Département d'information et de communication
La communication pour le
développement :pour une approche participative des
stratégies de développement
Étude de cas : la politique nationale de
communication pour le développement du Burkina Faso
Hawa Ba
Maître ès arts (M.A.) en communication publique
- communication internationale et interculturelle -
Sous la supervision de Monsieur Charles Moumouni
Professeur titulaire au département d'information et de
communication
Université Laval
Automne 2014
Table des matières
Liste des acronymes
3
Introduction
5
Démarche de l'essai
8
Première partie
10
1. Communication et développement
10
1.1. La communication, un concept à plusieurs dimensions
10
1.2. Le développement, un processus de changement
dynamique
10
2. Différentes approches de la
communication pour le développement
12
2.1. Théories diffusionnistes
12
2.2. Théories participatives
13
2.3. Les communautés : acteurs de leur propre
développement
14
3. La communication au centre de la
participation
16
3.1. Les enjeux de la communication participative pour le
développement
17
3.2. Les structures de communication : outils de promotion
de la participation
18
4. Des stratégies de
communication participative
22
4.1. Les partenaires au développement encouragent les
efforts de communication
23
4.2. Le congrès de Rome sur la communication pour le
développement
26
5. Les enjeux d'une politique nationale
de communication pour le développement
29
5.1. Les principes d'une politique nationale de
communication pour le développement
29
5.2. Les objectifs d'une politique nationale de
communication pour le développement
31
Deuxième partie
33
1. Fondements et objectifs selon la FAO
et ses partenaires en Afrique de l'Ouest
34
1.1. Les différentes étapes de la
mise en oeuvre d'une PNCD
35
1.2. Principes et objectifs d'une PNCD
36
2. La politique nationale de
communication pour le développement du Burkina Faso
40
2.1. Un appui aux objectifs de
développement
40
2.2. D'une évaluation des besoins
à un plan stratégique de développement participatif
44
2.3. La PNCD du Burkina Faso : atouts et
faiblesses
50
2.4. Évaluation et révision de la
politique
56
3. Conclusion de l'étude de cas
61
Conclusion générale
63
Bibliographie
65
Ouvrages théoriques
65
Documents institutionnels : guides pratiques,
manuels et documents stratégiques
69
Documents portant sur les stratégies de
développement du Burkina Faso
71
Liste des acronymes
C4D Communication pour le développement
DSRP Document stratégique de lutte contre la
pauvreté
FAO Food and Agriculture Organisation
(Organisation des Nations unies pour l'alimentation et
l'agriculture)
OCDE Organisation de Coopération et de
Développement Économiques
OSC Organisation de la société civile
OMD Objectif du Millénaire pour le
développement
ONU Organisation des Nations Unies
PNCD Politique nationale de communication pour le
développement
PNCDBF Politique nationale de communication pour le
développement du Burkina Faso
P.N/COM Politique nationale de communication (Burkina
Faso)
PNUD Programme des Nations Unies pour le
développement
SCADD Stratégie de croissance
accélérée et de développement durable
UNDAF United Nations Development Assistance Framework
(Plan Cadre des Nations Unies pour le
développement/PCAD)
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization(Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science
et la culture)
UNICEF United Nations Children'sFund
(Fonds des Nations Unies pour l'enfance)
"As Nelson Mandela highlighted it is people that make the
difference. Communication is about people. Communication for development is
essential to make the difference happen". (The Communication Initiative,
FAO & World Bank, 2006)
« Les médias peuvent être un
puissant allié pour la promotion d'un développement plus
participatif » (Rapport sur le développement humain,
1991, PNUD)
Introduction
Les problèmes liés à la communication ont
été désignés comme étant le plus grand
obstacle auquel se heurtent les efforts de développement. C'est à
partir de ce constat que la communication pour le développement, comme
approche et comme méthode, a été adoptée.
La communication pour le développement se
définit aujourd'hui comme « a social process based on
dialogue using a broad range of tools and methods. It is also about seeking
change at different levels including listening, building trust, sharing
knowledge and skills, building policies, debating and learning for sustained
and meaningful change. It is not public relations or corporate
communication » (The CI1(*), FAO & World Bank, 2006, p. xxxiii).
Au fil des décennies, différentes approches et
pratiques de la communication pour le développement se sont
succédé. Le dénominateur commun des approches demeure que
la résolution des problèmes de développement
nécessite des changements au sein des communautés
concernées. Il faut un changement au niveau des comportements, mais
également un renforcement des capacités des individus.
Néanmoins, ces différentes approches ont
chacune une conception différente des causes des problèmes de
développement. Pour certains, les efforts de développement
doivent être tournés vers les croyances, considérées
comme étant responsables des mauvaises pratiques.Pour d'autres, les
efforts de développement doivent avoir pour objectif de renforcer le
rôle des communautés afin de garantir une réelle
appropriation des efforts. Les premiers s'associent à une approche
diffusionniste tandis que les seconds prônent une approche
participative.
Dès les années 50, au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, alors que le concept de développement connait
un succès inédit, le modèle diffusionniste se
développe. Les partisans de cette approche défendent
l'idée que tout problème de développement est dû,
soit à un déficit de connaissances ou à une mauvaise
information.Par conséquent, cela induit l'adoption de comportements
inappropriés qui freinent voire annihilent les efforts de
développement. Ces comportements sont intrinsèquement liés
à des croyances traditionnelles. L'objectif des programmes d'aide au
développement est donc de promouvoir une stratégie de
vulgarisation des connaissances à travers des outils et des moyens de
communication maitrisés et prédéfinis : une diffusion
du savoir d'un émetteur averti vers un récepteur ignorant
(Waisbord, 2001).
Toutefois, dans les années 70, se développe
un courant de pensée qui défend une approche participative de
l'aide au développement. Les partisans de cette nouvelle théorie,
tout en défendant l'importance d'inclure la communication dans les
stratégies de développement, récusent l'idée que
les bénéficiaires soient des cibles passives des programmes de
développement. Ils plaident plutôt pour une approche
communicationnelle du développement qui accorde un rôle
prédominant aux bénéficiaires dans la définition et
la résolution de leurs problèmes de développement. Ils
sont les mieux à même de définir les problèmes
auxquels ils sont confrontés, mais aussi les stratégies à
mettre à place pour les résoudre. Selon la communication
participative pour le développement, les programmes de
développement viennent en appui aux bénéficiaires de ces
programmes dans l'atteinte des objectifs qu'elles se fixent.
Signe et preuve de son succès croissant, la
communication participative est finalement devenue l'approche
privilégiée dans la définition et la mise en oeuvre des
stratégies et des programmes de développement, à tous les
niveaux, autant par les organismes de développement que par les
gouvernements. Comme le soulignentMefalopulos et Tufte,«While the
quest for participation in development programs and projects has existed for a
long time, in recent years it has gained voice and become a stronger concern.
Participation is a principle in developmentwith support
comingfrommanydifferentstakeholders: governments, donors, civil society, and
ordinarycitizens »(Mefalopulos&Tufte, 2009, p.3). Dès
les années 70, des voix dans le monde du développement et
dans le monde académique commençaient à défendre
l'idée qu'il est important de donner la parole aux pays
bénéficiaires dans la définition des programmes d'aide au
développement qui leur sont destinés (Ibid). À
partir des années 90, sous l'impulsion de la société
civile, ce principe s'étend à la pratique même des
programmes de développement.Un plaidoyer mené afin que
l'implication totale des communautés cibles devienne une condition sine
qua non de la réussite d'un programme ou d'une politique de
développement.
La communication participative pour le développement
est une approche qui exige que toutes les parties prenantes d'un programme de
développement soient associées à toutes les étapes
de l'élaboration et de la mise en oeuvre de ce programme. L'engagement
des communautés cibles se justifie ainsi : les populations ont des
demandes et des besoins que les stratégies de développement ne
peuvent pas ignorer. De ce fait, les organismes de développement ainsi
que les gouvernements considèrent de plus en plus une approche
participative dans l'élaboration des stratégies de
développement.Les populations ne sont donc plus des cibles passives,
mais des acteurs de leur propre développement.
Toutefois, pour une mise en oeuvre efficace de la
communication participative pour le développement, il est
nécessaire que des stratégies globales soient mises en place afin
d'accompagner sa promotion et d'encourager sa pratique à tous les
niveaux. C'est en ce sens que les partenaires audéveloppement ont pris
l'initiative de faire des recommandations aux gouvernements et aux organismes
afin de garantir une meilleure pratique de la communication participative pour
le développement. Ces recommandations définissent les outils
à exploiter pour tout processus participatif du développement
ainsi que les acteurs clés à associer au processus. Les
recommandations précisent également des stratégies
à mettre en oeuvre pour une approche participative du
développement efficace. Il s'agit notamment de l'élaboration et
de la mise en oeuvre d'une politique nationale de communication pour le
développement, afin de garantir une participation effective de toutes
les parties prenantes aux efforts de développement au niveau national.
Cette dernière recommandation est d'autant plus pertinente qu'elle met
l'État à l'avant-garde d'une telle initiative, lui
conférant ainsi un rôle de premier partenaire aux
côtés des communautés. En effet, de par ses
prérogatives, l'État est autant un partenaire politique,
opérationnel que financier ;c'est pour cela qu'il est logique
qu'il y ait d'abord une initiativeau niveaugouvernemental afin de s'assurer que
les efforts de développement sont harmonisés et
cohérents.
Démarche de l'essai
L'objectif de cet essai est de discuter de l'importance de la
communication participative pour le développement et de démontrer
comment elle est aujourd'hui devenue une approche incontournable dans la
définition et la mise en oeuvre des politiques et des programmes d'appui
au développement. C'est à ce titre d'ailleurs que les nombreuses
recommandations émanant des partenaires audéveloppement vont dans
le sens de donner un cadre normatif à l'approche participative pour le
développement. À l'instar du Consensus de Rome, dont les
recommandations adressées aux gouvernements et aux partenaires au
développementreflètent une réelle volonté de
promouvoir une meilleure pratique de l'approche participative.
Dans cet essai, nous allons analyser l'importance de la
communication participative pour le développement et la pertinence de la
mise en place d'une politique nationale de communication pour le
développement. En étudiant le concept de communication
participative, deux questions essentielles nous ont particulièrement
intéressée :
1. le rôle des partenaires au développement dans
la promotion des stratégies et des pratiques de communication
participative ;
2. l'intervention de l'État et comment celui-ci
peut,par ses stratégies de développement, contribuer à une
meilleure approche participative dans les efforts de développement.
Dans la première partie de cet essai, nous nous
attacherons à analyser la communication pour le développement
comme concept, mais également dans sa pratique. Grâce à une
revue de la littérature portant sur ce concept ainsi que des documents
stratégiques organisationnels, nous allons étudier son
évolution théorique afin de mettre en perspective les
différentes approches de la communication pour le développement -
de l'approche diffusionniste à l'approche participative. Il s'agit alors
de fournir une compréhension globale et spécifique des
stratégies de développement. Car pour mieux comprendre
l'intérêt des partenaires au développement pour la
communication participative, il est important de replacer la communication pour
le développement dans son contexte d'évolution.
La seconde partie de cet essai a pour objectif
d'évaluer dans quelle mesure les politiques gouvernementales de
communication pour le développement peuvent être en accord avec
l'approche de communication participative prônée par les acteurs
et les partenaires au développement. Nous allons pour ce faire prendre
comme cas d'étude la politique nationale de communication pour le
développement du Burkina Faso. En effet, en accord avec les
recommandations du Congrès de Rome, le Burkina Faso a été
l'un des rares pays ouest-africains à mettre en oeuvre une politique
nationale de communication pour le développement en 2000 - donc avant le
Congrès de Rome - (une politique qui a par ailleurs été
révisée en 2011).
Nous n'avons malheureusement pas pu envisager des rencontres
directes afin de donner plus de consistances à notre recherche. Le
résultat de notre recherche présentée ici est le fruit de
contacts à distance avec des structures et des personnes ressources qui
nous ont permis de mieux cerner l'enjeu de cette thématique pour les
acteurs du développement, et ont ainsi été d'un grand
apport dans notre réflexion2(*).
Ce travail est également le résultat d'une recherche documentaire
exhaustive, rassemblant une cinquantaine de documents théoriques (livres
et articles) et de documents institutionnels (rapports et guides) relatifs
à la communication pour le développement.
Première partie
1. Communication et
développement
Avant de traiter de la communication pour le
développement, il nous semble d'emblée important de
préciser ce que recouvrent les concepts de
« communication » et de
« développement », ainsi que l'interaction qui
existe entre les deux.
1.1. La communication, un
concept à plusieurs dimensions
La communication est un concept à plusieurs dimensions.
Elle peut tantôt être définie comme un processus,
tantôt comme un moyen (Mowlana et Wilson, 1990). Lorsqu'elle est un
moyen, l'attention est portée sur l'émetteur d'un message ainsi
que le contenu de celui-ci. Mais, lorsque l'on définit la communication
comme un processus, on s'intéresse plutôt aux processus
d'élaboration et de diffusion des messages. Dans cette dernière
définition, celle-ci fait référence aux interactions
sociales fondées sur l'élaboration des messages. Lorsque l'on se
réfère à une définition élémentaire,
celle du Petit Robert par exemple, la communication renvoie aux relations
entretenues lors d'échanges d'informations, ainsi qu'aux
résultats de cette communication et des moyens utilisés. La
communication est donc bien plus que de l'information ; il ne s'agit pas
uniquement de transmettre un message à autrui. Lorsqu'il s'agit de
communication, il est nécessaire d'établir une relation avec
autrui ; elle réfère de même aux moyens et techniques
mis en oeuvre pour diffuser le message. La communication est donc d'abord une
action, puisqu'elle est principalement basée sur l'interaction.
1.2. Le développement, un
processus de changement dynamique
La notion de développement renvoie d'abord à un
processus de changement continu, une évolution d'une situation moins
favorable vers une situation plus aisée. Ainsi, la notion de
développement peut être appréhendée sous l'angle du
progrès (socio-économique) d'un pays ou d'un groupe social vers
une ascension qui tend indéfiniment vers l'idéal, comme
défini par Sartre3(*). De ce point de vue, le concept de
développement renvoie à un processus dont la finalité est
l'atteinte de la modernité, un terme qui renvoie selon les écoles
à des notions aussi variées que la croissance ou la
démocratie.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'usage s'est
répandu de se servir du développement comme d'un cadre
théorique pour l'étude d'un certain nombre de changements
affectant les individus, les institutions, les nations et les relations
internationales, ainsi que ce qu'il est convenu d'appeler le
« progrès ». Au cours des trente années qui
ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le développement est devenu, pour
les pays, synonyme de croissance, de modernisation, d'industrialisation et
autres évolutions associées au changement dans le monde
occidental. (Wilkins, 2008)
Néanmoins, dès les années 70, cette
approche du développement est soumise à des critiques. En effet,
il est entendu que, a contrario, chaque pays ou communauté, du fait de
ses particularités sociales, culturelles ou politiques, doit aborder le
développement de façon spécifique, en se fixant des
priorités particulières et adaptées à son contexte.
Le développement ne peut donc pas être présenté
comme une série d'étapes inéluctables,
préétablies et universelles (Berrigan, 1981).
Communication et développement sont deux concepts
liés. En effet, la communication est une composante stratégique
de tout effort de développement ; en cela qu'elle accompagne la
résorption d'un problème de développement, à savoir
l'écart existant entre l'état actuel d'une situation et
l'état souhaité. Ainsi, la communication peut ainsi aider
à résoudre des problèmes dans différents domaines
(éducation, environnement, etc.), par un changement des comportements au
niveau des individus et de la société.
La communication pour le développement est la
démarche par laquelle l'on use de la communication de manière
stratégique afin d'impulser des changements individuels et sociaux
nécessaires à l'amélioration des conditions de vie des
communautés. De ce fait, l'usage de la communication dans le
développement vient en appui aux stratégies, aux programmes et
aux projets de développement. Ainsi, la communication pour le
développement «refers to a process of strategic intervention
toward social change, initiated and engaged by organizations and
communities»(Wilkins, 2008, p.1). Cela suppose que les
communautés ainsi que les organismes qui les accompagnent sont le
point de départ de tout processus de développement; c'est par la
communication que ce processus s'opère.
2. Différentes
approches de la communication pour le développement
Comme nous l'avons mentionné
ci-dessus, la communication pour le développement suppose la mise en
oeuvre des stratégies qui mettent la communication au service du
développement. Néanmoins, depuis les années 50,
différentes approches de la communication pour le développement
se sont côtoyées et succédées
(Bessette, 2000 ; Colle, 2008 ;Mefalopus et Tuflte,
2009 ;Moumouni, 1997; Servaes, 1996).
Historiquement, ce concept ne peut être
appréhendé sans le confronter à la théorie de la
modernisation, qui fait référence à un transfert de
savoirs des pays occidentaux vers les pays du Sud.Cette théorie
prône une communication unidirectionnelle avec pour finalité un
changement culturel qui garantit le changement socialsouhaité.
2.1. Théories
diffusionnistes
L'approche diffusionniste, liée à la
théorie de la modernisation, met l'accent sur les facteurs
socio-économiques et culturels. Dans les années 50, il a
été le modèle dominant dans la sphère du
développement. Selon ce paradigme, les problèmes de
développement sont dus à un manque de connaissance et
d'information. Pour résoudre ces problèmes, il faut donc
éduquer les individus et leur inculquer de meilleures façons de
faire afin qu'ils puissent améliorer leurs situations. Dans cette
approche, l'on estime qu'il faut renforcer les capacités des individus
par une expertise externe ; puisque ces derniers sont inaptes à
prendre en main leur propre développement. C'est pour cela que l'on
parle d'une communicationtop-down, ou de communication verticale. Les
communautés sont des cibles passives qu'il faut convaincre de la
pertinence des changements que l'on souhaite initier ; ce, par la
diffusion de messages clés au moment opportun. L'on mise le
développement sur le changement des comportements individuels :
changer les comportements mis en cause au niveau individuel, à grande
échelle, permet de régler le problème de
développement recensé au niveau de la communauté.
L'un des pionniers de cette approche, Everett Rogers, a
défendu cette idée avec sa théorie de diffusion et
d'adoption des innovations(Rogers, 1983).L'idée étant que les
cultures traditionnelles - par opposition au modern cultural type
occidental - sont un obstacle au développement. Selon Rogers, la
communication pour le développement fait référence
à un processus de transfert d'informations avec comme objectif un
changement des comportements (Rogers, 1983).
Cependant, dès les années 70, le paradigme
diffusionniste commence à être largement critiqué. D'abord
parce qu'il se présente comme un processus de transmission d'innovations
pour un changement socialqui ne prend pas en considération les contextes
sociaux, politiques et économiques. Ensuite, pour sa dimension
ethnocentrique parce que l'expérience occidentale est
considérée comme étant la seule voie menant au
développement. Or, plusieurs experts ont démontré que la
modification des cultures traditionnelles n'est pas un processus
nécessaire dans les efforts de développement (Waisbord, 2001).
2.2. Théories
participatives
De ces critiques du diffusionnismea émané une
autre approche de la communication pour le développement, qui met
l'accent sur l'engagement des bénéficiaires aux processus de
développement. Selon cette approche, la communication pour le
développement requiert la participation de toutes les parties prenantes.
Elle met l'accent sur« the importance of local communities and of
democratization and participation at all levels [...]. It is at the community
level that the problems of living conditions are discussed, and interactions
with other communities are elicited» (Servaes, 2008, p.21).
De ce fait, l'approche participative explique les
échecs des efforts de développement par le manque d'engagement
des bénéficiaires à la définition et à la
mise en oeuvre des stratégies. En effet, les partisans de cette approche
considèrent que pour un réel développement, il faut qu'une
collaboration soit initiée entre tous les acteurs - dont les
bénéficiaires. Ces derniers ne sont pas des cibles passives,
maisdes acteurs. Il est reconnu qu'ils ont des connaissances et des
savoir-faire dont il est important de tenir compte ; le changement doit
donc être initié par le dialogue, et par le partage
d'expérience et d'expertise. L'engagement des
bénéficiaires est primordial, car ils doivent eux-mêmes
identifier les problèmes auxquels ils font face et définir les
enjeux qui y sont liés.
L'un des pionniers de l'approche participative est le
pédagogue brésilien Paulo Freire, qui a expérimenté
cette approche lors d'une campagne d'alphabétisation pour adultes, au
cours de laquelle il a défendu l'idée d'une communication
dialogique basée sur la parole et l'écoute. La conception
freirienne de la communication pour le développement met en exergue que
« subjugated peoples must be treated as fully human subjects in
any political process » (Servaes, 2008, p.171). Elle est
bâtie autour de trois concepts : connaissance, reconnaissance et
appropriation. L'idée sous-jacente est celle-ci : il ne faut pas
ignorer les bénéficiaires dans les démarches de
développement, et il est nécessaire de reconnaitre leurs attentes
- attentes qu'il faut non seulement faire valoir, mais dont il faut
également s'inspirer. C'est ce qui garantit un authentique
développement social et qui favorise l'autonomisation et la
pérennité des résultats acquis. Cette approche
résume parfaitement la conception que nous nous faisons de la
communication pour le développement ; à savoir, une approche
du développement participative, qui au-delà du fait de donner une
voix aux populations, reconnait la richesse de leurs apports, assure une
appropriation des acquis et affirme leur capacité, ainsi que leur besoin
d'autonomie.
2.3. Les
communautés : acteurs de leur propre développement
L'approche participative, contrairement à l'approche
diffusionniste, place l'individu au centre de son expertise et de ses
pratiques. Cette approche tolérante et égalitaire-en cela qu'elle
donne une voix aux individus - est sans nul doute la raison pour laquelle elle
est devenue depuis les années 70 la norme en matière de
programmes d'appui au développement, car elle oriente son expertise vers
la résolution des inégalités comme premier enjeu des
efforts de développement (Waisbord, 2001).
La principale critique à adresser aux méthodes
diffusionnistes est particulièrement leur approche ethnocentrique. Elles
ignorent et déprécient les savoirs locaux, et elles
relèguent au second plan les contextes sociopolitiques dans lesquels les
communautés évoluent. Or, il a été
démontré que les problèmes de développement ne
peuvent être réglés que s'ils sont légitimés
par - et mis en perspective dans - leurs contextes d'origine (Bessette&
Alexandre, 2000). Effectivement, l'une des conditions de la résolution
des problèmes de développement est leur reconnaissance et leur
appropriation par les communautés ; ce qui implique
l'adhésion de ces dernières à la définition et au
diagnostic des causes du problème, cela afin de discuter au mieux des
solutions les plus adéquates permettant d'y remédier. Il apparait
par conséquent évident que si les bénéficiaires
sont à la base du changement, alors le développement se fonde
indéniablement sur les spécificités culturelles et
sociales. Il convient de préciser ici que l'expression ethnocentrique
des théories diffusionnistes trouve son explication dans ses origines.
En effet, il s'agit d'une approche inspirée du Plan Marshal4(*). Le rôle de la
communication dans le développement supposait alors
« introducingmedia technologies to promotemodernization, and the
widespread adoption of mass media » (Waisbord, 2008, p.2). La
communication est, en ce sens, perçue comme un outil qui accompagne les
efforts de développement. Dans cette approche,c'est sur la diffusion des
innovations que se fonde le développement des communautés, la
communication étant le mécanisme par lequel cette diffusion
s'effectue entre « individual A whoknows about the innovations
and an individual B whodoesn't know yet »(Rogers, 1983,
p. 120). Dans une approche diffusionniste, la participation est
très peu encouragée ; et lorsqu'elle l'est, elle est
uniquement considérée comme étant un moyen utilisé
en vue d'atteindre les objectifs fixés (Waisbord, 2001).
L'approche participative repose, quant à elle, avant
tout, sur l'idée qu'il ne peut y avoir un modèle universel du
développement ; de ce fait, les objectifs du développement
ne peuvent être atteints qu'avec la participation effective des
communautés concernées. Pour ce faire, autant la communication
interpersonnelle que celle via les médias sont importantes (Colle,
2008).
Il faudrait, ici, mettre l'accent sur le fait que le concept
de participation dans la communication pour le développement ne doit
être confondu ni avec le terme « consultation » ni
avec celui de « mobilisation » (Lucie, 2000, p.43). En
effet, les communautés doivent prendre activement part à tous les
niveaux des efforts de développement. Lorsqu'il s'agit uniquement de
« consultation » ou de
« mobilisation », les résultats obtenus ne sont pas
pérennes, car la prise de décision vient de l'extérieur de
la communauté. Or, le premier niveau de participation est, pour les
communautés, d'accepter leurs propres responsabilités dans les
efforts de développement. Un objectif qui ne peut être atteint que
si des processus participatifs planifiés, qui facilitent le
dialogue,sont mis en oeuvre.
Dans l'approche participative, l'emphase est mise sur un
changement durable grâce à une action collective facilitée
et soutenue par des stratégies politiques et sociales
appropriées. De ce fait, la communication fait partie intégrante
des efforts de développement, comme un processus et comme une fin en
soi. De bons outils d'information et de communication permettent à
l'ensemble des acteurs - dont les communautés - d'être des
porteurs d'initiatives et de bénéficier de partages
d'expériences constructifs pour l'atteinte des objectifs du
développement.
3. La communication au
centre de la participation
Dans une approche participative du développement, la
communication doit être un outil de facilitation de la participation. Un
outil qui permet de lutter contre l'exclusion des communautés quant aux
efforts de développement mis en oeuvre. Pour ce faire, elle doit
consolider la coopération avec les communautés, en vue de
renforcer leur autonomisation pour un développement durable. Promouvoir
la participation passe donc par la promotion d'outils de communication
efficaces afin de garantir un développement inclusif qui traduise les
réelles préoccupations des communautés.
3.1.Les enjeux de la
communication participative pour le développement
Les enjeux de la communication participative pour le
développement peuvent être résumés en trois
concepts : appropriation, autonomie (empowerment) et
durabilité (sustainability).
En effet, afin que la participation des communautés
soit effective et profitable, il est impératif que celles-ci
s'approprient les problèmes de développement, qu'elles se
reconnaissent autant dans la définition du problème que dans les
solutions proposées, mais également dans la mise en oeuvre des
stratégies de développement. Car, cela est sans conteste la
garantie de l'autonomisation des communautés, qui est - à notre
sens - le premier intérêt de la mise en place de stratégies
de communication participative. En effet, l'autonomisation des
communautés joue assurément un rôle fondamental dans
l'atteinte des objectifs de développement. Elle donne aux
communautés la capacité de se prendre en charge ; ce qui est
assurément un point essentiel à la pérennité des
efforts de développement (McCall, 2010).
Comme nous l'avons mentionné plus tôt, un des
points essentiels de la communication participative est de promouvoir la
participation effective et suivie des communautés. Il faut pour cela un
renforcement des capacités des individus, afin de les mobiliser, et
également pour garantir une participation bénéfique en
terme de résultats atteints. Il faut prendre en compte pour cela non
seulement les intérêts et les besoins exprimés par les
communautés, mais également leurs capacités à
prendre en main leur propre développement. Si les communautés
sont intégrées et que leurs besoins sont pris en compte, leur
appropriation des efforts de développement est pratiquement acquise
(FAO, 1989).
À partir de là, un autre enjeu de la
communication participative est la promotion du dialogue; c'est un
élément fondamental de l'expression des communautés. Il
s'agit de permettre aux communautés de s'exprimer, de partager leurs
besoins et leurs intérêts, mais également leurs
expériences. Il s'agit plus précisément, dans une approche
participative de la communication et du développement, d'appuyer les
individus à découvrir les moyens qui leur permettent de se
définir et de partager leurs expériences afin d'être des
acteurs autonomes. En effet, le renforcement des capacités des
communautés suppose également la promotion de leurs idées,
et par conséquent la promotion d'une communication dont l'objectif est
l'autonomisation des individus.
Le dialogue communautaire s'opère de fait par le biais
des outils de communication - dont les médias. Ces derniers sont au
coeur de la participation communautaire, puisque ce sont eux les outils de
mobilisation et d'expression des communautés. En effet, les
médias permettent, d'une part, l'accès à l'information,
mais également la médiation et le dialogue entre les
différents acteurs dudéveloppement. Grâce aux
médias, les communautés sont informées des
problèmes les concernant, et elles ont également des plateformes
d'expression et de coopération - avec leurs partenaires -. Les
médias sont ainsi des instruments de promotion d'idées et de
partage d'expériences somme toute indispensables à
l'élaboration de stratégies de communication participative.
Il apparait dès lors indéniable que des efforts
soient déployés - associés aux efforts de
développement - dans le sens d'un renforcement des capacités des
infrastructures médiatiques - et plus largement des structures
médiatiques. En effet, il est primordial que les médias aient la
capacité et la responsabilité de contribuer à la promotion
de l'implication des communautés aux efforts de développement.
Il est toutefois essentiel que les médias
accèdent à certaines conditions fondamentales qui leur permettent
de jouer leur partition dans les efforts de développement (McCall,
2010). Au nombre de ces conditions : (1) il est essentiel d'avoir des
médias indépendants puisque cela garantit la transparence du
dialogue et de l'intervention ; (2) Il faut que les médias soient
proches des communautés, il s'agit notamment d'encourager les
médias locaux/communautaires ; (3) il faut qu'il y ait un
environnement médiatique fédérateur ; (4) il est
nécessaire d'avoir des médias responsables qui garantissent non
seulement la liberté d'expression, mais qui encouragent également
la participation effective des communautés dans les débats
portant sur les sujets les concernant, et donc leur participation aux processus
de décisions. L'accès aux médias est donc une condition
fondamentale pour l'autonomisation des individus.
3.2. Les structures de
communication : outils de promotion de la participation
S'il est admis que garantir un environnement favorable aux
structures de communication est fondamental dans l'atteinte des objectifs de
développement, les processus d'utilisation de ces structures dans les
stratégies de développement le sont tout autant. En effet,
l'objectif de développement justifie la démarche utilisée
quant à l'utilisation des médias. Dans l'approche participative,
tout comme dans l'approche diffusionniste, les médias sont
utilisés à des fins de développement, toutefoisselon des
processus différents. En effet, tandis que dans l'approche
diffusionniste, les médias sont un outil de transmission de
connaissances en vue d'un changement de comportements ;dans l'approche
participative, les médias sont plutôt un outil d'échange et
de partage des connaissances, de coopération et d'intégration.
Il nous semble important de présenter succinctement
l'utilisation des structures de communication dans une approche diffusionniste
du développement afin de mieux discernerl'utilisation que la
communication participative fait des médias (Mefalopulos&Tufte,
2009, p.9). Dans une démarche diffusionniste, rappelons-le, les
médias sont considérés comme des moyens utilisés en
vue de transmettre des informations à un public cible. Ainsi, les
stratégies de communication mises en place identifient le public cible
et planifient un plan médiatique.De fait, les médias de masse
sont les canaux de communication privilégiés par l'approche
diffusionniste ;puisqu'ils permettent d'atteindre un large public et de
transmettre des messages préconçus. L'approche diffusionniste
s'inspire d'une communication de persuasion proche des campagnes publicitaires,
car elle fait usage de la télévision, de la radio et des
brochures comme canaux de transmission des messages (Waisdbord, 2001). Partant
des objectifs qu'elle se fixe, il est naturel que l'approche diffusionniste use
des médias comme d'un canal de transmissions d'informations. Toutefois,
l'utilisation desstructures de communication exclusivement comme canal de
transmission annihile les échanges liés à la
communication. Et c'est justement ces échanges que l'approche
participative juge fondamentaux quant aux processus de développement.
Pour les programmes de développement qui s'inscrivent
dans une approche participative, les structures de communication sont
perçues comme des outils de promotion de la participation. Il ne s'agit
pas d'user des médias pour diffuser des informations, mais plutôt
de considérer les médias comme des acteurs
dudéveloppement, puisqu'ils ont pour mission de promouvoir le dialogue
et la participation des communautés. Il convient toutefois de
préciser que l'approche participative ne se désintéresse
pas complètement de la fonction d'information des médias, elle se
sert plutôt de cette fonction comme d'un tremplin qui permet d'attirer
l'attention des communautés sur certains enjeux. Les médias sont
l'outil que les stratégies participatives mettent à la
disposition des communautés en vue de renforcer leur implication dans
les efforts de développement.
Un point essentiel à débattre, ici, est de
savoir s'il existe certains types de médias privilégiés
par la communication participative. En fait, la communication participative
plaide pour une variété dans l'usage des médias. En effet,
tous les types de médias peuvent se justifier dans une démarche
participative. La FAO, agence de référence pour ce qui est de la
communication participative, défend d'ailleurs l'idée que
« No single medium isbetterthananyother. circumstances and the
requirements of the developmentprojectdictatewhichshouldbeused. Audience
researchconcerningwhatmedia the people have access to and
whichenjoycredibility, and whatisactuallyavailable or
couldberealisticallyestablished, greatly influence the choice. However,
itshouldberememberedthat a message arriving in a slightlydifferentform and
throughdifferentchannels has the most impact in helping people
towardsbehavioural change. Hence, multi-mediaapproaches are usually the most
effective » (FAO, 1989). Cette analyse justifie amplement que
les stratégies de communication liées au développement ne
doivent pas uniquement se focaliser sur un type de médias.
Toutefois, il est important de souligner que les médias
communautaires, notamment les radios, sont devenus des supports de
communication emblématiques de l'approche participative. Cela s'explique
par le fait qu'il s'agit là de médias proches des
communautés.
Les premiers programmes de développement participatif
ont été pour soutenir le développement rural et agricole
(McCall, 2010). Il s'agissait de renforcer les capacités des
communautés rurales et d'introduire des innovations qui sont en accord
avec leurs besoins et leurs intérêts. Dans ce contexte, dans les
régions rurales, les radios communautaires ont démontré un
grand potentiel à stimuler la participation au sein des
communautés. En effet, le potentiel des radios communautaires dans les
régions rurales s'est confirmé à plusieurs
reprises ;puisqu'elles ont, d'une part, permis de sensibiliser les
communautés en améliorant l'accès à l'information,
etelles leur ont, d'autre part, donné l'occasion de participer aux
débats et les ont incitées à se positionner comme des
acteurs du développement.
Les médias communautaires répondent à
plusieurs enjeux liés à la participation des communautés
(Milan, 2009) ; ils favorisent également le dialogue
communautaire :
- Ils viennent contrecarrer la faible représentation
des communautés marginalisées dans les médias de masse. En
effet, ils sont un remède à l'isolement des communautés.
- En tant que médias de proximité, parce qu'ils
servent directement l'intérêt des communautés, ils leur
permettent de s'approprier les canaux médiatiques ;les membres
d'une communauté peuvent ainsi débattre entre eux, avec d'autres
communautés et avec leurs partenaires locales et nationales;
- Parce qu'ils sont le reflet des communautés, ils les
encouragent à s'exprimer davantage. Ils favorisent ainsi le dialogue et
la participation.
- Ils favorisent une implication responsable des
communautés, car ils encouragent l'engagement communautaire à
travers le dialogue communautaire (Berrigan, 1981, p.5). Les communautés
participent ainsi aux efforts de développement, en collaboration avec
les différents acteurs dudéveloppement.
Les médias communautaires contribuent ainsi à ce
que les communautés façonnent leur propre développement,
et ils favorisent le dialogue entre les différents acteurs.
Ces médias sont bien plus que des médias de
proximité. En effet, nous partageons, sur ce point, la position de
France Berrigan dans son étude portant sur les médias
communautaires et le développement, parrainé par l'UNESCO, en
1981. Selon elle, les médias communautaires sont des médias
conçus de façon à pouvoir être utilisés par
la communauté à des fins dont la communauté
elle-même décide, Ce sont des médias auxquels
« les membres de la communauté participent en tant que
concepteurs, producteurs, interprètes. Ces médias sont les moyens
d'expression de la communauté, plutôtque pour la
communauté. La communication communautaire définit un
échange de vues et d'informations, non pas un processus de transmission
de l'émetteur au récepteur » (Berrigan, 1981, p.6). Le
travail des médias communautaires a un réel impact sur
l'autonomisation des communautés, ce qui est un élément
fondamental d'un développement durable.
Pour une meilleure efficacité des structures de
communication dans une approche participative, et par conséquent pour
des stratégies de développement efficientes, il est
nécessaire qu'il y ait des politiques d'accompagnement mises en place
par les partenaires au développement, les acteurs étatiques et
les organismes de développement.
Ces politiques d'accompagnement doivent être
dirigées envers tous les types de médias ; en effet, dans
une approche participative, autant les médias de masse que les
médias communautaires ou les médias traditionnels5(*) sont pertinents dans les
stratégies de développement.
Les médias sont d'excellents outils de promotion du
développement, puisqu'ils sont également d'excellentes
passerelles de médiations entre les communautés et les
différents acteurs dudéveloppement (société
civile, État, organismes, etc.). Ils doivent de ce fait être
soutenus puisqu'en tant qu'outilsde partage d'information et de communication
ils contribuent à l'atteinte des objectifs de développement
participatif.
D'ailleurs, nombre des actes et déclarations portant
sur la communication pour le développement encouragent la promotion du
dialogue à travers un soutien effectif aux médias ;
considérant que ces derniers sont une composante clé des
stratégies de développement et qu'ils doivent par
conséquent donner l'opportunité aux communautés de jouer
un rôle actif dans les structures médiatiques (Panos London,
2007).
4. Des stratégies de
communication participative
La présentation, d'une part, de la communication
participative pour le développement, à travers ses
caractéristiques, ses défis et ses enjeux et, d'autre part, de
l'importance que les médias ont dans la mise en oeuvre de cette approche
du développement nous amène à la question suivante :
dans un tel contexte, quelles sont les stratégies définies par
les partenaires au développement, les acteurs étatiques et les
partenaires organisationnels?
4.1. Les partenaires au développement encouragent les
efforts de communication
Nous avons précédemment démontré
l'importance de la communication dans une approche participative pour le
développement. Cependant, la communication n'est qu'un volet de cette
approche. En effet, les efforts en matière de communication
participative doivent être supportés par des initiatives
concrètes en faveur d'un changement ; et elles doivent
particulièrement être accompagnées de volontés
politiques, et soutenues par des ressources financières et
matérielles appropriées.
Le principe de participation dans le domaine du
développement - que ce soit au niveau des stratégies, des
programmes ou des projets de développement - est désormais
plébiscité par l'ensemble des acteurs du
développement : gouvernements, organismes, bailleurs, OSC et
communautés cibles. Pour ces acteurs, il est important d'encourager la
participation dans les efforts de développement au niveau des projets et
des programmes, afin de renforcer le savoir et les capacités locaux.
Mais il est également primordial de promouvoir la participation au
niveau étatique afin d'assurer une meilleure appropriation des
stratégies de développement par tous ces acteurs. C'est ainsi
d'ailleurs que la Déclaration de Paris (2005) et le Plan d'action
d'Accra (2008)6(*) ont mis
l'appropriation au centre de leurs préoccupations (OCDE7(*), 2008).
À travers ces déclarations, les partenaires
nationaux (étatiques et organisationnels) se sont engagés
à promouvoir l'appropriation des programmes de développement par
les communautés, pour une meilleure efficacité de l'aide au
développement. Il s'agit de mettre en place des mesures et des
stratégies spécifiques allant dans le sens d'une meilleure
pratique de la communication participative, et la promotion de ces principes
auprès des décideurs publics - principaux artisans du
développement. Les partenaires se sont engagés à travers
ces deux feuilles de route à donner davantage de place aux approches
participatives. Ils se sont engagésà systématiquement
associer l'ensemble des acteurs du développement à la formulation
des stratégies nationales de développement. Ils soutiennent aussi
l'idée que les pays aient le contrôle sur les stratégies
nationales de développementqu'ils définissent eux-mêmes.Ces
deux feuilles de routes encouragent également la participation de toutes
les parties prenantes à la définition de ces stratégies,
notamment la participation des communautés, à travers
l'implication de la société civile et du secteur privé.
Par ailleurs, le plaidoyer pour une approche participative du
développement trouve écho jusque dans les instances onusiennes.
Tous les deux ans, une table ronde portant sur la communication pour le
développement est organisée par les agences onusiennes ainsi que
leurs partenaires au développement. Il s'agit là d'une occasion
de partager des expériences et de réfléchir à des
solutions pour soutenir les efforts de développement. Lors de ces tables
rondes, la mobilisation des décideurs publics pour renforcer les
stratégies nationales de communication pour le développement
ainsi que le rôle des médias dans la définition et la mise
en oeuvre de ces stratégies sont discutés (UNDP & World Bank,
2009). Car, la communication participative a besoin d'un soutien
stratégique, technique et financier afin d'avoir des résultats
significatifs. Il est essentiel que les principes de la communication
participative soient pris en compte dans toute stratégie de
développement étatique ou organisationnelle (exemple :
DSRP8(*), UNDAF9(*), etc.).
Les prises de position de ces organismes montrent à
quel point il est important de promouvoir auprès des décideurs
publics les principes de la communication participative comme
élément fondamental des efforts de développement. Il
s'agit là d'ailleurs d'une des recommandations de la 9e table
ronde (qui s'est tenue en 2004 à Rome).Cette recommandationappelle
à ce que les principes de la communication participative soient
désormais systématiquement pris en compte dans toute
stratégie nationale. Cette même table ronde a aussi appelé
à appuyer des initiatives pour promouvoir la communication
participative, notamment la tenue d'un congrès mondial portant sur la
communication pour le développement.La 6e Table Ronde
organisée en 2001 avaitformellement reconnu l'importance de soutenir les
médias et d'améliorer leurs situations tout en soulignant le
rôle fondamental des médias communautaires dans la promotion de la
participation des communautés locales (UNDP & World Bank, 2009).
Ces tables rondes témoignent de l'enjeu que
représente la communication participative pour le développement
pour les partenaires au développement ; elles ont finalement
d'ailleurs mené à l'adoption d'une résolution10(*) par l'Assemblée
générale des Nations unies.Adoptée en 1997, celle-ci
appelle particulièrement les décideurs publics à
encourager des actions allant dans le sens d'une meilleure application de la
communication participative.Cet appel à la collaboration, à
l'initiative et à l'engagement est sans nul doute un précieux
soutien dans l'édification de structures de coopération et
d'appui solides, stimulantes et évidemment nécessaires à
une meilleure promotion et exécution de l'approche participative pour le
développement.
Une grande partie des agences de développement se sont
appropriées les fondements de la communication participative. C'est
ainsi qu'UNICEF, par exemple, place la communication participativecomme
élément central pour l'atteinte des OMD : elle encouragent les
partenariats avec les médias et les initiatives de développement
nationales (UNICEF, 2009). Par ailleurs, la FAO, agence onusienne forte d'une
solide expertise dans le domaine de la communication pour le
développement, offre depuis 40 ans une assistance technique aux
États dans le domaine de la communication pour le développement
(FAO, 1989). Elle soutient qu'un cadre institutionnel et politique est
nécessaire pour consolider les efforts en matière de
communication participative.
Au vu de l'engagement de tous ces acteurs et des
recommandations qui en résultent, il est évident qu'une approche
globale née d'une volonté politique affirmée est
nécessaire pour que la communication pour le développement soit
efficace à tous les niveaux. En effet, l'approche participative doit
être au coeur des stratégies nationales. Nous partageons ici,
l'avis de la FAO qui soutient que « Le problème est d'abord
politique » (Fraser &Villet, 1994). Les initiatives de
communication pour le développement ont besoin d'être
encadrées par des stratégies nationales. Celles-ci doivent
également avoir pour mission de renforcer les structures
médiatiques puisqu'elles sont des partenaires fondamentalespour le
succès des efforts de développement. Ainsi d'ailleurs, le
PNUD11(*) avait soutenu,
en 1991, dans son rapport sur le développement humain que
« Les médias peuvent être un puissant allié pour
la promotion d'un développement plus participatif » (PNUD,
1991, p.11).
Pour ces raisons, il est primordial que l'ensemble des
partenaires au développement, des acteurs étatiques et non
étatiques se mobilise pour renforcer le rôle des médias.
La communication participative pour le développement doit de ce fait
être un réel enjeu au niveau étatique ; et afin de
répondre à cet enjeu, il est essentiel que celui-ci soit soutenu
par tous les acteurs dudéveloppement.
4.2. Le congrès de Rome
sur la communication pour le développement
Le Congrès de Rome sur la communication pour le
développement est l'une des initiatives des partenaires au
développement qui a pourobjectif de promouvoir la communication pour le
développement dans les stratégies et les pratiques de
développement. Il a été organisé en 2006 par la
FAO, la Banque Mondiale et The communication Initiative Network.Le
Congrès de Rome n'est pas une initiative inédite à ce
sujet, il ne vient qu'entériner les conclusions de
précédents actes et accords, mais il a le mérite d'avoir
proposé un document pratique, et somme toute consensuel, et d'avoir
défini clairement des recommandations allant dans le sens d'une
meilleure approche et une meilleure pratique de la communication participative.
Les conclusions du congrès ont été résumées
dans un document intitulé Consensus de Rome, qui définit sept
exigences stratégiques et avance huit recommandations aux
décideurs publics, pour une pratique efficiente de la communication
participative.
Deux éléments essentiels à une meilleure
pratique de la communication participative dans les efforts de
développement ressortent du Consensus de Rome. En premier lieu,
l'importance d'avoir une volonté politique affirmée
derrière toute initiative de communication participative; et en
deuxième lieu, le rôle fondamental des médias pour
l'atteinte des objectifs du développement.
Le Congrès a présenté des défis
majeurs auxquels les acteurs du développement sont confrontés
pour promouvoir la communication participative, avant de conclure avec des
recommandations ; l'une de celles-ci étant d'encourager les
décideurs publics à intégrer davantage une approche
participative dans leurs politiques. En réalité, ce qui fait
défaut aux décideurs publics, c'est non seulement un manque
d'expertise dans ce domaine (The CI, FAO & World Bank, 2006, p. 38 --
41),mais également un cadre stratégique permettant de renforcer
les principes de la communication pour le développement.
Par ailleurs, à la question fondamentale du rôle
des médias dans ces stratégies, le Congrès s'est
également demandé comment faire pour améliorer
l'environnement dans lequel évoluent les médias dans les pays en
voie de développement - aux niveaux communautaires et nationaux -, et
comment promouvoir des structures médiatiques libres, pluralistes et
indépendantes afin qu'elles participent plus activement aux efforts de
développement. Ce qui implique évidemment qu'elles accordent
davantage de place aux thématiques liées au développement
dans leurs programmations, mais également qu'elles encouragent une plus
grande participation des acteurs nationaux - notamment les communautés -
dans ces thématiques. Effectivement, il est important de promouvoir des
plateformes médiatiques qui encouragent les échanges avec les
communautés, ainsi que l'accès de celles-ci à
l'information (et par conséquent à la communication). Pour ce
faire, il est important de mettre en place des politiques et des
législations favorables. Les décideurs publics ont, dans ce
contexte, tout à gagner à soutenir les structures
médiatiques, puisque cela répond à des enjeux majeurs
liés aux objectifs du développement. Les conclusions des
discussions du Congrès résument ces enjeux en trois points :
(1) il est souvent très difficile dans les pays en développement
pour certaines communautés, notamment rurales, d'avoir accès aux
débats portant sur les priorités du développement ;
(2) des structures médiatiques fortes et accessibles permettent une
meilleure collaboration de toutes les parties prenantes aux efforts du
développement (organisations de la société civile,
communautés, secteurs privés et publics, etc.) ; et (3) les
médias sont le meilleur outil pour un développement inclusif.
C'est pour ces raisons, et celles
énumérées dans les parties précédentes, que
le Consensus de Rome recommande que les États définissent des
stratégies qui vont dans le sens d'un meilleur appui aux structures
médiatiques.
Il est évident que pour que les médias soient un
réel outil de support aux efforts de développement, il faut
qu'ils soient munis d'une expertise adéquate et d'un soutien technique
et financier approprié. Ce qui ne peut toutefois être accompli
avec succès qui si l'ensemble des parties prenantes - dont les
communautés - disposent des compétences et des capacités
leur permettant d'être totalement impliquées dans le processus de
définition et de mise en oeuvre de telles stratégies.
C'est dans ce sens que le Congrès réaffirme la
recommandation faite aux États de mettre en place une politique
nationale de communication pour le développement. Car, la mise en place
d'une telle politique - de manière consensuelle - est la meilleure
stratégie qui puisse assurer un soutien effectif aux structures
médiatiques afin qu'elles participent aux efforts de
développement, en promouvant la participation de l'ensemble des acteurs
dudéveloppement.
Le Consensus de Rome est d'un grand apport dans la mesure
où il affirme de manière claire et consensuelle les exigences
essentielles à la pratique de la communication participative ainsi que
les directives pour la rendre efficiente. Selon ce document, il faut que les
décideurs et les organismes de développement encouragent une plus
grande participation des communautés aux processus de décisions,
particulièrement les communautés vulnérables. Il faut, de
fait, que les outils de communication soient renforcés, et
particulièrement que les médias soient soutenus à tous les
niveaux (communautaire, national et international - y compris les médias
traditionnels). Afin de répondre à ces exigences, le Consensus
recommande (1) que les partenariats soient renforcés à tous les
niveaux ; (2) que toutes les politiques de développement incluent
un volet portant sur la communication pour le développement comme
élément central ; (3) que les décideurs renforcent -
à tous les niveaux - les expertises dans ce domaine ; (4) qu'un
suivi et une évaluation des programmes et des politiques de
développement soient exigés ; (5) que les principes de la
communication pour le développement deviennent un droit pour les
communautés et les partenaires au développement (The CI, FAO
& World Bank, 2006, p. xxxv).
Toutefois, une analyse pertinente que l'on peut tirer et
mettre à l'avant dans l'analyse des conclusions du Congrès est
que l'État a un rôle fondamental à jouer; de par ses
prérogatives,il est le mieux placé pour garantir un environnement
favorable à la promotion de la communication participative.
C'est pour cette raison, que le Congrès affirme
d'ailleurs que « Communication for Developmentcanachieve relevant
impacts and sustainabilityonly if itisadequatelyinserted in national
developmentpolicies and builds on existingexperiences and
capacities » (The CI, FAO & World Bank, 2006, P.77). En
effet, les politiques nationales sont sans conteste un soutien fort et effectif
aux initiatives de développement participatif, car elles mettent en
place le cadre légal et apportent les soutiens financiers et techniques
favorables à la promotion des principes de l'approche participative.
5. Les enjeux d'une
politique nationale de communication pour le développement
De notre point de vue, l'élaboration d'une politique
nationale de communication pour le développement (PNCD) répond
à trois enjeux majeurs :
- Mettre la communication au service des initiatives de
développement aux niveaux local et national afin qu'elle participe
à l'atteinte des objectifs du développement.
- Mettre en place des outils de renforcement - ainsi qu'un
mécanisme d'harmonisation - des structures de communication pour le
développement.
- Démocratiser les outils de communication, à un
moment où la liberté d'expression, l'accès aux
médias et à l'information sont devenus un enjeu important pour
les communautés et leurs représentants (élus, OSC, etc.).
Parce qu'elle est un mécanisme de participation et
d'appui à la planification des efforts de développement, la PNCD
est un outil de développement essentiel à la coordination et au
renforcement des efforts de développement dans un pays (The CI, FAO
& World Bank, 2006, p.79).
5.1. Les principes d'une
politique nationale de communication pour le développement
La mise en oeuvre d'une politique nationale de communication
pour le développement comme toute politique doit prendre en compte
certains principes fondamentaux.
Elle doit avant tout être le fruit d'une volonté
politique, émanant autant des gouvernants que de la
société civile et des communautés. De plus, sa mise en
oeuvre doit passer par un cadre institutionnel - et juridique approprié
- (FAO, 2002a) ; à savoir, être sous une législation
qui justifie sa définition et sous la tutelle d'une instance politique
(ex. ministère).
Toutefois, afin de garantir une réelle appropriation,
l'élaboration d'une PNCD doit se faire selon une approche participative
- et contextualisée - qui encourage la participation de l'ensemble des
parties prenantes. Cela suppose, d'une part, qu'il faut toujours partir des
besoins des communautés pour définir le contenu d'une PNCD; et
cela induit, d'autre part que sa mise en oeuvre doit être le fait de
l'ensemble des acteurs du développement.
En effet, la PNCD doit prendre en compte tous les aspects du
développement - tous les secteurs et les thématiques liés
aux objectifs de développement du pays - ; elle doit de plus
considérer l'interaction existante entre la communication et les autres
domaines du développement, dans le but de répondre à
l'ensemble des problèmes de développement auxquels est
confronté le pays.
Finalement, afin d'être réellement efficace, une
PNCD doit envisager une approche multidimensionnelle de la communication (FAO,
2002, p.7). En effet, s'il est admis que les médias ont un rôle
fondamental dans la promotion de la communication participative, puisqu'elles
offrent une plateforme d'expression et d'échanges aux acteurs
dudéveloppement, il est tout aussi important de souligner qu'une PNCD
doit considérer les structures de communication comme n'étant pas
limitées aux médias de masse. Elle doit prévoir un
inventaire et une évaluation des réels besoins en communication
en milieu urbain et rural, cela en concertation avec les communautés
concernées. Ainsi, la PNCD doit être en mesure d'identifier et
d'opter pour une approche multimédia, prenant en compte un large
éventail d'outils de communication, afin que la communication pour le
développement ne soit pas uniquement le fait des médias de masse,
mais qu'elle inclut également différents types de médias
tels que les médias traditionnels (théâtre, chants, etc.)
et les médias alternatifs (internet, téléphonie, etc.).
La mise en oeuvre d'une PNCD doit être définie en
partant de ces principes de base qui garantissent son efficacité et
l'atteinte des objectifs qu'elle se fixe.
5.2. Les objectifs d'une
politique nationale de communication pour le développement
Les objectifs d'une PNCD sont essentiellement de renforcer les
structures de communication et de créer un environnement
médiatique fédérateur dont le but est de soutenir les
efforts de développement ; cela dans un souci de promotion du
dialogue et de l'appropriation des efforts de développement par
l'ensemble des acteurs dudéveloppement.
L'on peut présenter les objectifs d'une PNCD sous trois
points :
En premier, fournir un cadre institutionnel aux efforts faits
dans le domaine de la communication pour le développement. Un tel cadre
est nécessaire à la coordination des efforts de
développement - mais également à l'accessibilité de
la communication - puisque c'est par cette dernière que les
communautés expriment leurs besoins et que leurs partenaires au
développement fournissent leurs appuis. L'objectif est dès lors
de faire de la communication un outil au service des efforts de
développement. Une PNCD doit être un outil de promotion
d'objectifs partagés et consensuels - aux niveaux local et national -
ancré dans les objectifs du développement.
L'atteinte de cet objectif ne peut être
réalisée sans le renforcement et la promotion des structures de
communication. Il s'agit là, notamment, d'effectuer un inventaire et une
analyse des ressources disponibles, afin de renforcer les capacités de
ces structures, par exemple, en promouvant un cadre législatif
favorable. Un tel renforcement doit se faire par un soutien technique et
financier adéquat pour une meilleure pratique de la communication dans
le domaine du développement.
Le second objectif d'une PNCD est de créer une vision
partagée du développement. Il s'agit de donner une
cohérence aux efforts de développement. Cela implique (1) de
faciliter les échanges entre l'ensemble des partenaires à tous
les niveaux, et de promouvoir le dialogue ; (2) de créer des
opportunités de partages d'expériences à travers tout
médium de communication pertinent ; il est, d'ailleurs, de plus en
plus recommandé que les PNCD mettent en avant le besoin de promouvoir
les nouvelles technologies comme étant désormais des outils
indispensables à l'atteinte des objectifs du développement (UNDP
& World Bank, 2009).
Finalement, une PNCD doit avoir pour objectif d'accompagner
toutes les initiatives de développement (FAO, 2002), qu'elles soient
liées à des problèmes de santé publique, de droits
civiques, de pauvreté ou d'environnement. Elle doit ainsi prévoir
des mécanismes d'accompagnement spécifiques liés aux
programmes, mais également des mécanismes qui soutiennent les
efforts liés aux stratégies nationales de développement
(tel que le DSRP).
Cette première partie est un support à
l'étude de cas menée dans la seconde partie de cet essai,
à travers : la revue des fondements théoriques et
historiques de la communication pour le développement et, l'analyse des
enjeux de la communication pour le développement. Une analyse faite sur
la base de la position des partenaires au développement.
Deuxième partie
Les recommandations du Congrès de Rome, ainsi que
celles des partenaires au développement, ont nourri notre
intérêt pour la communication pour le développement ;
notamment la recommandation portant sur le renforcement des structures de
communication ainsi que celle qui encourage la mise en place d'une PNCD. Une
question nous a alors particulièrement intéressée :
dans quelles mesures les gouvernements appliquent-ils ces recommandations dans
leurs politiques?
Nous avons alors décidé de prendre comme cas
d'étude un pays de l'Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso. Ce choix se
justifie doublement :
- D'abord parce que le Burkina Faso se place, à notre
avis, comme une référence dans le domaine du développement
participatif. En effet, l'engagement du Burkina Faso dans la participation des
communautés à leur propre développement n'est pas nouveau
(Gumicio-Dragon, 2001) ; car déjà dans les
années 80, Thomas Sankara, alors ministre de l'Information, avait
initié plusieurs radios communautaires. Au Burkina Faso sur cinquante
radios autorisées, la moitié sont des radios communautaires ou
rurales12(*) (Tionon,
2004, p. 11).
- Ensuite parce que le Burkina Faso fait partie des rares pays
de l'Afrique de l'Ouest à avoir mis en place une PNCD13(*). En 1999, le ministère
de l'Information, avec l'appui technique et financier de la FAO, a
organisé un séminaire portant sur la situation de la
communication pour le développement au Burkina Faso. Ce qui a
été une première phase méthodologique dans le
processus d'élaboration de la PNCD. Cette politique a été
entérinée en 2002, puis une révision a été
faite en 2011.
1. Fondements et objectifs selon la FAO et ses partenaires en
Afrique de l'Ouest
Suite à nosprécédentes recherches et
analyses, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une politique
nationale de communication pour le développement devrait être
fondamentalement axée sur les questions suivantes :
- Comment, via les outils d'information et de communication,
motiver le dialogue avec les communautés vers lesquelles sont
tournés les efforts de développement ?
- Quels canaux communicationnels sont les mieux à
même de favoriser l'accès et de motiver la participation des
communautésaux efforts de développement, selon leurs
spécificités (urbains ou ruraux) et leurs préoccupations?
- Comment utiliser les outils d'information et de
communication pour porter le débat sur la place publique afin
d'insuffler un échange d'informations et un partage d'expériences
au sein de, et avec, la communauté ?
- Comment, via les outils d'information et de communication,
motiver la communauté à centrer la réflexion sur les
domaines dans lesquels des décisions qui les touchent directement
s'imposent, et comment les motiver à proposer des idées pour
résoudre leurs problèmes? En d'autres termes, comment promouvoir
la participation ?
L'enjeu central étant de quelle manière soutenir
les outils d'information et de communication afin qu'ils favorisent au mieux
l'accès des communautés à la communication ainsi que leur
participation active aux processusde développement.Ce qui implique
naturellement de motiver et d'encourager l'engagement des structures
médiatiques et communicationnelles aux efforts de développement.
Toutefois, puisque notre intérêt pour cette
recherche a été porté dès le départ par le
Consensus de Rome ainsi que la mise en oeuvre des PNCD en Afrique de l'Ouest,
il nous est important, par souci de méthodologie et de cohérence,
de nous appuyer également pour cette partie sur des documents s'y
rapportant. Ainsi, nous allons principalement appuyer notre analyse critique
sur deux documents. Le premier est un rapport méthodologique de Jean
Pierre Ilboudo, spécialiste de la communication pour le
développement de la FAO, qui présente les fondements, principes
et objectifs d'une PNCD, notamment ceux qui ont été
considérés pour l'élaboration des PNCD de cinq pays
ouest-africains avec l'appui de la FAO. Le second document est le rapport final
de l'atelier régional de Niamey, organisé en 200214(*) portant notamment sur les
processus d'élaboration d'une PNCD, ainsi que les documents
méthodologiques annexés.
1.1. Les différentes étapes de la mise en oeuvre
d'une PNCD
Les étapes de la mise en oeuvre d'une PNCD sont des
points fondamentaux à analyser d'emblée lorsqu'on étudie
une PNCD. Car, ces étapes garantissent que le processus est participatif
et que toutes les thématiques et secteurs d'activités sont pris
en compte dés le début du processus.
Il est important que tous les acteurs du développement
participent à la définition des étapes du processus, et
qu'un ensemble d'outils d'information et de communication soit pris en
considération. Cette démarche garantit que la PNCD est
consensuelle et exhaustive.
Ainsi, le rapport de l'Atelier de Niamey, appuyé par le
document de la FAO, stipule que le processus d'élaboration d'une PNCD
doit suivre les étapes suivantes :
- Un inventaire des thématiques et des secteurs
concernés ;
- l'élaboration d'un document de
référence pour des consultants nationaux, chargés
d'entreprendre des études thématiques et sectorielles
préliminaires ;
- un atelier pédagogique destiné aux
consultants afin d'uniformiser les définitions, les concepts, les
principes ainsi que les méthodes de la communication pour le
développement ;
- la mise en oeuvre d'études thématiques et
sectorielles par des consultants experts.
- la mise en place de rencontres régionales sur la base
des études thématiques et sectorielles, afin d'identifier les
besoins en communication des communautés et de collecter des
propositions de solutions auprès d'elles ;
- l'élaboration d'un document de synthèse des
conclusions des études et des concertations ;
- un atelier national de définition de la PNCD.
Il est important de mentionner ces étapes, car ce sont
elles qui assurent qu'il y a un consensus dans la définition de la PNCD,
afin de garantir son appropriation et sa réussite. Il est ainsi
important que son processus de définition et de mise en oeuvre soit
validé par toutes les parties prenantes, et qu'il recouvre tous les
secteurs d'activité liés à l'information et à la
communication. Cela ne peut être assuré que si les parties
prenantes sont toutes associées aux processus d'élaboration des
stratégies.
À chacune des étapes précitées,
l'ensemble des partenaires est associé aux processus de
définition et de mise en oeuvre.L'inventaire ainsi que les études
thématiques et sectorielles sont des étapes importantes, car ce
sont elles qui vont permettre de répertorier l'ensemble des secteurs
clés afin de s'assurer qu'ils seront tous associés aux
stratégies de la PNCD. Ces étapes vont également permettre
d'entamer un état des lieux de la situation actuelle de la communication
pour le développement, ce qui est essentiel pour recenser les lacunes et
les potentiels des secteurs ciblés. Toutefois, c'est la mise en oeuvre
des concertations régionales qui est une phase de participation
cruciale, car ce sont ces rencontres qui vont permettre de récolter
auprès des communautés les enjeux liés à la
communication pour le développement sur tout le territoire, grâce
au recensement de leurs besoins en information et en communication, et de leurs
recommandations. Ces étapes garantissent que tous les acteurs, y compris
les communautés à la base, sont associés à la
définition des enjeux et des stratégies, afin que la PNCD soit
légitime pour tous.
1.2. Principes et objectifs d'une PNCD
Dans la première partie de cet essai, nous avons
présenté ce qu'étaient pour nous les principes et les
enjeux d'une PNCD. Nous allons, toutefois, dans cette partie, en faire une
analyse plus approfondie. Car, par souci méthodologique, il est
essentiel de compléter notre analyse par une étude des documents
relatifs aux PNCD des États ouest-africains, notamment les rapports de
l'Atelier de Niamey et des rapports de la FAO, ainsi qu'une consultation des
PNCD du Mali et du Niger. L'étude de ces documents permet d'avoir une
analyse exhaustive et réaliste, et interpelle particulièrement
sur la position des États ouest-africains - dont le Burkina Faso - sur
les stratégies nationales de communication pour le développement.
Le principe fondamental qui sous-tend la mise en oeuvre d'une
PNCD est celuide la participation active et consciente des populations aux
processus de développement. Par ailleurs, sa définition doit
également reposer sur certains principes de base essentiels.
Pour rappel, nous avions précédemment
avancé trois principes de base qui, selon nous, soulignent la mise en
place d'une PNCD. D'abord la PNCD doit être le fruit d'une volonté
politique affirmée qui se concrétise par le renforcement d'un
cadre juridique et institutionnel approprié ; ensuite sa
définition et son élaboration doivent se faire selon une approche
participative ; et finalement elle doit être multidimensionnelle en
prenant en compte tous les secteurs et toutes les thématiques touchant
autant le développement que la communication et l'information. Il est
également important de souligner que pour être entièrement
légitime et pertinente, une PNCD doit se fonder sur quatre
éléments clés :
- elle doit affirmer clairement son objectif de contribuer aux
efforts de développement ;
- elle doit plaider pour la promotion de la communication pour
le développement participatif au niveau des programmes et des
projets de développement ;
- elle doit explicitement reconnaitre l'importance des
structures de communication et d'information comme, non seulement des outils
clés, mais également des partenaires, contribuant à
l'atteinte des objectifs de développement ;
- elle doit, finalement, être fondée sur une
approche participative qui implique un partenariat et un dialogue avec les
communautés pour sa définition et sa mise en oeuvre, afin
d'assurer son appropriation par tous - gage de succès et de
pérennité.
Loin de se contredire ou de s'exclure, ces sept points,
appuyés par les étapes, se complètent ou se justifient les
uns les autres. C'est avec un cadre juridique et institutionnel renforcé
et contextualisé que la PNCD peut s'affirmer entièrement comme
soutien à l'atteinte des objectifs de développement. Cette
affirmation est la pierre angulaire qui assure que les stratégiesde la
PNCD vont toujours dans le sens d'un appui aux objectifs de
développement.
De plus, la définition de la politique doit s'effectuer
selon une approche participative, car c'est ce qui garantit, d'une part, que
toutes les préoccupations et tous les besoins des communautés
sont pris en compte, et d'autre part, que l'ensemble des partenaires accepte,
et s'approprie les objectifs et les résultats de la politique. Il faut
donc que la PNCD supporte un développement participatif à tous
les niveaux. Par ailleurs, l'approche participative et la reconnaissance de
l'importance des structures de communication et d'information dans les efforts
de développement sont essentielles. Elles assurent que le choix des
outils est contextualisé avec les préoccupations
recensées. Elles garantissent, de faitque le choix des outils est
multidimensionnel, car il prend en compte l'ensemble des besoins des
communautés cibles.
D'autre part, l'inventaire des thématiques et des
secteurs, ainsi que les études de consultation, assurent la
multidimensionnalité de la politique dans ses objectifs et dans son
contenu. Ils assurent également que la politique est en accord avec les
fondements de la communication pour le développement participatif. Les
rencontres régionales garantissent, quant à elles, une approche
participative dans l'élaboration, et de fait une appropriation du
contenu de la politique par les partenaires. L'atelier national de
définition de la PNCD assure finalement une harmonisation des
stratégies ; un des enjeux de la mise en place d'une PNCD que nous
avons présenté dans la première partie de ce document.
En toute logique, les objectifs d'une PNCD doivent s'inspirer
de ces principes structurels. Toutefois, il est important de rappeler ici qu'en
matière de communication pour le développement, autant le terme
`communication' que celui de `développement' sont importants, et donc
l'un ne doit pas être privilégié par rapport à
l'autre. Car, comme le souligne Ilboudo (2002) la PNCD est autant un cadre de
référence pour les partenaires nationaux et pour leurs
partenaires au développement que pour les acteurs de l'information et de
la communication. Il s'agit donc d'une politique qui doit se présenter
comme un guide pour une action globale dans le domaine de la communication et
dans le domaine du développement ; elle doit donc identifier et
élaborer des instruments afin de structurer ces actions de la
manière la plus efficiente, afin que les objectifs de la PNCD concourent
aux orientations politico-économiques et socio-culturelles du pays.
L'objectif essentiel de toute politique de la communication,
particulièrement pour les pays en développement, doit être
de fournir à chaque pays les infrastructures, et en particulier les
télécommunications, les médias et les outils de
communication, les plus adaptés à ses besoins. Il s'agit
dès lors de faire des outils d'information et de communication des
mécanismes d'appui à l'atteinte des objectifs de
développement. Il est de ce fait important que la PNCD mette davantage
l'accent sur la qualité de ces mécanismes plutôt que sur la
quantité à offrir aux communautés, puisqu'une condition
fondamentale est que ces mécanismes soient les reflets des besoins des
communautés ainsi que de leurs préoccupations. Le but
étant non seulement d'identifier les besoins des acteurs à la
base, mais aussi de connaitre leurs visions d'une approche structurée et
cohérente de la communication au service du développement. En
cela, l'étape des concertations régionales est primordiale.
De plus, un des objectifs fondamentaux de la PNCD est
d'envisager et de défendre une approche de la communication à
dimension communautaire. ;Elle doit ainsi s'assurer que la communication
ne soit pas le monopole des médias. Elle doitêtre le fait
d'individus éclairés et avisés, de leaders d'opinion et de
représentants qualifiés, tels que des instituteurs, des agents de
vulgarisation agricole, des agents de santé, des leaders communautaires
et religieux, des membres des ONG et des organisations paysannes.
Nous mettons l'accent sur la qualité des outils
proposés plutôt que sur la quantité, dans la
définition de la PNCD.Car, , la vocation de la PNCD est le bien
être des communautés, qui passe par la promotion et la
démocratisation des outils de communication appropriés. Ainsi, le
fait de fonder une PNCD exclusivement sur la variété et la
quantité des outils offerts ne contribue pas efficacement à
l'atteinte des objectifs de développement. C'est pour celaqu'il faut
s'assurer que les outils de communication proposés par la PNCD sont
choisis selon leurs aptitudes à accompagner les efforts de
développement au niveau local.
C'est sur la base de cette analyse critique, qui
reflète pleinement notre point de vue sur la question de la PNCD, que
nous allons procéder à une étude critique des politiques
de communication pour le développement du Burkina Faso. Il s'agit
également d'évaluer l'efficacité de son processus de
définition et d'élaboration, ainsi que la cohérence de sa
structure.
2. La politique nationale de communication pour le
développement du Burkina Faso
2.1. Un appui aux objectifs de développement
2.1.1. Une politique de
communication pour le développement rural
La politique nationale de communication pour le
développement du Burkina Faso (PNCDBF) s'inscrit dans une volonté
du gouvernement burkinabé de promouvoir la participation communautaire.
Toutefois, la PNCD n'est pas la seule initiative dans ce domaine ; en
effet, plusieurs autres politiques encouragent la participation des
communautés et des OSC dans les initiatives de développement
(Min. éco et dév, 2004, p. 5). C'est dans ce sens qu'il faut
saisir l'élaboration de la PNCDBF comme une stratégie visant
à promouvoir l'engagement des communautés locales
burkinabé aux efforts de développement. En effet, la
définition de la politique « est née de la
volonté politique du gouvernement burkinabé d'utiliser la
communication afin d'impliquer les populations de façon active et
consciente au processus de développement économique, social et
culturel »(FAO & Min. Com., 2001b15(*), p.3) Cette position défend résolument
l'importance de la communication dans les actions de développement.
L'idée sous-jacente est que la mobilisation des communautés aux
actions de développement est une condition essentielle à
l'atteinte des objectifs de développement. Ces objectifs sont d'ailleurs
présentés comme des élémentsqui justifient la
définition d'une PNCD (FAO & Min. Com., 2001a.16(*)). Ainsi, la PNCDBF a
été conçue comme un volet d'appui aux stratégies
nationales de développement durable, d'abord pour le Cadre
Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), puis pour la
Stratégie de Croissance Accélérée et de
Développement Durable (SCADD). En effet, ces deux documents
stratégiques encouragent largement l'engagement des communautés
aux actions de réduction de la pauvreté ; ce qui implique,
entre autres, une délocalisation des efforts de développement au
niveau des communautés (Min. éco et fin.17(*), 2011).
La PNCDBF est donc un important support à l'atteinte
des objectifs de ces stratégies de développement. Les fondements
de la PNCDBF rejoignent ceux de ces stratégies. Celles-ci
défendent le principe de l'appropriation nationale, qui se traduit par
une volonté de mettre en oeuvre des stratégies de
développement « conformes aux priorités et besoins des
populations » (Min. éco et fin., 2011, p.35). De plus, il y
est reconnu qu'une faible participation des acteurs du développement,
particulièrement des communautés, peut constituer un facteur de
risque d'échec des actions de développement, et qu'une
participation effective de tous les acteurs est un élément
fondamental à l'atteinte des objectifs fixés. Or, la
communication se trouve être au centre de la participation. Un principe
reconnu autant dans le CSLP18(*) que dans la SCADD qui plaident pour un renforcement
des capacités de dialogue des populations. D'ailleurs, le document du
CSLP défend la promotion des nouvelles technologies de l'information et
de la communication comme un des principes directeurs des efforts de
développement. Ensuite, la SCADD présente, dans ses principes,
les technologies de l'information et de la communication comme un puissant
levier de développement. Le fondement essentiel qui justifie cet appui
est que les efforts de développement doivent se nourrir des
préoccupations des communautés. En effet, une PNCD aboutie est
assurément une politique contextualisée, qui repose sur les
enjeux liés au sous-développement national. C'est ainsi qu'au
Burkina Faso, la PNCD est axée sur la communication pour le
développement rural. Ce qui s'explique aisément par le fait que
la population burkinabé est essentiellement rurale. En effet,
« l'économie du Burkina Faso repose sur le secteur du
développement rural qui emploie plus de 86 % de la population
active, représente 30 % du PIB et participe à 80 % des
recettes des exportations » (FAO & Min. Com.2001b, p.99). Il
s'agit de fait de la principale source de revenus des populations
burkinabé, dont le développement est donc au centre des
préoccupations.
En plus des enjeux spécifiques liés à la
communication pour le développement, la PNCD s'inspire également
des causes du sous-développement recensées dans les documents de
stratégies de développement nationales : causes
socio-culturelles et socio-économiques notamment. Ce qui est un
élément essentiel à la légitimité et
à la réussite de la PNCD, car comme nous l'avons souligné
précédemment, les diagnostics diffèrent selon les
contextes nationaux et doivent donc inspirer des recommandations
spécifiques.
Au Burkina Faso, la PNCD se dessine clairement comme un appui
aux documents de stratégies de développement nationales. Elle
affirme être une politique qui encourage l'ensemble des acteurs du
secteur agricole à s'organiser pour venir en appui à la mise en
oeuvre des stratégies de développement. Une telle démarche
est essentielle dans un contexte marqué par la reconnaissance de
l'importance de l'engagement des communautés et de la communication dans
le processus de développement (FAO & Min. Com., 2001b),
À ce titre, la PNCDBF doit s'attacher à :
- fournir un cadre institutionnel aux efforts en communication
pour le développement défendus dans les stratégies
nationales de développement ;
- renforcer les structures de communication et d'information,
particulièrement en milieu rural ; notamment soutenir une approche
de la communication à dimension communautaire, que celle-ci ne soit pas
uniquement le monopole des médias ;
- faire des outils de communication et d'information des
mécanismes d'appui à l'atteinte des objectifs de
développement ; et en ce sens mettre davantage l'accent sur la
qualité de ces outils plutôt que la quantité fournie ;
de sortequ'ils soient de réels outils de promotion d'objectifs
partagés, qui favorisent la participation des communautés, tout
en étant multidimensionnels, car soutenant toutes les initiatives de
développement.
C'est dans ce cadre que la PNCDBF devrait se justifier, avec
une emphase sur les questions liées au monde rural. Une politique qui
stimule et encourage la communication axée sur le dialogue, qui permette
aux initiatives de développement d'être à l'écoute
des communautés cibles et qui favorise l'engagement de ces
dernières.
2.1.2. Être à
l'écoute des communautés
Le postulat de la PNCDBF est que le succès du
développement en milieu rural suppose la participation active et
consciente des populations rurales au Burkina Faso à tous les stades du
processus. En effet, le document du CSLP stipule (encadré 9) que
l'atteinte des objectifs du développement local fait appel à la
responsabilité des communautés à la base (Min. éco
et dév, 2004, p. 54). Ce qui suppose donc un engagement des
communautés, et leur participation aux efforts de développement.
La PNCDBF considère dès lors donner l'occasion aux
communautés de s'exprimer, en leur permettant de s'approprier les
structures de communication et d'information. De par ses objectifs, elle permet
également aux projets et aux programmes de développement
d'être à l'écoute des préoccupations des populations
concernées.
Pour ce faire, l'identification, l'analyse et
l'évaluation des outils les plus appropriés sont
nécessaires. En accord avec les recommandations de la FAO et de
l'Atelier de Niamey, la PNCDBF plaide, dans ses missions, pour une exploitation
des différents outils de communication. L'objectif est de favoriser le
dialogue avec les communautés, et plus encore l'engagement de
celles-ci.car il est reconnu qu'il est important de « surmonter les
barrières de l'analphabétisme et de l'incompréhension (en
transmettant les idées et les pratiques sous une forme
appropriée) » ((FAO & Min. Com., 2001b,p. 24). Par
ailleurs, parce qu'elle se veut un outil de support aux stratégies
nationales de développement, la PNCDBF adopte une approche
multidimensionnelle : soutenir les secteurs spécifiques au
développement rural ainsi que les secteurs transversaux, par exemple la
question du genre. Elle favorise ainsi l'accessibilité de la
communication et de l'information à toutes les communautés. (FAO
& Min. Com., 2001b, p.23-34).
De fait, il est essentiel que la PNCDBF prenne en compte
l'évaluation et le renforcement des structures de communication, car
c'est de cette démarche qu'une autonomisation des communautés et
donc une appropriation des efforts de développement seront
assurées. La PNCDBF soutient d'ailleurs que la démocratisation de
ces outils de communication favorise la prise en compte des
préoccupations et des intérêts des communautés, car
elle encourage leur participation aux débats. Or, l'enjeu de la
participation des communautés est fondamental, car « il s'agit
d'aider les populations à lutter contre la fatalité, à
développer leur capital de production pour elles-mêmes et les
générations futures » (FAO & Min. Com., 2001b,
p.18). Ce qui, mis en perspective avec l'approche freirienne, rappelle la
nécessité de défendre un réel développement
social, qui repose sur l'expression des préoccupations des
communautés. La PNCDBF reconnait d'ailleurs qu'il s'agit là d'une
approche qui « favorise l'auto-développement des
communautés rurales et une prise en charge active de leur propre
développement » (FAO & Min. Com., 2001b, P.23)
grâce à un renforcement technique et financier notamment des
outils de communication, qui permet de « susciter la participation du
monde rural et instaurer un climat de confiance et de dialogue »
(Ibid).
2.2. D'une évaluation des besoins à un plan
stratégique de développement participatif
2.2.1. Inventaire et
analyse des structures de communication
L'élaboration de la PNCDBF s'est faite en deux phases.
La première phase a mené à l'édition d'un premier
document portant sur la situation de la communication pour le
développement au Burkina Faso, sur lequel se fonde le document de la
PNCDBF.
L'analyse de la situation a permis de faire un inventaire et
une analyse approfondie des structures de communication disponibles au Burkina
Faso, et de justifier leur exploitation dans le domaine de la communication
pour le développement. Elle a également permis de définir
les enjeux et les besoins en matière de communication pour le
développement, afin notamment de dégager des recommandations sur
lesquelles reposent les stratégies de la politique nationale de
communication pour le développement. Il nous semble d'emblée
essentiel d'examiner, dans quelle mesure cette évaluation de la
situation de la communication pour le développement a permis,
au-delà d'un inventaire des besoins liés aux structures de
communication, de tirer des conclusions allant dans une optique d'un
renforcement de la participation effective de tous les acteurs du
développement, particulièrement celle des communautés, aux
actions de développement local.
La PNCDBF affiche clairement sa volonté de promouvoir
la communication pour le développement par la promotion des structures
de communication, « en utilisant les médias modernes et
traditionnels, les outils de communication de proximité et les
différents canaux de diffusion de l'information » pour
répondre aux besoins des communautés rurales et
urbaines » (FAO & Min. Com., 2001a, p. v). Une réelle
volonté donc de placer les structures de communication comme des acteurs
incontournables dans la résolution des enjeux de développement.
Ce qui implique justement que le processus d'élaboration de la PNCD
nécessite non seulement la prise en compte de l'ensemble des outils de
communication, mais également celle des enjeux de développement,
comme nous l'avons exprimé précédemment.
Suite à l'analyse du document portant sur la situation
de la communication pour le développement au Burkina Faso, il apparait
que les enjeux auxquels est confrontée la communication pour le
développement au Burkina Faso sont essentiellement liés à
des problèmes structurels et socio-économiques.
Pour ce qui a trait aux problèmes structurels,
l'analyse de la situation révèle trois enjeux majeurs. D'abord,
la centralisation des médias en milieu urbain, ce qui les éloigne
des réalités des communautés rurales, principales cibles.
Ensuite, l'usage quasisystématique du français dans les
structures médiatiques au détriment des langues nationales, alors
qu'un fort taux d'analphabétisme est recensé dans les milieux
ruraux. Et finalement, en milieu rural, un manque d'expertise dans les domaines
médiatiques, et ceux de la communication pour le développement.
C'est en ce sens que la PNCDBF recommande donc une réelle prise en
compte des spécificités locales et un renforcement des
capacités des acteurs locaux, notamment par des formations.
Quant aux problèmes socio-économiques, l'analyse
révèle un manque de moyens et de ressources auquel font face les
initiatives provenant des structures médiatiques ou des acteurs
étatiques et organisationnels; mais également une mauvaise
gestion des ressources disponibles. Ainsi, les conclusions recommandent
qu'autant l'État que ses partenaires au développement s'engagent
à apporter un appui financier et technique aux acteurs locaux, afin de
soutenir ces initiatives.
Par ailleurs, l'évaluation de la situation et des
besoins a également été exhaustive en prenant en
considération l'ensemble des outils de communication pertinents en
matière de communication pour le développement ; qu'ils
aient déjà une mission attestée ou non allant dans ce
sens. Ont été ainsi définis comme des partenaires au
développement, les organes de la presse écrite et audiovisuelle,
les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les outils
de communication de proximité et les outils de communication
traditionnels. L'évaluation a permis de déterminer les atouts et
les faiblesses de chacun de ces outils en terme de communication participative,
afin de proposer des recommandations pour renforcer les forces et combler les
insuffisances pour de meilleures stratégies de communication pour le
développement, particulièrement en milieu rural.
Toutefois, deux critiques majeures sont à soulever
quant à l'analyse de la situation et à l'évaluation des
besoins. La première critique est que l'évaluation met une
emphase particulière sur les médias de masse au détriment
des médias de proximité. Certes il est important de mettre en
place des stratégies qui permettent à ces médias de masse
de trouver leur place dans le processus de développement, afin qu'ils
soient des acteursdéveloppement à part entière, car ce
sont eux qui arrivent à « toucher le plus grand
nombre ». Néanmoins, les moyens de communication de
proximité modernes (ex. affiches, présentations) et traditionnels
(ex. griots, contes) sont les outils qui permettent la promotion de
l'implication et de l'expression des communautés dans les initiatives de
développement (Milan, 2009). D'ailleurs, la PNCDBF est axée sur
le monde rural ;or le principal enjeu qui ressort de l'analyse est que
compte tenu des enjeux sociaux présents (analphabétisme, et une
desserte limitée des médias en milieu rural), les médias
traditionnels restent des moyens de communication à privilégieret
largement plébiscités par les acteurs ruraux. La seconde
critiqueest le fait qu'elle se présente comme un simple inventaire des
besoins techniques et financiers des médias, et ne fait aucune mention
de l'enjeu primordial lié à cette analyse, à savoir dans
quelle mesure en faire des acteurs dudéveloppement qui favorisent
l'expression des communautés - ce qui est malgré tout l'un des
principes de base d'une PNCD.
Il n'en reste pas moins que le document portant sur la
situation de la communication pour le développement au Burkina Faso a
largement balisé le terrain puisqu'il a pris en compte tous les enjeux
liés à la communication pour le développement au Burkina
Faso. Des enjeux qui y sont synthétisés en trois points (FAO
& Min. Com., 2001a, p.101-103). D'une part, les besoins liés
à la communication sociale : à savoir une meilleure
implication des populations aux programmations, et une meilleure
décentralisation. D'autre part, les besoins liés à la
communication éducative : un renforcement des capacités des
communautés et de leurs partenaires au développement, pour une
meilleure appropriation des outils de communication locale par les acteurs
locaux (notamment les radios rurales). Et finalement, les besoins liés
à la communication institutionnelle : une promotion des
partenariats entre l'ensemble des acteurs du développement et les
communautés au niveau local. Toutefois, l'étude du document
d'analyse de la situation de la communication pour le développement au
Burkina Faso révèle que l'accent y est davantage mis sur les
communications de type éducatif et institutionnel. Ce qui induit de
s'intéresser, entre autres, à des enjeux liés à la
promotion de l'alphabétisation des populations rurales ; à
la mise en place de solutions donnant l'opportunité aux acteurs locaux
de s'exprimer et de s'approprier les outils de développement ;
à la promotion d'une coopération contenue et soutenue entre les
acteurs locaux et leurs partenaires au développement ; à une
consolidation des expertises en matière de communication pour le
développement ; etc.
2.2.2. Une approche
participative
Au-delà de sa première vocation qui est de
promouvoir la communication pour le développement - et en toute logique
avec celui-ci d'ailleurs -, l'élaboration d'une PNCD doit se faire selon
une approche participative et contextualisée qui encourage la
participation de l'ensemble des parties prenantes, afin de garantir une
réelle appropriation. Cela suppose, d'une part, qu'il faut toujours
partir des besoins des communautés pour définir le contenu d'une
PNCD; et cela induit, d'autre part que sa mise en oeuvre doit être le
fait de l'ensemble des acteurs dudéveloppement.
Au Burkina Faso, le processus de définition de la PNCD
a engagé l'ensemble des parties prenantes. En effet, sa
définition s'est faite en trois étapes majeures dans un souci
d'intégrer l'ensemble des partenaires à ce processus. Les
étapes de son processus d'élaboration observent d'ailleurs celles
définies par l'Atelier de Niamey.
La première étape a plutôt
été une étape méthodologique ; il s'agit de la
mise en oeuvre d'études thématiques et sectorielles
organisées par des consultants nationaux. Ces études ont permis
de recenser les secteurs sur lesquels doit reposer le processus de
définition et d'élaboration de la PNCD du Burkina Faso. Elles ont
également permis d'harmoniser les concepts et les méthodologies
à mettre en oeuvre tout au long du processus (FAO & Min. Com.,
2001a, p.11). C'est lors de cette étape que les huit secteurs sur
lesquels repose la PNCDBF ont été définis. À
savoir, la presse écrite (en français et en langues
nationales ; publiques et privées), la presse audiovisuelle (radios
et télévisions ; publiques et privées), les
technologies et infrastructures de la radiodiffusion, de la
télévision et de la presse écrite, les moyens de
communication traditionnels, les technologies de l'information et de la
communication, le cadre juridique et institutionnel de la communication, la
formation en communication pour le développement et finalement les
outils de communication de proximité. Ces études sectorielles ont
permis de faire un inventaire des outils et d'effectuer une enquête
auprès de acteurs dudéveloppement local afin « de
dégager les problèmes et les besoins en matière de
communication pour le développement » (FAO & Min. Com.,
2001a, p.12). Elles ont également permis une harmonisation des concepts,
des secteurs et des thématiques choisies ; ce qui est, somme toute,
important pour la légitimité d'une politique.
La seconde étape du processus de définition est
l'organisation d'ateliers de concertations régionales. Cette
étape a eu un double objectif : d'une part, confirmer les
résultats et les conclusions des experts lors des
précédentes études, et d'autre part recueillir
auprès des communautés et des acteurs locaux leurs
préoccupations ainsi que leurs besoins. Cette étape a donc
été importante, car cohérente avec l'approche
participative de la communication pour le développement. Par ailleurs,
l'organisation de concertations régionales, plutôt qu'une
concertation nationale, a permis de contextualiser l'évaluation des
besoins et par conséquent les stratégies à mettre en
oeuvre. Ainsi, l'analyse du document d'évaluation de la situation de la
communication pour le développement (tome 1) révèle
que des recommandations particulières sont faites selon les
régions. En effet, il est important de ne pas généraliser
les stratégies dans un pays de treize régions qui ont chacune
leurs spécificités. Suite à ces concertations, l'enjeu a
alors été de trouver un consensus entre toutes les
recommandations émises, toutes régions confondues, afin de mettre
en place une stratégie nationale capable de refléter les
préoccupations et les besoins de toutes les communautés et de
tous les acteurs locaux et nationaux.
La troisième étape, est la tenued'un atelier
national de validation des conclusions des précédentes
étapes. L'objectif de cet atelier a été d'abord l'adoption
de recommandations et de stratégies. Celles-ci, issues des concertations
et des études, portent sur les voies et les moyens qui mènent
à « une plus grande implication des populations dans la
conceptualisation, l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et
l'évaluation des programmes de développement » (FAO
& Min. Com., 2001b, p.7) .Il s'agit notamment d'un plan d'action qui
permette à court, moyen et long terme de redéfinir la mission
sociale des médias, de préciser les fonctions des
différents outils de communication dans les initiatives de
développement local, et de redéfinir les stratégies
à mettre en oeuvre en vue d'utiliser les atouts de ces différents
outils afin qu'ils accompagnent au mieux les initiatives de
développement.
Ce processus de définition et d'élaboration
dénote l'importance accordée aux préoccupations de
l'ensemble des parties prenantes, y compris les communautés, comme le
démontre la mise en oeuvre des concertations régionales.
Toutefois, un point à souligner dans ce processus est sans doute la
définition des étapes. En effet, il est légitime de se
demander si le fait que des consultants experts définissent
déjà en amont les secteurs et les thématiques pertinents
n'est pas en soi une limite à l'expression des acteurs locaux. Le
processus n'aurait-il pas été davantage participatif, et
reflétant pleinement les préoccupations de ces acteurs, s'ils
avaient été associés dès le début au
processus d'analyse de la situation? En effet, les différentes phases de
la définition, telles que décrites ci-dessus, ne donnent pas
l'opportunité aux acteurs locaux d'exprimer pleinement leurs
préoccupations, car leur expression - lors des concertations - est
limitée à des thématiques préalablement
circonscrites. Les acteurs locaux ont été consultés
après la définition des thématiques ; un processus
qui garantit la prise en compte de toutes leurs préoccupations aurait
été une consultation auprès des acteurs locaux
préalablement à la définition des thématiques.
Il n'en reste pas moins que l'enjeu de la participation est
présent dans l'élaboration de la PNCDBF, car au-delà de la
prise en compte des spécificités et des préoccupations,
cet enjeu réfère également à la sélection
des méthodes et des outils de communication appropriés pour
encourager la participation des acteurs locaux - notamment les
communautés -, mais également favoriser le dialogue entre les
communautés et leurs partenaires au développement. De plus, cette
approche est confortée par le Consensus de Rome, qui plaide pour une
plus grande participation des communautés locales aux initiatives de
développement, mais également à ce que les principes de la
communication pour le développement - notamment la participation -
deviennent un droit pour les communautés. Une approche à laquelle
se conforment les fondements de la PNCDBF, ainsi que sa méthodologie
d'élaboration -- somme toute consensuelle.
2.3. La PNCD du Burkina Faso : atouts et faiblesses
Le principe qui justifie l'élaboration de la PNCDBF
est celui de stimuler une implication active et consciente des
communautés rurales au développement socio-économique et
socioculturel les concernant. De ce fait, ses missions, ses objectifs, et son
plan d'action se doivent de répondre à cette finalité.
C'est dans ce sens que va d'ailleurs une des recommandations du Consensus de
Rome, qui affirme l'importance de la mise en place de stratégies bien
définies qui encouragent le dialogue, le partage d'expériences et
d'expertises, et de politiques générales qui soutiennent le
développement de ces outils, dans un contexte socioculturel
défini. Et, ainsi au cours de notre analyse de la PNCDBF, nous nous
sommes également demandé dans quelle mesure les objectifs de
cette politique défendent la promotion d'un dialogue communautaire et
d'une consolidation des outils de communication afin de tirer au mieux parti
des différentes pratiques de communication « that are
taking place at local, national and international levels for
improveddeveloppementaction --from new mediaregulations and ICT trends to
popular and traditional music » (The CI19(*), FAO & World Bank, 2006,
p. 36).
Au vu de sa mission d'appui aux stratégies de
développement en milieu rural, les objectifs de la PNCDBF doivent non
seulement se construire dans le sens d'un renforcement des capacités des
structures de communication afin d'en faire des outils de développement
local, mais également ses objectifs doivent s'inscrire dans une
démarche de soutien à la participation des communautés aux
efforts de développement. La PNCDBF doit donc être
multidimensionnelle et contextualisée.
2.3.1. Des objectifs
cohérents, mais limités
Nous avons mené l'analyse des objectifs de la PNCDBF en
les mettant en perspective avec les problèmes liés à la
situation de la communication pour le développement au Burkina Faso
recensés lors des études sectorielles et des concertations
régionales. Car, évidemment, autant les missions que les
objectifs de la politique se doivent de répondre à ces enjeux.
Les problèmes auxquels la PNCD aspire
répondrepeuvent se résumer en cinq points :
- d'abord, les problèmes liés à un
mauvais accès aux outils de communication, particulièrement pour
la société civile - principal acteur dudéveloppement local
en milieu rural ;
- également ceux liés à des programmes de
formation déficients qui ne prennent pas en compte les enjeux
liés au développement rural, et sont par conséquent
inadaptés aux besoins des communautés locales;
- Le faible intérêt des acteurs
dudéveloppement local à la communication dans la
définition et la mise en oeuvre de leurs activités;
- L'absence de données fiables sur les outils de
communication utilisés dans le milieu rural, ainsi qu'un manque
d'évaluation de celles-ci;
- un statut juridique inadéquat, et une situation
financière insuffisante, qui font notamment que les médias
restent très dépendants des pouvoirs publics.
Ces problèmes auxquels la PNCDBF se
réfère explicitement dans son plan d'action (FAO & Min. Com.,
2001b, pp 27-31) sont les enjeux sur lesquels reposent les objectifs de
cette politique. D'ailleurs, le document portant sur la situation de la
communication pour le développement au Burkina Faso (Tome 1),
souligne un important point dans son analyse, à savoir le fait que les
enjeux auxquels est confrontée la communication pour le
développement au Burkina Faso sont essentiellement liés à
des problèmes structurels et socio-économiques.
Conformément à ces conclusions, la PNCDBF s'est
assignée les objectifs généraux suivants :
- renforcer les structures de communication afin
o de répondre aux besoins d'informations des
différentes communautés,
o de rendre accessibles les « grands moyens
d'informations » au plus grand nombre,
o de favoriser les échanges d'informations entre les
communautés et les différentes structures décisionnelles,
jusqu'au niveau national notamment ;
- se positionner comme un réel support à
l'exécution des stratégies nationales de
développement ;
- favoriser l'expression des communautés rurales
« en les impliquant dans l'appréciation des questions sociales
qui les concernent directement » (FAO & Min. Com., 2001b,
p. 25);
- soutenir les initiatives de développement
communautaire locales ;
- mettre à la disposition de tous les organismes
partenaires au développement local « les méthodes et
techniques de communication et de vulgarisation » dans la mise en
oeuvre de leurs activités (Ibid.)
Notons, par ailleurs, que la définition de ces
objectifs reste en accord avec les enjeux précités liés
aux communications de type éducatif et institutionnel. Et, en appui
à ces objectifs généraux, des objectifs spécifiques
ont été définis. Ceux-là sont sectoriels, car il
s'agit d'accompagner, d'appuyer et de soutenir tous les programmes et campagnes
de développement local, quels que soient leurs domaines de
prédilection, qu'ils soient, par exemple, liés à
l'alphabétisation, au genre, à la culture, à
l'agriculture, etc. ; par exemple, « soutenir le plan
stratégique opérationnel de croissance agricole » ou
« contribuer à la promotion du statut de la femme et à
l'équité du genre » (FAO & Min. Com., 2001b,
p. 25).
Au cours de notre lecture analytique de la PNCDBF, deux points
en particulier concernant ses objectifs nous ont interpelés.Il s'agit de
savoir si, à travers ses objectifs, la politique a vocation à
contribuer à une délocalisation des efforts de
développement au niveau des communautés locales, et d'autre part
si elle soutient explicitement le renforcement des capacités des
communautés. Car, comme nous l'avons déjà
évoqué, dans la première partie de ce document, ce sont
là deuxconsidérations importantes lorsque l'on parle de
stratégie de communication pour le développement.
Pour ce qui est de la délocalisation des efforts au
niveau des communautés, au-delà de renforcer le rôle des
communautés dans les efforts de développement local, il s'agit de
plaider - et encore plus d'agir - pour un engagement et une implication totale
des communautés à ces efforts.Ce qui implique notamment un
renforcement des outils de communication locaux. Car, la communication pour le
développement renvoie, avant tout, à des initiatives de
développement engagées par les communautés et les
organisations qui les accompagnent localement (Wilkins, 2008).
Néanmoins, si dans ses objectifs la PNCDBF se donne
pour vocation d'encourager l'expression et la participation des
communautés aux débats publics, dans son plan d'action sa
position restenébuleuse. Elle affirme toutefois résoudre le
problème de l'inégalité d'accès des
communautés et des organisations de la société civile aux
médias publics (FAO & Min. Com., 2001b, p.27). Or, la
démocratisation de ces outils de communication est de fait
bénéfique à la délocalisation des efforts de
développement au niveau des communautés.
S'agissant durenforcement de capacités des
communautés, cela suppose également de mettre la participation
des communautés au centre de toute initiative de développement,
car c'est par cette participation que passe la reconnaissance des
expériences et des expertises des
communautés.Mais, à notre sens,un renforcement
de capacités des communautés renvoie surtout,à un
renforcement des capacités des médias locaux, car c'est ce qui
permet de promouvoir et de consolider les capacités de dialogue des
communautés locales, et donc d'apporter une réponse à
leurs besoins d'autonomie (empowerment). D'autant plus que le
renforcement de capacités des médias communautaires est un solide
tremplin à l'affermissement des savoirs locaux, un facteur essentiel
à la consolidation des capacités des communautés
locales.
Le plan d'action de la PNCDBF n'énonce formellement
aucune action à mener qui contribuerait explicitement à
encourager la participation des communautés aux initiatives de
développement ; néanmoins, il manifeste clairement une
volonté de renforcer les compétences et les mandats des
médias locaux. Par ailleurs, si dans ses analyses et ses recommandations
la PNCDBF reconnait l'importance à accorder aux savoirs locaux et aux
moyens de communication traditionnelle, elle ne traite pas de ce point dans son
plan d'action ; tandis que dans ses conclusions elle affirme que
« la revalorisation [de ces outils] constitue un vivier dans lequel
il faut puiser les ressources culturelles pour compléter les messages
diffusés par les moyens d'information modernes » (FAO &
Min. Com., 2001b, p.33). De plus, la création des radios locales
prévue dans son plan d'action (FAO & Min. Com., 2001b, p.31)
démontre tout de même une réelle volonté de
renforcer le dialogue avec les communautés locales. Or, cela implique
que les médias locaux aient les moyens de jouer leur rôle dans les
efforts de développement, en étant proches des communautés
locales (McCall, 2010).
2.3.2. L'analyse quantitative, cause de faiblesses dans
l'évaluation
La PNCDBF présente deux faiblesses majeures, qui
fragilisent la satisfaction de ses missions et l'atteinte des objectifs qu'elle
se fixe. D'abord, comme nous l'avons exposé dans la première
partie de ce document, une PNCD doit pour atteindre ses objectifs prendre en
compte un enjeu majeur : celui de faire des outils d'information et de
communication des mécanismes d'appui à l'atteinte des objectifs
de développement. En ce sens il est crucial de mettre davantage
l'accent sur la qualité que sur la quantité. Or, une analyse des
documents de la PNCDBF démontre que lors des études de la
situation des structures de communication, l'accent a davantage porté
sur le nombre d'outils disponibles plutôt que sur leurs
compétences, et leurs capacités à assurer le rôle
d'outils de développement.
Un second point qui mérite réflexion est le
diagnostic qui a été fait des atouts et des contraintes des
différentes structures de communication. En effet, tel que celui-ci a
été présenté dans le document de la PNCDBF (FAO
& Min. Com., 2001b, pp.23-27), le diagnostic ne prend pas en compte un des
objectifs fondamentaux de la politique à savoir être un appui aux
programmes et aux projets de développement, afin qu'ils utilisent dans
leurs pleines potentialités les outils de communication pour l'atteinte
de leurs objectifs. Il aurait sans doute été plus pertinent que
le diagnostic des atouts et des contraintes se justifie directement par la
pertinence de leurs exploitations par rapport aux initiatives de
développement. De cette manière, les recommandations de la PNCDBF
peuvent objectivement se considérer comme de véritables
stratégies de développement.
Or, une analyse qualitative plutôt que quantitative des
structures de communication aurait assurément permis de définir
des objectifs réellement axés sur un renforcement des
compétences de ces structures, qui viennent appuyer les initiatives de
développement ; ainsi que l'importance de l'autonomisation des
communautés.
2.3.3. Une politique contextualisée
Toutefois, au vu de ce qui a justifié son
élaboration et en accord avec les missions qu'elle se fixe, la PNCDBF a
à son avantage des atouts non négligeables qu'il faut souligner.
D'abord, le fait qu'elle soit axée sur le monde rural fait d'elle une
politique véritablement contextualisée, et de ce fait à
l'écoute des préoccupations des communautés locales.
Ensuite, l'analyse du document de la PNCD du Burkina Faso révèle
que, ses stratégies et recommandations s'articulent harmonieusement
autour de trois types de communication complémentaires :
- la promotion du dialogue par la communication sociale
(griots, crieurs, conteurs, musiciens, relations interpersonnelles, etc.). Il
s'agit d'une volonté explicite de donner une place « aux
moyens de communication issus de la société
traditionnelle » (FAO & Min. Com., 2001b, p.33);
- un partage d'expériences et de savoir-faire par la
communication éducative, cela suppose notamment d'accompagner les prises
de décisions par des « formations en communication
[à l'attention] des agents de développement
communautaire » (FAO & Min. Com., 2001b, p. 34) ; ce
qui est une des recommandations des ateliers régionaux
considérées dans la PNCDBF;
- inciter le partage de flux d'information et d'expertises
entre les différents acteurs dudéveloppement local par la
communication institutionnelle.
Toutefois, il faut souligner ici qu'au vu des objectifs de la
PNCDBF, il aurait été plus pertinent que l'accent soit mis sur la
communication sociale plutôt que sur la communication institutionnelle et
éducative comme cela est le cas. Car c'est ce type de communication qui
répond à la question essentielle de l'engagement des
communautés aux efforts de développement.
Néanmoins, il est certain que le fait que la PNCDBF
soit circonscrite aux enjeux liés au monde rural dénote de
l'importance que la PNCDBF accorde à faire de sa politique une
stratégie contextualisée. Ce que réaffirme d'ailleurs la
relecture de la politique dix ans plus tard, dans un contexte différent.
En effet, un des arguments qui ont justifié cette relecture est
notamment les transformations d'ordre structurel dans le domaine de la
communication et de l'information, surtout en milieu rural où
l'accès au NTIC notamment s'est démocratisé. De nouvelles
donnes et des contextes actualisés ont donc imposé une nouvelle
analyse des besoins et une réévaluation des outils.
2.4. Évaluation et révision de la politique
La révision de la politique nationale de communication
pour le développement du Burkina Faso (PNCDBF) a été
motivée par trois points essentiels :
- L'inadéquation relevée de la politique avec
les stratégies de développement, dont la CSLP ; en effet,
celle-ci a eu un faible cadrage avec les orientations de la CSLP. Par ailleurs,
la définition de nouvelles stratégies nationales de
développement telles que la SCADD et Burkina 202520(*) encourage une révision
en vue de préserver la contextualisation de la politique avec les
stratégies de développement.
- Une difficulté de mobilisation des ressources
nécessaires au bon appui des secteurs de la communication et de
l'information.
- Le constat que d'importants changements sont survenus dans
l'environnement technologique de la communication du Burkina Faso au cours de
la décennie qui a précédé la révision.
Ainsi, la principale préoccupation qui a
justifié la révision de la politique - et a donné le
document P.N/COM -- a été de s'assurer qu'elle reste
contextualisée à la situation globale du secteur de la
communication, et qu'elle reste également alignée sur les
stratégies nationales de développement, qui ont été
actualisées. La politique affirme ainsi qu'elle
« s'intègre dans la stratégie nationale de
développement et tire ses fondements du projet de société
contenu dans la vision prospective `Burkina 2025' » (Min. com.,
201121(*), p31) ; de
plus, sa périodicité s'aligne formellement sur celle de la SCADD
(Min. com., 2011, p8).
Afin d'assurer un alignement effectif, un état des
lieux de la situation des secteurs de la communication a été
refait afin de relever les difficultés auxquelles se heurtent encore les
structures de communication au Burkina Faso. En effet, cette analyse de la
situation révèle que malgré les promesses de la PNCDBF,
celle-ci a échoué dans ses missions à faire des
médias des outils de participation sociale ainsi que des partenaires
auprès des programmes de développement. En effet, cette analyse
révèle que, par exemple, entre 2001 et 2009, les médias
ont fait face à trois enjeux récurrents, d'abord une insuffisance
dans l'appropriation de la communication pour le développement par les
ressources humaines, puis des difficultés budgétaires
pénalisantes, et finalement une couverture nationale insuffisante. La
révision de la politique s'est voulue complète en
reconsidérant chacun des outils sur lesquels s'est penché le
document d'analyse de la situation de la communication pour le
développement au Burkina Faso en 2000. De ce fait, les faiblesses ainsi
que les atouts et acquis de chacun de ces volets ont été
présentés. Néanmoins, il y'a dans cette
présentation une nuance qu'il est important de souligner :
l'analyse de sa structure révèle qu'il ne s'agit là que
d'un exposé de la situation plutôt qu'une révision qui
aurait voulu que cette analyse soit mise en perspective avec celle de 2000. En
effet, malgré le fait que la P.N/COM s'inscrive dans un processus de
relecture de la PNCDBF, elle accorde peu de place à une analyse des
résultats et des échecs de cette dernière. Il aurait
pourtant été pertinent de procéder à une
évaluation de la mise en oeuvre de la PNCDBF. Car, la révision
d'une politique exige :
- une bonne connaissance du précédent contexte,
- une prise en compte des objectifs de la
précédente politique et des précédentes
données, car il s'agit non seulement d'évaluer les
résultats atteints, mais également -et surtout - d'évaluer
les échecs afin de proposer des solutions ainsi que des
stratégies correctives de la politique,
- de réévaluer la cohérence des missions,
fondements et objectifs avec le contexte actuel -notamment avec les
stratégies de développement nationales.
Or, la politique révisée ne fait aucune
référence formelle aux résultats atteints par la PNCDBF,
ainsi que les échecs et leurs causes, et également les
contraintes auxquels la mise en oeuvre de la politique a fait face. Pourtant
l'analyse de ces éléments est une étape cruciale vers une
proposition de solutions, et d'ajustements à faire. D'autant plus que la
P.N/COM reprend sensiblement les mêmes objectifs que la PNCDBF, sans une
analyse préalable de la cause de la non-atteinte de certains d'entre
eux.
Toutefois, la P.N/COM présente - sans en faire
référence explicitement - deux réalisations abouties de la
PNCDBF. D'une part, il ressort qu'au cours de la dernière
décennie, les journaux ont reçu un soutien majeur lors de la mise
en oeuvre de la PNCDBF, particulièrement les journaux en langues
nationales. La mise en oeuvre des stratégies de la politique a
donné à ces journaux le potentiel et les ressources
nécessaires leur permettant de contribuer à « la
formation d'un environnement lettré en milieu paysan et à la
promotion des langues nationales (Min. com., 2011, p. 18). En effet, il
ressort des conclusions de l'analyse que bon nombre de ces journaux sont
devenus des instruments de formation, venant ainsi en appui aux programmes et
aux projets de développement, d'autant plus que « la plupart
sont orientés vers des questions de développement »
(Ibid). Mais, malgré ce succès, la révision de la
politique affirme que ces journaux, ainsi que les médias de
manière générale, sont encore confrontés à
de difficultés financières cruciales. D'autre part, les
conclusions de la révision révèlent également que
certaines des préoccupations auxquelles la PNCDBF aspirait
répondre concernant la formation en communication pour le
développement ont également été satisfaites.
Puisque le bilan atteste que suite à la validation de la PNCDBF
« certaines structures formelles de formation se sont engagées
à faire une relecture de leurs programmes de formation pour
intégrer la communication pour le développement » (Min.
com., 2011, p.26). Néanmoins, malgré l'orientation de la PNCDBF
sur le monde rural, on constate que l'analyse accorde peu de place aux
préoccupations du monde rural dans les formations mentionnées.
Tout comme pour les journaux et la formation en communication
pour le développement, l'analyse de la politique révisée
aurait été davantage pertinente si une référence
aux autres outils de la communication avait été faite permettant
ainsi de mettre en perspective les données recensées lors de
l'état des lieux avec celui effectué en 2000.
2.4.1. Des objectifs
révisés et mieux définis
Cette section de notre analyse met l'accent sur la
redéfinition des objectifs de la PNCDBF présentés dans la
politique révisée. En effet, les objectifs de cette nouvelle
politique de communication pour le développement ont été
révisés. Toutefois, elle reste fidèle à sa mission
initiale à savoir promouvoir la démocratisation et l'atteinte des
objectifs de développement par la participation et la mobilisation des
populations afin qu'elles expriment et partagent leurs expériences, et
afin qu'elles s'engagent ainsi volontairement dans des actions de
développement local et national (Min. com., 2011,p.30).
Nous nous sommes, ici, demandé d'une part dans quelle
mesure cette redéfinition des objectifs cadre-t-elle encore avec les
enjeux considérés ; et d'autre part, dans quelle mesure
l'actualisation des objectifs a-t-elle pris en compte les déficits qui
ont enfreint à l'atteinte des résultats escomptés par la
précédente politique.
Il est important de souligner ici que la politique
révisée maintient explicitement l'objectif principal de la
politique de communication pour le développement comme étant
celle d'accompagner la mise en oeuvre des projets et des programmes ; ce
qui fait qu'elle doit impérativement s'inspirer des stratégies
nationales de développement, mais également être
calquée sur les objectifs internationaux de développement (Min.
com., 2011, p.31). La politique révisée reste également
fidèle à la PNCDBF dans la mesure où elle s'appuie sur
toutes les stratégies sectorielles qui portent sur des
préoccupations nationales, car elle reconnait que la
« communication est transversale » (ibid).
Cependant, un des points positifs de la P.N/COM est qu'elle
affirme plus clairement ses objectifs que la PNCDBF. En effet, tandis que la
PNCDBF présente d'une part, des objectifs généraux comme
étant ceux de renforcer les structures de communication, de se placer
comme support aux stratégies de développement, de favoriser
l'expression des communautés, ainsi que de promouvoir les outils de
communication pour le développement auprès des acteurs du
développement ; et d'autre part, des objectifs sectoriels
thématiques (liés à des domaines fondamentaux du
développement local, tels que l'agriculture). La P.N/COM, quant à
elle, présente précisément quatre objectifs
généraux (stratégiques) qui en fait reprennent et
consolident significativement les objectifs de la PNCDBF, notamment en
assignant à chacun des objectifs spécifiques. Ces derniers sont
pertinents dans la mesure où au lieu d'être des objectifs
sectoriels, elles viennent fermement en appui à chacun des objectifs
stratégiques définis. Ainsi, pour l'objectif stratégique 3
« renforcer l'Accessibilité et l'Acquisition des outils et
moyens de communication par les populations » (Min. com., 2011,
p.35), les objectifs spécifiques suivants sont affectés
« mettre en place un cadre législatif et règlementaire
facilitant l'accès des populations aux moyens d'information et de
communication et favorisant l'acquisition de matériels de
communication ; soutenir l'implantation des médias dans les
communes urbaines et rurales ; renforcer l'appui technique et financier
aux médias publics, associatifs et privés »
(Ibid). La présentation et la définition des objectifs
dans la politique révisée sont, ainsi, à notre sens, plus
claires et plus complètes que celles de la PNCDBF.
Par ailleurs, un des mérites de la politique
révisée à souligner est, sans conteste, sa structure
d'élaboration. En effet, même si elle omet les
références à la PNCDBF dans l'état des lieux, elle
veille à exposer une analyse complète des huit secteurs de la
communication d'une part, et d'autre part de la situation de la communication
pour le développement au Burkina Faso. De plus, la redéfinition
qu'elle fait des objectifs en font des objectifs sans équivoque, et qui
se justifient autant par les principes directeurs que par la mission de la
politique (Min. com., 2011, p.32).Par ailleurs, la P.N/COM est d'autant plus
précise que, contrairement à la PNCDBF, elle définit
clairement les stratégies d'intervention, les mécanismes de mise
en oeuvre, de suivi et d'évaluation, ainsi que les facteurs de risques
à prendre en considération lors de la mise en oeuvre. Une
structure dont la cohérence, il faut le souligner, est de surcroit
calquée sur celles des stratégies et projets de
développement. Ce qui en fait, assurément, une politique dont les
préoccupations confortent les enjeux qui guident les initiatives de
développement, et auxquels une telle politique de communication se doit
de répondre.
Néanmoins, en dépit des améliorations
appréciables contenues dans la P.N/COM, le fait que l'état des
lieux de la situation, ainsi que la définition des objectifs et des
stratégies ne soient pas mis en perspective avec ceux de la PNCDBF
amenuise son crédit en tant que politique révisée.
Conclusion de l'étude de cas
L'étude de la politique nationale de communication pour
le développement du Burkina Faso a permis d'évaluer dans quelle
mesure ce pays de l'Afrique de l'Ouest a su avec une telle stratégie
mettre en place un mécanisme de participation et d'appui aux efforts de
développement par la mobilisation de partenaires locaux et nationaux
stratégiques.
Cette étude de cas, au-delà d'avoir permis
d'étudier plus en profondeur les enjeux et les principes qui guident une
PNCD, a davantage été une occasion de révéler dans
quelle mesure le gouvernement burkinabé a, à travers cette
stratégie de communication, répondu à deux facteurs
majeurs des questions de développement. Il s'agit, d'une part, de faire
de l'accès aux outils de communication et d'information un enjeu
primordial pour les communautés locales et leurs partenaires au
développement, et d'autre part de répondre à la
nécessité de « déployer des efforts pour que les
préoccupations des communautés rurales et celles des acteurs du
développement soient prises en compte dans la production et la diffusion
des informations » (FAO & Min. Com., 2001b, p.50). Des
engagements auxquels la révision de la PNCDBF a également
répondu.
De plus, l'analyse de la PNCDBF a donné l'occasion de
saisir les stratégies nationales de communication pour le
développement dans toutes leurs dimensions. Elle a
particulièrement permis de démontrer dans quelle mesure la mise
en place de stratégies globales est primordiale au niveau national afin
de garantir une mobilisation soutenue des populations autour des objectifs de
développement et d'établir un climat de dialogue dynamique entre
acteurs locaux et partenaires au développement. D'ailleurs, la
prospective `Burkina 2025' indique clairement que pour « exister
demain, le Burkina Faso devra [...] poursuivre la politique de renforcement
[...] de la participation des communautés aux choix et à
l'exécution des actions de développement » (Min.
éco et dév, 200522(*), p.21).
Conclusion
générale
À travers la lecture analytique d'une cinquantaine
d'ouvrages, de guides et de manuels, cet essai établit dans quelle
mesure les principes de la communication participative sont aujourd'hui devenus
des questions primordiales dans la définition des enjeux du
développement. De plus, l'étude de la politique nationale de
communication pour le développement du Burkina Faso illustre comment
l'État, de par ses prérogatives, peut faire des
communautés des acteurs de leurs propres développements, en
renforçant leurs capacités, particulièrement
communicationnelles. Car, comme il a été indiqué
ci-dessus, les outils de communication sont des structures fondamentales de la
participation, et sont donc des facteurs d'autonomisation significatifs. C'est
ainsi que l'étude de la PNCDBF révèle dans quelle mesure
les gouvernements recourent à ces structures comme des outils de
développement. Par conséquent, les documents stratégiques
de réduction de la pauvreté intègrent de plus en plus des
principes de l'approche participative. Cet intérêt des
gouvernements pour les stratégies de développement participatives
est d'autant plus légitime que les enjeux communicationnels sont
considérés comme étant l'une des plus grandes contraintes
à laquelle sont aujourd'hui soumises les initiatives de
développement.
Enfin, il convient de souligner, ici, que de telles
initiatives gouvernementales d'appui à la communication participative se
justifient d'abord par la nécessité de stimuler des changements
au niveau des communautés ciblées par les projets de
développement ; et qu'en outre, la mise en place de ressources
techniques et financières appropriées est une
nécessité. En ce sens, pour aller plus loin dans la
démarche de cet essai, il serait intéressant d'envisager une
analyse approfondie des documents stratégiques nationaux de
développement (tel que la SCADD ou l'UNDAF) et d'évaluer dans
quel sens le programme national de communication pour le développement
(dans ce cas d'étude celui du Burkina Faso) concrétise les
stratégies définies dans la PNCD. D'une part, puisque la PNCD
vient en appui aux grandes orientations socio-économiques et
politico-culturelles des gouvernements ; une analyse de ces orientations
permettrait alors d'évaluer dans quelle mesure celles-ci portent en
elles les principes de la communication pour le développement. Et,
d'autre part, car s'il faut une responsabilisation des communautés
locales dans la définition de la PNCD, il est d'autant plus
nécessaire de s'assurer que ces communautés demeurent
responsabilisées dans sa mise en oeuvre au niveau national et local, car
il s'agit là de l'assurance d'une appropriation des initiatives et donc
de pérennité des résultats acquis.
Bibliographie
Ouvrages théoriques
Bessette, Guy &Rajasunderam, C. V. 1996. La
communication participative pour le développement : un agenda
ouest-africain.Ottawa : Centre de recherches pour le
développement international. 162p.
Berrigan France. 1981. Les médias communautaires et le
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Tionon Justin K. 2004. Audit de la Radio communautaire au
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* 1The Communication Initiative.
* 2Nous avons eu des contacts
par courriel peu concluants avec la FAO et le ministère de la
Communication du Burkina Faso, et plusieurs échanges avec le
chargé de communication et des affaires externes de la Banque mondiale
au bureau de la Côte d'Ivoire (également en charge du Burkina
Faso) qui nous ont davantage éclairées.
* 3 Jean Paul Sartre
« La notion classique de progrès [...] suppose une
ascension qui rapproche indéfiniment d'un terme
idéal ». (Le Petit Robert de la langue française :
en ligne)
* 4 Plan américain
d'aide à la reconstruction de l'Europe suite à la Seconde Guerre
mondiale. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après que
l'Europe ait été reconstruite avec succès grâce au
Plan Marshall, on a pensé que les méthodes qui ont aidé
à la reconstruction de l'Europe seraient bénéfiques au
développement des pays nouvellement indépendants.
* 5Ceux liés à la
communication orale : chants, théâtres locaux, spectacles,
etc.
* 6 La Déclaration de
Paris (2005) et le Plan d'action d'Accra (2008) sont des documents-cadres qui
promeuvent une amélioration de l'aide au développement
grâce à la définition de stratégies qui encouragent
l'appropriation et l'harmonisation de l'aide ainsi qu'un renforcement des
capacités des partenaires. Le Plan d'Action d'Accra vient en fait en
appui à la déclaration de Paris, en proposant des mesures qui
accélèrent l'atteinte la réalisation des objectifs de la
déclaration.
* 7 OCDE : l'Organisation
de Coopération et de Développement Économiques.
* 8 DSRP : Document
Stratégique de Réduction de la Pauvreté.
* 9 UNDAF (ou PCAD) :
United Nations Development Assistance Framework (ouPlan Cadre des Nations Unies
pour le Développement).
* 10 Résolution 51/172
de l'Assemblé générale de l'ONU, article 6. 1997.
* 11PNUD : le Programme
des Nations unies pour le Développement.
* 1250 radios
autorisées, ainsi réparties : 19 radios communautaires, 11
radios publiques (dont 6 rurales) et 20 radios commerciales.
* 13 Les autres pays
étant le Mali (1993), la Guinée Bissau (1995), la Centrafrique
(1999), le Cap-Vert (1999) et le Niger (2001).
* 14Il s'agit d'un atelier
régional, organisé par la FAO, qui a réuni des pays
d'Afrique de l'Ouest ayant déjà une PNCD ainsi que ceux qui
prévoient d'en définir. Il s'est déroulé à
Niamey (Niger) et a porté sur les méthodologies
d'élaboration et de mise en oeuvre des stratégies sectorielles de
communication multimédia et des politiques nationales de communication
pour le développement.
* 15 FAO &
Ministère de la Communication. 2001b. Le document de la communication
pour le développement au Burkina Faso - Tome 2. Rome. FAO. 107p.
[En ligne].
http://www.information.gov.bf/files/pncd2.pdf
* 16 FAO &
Ministère de la Communication. 2001a. La situation de la communication
pour le développement au Burkina Faso -- Tome 1. Rome. FAO. 111p.
[En ligne].
http://www.information.gov.bf/files/pncd1.pdf.
* 17Ministère de
l'Économie du Burkina Faso. 2011. Stratégie de croissance
accélérée et développement durable
SCADD 2011-2015. 116p
* 18 Le CSLP est le
qualificatif donné, au Burkina Faso, au Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté (DSRP). Mis en place en 2000, il a
été révisé en 2004, en vue de la réalisation
des OMD 2015. Il a finalement été remplacé par le
document de la SCADD (Stratégie de Croissance
Accélérée et de Développement Durable) pour la
période 2011-2015.
* 19The Communication
Initiative.
* 20Burkina 2025 est
une étude prospective qui a pour objectif de « dégager
les tendances d'évolution de la société burkinabé,
[de définir le profil souhaité en 2025], d'en déterminer
les différents germes de changement et d'élaborer des
scénarios alternatifs devant servir de base à la formulation des
politiques et stratégies à moyen terme »
(Burkina 2025, p.3)
* 21 Ministère de la
Communication. 2011. Politique nationale de communication (P.N/COM). 43p. [En
ligne].
http://www.information.gov.bf/files/PN-COM_du_05-09-_2011_Der-H_O.pdf.
* 22Ministère de
l'Économie et du Développement du Burkina Faso. 2005.
Étude nationale prospective "Burkina 2025". Rapport
général. 107p
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