INTRODUCTION GENERALE
Les activités humaines (transports, industries,
agriculture) exercent des pressions de tous genres sur l'environnement, causant
ainsi l'augmentation très rapide de la concentration des gaz à
effet de serre dans l'atmosphère et autres types de nuisances. L'une des
conséquences principales est le changement climatique qui affecte la
planète entière. Il en découle des sécheresses
récurrentes, des canicules, la montée du niveau de la mer, des
inondations, les raz de marée, etc.
Face à ces multiples catastrophes naturelles qui
menacent les sociétés humaines et les écosystèmes,
de nombreux spécialistes du domaine ont attiré l'attention de la
communauté internationale. A cet effet, plusieurs rencontres
internationales ont été organisées et ont abouti à
la signature du protocole de Kyoto (Japon) en décembre 1997. Ce
protocole, entré en vigueur le 16 février 2005, engage
juridiquement les 38 pays industrialisés signataires à
réduire de 5,2% leurs émissions de gaz à effet de
serre.
L'Afrique, bien que produisant peu de gaz à effet de
serre (environ 2% des émissions globales, UICN, 2002) est l'un des
continents les plus exposés au changement climatique. En effet, dans la
plupart des pays africains, la majorité des personnes dépendent
directement des ressources naturelles. Les populations sont alors
particulièrement vulnérables aux aléas climatiques.
Les effets du changement climatique, selon les
prévisions des experts, se traduiront par l'extension des zones arides
et une variabilité accrue des précipitations. Leurs
manifestations sont déjà perceptibles en Afrique
sahélienne. En effet, les conditions climatiques de cette partie de
l'Afrique ont connu des variations chroniques et de grande ampleur surtout
depuis le début des années 1970. Ces variations ont
entraîné entre autres :
- la baisse de la pluviométrie moyenne de 15 à
30% environ selon les pays et le glissement des isohyètes d'environ 200
km vers le sud (Lebel et al, 1999) ;
- des crues dévastatrices des barrages de Kainji, de
Jebba et de Shirro au Nigeria en septembre 1999 qui ont occasionné la
destruction de 60 villages, la mort de dizaines de personnes et ont fait
près de 80 000 personnes sans abris, détruit 100 000 hectares de
champs de riz, de mil et de blé. (Lebel et al) ;
- en janvier 2002, des pluies diluviennes accompagnées
d'une vague de froid hors saison se sont abattues sur le nord du
Sénégal et le sud de la Mauritanie, causant la perte de plus
de
5 000 bovins et 500 000 petits ruminants, plus de 20 000
habitations détruites et plus de 30 morts dans l'immédiat sans
compter les cas de suicide survenus ultérieurement (ONU, 2002).
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- des sécheresses et leur récurrence sont
devenues la norme. Celles des années 1973 et 1983 ont ému le
monde entier et ont été à l'origine de famines, de morts
de plusieurs personnes, d'animaux et ont entrainé le déplacement
des milliers de gens, etc.
Face à cette situation, de nombreuses initiatives ont
été menées au plan régional et ont abouti à
la création de nombreux organismes sous régionaux dont le plus
important est le Comité Permanent Inter-Etats de lutte contre la
Sécheresse dans le Sahel (CILSS). Créé en 1973, le CILSS
regroupe neuf pays : Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie, Mali,
Niger, Tchad, Sénégal, Burkina Faso (UICN, 2004) et vise
l'autosuffisance alimentaire, une meilleure gestion des ressources naturelles
et la réduction de la pauvreté. Le CILSS a son siège
à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, pays dont la partie nord est
plus exposée aux effets du changement climatique.
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I -LA PROBLEMATIQUE
Le Burkina Faso fait parti des pays sahéliens les plus
vulnérables au changement climatique. Les conséquences
désastreuses enregistrées ces trente dernières
années en sont des illustrations. Ainsi selon Grouziz M. (1986), il y a
eu déplacement vers le sud des isohyètes 500 et 900 mm au cours
des années 1970-1984, ce qui a entraîné en 1984 un
déficit pluviométrique dans tout le pays. Ces déficits
sont à l'origine des mauvaises performances agricoles et
entraînent souvent des sécheresses avec leur corollaire de famines
(1974, 1984, etc.). Le changement climatique au Burkina Faso est aussi à
l'origine de la dégradation des ressources naturelles et selon Ouedraogo
B. Lédéa (1998), « le Yatenga est passé d'un climat
soudano-sahélien (dominance soudanienne) à un climat
sahélien ». Au Burkina Faso, la péjoration climatique pousse
souvent certaines populations du nord du pays à emprunter le chemin de
l'émigration à destination de pays voisins notamment la
Côte d'ivoire. Ces migrations sont souvent définitives ; c'est le
cas de certains Peuhl du Djelgodji partis se réfugier en Côte
d'Ivoire suite aux sécheresses de 1974 (Gonin. P., 2002). Les
inondations sont également d'actualité au Burkina; les plus
récentes sont celles de juin 2008 qui ont occasionné la
destruction d'infrastructures routières et fait de centaine de personnes
sans abris. Au plan local, le Burkina à l'instar des autres pays
sahéliens a opté pour des mesures d'adaptation. Ainsi plusieurs
départements ministériels ont été impliqués
dans la prévention et la quête de solutions aux problèmes
engendrés par le changement climatique. Cela a amené les
autorités à engager les « trois luttes »: les feux de
brousse, la coupe abusive du bois et la divagation des animaux. Les
départements ministériels à travers les projets et
programmes soutiennent les populations à la base.
En plus de ces soutiens de l'Etat, les paysans
sahéliens élaborent des systèmes de gestion de leur
espace. Ils développent donc des stratégies d'adaptation. Selon
BOSCO.P.M. et al. (1977) on a deux grandes catégories de
stratégies : les stratégies défensives et les
stratégies offensives.
C'est pour mieux connaître les impacts du changement
climatique et les stratégies que développent les populations pour
y faire face que nous avons initié cette étude sur les
stratégies d'adaptation au changement climatique des populations
sahéliennes, en nous appuyant sur le cas du village de Belgou, dans la
province du Séno.
Des études ont été menées au Sahel
sur le phénomène du changement climatique. Afin de mieux cerner
et bien orienter notre étude, nous nous sommes intéressés
à quelques
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documents d'intérêt. Ainsi Howar D. (1980) a
retracé l'évolution du climat mondial et a présenté
les techniques dont disposent les spécialistes pour la reconstituer. La
vulnérabilité de la société moderne aux variations
du climat et celle du climat à l'action de cette société
ont été également abordés par l'auteur.
Le CILLS (1992) présente les différentes
stratégies fondamentales de la lutte contre la sécheresse
adoptée par ses Etats membres. De même, il fait un rappel des
orientations retenues à Ségou et des différentes
recommandations en matière de politique de population, de production
céréalière et des espaces régionaux. L'exploitation
de ce document a permis de comprendre les stratégies
élaborées par les spécialistes face au changement
climatique
Pour Phil Bradley (1997) « Chaque système social,
selon les traits qui le caractérisent rencontre des problèmes qui
lui sont propres et leur trouve des solutions originales ». Les paysans de
Belgou, en dépit de nombreux problèmes liés au changement
climatique qu'ils rencontrent depuis plusieurs décennies,
développent des stratégies d'adaptation à leur milieu. Il
serait donc intéressant de chercher à comprendre ces
stratégies locales.
Grandi J. C. (1998) a fourni des informations sur les
différents changements intervenus dans les systèmes de production
agricole durant les deux dernières décennies en Afrique de
l'ouest. Il a fait cas des causes du changement climatique et a proposé
des solutions pour une meilleure gestion des ressources naturelles au Sahel.
Bolwig S. (1998) fait ressortir les dynamiques d'usage de la
terre et la productivité de la main-d'oeuvre à Belgou, notre site
d'étude. L'auteur examine comment, au niveau des ménages et du
village, les changements dans les conditions de ressources naturelles, des
pratiques agricoles et des modèles d'usage de la terre ont
affecté la terre et la productivité de la main-d'oeuvre. Il passe
en revue l'organisation sociale du village, les contraintes édaphiques
et environnementales auxquelles les populations de Belgou sont
confrontées.
Sedogo P. M., et al., (1999) dans leur étude traitent
de la contribution des femmes dans le développement économique et
social au Sahel. Ils se sont également intéressés aux
organisations féminines menant des activités non directement
liées aux ressources naturelles mais dont les retombées
concourent à une meilleure gestion des ressources naturelles.
Lompo O. (2003) a mené une étude dans trois
terroirs sahéliens du Burkina : Oursi, Mani et Katchari. L'étude
fait ressortir les stratégies et les techniques traditionnelles de
récupération des terres dégradées. L'auteur conclut
que les méthodes traditionnelles malgré leur efficacité ne
sont pas durables.
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Niasse M., Afouda A., Amani A. (2004) avant d'aborder la
question des stratégies régionales de préparation et
d'adaptation, font un tour d'horizon des caractéristiques
environnementales de l'Afrique de l'ouest. Ils relatent les changements
climatiques intervenus dans le passé et en cours. De même, ils
évoquent les conséquences que pourrait engendrer le changement
climatique actuel. De ce constat, ils concluent que la région ouest
africaine est la plus vulnérable à la variabilité et au
changement climatique. C'est ce qui justifie d'ailleurs la
nécessité de l'élaboration de la stratégie
régionale. De ce fait, ils définissent quatre objectifs
stratégiques qui serviront de pilier à la mise en place de la
stratégie régionale. Ce sont :
-l'amélioration et le partage des bases de connaissance
et d'information scientifiques d'aide à la prise de décision ;
-la promotion des principes de la gestion
intégrée des ressources en eau (GIRE) et l'approche
écosystème dans la gestion des ressources en eau et des zones
humides continentales et côtières ;
-l'identification, la promotion et la diffusion des
technologies, techniques et mesures appropriées d'adaptation ;
- la mise en place d'un cadre de concertation au niveau
régional.
Tous ces ouvrages abordent le changement climatique sur de grands
ensembles
géographiques (continents, sous-régions ou
pays). Cependant pour ce qui est des études sur une petite entité
géographique, les études antérieures n'ont fait que
l'état des lieux, c'est le cas du village de Belgou. Notre étude,
se veut alors une contribution à la connaissance des
réalités en matière de stratégies locales
développées par les populations pour faire face au changement
climatique. Cette thématique suscite beaucoup d'interrogations :
- Comment les paysans sahéliens perçoivent-ils le
changement climatique ?
- Quelles sont, selon eux, les causes et les
conséquences du changement climatique sur leurs activités
agricoles et pastorales ?
- Quelles sont les techniques développées pour
faire face aux aléas climatiques ?
I-1 Les objectifs de l'étude
L'objectif principal de cette étude est
d'appréhender les stratégies locales développées
par les populations de Belgou pour faire face au changement climatique. De
manière spécifique, l'étude contribuera à :
- décrire la perception et les causes du changement
climatique selon les paysans ;
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- identifier les conséquences du changement climatique sur
les activités agricoles et pastorales ;
- répertorier les techniques culturales et pastorales
développées par les habitants de Belgou pour faire face aux
contraintes du changement climatique.
De ces objectifs, les hypothèses suivantes ont
été émises :
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