3.2 Echange avec Nathalie Brunelle - Total
Question 1 : Présentez-vous en quelques mots
(étude, parcours professionnel...)
Diplômée de l'Ecole Polytechnique et de l'IFP
School (formation complémentaire «Advanced Technology in
Petrochemicals, Polymers & Plastics» en association avec Mc Gill
University, Canada).
Elle a débuté sa carrière chez Elf
Atochem à Villers-St-Paul en tant qu'ingénieur
procédé avant d'exercer des responsabilités
opérationnelles sur le site pétrochimique de Gonfreville. Suite
aux fusions entre Total, Fina et Elf, elle part travailler en Belgique au sein
de la Division Chimie de Base où elle occupe des fonctions en Business
Development puis dans le département commercial. Entre 2006 et 2008,
elle est responsable des opérations de Fina Antwerp Olefins, une
coentreprise entre Total & Exxon Mobil basée à Anvers. En
2009, elle prend la tête du département Plan et Stratégie
de Total Petrochemicals. En 2010, elle devient Directeur Commercial pour la
Chimie de Base. Le 1er janvier 2012, elle a été nommée
Directeur Stratégie, Développement et Recherche de la branche
Raffinage Chimie. Elle a été administratrice de Futerro
(développement d'une technologie de bio polymère PLA), de CEPSA
(Espagne) et de Rosier (Fertilisants) avant de représenter Total au CdA
de ses filiales
Question 2 : Depuis quelle date siégez-vous au Conseil
d'administration d'Hutchinson?
J'ai pris mes fonctions en 2012, à la suite de la
réorganisation des branches qui a eu lieu en 2012 chez Total
(évoqué ci-dessus.)
Question 3 : Quels sont les choix qui ont motivé votre
candidature au CdA ?
Mes choix ne sont pas propres, ils ont été
imposés de par ma fonction (ndlr stratégie, développement
et recherche). Dans le cadre de la gouvernance d'Hutchinson France, un certain
nombre de membre issus de Total SA, actionnaire unique doit être
présent au sein du CdA. A ce titre on a regardé chez Total SA qui
avait la légitimité pour suivre de plus près
Hutchinson.
Question 4: Avez-vous perçut des réticences en
raison de votre genre à votre nomination ?
Absolument pas, pas du tout ! C'est vrai qu'il y a une
attention particulière dans le choix des personnes à ce que les
quotas soient respectés, précédemment j'ai
été administratrice d'une société cotée
Rozier en Belgique, encore avant j'étais administratrice de CEPSA,
compagnie de pétrole en Espagne. C'est vrai qu'il y a une attention, et
le fait que je sois une femme me
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permets en effet d'atteindre les quotas mais je ne suis pas
choisis parce que je suis une femme, je suis choisie parce que je suis dans la
fonction
Question 5. Les attentes sont-elles plus importante envers
vous ?
Je n'ai jamais ressenti cet aspect sur ma personne.
Question 6. Que pensez-vous apporté de plus que vos
collègues ?
Je ne saurais pas vous dire...J'apporte mes compétences et
mon expertise
Question 7. Quelles sont, selon vous les qualités
nécessaires pour être une femme administrateur ?
Bien comprendre les enjeux de l'entreprise, être en
capacité de comprendre ce qui disposé au conseil
d'administration, c'est-à-dire avoir quand même un semblant de
connaissances sur le domaine de la société, on ne peut pas
être complétement étranger au domaine de la
société, même si l'on ne peut pas avoir une complète
maitrise technique. On ne peut pas comprendre tout ce qui se passe mais il faut
être capable de comprendre ! Des bases de gouvernance et de finance pour
comprendre les enjeux de ce qui se joue dans un conseil d'administration et
pouvoir jouer son rôle par rapport aux données financières
et aux décisions qui sont amenées sur la table.
Dans un second temps, il faut aussi avoir envie de
créer un peu de liant avec les autres personnes qui sont autour de la
table du conseil d'administration pour comprendre les enjeux de chacun et
pouvoir appréhender, avant que la réunion ne démarre,
quels vont être les sujets qui vont faire l'objet de discussion et
pourquoi.
En sachant que dans un conseil d'administration comme
Hutchinson, il y a peu de débat, on parle ici d'un conseil
d'administration d'une entité juridique, sachant que la gouvernance de
l'entreprise, même si elle respecte bien évidemment toute les
entités juridique, il y a également une gouvernance de par le
fait qu'Hutchinson fait des business review pour présenter ses
résultats, son plan, son budget auprès de la branche Raffinage
chimie de Total. Donc une grosse partie des sujets sont déjà
regardé dans ces instances de gouvernances, qui sont en plus des
structures de gouvernances de l'entité juridique.
Question 8. Comment expliquez-vous que si peu de femmes
soient administrateurs ? Peur de l'engagement ou clivage sociétale
?
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Aujourd'hui, je dirai que le plus gros frein c'est que souvent
dans un parcours de carrière, on devient administrateur après ou
en même temps sur un poste de direction et que, clairement c'est le
manque de femmes dans ces étages de direction qui créé le
fait que, spontanément, quand il va falloir aller chercher des
administrateurs, on va .... Aujourd'hui on cherche plus de femmes
administrateurs qu'il n'en existe dans le vivier historique, qui est le vivier
de comité de direction, des postes de direction des
sociétés. Pour moi le plus gros frein est là, parce que
c'est en effet le vivier historique, et donc du coup on va chercher dans
d'autres viviers, ce qui n'est pas inintéressant, je ne dis pas que
c'est bien ou mal, je ne porte pas de jugement. C'est un fait que pour
respecter les quotas dans les conseils d'administration et qu'il n'y a pas le
vivier habituelle, on va chercher dans d'autres espace de la
société, qui apporte des profils un peu différents.
Certaines femmes qui font cela bien sont
sur-sollicitées, ce qui a terme n'est pas forcément positif.
Question 9 : Quels sont les pistes à explorer pour
faire inverser la situation ?
Je crois que la féminisation des conseils
d'administration va réussir grâce au quota, effectivement
derrière cela permet d'accélérer les choses, de varier les
profils, ce qui en somme très intéressant. Il faut effectivement
que ce mouvement se poursuive dans les autres niveaux de gouvernance des
entreprise, le conseil d'administration n'est pas le seul organe de
gouvernance, les COMEX le sont aussi. Les COMEX reste pour le moment
très masculin, et donc la vraie question est : est-ce que la vitesse
actuelle des quotas est suffisante ?
Aujourd'hui, on entend beaucoup le fait que lorsque l'on
choisit une femme on ne choisit pas des hommes, et des hommes qui sont
prêts à prendre ce type de job, il y en a pleins. Donc lorsque
l'on prend une femme, il faut savoir dire aux hommes que ce ne seront pas eux
qui siègeront, ce qui n'est pas simple en ce moment. En effet, j'ai
connu un ancien dirigeant qui espérait beaucoup siéger au conseil
d'administration au moment de sa retraite, qui a mis beaucoup de mois avant
d'en obtenir un, parce que comme tout le monde lui disait « ton profil est
super mais je dois privilégier des candidatures de femmes en ce moment.
»
Les personnes très pro-quotas défendent aussi le
fait « pendant des années, il y avait des femmes très
compétentes qui n'ont jamais eu leur chance, on ne s'est même pas
posé la question de savoir si elle l'étaient parce que des hommes
devaient alors prendre leur place, donc après tout forcé le
système pendant dix ans, alors que pendant un siècle
c'était l'inverse... »
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Des choix doivent être faits et heureusement il y a plus
de vivier que d'élus. Il faut surtout éviter que ce soit toujours
les mêmes élues que l'on retrouve. On a trouvé la
poignée de femmes qui remplissaient (ndlr : les quotas) et que l'on
aille plus faire ce qui était la fraicheur du premier instant qui est
d'aller chercher des profils un peu originaux. Certaines femmes font des choix
en fonction des rémunérations dans les conseils, ce
n'était pas forcément l'idée de départ mais sans
doute un épiphénomène.
Question 10: Quelles sont vos aspirations pour l'avenir
?
Je pense continuer au sein des CdA mais il faut être
clair, tout ce que j'ai fait, c'était été lié
à ma fonction chez Total. On est jamais venu me cherche pour mon
curriculum vitae, je n'ai jamais été
rémunérée pour ces administrations-là, toujours
j'étais dans le cadre de ma fonction. C'est un peu particulier quand
même. Le jour où je démissionne de ma fonction chez Total,
je démissionne de manière siné qua none de tous les
conseils d'administration où je suis.
D'un point de vue entité juridique et gouvernance, dans
certains je représente l'entreprise, dans d'autre je suis
administratrice indépendante mais je suis nommée de par le poste
que j'ai.
Ce qui est important de souligner, c'est qu'il ne faut pas
rentrer sans être formé. Moi quand j'ai été
nommée dans un conseil d'administration, j'ai souhaitée
participer via l'Institut Français des administrateurs qui aident les
femmes à se former, savoir quelles vont être les missions, les
attributions et les non attributions. Beaucoup d'administrateurs vont
au-delà de leur rôle d'administrateurs. Cela engendre pour
conséquence de donner une image de personnes qui sachent tout faire. Il
y a aussi une question de formation et qu'il faut soi même aller se
former, même si ce n'est pas proposé par les entreprises.
Moi-même, Total ne m'a jamais proposé ce type de formations, ils
pensaient que je saurais faire cela de manière .... Que ce serait
inné. Effectivement, il faut oser aller le faire, même si cela
peut paraitre un peu scolaire de ma part mais cela m'a permis de me sentir plus
solide dans mes décisions. Mais c'est peut-être moins
français, la cooptation a encore une grande place également.
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