la frange jeune. C'est le
cas de la Commission de l'Informatique et des Libertés(CIL) et du
ConseilSupérieur de la Communication(CSC) au Burkina Faso, qui non
seulementrépriment, mais traquent la cybercriminalité, et censure
des images qui conduisent à une déchéancemorale. C'est
dans cette même optique que Fatié0UATTARAreprend Kant dans sa
thèse de doctorat : « Au-delà du catéchisme moral, le
catéchisme de droit devra imposer des règles strictes permettant
de traquer les cybercriminels. C'est alors que se font sentir la
nécessité et l'exigence de rigueur dans le traitement de
l'information électronique par ses utilisateurs ».76
II. 2 Le rôle de la mondialisation
Même si on peut dire que dans le passé, au moment
des grandes conquêtes les échanges internationaux de marchandises
ont eu lieu, il n'en reste pas moins que tout était
contrôlé par les Etats. C'est pendant lapériode de
l'après-guerre que le terme mondialisation ou globalisation s'est
vraiment cristallisée.
En effet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale,
l'on assiste à une opposition entre les blocs communistes, socialistes
et capitalistesmatérialisée par le mur de Berlin. La chute de ce
mur en 1989 est considérée comme un point de flexion dans
l'histoire mondiale du 20esiècle.C'est la fin de la guerre
froide, mieux de l'opposition Est-0uest que certains ont analysé comme
la victoire de l'0uest, celle du libéralisme politique et
économique contre le communisme. Ce grand événement
mondial va faire naitre de nouveaux concepts pour décrire la nouvelle
réalité de notre planète.Une planète où
aucune barrière n'existait en face de l'expansion libérale
à travers ce qu'on appelle mondialisation ou globalisation.
76Fatié (OUATTARA), Thèse de
doctorat unique de philosophie : « De la crise de l'éducation. La
rationalité comme principe de l'éducation à la
liberté et à la paix chez Kant et Hegel ».
Université de Ouagadougou.2012. P332.
64
Dans une grande désillusion où il critique entre
autres le FMI (FondsMonétaire International), institution dans laquelle
il a travaillé, Joseph STIGLITZ définit la mondialisation comme
la suppression des entraves au libre-échange et l'intégration des
économies nationales. "Alain DURAND,élargit le champ
de cette définition. En effet, dit-il « la mondialisation est
un processus d'universalisation des échanges entre biens, valeurs,
personnes. Elle est une circulation universelle et un devenir monde. C'est le
dépassement du local et la transgression des frontières
».78
A travers de telles approches définitionnelles, l'on
comprend aisément l'usage du terme mondialisation de l'économie
pour certains et de ce fait il est important de comprendre ce que renferme la
notion d'économie.Dieudonné N. K0RSAGA, Inspecteur de philosophie
nous fait savoir que dans le contexte de la mondialisation, « quand on
parle d'économie, on parle de commerce, d'échange d'objets
matériels mais aussi immatériels des mots, des idées, des
valeurs ; de la culture ».79.Il s'agit de
l'autre volet aussi important de la mondialisation et il est à noter que
nous passons d'une économie multinationale à une économie
globale. Et cette globalisation tend à s'élargir pour transformer
la planète en village mondial.
Avec la mondialisation, l'on assiste à une dissolution
du local dans l'universel et ceci n'est pas sans conséquences sur notre
quotidienneté existentielle et sociale aussi bien économique,
technologique, culturelle voire environnementale. Mais nous nous
intéresserons aux aspects négatifs afin de voir quel changement
cela commande de la part de l'homme afin de s'adapter à ces
défis.
Au niveau économique, « la vitesse de la
globalisation a été d'autant plus rapide que les flux sont moins
matériels : elle concerne, par ordre d'importance, les échanges
humains, les biens et les services, les flux des capitaux, l'information. Dans
une telle complexité, les Etats nationaux ne peuvent que constater leur
disqualification dans certains domaines d'activités qui relèvent
de
77STIGLITZ (Joseph) ; cité par
Dieudonné N. KORSAGA, Inspecteur de philosophie dans son Manuel de
formation de culture générale. Edition 2007 p 125.
78 DURAND (Alain) ; Pour une pratique
chrétienne de la mondialisation in Congo-Afrique n° 351
Janvier
2001 .p24
79Dieudonné N.( KORSAGA), Inspecteur de
philosophie dans son Manuel de formation de culture
générale.
Edition 2007 p 125.
65
leurscompétences ». 80Autant
dire que nous assistons à une expansion du capitalisme face à la
pensée néolibérale. Avec la dissolution du local dans
l'universel, les grandes multinationales s'approprient le monopole des
échanges au niveau mondial devant le regard impuissant des pays pauvres.
Ces derniers ne pouvant résister à la concurrence sont
obligés de fermer certaines industries et de jeter la clé sous le
paillasson, et pire de subir la dictature des pays riches qui fixent les prix
de certains de leurs produits. C'est le cas par exemple au Burkina Faso
où l'avènement du Programme d'Ajustement Structurel imposé
aux pays africains dans les années 1990 par les institutions
financières mondiales a entrainé la fermeture des certaines
unités de production. Et cela contribue à la perte de la
souveraineté nationale dans certains pays pauvres. Bref, c'est le
capitalisme sauvage dont la critique marxiste n'a rien perdu de son
actualité : exploitation de l'homme par l'homme, création de
monopole et paupérisation croissante pour le plus grand nombre avec
enrichissement déraisonnable du plus petit nombre.
La mondialisation comme processus culturel n'est qu'un emprunt
culturelou de l'impérialisme culturel à grande vitesse et
à un niveau mondial. Aucune communauté humaine significative n'y
échappe. Nous assistons sans conteste à l'appauvrissement de la
diversité culturelle, le désarroi dans les valeurs devant la
multitude des informations et des pratiques. Tout laisse à croire
qu'aujourd'hui la richesse matérielle est la clé du bonheur alors
qu'il semble que les plus riches ne sont pas sûrs d'être
heureux.Nous assistons de plus en plus à l'occidentalisation de nos
moeurs comme le soutient Samuel HUNTINGT0N, <l'axe central de la politique
mondiale du futur c'est l'0ccident contre le reste du monde
».81Pour nous autres, burkinabé pauvres, la
réalité c'est d'abord notre exclusion, notre marginalisation pure
et simple dans la mondialisation. L'Afrique entière contribue
80SAMUEL (Wafo) ; Mondialisation, enjeux et
perspectives,
www.youscribe.com.p9
,consulté le 19 /09 /2013. 81HUNTINGTON (Samuel), The
clash of civilization and remaking of the world order, New-york. Simon
et
Schuster, 1996, p10.
66
faiblement dans le commerce mondial. Il y a donc en
réalité deux mondes, celui des mondialisés et des non
mondialisés.
En plus, de notre marginalisation, nous subissons et n'avons
pas les moyens de participer à ce processus. Aussi, l'éducation
de nos jeunes va nous échapper de plus en plus comme les destins de nos
Etats nous échappent.Sur le plan éducationnel, notons qu'avec la
révolution informatique qui se poursuit, nous assistons à un flux
quotidien d'images produites par les industries culturelles mondiales
accessibles à travers internet, la télévision. De ce fait,
l'0ccident semble nous imposer sa culture. Ne remarquons nous pas que de plus
en plus la jeune génération adopte un comportement vestimentaire
occidental qui va souvent à l'encontre de nos moeurs ? Les NTIC sont en
train de se propager à travers le monde comme jamais auparavant.Les
héros des enfants ne sont plus dans les livres scolaires, mais
plutôt dans les films, les magazines, les jeux vidéo avec
leurcortège de valeurs perverses qu'elles véhiculent comme la
violence, la prostitution pour ne citer que cela.
La mondialisation a un lien étroit avec l'environnement
en ce sens que ces deux termes recouvrent, à n'en pas douter, deux
enjeux majeurs du siècle qui s'ouvre. L'existence de problèmes
environnementaux globaux comme le réchauffement climatique ou la
disparition de la couche d'ozone, problèmes qu'aucun état ne peut
prétendre résoudre par une action isolée, met en
évidence la nécessité de l'action multilatérale. La
mondialisation des échanges favorise l'industrialisation et le
développementéconomique de certaines régions, ce qui n'est
pas sans conséquence sur l'état de l'environnement dans les zones
concernées. En mêmetemps, la mondialisation érode par
certains aspects la souveraineté des Etats, et risque de réduire
leur capacitéàréglementer des activités dans un
sens protecteur de l'environnement.
La mondialisation a eu un surprenant mérite ; celui de
créer une nouvelle jungle contrôlée par les grandes
puissances économiques qui échappent totalement à l'empire
des citoyens et des Etats. Les préoccupationsenvironnementales sont
67
dans le meilleur des cas,reléguées au second
rang .Qu'importe si « la société se délite, la
fracture sociale se creuse, le chaos se généralise
».82
Nous ne pensons pas pour en avoir analysé les aspects
négatifsque c'est la plus enviable de la cohabitation humaine. Par
ailleurs, au niveau individuel comme collectif, l'homme apprend et
évolue par essai erreur. L'histoire de l'humanité est une
succession d'embranchements qui se perdent plus souvent dans des impasses. Il
est évident que le modèleéconomique actuel court à
son échec. Tout se passe aujourd'hui comme si la critique marxiste du
capitalisme a été enterrée et pourtant qu'adviendra-t-il
quand moins de 20% de la population mondiale posséderont 80% de la
richesse mondiale ? Il faut reconnaitre au capitalisme d'avoir
été un catalyseur dans le progrès de l'humanité
mais quand nous aurons plumé et étripé la terre dans notre
accumulation boulimique des biens matériels que restera-t-il ?
La mondialisation multiplie les problèmes à des
ensembles de pays, à toute la
population de la planète, qu'il s'agisse
d'environnement, de santé, de stabilitéfinancière ou
d'accès au savoir. Nous n'avons pas eu la prétention de faire un
inventaire exhaustif des effets néfastes de la mondialisation.
Cependant, si la mondialisation tend à renforcer
l'uniformité et l'homogénéité sur le terrain des
valeurs, la réaction à ses effets manifeste la diversité
des valeurs. Dans quel sens l'éducation aux valeurs devrait-elle
s'orienter ?Devrait-elle uniformiser les valeurs pour donner une
identité propre et construire la nation ?0u devrait-elle tendre
plutôt, à contribuer à la promotion des valeurs locales et
celles globales ?
Il est fondamental de promouvoir la connaissance locale face
à la mondialisation. Mais tel un arbre, cette connaissance doit avoir
ses racines dans les valeurs et les traditions locales, et en même temps
absorber les ressources utiles et pertinentes du système global de
connaissance. Le renforcement de la connaissance locale dans une
éducationglobalisée requiert une identité locale, et donc
des valeurs locales et des racines culturelles. Il faut sélectionner,
dans la connaissance globale,
82HALIMI (Serge) ; « Quelle
légitimité » in « Les nouveaux maitres du monde »,
Manière de voir, n 28, novembre 1995, p17-18.
68
les éléments susceptibles de renforcer la
connaissance locale. Cet objectif ne peut être atteint qu'en s'inspirant
de la culture et des valeurs locales. Le résultat que l'on attend d'une
telle action c'est de pouvoir développer une personne locale dans une
perspective globale, une personne ayant la capacité d'agir localement et
de se développerglobalement. C'est-à-dire une éducation
qui produit des hommes capables de s'adapter à toutes sortes de
situation et de pouvoir vivre partout de par le monde.
ONCLUSION
69
Pour traiter du thème de la pensée morale
kantienne face aux défisdu monde contemporain, nous avons
été amenés à faire une élucidation
conceptuelle et historique de la morale, un ensemble de règles
permettant de régir la vieen communauté à travers la
cohésion sociale qu'elle instaure.
A travers l'historique que nousavons pu faire ressortir, il
apparait clairement que les règles morales ont toujours existé
depuis l'antiquité grecque à la périodecontemporaine
favorisant le vivre-ensemble de l'homme.
Notre travail a aussi stigmatisé les défis
auxquels le monde contemporain fait face malgré l'existence de ces
théories morales. Le monde est devenu plus que jamais le champ de tous
les maux qui entravent l'émancipation de l'homme. Ce dernier est
considéré dans la plupart des théories morales comme un
moyen et non une fin ; pourtant celles-ci étaient senséesassurer
la cohésion dans la société mieux l'épanouissement
de l'homme. C'est en cela que nous avons été amenés
à faire un retour à Kant.
Ainsi, pour ce philosophe des Lumières, tout ce qui se
rapporte à la raison a nature de lois. 0r la légalité de
la raison a une nature double ; juridique et morale à quoi correspond la
distinction si fondamentale entre légalité juridique et
moralité. Les lois de la liberté sont juridiques quand elles se
rapportent à des actions externes. Elles sont morales quand elles sont
déterminées par des motifs internes d'agir.
Contrairement aux éthiques utilitaristes qui font du
bonheur le critère du bien et mesurent la valeur morale d'une action
à ses conséquences, nous avons pu constater que Kant fonde la
morale sur un principe rationnel inconditionné qui est le devoir.
L'originalité du kantisme est d'avoir montré qu'il y a un
principe moral valide et universellement accessible au savoir humain. Il ne
peut pas penser qu'un homme puisse s'opposer volontairement à la loi
morale ou haïr son prochain. Il peut le fuir par égoïsme, par
paresse ou lâcheté, ou parce qu'il n'est pas maître de
70
ses impulsions, mais au fond de lui, il garde gravée
dans sa conscience, la loi morale et c'est justement ce commandement
éthique qui constitue les prémisses pour réaliser le
droit.
Aussi avons-nous essayé de mettre en exergue
l'actualité de la philosophie morale du philosophe humaniste et
sesenjeux sur les défis du monde contemporain. De l'autonomie de la
volonté à la liberté, de l'universalité de la loi
morale à l'humanisme, du rigorisme moral au droit, tout ceci reste une
inépuisable source à laquelle peuvent toujours s'abreuver ceux
qui veulent faire de l'homme une finalité morale.
Kant est un philosophe humaniste qui considère la
personne comme le but qu'on se donne, comme une fin et s'oppose qu'on lui fasse
violence. Son idée d'une construction systématique de paix
transnationale inspire à plus d'un titre aussi bien les hommes que les
Etats démocratiques. Dès lors que nous acceptons que l'usage de
la raison n'est pas le monopole d'une portion de l'humanité, il est
possible d'espérer l'unification de tous les citoyenspar des lois
universelles de la raison.
Nous demeurons convaincus que notre travail n'a fait que
toucher un aspect de cet immense domaine relatif à Kant et ses
incidences sur les défis du monde contemporain. Aussi osons-nous
espérer que d'autres travaux viendront l'approfondir comme le veut la
recherche universitaire.
Nous marquons cependant notre engagement en la philosophie
morale en ce qu'elle peut avoir une incidence positive sur les défis du
monde contemporain. Elle contribue à former des citoyens libres, et
demeure à notre sens un moyen qui peut contribuer à pacifier la
société par la culture de la tolérance, de la
solidarité et de la paix.
71
BIBLIOGRAPHIE
1) EmmanuelKant, Métaphysique des
moeurs I, Fondement et Introduction, Trad., Alain Renaut, Paris G-F Flammarion
1994.
2) EmmanuelKant, Métaphysique des
moeurs II, Doctrine de la vertu, Trad. Alain Renaut , G-F Flammarion, 1994.
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OEuvres philosophiques, Paris, Ed. Gallimard, 1986.
4) EmmanuelKant, Critique de la raison
pratique, Trad.Picavé, PUF, 1943.
5) EmmanuelKant, Métaphysique des
moeurs (fondation-introduction), Paris, Flammarion, 1994.
6) MeirieuPhilippe, Le choix
d'éduquer (Ethique et pédagogie)-ESF 1999.
7) WeilEric, Morale in
EncyclopaediasUniversalis, Paris 1989.
8) BrunschwigJacques, « Epicure »
in collectif, philosophiegrecque, Paris,Puf 1998.
9) SchopenhauerArthur, trad A. Burdeau, Le
fondement de la morale, Paris, Aubier-Montaigne, 1978.
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Paris, Puf 1997.
11)Jean JacquesRousseau, Discours sur
l'inégalité, op, cit.
12Jean JacquesRousseau, Essai sur l'origine
des langues, Paris, Gallimard « folio »1990.
13) SegondLouis , Traduction de la Sainte
Bible version 2006 .
14) Patrice Canivez, Eduquer le citoyen ?
Essai et textes, Paris, Hatier-227-1990.
15) MaxKarl, Le Capital (Critique de
l'économie politique), Paris-Editions sociales 1978.
16) Luther KingMartin, J'ai fait un
rêve, Paris. Bayard Editions 1985.
17) Lalande André, Vocabulaire
technique et critique de la philosophie, Puf 1926.
72
18) DescartesRené, Discours de la
méthode. Paris, Flammarion 1992. 19)JonasHans, Principe
Responsabilité, Editions « Passages » 1990.
20) JonasHans, Vue éthique pour la
nature, Coll Midrash, Paris, Desclée Brouwer 2000.
21)BaconFrancis, Du progrès et de la
promotion des avoirs, Paris, Gallimard, 1991.
22) Ferry Luc, Kant, une lecture des trois
critiques, Bernard Grasset 2006.
23) Bréhier Emile, Histoire de la
philosophie, Puf, 1931-1932.
24) ReboulOlivier, La dignité humaine
chez Kant, Revue de Métaphysique et de Morale, 1970.
25) Durkheim Emile, L'Education morale,
OEuvre posthume, Paris, Puf, 2012.
26) MukenePascal, L'ouverture entre
l'école et le milieu en Afrique noire. Editions Universitaire de
Fribourg, Suisse, 1990.
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28)GGurvitch, «Traité de sociologie
», Tome I, PUF, 1962.
29) FriedrichNietzsche, Le livre du
philosophe, Trad, Intro et notes par A .Kremer-Marietti, Flammarion, 1991.
30) KolaEtienne, Thèse de Doctorat
unique de philosophie, « L'école contemporaine à
l'épreuve des faits, l'alternative Rousseauiste ».
Université de 0uagadougou, 2009.
31)OuattaraFatiè, Thèse de
Doctorat unique de philosophie, « De la crise de l'éducation. La
rationalité comme principe de l'éducation à la
liberté et à la paix chez Kant et Hegel, Université de
0uagadougou, 2012.
32)GuigmaMarcel, Kant et la
démocratie, mémoire de maîtrise de philosophie,
Université de 0uagadougou, 2012.
73
33)OuédraogoBoubacar, La philosophie
pour enfant : Sa problématique dans la résolution de la crise de
la citoyenneté, Université de 0uagadougou, 2010.
34)DieudonnéNKorsaga, Manuel de formation
de culture générale, 2007.
WEBOGRAPHIE
1)
http://perso.club-internet.fr/foliot.philippe/fondem.htm
2)
www.youscribe.com.p9
3)
http://philia-oneline-fr/text/cpcr001
4) www.wikipedia-la morale-et-la-religion
5)
http://www.toupie.org
6)
http://www.ugac.ca.jmt
7) diaz@a,entpe.Fr
8)
http://www.democratieactive.org/communauté/rdc/ldbg/présentation.
html
9) S ; Cafartan « leçon 57, droit de l'homme et
droit du citoyen » in
philosophie et spiritualité, 2002, URL
http://sergecar.Club.Fr/cours/droit
2 «droit%20 de % 20 l'homme.
TABLE DES MATIERES
74
DEDICACE.....................................................................i
REMERCIEMENTS.............................................................ii
INTRODUCTION................................................................
1PREMIERE PARTIE : MORALE ET DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN
CHAPITRE I : Elucidations conceptuelles et
historiques.
I. 1 Définition de la
morale......................................................5
I.2 La morale dans
l'antiquité...................................................8
I.3 La morale dans les temps
modernes.......................................10
I.4 La morale dans la société
contemporaine.................................13 CHAPITRE II :
Réflexion sur les défis du monde contemporain.
II.1 La crise de la
citoyenneté...................................................16
II.2 La crise de la
démocratie...................................................21
II.3 La crise de
l'environnement................................................25
DEUXIEME PARTIE : CONTRIBUTION DE LA MORALE KANTIENNE A LA RESOLUTION
DES DEFIS DU MONDE CONTEMPORAIN.
CHAPITRE I : Présentation de la morale
Kantienne.
I.1 La source de la morale chez
Kant.........................................33
I.2 Le principe d'universalité de la loi
morale..............................37
I.3 Le principe de la dignité
humaine.........................................38
I.4 Le principe d'autonomie de la volonté morale, source
du droit......39 CHAPITRE II : De l'actualité de la morale
Kantienne
II.1 De l'universalité de la morale à
l'humanisme..........................41
II.2 Du rigorisme morale au
droit.............................................43
II.3 Pensée critique et protection de
l'environnement.....................44
75
TROISIEME PARTIE : LA MORALE DU FUTUR : ENJEUX ET
PERSPECTIVES.
CHAPITRE I : Les facteurs endogènes
I.1 L'école face à la
morale....................................................53
I.2 L'éducation traditionnelle face à la
morale.............................57
I.3 Repenser la notion de la
citoyenneté.....................................60 CHAPITRE II :
Les facteurs exogènes
II.1 Le rôle des Nouvelles Technologies de l'Information et
de la
Communication(NTIC).........................................................65
II.2 Le rôle de la
mondialisation...............................................70 CON
CLUSION.................................................................76
|