2. Impact de l'inoculation des populations de M. omodeoi et
H. africanus sur les communautés de vers de terre
A la fin des travaux, les biomasses des deux espèces
introduites, seule ou associées, ont drastiquement baissé. Le
même constat a été fait dans plusieurs études du
même genre (Gilot et al., 1996; Gilot, 1997 ; Subler et
al., 1997; Boyer et al.,1999; Muys et al., 2003; Chan
et al., 2004; Eriksen-Hamel & Whalen, 2007). La conservation des
vers dans du formol avant d'être pesés réduit de 25%
environ le poids de ces organismes (Senapati, 1980). Les mesures n'étant
pas corrigées, cela a dû causer, à un certain degré,
cette réduction de la biomasse des espèces introduites. En outre,
les vers ont été échantillonnés au début de
la saison sèche (mi-décembre), une période
défavorables au cours de laquelle certains vers vont en profondeur ou
entrent en quiescence et d'autres meurent. Par ailleurs, à part les
débris organiques laissés sur place après le
défrichage des parcelles, il n'y a pas eu d'apport de résidus
organiques utilisés comme sources de nourriture pour les vers de
terre.
Comparativement au témoin, l'augmentation de la
diversité du peuplement des vers de terre dans les trois traitements
à base de vers de terre pourrait s'expliquer par l'amélioration
du micro-environnement des parcelles. En effet, ces organismes ont la
capacité de créer des habitats et de réguler directement
ou indirectement les ressources pour d'autres organismes qui sont ici d'autres
espèces de vers, d'où le nom d'ingénieurs
d'écosystèmes (Jones et al., 1994, Lavelle et
al., 1997). Par contre, une réduction de la diversité et la
densité des vers a été observée au niveau du
traitement à base d'engrais chimiques. En effet, la conséquence
de l'application des engrais azotés est l'acidification du sol,
condition néfaste aux organismes du
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sol (Bünemann et al., 2006). Au niveau des vers
de terre, l'acidification du sol est susceptible d'entraîner une baisse
de leur densité et de leur diversité (Edwards & Bohlen,
1996).
3. Perceptions des paysans par rapport aux effets des vers
de terre sur la fertilité du sol et la production agricole
Plus de la moitié des paysans considèrent les
vers de terre ou d'autres groupes d'organismes du sol comme indicateurs de la
qualité des sols. Par exemple, pour les Gban, la présence
abondante de turricules dans un milieu est synonyme de sols pauvres en raison
de l'effet compactant de certaines espèces dans les plantations de cacao
(Tondoh, non publié) . Au Cameroun, les paysans utilisent aussi ces
organismes comme un indicateurs de la qualité du sol (Birang et
al., 2003).
Il y a une divergence des avis sur l'effet des vers de terre
sur la fertilité du sol. Ces invertébrés, pour certains,
augmentent la fertilité du sol à travers l'amélioration de
la porosité du sol, la production de turricules qui enrichiraient le sol
lorsqu'ils s'érodent ou se fragmentent sous l'action de la pluie. La
conséquence de tout ceci serait que là où
l'activité de vers de terre est intense, le rendement des cultures
(maïs, riz, banane, etc.) est élevé. Pour d'autres, le taux
élevé de gros turricules à la surface du sol engendre une
compaction de ce dernier, réduisant ainsi sa fertilité, et
partant une réduction des rendements. Cette dernière observation
est conforme aux résultats que nous avons obtenus sur les parcelles
expérimentales et dans la littérature. Cet avis des paysans de
Goulikao est en contradiction avec ceux du Cameroun qui pensent que le niveau
élevé de turricules à la surface du sol est associé
à une augmentation du rendement des cultures (Birang et al.,
2003).
Moins de la moitié des paysans pensent que les vers
exercent des effets néfastes sur la fertilité du sol et la
production agricole. Il y a donc une évolution de la perception des
paysans de Goulikao des effets de ces organismes sur la fertilité et la
production agricole par rapport aux paysans du Cameroun où plus de 70%
des paysans les considèrent comme des pestes des plantes (Birang et
al., 2003). Le fait d'associer les paysans aux travaux sur l'introduction
des vers de terre en milieux paysans a été très
apprécié des paysans au point où tous les paysans qui ont
été associés aux travaux sur l'inoculation des vers de
terre au champ et plus de 80% des autres paysans sont d'accord pour
s'approprier cette technique agricole. Toutefois, la récolte ou la
production de la quantité nécessaire de vers de terre
représente une contrainte majeure à la promotion de cette
technologie.
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