Abstract
The impact of two earthworms species with contrasting impact
on soil functioning, Millsonia omodeoi (compacting) and
Hyperiodrilus africanus (decompacting), on maize (Zea mays)
growth and production were investigated in field conditions in the Centre-West
region of Ivory Coast (Goulikao, Oumé). The treatments included: (i)
maize + M. omodeoi (M+Mo), (ii) maize + H. africanus (M+Ha),
(iii) maize + M. omodeoi+ H. africanus (M+Mo+Ha), (iv) maize
+ urea + super phosphate triple (M+U+SPP), and (v) the control (M). A total of
90 g of worms were inoculated per meter square at tree times: 25 g at 15 and 30
days after planting and 40 g, 45 days after planting. The perception of farmers
about the effect of earthworms on soil fertility and crop yields was assessed
through a survey of 95 farmers from the study site. Results maize production
and water use efficiency was increased in inorganic fertilizer and worm-based
treatments. Grain yields were enhanced by 21.5%, 21.2%, 19.4% and 13.9% in
M+Mo, M+Mo+Ha, M+U+SPP and M+Ha treatments, respectively. The inoculation of
earthworms along with the application of inorganic fertilizer have
significantly enhanced cobs production and improve the water use efficiency of
maize crops, which is likely due to the association of the two earthworm
species. A survey undertaken among farmers in the study site showed that 49.3%
farmers believed that earthworms positively influence soil fertility whereas
23% think the contrary. Regarding agricultural outputs, 57% of farmers think
that earthworms increased crops yields contrarily to 31% of the farmers. As a
result, 80% of farmers are willing to use earthworms for improving agricultural
production. However, the economic cost of such technology is likely to be a
bottleneck.
VI
Keywords: earthworms, functional groups, sustainable agriculture,
maize crop
1
INTRODUCTION
L'agriculture itinérante sur brûlis, la
principale pratique agricole dans les régions tropicales,
génère de faibles rendements à l'hectare. Elle favorise
une perte importante d'éléments nutritifs et par
conséquent, n'est pas considérée comme une pratique
agricole durable (Brown et al., 1994). L'agriculture intensive est
caractérisée par la pratique de la monoculture
(variétés améliorées), l'utilisation de pesticides
et d'engins lourds. Ce type d'agriculture a contribué à faire
reculer la famine dans le monde, mais elle est également
considérée comme une forme de pratique agricole non durable
(relativement instable selon les principes écologiques). Elle est
à l'origine d'une grande perte de nutriments susceptibles de polluer les
eaux, une pullulation de mauvaises herbes et une invasion de maladies et de
pestes des plantes (Tilman, 1999).
Dans un contexte d'agriculture durable, le maintien de la
fertilité du sol et partant l'amélioration de la production
agricole par la manipulation des organismes dits ingénieurs du sol
constitue une voie à explorer (Lavelle et al., 1989; Lavelle et
al., 1997). Les vers de terre agissent sur la production
végétale qu'ils améliorent par l'intermédiaire de
cinq processus (Scheu, 2003; Brown et al., 2004): (i) l'augmentation
de la vitesse de minéralisation de la matière organique rendant
ainsi les nutriments disponibles à la plante, (ii) le contrôle des
parasites et les pestes des plantes, (iii) la modification de la structure du
sol, (iv) la stimulation des activités des symbiontes, et (v) la
production de substances (hormones) de croissance de la plante par la
stimulation des activités microbiologiques. Ces organismes peuvent, de
ce fait, être considérés comme une ressource naturelle
à intérêt agronomique pouvant être utilisés
pour accroître la production agricole de manière durable (Lee,
1985; Lavelle et al., 1998).
L'impact des vers de terre sur la production
végétale a été largement étudiés en
mésocosmes (pots soumis aux conditions naturelles) et en microcosme
(laboratoire) (Derouard et al.1997 ; Scheu et al., 1999 ;
Wurst & Jones, 2003 ; Kreuzer et al., 2004 ; Blouin et al.,
2006 ; Laossi et al., 2009; 2010). Dans ces expériences
où les variables environnementales (température, humidité
du sol et la disponibilité des ressources) sont plus ou moins
contrôlées et où la densité de vers de terre
ajoutés ne reflète pas la réalité, leurs
activités sont parfois exagérées (Eriksen-Hamel &
Whalen, 2007). Souvent, lorsqu'ils sont réalisés en conditions
naturelles, les organismes préexistants sont supprimés
préalablement (Gilot et al. 1996 ; Pashanasi et al.
1996 ; Gilot, 1994; 1997 ; Ouédraogo et al., 2006 ;
Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). Ceci ne traduit pas non plus la
réalité car des interactions existent entres les
différents organismes du
2
sol et même entre espèces de vers de terre
(compactants et décompactants). Aussi, les travaux de recherche dont les
résultats sont destinés au monde paysan ont le plus souvent
été conduits sans la participation de ces paysans. Par ailleurs,
la manipulation des vers de terre en milieux paysans (plantations de
thé) a abouti à la mise au point d'une technologie appelée
Fertilisation Bio-Organique dans les Plantations Arborées (FBO)
(Senapati et al. 1999 ; 2002). La FBO initialement
expérimentée pendant 3 ans en Inde a permis d'accroître
jusqu'à 240% la production de thé, une rentabilité des
exploitations augmenter jusqu'à 260% et amélioration des
propriétés physico-chimiques et biologiques du sol (Senapati
et al. 1999). Cette technologie dont les détails de son
application n'ont pas été publiés par les auteurs est
protégée par un brevet (ref. PCT/FR 97/01363) (Senapati et
al. 2002 ; Dash et al. 2009). La FBO a cependant
été transférée dans d'autres pays du monde tels que
la Chine et l'Australie. En Côte d'Ivoire, des travaux sur l'impact des
vers de terre sur la production agricole se sont tous déroulés
dans les environs de la réserve de Lamto et concernent
généralement l'espèce M. omodeoi (Gilot et
al., 1996; Gilot, 1997; Derouard et al., 1997; Blouin et
al., 2006). Malgré le succès relatif de ces études,
aucune initiative visant à promouvoir l'utilisation de ces organismes
comme bio-fertilisant n'a été initié.
La présente étude est réalisée
dans la phase finale du projet « Conservation and Sustainable Management
of Below-Ground BioDiversity » (CSM BGBD) dont l'un des objectifs est de
valoriser les services écosystémiques des organismes du sol.
L'objectif particulier de cette étude est d'utiliser les vers de terre
comme bio-fertilisants pour améliorer la production agricole (culture de
maïs), en collaboration avec les paysans. Elle consistera à tester
l'hypothèse selon laquelle l'inoculation simultanée de vers de
terre à rôles fonctionnels contrastés (compactants contre
décompactants) favorise une augmentation de la production agricole.
I. 3
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Ecologie des vers de terre utilisés
1.1. Millsonia omodeoi
Millsonia omodeoi appartient à la famille des
Acanthodrilidae. C'est une espèce non pigmentée de couleur rose
avec un clitellum orange (Annexe 1C). A l'âge adulte, les individus de
cette espèce mesurent 15 à 20 cm de long et pèsent en
moyenne (poids frais) 5 à 6 g (Lavelle, 1978). Bien qu'étant
hermaphrodite, leur reproduction est croisée comme tous les vers de
terre (Lavelle, 1978). L'espérance de vie des juvéniles à
la naissance est de 6 mois. Mais ils peuvent vivre plus de 20 mois. En
années normalement humides, la maturité sexuelle est atteinte
vers 10 mois. La fécondité moyenne est de 6 cocons par adulte et
par an; ceux-ci éclosent 21 jours en moyenne après la ponte et le
taux d'éclosion est proche de 100% (Lavelle, 1978).
Les vers de cette espèce vivent dans les vingt premiers
centimètres du sol et se nourrissent de terre moyennement riche en
matière organique provenant de l'horizon superficielle (0 à 20
cm), d'où leur appartenance au groupe des endogées
mésohumiques (Lavelle, 1981).
Les vers juvéniles peuvent ingérer 20 à
30 fois leur poids frais de terre par jour et produisent de gros turricules
compacts (diamètre > 2 mm), formés d'unités arrondies
et coalescentes qui contribuent à la compaction du sol, d'où leur
appellation de "vers compactant" (Blanchart et al., 1997).
Il faut également mentionner que cette espèce a
fait l'objet de plusieurs études en milieux contrôlés comme
semi contrôlés (Gilot et al.1996 ; Gilot et al
1997 ; Derouard et al.1997 ; Blouin et al.2006).
|