2.2.1.3. Chefferie traditionnelle dans la direction
d'une institution étatique
L'un des obstacles à l'autopromotion communautaire des
populations à la base est la non reconnaissance et l'absence de
l'autorité d'un chef traditionnel. En effet, à part son
rôle de « gardien des us et coutumes » et de
dépositaire de la cosmologie locale, les attributions du chef
traditionnel prévues par la législation en vigueur au Togo
montrent une très grande diversité qu'on peut répartir en
deux catégories : celle que le législateur lui
délègue ou dont il attend de lui qu'il les remplisse, et celles
qui reviennent au juge traditionnel (Rouveroy V., Van Nieuwaal V., 2000 :
207).
Cette première attribution du chef traditionnel selon
Adriaan et al correspond aux tâches en matière de police
générale et rurale, en matière économique et
financière, de perception des impôts, ainsi que dans les domaines
de l'hygiène et de la voirie, de l'état civil au niveau du chef
canton, du suivi des mouvements des étrangers de passage qui
séjournent ou se fixent sur leur territoire. Il comprend aussi les
attributions du chef traditionnel en matière de règlement des
litiges. Son devoir aussi concerne le maintien de l'ordre public dans la
localité dont il est le chef.
Aujourd'hui il faut reconnaître que la tâche d'un
chef traditionnel n'est plus une tâche facile car elle est difficile et
complexe dans une société en perpétuelle mutation qui
abandonne les normes et les attitudes anciennes et où la
génération actuelle de jeunes n'accepte plus l'autorité
des ainés et des chefs traditionnels.
Au Togo la chefferie a ceci de particulier qu'elle doit
d'abord tenir le rôle d'un outil au service du pouvoir central.
Extérieure à l'appareil d'Etat, mais pourtant, d'une certaine
manière, assimilable à l'un de ses prolongements, elle est son
alliée obligée et sa concurrente directe. Bien qu'elle s'y sache
soumise, elle n'ignore pas que, sans son appui, celui-ci n'aurait pas le
moindre impact sur la population. Quasi organique, cette dépendance
mutuelle est comparée à « un jeu à somme
nulle », « sans gagnant ni perdant » (Id :
81-114).
La désignation d'un chef traditionnel obéissant
aux us et coutume doit respecter la tradition d'une localité et devrait
se faire par voie de succession héréditaire ou par voie de
consultation populaire. C'est ce qui confirme la loi N° 2007-002 du 08
janvier 2007 relative à la chefferie traditionnelle et aux statuts des
chefs traditionnels au Togo, en ses articles 10, 11 et 12 dont nous
citons :
« Art.10 - La désignation et
l'intronisation du chef traditionnel obéissent aux us et coutumes de la
localité.
La désignation se fait :
- par voie de succession héréditaire
ou ;
- par voie de consultation populaire.
Art. 11 - la désignation du chef traditionnel par
voie de succession héréditaire est dévolue au conseil
coutumier. En cas de désaccord entre les membres du conseil sur le choix
du postulant, le conseil coutumier recourt entre les candidats
réunissant les conditions exigées par la coutume et la
présente loi à une séance de tirage au sort en
présence d'un représentant de l'administration
territoriale.
Art. 12 - la désignation par voie de consultation
populaire se fait par alignement des populations ayant atteint la
majorité derrière le candidat de leur choix.
Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est
choisi. En cas d'égalité de voix, le candidat le plus
âgé est choisi. » (Journal officiel, 2007 :
4).
Bien que la loi relative à la chefferie traditionnelle
et aux statuts des chefs traditionnels au Togo, du 08 janvier 2007 le stipule
dans ses articles 10, 11 et 12, aujourd'hui, ce que l'on appelle chefferie
traditionnelle est une survivance des formes multiples d'organisations
sociopolitiques qu'a connues l'Afrique avant la colonisation. Ce legs de la
colonisation a été bien entretenu par le Togo. Au lieu que les
populations désignent elles - même leurs chefs, c'est plutôt
l'Etat qui leurs impose un chef qui ne retient pas l'assentiment populaire. La
voie est donc ouverte pour que le chef traditionnel soit manipulé par le
pouvoir en place qui peut prononcer sa destitution ou son maintien, selon son
bon vouloir. Devant cet état de chose, les relations entre la chefferie
et la population souffrent d'une méfiance réciproque. C'est ce
qui explique la désaffection dont les dirigeants locaux font l'objet.
Cette situation est source de conflit repérable au nord comme au sud du
Togo. L'autorité coutumière subit un très grave
préjudice en termes de respectabilité, ce qui conduit au
désordre.
L'autre aspect du problème lié à la
chefferie au sud Togo, concerne les conflits de succession au trône. Les
communautés sont divisées et se disputent le trône. Une
telle situation crée des divisions et des tensions dans les
communautés et donc constitue un obstacle à l'autopromotion des
villages.
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