INTRODUCTION GÉNÉRALE
I- INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE
L'investissement constitue le processus de renouvellement et
d'accroissement du capital d'une économie. En macroéconomie, le
poids de l'investissement est mesuré par le taux d'investissement. Ce
dernier est le ratio de la formation brute de capital fixe (FBCF) au montant du
PIB. Bon nombre d'économistes, à l'instar d'Harrod (1939), de
Domar (1947)1, de Robinson (1956), de Paul Romer (1986)2,
de Barro (1990), pour ne citer que ceux-là le considèrent comme
le principal moteur de la croissance économique. Levine et Renelt (1992)
ont montré que l'investissement est l'unique facteur qui reste
corrélé au taux de croissance économique quels que soit la
spécification, les périodes ou les pays étudiés.
Dans le modèle de Kenneth Arrow (1962)3 exposant les «
effets d'apprentissage par la pratique », le stock de connaissances d'une
société dépend de son investissement brut cumulé.
L'Asie de l'Est en est le témoignage parfait, sa croissance accusait un
taux de 7 à 8% par an, concourue par des taux de formation brute de
capital fixe d'environ 30% du PIB4. Suivant le modèle
d'Harrod-Domar, l'investissement a deux composantes : du côté de
la demande, il est créateur de revenu à court terme par son effet
multiplicateur ; du côté de l'offre, à long terme il
augmente la capacité productive de l'économie. En un mot,
l'investissement est inhérent à la création de richesses
au sein d'une économie. Cette opération indispensable qu'est
l'investissement de laquelle dépend, selon les économistes, la
maintenance de la productivité des facteurs de production, capital et
travail, est liée dans une économie de marché aux choix
des entrepreneurs. L'investissement repose sur leur confiance en l'avenir ainsi
que sur l'anticipation qu'ils portent sur l'environnement économique.
Ce lien serré entre investissement et croissance
suscite à analyser les déterminants de l'investissement productif
en vue de mieux cerner quelle mesure de politique économique capable de
soutenir une progression équilibrée de l'investissement.
1 ARROUS Jean. Croissance et Fluctuations. Editions
Dalloz, Rue Soufflot, 1991.
2 Agence Universitaire de la Francophonie. Pourquoi
la croissance, la croissance pour quoi ? (Revue Economique), 1997.
3 Ibid.
4 Op. cit.
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Nous avons jeté notre dévolu sur la
période allant de 1981 à 2010 du fait qu'elle marque la chute
drastique du niveau de la production, des principaux indicateurs
macroéconomiques et une détérioration
invétérée du niveau de vie.
Ce présent travail, de portée académique,
sous l'égide des analyses empiriques c'est-à-dire statistiques et
économétriques, peut servir de référence parmi tant
d'autres aux pouvoirs publics en vue d'orienter la politique économique
dans le cadre de facilitation et d'incitation aux projets d'investissements
productifs en Haïti.
Problématique
Au tournant des années 80, le taux de croissance moyen
de l'investissement en Haïti est relativement élevé en
volume. Ainsi, il accusait un taux de 11.01 % du PIB de 1981 à 1990, et
16.78 % de 1991 à 2000. Et enfin, Il s'estimait à un taux moyen
de 27.40 % pour la période de 2001 à 20105.
Au niveau macroéconomique, les débats sur les
motifs de la décision d'investissement suscitent des controverses entre
les économistes de différents courants de pensée et
débouchent sur quatres paradigmes considérés comme les
variables traditionnelles de la décision d'investissements, telles que :
Le coût du capital, la demande, la disponibilité du financement et
les anticipations de profits.
Suivant l'approche keynésienne, l'investissement est
fonction de son coût et de son rendement : le rendement est
représenté par l'efficacité marginale du capital , le
coût de l'investissement est mesuré par le taux
d'intérêt peu importe le mode de financement, interne à
savoir l'épargne nationale et externe donc l'épargne externe.
Dans ces conditions, les entrepreneurs s'apprêtent à investir au
cas où le rendement est supérieur au coût, en d'autres
termes lorsque l'efficacité marginale du capital6 est
supérieure au taux d'intérêt.
Le point essentiel chez Keynes tient au fait que
l'investissement est indépendant du niveau de revenu ou de production
(Y) de cette économie : Il est stable quelle que soit l'évolution
de la production. Donc, l'investissement ainsi défini est autonome. En
somme, la
5 Voir tableau VIII en annexes.
6 L'éffcacité marginale
représente la productivité de l'investissement. Elle est
mesurée le plus souvent par L'ICOR.
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fonction d'investissement est une fonction décroissante
du taux d'intérêt. Keynes parle également de
l'investissement induit qui dépend de la production sans prendre les
délais d'ajustement. Cette considération fait
référence à la notion d'accélérateur
simple.
Le point de vue ci-dessus est contesté par les
néoclassiques. Pour eux, suivant le principe de
l'accélérateur, découvert par l'économiste
français Albert Aftalion7 en 1909 et largement mis en oeuvre
par Clark, la dépense d'investissement dans une économie est
fonction de la demande, c'est-à-dire de l'importance de la variation de
la production nationale avec les délais d'ajustement. Bien qu'on fasse
l'hypothèse que l'investissement dépend seulement du niveau de la
production. Pour que l'investissement net, différence entre le stock de
capital désiré et le stock de capital effectif, augmente au cours
du temps, il s'avèrerait donc indispensable que le produit national
s'accroisse à un rythme de plus en plus
accéléré.
D'autres économistes, à l'instar d'Asante (2000)
et Gani (2004)8 considèrent la disponibilité du
financement comme le déterminant clef de la décision d'investir.
Donc une augmentation du crédit dans l'économie engendre un
accroissement de l'investissement dans l'économie ceteris paribus.
Un courant de pensée récent évoque la
notion de profitabilité comme variable explicative de la décision
d'investissement. En ce sens, le coefficient Q de Tobin (1969) est la
formulation la plus répandue qui correspond à l'efficacité
marginale du capital de Keynes (1936). Donc les anticipations de profits
élevés incitent les entrepreneurs à accroitre leur volume
d'investissement.
Ces différentes approches sus-mentionnées
s'apparentent, bien qu'elles s'opposent, en quelque sorte à
l'économie haïtienne. Cependant, elles semblent présenter
des limites à l'explication de la réalité de
l'investissement au cours de la période sous-étude.
Quant aux taux d'intérêts moyens sur les
prêts, ils sont pratiquement élevés en Haïti. En
effet, pour la période allant de 1981 à 1990, ils affichaient un
taux de 15.60 % pour un taux d'investissement privé moyen de 11.01 % .
Au cours de la deuxième décennie allant de 1991 à 2000, le
taux d'intêt moyen sur les prêts s'estimait à 20 %, soit une
tendance haussière de 28.21% du taux d'intérêt par rapport
à la décennie précédente, le niveau de
l'investissement
7 Aftalion (1909, cf. Bernier,2001)
8 Voir NDIAYE, 2007.
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affichait un taux de 16.78 point de pourcentage en moyenne
pour cette décennie9, soit une hausse tendancielle de 52.41 %
. Enfin, au cours de la dernière décennie allant de 2001 à
2010, le taux d'intérêt accusait un pourcentage de 26.36 % pour un
taux d'investissement privé de l'ordre de 27.40 % . La théorie
suivant laquelle l'investissement est une fonction décroissante du taux
d'intérêt suscite ici des intérrogations.
Graphique I : Évolution comparée du Taux
d'intérêt et de l'investissement privé en pourcentage
du
PIB (1981-2010)
![](Les-determinants-de-la-productivite-de-linvestissement-prive-en-Haiti-un-modele--equation2.png)
45.00%
40.00%
50.00%
35.00%
30.00%
25.00%
20.00%
15.00%
10.00%
0.00%
5.00%
1981
1982
1983
1984
1985
1986
Taux d'interet Investissement priv/PIB
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Calculs de l'auteur à partir des
données de l'IHSI, de la BRH et du Yearbook FMI.
Quant au crédit10, indicateur de la
disponibilité du financement, il accusait un taux de 1.72 % pour un taux
d'investissement privé de 11.01 % au cours de la première
décennie (1981-1990). Pour la deuxième décennie allant de
1991 à 2000, malgré la chute du taux de crédit , affichant
un taux de 0.1436 %, l'investissement a varié à la hausse,
accusant un taux de 16.78 %. Pour la troisième et dernière
décennie (2001-2010), le crédit a encore chuté, s'estimant
à une variation de 0.1169 point de pourcentage, tandis que
l'investissement privé s'estimait à 27.40 %. Malgré la
faiblesse et la baisse tendancielle du crédit, l'investissement
privé affiche une tendance à la hausse. Ce qui semble être
à l'encontre des antécédants théoriques.
9Ibid., p.3 10 Ibid., p.4
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Graphique II: Évolution comparée du
Crédit et de l'investissement privé (1981-2010)
![](Les-determinants-de-la-productivite-de-linvestissement-prive-en-Haiti-un-modele--equation3.png)
-10.00%
40.00%
50.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
cred/pib Inv-priv/pib
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Calculs propres à partir des
données de l'IHSI, de la BRH et du Yearbook FMI.
En effet, la croissance de la production11,
indicateur de la demande, de 1981 à 1990 représentait -0.59 % et
simultanément l'investissement privé moyen affichait un taux
positif de 11.01 %. Pour la deuxième décennie allant de 1991
à 2000, Un faible taux de croissance du Produit Intérieur Brut de
l'ordre de 0.17 %, correspondait un taux moyen d'investissement privé
pratiquement élevé de l'ordre de 16.78 %. Lorsque la croissance
de la production se situe à 0.19% environ pour la période allant
de 2000 à 2010, l'investissement affiche un taux de 27.40%.
Malgré une faiblesse accrue de la demande, l'investissement privé
accusait des taux relativement élevés. Il s'ensuit une tendance
contradictoire, contrairement à ce que préconise la
théorie économique, entre l'investissement et la variation du PIB
en Haïti.
En fait, il est à remarquer, à travers l'analyse
ci-dessus, que des taux élevés d'investissements
génèrent des taux de croissance économique extrêment
faibles voire négatifs. Donc, en terme de volume l'investissement semble
être présent en Haïti mais il s'est
révélé inéfficace. Le faible effet induit de
l'investissement sur la croissance économique soulève la
problématique de la productivité de l'investissement.
11 Voir tableau VIII en annexe.
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Graphique III : Évolution comparée du taux
de Croissance économique et de l'investissement privé en
pourcentage du PIB (1981-2010)
![](Les-determinants-de-la-productivite-de-linvestissement-prive-en-Haiti-un-modele--equation4.png)
-10.00%
-20.00%
40.00%
50.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%
1981
1982
1983
Investissement prive/PIB Taux de croissance du PIB
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Calculs propres à partir des
données de l'IHSI et du cahier de Recherche de la BRH.
Cet état des lieux montre d'une part, le vide
laissé par la fonction macroéconomique traditionnelle de la
décision d'investissement à expliquer le phénomène
haïtien et d'autre part la pertinence de la problématique de la
productivité de l'investissement. D'où une question s'impose :
Quelles sont les variables qui ont le plus influencé sur la
productivité de l'investissement privé en Haiti pour la
période de 1981 à 2010 ?
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